Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
Mmes Odette Herviaux, Marie-Noëlle Lienemann.
transfert des ouvrages d'art vers les collectivités territoriales
Question n° 588 de M. Jean-Luc Fichet. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Jean-Luc Fichet.
contraintes qui pèsent sur les zones de captage d'eau
Question n° 521 de M. Hervé Maurey. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Hervé Maurey.
risques d'exploitation et d'exploration des gaz de schiste dans le département de l'essonne
Question n° 603 de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Jean-Vincent Placé.
Question n° 455 de M. Martial Bourquin. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Martial Bourquin.
Question n° 541 de M. Roland Courteau. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Roland Courteau.
Suspension et reprise de la séance
recrutement et rémunération des personnels en temps d'activité périscolaire
Question n° 568 de M. Antoine Lefèvre. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Antoine Lefèvre.
pérennisation de l'apprentissage de l'occitan tout au long du cursus scolaire
Question n° 607 de M. Claude Bérit-Débat. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Claude Bérit-Débat.
situation des roms : en finir avec le nomadisme forcé
Question n° 590 de M. Michel Billout. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Michel Billout.
exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en zone « natura 2000 »
Question n° 593 de M. Philippe Leroy. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Philippe Leroy.
Suspension et reprise de la séance
adoption d’enfants originaires d’haïti
Question n° 587 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Yannick Vaugrenard.
avenir de la maison d’arrêt d’aurillac
Question n° 592 de M. Jacques Mézard. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jacques Mézard.
reconstruction du centre pénitentiaire de bordeaux-gradignan en gironde
Question n° 600 de M. Gérard César. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Gérard César.
Suspension et reprise de la séance
transparence des frais de recouvrement de créance
Question n° 580 de M. Henri Tandonnet. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Henri Tandonnet.
instauration d'une taxe européenne sur les transactions financières
Question n° 544 de M. Dominique Bailly. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Dominique Bailly.
Suspension et reprise de la séance
indemnité d'installation des fonctionnaires à saint-barthélemy
Question n° 579 de M. Michel Magras. – MM. Victorin Lurel, ministre des outre-mer ; Michel Magras.
présentation à l'examen du permis de conduire
Question n° 525 de Mme Catherine Procaccia. – M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer ; Mme Catherine Procaccia.
pour une meilleure couverture en téléphonie mobile de tous les territoires
Question n° 471 de M. Jean Boyer. – MM. Victorin Lurel, ministre des outre-mer ; Jean Boyer.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
4. Démission de membres de commissions et candidatures
5. Loi de finances pour 2014. – Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
Discussion générale : MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
MM. Christian Bourquin, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Jean-Vincent Placé, Mmes Michèle André, Colette Giudicelli.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Motion n° I-7 de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, Michèle André, MM. François Marc, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Jacques Mézard. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de l’ensemble du projet de loi.
6. Nomination de membres de commissions
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
Mme Odette Herviaux,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
transfert des ouvrages d'art vers les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 588, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de nombreuses communes ont vu leur développement économique et démographique s’engager avec la création d’infrastructures routières et ferroviaires. Cette politique des grands travaux, mise en œuvre après la Seconde Guerre mondiale, avait pour finalité de désenclaver les territoires. Des routes, des ponts, des tunnels – ce que l’on désigne globalement sous le nom « ouvrages d’art » – ont alors été construits.
L’État a longtemps assumé l’entretien de ces ouvrages, tels les ponts qui surplombent des voies rapides, au regard de l’expertise nécessaire et du coût des travaux. Aujourd’hui, l’émergence de la problématique en cause est liée à un double mouvement : d’une part, le transfert de la gestion des routes nationales aux collectivités territoriales, en particulier aux départements et, de l’autre, l’évolution des statuts de la SNCF ou de Voies navigables de France, dont le fonctionnement s’apparente de plus en plus à celui de sociétés privées.
Faute de règles juridiques précises et incontestables, les principes régissant cette question ont été définis via une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’État, selon laquelle les ouvrages d’art de rétablissement de voies interrompues par la construction d’une nouvelle infrastructure de transports sont incorporés à l’infrastructure dont ils relient les deux parties. Ce principe est valable alors même que l’ouvrage d’art a été construit par une autre personne morale que celle qui assure l’entretien de la voie portée.
De nombreuses collectivités territoriales ignorent les obligations qui leur incombent : or la collectivité est responsable de la surveillance, de l’entretien, de la rénovation et du renouvellement éventuel de l’ouvrage d’art !
Plusieurs communes et départements ont récemment reçu une information officielle leur détaillant leurs obligations d’entretien et de mise aux normes de ces ouvrages. À cet égard, une polémique a éclaté l’été dernier. Dans mon département, les communes de Saint-Ivy et de Rédéné m’ont alerté sur ce sujet.
Madame la ministre, il faut le rappeler, les projets de réalisation d’une infrastructure de transports coupant une voirie déjà existante comme les projets de rétablissement, sont, la plupart du temps, imposés par l’État à la collectivité territoriale. Celle-ci ne dispose d’aucun pouvoir de décision mais elle doit en payer la facture !
Le Sénat s’est penché sur cette grave question. Au mois de mars 2012, il a adopté une proposition de loi, présentée par notre collègue Mme Evelyne Didier, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies. Ce texte était destiné à définir un cadre protecteur pour les collectivités territoriales. Il bénéficiait du soutien de l’Association des maires de France et de l’Association des départements de France. Las, l’Assemblée nationale ne s’est pas saisie à son tour de cette question essentielle.
Pourtant, le poids financier qui résulte de l’application des principes jurisprudentiels en la matière est si important que les collectivités ne peuvent faire face de manière satisfaisante à leurs obligations, même si elles s’exposent à voir leur responsabilité pénale engagée.
Faute de moyens financiers mobilisables, certaines collectivités sont contraintes de réduire le service rendu par leur voie, voire d’en interdire l’utilisation pour des raisons de sécurité. À ce titre, le Gouvernement a-t-il prévu un dispositif particulier permettant d’accompagner les plus petites collectivités territoriales dans cette nouvelle gestion, qu’il est difficile de laisser à leur seule charge ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie avant tout d’excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, qui est actuellement à Bruxelles, dans le cadre du conseil des ministres européens de la pêche.
Comme mon collègue vous l’a indiqué en réponse à la question écrite que vous avez consacrée à ce sujet, « en matière d’ouvrages de franchissement, la solution dégagée par la jurisprudence, de portée constante, impose au propriétaire de la voie portée d’entretenir l’ouvrage, sauf convention contraire. Ce principe s’applique à toutes les catégories d’infrastructures de transport – routes, chemins de fer, canaux – quel que soit le schéma de superposition entre deux voies et quels que soient les maîtres d’ouvrage de l’infrastructure nouvelle : l’État et ses concessionnaires, les établissements publics et leurs concessionnaires, ou les collectivités territoriales. »
C’est dans ce cadre que la direction interdépartementale des routes de l’Ouest a sollicité par courrier les communes et départements pour lesquels elle assure encore aujourd’hui la surveillance et l’entretien de certains ouvrages supportant les voies de ces territoires. Il s’agit de la mise en application des dispositions législatives actuelles.
À la suite de ce courrier, les élus des communes de Rédéné et de Saint-Yvi, dans le Finistère, qui comptent chacune moins de 3 000 habitants, ont interpellé le ministre des transports. À Rédéné, les ponts de Sainte-Marguerite et Kerdudal permettent le franchissement de la nationale 165 et des voies ferrées, avec des ouvrages longs de soixante-dix mètres. Il en va de même pour la commune de Saint-Yvi, où trois ouvrages permettent de franchir cette même route.
Par ailleurs, au mois de mars 2012, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières relatives aux ouvrages d’art de rétablissement de voies.
Sensible aux difficultés des petites communes, Frédéric Cuvillier a demandé à ses services d’examiner les évolutions législatives et réglementaires envisageables, sur la base de cette proposition de loi et dans le respect du principe jurisprudentiel exigeant que la propriété de l’ouvrage revienne au propriétaire de la voie qu’il porte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Merci, madame la ministre, de votre réponse. Je le sais, M. Cuvillier est pleinement conscient que les petites collectivités doivent tout d’un coup supporter une charge financière qu’elles n’avaient absolument pas anticipée, et qui est très lourde ! De fait, les ouvrages d’art mobilisent nombre d’experts et d’entreprises spécialisées, et le coût de chaque opération se révèle faramineux.
Je le répète, ces communes n’ont la capacité ni de conduire les travaux ni d’en assurer le financement. C’est pourquoi il importe qu’une nouvelle législation émerge prochainement, afin de les sécuriser et de répartir la charge entre les collectivités et l’État. Enfin, ce dernier doit éventuellement être en mesure d’assurer l’assistance technique. En effet, l’assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, qui ressort de l’échelon départemental, ne joue plus son rôle d’accompagnement des petites communes. Cela étant, celles-ci doivent être soulagées de cette charge, qui, je le répète, est très lourde !
contraintes qui pèsent sur les zones de captage d'eau
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 521, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Hervé Maurey. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les contraintes pesant sur les zones de captage d’eau et les difficultés qui en résultent pour les communes concernées.
L’alimentation de nos concitoyens en eau potable est assurée par plus de 30 000 points de captage d’eau. Depuis la loi sur l’eau de 1992, ces points de captage d’eau potable doivent faire l’objet de plusieurs périmètres de protection – immédiate, rapprochée et éloignée – assortis de restrictions importantes, afin d’éviter les pollutions.
Si la loi garantit l’indemnisation des propriétaires de terrains privés en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, ou de l’exploitant des terrains, elle n’assure pas, en revanche, de compensation pour les communes affectées par l’existence des périmètres de protection. Pourtant, la délimitation de périmètres de captage engendre des contraintes importantes, notamment en matière d’urbanisme.
Cette absence de contrepartie est souvent jugée inéquitable par les communes qui subissent ces contraintes, quand les collectivités voisines bénéficient de ces captages sans aucune contrainte.
Conscient des difficultés, au mois de janvier 2011, le Sénat a consacré un débat à la question de l’indemnisation des communes au titre du périmètre de protection de l’eau. Au cours de ces discussions, le gouvernement de l’époque s’était engagé, par la voix de son ministre chargé de l’écologie, à réfléchir aux conditions de mise en œuvre d’une solidarité financière en concertation avec les différents ministères concernés.
Depuis, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, ou CGEDD, a rendu public, au mois d’août 2012, un rapport qui conclut à l’urgence de ne rien faire ! Rappelant la règle de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme et environnementales, il a jugé « superfétatoire de prévoir une quelconque réglementation nouvelle » en la matière.
Face à cette situation, des parlementaires ont pris des initiatives. Je songe, notamment, à la proposition de loi du mois de juillet dernier visant à permettre aux communes d’obtenir une compensation financière en contrepartie des servitudes créées par l’instauration de périmètres de protection de la ressource en eau. Ce texte permet aux communes affectées par les périmètres de protection de bénéficier de la surtaxe perçue dans les communes sur le territoire desquelles sont situées des sources d’eau minérale.
Madame la ministre, quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition de loi ?
Par ailleurs, ces périmètres et les servitudes qu’ils suscitent sont des sources perpétuelles de tracasseries pour les collectivités concernées et leurs habitants, principalement en matière d’autorisation d’urbanisme. Ainsi, plusieurs communes de mon département sont empêchées de mener leurs projets de construction, ou abritent des entreprises qui pourraient être contraintes de fermer.
Par conséquent, au-delà de la question de l’indemnisation, comment les services déconcentrés de l’État pourront accompagner de manière particulière les communes qui doivent faire face à la très grande complexité des normes liées à ces périmètres ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’excuser le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Retenu ce matin à la présidence de la République par une réunion consacrée à la conférence Climat 2015, il m’a priée de vous adresser la réponse suivante.
La qualité de l’eau est un bien commun de la nation, et la protection des sources d’eau potable est par conséquent un enjeu majeur pour le Gouvernement.
Vous l’avez rappelé avec raison, le Conseil général de l’environnement et du développement durable a été saisi du sujet de l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de captages d’eau. Il a remis ses conclusions au mois d’août 2012.
Le CGEDD a rappelé les grands principes s’opposant à une indemnisation spécifique des communes lieux de prélèvement, au-delà des préjudices matériels, directs ou parfois subis. L’eau est un bien commun et n’appartient pas à une quelconque collectivité. Ainsi, le principe qui s’applique est la non-indemnisation des servitudes d’urbanisme.
Selon ce rapport, la réglementation en vigueur, la jurisprudence et le pragmatisme des acteurs de terrain permettent de résoudre de manière apparemment satisfaisante la plupart des problèmes constatés concrètement.
Par ailleurs, le CGEDD a relevé que les difficultés demeurant sont essentiellement dues à des problèmes relationnels entre les grandes agglomérations et certaines communes rurales périurbaines. Ces obstacles sont en grande partie liés au morcellement communal propre à la France.
En conclusion, le CGEDD suggère d’explorer en priorité la voie de l’amélioration de la collaboration et de la compréhension mutuelle entre les communes où ont lieu les prélèvements d’eau et celles qui en bénéficient. De telles solidarités existent d’ailleurs déjà, notamment dans le cadre des syndicats de l’eau. Dans de nombreuses agglomérations, le syndicat d’alimentation en eau voire la société responsable des transferts d’eau ont d’ores et déjà mis en œuvre des compensations sous des formes variées. Je citerai, à titre d’exemple, les accords conclus entre plusieurs collectivités se traduisant par un prix de l’eau plus avantageux pour la commune du lieu de prélèvement.
Globalement, le Gouvernement a bien pris conscience des difficultés de mise en œuvre des périmètres de protection – immédiate, rapprochée et éloignée – des captages d’eau potable. Ce sujet a du reste été évoqué à la table ronde sur l’eau organisée lors de la conférence environnementale de cette année. Dans le cadre de la feuille de route issue de ces discussions, une mission a précisément été confiée au CGEDD, afin d’étudier les pistes de rapprochement et d’harmonisation de ces différents types de périmètres.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, vous nous avez rappelé que l’eau était un bien commun, ce que je ne remets nullement en cause. Par ailleurs, vous avez souligné que cette ressource ne peut appartenir à une commune, quelle qu’elle soit. Sur ce point également, je suis bien sûr tout à fait d’accord avec vous !
Toutefois, si l’eau n’appartient pas à une commune en particulier, pourquoi les contraintes inhérentes à son captage reviendraient à cette dernière et à elle seule ? Sur ce point, je prends quelques distances avec vos propos et avec le rapport remis par le CGEDD, auquel vous vous référez. En particulier, il ne me semble pas que le problème se cantonne dans les relations entre les grandes agglomérations et les communes rurales.
Je le répète, je regrette la tonalité de ce rapport. Or vous en reprenez les conclusions pour dire, finalement : « Tout va très bien, madame la marquise, circulez, il n’y a rien à voir ! »
Vous l’avez indiqué vous-même, certains accords contractuels ont été conclus entre communes. À mon sens, ces pistes sont extrêmement intéressantes. Il faut se fonder sur de telles démarches, les étendre, voire les généraliser ! Alors que l’on parle beaucoup de solidarité et de péréquation entre les communes et entre les territoires, il est urgent d’intervenir : certaines communes subissent des contraintes colossales, notamment en matière d’urbanisme, parce qu’elles abritent un point de captage d’eau, sans bénéficier, pour l’heure, de la moindre compensation.
risques d'exploitation et d'exploration des gaz de schiste dans le département de l'essonne
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, auteur de la question n° 603, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le problème majeur des recherches de gaz et pétrole de schiste dans le département de l’Essonne.
Au mois de décembre 2011, une société canadienne, Vermilion Energy, spécialisée dans l’exploitation des gaz et pétrole de schiste par fracturation hydraulique, a obtenu des concessions de mines d’hydrocarbures situées sur les communes d’Itteville, de Vert-le-Grand, de Vert-le-Petit et du Plessis-Pâté.
Bien que l’entreprise se défende de vouloir procéder à une production de gaz et pétrole de schiste, divers aménagements ont été remarqués à l’intérieur des concessions. Ainsi, pendant le mois d’août, une très haute tour a été discrètement installée dans la concession d’Itteville.
Parce que cette tour ressemble à celles qui sont utilisées dans les recherches de pétrole de schiste, nombre d’observateurs ont craint un repérage. De surcroît, les préconisations du rapport de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur ce sujet, dont les auteurs appellent à l’autorisation de forages expérimentaux, ont renforcé la méfiance, le terrain étant tout à fait approprié pour ce genre d’expérimentation.
Depuis lors, la contestation s’est progressivement mise en place. De nombreuses réunions publiques et manifestations ont été organisées et beaucoup d’élus ont marqué leur désapprobation au projet. Le 4 novembre dernier, le conseil général de l’Essonne a notamment adopté, à une très large majorité, toutes sensibilités politiques confondues, une motion visant à rappeler son opposition à l’exploitation et à l’exploration des gaz et pétrole de schiste par cette industrie pétrolière.
À ce titre, je tiens à évoquer la pugnacité du maire de Plessis-Pâté, mon ami Sylvain Tanguy, qui se bat avec courage pour préserver sa commune des nombreuses nuisances et pollutions liées à la fracturation hydraulique.
Fort heureusement, la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre dernier a permis d’apaiser une partie des craintes des riverains. Les Sages ont en effet entériné la loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, en la déclarant conforme à la Constitution. La position ferme du Président de la République et du Gouvernement se voit donc confirmée.
Madame la ministre, les Essonniens et Essonniennes demandent à être rassurés encore davantage, car ils tiennent ardemment à la protection de l’environnement dans leur département et au respect de leur bassin de vie.
C’est pour cette raison que je me permets de vous demander de réaffirmer la position du Gouvernement sur ce dossier, pour ce qui concerne tant l’échelon national que mon département de l’Essonne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui m’a demandé de répondre à sa place.
Sur un plan général, votre intervention traduit bien la profonde crise de confiance qui opacifie aujourd’hui toutes les questions minières dans notre pays et sape les relations entre les industriels, l’État, les élus et l’ensemble de nos concitoyens.
Face à cette méfiance, une seule méthode peut être retenue : celle que le Gouvernement a mise en œuvre, lorsqu’il a repris en main l’examen des demandes de mutation de plusieurs permis de recherches en Île-de-France présentées par la société Hess Oil, à savoir la concertation, la transparence et le respect des expertises, y compris celle des citoyens.
Le Gouvernement a ainsi demandé à un conseiller d’État de formuler, dans la concertation, avec l’ensemble des parties prenantes, et en toute autonomie, des propositions de réforme du code minier.
Ces propositions lui ont été remises le 10 décembre dernier. Leur ambition est double : réconcilier économie et écologie et permettre une véritable participation des citoyens à l’élaboration des décisions minières ayant une incidence sur l’environnement, pour sortir de l’opacité et de la méfiance.
Pour le cas qui vous préoccupe, monsieur le sénateur, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a souhaité faire une réponse précise. La société Vermilion REP est la filiale française d’un groupe canadien. Premier producteur français de pétrole, elle exploite des concessions, notamment en Aquitaine, où elle a son siège depuis plus de quinze ans. À ce titre, ses activités engendrent directement ou indirectement 600 emplois. En 2012, elle s’est acquittée de 65 millions d’euros d’impôts et de 10 millions d’euros de redevances locales sur ses activités minières.
Les concessions qu’elle exploite en Île-de-France, notamment celle d’Itteville dans l’Essonne, dont vous parliez à l’instant, sont anciennes et ont été délivrées à une époque où il n’était pas question de gaz de schiste. Ces exploitations ne concernent que du pétrole conventionnel.
La haute tour que vous évoquez est un rig permettant de forer des puits pour récupérer les hydrocarbures. Il est inconcevable qu’un exploitant minier puisse procéder en catimini à l’exploration, à l’exploitation ou à la recherche de gaz de schiste par fracturation hydraulique. Les équipements nécessaires sont lourds, typiques, notamment en raison de leurs besoins en eau, et aisément repérables par les services du ministère chargés de la police des mines.
Par ailleurs – ce sera mon dernier point –, le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a, le 10 octobre dernier, validé sans réserve la loi du 13 juillet 2011, a précisé que l’interdiction de recourir à la fracturation était « générale et absolue ». Cela signifie que celle-ci s’applique à tous les travaux et à toutes les substances, aux demandes de permis mentionnant les gaz de schiste comme aux autorisations anciennes qui n’évoquent que des objectifs conventionnels.
Tous les préfets et les services déconcentrés du ministère ont reçu instruction, le 19 septembre 2012, d’inspecter régulièrement les ouvrages miniers, les opérateurs devant faire un rapport de leurs activités.
S’agissant de la concession d’Itteville, ces contrôles n’ont pas révélé d’utilisation de la fracturation hydraulique.
Tout comme vous, monsieur le sénateur, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie reste vigilant concernant l’application de la loi du 13 juillet 2011. La position du Gouvernement, fixée par le Président de la République, est donc claire : il n’y aura ni exploration ni exploitation d’hydrocarbures de roche mère par fracturation hydraulique en France. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Je vous remercie sincèrement, madame la ministre, de cette réponse complète et précise. Je tiens à saluer, sur ce sujet, la constance du Gouvernement, dont je ne doutais d’ailleurs pas. Il défend avec ténacité ses positions, malgré les nombreux obstacles placés sur sa route par les lobbyistes, invoquant des intérêts économiques singulièrement dans la presse.
Je tiens à saluer plus particulièrement le travail de Philippe Martin, qui, avec Pascal Canfin, se trouve en ce moment même à la présidence de la République pour évoquer la conférence Climat 2015.
Le message très clair que vous venez de transmettre avait déjà été diffusé le 28 novembre dernier : le Gouvernement avait en effet refusé de valider le transfert à la compagnie pétrolière Hess Oil de sept permis pétroliers situés en Seine-et-Marne et dans l’Aisne.
Votre réponse me satisfait totalement, madame la ministre. Dans la mesure où le procédé de fracturation hydraulique rend les choses irréversibles sur le plan environnemental, en particulier pour ce qui concerne les nappes phréatiques, votre positionnement me paraît particulièrement important pour notre environnement, nos espaces naturels et notre biodiversité.
inquiétudes des maires quant à l'avenir de leurs compétences territoriales en matière de droit des sols
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 455, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2013 a été une année de réformes importantes, qui ont fait évoluer l’organisation territoriale de notre pays.
Le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, tout d’abord, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « projet de loi ALUR », ensuite, et la réforme de la politique de la ville, enfin, prévoient de renforcer le rôle des intercommunalités et des métropoles pour favoriser la construction, le logement et l’initiative économique. Ces réformes – je pense notamment au projet de loi ALUR – ont suscité parfois de très vives inquiétudes parmi les maires et nos concitoyens, lesquels, dans un contexte de crise économique, ont plus que jamais besoin de savoir qui fait quoi. Les maires, notamment les maires ruraux, ont ainsi très peur que la compétence relative au droit des sols ne soit, dans un futur proche, sous couvert d’économies de bouts de chandelle et d’efficacité supposée, transférée d’autorité à l’intercommunalité.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Martial Bourquin. Or, dans notre assemblée, chacun sait, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, qu’une ville ou un village ne disposant plus de cette compétence et de la capacité à la transférer ou non est une commune sans moyens d’agir.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Dans cette enceinte, nous le savons également tous, pour être efficace, l’intercommunalité doit être choisie et non subie.
J’en parle d’autant plus librement que je suis maire d’une ville de 15 000 habitants qui aménage, construit et bâtit, y compris des logements sociaux.
J’en parle encore plus librement que cette commune a délégué à son intercommunalité des compétences en termes d’aménagements et de déplacements urbains et que ces transferts consentis sont une réussite.
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, à qui je faisais part mardi dernier en commission de ces inquiétudes, m’indiquait que la commune et l’intercommunalité devaient œuvrer ensemble, en complémentarité et non en subsidiarité. La complémentarité, c’est le respect et le volontariat.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, notre attachement à la commune n’est pas un réflexe passéiste. Nous pensons que celle-ci est le pilier de la République. L’éloignement des pouvoirs – je pense notamment au droit des sols – serait un coup dur porté à la démocratie de proximité. Nous estimons que la commune est moderne, et qu’elle est le socle incontournable de la République.
Pour l’ensemble du Gouvernement, le droit des sols continue-t-il à être une compétence propre aux communes ? Pouvez-vous nous assurer ici-même qu’il le restera ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Cécile Duflot, qui m’a demandé de vous répondre à sa place.
Vous appelez son attention sur le projet de transférer automatiquement la compétence en matière de plan local d’urbanisme à l’échelon intercommunal pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération.
Le plan local d’urbanisme est un outil essentiel d’aménagement de l’espace. Au travers de cette mesure, la volonté du Gouvernement est de promouvoir l’élaboration de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ou PLUI, à une échelle territoriale qui ait tout son sens.
L’approche intercommunale permet d’abord d’appréhender une gestion économe de l’espace. Elle offre ensuite la possibilité de mener une réflexion d’ensemble sur les différents enjeux du territoire, en intégrant des dispositions relatives à l’aménagement, à l’habitat et aux transports.
Le PLUI permet une mutualisation des moyens financiers et d’ingénierie, souvent difficilement mobilisables au seul échelon communal. Il s’agit aussi de permettre aux élus d’exercer pleinement une compétence que beaucoup d’entre eux n’assurent pas aujourd’hui, puisque près de 40 % des communes relèvent du règlement national d’urbanisme.
Par ailleurs, concernant la gouvernance, vous soulignez, monsieur le sénateur, que cette mesure d’automaticité réduirait le rôle de nombre de petites communes à celui d’une chambre d’enregistrement, dépourvue de capacité de décision ou d’opposition.
Sur la question du transfert, le projet de loi ALUR, voté en première lecture au Parlement, confirme que le PLUI sera la règle, tout en donnant aux communautés de communes un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi pour s’y préparer. De plus, les élus ne souhaitant pas le transfert à l’échelon intercommunal de la compétence en matière d’urbanisme pourront s’y opposer au travers de la mise en place d’une minorité de blocage.
De surcroît, outre les garanties actuelles inscrites dans le code de l’urbanisme en matière d’association des maires, le projet de loi ALUR ainsi que les amendements votés lors de la première lecture au Parlement renforcent la collaboration entre les communes et l’instance communautaire.
Il est notamment prévu qu’un débat portant sur les évolutions nécessaires du PLUI sera organisé tous les ans. La délibération de prescription prévoit aussi la tenue d’un débat sur les modalités de la concertation à mener entre l’établissement public de coopération intercommunale compétent et ses communes membres, et précise son organisation.
Pour les communautés de communes ou les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune émet un avis défavorable sur des dispositions la concernant, le projet de loi prévoit également que la commission de conciliation puisse être saisie et formuler des propositions dans le délai d’un mois.
Il est également envisagé un renforcement des conditions de majorité requises ensuite pour voter l’arrêt du projet comme pour l’approuver.
Les communes pourront aussi demander à être couvertes par un plan de secteur.
Par ailleurs, je rappelle que les maires conserveront la compétence en matière de délivrance des permis de construire.
Au travers de toutes ces mesures, il s’agit bien, monsieur le sénateur, de prendre en compte les spécificités des communes et de leur laisser du temps pour conduire cette réforme majeure.
En outre, le ministère de Cécile Duflot accompagne les communautés, par le biais du club PLUI, qui met en réseau les intercommunalités, leurs élus et leurs techniciens, lesquels peuvent ainsi échanger leurs bonnes pratiques en matière de gouvernance et de co-construction.
L’ensemble de ces dispositions doit permettre de bien prendre en compte les intérêts légitimes des communes et de démontrer l’intérêt général que revêt l’élaboration d’un PLU communautaire.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, j’ai bien écouté votre réponse et je voudrais préciser ma pensée.
Je voudrais être bien certain que l’Assemblée nationale ne reviendra pas sur la minorité de blocage – un quart des communes représentant 10 % de la population – qu’a introduite le Sénat lors de l’examen du projet de loi ALUR et que vous avez évoquée dans votre réponse.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. Il existe actuellement un projet funeste qui ne dit pas son nom et dont tout le monde parle, projet que M. Lamassoure a détaillé dans la revue Challenges et qui fait son chemin dans l’ensemble des courants de pensée. Selon ses partisans, nos 36 000 communes sont trop nombreuses ; il faudrait en fait 5 000 intercommunalités, ce qui permettrait de réaliser des économies.
M. Roland Courteau. Cela fait des siècles qu’ils disent cela !
M. Martial Bourquin. Quand on sait la crise politique que nous vivons aujourd’hui, le degré d’anomie de notre société dans sa relation avec la représentation politique, rien ne serait plus grave que de retirer aux maires, aux conseils municipaux leurs prérogatives en la matière.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Martial Bourquin. Selon moi, rendre le PLUI obligatoire est une erreur. Au Sénat, nous avons tenté d’apporter une correction en instituant cette minorité de blocage : le droit des sols doit rester une compétence essentielle des maires.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Martial Bourquin. Si le maire doit désormais se contenter de signer les permis de construire sans pouvoir exercer la moindre compétence en matière de droit des sols, alors il se transformera en simple signataire d’un permis qu’il n’aura pas lui-même délivré.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Martial Bourquin. Au terme d’un débat très dense avec la ministre de l’égalité des territoires et du logement, celle-ci a accepté la proposition du Sénat de créer cette minorité de blocage, qui est une avancée extraordinaire. L’ensemble de mes collègues, sur quelque travée qu’ils siègent, demandent que l’Assemblée nationale ne revienne pas sur l’amendement voté par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 541, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Roland Courteau. Le problème posé par la sécurité ferroviaire sur les lignes dites « classiques » a été tragiquement mis en lumière avec le terrible accident survenu dans l’Essonne, le 12 juillet dernier.
Si nous voulons inciter nos concitoyens à utiliser les transports en commun – c’est aussi l’une des finalités du débat sur la transition énergétique –, encore faut-il que ces derniers offrent toutes les garanties de sécurité nécessaires.
Plusieurs organisations syndicales ont indiqué avoir alerté depuis très longtemps la direction de la SNCF sur la dégradation du réseau sur le plan national, mais également en Languedoc-Roussillon, dans l’Aude et en région narbonnaise.
Je tenais à attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que, dans ces secteurs, le réseau ferré ferait partie des lignes récemment qualifiées de « malades », faute d’investissements suffisants et d’un entretien régulier.
Madame la ministre, il a été dit que le mauvais état du réseau et, concomitamment, l’abaissement du niveau de sécurité seraient la conséquence d’un recours massif à la sous-traitance, pas toujours expérimentée ni qualifiée, et de la perte des savoir-faire due aux départs à la retraite non remplacés et à la réduction continue des effectifs. Depuis dix ans, on dénombre deux cents cheminots en moins sur le seul site de Narbonne, dans l’Aude.
Ainsi, même si, d’un point de vue national et selon l’Agence ferroviaire européenne, les chemins de fer français se classent à la troisième place en matière de sécurité ferroviaire sur le vieux continent, nous ne pouvons ignorer que les cheminots s’inquiètent de l’avenir du rail et des problèmes de sécurité.
Selon eux, la surveillance et l’entretien du réseau ferroviaire se sont dégradés. Ainsi, pendant une longue période, la France a sensiblement moins investi dans la maintenance de son réseau que ses voisins européens.
C’est pourquoi, même si des efforts ont été entrepris à peu près depuis 2005, les dirigeants de Réseau ferré de France eux-mêmes estiment que l’effort de rénovation reste insuffisant pour maintenir la performance du réseau.
D’où ma question : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre, et sous quels délais, pour remédier à cette situation plus que préoccupante, à la fois pour la performance des transports ferroviaires, mais aussi pour la sécurité des passagers ?
La France restera-t-elle un grand pays ferroviaire ? Je le souhaite, car le ferroviaire joue un rôle majeur dans les déplacements et l’accessibilité des territoires, pour ce qui concerne tant les voyageurs que le fret, les longues ou courtes distances, à l’échelle locale, nationale ou internationale.
Comme le réaffirme le Conseil économique, social et environnemental, les infrastructures de transport, plus particulièrement les liaisons ferroviaires, doivent contribuer à l’équité territoriale et à ce qu’aucun territoire ne soit délaissé.
Or, pour garantir un réseau de qualité, d’importants efforts doivent être fournis en termes de rénovation et de régénération des réseaux ferroviaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie encore une fois d’excuser l’absence ce matin de Frédéric Cuvillier, pour la raison que j’ai indiquée tout à l’heure.
La sécurité du réseau ferroviaire a toujours été un impératif pour l’État et pour l’ensemble des acteurs ferroviaires.
Comme vous l’avez signalé, la France a d’ailleurs un niveau de sécurité ferroviaire parmi les plus élevés de l’Union européenne. Cependant, ce constat n’a jamais conduit les autorités françaises à considérer que cette sécurité était un acquis et l’accident de Brétigny-sur-Orge l’a montré douloureusement.
Ainsi, des inspections sur la sécurité du système ferroviaire sont régulièrement réalisées par les entreprises ferroviaires et par l’Établissement public de sécurité ferroviaire. Je tiens à rappeler clairement que l’expression « lignes malades » utilisée par la SNCF vise des problèmes de qualité de service du transporteur – régularité, information – et non de sécurité. Si des problèmes de sécurité apparaissent sur une voie, celle-ci est fermée d’autorité.
Au début de cette année, Frédéric Cuvillier a lancé un audit stratégique sur la sécurité du réseau ferroviaire, précisément pour disposer d’une vision globale du système. À la suite des conclusions de ce travail, des décisions seront prises pour améliorer encore davantage la sécurité de notre réseau ferroviaire.
Pour ce qui concerne l’état physique de ce dernier, l’École polytechnique fédérale de Lausanne, dans les conclusions de son audit de 2005, dressait un bilan extrêmement alarmant. L’audit revisité du mois d’octobre 2012 a montré une évolution positive de la situation, avec un net ralentissement du vieillissement du réseau. Mais le retard était tel que l’effort doit nécessairement être poursuivi aujourd’hui et concentré en priorité sur les grandes lignes du réseau structurant, bénéficiant au plus grand nombre.
Le Premier ministre l’a dit au mois de juillet dernier : la première priorité du Gouvernement pour le ferroviaire est l’amélioration des services et de la performance du réseau existant.
À cette fin, les moyens affectés au volet « mobilité » des futurs contrats de plan État-région, qui sont en cours d’élaboration, seront confortés.
À l’automne 2012, Frédéric Cuvillier a également engagé une nouvelle étape de la modernisation du réseau en demandant à RFF de préparer un grand plan de modernisation du réseau ferroviaire.
Ce plan est actuellement en train d’être décliné sur les territoires en lien avec les collectivités. Il permettra ainsi de poursuivre l’effort de renouvellement et de modernisation, dont le coût s’élève actuellement à 2,5 milliards d’euros par an, et de le concentrer sur les lignes les plus fréquentées et les nœuds ferroviaires les plus contraints.
Oui, monsieur le sénateur, vous avez raison : la France doit rester un grand pays ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
En fait, les voyageurs veulent savoir dans quoi et sur quoi ils roulent. Depuis trop longtemps, les infrastructures ferroviaires les plus anciennes vieillissent dans l’indifférence générale ; elles doivent être désormais une priorité.
Madame la ministre, j’apprécie d’autant plus la mise en place de ce grand plan que vous nous annoncez que François Hollande avait fait la déclaration suivante : « Je relancerai la politique des transports pour lutter contre la fracture territoriale […] Ma priorité sera d’apporter […]une réponse à la qualité de service des trains du quotidien et à la desserte des territoires enclavés ».
Au moment où l’on parle de lutte contre le changement climatique et contre les émissions de gaz à effet de serre, on ne rappellera jamais assez que le ferroviaire ne représente que 1,3 % des émissions produites par le secteur du transport, contre 95 % pour le secteur routier, et ne consomme que 1,7 % de l’énergie totale consommée dans ce même secteur.
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
recrutement et rémunération des personnels en temps d'activité périscolaire
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 568, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de recrutement des animateurs supplémentaires auxquelles les communes sont confrontées dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.
Les communes ayant opté pour la mise en place de cette réforme dès la rentrée 2013 ont dû non seulement y consacrer beaucoup de temps et d’énergie tant le délai était court pour organiser les activités, mais aussi faire face à des difficultés concernant l’encadrement de celles-ci.
En effet, comme de nombreux ateliers sont proposés aux enfants, tels que danse, musique, activités sportives, arts plastiques, jeux, théâtre, etc., les maires sollicitent des enseignants exerçant dans leurs écoles, du personnel communal, mais aussi des bénévoles. Des précisions concernant l’identification de la responsabilité sous laquelle sont placés les enfants durant ces temps d’activité périscolaire, ou TAP, sont réclamées avec acuité.
Cependant, ces personnes ne suffisent parfois pas pour répondre aux besoins et les communes doivent faire appel à des intervenants extérieurs pour deux ou pour trois heures par semaine.
De plus, et par souci d’équité, certains de ces édiles souhaiteraient que tous les intervenants – enseignants ou non enseignants – bénéficient de la même rémunération.
Si le décret n° 66-787 du 14 octobre 1966 permet de rémunérer à l’heure les personnels enseignants de premier degré qui acceptent d’effectuer des heures supplémentaires pour le compte des collectivités territoriales – je pense aux études surveillées – et offre donc une flexibilité appréciable, il n’en est pas de même pour les animateurs qui doivent intervenir dans le cadre des activités périscolaires.
Ces intervenants extérieurs doivent être rémunérés selon un cadre d’emploi bien défini et sur la base d’une grille indiciaire – celle des agents non titulaires de la fonction publique – nécessitant une création de poste sur un temps préfixé, avec déclaration de vacance du poste à pourvoir auprès du centre de gestion et une rémunération sur la base d’un indice de la fonction publique.
Cela crée diverses difficultés. Ainsi, ces intervenants ne travaillant pas durant les vacances scolaires, quelle solution adopter ? Faut-il annualiser le temps de travail, ou bien établir des contrats à durée déterminée renouvelables à chaque vacance scolaire ?
Le cadre d’emploi est également problématique : la rémunération des assistants artistiques enseignant notamment la danse, les arts plastiques, ou encore la musique, est calculée sur la base d’une durée hebdomadaire de vingt heures, tandis que celle des éducateurs d’activités physiques et sportives est calculée sur la base de trente-cinq heures par semaine, ce qui entraîne une disparité entre les contrats des différents intervenants. Or, dans le cadre des classes du patrimoine organisées en partenariat avec l’éducation nationale, les intervenants peuvent être rémunérés sur la base d’un taux horaire.
Afin de faciliter l’application de la réforme, je vous demande donc, madame la ministre, qu’il soit possible d’appliquer la même réglementation aux intervenants lors des TAP.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, votre question me donne l’occasion de saluer tous les élus qui se sont résolument engagés dans la réforme des rythmes scolaires et qui mettent sur pied des réalisations extrêmement intéressantes dans ce cadre. Je peux en témoigner puisque je visite nombre de communes.
Vous l’avez souligné, les communes peuvent faire appel à une grande diversité d’intervenants, en complément de leurs propres ressources, qu’il s’agisse de membres d’associations partenaires de l’école, de mouvements d’éducation populaire ou d’associations sportives ou culturelles locales diverses et variées.
Ces intervenants doivent être des personnes qualifiées, c’est-à-dire répondre aux conditions posées par l’arrêté du 9 février 2007 fixant les titres et diplômes permettant d’exercer les fonctions d’animation et de direction en séjours de vacances, en accueils sans hébergement et en accueils de scoutisme.
Les communes peuvent également recruter des jeunes dans le cadre d’un emploi d’avenir professeur. L’État prend alors en charge les trois quarts de la rémunération du jeune concerné.
Sur la base du décret du 19 novembre 1982 précisant les conditions d’octroi d’indemnités par les collectivités territoriales et leurs établissements publics aux agents des services déconcentrés de l’État ou des établissements publics de l’État, les collectivités territoriales peuvent allouer des indemnités aux personnels des services déconcentrés de l’État dans le cadre d’une activité accessoire que ceux-ci exercent pour le compte de la collectivité.
Comme vous l’avez dit, les personnels enseignants peuvent être concernés pour des services d’étude surveillée ou de surveillance.
Conformément aux textes d’application du décret précité, ces services sont rétribués par les collectivités territoriales au moyen d’indemnités dont les taux horaires ne peuvent excéder ceux qui sont déterminés par le décret du 14 octobre 1966 fixant les taux de rémunération de certains travaux supplémentaires effectués par les personnels enseignants du premier degré en dehors de leur service normal.
Les communes peuvent aussi faire appel à des agents territoriaux qui exercent déjà dans la collectivité en qualité de titulaire ou de stagiaire, en modifiant leur temps de travail.
Le temps de travail peut être annualisé – vous avez évoqué cette possibilité –, sauf pour les professeurs et les assistants d’enseignement artistique pour lesquels l’annualisation n’est pas réglementaire.
Enfin, les communes peuvent recourir à des agents vacataires.
Le temps de travail des assistants d’enseignement artistique est fixé par leur statut et déroge de ce fait au temps de travail de droit commun de la fonction publique.
Je précise que les collectivités territoriales ne sont pas seules pour mettre en œuvre les activités périscolaires, car elles peuvent les organiser dans le cadre d’un projet éducatif territorial et sont alors aidées par le directeur académique des services de l'éducation nationale.
Cela étant, toutes sortes de ressources peuvent être mobilisées dans le cadre des communes et la tâche de ces collectivités peut se trouver sensiblement allégée si elles font appel à des associations locales ou à de grandes associations complémentaires de l’éducation publique.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de précision.
J’aurais toutefois aimé que vous me répondiez sur le problème de la responsabilité, alors que vous faites état de la possibilité de recourir à des membres d’associations. Et les maires font de plus en plus appel à des bénévoles dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires. Il faudrait un cadre bien défini.
Par ailleurs, je note avec satisfaction la possibilité d’annualiser le temps de travail, ce qui facilitera la gestion des TAP.
pérennisation de l'apprentissage de l'occitan tout au long du cursus scolaire
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 607, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, selon la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République adoptée au mois de juillet dernier par le Parlement, les professeurs peuvent recourir aux langues régionales chaque fois qu’ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement de la langue française.
Il s’agit là d’une reconnaissance importante de l’apport des langues régionales à l’apprentissage et à la formation des élèves. Sont ainsi consacrés à la fois la reconnaissance de ces langues, qui forment notre patrimoine culturel commun, et leur apport éducatif. L’avancée, réelle, mérite d’être considérée à sa juste valeur. Ce n’est toutefois pas suffisant.
Dans mon département, la Dordogne, les effectifs des élèves pratiquant l’occitan s’accroissent d’année en année, à l’école primaire comme au collège. Pour répondre au besoin constaté, une convention région-État-rectorat-département pour le développement de l’offre d’enseignement de l’occitan a même vu le jour au mois d’avril dernier.
Pour autant, les collégiens sont encore trop nombreux à ne pas pouvoir continuer à suivre l’enseignement en occitan, faute d’option au lycée. Dans certains collèges, c’est même une option qui n’est plus offerte à partir de la troisième.
Il convient donc de remédier à cette situation. À cette fin, plusieurs manières d’agir sont envisageables.
Par exemple, on pourrait inscrire l’occitan au rang d’option à part entière au baccalauréat, à l’instar des autres langues régionales, option dont le coefficient pourrait être revalorisé, et être équivalent à celui du latin ou du grec.
Il serait aussi intéressant de faire passer de deux à trois heures le nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement de l’occitan. Enfin, l’option occitan pour la filière « sciences et technologies du management et de la gestion » du baccalauréat devrait être rétablie.
Vous le constatez, madame la ministre, la demande d’apprentissage des langues régionales existe. Il en est de même des solutions permettant de les pratiquer, à condition de faire preuve d’un volontarisme assumé en la matière.
Ma question est simple : l’éducation nationale est-elle aujourd’hui prête à donner toute sa place aux langues régionales en général, et à l’occitan en particulier, dans l’éducation de nos enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, je salue votre engagement, ancien, sur le sujet des langues régionales, qui ont été consacrées au plus haut niveau de l’ordre juridique interne, puisque, comme vous le savez, l’article 75-1 de la Constitution dispose, depuis sa dernière révision : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
Pour ce qui concerne la question de l’enseignement de ces langues, au-delà des clivages politiques, l’État a fait preuve d’une continuité qu’il convient de souligner.
En l’espace de deux ans, le nombre d’élèves marquant un intérêt pour les langues et cultures régionales a augmenté de 24 %. Ce sont 272 000 élèves répartis dans treize académies qui pratiquent l’une des onze langues régionales reconnues ou qui y sont sensibilisés.
Les moyens attribués en termes d’effectifs de professeurs n’ont pas toujours été à la hauteur de cette demande. Pour corriger une telle situation, nous avons décidé d’augmenter, dans un premier temps, le nombre de postes d’enseignants offerts au concours.
Comme vous le savez, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a introduit de nombreux dispositifs destinés à promouvoir la transmission des langues et cultures régionales. Les familles sont plus précisément informées des différentes offres d’apprentissage de ces langues, notamment de l’enseignement bilingue, qui est reconnu et encouragé dès la maternelle.
L’inscription des élèves résidant dans une commune dont les écoles ne proposent pas un enseignement de langue régionale dans un établissement d’une autre commune dispensant cet apprentissage est encouragée, sous réserve des places disponibles.
De plus, la possibilité pour les enseignants de recourir aux langues régionales est élargie à l’enseignement du second degré, et ce pour l’ensemble des apprentissages.
S’agissant de l’enseignement des langues régionales dans l’académie de Bordeaux, plus particulièrement dans le département de la Dordogne, je tiens à vous apporter les informations suivantes.
À l’échelon du premier degré, l’académie de Bordeaux dispose aujourd’hui de cent écoles publiques qui proposent un enseignement extensif d’occitan, de trente minutes à trois heures par semaine. S’y ajoutent trente-sept sites bilingues à parité français-occitan, une école du secteur privé confessionnelle et neuf écoles privées associatives. Pour ce qui concerne le second degré, soixante-deux établissements publics et privés disposent de sections « langues régionales ». De surcroît, de nouvelles sections sont prévues à la rentrée 2014.
Dans le département de la Dordogne, 96 élèves de l’enseignement public primaire suivent cette année les cours d’une classe bilingue. Parallèlement, 991 élèves sont sensibilisés à l’occitan. Dans le secondaire, six collèges sur trente-huit proposent l’option occitan, ainsi que trois lycées ; ces établissements réunissent ainsi 614 élèves de la sixième à la terminale.
Au total, ce sont 9 682 élèves qui sont sensibilisés à l’occitan pour la seule académie de Bordeaux.
Il est également important de noter que la problématique des langues régionales dépasse aujourd’hui le seul cadre de l’éducation nationale. Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a reçu à ce sujet un rapport relatif à la promotion des langues régionales.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, grâce à l’engagement des acteurs nationaux et locaux, l’apprentissage des langues régionales est aujourd’hui une réalité, qui témoigne d’une République non seulement attentive au respect des règles communes du vivre-ensemble, mais aussi accueillante et bienveillante à l’égard des différents patrimoines historiques et culturels de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses, même si elles ne me satisfont pas complètement.
Dans l’académie de Bordeaux, plus particulièrement en Dordogne, des efforts sont actuellement consentis en faveur des langues régionales, qu’il s’agisse du basque ou de l’occitan. Toutefois, les moyens affectés par l’éducation nationale aussi bien aux collèges qu’aux lycées sont nettement insuffisants.
Pour ce qui concerne l’école élémentaire, une sensibilisation aux langues régionales est engagée. Je pense notamment au financement partiel des écoles Calandreta par les collectivités.
Cela étant, il faut persévérer dans ce domaine afin de garantir des enseignements de langues régionales aux élèves qui le souhaitent et attribuer des moyens supplémentaires permettant la nomination de nouveaux professeurs. En effet, en Dordogne, par exemple, le manque de professeurs enseignant l’occitan est patent.
Pour conclure, je le répète, madame la ministre, votre réponse laisse à désirer.
situation des roms : en finir avec le nomadisme forcé
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 590, adressée à M. le Premier ministre.
M. Michel Billout. Madame la ministre, je souhaite attirer une nouvelle fois votre attention sur les difficultés d’application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites.
Plus d’un an après son entrée en vigueur, force est de constater que l’attitude des pouvoirs publics a conduit de nombreuses associations à saisir le Défenseur des droits à propos du refus d’inscription à l’école, de la mise en place forcée de conditions de scolarisation hors de l’école en milieu isolé, des conditions d’interpellation et d’incarcération des enfants, des conditions d’évacuation de terrains occupés en Île-de-France, particulièrement dans mon département, la Seine-et-Marne.
Les situations dénoncées concernent les droits de l’enfant au titre de son droit à être protégé et de son droit à la sécurité mais, plus généralement, des questions complexes de sécurité sanitaire, de déontologie de la sécurité, ainsi que le suivi de ces populations en matière d’accès au logement et les discriminations dont elles font l’objet dans le domaine de l’accès à l’emploi.
Les expulsions répétées, sans application ou avec une application très partielle de la circulaire, ont pour conséquence de rompre la scolarité des enfants et le suivi sanitaire des familles.
Ce fait aggrave la situation des collectivités locales et territoriales comme des services de l’État qui sont confrontés à des regroupements de plus en plus importants sans avoir la capacité de trouver des solutions d’hébergement provisoires ou pérennes pour toutes les personnes expulsées de campements. La mise en place de dispositifs d’accompagnement indispensables en vue de garantir l’accès de celles-ci au logement et à l’emploi est donc totalement ignorée.
Ces difficultés sont relatées par de nombreux élus ; elles ont été évoquées lors du sommet des maires sur les Roms et du congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, qui a constaté que les pouvoirs locaux et régionaux chargés d’appliquer les politiques gouvernementales sur les questions relatives aux Roms pouvaient être confrontés à l’insuffisance de leurs moyens financiers. Le congrès a d’ailleurs suggéré au conseil des ministres du Conseil de l’Europe de recommander aux États membres de veiller à ce que les stratégies nationales sur les questions relatives aux Roms comprennent des dispositions pour une mise en œuvre effective à l’échelon local, notamment en garantissant aux pouvoirs locaux et régionaux des ressources suffisantes et un soutien spécialisé, ainsi qu’en témoigne la recommandation 315 du 16 mars 2012.
Dans ce contexte, je souhaiterais connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour que soit enfin pleinement appliquée la circulaire interministérielle précitée, dans un cadre d’apaisement, pour en finir avec un nomadisme forcé, qui résulte des pratiques trop fréquemment observées sur le territoire national, situation qui ne fait que déplacer géographiquement le problème et précariser davantage la situation de ces familles, brisant ainsi toute perspective d’intégration sociale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les situations difficiles que connaissent nombre de familles installées dans des habitats provisoires et précaires et qui se déplacent fréquemment.
Comme vous l’avez indiqué, le Gouvernement a agi sans délai et défini une ligne de conduite équilibrée sur ce sujet dès le mois d’août 2012. Il tente de concilier deux exigences : la fermeté dans l’exécution des décisions de justice, en particulier lorsque la santé ou la sécurité des personnes sont mises en cause, et l’humanité de l’action administrative face à des situations souvent assez douloureuses.
L’enjeu principal pour les services de l’État est d’anticiper les opérations d’évacuation afin de trouver des solutions globales, adaptées aux personnes et aux familles concernées, notamment en termes d’hébergement et d’accès aux droits. C’est l’impulsion que tend à donner la circulaire interministérielle du 26 août 2012.
La tâche est difficile, car il existe un écart important entre nos souhaits et la réalité sur le terrain. D’ailleurs, les associations dont vous avez parlé jouent un rôle qu’il faut saluer, car elles essaient souvent d’apporter humanité et solidarité lors de l’accueil d’un certain nombre de personnes en grande difficulté dans notre pays.
Si chacun a conscience de ces difficultés relayées notamment par la presse, il faut aussi saluer les expériences positives qui se multiplient sur le terrain. Dans plusieurs départements, des solutions durables ont été trouvées. Il en est ainsi de la création de villages d’insertion ici ou là, ou de la mise à disposition de bungalows, dans la région lyonnaise, singulièrement.
Même si toutes ces mesures ne correspondent pas exactement à ce que nous voulions, je tiens à saluer ces actions pragmatiques et ces bonnes pratiques. Cela étant, il est indispensable d’engager une concertation apaisée sur ces questions afin de trouver des solutions.
Le Gouvernement est conscient de la nécessité de poursuivre les efforts déployés. Aussi a-t-il décidé de confier à Adoma, opérateur historique, une mission d’appui selon des principes établis nationalement. Il reviendra ensuite aux préfets d’aider cet établissement pour mobiliser ses capacités immobilières mais aussi son expérience d’ingénierie sociale.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que la situation des Roms a une dimension européenne. Vous avez signalé, monsieur le sénateur, les possibilités offertes aux collectivités d’obtenir des crédits européens pour poursuivre leurs efforts. Nous devons aussi développer une coopération décentralisée qui est actuellement mise en place avec les pays d’origine, la Roumanie et la Bulgarie, afin de favoriser l’insertion de ces populations dans leur pays d’origine, ce qui mettra fin à l’une des raisons de leur départ.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la ministre, je connais votre engagement personnel sur ces questions et je salue l’action du délégué interministériel qui œuvre beaucoup en la matière. Mais le seul élément nouveau que vous m’apportez n’est pas pour me rassurer totalement.
En effet, même en ce début d’hiver, nous assistons à de nouvelles expulsions massives en Île-de-France, à Saint-Ouen et à Champs-sur-Marne, tandis que les propositions de relogement ont été très rares. Par conséquent, nous allons retrouver les populations expulsées installées un peu plus loin, et leur situation sera encore plus précaire. Les associations qui interviennent seront confrontées à de grandes difficultés. Il faut vraiment faire beaucoup plus.
S’agissant de la dimension européenne, je suis moi-même auteur d’un rapport et d’une proposition de résolution européenne, qui a été adoptée par le Sénat, sur l’intégration des Roms.
Il n’en faut pas moins que, localement, nous ayons les moyens d’agir. À travers ma question, je pose donc aussi celle des moyens financiers des collectivités. Alors que leurs finances sont aujourd’hui exsangues, c’est un problème supplémentaire qu’elles doivent régler. Il me semble par conséquent indispensable que l’État français se montre plus incitatif et prévoie davantage de moyens d’accompagnement.
exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en zone « natura 2000 »
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question n° 593, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
M. Philippe Leroy. Madame la ministre, l’article 1395 E du code général des impôts, issu de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, exonère de taxe foncière sur les propriétés non bâties, ou TFNB, les propriétés situées en zone « Natura 2000 ».
Ma question porte sur les sites « Natura 2000 » forestiers, qui concernent essentiellement des communes peu peuplées et à fort taux de boisement, dont la TFNB représente le plus gros revenu.
En vertu de la loi, l’exonération de TFNB dans les zones « Natura 2000 » fait l’objet d’une compensation au profit des communes concernées, sur la base des taux votés en 2003. Cette obligation de compensation constitue à l’évidence une contrainte très forte pour l’État.
Depuis 2009, en dépit de nombreuses protestations, la compensation est intégrée au périmètre des variables d’ajustement de l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales. De fait, elle a été progressivement réduite, au détriment des communes forestières ; c’est ainsi que, en 2013, elle a couvert seulement 51 % de la perte de recettes. Cette tendance devrait se poursuivre en 2014.
En s’obstinant à ne pas vouloir exclure, pour les terres forestières, la compensation de l’exonération « Natura 2000 » du périmètre des variables d’ajustement, le ministère des finances renie les engagements de l’État au bénéfice des politiques environnementales.
Il en résulte un risque de rejet de la politique « Natura 2000 » par les communes concernées : souvent pauvres, elles subissent, du fait du système actuel, un manque à gagner considérable, estimé à 1 million d’euros en 2014.
C’est pourquoi je demande à M. le ministre de l’économie et des finances et à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie de bien vouloir exclure la compensation de l’exonération « Natura 2000 » des variables d’ajustement pour les terres forestières.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur Leroy, vous avez bien voulu me faire part de vos interrogations sur la compensation par l’État des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties au bénéfice des propriétaires s’engageant dans la préservation durable des zones « Natura 2000 » et des zones humides.
Comme une grande partie des allocations compensatrices, ces compensations ont été intégrées aux variables d’ajustement qui permettent chaque année de réguler l’évolution de l’enveloppe, dite normée, des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Je vous rappelle que le périmètre de ces variables a été élargi, par la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, à la majorité des allocations compensatrices versées par l’État, parmi lesquelles celle qui fait l’objet de votre question.
Conformément aux engagements pris dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité conclu entre l’État et les collectivités territoriales le 16 juillet dernier, sous l’égide du Premier ministre, les collectivités territoriales ont consenti, dès 2014, un effort de 1,5 milliard d’euros sur les concours financiers de l’État. Ainsi, les collectivités territoriales participeront à l’effort de rétablissement des comptes publics mis en œuvre par le Gouvernement.
Dans ce contexte, monsieur le sénateur, il n’est pas souhaitable d’exclure de l’assiette des variables d’ajustement les allocations compensatrices comme celles qui sont relatives à l’exonération « Natura 2000 », sauf à concentrer l’effort des collectivités territoriales sur un nombre restreint de variables, ce qui risquerait de le rendre moins soutenable pour celles qui demeureraient impactées.
Le périmètre large des variables d’ajustement est ainsi un gage de pilotage équilibré de la trajectoire des concours de l’État aux collectivités territoriales qu’il n’apparaît pas opportun de réduire.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Madame la ministre, vous pensez bien que votre réponse ne me satisfait en aucune façon !
Permettez-moi de corriger un de vos propos. Vous avez dit que les collectivités territoriales avaient consenti une baisse de 1,5 milliard d’euros des transferts qui leur sont alloués. Or, elles n’ont rien consenti du tout : c’est évidemment contre leur gré qu’elles subissent cette diminution de leurs recettes !
Par ailleurs, que le ministère de l’économie et des finances impose, pour une économie de seulement 1 million d’euros sur les compensations prévues par la loi, un tel sacrifice à de petites communes qui tirent souvent leurs seuls revenus de la forêt et qui sont profondément ancrées dans le territoire rural français est à mes yeux un signe d’irrespect et de négligence à leur égard.
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 587, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le dossier de l’adoption plénière d’enfants nés en Haïti et arrivés en France au début de 2010, à la suite du séisme survenu le 12 janvier de la même année.
Le traitement équitable des familles adoptantes et de leurs enfants est compromis par l’application de la circulaire adressée aux procureurs en date du 22 décembre 2010. Prenant prétexte de ce que les autorités haïtiennes auraient décidé de ne plus légaliser la signature des notaires sur les consentements, elle leur demande d’opposer un avis défavorable aux requêtes de conversion en adoption plénière présentées par les familles.
La loi haïtienne sur l’adoption prévoit que l’adopté a, dans sa nouvelle famille, les mêmes droits et les mêmes obligations que ceux qui résultent d’une filiation biologique légitime ou naturelle. Aujourd’hui, Haïti fait évoluer son dispositif législatif afin de reconnaître l’adoption plénière.
Jusqu’à présent, toutefois, les adoptions étaient prononcées par les tribunaux d’Haïti avec le consentement éclairé et légalisé, un document notarié par lequel les parents biologiques donnent leur accord irrévocable pour que l’adoption devienne plénière en France. Les parents adoptifs pouvaient ainsi obtenir un jugement d’adoption plénière auprès du tribunal de grande instance de leur lieu de résidence.
Pour le précédent garde des sceaux, la fin de la légalisation de la signature des notaires compromettait la validité du document par lequel l’adoption des enfants originaires d’Haïti devient plénière en France. Il a donc émis la circulaire de 2010 précitée, dont les conséquences ont été désastreuses, tout particulièrement sur les procédures d’adoption déjà engagées.
Cette circulaire s’est appliquée sans délai. Toutefois, sa prise en compte a été, et demeure, extrêmement variable d’un tribunal de grande instance à l’autre. En effet, si certains procureurs émettent un avis défavorable, certaines familles ont pu obtenir, malgré tout, une adoption plénière. Je veux souligner que des familles se sentent lésées par des décisions leur refusant une adoption plénière, alors même que leur dossier est identique à celui d’autres familles vivant dans d’autres départements et relevant donc d’un autre tribunal de grande instance, dont la demande a connu une issue favorable. D’une certaine manière, ces jugements à géométrie variable contreviennent au principe de l’unicité de la République.
Je m’interroge également sur les conséquences qu’emportera, pour les procédures en cours, l’application de la nouvelle loi sur l’adoption votée en Haïti en août dernier. En effet, après la promulgation de cette loi, les légalisations devraient devenir beaucoup plus aisées.
Madame la ministre, je souhaite par conséquent savoir si vous avez l’intention de demander à vos services de réexaminer la circulaire de 2010, en concertation avec les autorités haïtiennes. Comment comptez-vous suivre le dossier afin de débloquer des situations pénalisantes pour des enfants qui ont commencé à trouver leurs racines dans leur famille française ? Comptez-vous intervenir pour mettre fin aux différences de traitement constatées selon les juridictions ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le dossier est extrêmement sensible et à forte charge émotionnelle, comme le sont tous les contentieux impliquant des enfants.
Concernant votre observation relative à une différence de traitement selon les juridictions, la direction des affaires civiles et du sceau, interrogée par mes soins, n’a pas eu connaissance de remontées du terrain faisant état d’une diversité des jugements, et je ne dispose donc pas d’éléments précis sur ce point. Si vous en avez, je vous remercie par avance de bien vouloir me les communiquer, car nous sommes nous aussi très soucieux de l’unité des jugements, comme en témoigne le travail que nous avons engagé pour rapprocher les jurisprudences à tous les niveaux.
En ce qui concerne l’adoption d’enfants haïtiens par des familles françaises, un accord avait été conclu, après le séisme, entre l’ambassade de France et le Premier ministre de la République d’Haïti afin de faciliter la procédure pour 300 enfants en cours d’adoption. Une circulaire avait été prise sur cette base, mais, en 2009, le commissaire au Gouvernement d’Haïti a considéré que les conditions de transformation d’une adoption simple en adoption plénière n’étaient pas conformes au décret de 1974. Il a alors été précisé, dans la circulaire, que les adoptions devraient être légalisées. Il n’existe pas de convention bilatérale entre Haïti et la France qui aurait permis de se dispenser de cette formalité. La République d’Haïti n’avait pas, alors, ratifié la convention de La Haye. Elle l’a fait récemment, et une loi adoptée en août 2013, dont nous attendons la promulgation, en tire les conséquences. Cela facilitera les choses.
Pour l’heure, l’adoption simple permet déjà la prise en charge des enfants et l’autorité parentale exclusive, ainsi que l’attribution du nom et l’engagement des démarches en matière de déclaration de nationalité française. À leur majorité, les enfants adoptés pourront faire le choix d’une adoption plénière. Néanmoins, il est exact que, dans l’attente que la promulgation de la loi produise ses effets, la situation actuelle pose question. Je la sais douloureuse pour les familles françaises : elles n’ont pas compris la position de la République d’Haïti, que nous sommes cependant tenus de respecter, comme l’ont confirmé la Cour de cassation et le Conseil d’État, saisi pour abus de pouvoir. Nous sommes également obligés de respecter les effets qui découleront de la ratification par Haïti de la convention de La Haye.
Nous allons étudier avec la République d’Haïti la possibilité de trouver une solution sécurisante pour les familles et les enfants, concernant toutes les adoptions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi d’août 2013.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
L’adoption plénière a été accordée sans problème par les tribunaux de grande instance de Bourges, de Poitiers et d’Angers, tandis que celui de Nantes a rejeté les demandes de sept ou huit familles présentant des dossiers en tous points similaires.
Ce sont des situations douloureuses, vécues difficilement par les familles et les enfants concernés, qui commencent à grandir. La ratification par Haïti de la convention de La Haye pourra-t-elle avoir un effet rétroactif en matière d’adoption plénière ? Je sais que la chose est compliquée, mais cela permettrait de rassurer les familles et les enfants.
Quoi qu’il en soit, j’ai pris bonne note de votre réponse, madame la ministre, et j’espère que ce dossier pourra avancer dans les mois à venir. Je vous remercie par avance de vos efforts en ce sens.
avenir de la maison d’arrêt d’aurillac
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 592, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Mézard. Madame la garde des sceaux, je veux tout d’abord vous exprimer, au nom de mon groupe, notre amitié et notre soutien face aux agressions et aux épreuves que vous avez subies.
Ce message d’amitié étant délivré, j’en viens à la question orale que je me suis trouvé dans l’obligation de déposer, faute de parvenir, depuis des mois, à obtenir une réponse précise par un autre moyen.
La maison d’arrêt d’Aurillac, que je visite régulièrement en tant que parlementaire, présente certaines caractéristiques.
Tout d’abord, elle est située à deux heures et quart de route du siège de la cour d’appel et de la maison d’arrêt de Riom, et à près de quatre heures de route de la direction régionale de l’administration pénitentiaire de Lyon, dont elle relève. Son implantation est donc essentielle au maintien d’un service public de la justice proche et accessible. En effet, sa disparition entraînerait inéluctablement, à terme, la suppression d’un tribunal de grande instance, ce qui imposerait aux citoyens de faire plus de deux heures de route pour accéder au service public de la justice.
Si les conditions de détention y paraissent encore tout à fait acceptables par rapport à ce que l’on constate dans de nombreux établissements similaires, de deux à quatre détenus occupent néanmoins certaines cellules, ainsi que j’ai pu l’observer au mois d’août.
À la suite de sa visite de l’établissement, en 2012, l’ancien garde des sceaux, notre collègue Michel Mercier, s’était engagé à faire conduire au plus vite des expertises afin, d’une part, de mener des travaux de mise en conformité avec les nouvelles obligations découlant de la loi pénitentiaire, et, d’autre part, d’assurer la pérennité de l’établissement, en dépit des souhaits contraires de la direction régionale de l’administration pénitentiaire de Lyon, qui n’a aucune envie de maintenir une maison d’arrêt située à quatre heures de route de son siège. Sur ce dernier point, il m’avait d’ailleurs adressé un courrier très clair.
Malheureusement, à ce jour, aucun de ces travaux essentiels de mise aux normes n’a été réalisé, tandis que les restrictions apportées au financement courant entravent l’entretien normal du site. Pour votre information, madame la garde des sceaux, sachez qu’il faut maintenant passer par Lyon pour acheter des ampoules ! C’est ainsi que cela fonctionne…
Je vous ai précisément interrogée sur un point particulier, qui met en question le fonctionnement et l’avenir de cet établissement : la maison d’arrêt ne dispose pas de sas d’entrée ni de système de vidéosurveillance. Les travaux nécessaires doivent être réalisés, mais ils sont reportés d’année en année, parce que la direction régionale de Lyon n’a strictement aucune envie de les engager.
Je souhaite donc obtenir des réponses précises à ces questions précises, que je vous pose depuis plusieurs mois.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Mézard, je vous remercie de vos paroles de soutien et de solidarité, auxquelles je suis extrêmement sensible.
En ce qui concerne l’établissement d’Aurillac, son taux d’occupation, de 62,5 %, est relativement faible au regard de la surpopulation carcérale souvent constatée ailleurs. Je n’ai cependant pas accédé aux demandes de fermeture dont il a été l’objet, motivées par la future implantation d’un centre pénitentiaire à Riom.
Je souhaite le maintien de cette maison d’arrêt, qui assure la fluidité du fonctionnement des juridictions et des extractions, et j’ai donc pris la décision de ne pas la fermer. Par conséquent, il n’y aura pas de fermeture en cascade d’un tribunal de grande instance ou d’autres établissements relevant du ministère de la justice.
Je souligne qu’un certain nombre de travaux ont déjà été effectués : la sauvegarde du bâtiment, pour 181 000 euros, comprenant le remplacement des fenêtres, la réfection des réseaux d’eaux usées et pluviales, ainsi que la réparation de la toiture ; l’amélioration des conditions de détention, au moyen de la réfection des douches, de la mise en place de la ventilation mécanique et de la téléphonie, ainsi que de la réfection du quartier des arrivants ; l’amélioration des conditions de travail des agents, grâce notamment à l’installation d’une chambre de nuit.
D’autres travaux ont été effectués, pour 161 000 euros. Les chaufferies ont ainsi été livrées récemment, le 9 octobre dernier, tandis que le remplacement des sols et des revêtements défectueux est encore en cours.
J’entends vos observations relatives à l’absence de sas d’entrée et de système de vidéosurveillance. J’ai arrêté un plan de sécurisation concernant l’ensemble des établissements pénitentiaires sur tout le territoire, pour un montant total de 33 millions d’euros.
À cette occasion, j’ai demandé à l’administration pénitentiaire de procéder à une étude minutieuse de l’état de sécurité de nos établissements. Il est vrai que la maison d’arrêt d’Aurillac n’a pas été intégrée dans la première vague, celle des sites nécessitant des travaux d’urgence. L’administration pénitentiaire gère tout un ensemble d’établissements selon des critères objectifs, tels le taux de surpopulation carcérale ou l’état de vétusté. À Aurillac, je l’ai dit, il n’y a pas de surpopulation carcérale et les deux bâtiments les plus anciens datent de 1967, mais votre appréciation de la situation locale est certainement plus fine que celle de l’administration pénitentiaire.
J’ai pris bonne note de votre remarque concernant les achats d’ampoules : je vais contrôler ce point très rapidement. Je veillerai à ce que la gestion de nos établissements pénitentiaires ne relève pas d’une bureaucratie pré-cubaine ou post-soviétique ! (Sourires.)
Je vous propose, monsieur le sénateur, de prendre part très prochainement à une séance de travail à la Chancellerie avec le conseiller pénitentiaire et le conseiller budgétaire de mon cabinet, pour faire le point sur la situation de la maison d’arrêt d’Aurillac.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu vos explications, d’ailleurs révélatrices du poids de la technocratie et de la bureaucratie dans notre pays : vous avez rappelé que des menaces de fermeture émanaient de l’administration.
Si l’on ferme, dans nos territoires, tous les services publics dans un rayon de 150 kilomètres, autant demander à la population de déménager ! Vous n’accepteriez pas, je le sais, une telle situation en Guyane, et c’est normal !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je viens de vous dire que j’ai décidé de ne pas fermer la maison d’arrêt d’Aurillac !
M. Jacques Mézard. Certes, mais si l’on ne réalise pas un certain nombre de travaux de mise aux normes indispensables, la question se reposera tous les ans, quel que soit le garde des sceaux en fonction.
Je sais que vous tiendrez votre engagement, madame la garde des sceaux, mais il n’en reste pas moins que le problème demeure pendant. L’administration considère que notre dossier n’est pas prioritaire et espère bien atteindre in fine son objectif…
Je souhaite que le pouvoir politique affirme nettement son choix à l’administration et lui impose de réaliser les travaux nécessaires, qui ne sont d’ailleurs pas considérables. Telle est la réponse que j’attends.
reconstruction du centre pénitentiaire de bordeaux-gradignan en gironde
M. le président. La parole est à M. Gérard César, auteur de la question n° 600, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérard César. Ma question porte sur la situation du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, en Gironde.
Bâtie en 1967, cette maison d’arrêt a plus de quarante-cinq ans. Initialement prévue pour accueillir 448 détenus, elle en compte aujourd’hui près de 700, soit un taux d’occupation de 155 %. Ce centre pénitentiaire est aujourd’hui le plus surpeuplé de l’inter-région.
À la suite de deux visites effectuées le 16 octobre 2008 et le 14 janvier 2009 par la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, celle-ci a émis un avis défavorable à la poursuite de son exploitation.
La non-conformité et la vétusté importante des bâtiments ont incité votre prédécesseur, madame la garde des sceaux, à décider de la fermeture du centre et à engager la construction d’un nouvel établissement sur le site existant.
La capacité d’accueil devait être de 589 places, dont 480 places pour les hommes, 40 pour les femmes, 30 pour les mineurs, 24 places dans le quartier d’accueil et d’évaluation et 15 dans le service médico-psychiatrique, auxquelles devaient s’ajouter 82 places dans les quartiers de semi-liberté.
Pour améliorer nettement la qualité de vie des détenus et permettre de meilleures conditions de travail aux personnels pénitentiaires, le projet prévoyait un encellulement individuel garanti à 95 %, ainsi que des quartiers d’hébergement dimensionnés à taille humaine et bénéficiant de davantage de lumière naturelle.
Il était également proposé d’augmenter les surfaces, afin d’offrir aux détenus plus d’activités socioculturelles, sportives, scolaires et professionnelles.
Par ailleurs, il devait favoriser l’accueil des familles des détenus et s’insérer parfaitement dans le site et l’environnement.
Madame le garde des sceaux, dans le cadre du plan triennal de rénovation des prisons, actuellement en cours, la poursuite de ce projet n’a pas figuré dans vos priorités.
Depuis 2010, la municipalité de Gradignan travaille sur ce projet avec le service de votre ministère qui s’occupe de la construction, à la fois pour rendre compatible le plan local d’urbanisme de la communauté urbaine de Bordeaux et pour favoriser un abaissement des bâtiments et la végétalisation du site.
Voilà plusieurs mois que les responsables syndicaux du site se plaignent d’agressions et dénoncent des conditions de travail particulièrement difficiles, tout en constatant de très mauvaises conditions de prise en charge des détenus, les cellules étant insalubres et inadaptées à l’accueil de deux, voire trois personnes.
En dépit de la qualité du travail et de l’engagement de la direction, ainsi que de l’ensemble des personnels œuvrant sur le site, la mise en place de conditions satisfaisantes de réinsertion reste difficile, d’où une situation préoccupante.
La construction d’un nouvel établissement dans les meilleurs délais est donc indispensable.
Aussi, je vous demande, madame la garde des sceaux, de me confirmer l’inscription de la reconstruction du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan au plan triennal 2016-2018 de rénovation des prisons.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rendre hommage aux personnels de nos établissements pénitentiaires, en particulier à celui de Bordeaux-Gradignan. Ils ont, en effet, le sens du service public.
M. Gérard César. C’est vrai !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils assurent au quotidien un service de qualité, alors que leurs conditions de travail ne sont pas toujours satisfaisantes, même si nous nous employons à les améliorer.
Le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan a, selon mes sources, un taux d’occupation de 150 % et non de 155 %, mais nous n’allons pas « chipoter » : quoi qu’il en soit, c’est trop, et cette surpopulation carcérale n’est évidemment pas satisfaisante.
Vous le savez, des travaux ont été entrepris dans cet établissement en 2013, pour un montant de 500 000 euros, travaux comprenant une remise aux normes électriques, une consolidation des cuisines et un désenfumage des cellules du quartier disciplinaire.
Par ailleurs, dans le cadre du plan de sécurisation des établissements pénitentiaires que j’ai décidé, le centre de Bordeaux-Gradignan bénéficiera, à hauteur de 1 million d’euros, de travaux strictement réservés à la sécurisation.
Pour le reste, j’entends votre demande de construction d’un nouvel établissement. La fermeture du centre actuel et donc son remplacement n’ont effectivement pas été retenus dans le plan triennal en cours, mais je reconnais que, si le quartier des peines aménagées, ouvert en 2011, est en bon état, les bâtiments des autres quartiers sont fortement dégradés.
Du fait des contraintes budgétaires, je n’ai en effet pas pu retenir cet établissement parmi les priorités de l’actuel plan triennal. Mais il fera partie des centres examinés en priorité dans le cadre du prochain plan.
Pour preuve de cet engagement, qui n’a rien de désinvolte – je ne prends d’ailleurs jamais d’engagement désinvolte –, j’ai déjà demandé que des études d’emprise concernant un terrain soient engagées dans l’hypothèse où je retiendrai la construction d’un centre pénitentiaire, construction qui avait été effectivement prévue dans le passé, sous la forme d’un partenariat public-privé, mais sans que toutes les études nécessaires aient été réalisées.
Je suppose, monsieur le sénateur, que vous savez que ces études d’emprise sont en cours. Sinon, je vous ferai parvenir toutes les informations nécessaires.
M. Gérard César. Je suis au courant !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien entendu, je ne manquerai pas de vous tenir informé de l’évolution du dossier et je veillerai à ce qu’aussi bien l’APIJ, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, que l’administration pénitentiaire vous communiquent au fur et à mesure les informations dont elles disposeront.
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Madame le garde des sceaux, je prends bonne note de vos observations, ainsi que de vos précisions concernant les enveloppes de travaux prioritaires, en vue de réduire la vétusté de ce centre pénitentiaire.
Précédemment, en réponse à la question de notre collègue Jacques Mézard, vous avez indiqué que vous étiez prête à organiser une réunion de travail pour parler de l’avenir de la maison d’arrêt d’Aurillac. Si vous en étiez d’accord, un groupe de travail similaire pourrait être mis en place pour le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.
C’est indispensable. Avec un taux d’occupation aussi énorme que 155 %, les détenus ne peuvent pas être logés comme ils devraient l’être et, malgré la qualité du travail des surveillants et de la direction pénitentiaire, leur situation est inacceptable.
Peut-être pourrions-nous organiser cette réunion avec tous les acteurs concernés dans les prochains jours ?
M. Gérard César. Je vous en remercie par avance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, en attendant l’arrivée de M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 580, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer aujourd'hui votre attention sur la transparence des frais de recouvrement de créance.
Lors de l’examen en première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la consommation, j’avais défendu un amendement visant à imposer de la transparence aux établissements bancaires en cas de recouvrement de créance sur le calcul des intérêts. Il avait pour objet de faire apparaître dans le décompte de la somme à recouvrer le détail du calcul des intérêts réclamés, composé du taux d’intérêt appliqué, de la somme sur laquelle il porte, ainsi que de la période sur laquelle ces intérêts sont décomptés.
Ainsi, les consommateurs, qui rencontrent très souvent des difficultés pour comprendre le détail de la somme à rembourser, pourraient enfin bénéficier d’une information claire et compréhensible. Cela permettrait également d’éviter les recouvrements abusifs sur le montant des intérêts.
Vous aviez alors émis un avis défavorable sur cet amendement, rappelant qu’un tel décompte était déjà prévu dans l’article R. 124-4 du code des procédures civiles d’exécution et que l’amendement était donc satisfait. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit le cas. En effet, l’inscription du détail du calcul des intérêts n’y est pas précisée et n’est donc pas appliquée par les établissements bancaires.
Je tiens à souligner que cet amendement avait pourtant été adopté par le Sénat en décembre 2011, lors de l’examen, en commission, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, texte qui, comme vous le savez, n’a malheureusement pas pu aboutir.
Aussi, j’aimerais connaître les raisons pour lesquelles l’inscription du détail du calcul des intérêts en cas de recouvrement de créance n’est pas appliquée, et j’aimerais savoir si sa mise en place peut être envisagée, ce qui éviterait, je le répète, de nombreux abus et plus de transparence.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, la question que vous évoquez a effectivement donné lieu à de nombreux échanges lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, voté cette nuit en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, et je ne doute pas qu’elle sera de nouveau soulevée lors de la deuxième lecture au Sénat. Ce texte comporte des dispositions nouvelles qui font beaucoup parler d’elles, notamment celle sur le prix des lunettes, que nous voulons faire baisser, mais là n’est pas le sujet…
Vous m’interrogez donc – et je salue votre constance – sur la possibilité d’inscrire le détail du calcul des intérêts en cas de recouvrement d’une créance bancaire à la suite d’une rupture de contrat.
Je vais vous rappeler certains des arguments que j’avais avancés lors de la première lecture du projet de loi relatif à la consommation ici.
J’avais ainsi invoqué la partie réglementaire du code des procédures civiles d’exécution – l’article R. 124-4, que vous avez vous-même cité – qui précise que « la personne chargée du recouvrement amiable adresse au débiteur une lettre » contenant plusieurs éléments d’information, dont – au 3e de cet article – « le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, à l’exclusion des frais qui restent à la charge du créancier ».
Ce rappel des dispositions réglementaires en vigueur me paraît correspondre à votre préoccupation, car, en application de cet article, le détail du calcul de la créance bancaire doit bien être communiqué au débiteur dans le cadre d’une procédure de recouvrement amiable.
Indépendamment de cette information spécifique dans le cadre du recouvrement amiable, le débiteur reçoit une information régulière sur les frais bancaires qui lui sont appliqués et sur sa situation à l’égard de sa banque.
Ainsi, le relevé de compte transmis par la banque mentionne spécifiquement les frais prélevés, ainsi que, le cas échéant, le plafond de l’autorisation de découvert dont le client bénéficie. En cas de dépassement significatif qui se prolonge au-delà d’un mois, la banque doit informer le débiteur sans délai et par écrit du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui lui sont applicables. C’est l’article L. 311-46 du code de la consommation.
Votre question me donne, de surcroît, l’occasion de rappeler que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires prévoit que cette information sur les frais liés à un incident de paiement sera préalable à leur prélèvement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Enfin, concernant les crédits renouvelables, l’emprunteur dispose également d’une information mensuelle très détaillée en vertu de l’article L. 311-26 du code de la consommation.
Globalement, il me semble donc que les textes en vigueur prévoient déjà une information adéquate du débiteur.
Cela n’enlève rien aux difficultés concrètes évoquées par les associations qui sont au contact des personnes en situation de difficulté financière. Vous savez que, sur ces sujets, de nombreuses dispositions ont été adoptées, notamment en ce qui concerne le plafonnement des frais dans le cadre de la loi de régulation et de séparation des activités bancaires ou sur l’encadrement des crédits à l’occasion du projet de loi relatif à la consommation.
Le groupe d’études auquel vous appartenez a contribué à trouver un équilibre. Je me réjouis que, cette nuit, cet équilibre n’ait pas été modifié au regard des recommandations formulées par plusieurs groupes qui ont travaillé sur la prévention du surendettement, le crédit à la consommation, l’encadrement du crédit renouvelable.
Nous avons, sur ces sujets, progressé. Mais les personnes en difficulté, qui sont souvent déjà désemparées par les courriers de leur établissement bancaire ou leur établissement de crédit, ont incontestablement davantage besoin de conseils que de nouvelles informations.
C’est le sens de la démarche engagée par le Gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, avec les fameux « points conseils budget », auxquels les personnes en situation de difficulté financière pourront s’adresser afin de se faire expliquer les documents transmis par leurs créanciers et, le cas échéant, de bénéficier de l’aide d’un tiers de confiance qui pourra trouver une solution adaptée à leur situation.
Ces mesures s’ajouteront à la création du registre national des crédits aux particuliers qui nous permettra, dans un autre domaine, de mesurer la solvabilité de celles et ceux qui sollicitent un crédit pour leur éviter le crédit « de trop » et qui responsabilisera, cette fois, le prêteur et non pas simplement l’emprunteur.
Ces dispositions sont de nature à mieux protéger les personnes que leur situation financière rend parfois vulnérables face à leur établissement de crédit ou à leur établissement bancaire.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse : nous partageons le même objectif de transparence. Je reconnais que de très grands progrès ont été accomplis, et le projet de loi relatif à la consommation va encore permettre une avancée significative. Ce que je vous propose, c’est un peu plus de transparence sur ce qui peut apparaître comme un détail, à savoir le calcul des intérêts.
Ce calcul fait entrer trois inconnues qu’il est indispensable de bien préciser.
La première inconnue est le montant du capital sur lequel les intérêts portent et qui a servi de base à leur calcul, montant auquel les organismes de recouvrement ajoutent bien souvent celui des frais.
La deuxième inconnue est le taux retenu. Il peut ainsi s’agir du taux d’intérêt légal ou d’un taux d’intérêt conventionnel. Souvent, le taux est fixé après application des pénalités de retard.
La troisième inconnue est la période sur laquelle sont calculés les intérêts. Quand le débiteur paye par acompte, l’imputation des acomptes sur le capital et le calcul de la période à laquelle s’applique le taux d’intérêt sont essentiels.
Croyez-moi, monsieur le ministre, ayant quarante ans d’expérience professionnelle dans le domaine du recouvrement des créances, pour et contre les banques, je peux vous affirmer qu’il y a là une faille, situation à laquelle la transparence que vous essayez d’instituer – vous l’avez fort bien fait pour les frais bancaires – permettrait de remédier. Faire la transparence sur le calcul des intérêts, ce qui rassurerait tout le monde et éviterait des recouvrements abusifs sur des intérêts mal calculés, est de surcroît facile.
instauration d'une taxe européenne sur les transactions financières
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 544, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Dominique Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité ce matin attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur le projet de taxe européenne sur les transactions financières.
Ce projet a trouvé un aboutissement lors du conseil « économie-finances » du 22 janvier 2013, avec le lancement d’une coopération renforcée sur le sujet entre onze États membres, dont l’Allemagne.
La proposition de la Commission européenne prévoit que le dispositif concerne le marché des actions et obligations, au sein duquel chaque transaction serait taxée à hauteur de 0,1 %, et celui des produits dérivés, pour lequel serait appliquée une taxe à hauteur de 0,01 %.
La Commission européenne envisage une entrée en vigueur de cette taxe au cours de l’année 2014.
Au fil des derniers mois, les négociations entre les différents États membres ont fait apparaître des inquiétudes quant aux conséquences de la mondialisation induites en particulier par le principe de résidence, mais également sur l’impact économique de la taxe ou encore sur l’affectation des fonds récoltés, sans pour autant remettre en cause le principe même de ce prélèvement et de cette taxation.
Le gouvernement français, qui soutient le projet de taxe européenne sur les transactions financières, a également souligné qu’il convenait d’améliorer la proposition de la Commission européenne, afin de parvenir à une taxe qui ne nuise pas au financement de l’économie. En effet, les fédérations et associations professionnelles estiment que le dispositif, tel qu’il est présenté par la Commission européenne, pourrait conduire à des délocalisations massives d’activités et donc à des suppressionsd’emplois.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de bien vouloir nous faire part des pistes de travail envisagées par le Gouvernement afin d’améliorer la proposition de la Commission européenne et ainsi permettre la mise en œuvre la plus rapide possible de cette taxation financière.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur Bailly, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse.
La position de la France dans ce domaine a toujours été constante. Je vais rapidement en rappeler les termes.
Nous voulons une taxe ambitieuse sur les transactions financières à l’échelle des onze États qui participent à la coopération renforcée, et nous la voulons rapidement.
Nous avons tout fait pour cela ces derniers mois, et nous sommes au travail afin de faire aboutir ce projet, historiquement inédit à double titre : la première coopération renforcée en matière fiscale dans l’histoire européenne et la première taxe sur les transactions financières à grande échelle.
Je veux rappeler les faits : c’est la France qui, depuis l’élection de François Hollande, a ranimé le dossier « taxes sur les transactions financières », enlisé depuis plusieurs années. Nous avons obtenu que dix États membres se joignent à nous pour demander à la Commission de lancer la coopération renforcée.
Il est vrai, parce que cette initiative est nouvelle et qu’elle engage des enjeux de souveraineté, que les discussions prennent du temps. Il est également vrai que les élections en Allemagne et le temps de formation et de définition du mandat du gouvernement allemand ont pu retarder assez logiquement ce processus.
Pour autant, la position de la France n’a pas varié : elle promeut une taxe véritablement ambitieuse.
Si tout n’est pas parfait dans la proposition de la Commission, la position de la France sur ce sujet est constante et cohérente. Le ministre de l’économie et des finances a pu l’exprimer publiquement à de nombreuses reprises : le Gouvernement a, notamment sur la question de la territorialité, des réserves économiques. Des aménagements au projet de la Commission ont ainsi été demandés. Aucun État autour de la table, du reste, ne trouve parfaite la proposition initiale. La Commission y a elle-même apporté des améliorations chemin faisant. Le Parlement européen a adopté des résolutions qui recommandent d’autres améliorations.
Contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre, l’avis du Conseil européen sur cette question de la territorialité ne condamne ni le principe d’une taxe sur les transactions financières en Europe ni la taxe française elle-même.
Dès lors, l’attitude de la France est on ne peut plus claire : nous sommes à pied d’œuvre aux côtés de l’Allemagne, qui a réaffirmé son attachement au projet européen de taxe sur les transactions financières, pour que ce formidable projet que nous avons relancé ensemble voie le jour et montre l’exemple au reste des pays de l’Union. C’est ce à quoi travaille le Gouvernement depuis ces derniers mois, avec nos partenaires, pour rendre la proposition de la Commission opérationnelle et économiquement efficace.
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Monsieur le ministre, je vous remercie de réaffirmer la volonté politique du Gouvernement de voir aboutir cette taxation financière au niveau européen. Je souhaite que l’année 2014 apporte cette réussite, car ce sera un élément politique important pour la construction européenne.
M. le président. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre des outre-mer, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
indemnité d'installation des fonctionnaires à saint-barthélemy
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, auteur de la question n° 579, adressée à M. le ministre des outre-mer.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le décret du 15 avril 2013 qui ramène de seize à six mois de traitement indiciaire l’indemnité de sujétion géographique des fonctionnaires et magistrats en poste à Saint-Barthélemy suscite l’inquiétude du corps enseignant.
Cette diminution importante aurait pu être lue à l’aune des contraintes budgétaires que nous connaissons, mais la fixation de la même indemnité entre dix et seize mois de traitement pour les fonctionnaires en poste à Saint-Martin soulève une incompréhension.
La collectivité de Saint-Martin est en effet voisine de seulement vingt kilomètres de Saint-Barthélemy, et, surtout, le coût de la vie y est nettement moins élevé.
À Saint-Barthélemy, les prix sont, au contraire, particulièrement élevés. Cela tient à de multiples raisons, parmi lesquelles la totale dépendance aux importations et l’étroitesse du territoire qui provoque une pression à la hausse sur l’ensemble des prix, y compris ceux de l’immobilier.
Dans ces conditions, la diminution de l’indemnité aura immanquablement pour effet d’alourdir mécaniquement les frais d’installation des enseignants qui seront affectés sur l’île.
De plus, la modification des conditions matérielles place les deux collectivités voisines en concurrence dès lors que, la demande d’affectation étant volontaire, les candidats risquent fort de favoriser le territoire le plus avantageux du point de vue matériel.
Le contexte économique de Saint-Barthélemy est déjà source d’une pénurie d’enseignants, ce qui a nécessité de recourir longtemps à des personnels contractuels, une situation que ces nouvelles règles indemnitaires ne feront qu’accentuer en l’absence d’un « amortisseur » financier.
Comme les enseignants ne bénéficient pas de logement de fonction, ils sont en réalité les seuls fonctionnaires d’État à être réellement impactés par la baisse de l’indemnité à Saint-Barthélemy. En effet, eu égard au niveau des prix pratiqués localement, le logement représente un poste de dépense fixe important.
Si les autres catégories de fonctionnaires d’État ne sont pas concernées, c’est parce qu’elles sont logées soit par l’État, soit par la collectivité elle-même, au titre d’une convention passée avec l’État antérieurement à l’entrée en vigueur du statut de collectivité autonome.
En outre, le décret précité fixe le même régime indemnitaire pour Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, deux territoires qui ont en commun une faible population. Cela laisse donc penser que c’est le critère démographique qui a présidé à la révision du dispositif.
Or, à Saint-Barthélemy, du fait justement d’un faible poids démographique, le nombre de fonctionnaires qui pourraient être concernés reste limité. Dès lors, l’impact budgétaire d’un alignement de l’indemnité sur celle de Saint-Martin sera lui aussi limité. Aujourd’hui, sur 45 enseignants présents sur l’île, seuls 12 ont été bénéficiaires de l’indemnité dans ses modalités antérieures.
Enfin, cette réforme risque d’avoir pour autre effet de dissuader certaines catégories d’enseignants de postuler pour Saint-Barthélemy, ce qui, à terme, ne pourra qu’avoir des répercussions sur la diversité de l’encadrement pédagogique, pourtant nécessaire sur un territoire aussi exigu.
Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de m’indiquer si un réexamen intégrant davantage la réalité de la cherté de la vie peut être envisagé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’instauration d’une indemnité de sujétion géographique, fixée, pour la collectivité de Saint-Barthélemy, à six mois de traitement indiciaire du fonctionnaire pour une durée minimale de quatre années de services.
L’indemnité de sujétion géographique, également applicable en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, a succédé, le 1er octobre 2013, à l’indemnité particulière de sujétion et d’installation, l’IPSI.
L’instauration de l’indemnité de sujétion géographique est le fruit d’une longue concertation avec les différents ministères employeurs, organisée par ma collègue Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Il convient de rappeler que le dispositif précédent de l’IPSI n’avait été créé, en 2001, qu’à titre transitoire, pour répondre immédiatement aux problèmes d’attractivité de ces quatre collectivités.
Le but était d’ajuster, à partir de critères objectifs, une nouvelle indemnité aux sujétions particulières et spécifiques des collectivités concernées.
Ces sujétions sont principalement liées à la situation géographique, notamment à l’éloignement des communes par rapport aux centres administratifs dans certains territoires, comme en Guyane, mais aussi aux difficultés inhérentes à certains postes.
La réforme menée à bien cette année n’a pourtant écarté aucune collectivité précédemment bénéficiaire de l’indemnité particulière de sujétion et d’installation. Elle a toutefois permis de créer un régime différencié selon les territoires, tenant compte des difficultés réelles de recrutement pour chacun d’eux, en dégageant des critères pertinents selon les affectations, et non plus globalement par collectivité, du moins lorsque des différences de situation le justifiaient.
Ainsi, des mécanismes de modulation ont été mis en place en Guyane et à Saint-Martin, où des différenciations selon les affectations ont clairement été relevées. Les collectivités ne sauraient donc être mises en concurrence puisque la réforme répond à des difficultés spécifiques à chacune d’entre elles.
Dans cet esprit, le critère démographique n’a pas été pris en compte, ni l’impact financier par collectivité.
Ainsi, la Guyane bénéficie d’un régime très souple compte tenu de l’importance des effectifs concernés, de la superficie du territoire et de la diversité des situations selon les affectations.
De même, au cours de la concertation interministérielle, de réelles difficultés de recrutement ont été relevées dans la collectivité de Saint-Martin. C’est pourquoi un système de modulation a été mis en place dans cette collectivité, à l’instar de la Guyane, selon des modalités toutefois moins avantageuses.
En revanche, à Saint-Pierre-et-Miquelon comme à Saint-Barthélemy, le problème de l’attractivité n’a pas été mis en évidence par les différents départements ministériels.
Toutefois, malgré un contexte budgétaire contraint, il a été décidé de maintenir un régime indemnitaire dans ces deux collectivités, afin de ne pas créer de situation de rupture avec le dispositif précédent, susceptible de constituer, à terme, un frein à la mobilité. Dans ces conditions, un même régime forfaitaire de six mois de traitement a été fixé à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy.
L’instauration de l’indemnité de sujétion géographique à Saint-Barthélemy prend ainsi en compte les difficultés propres à cette collectivité, qui sont liées à la cherté de la vie.
Monsieur le sénateur, le dispositif mis en place tend donc à répondre aux problématiques que vous soulevez. Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique et moi-même veillerons à évaluer l’impact de cette réforme sur les prochains exercices, en liaison avec les ministères employeurs.
Si un problème d’attractivité se posait – vous avez évoqué le caractère dissuasif de la mesure que nous avons prise –, je suis prêt à vous recevoir pour procéder avec vous à une évaluation de la situation et aviser.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le ministre, je vous remercie de la qualité de votre réponse. Je souscris bien entendu à la volonté de réforme globale de cette indemnité par le Gouvernement. Vous me permettrez de craindre cependant que l’incompréhension ne persiste encore pendant un certain temps chez les personnels concernés. Toutefois, je suis satisfait que le Gouvernement s’engage, par votre voix, à faire une évaluation de la situation et, éventuellement, à réagir en conséquence.
Avec votre accord, je veillerai de mon côté à me faire le porte-parole des parties concernées. Je n’hésiterai pas à solliciter le Gouvernement pour qu’ensemble nous puissions faire en sorte que l’enseignement, en particulier celui qui est destiné aux enfants de Saint-Barthélemy, ne soit pas pénalisé.
présentation à l'examen du permis de conduire
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 525, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences des délais particulièrement longs pour ce qui concerne la présentation à l’examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne.
En France, le délai moyen entre la fin de la formation pratique et l’examen varie de quelques semaines à deux mois ; dans mon département, il atteignait six mois quand j’ai posé cette question en juillet dernier. Aujourd'hui, il est presque de huit mois pour les personnes qui, ayant échoué une première fois à l’examen, veulent se réinscrire.
Une telle situation est très embarrassante pour les élèves, car ils doivent faire face à des coûts qui ne sont pas prévus dans les « forfaits » souscrits avant même l’épreuve théorique du code.
Entre la dernière heure de formation et l’examen, de nombreux élèves doivent reprendre des leçons supplémentaires – une heure ou deux par mois – pour conserver leur acquis.
Ce surcoût imprévu est source de relations conflictuelles entre les auto-écoles et leurs élèves. Ces derniers ne comprennent pas qu’ils sont obligés d’attendre aussi longtemps et que ce n’est pas la faute de l’auto-école. En cas d’échec, les coûts deviennent exorbitants compte tenu des délais.
L’obtention du permis de conduire est souvent essentielle pour trouver un travail ; le permis est indispensable à la mobilité, même en Île-de-France, où les transports en commun ne sont pas disponibles partout et où il peut être difficile de se rendre d’un endroit à un autre.
Ce rallongement des délais est dénoncé depuis 2010 par les professionnels du Val-de-Marne. Le préfet avait alors décidé, à titre exceptionnel, de faire appel à des inspecteurs d’autres départements pour débloquer la situation. À titre de comparaison, eu égard à la population, il y a moins d’inspecteurs dans le Val-de-Marne qu’en Bretagne !
Dans le même ordre d’idées, une seule personne s’occupe de l’enregistrement des dossiers déposés à Créteil. Il faut au moins quatre mois pour qu’une auto-école obtienne le renouvellement de son agrément quinquennal…
Monsieur le ministre, quelles mesures le ministre de l’intérieur compte-t-il prendre dans l’immédiat pour débloquer cette situation critique dans le Val-de-Marne ? Quelles mesures durables va-t-il mettre en œuvre tant pour les élèves, qui attendent trop, pour les inspecteurs, qui ne sont pas assez nombreux, et pour les auto-écoles, dont certaines sont à la veille du dépôt de bilan à cause de ces dysfonctionnements ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez interrogé le ministre de l’intérieur sur l’importance des délais de présentation à l’examen du permis de conduire, notamment dans votre département du Val-de-Marne. Manuel Valls, qui regrette de ne pouvoir être présent parmi nous ce matin, m’a transmis les éléments de réponse suivants.
L’accès au permis de conduire est un sujet important, car, comme vous l’avez rappelé, celui-ci n’est pas une simple autorisation administrative. Il est, pour beaucoup de jeunes, synonyme d’accès à l’autonomie et à l’emploi, bref, à l’âge adulte.
Comme vous le savez, le nombre de places auquel chaque école de conduite peut prétendre pour présenter des candidats à l’épreuve pratique est fixé selon une méthode nationale, qui tient compte notamment de la réussite de chaque école durant les douze derniers mois.
Cette méthode d’attribution est complétée par plusieurs dispositifs qui permettent d’augmenter l’offre d’examens au niveau départemental lorsque celle-ci est saturée : renforts d’inspecteurs de départements proches, organisation d’examens supplémentaires le samedi, par exemple. Ces dispositifs permettent d’accorder des renforts ponctuels aux départements qui connaissent un délai d’attente entre deux présentations supérieur à la moyenne nationale, en particulier à certaines périodes de l’année, qui correspondent à un afflux des demandes.
La mise en œuvre de ces mesures a permis d’obtenir sur l’année 2012 un délai moyen d’attente d’environ 86 jours au niveau national. Dans le département du Val-de-Marne, ce délai est supérieur, avec 120 jours. Même s’il n’atteint pas la durée de six mois que vous avez mentionnée, ce délai reste trop long ! C’est pourquoi le Val-de-Marne a bénéficié au cours des neuf premiers mois de l’année 2013 de 100 examens supplémentaires par mois environ, ce qui correspond à un renfort équivalent à un inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière à temps plein.
De plus, la longueur des délais dans ce département s’explique aussi par un taux de réussite à l’examen inférieur au taux national sur l’année 2012 : 51,58 % dans le Val-de-Marne, contre 59,13 % sur l’ensemble du territoire. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)
Pour autant, le ministre de l’intérieur est conscient de la nécessité d’ouvrir une réflexion globale sur la question des places d’examen. C’est pourquoi il a demandé à la présidente de la commission « Jeunes et éducation routière » du Conseil national de la sécurité routière de mener une concertation élargie sur ce sujet et de proposer un plan d’action.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je suis bien consciente que vous êtes ici le porte-parole du Gouvernement, mais les problèmes de présentation de permis de conduire ne se rencontrent pas qu’Île-de-France ; les outre-mer sont concernés aussi ! (Sourires.)
Si l’on compare les taux moyens de réussite, celui du Val-de-Marne, qui est de 52 %, est certes plus faible que celui qui est constaté dans le reste de la France. Cependant, ce résultat n’est que normal : compte tenu de la circulation en Île-de-France, sur une heure de cours de conduite, il est possible de rester bloqué 45 minutes dans les encombrements ! En Île-de-France en général et dans notre département en particulier, il faut donc davantage d’heures de conduite. En province, on conduit effectivement pendant une heure, contre 30 ou 40 minutes dans notre région. Voilà un facteur qui peut expliquer ce taux plus faible !
Par ailleurs, de nombreuses personnes passent le permis : 6 445 personnes durant le premier trimestre dans le Val-de-Marne, dont près de 48 % l’ont réussi. Entre-temps, il y a eu 2 848 demandes. D’après mes calculs, ce sont 25 000 personnes qui auront demandé à passer le permis de conduire cette année, auxquelles il faut ajouter 12 000 élèves en attente.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, qu’une réflexion allait être menée. Dont acte ! Mais il faut tenir compte du stock, et non du flux permanent. En Île-de-France, la situation est plus tendue qu’ailleurs. Il faudrait agir, d’autant qu’un tiers des examens ont été annulés à la suite de la grève des inspecteurs, au mois de décembre.
Cette annulation augmentera encore davantage le stock de candidats en attente et retardera d’autant la date à laquelle tous ces jeunes pourront passer l’examen !
J’espérais que M. le ministre de l’intérieur me répondrait que des moyens supplémentaires seraient momentanément mis à disposition de la préfecture, via le recrutement d’une personne chargée d’examiner les dossiers, d’une autre pour renouveler l’agrément des auto-écoles…
Il est tout de même absolument incroyable que l’on accorde d’office aux auto-écoles le renouvellement de leur agrément, faute de temps pour examiner leur dossier, déposé, parfois, plusieurs mois auparavant ! Cette situation est complètement aberrante.
Par votre voix, le ministre de l’intérieur annonce une concertation. Il ferait mieux d’annoncer clairement à tous les habitants du Val-de-Marne, aux jeunes et aux moins jeunes qui passent leur permis de conduire, aux auto-écoles et aux inspecteurs que rien n’est prévu pour améliorer la situation rapidement !
pour une meilleure couverture en téléphonie mobile de tous les territoires
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 471, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, c’est sur la couverture des territoires en téléphonie mobile que je souhaite attirer l’attention du Gouvernement, de la même manière que j’avais attiré celle du gouvernement précédent.
La situation de mon département en zone de montagne ne facilite certainement pas une bonne communication, aggravant ainsi des handicaps naturels.
Toutefois, grâce à la mutualisation des moyens, des avancées significatives, en partenariat avec les collectivités locales – départements et régions – et les opérateurs, ont été enregistrées depuis plusieurs années. Elles permettent de couvrir la grande partie des territoires initialement qualifiés de « zones blanches ». Ces marques de solidarité et ces complémentarités permettent à la France dite « profonde » de bénéficier d’un progrès technique très important.
Néanmoins, il faut continuer et aller plus loin, car la plus grande partie du territoire reste en zone dite « grise », ce qui aggrave les disparités existantes.
Oui, monsieur le ministre, les actions collectives en la matière doivent perdurer, voire s’améliorer, par une mutualisation des opérateurs.
En effet, il est anormal que les relais de deux, voire de trois opérateurs se chevauchent sur nos territoires, augmentant ainsi les coûts d’investissement, dénaturant souvent le paysage et provoquant des incohérences sur le plan de la réception.
La mutualisation est indispensable à l’efficacité, à l’économie, voire au respect du simple bon sens, aussi. Nos territoires ruraux, en particulier en zone de montagne, ont le droit de pouvoir bénéficier de cette parité. Souvent, leurs habitants ne comprennent pas le « gâchis d’équipements ».
Oui, monsieur le ministre, les zones grises sont bien souvent devenues des zones blanches…
Dans le contexte économique difficile que l’on connaît, de telles propositions relèvent d’une logique indispensable de solidarité, qui doit se traduire dans la réglementation.
Monsieur le ministre, permettez-moi d’insister pour connaître les perspectives techniques et réglementaires qui se dessinent dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur Jean Boyer, vous voudrez bien excuser l’absence de ma collègue Cécile Duflot, qui m’a chargé de vous communiquer les éléments de réponse suivants.
Vous avez justement noté une amélioration de la desserte en réseaux de télécommunication mobile, ce qui est le résultat des règles de mutualisation énoncées par l’État et des efforts de la puissance publique réalisés en faveur des zones rurales.
Ces règles de mutualisation des infrastructures en milieu rural, mais aussi, bien entendu, l’implication conjointe des collectivités territoriales, des opérateurs et du Gouvernement, dans le cadre d’un programme conduit par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, ont permis de desservir plus de 3 200 communes, que le simple jeu de la concurrence ne permettait pas d’équiper, en raison de leur faible densité ou de leur éloignement.
Conformément à l’objectif même d’égalité des territoires, il appartient à la puissance publique d’intervenir dans ces zones, afin que chacun de nos concitoyens puisse bénéficier de ces technologies et des usages qui en découlent.
Par ailleurs, vous mentionnez l’existence, sur une même commune, de plusieurs pylônes d’opérateurs distincts. Cette situation, qui peut paraître surprenante, est consécutive aux orientations données par les différents traités fondateurs de l’Union européenne, qui ont permis que s’exprime, là où la densité démographique et les enjeux commerciaux le justifiaient, une concurrence par les infrastructures plutôt que la réalisation de programmes d’équipements confiés jusque-là à des sociétés nationales en situation de monopole.
Je comprends votre crainte de voir certaines « zones grises », sur lesquelles les opérateurs ne sont pas tous présents, devenir progressivement des « zones blanches », ce qui signifierait que les opérateurs initialement installés auraient cessé de délivrer des services. Je tiens toutefois à vous rassurer sur ce point : le Gouvernement veillera à ce que les conditions d’exploitation des infrastructures existantes ne se détériorent pas.
C’est un enjeu majeur, et le Gouvernement restera extrêmement attentif. Soyez assuré de sa vigilance.
Cela étant, je vous invite, monsieur le sénateur, à signaler toute dégradation de la couverture en réseaux de télécommunication mobile que vous pourriez constater, afin que des mesures puissent être prises dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que j’apprécie parce qu’elle est complète.
Néanmoins, vous me permettrez de prendre à témoin ceux qui siègent dans cet hémicycle, et qui sont tous hommes de bon sens.
Mme Catherine Procaccia. Et femmes de bon sens, aussi ! (Sourires.)
M. Jean Boyer. Bien sûr, ma chère collègue, et vous n’êtes pas la dernière à le prouver ! (Nouveaux sourires.)
Il est de notoriété publique que les opérateurs s’implantent là où se trouve la population. C’est normal ! Si nous avions à gérer une entreprise, nous ferions de même.
Bien évidemment, cela pose problème aux zones rurales, dont la densité est en général assez faible. Mon département compte un canton où il y a moins de cinq habitants au kilomètre carré ! Comment voulez-vous que les opérateurs soient incités à venir s’implanter sur des territoires où la densité est aussi faible ?
Dans ces conditions, pour parler très concrètement, pourquoi ne pas autoriser, éventuellement par décret – je ne sais quelle est la voie juridique la plus adaptée – deux ou trois opérateurs à se brancher à un seul et même pylône, plutôt que de voir s’implanter trois pylônes sur un même territoire ?
Monsieur le ministre, une collaboration s’est organisée entre ma région, l’ensemble des départements qui la composent et l’État, sur la base d’une mutualisation. C’est par de telles initiatives que les zones blanches de la France profonde bénéficient aujourd'hui d’une couverture des trois opérateurs. Cette expérience, qui a été très appréciée, devrait être généralisée.
3
Renvoi pour avis unique
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, (n° 178, 2013-2014), dont la commission des affaires économiques est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J’ai reçu avis de la démission :
- de M. François Grosdidier, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ;
- de M. Louis-Constant Fleming, comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :
- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. François Grosdidier, démissionnaire ;
- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Louis-Constant Fleming, démissionnaire.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Loi de finances pour 2014
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances pour 2014 (projet n° 229, rapport n° 235).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour évoquer de nouveau le projet de loi de finances pour 2014. J’ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, de m'exprimer sur le contenu de ce texte et par conséquent, j’en suis convaincu, vous me pardonnerez de le faire brièvement.
Je voudrais insister sur trois points : d'abord, ce projet de loi de finances pour 2014 s’inscrit dans une trajectoire de nos finances publiques connaissant une diminution continue des déficits depuis l'alternance de mai 2012 ; ensuite, notre volonté de faire de ce projet de loi de finances pour 2014 un texte matérialisant la détermination du Gouvernement d'inverser durablement la courbe du chômage ; enfin, ce texte comporte un nombre significatif des mesures qui témoignent de la volonté du Gouvernement d’intégrer dans sa politique et ses orientations budgétaires et fiscales la question du pouvoir d'achat des ménages qui, tout autant que la restauration de la compétitivité des entreprises, est un vecteur de la croissance.
Le premier point, c’est la réduction continue des déficits dans laquelle nous sommes engagés. Nous avons fait du redressement de nos comptes publics et du retour à l'équilibre structurel un objectif fort du quinquennat, auquel le Gouvernement entend scrupuleusement se tenir. Dois-je rappeler ici la séquence des chiffres, que chacun d’entre vous connaît bien ?
Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le dernier chiffre de déficit nominal que nous avions à disposition était celui de 2011, et s'élevait à 5,3 %. En 2012, grâce aux mesures prises en loi de finances rectificative et à la bonne exécution du budget – notamment à la maîtrise de la dépense publique –, nous avons réussi à ramener le déficit à 4,8 %.
Certes, l'objectif était de 4,5 %. Ce décalage de 0,3 % entre l'objectif que nous nous étions assigné et le résultat obtenu s'explique essentiellement par l'obligation dans laquelle nous nous sommes trouvés d'intégrer deux mesures exceptionnelles. La première était l'obligation d'un budget supplémentaire européen résultant du cantonnement continu des crédits de paiement alloués par les différents pays de l'Union européenne à la Commission européenne pour lui permettre de tenir les objectifs qu’elle s'était assignés pour la période 2007–2013 au titre de ses orientations budgétaires ; la seconde était la recapitalisation de Dexia.
Pour 2013, nous avons la volonté de nous conformer à l'objectif de 4,1 %, et le projet de loi de finances qui vous est présenté affiche un objectif de 3,6 %.
C’est donc une diminution continue des déficits qui est inscrite dans la trajectoire des finances publiques dont nous sommes comptables devant la représentation nationale, étant rappelé qu’au cours du précédent quinquennat la moyenne des déficits nominaux n’a jamais été inférieure à 5 %. Afin de poursuivre cette trajectoire, nous devons poursuivre aussi nos efforts, notamment en matière d'ajustement structurel. Je donnerai ici encore quelques chiffres, que, les uns et les autres, vous avez certainement à l'esprit.
En 2012, l’effort structurel, de 1,3 %, a été considéré comme exceptionnel, ou en tout cas significatif par la Cour des comptes et par le Haut Conseil des finances publiques. Cet effort sera de 1,7 % en 2013 et notre objectif est de 0,9 % en 2014. Au regard des engagements que nous avons pris devant l'Union européenne en termes d'ajustement structurel, ces chiffres montrent que nous tenons scrupuleusement, rigoureusement et méthodiquement nos objectifs.
Cela n’est possible que parce que la dépense est maîtrisée. Dans cet hémicycle, nous avons eu beaucoup de débats sur ce sujet – des débats parfois polémiques ou qui, en tous les cas, manifestaient la position des différents groupes.
Je veux là aussi, m'éloignant de toute considération polémique, rappeler la réalité des chiffres. La dépense publique a connu une croissance annuelle supérieure à 2 % – 2,3 % exactement – entre 2002 et 2007. Entre 2007 et 2012, elle a progressé à peu près au rythme de 1,7 %. Enfin, l'augmentation de la dépense publique pour 2014, telle que nous l'avons inscrite dans notre trajectoire, ressort à 0,4 %.
Si nous continuons à tenir nos objectifs de maîtrise de la dépense publique, nous aurons donc divisé par quatre son rythme de progression en l'espace de dix-huit mois... Faut-il rappeler que la dépense publique a augmenté de 170 milliards d'euros entre 2007 et 2012 ? Il est vrai que la crise était là, et qu’il convient toujours de « recontextualiser » les chiffres que l'on évoque. Quoi qu'il en soit, le Haut Conseil des finances publiques comme la Cour des comptes ont eu l'occasion de rappeler, à plusieurs reprises, que près des deux tiers de l'augmentation de la dépense n’était pas imputable à la crise. Il en va de même pour le creusement des déficits. Les choix de politique publique qui ont été faits à un moment donné expliquent donc une partie du dérapage des comptes pour la période passée.
Pour le budget 2014, nous présentons 15 milliards d'euros d’effort d'économie en dépense. Certains considèrent que ce montant est insuffisant. Or ce sont souvent les mêmes qui se sont félicités qu’aient été réalisés 10 milliards d’euros d’économie en dépense entre 2010 et 2013.
Mme Michèle André. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour ceux-là, par rapport à l’évolution tendancielle d'augmentation de la dépense au titre de la révision générale des politiques publiques, cette économie de 10 milliards d’euros était l'idéal type de la bonne gestion, tandis que 15 milliards d’euros d'économie en un an témoigneraient du plus grand relâchement dans l'effort de gestion de nos comptes publics… Allez comprendre ! (M. Jacques Chiron opine et M. Jacky Le Menn sourit.)
D'ailleurs, les mêmes tiennent aussi le discours selon lequel ces économies ne seraient que virtuelles puisqu’elles sont à rapporter à l’évolution tendancielle d'augmentation de la dépense. Comme s'il n’existait pas, au sein de l'Union européenne, et même dans notre pays, des règles comptables et budgétaires depuis longtemps établies qui permettent à l'Union d'apprécier tous les budgets des États membres à l'aune de la même toise, celle des économies en dépense par rapport à une évolution tendancielle d'augmentation de la dépense ! Si nos économies étaient virtuelles, la Commission européenne n’aurait pas reconnu qu'elles contribuent à hauteur de 0,7 % à l'effort de maîtrise que nous accomplissons.
Ces économies sont donc bien là. Elles permettent de maîtriser les dépenses publiques et leur rythme de progression, qui est presque divisé par cinq. Nous avons l'intention de poursuivre cet effort et je voudrais, pour ce qui concerne 2014, vous indiquer rapidement, pour l'avoir fait à plusieurs reprises, où se situent les économies. Elles proviennent de l’État à hauteur de 9 milliards d'euros, et de la sphère sociale pour 6 milliards d’euros.
Les 9 milliards d’euros sur l’État résultent d'un effort fait sur les administrations centrales de diminution de 2 % de leurs dépenses de fonctionnement. D’ailleurs, ces économies ne sont pas simplement des économies constatées ou réalisées à partir de la logique de rabot : derrière ces économies, il y a de la modernisation de l'action publique. J’ai souvent eu l’occasion de prendre l'exemple de la dématérialisation. Ainsi, au sein du ministère des finances, la télédéclaration a engendré près de 150 millions d'euros d'économie. La modernisation de l'administration permet de constater des économies en dépense significatives.
Concernant les opérateurs de l’État, alors que la dépense avait augmenté de 15 % au cours du précédent quinquennat – celles dévolues au personnel de ces opérateurs ont en particulier progressé de 6 % –, nous présentons un budget en diminution de 4 %. Un effort de regroupement, de mutualisation et de rationalisation permet de diminuer les effectifs de ces opérateurs de près de 1 250 équivalents temps plein pour 2014.
Nous rationalisons notre politique d'investissement et de participations. Cela revêt parfois une dimension symbolique – je pense à la remise en cause de la subvention de 15 millions d'euros au Stade de France –, mais prend aussi une forme plus significative lorsqu'il s'agit de plafonner les taxes dont bénéficient un certain nombre d'opérateurs de l’État ou de réviser en profondeur les aides aux entreprises. Nous nous inspirons en cela de la modernisation de l'action publique, dont nous avons repris 50 % des préconisations dans le projet de loi de finances pour 2014.
Les 6 milliards d’euros d'économies sur la sphère sociale résultent essentiellement de l’effort considérable, à hauteur de 3 milliards d’euros, que nous accomplissons sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Je rappelle que, l'an dernier, nous avons exécuté 1 milliard d’euros en dessous de la norme les dépenses d’assurance maladie. Une économie de près de 650 millions d'euros est d’ores et déjà constatée pour 2013, ce qui nous laisse penser que d’ici à la fin de l'année nous pourrions être dans une maîtrise exceptionnelle des dépenses de l'assurance maladie, qui rend crédible notre économie de 3 milliards d'euros pour 2014 au titre de l'ONDAM.
À cela, s'ajoutent 2 milliards d'euros d'économies résultant de la réforme des retraites et du différé de l'indexation des pensions, dont 1 milliard d'euros d'économies constatés au terme des négociations intervenues entre les partenaires sociaux au titre des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, 500 millions d'euros d'économies au titre des efforts de gestion des caisses de sécurité sociale au moment où celles-ci renégocient leurs contrats d'objectifs et de gestion, et 300 millions d'euros au titre des négociations entre les partenaires sociaux sur les sujets que l’on sait.
Tout cela fait 6 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 9 milliards d’euros de l’État.
À tous les parlementaires, souvent de bonne foi, qui s'interrogent sur la traçabilité des économies, la voilà désormais établie, ce qui devrait contribuer à tranquilliser les plus anxieux d’entre vous.
Les économies sont là, les déficits se réduisent, l'effort est maintenu : le redressement de nos comptes constitue l'objectif à atteindre, et nous l'atteignons.
Le deuxième objectif de ce budget est l'inversion de la courbe du chômage. Le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, a eu l'occasion d'expliquer le cadre macroéconomique global dans lequel s'inscrit la présentation de cette loi de finances pour 2014. Je n’y reviendrai pas dans le détail, mais rappellerai en quelques mots les efforts qui sont inscrits dans cette loi de finances en faveur de l'emploi.
Je pense bien entendu aux efforts matérialisés dans le budget de l'emploi et de la formation professionnelle pour accompagner la création de 340 000 emplois aidés, de 150 000 contrats d'avenir et de 100 000 contrats de génération.
Il s’agit d’un effort global de près de 3 milliards d'euros, témoignant du volontarisme qui est le nôtre d’offrir une chance pour l’avenir à ceux qui souffrent depuis longtemps de la crise, qui sont depuis longtemps exclus du marché du travail et n’avaient pas, jusqu’à la mise en place de ces dispositifs, de perspectives en termes d’accès au pouvoir d’achat, à un parcours professionnel.
Si l’inversion de la courbe du chômage qui s’amorce ne s’explique pas exclusivement par la mobilisation de ces moyens, il faut aussi reconnaître que ceux-ci sont une chance donnée à ceux qui se trouvent, parfois depuis longtemps, désœuvrés face à l’épreuve du chômage de se construire un avenir.
Par-delà ces dispositifs, il en existe d’autres qui renvoient aux efforts réalisés pour l’entreprise, le secteur marchand devant être accompagné dans la création d’emplois.
Que faisons-nous pour accompagner la restauration de la compétitivité de notre appareil productif ? La montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, permettra au monde de l’entreprise de bénéficier d’un allégement net de charges pour 2014 de 10 milliards d'euros.
Faut-il rappeler que par rapport à la somme des prélèvements effectués sur les entreprises l’an dernier, les prélèvements sur les entreprises par-delà le CICE, si on neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, permettront un allégement fiscal de 2 milliards d'euros ?
Faut-il rappeler que nous avons présenté un régime nouveau de plus-values de valeurs mobilières qui permet à ceux qui investissent dans les PME-PMI innovantes en prenant un risque de bénéficier d’un dispositif fiscal hautement incitatif ?
Faut-il rappeler la réforme des jeunes entreprises innovantes, qui, à travers la mise en place d’un nouveau dispositif de dégressivité des cotisations sociales, bénéficient d’un régime beaucoup plus avantageux que celui qui prévalait avant l’alternance ?
Faut-il rappeler le dispositif de dégressivité des amortissements en faveur des entreprises qui investissent dans la robotisation pour que nous puissions rattraper notre déficit de compétitivité, de productivité par rapport à l’appareil productif allemand ?
Faut-il également rappeler la réforme de l’assurance vie inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, qui vise, par de nouveaux dispositifs, notamment la mise en place de placements plus risqués, à favoriser le financement du logement et des entreprises, dans un contexte où l’accès aux fonds propres des entreprises constitue l’un des sujets fondamental pour un gouvernement qui veut restaurer la compétitivité de notre appareil productif ?
Après la diminution des déficits et l’affirmation du renforcement de la compétitivité des entreprises et des mesures en faveur de l’emploi, le troisième et dernier point concerne le pouvoir d’achat.
Pour ce qui concerne le pouvoir d’achat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que beaucoup de dispositifs injustes ayant conduit à faire entrer dans l’impôt sur le revenu de nombreux Français qui n’avaient pas vocation à y entrer – je pense notamment à des salariés ou à des retraités pauvres, ou en tout cas modestes – ont été corrigés. (M. Jacques Chiron opine.)
Parmi ceux qui s’indignent, véhiculant parfois des chiffres approximatifs et souvent faux concernant le nombre de Français qui sont entrés dans l’impôt sur le revenu, peu assument le fait que, s’il en est ainsi, c’est parce que le gel pendant des années du barème de l’impôt sur le revenu, la suppression de la demi-part des veuves et autres mesures ont conduit à entrer dans l’impôt bien des Français qui n’avaient pas vocation à y entrer et d’autres à devoir s’acquitter de la taxe d’habitation, de la contribution sociale généralisée ou de la contribution à l’audiovisuel public, alors que jamais, si la justice fiscale avait été au cœur de la politique fiscale des précédents gouvernements, de tels phénomènes ne se seraient produits.
Nous corrigeons cela, en procédant à la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui revient à rétrocéder aux Français près de 800 millions d'euros de pouvoir d’achat. Mais nous allons au-delà. Nous accompagnons ces mesures d’une décote. Nous augmentons le plafond du revenu fiscal de référence.
Préoccupés par le pouvoir d’achat des Français, je veux y insister à cette tribune, nous mettons en place les tarifs sociaux de l’électricité,…
M. Jean-Claude Lenoir. Cela existait avant !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … ce qui représente une dépense budgétaire de près de 400 millions d'euros. Nous augmentons le revenu de solidarité active 2 % au-delà de l’inflation, ce qui représente une dépense budgétaire de 600 millions d'euros.
Nous ouvrons à des étudiants dont les parents sont modestes la possibilité d’avoir accès à la connaissance et aux études par la mise à disposition de 55 000 bourses supplémentaires. Nous le faisons, après que le Sénat et l’Assemblée nationale ont engagé le débat avec le Gouvernement – les débats parlementaires sont là pour cela –, sans remettre en cause les niches fiscales liées aux frais de scolarité.
Je pourrais ainsi égrener encore bien des mesures qui vont dans le sens du renforcement du pouvoir d’achat des ménages. En effet, la croissance résultera non pas simplement de la restauration de la compétitivité de notre appareil productif, mais aussi de la demande. Pour que la demande soit au rendez-vous, les mesures que nous avons prises sont nécessaires. Nous les avons prises par souci de justice fiscale, mais également par souci d’efficacité de notre politique économique.
Je voudrais conclure en évoquant deux points.
Le premier concerne le Sénat en particulier, où les débats ont été riches, intéressants, mais assez funestes pour l’équilibre de nos comptes,…
Mme Michèle André. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … puisque, après que le texte a été amendé, le solde s’est trouvé dégradé de près de 10 milliards d'euros. (Mme Michèle André s’exclame.) Il arrive d'ailleurs qu’un certain nombre de parlementaires, parfois très avisés – j’en vois devant moi –, qui préconisent que nous accélérions le redressement de nos comptes,…
M. Jean-Claude Lenoir. Vous n’avez pas de majorité, monsieur le ministre !
Mme Michèle André. Et vous, vous n’avez pas les milliards !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … soient aussi prompts à les dégrader (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.), en proposant des dépenses fiscales multiples et nombreuses, qu’ils le sont à nous conseiller d’accélérer la réduction des déficits.
Je dois dire que cela m’a beaucoup préoccupé. Je regrette vraiment que nous ne puissions pas, par-delà ce qui peut nous séparer, tomber d’accord sur le fait que, dans le contexte budgétaire particulier qui prévaut, nous devions nous unir pour essayer de faire en sorte que le redressement soit conforté, consolidé, approfondi.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour cela, il faudrait que le Gouvernement respecte l’opposition !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le second point sur lequel je voudrais insister, c’est que par le biais des amendements, des discussions parlementaires, un certain nombre de dépenses fiscales, de dépenses nouvelles ont été décidées, ou d’économies remises en cause : je pense à la remise en cause de l’économie sur la dématérialisation des élections ; je pense aux décisions qui ont été prises relatives au minimum vieillesse ; je pense à l’étalement dans le temps des cotisations au titre du régime social des indépendants, le RSI ; je pense à l’élargissement de l’assiette de la TVA relative aux rénovations thermiques.
Sur tous ces sujets, quelques dépenses fiscales supplémentaires ou économies ont été remises en cause, à hauteur de 300 millions d’euros.
Nous avons pris des dispositions, comme je m’y étais engagé, par une taxation interministérielle, par un effort de maîtrise de la dépense, notamment de l’ONDAM, pour faire en sorte que cela ne dégrade pas le solde et que tout ce qui a été décidé par le Parlement, au titre des mesures que je viens d’indiquer, soit compensé rigoureusement par des économies en dépense.
Si bien que, dans le travail parlementaire très riche qui s’est accompli à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte s’est trouvé amélioré, amendé. Il est aujourd'hui plus fort au sortir du débat parlementaire qu’il ne l’était à l’entrée, et nous avons réussi à faire cela en gageant toutes ces dépenses par des économies supplémentaires à hauteur de 300 millions d’euros, auxquelles chaque ministère a dû participer. En effet, les priorités politiques que nous décidons ensemble doivent bien entendu être gagées par des économies pour ne pas dégrader le solde.
Je forme le vœu que notre discussion d’aujourd’hui et les débats au Sénat soient aussi riches qu’ils l’ont été au cours de nos dernières séances. Je vous redis la totale disponibilité du Gouvernement, la mienne sur les questions budgétaires et financières, pour être devant vous, rendant des comptes et assurant la transparence aussi souvent que vous l’estimerez nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2014 a échoué,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Brièvement !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … car il n’a pas semblé possible d’aboutir à une rédaction qui ait des chances d’être ensuite adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Dès lors que le Sénat avait rejeté le projet de loi, c’est donc sur la base de son texte de première lecture, comportant 152 articles, que l’Assemblée nationale a statué en nouvelle lecture.
Elle a modifié son texte sur 62 articles. En proportion, elle a ainsi davantage amendé le projet de loi que ce n’était le cas l’an dernier. Ces modifications sont aussi, sur le fond, plus importantes.
L’équilibre global n’a pas été modifié, les principales hypothèses économiques ayant servi à la préparation du projet de loi de finances pour 2014 étant confirmées par les informations les plus récentes, s’agissant notamment des perspectives de croissance.
Les recettes ont toutefois été révisées légèrement à la baisse, en fonction de l’actualisation des prévisions 2013 associées au projet de loi de finances rectificative pour cette année. (M. Jean Besson s’exclame.)
Sur la première partie – la seule que le Sénat a examinée en séance, hélas ! –, dix amendements adoptés par le Sénat, portant sur sept articles, ont été repris. Malheureusement, les articles additionnels que nous avions insérés n’ont pu connaître cet heureux sort. Quelques-uns ont cependant pu être insérés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013 ; c’est le cas notamment de la taxe sur les cessions de fréquences hertziennes obtenues gratuitement, que nous avions adoptée sur l’initiative de notre excellent collègue David Assouline.
Avant de retracer ces modifications, je voudrais rappeler brièvement notre position institutionnelle à ce stade de la procédure législative. Nous sommes en nouvelle lecture, avant la lecture définitive du projet de loi de finances pour 2014, c’est-à-dire le « dernier mot » de l’Assemblée nationale.
Que nous disent la Constitution et le Conseil constitutionnel ?
En premier lieu, que l’ensemble du texte reste en discussion, puisque aucun article n’a fait l’objet d’un accord entre nos deux assemblées, le Sénat ayant rejeté le texte.
En second lieu, que lors de la « lecture définitive » par l’Assemblée nationale, les seuls amendements recevables au dernier texte voté par elle sont ceux précédemment adoptés par le Sénat en nouvelle lecture.
Or, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne laisse pas de doute quant à l’interprétation de cette condition : il s’agit bien d’amendements adoptés dans le cadre d’un texte qui serait lui-même adopté, ce qui ne semble pas être l’orientation qui est manifestée ici.
Pour être parfaitement explicite, l’Assemblée nationale ne pourrait reprendre aucun amendement voté par le Sénat si nous devions ensuite rejeter le texte.
Dans ces circonstances, il y a peu de chances pour que le Sénat soit encore en mesure de faire évoluer le projet de loi de finances pour 2014. En effet, compte tenu des positions exprimées par les différents groupes politiques en première lecture, on peut raisonnablement penser qu’il ne se trouvera pas davantage de majorité en nouvelle lecture pour voter un texte.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vraisemblable.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je voulais rappeler à mes collègues ces considérations juridiques afin que chacun prenne la mesure de la situation.
Pour ma part, je ne préconiserai pas de combat d’arrière-garde sur tel ou tel point de divergence avec l’Assemblée nationale dès lors que nous n’aurions aucune chance de peser sur le résultat final.
Après cette introduction, je vais à présent m’efforcer de retracer les principales modifications apportées par l’Assemblée nationale, en commençant par celles qui reprennent des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.
À l’article 7 quater, comme l’avait proposé la commission des finances, l’Assemblée nationale a adopté un amendement rendant éligible les engrais d’origine organique au taux intermédiaire de TVA, avec une différenciation par rapport aux engrais chimiques.
À l’article 11, concernant la réforme du régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, elle a repris deux amendements correspondant à des propositions de la commission des finances.
Le premier tend à préciser que l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de PME partant à la retraite pour le calcul de leur plus-value de cession s’applique à l’ensemble des gains afférents à une même société, et non par cession.
Le second vise à concilier l’incitation à l’investissement dans les PME les plus risquées avec l’imposition des plus-values tirées de ces investissements.
À l’article 13, relatif à la réforme de la défiscalisation outre-mer, l’Assemblée nationale a adopté deux amendements : l’un tend à permettre aux bailleurs sociaux de ne pas être soumis au seuil de 20 millions d’euros afin de pouvoir bénéficier de la défiscalisation à l’impôt sur les sociétés ; l’autre vise à la remise d’un rapport sur l’instauration d’un prêt à taux zéro se substituant, au moins partiellement, à l’aide fiscale. Tous deux correspondent à des propositions de nos collègues Éric Doligé et Thani Mohamed Soilihi que nous avions adoptées en première lecture.
À l’article 19, comme l’avait proposé la commission des finances, les députés ont prévu que pourront bénéficier d’un taux de TVA à 7 % les constructions de logements situées à plus de 300 mètres et à moins de 500 mètres de la zone ANRU, dont la demande de permis de construire a été déposée avant le 1er janvier 2014.
M. Philippe Dallier. La belle affaire !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certes, le 1er janvier 2014 arrive bientôt,…
M. Philippe Dallier. Il va falloir se dépêcher !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … mais vous n’ignorez pas que certaines affaires étaient en cours.
Mme Michèle André. Eh oui !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, le taux réduit de TVA sera appliqué à la fourniture de nourriture et d’hébergement pour les logements-foyers, les foyers de jeunes travailleurs et les centres d’hébergement d’urgence. Une disposition semblable, qui n’incluait toutefois pas les hébergements d’urgence, avait été adoptée par le Sénat il y a quelques jours sur l’initiative du groupe écologiste.
Au-delà de la reprise de certains des amendements adoptés par le Sénat, l’Assemblée nationale a apporté de très nombreuses modifications aux articles du projet de loi de finances. Au total, pas moins de 175 amendements ont été adoptés par les députés. Je me propose d’exposer les principales modifications.
À l’article 7 ter, a été adopté un amendement visant à appliquer le taux réduit de TVA aux travaux induits par les travaux de rénovation énergétique, conformément à un engagement que vous aviez pris, monsieur le ministre, devant le Sénat.
À l’article 8, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements renforçant les incitations à la reconstitution de titres de propriété immobilière.
À l’article 13, les députés ont maintenu la possibilité de recourir à la défiscalisation pour les opérations de logement social, sans limites de chiffre d’affaires, et étendu le crédit d’impôt sur les investissements productifs aux opérations portant sur le logement intermédiaire.
À l’article 18, l’Assemblée nationale a maintenu l’abattement exceptionnel d’imposition des plus-values immobilières pour les opérations de démolition suivies de reconstruction de locaux destinés à l’habitation et réalisées dans les zones tendues, jusqu’au 31 décembre 2014, et jusqu’au 31 décembre 2016 si une promesse de vente a été signée avant le 1er janvier 2015.
À l’article 20, les députés ont adopté un amendement visant à permettre aux PME et PMI grandes consommatrices d’énergie qui ne font pas partie du système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre d’être incluses dans ce système, afin de bénéficier du maintien des tarifs actuels de taxe intérieure de consommation.
J’en viens à présent à la seconde partie, au sein de laquelle l’Assemblée nationale a adopté de très nombreuses modifications concernant les crédits, qui correspondent à divers ajustements ainsi qu’à des modifications « à titre non reconductible ». Je n’entrerai pas dans le détail de ces modifications, notamment celles qui sont « à titre non reconductible », que les membres de la commission des finances connaissent parfaitement.
L’Assemblée nationale a également majoré les plafonds des autorisations d’emploi des services du Premier ministre et du ministère de l’égalité des territoires et du logement, afin de tirer les conséquences de la création d’un commissariat général à l’égalité des territoires. Ces majorations ont été compensées par une minoration du plafond d’emplois du ministère des affaires sociales et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.
Par ailleurs, à l’article 53, les députés ont rendu éligibles au « PEA-PME » les parts de fonds communs de placement à risques, les fonds communs de placement dans l’innovation et les fonds d’investissement de proximité. Ils ont également assoupli les conditions applicables à ces fonds.
À l’article 58 bis, relatif à la création d’un second fonds de péréquation départemental des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, l’Assemblée nationale a prévu que le reversement au titre du second fonds de péréquation serait effectué en fonction des restes à charge par habitant de chaque département au titre des allocations individuelles de solidarité à hauteur de 70 %, et en fonction du potentiel fiscal corrigé du département pour les 30 % restants. Il s’agit d’un sujet qui intéresse beaucoup de nos collègues et dont on peut regretter, cette année encore, que le Sénat n’ait pu débattre dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
À l’article 60, relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés, l’Assemblée nationale a introduit la possibilité pour l’État de demander les informations utiles au calcul de l’indemnité de remboursement anticipé, sans que puisse lui être opposé le secret bancaire. Elle a également inclus les instruments de couverture dans le champ d’intervention du fonds.
À l’article 60 quater, les députés ont porté le montant de la dotation de développement urbain à 100 millions d’euros à compter de 2014.
À l’article 60 nonies, ils ont modifié les modalités d’entrée en vigueur de la réforme de l’abus de droit, qui ne pourrait s’appliquer rétroactivement, c’est-à-dire à l’occasion d’un contrôle fiscal portant sur des exercices antérieurs à la promulgation de la loi de finances pour 2014.
À l’article 73, l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions relatives à la répartition libre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, à la majorité qualifiée, ainsi que la modification du critère d’éligibilité au prélèvement, qui conduisait à concentrer les prélèvements sur un nombre restreint de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale. Les députés se sont donc livrés à un aller-retour entre leur position initiale et celle qu’ils ont adoptée en nouvelle lecture, plus conforme à ce que nous avions nous-mêmes à l’esprit.
Enfin, ils ont supprimé l’article 74 bis, qui prévoyait d’intégrer le versement transport dans le coefficient d’intégration fiscale.
Il s’agit, pour certains amendements relatifs aux collectivités territoriales, de la reprise d’amendements adoptés par la commission des finances du Sénat sur l’initiative des rapporteurs spéciaux Jean Germain et Pierre Jarlier, dont nous n’avons pu débattre en séance publique. Nous pouvons donc nous réjouir que la parole du Sénat ait été entendue sur nombre de ces articles relatifs aux collectivités, même si, bien entendu, certaines des dispositions adoptées auraient pu, de notre point de vue, faire l’objet d’ajustements plus en rapport avec notre ligne de conduite sur ces sujets.
Au total, la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale a conduit à améliorer le solde budgétaire de l’État de 10 millions d’euros. Cette évolution résulte de la prise en compte des modifications introduites dans le projet de loi de finances pour 2014 en nouvelle lecture, ainsi que des dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2013 impactant le solde budgétaire en 2014. Elles vont globalement dans le sens d’une minoration sensible des recettes comme des dépenses.
De manière résumée, les principales modifications ont été les suivantes.
Les recettes fiscales ont été minorées de 436 millions d’euros.
Les recettes non fiscales ont été majorées de 17 millions d’euros, compte tenu des nouvelles conditions de rémunération de la garantie accordée au Crédit immobilier de France.
Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales ont été minorés de 147 millions d’euros, en raison des élargissements adoptés notamment en matière de péréquation, d’accroissement de certaines dotations.
Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne a été majoré de 80 millions d’euros. En effet, l’adoption définitive par le Parlement européen, lors de la session plénière du 20 novembre 2013, d’un budget 2014 dont les crédits de paiement sont supérieurs de 500 millions d’euros à la position adoptée par le Conseil, entraîne une hausse de 80 millions d’euros de la quote-part revenant à la France.
Le solde des comptes spéciaux, quant à lui, a été amélioré de 60 millions d’euros.
Enfin, les dépenses du budget général de l’État ont été réduites de 302 millions d’euros. Cette évolution résulte principalement d’économies transversales visant à assurer le respect de la norme de dépense et à compenser certaines pertes de recettes. Ces économies ont été réparties sur la plupart des missions du budget général. Toutefois, comme c’est généralement le cas, les dépenses de personnel ainsi que les dépenses de guichet, sur lesquelles les ministères disposent de peu de marges pour procéder à des redéploiements en cours d’année, ont été sanctuarisées.
J’en termine, mes chers collègues, en vous précisant que le montant d’amortissement de la dette à moyen et long termes pour 2014 a été réduit de 1 milliard d’euros, afin de tenir compte des rachats de titres arrivant à échéance en 2014 effectués cet automne. Les émissions de dette à moyen et long termes ont été réduites à due concurrence.
Voilà donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments essentiels que l’on peut retenir de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale.
Compte tenu du stade de la navette auquel nous sommes parvenus et de l’équilibre global du texte voté par nos collègues députés, la commission des finances a ce matin suivi ma préconisation de proposer au Sénat d’adopter sans modification le projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’année dernière, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi de finances, après que notre Haute Assemblée en a rejeté la première partie. Une nouvelle fois, nous serons donc très vraisemblablement privés de l’examen de la seconde partie, ce qui signifie que nous ne pouvons pas discuter de la répartition des crédits budgétaires et des choix opérés quant aux réductions des dépenses publiques.
Avant d’évoquer le fond du texte, en six minutes, j’aimerais m’arrêter sur ce point avec vous, mes chers collègues.
N’est-il pas regrettable pour notre République et pour le respect de nos institutions que, pour la deuxième année consécutive, la Haute Assemblée ne puisse se prononcer sur l’intégralité du texte le plus important que le Parlement ait à voter chaque année ?
M. Philippe Dallier. La faute de qui ?
M. Christian Bourquin. Je peux comprendre les réticences, voire les désaccords, sur les choix budgétaires de ceux qui n’ont pas voté ce texte. D’ailleurs, comme l’avait déclaré le président de notre groupe, Jacques Mézard, en première lecture, la très grande majorité du RDSE estime que ce budget pour 2014 est loin d’être pleinement satisfaisant.
Toutefois, notre vocation n’est-elle pas de discuter, d’amender, de débattre, dans cet hémicycle, des dépenses de l’État, de la façon dont est répartie la diminution de la DGF pour les collectivités locales ou encore, entre autres dispositions, des modifications relatives à la péréquation verticale et horizontale ?
En tant que rapporteur spécial de la mission « Économie », permettez-moi d’exprimer ici ma frustration de ne pouvoir notamment échanger avec vous, mes chers collègues, sur les mesures que notre pays prend, en cette période de crise, pour soutenir l’emploi et restaurer la compétitivité des entreprises.
Pour en venir au fond, l’orientation du texte répond à l’impérieuse nécessité de rechercher de nouvelles ressources pour réduire dépenses et déficits. La France doit tenir ce cap pour conserver son indépendance et sa souveraineté à l’égard des marchés financiers, mais elle le doit aussi et surtout aux générations futures. Sachons nous rappeler, avec Antoine de Saint-Exupéry, que nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. La déclinaison économique de cette idée appelle aujourd’hui à la responsabilité dans nos choix budgétaires.
Comme vous tous, j’ai été attentif aux récentes remarques de la Commission européenne, qui considère que les prévisions macroéconomiques retenues par notre gouvernement sont « plausibles » et que le projet de plan budgétaire est conforme aux règles du pacte de stabilité et de croissance. Cependant, j’ai également noté plusieurs réserves, relatives à la baisse des recettes fiscales, aux prévisions d’emplois et, surtout, à la pression fiscale trop élevée.
Sur ce dernier point, si nous partageons la volonté du Gouvernement de redresser les finances publiques, nous estimons que, dans le contexte actuel d’une lente et difficile sortie de crise, une augmentation trop importante de la pression fiscale sur les ménages et sur les entreprises nuit gravement à la reprise et à la croissance sur le long terme.
En outre, nous sommes inquiets au sujet de l’emploi, dans les zones de revitalisation rurale, notamment, et plus largement dans les territoires « hyper-ruraux », chers au sénateur de Lozère Alain Bertrand. Alors que l’emploi n’y est pas suffisamment soutenu, le projet de loi abandonne des dispositifs qui auraient pu être efficaces, sans proposer d’alternatives.
J’en viens aux modifications adoptées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Si certaines prennent en compte des préoccupations exprimées par le Sénat – et notamment par le groupe RDSE –, ce dont nous nous réjouissons, les députés ont aussi adopté des modifications significatives, en particulier dans la seconde partie, qui ne nous satisfont absolument pas.
Je pense notamment aux mesures relatives aux collectivités territoriales. Nous revivons ici le scénario délétère du projet de loi de finances pour 2013, lorsque les députés ont adopté in extremis des modifications très importantes concernant les fonds de péréquation départementaux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO.
Cette année, le Gouvernement a introduit un article 58 bis, qui crée un nouveau dispositif de péréquation des DMTO, le « prélèvement de solidarité », corollaire de la faculté temporaire, accordée par l’article 58, de relever de 0,7 point le taux des DMTO. À l’issue de la première lecture, les critères de répartition de ce fonds entre les départements n’étaient pas définis. Un amendement du Gouvernement, résultant de concertations avec l’Assemblée des départements de France, a finalement été adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Les critères qu’il fixe pour la répartition des ressources de ce fonds de péréquation sont d’une rare complexité.
À l’heure où tout le monde appelle à une fiscalité plus simple et plus lisible, ces modifications posent question. Pour les membres du RDSE, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises ou des collectivités territoriales, l’objectif de justice fiscale passe indéniablement par une réduction de la complexité de notre fiscalité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes !
M. Christian Bourquin. J’espère que c’est bien ce principe qui guidera la grande réforme fiscale annoncée pour l’an prochain. (M. Vincent Delahaye s’exclame.)
Nous regrettons donc vivement que, du fait du rejet par le Sénat de la première partie du présent projet de loi de finances, l’Assemblée nationale soit la seule à discuter et, surtout, à décider des dispositions qui concernent les collectivités territoriales, dont nous, sénatrices et sénateurs, sommes les représentants.
Pour conclure, en cohérence avec la position qu’il a adoptée en première lecture, et malgré les imperfections qu’il a soulignées, notre groupe soutient très majoritairement ce projet de loi de finances pour 2014, ainsi que l’a annoncé M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après avoir été rejeté dans cet hémicycle, après l’échec de la commission mixte paritaire, le présent texte revient en nouvelle lecture devant notre Haute Assemblée.
Mais, nous le savons bien, mes chers collègues, nous ne parviendrons pas à un accord. Cette nouvelle mouture est frappée des mêmes défauts que celle qui a été rejetée : insincérité, iniquité, inefficacité. (Oh ! et protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacky Le Menn. Cela rime ! Vous devriez faire des vers !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un triptyque !
M. Christian Bourquin. Insincérité ? On ne la connaissait pas, celle-là !
M. Philippe Dallier. Laissez-moi développer mon propos, mes chers collègues, et vous en jugerez ensuite ! Cela dit, vous avez déjà entendu nos arguments, car nous avons longuement débattu de ce texte.
Ce second projet de loi de finances du quinquennat était pourtant censé rendre plus lisible l’action du Gouvernement, pour le moins confuse depuis son arrivée au pouvoir. Or, ces dernières semaines, fidèle à ses revirements et autres contradictions, le Gouvernement a renoué avec ses hésitations.
De la pause fiscale, nous sommes passés au ralentissement de la hausse des impôts, puis, enfin, au big-bang : le grand soir fiscal. Mais ce grand soir, finalement, n’aura pas lieu. Le Premier ministre a été recadré, en lui expliquant que cela ne serait pas possible avant dix ans.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela reste à voir !
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps de prendre conscience que les Français en ont assez de cette imprévisibilité, de cette instabilité, de cette illisibilité de votre politique fiscale, qui va jusqu’à remettre en cause, et c’est relativement grave, le consentement à l’impôt.
Et ce n’est pas l’annonce tardive d’une remise à plat de notre fiscalité, sans plus de précision et avec le recadrage que je viens d’évoquer, qui rassurera les Français.
L’insincérité que nous n’avons cessé de dénoncer s’est vérifiée cette année. Vous avez dû, monsieur le ministre, réviser votre hypothèse de croissance pour 2014 à 0,9 %, contre 1,2 % initialement prévu. Le déficit public, quant à lui, sera de 4,1 % du PIB en 2013, contre 3 % initialement attendus.
Surtout, vous n’arrivez pas à admettre les raisons du fort ralentissement de la baisse du déficit public.
Enfin éclairés par le collectif budgétaire, nous voyons nos inquiétudes se confirmer : le déficit devrait atteindre 71,9 milliards d’euros en 2013, alors que, dans la loi de finances initiale pour 2013, vous nous aviez annoncé qu’il serait de 61,6 milliards d’euros.
Ce dérapage est inquiétant, quand on sait que vous bénéficiez actuellement de taux exceptionnellement favorables sur le marché de la dette souveraine, ce qui réduit d’autant le poids de cette dernière.
M. Jacques Chiron. Le marché apprécie nos efforts !
M. Philippe Dallier. Il est également inquiétant quand on sait que vous avez battu un nouveau record de taux de prélèvements obligatoires, puisqu’il s’établit à 46,3 % du PIB. Oui, vous augmentez les impôts, mais les recettes ne rentrent pas (Mme Michèle André s’exclame.) : vous devriez vous demander pourquoi !
Ce matraquage fiscal a malheureusement abouti à une remise en cause du consentement à l’impôt, principe consubstantiel au vivre-ensemble, attisant ainsi la discorde et la révolte fiscale.
Non, l’impôt ne doit pas devenir confiscatoire. Il doit être pensé pour être efficace, et ses différentes composantes ne doivent pas être perçues comme autant de variables d’ajustement que l’on peut manipuler à des fins souvent démagogiques.
D’ailleurs, la réaction des Français est lisible en creux. Elle a été parfaitement mise en exergue par le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, ainsi que par son homologue de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez. Ce dernier a remarqué que sont observables « des moins-values de recettes fiscales très préoccupantes, qui, dans le contexte économique mondial plutôt favorable, ne peuvent s’expliquer que par une modification du comportement des contribuables réfractaires à un impôt confiscatoire ». Il a ainsi noté : « 3,1 milliards d’euros en moins sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; 5,6 milliards d’euros en moins sur les rentrées de la TVA ; 3,8 milliards d’euros en moins sur l’impôt sur les sociétés ».
Par ailleurs, vous vantez les mérites du CICE, qui vous a servi de fil rouge ou de passe-partout tout au long des discussions budgétaires, afin de nous démontrer à quel point vous aviez le souci de la compétitivité de nos entreprises. Mais ne surestimez-vous pas ses effets ?
La question, évidemment, est rhétorique. D’ailleurs, elle ne se pose même pas pour Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, qui avait eu l’occasion d’indiquer, lors de son audition devant la commission des finances, que « les effets du CICE attendus par le Gouvernement semblent surestimés ». C’est le moins que l’on puisse dire, et nous aurons l’occasion de le constater.
La réduction de la dépense publique, quant à elle, est insuffisante. Alors, monsieur le ministre, à quand des réformes structurelles de grande ampleur ? La question se pose toujours.
Certes, l’effort de réduction des dépenses n’est pas nul, mais il intervient trop tard, après un an et demi de matraquage fiscal. Surtout, il est insuffisant,…
M. Jacques Chiron. Et vous, qu’avez-vous fait pendant dix ans ?
M. Philippe Dallier. … d’autant que vous limitez votre champ d’intervention.
On le comprend, sans réforme structurelle, il sera difficile de résorber le déficit à long terme.
À la lumière des 294,5 milliards d’euros du budget général, l’effort fourni sur les dépenses est insuffisant. Nous allons, de ce fait, ravir une autre première place mondiale, en plus de celle du record en matière de prélèvements obligatoires : celle de la dépense publique rapportée au PIB.
Vous vous prévalez d’un effort sur les dépenses. Dois-je vous rappeler toutes celles que vous avez engagées depuis un an et demi ? Toutes ces dépenses, pour notre part, nous ne les aurions pas engagées.
M. Philippe Dallier. Je vais en dresser la liste, monsieur Bourquin, vous allez pouvoir en juger par vous-même.
M. Christian Bourquin. Les 1 900 milliards d’euros de dette, c’est vous !
M. Philippe Dallier. Je rappelle que le CICE, dont les effets ne sont pas immédiats et qui ne recueille pas un large assentiment, coûtera 9,7 milliards d’euros en 2014, 15,7 milliards d’euros en 2015, 17,3 milliards d’euros en 2016, puis plus de 20 milliards d’euros par an ensuite.
Les 150 000 emplois d’avenir reviennent, selon l’OFCE, à 3,45 milliards d’euros par an.
Le choix des emplois aidés a certes une vertu, celle de vous permettre d’infléchir de manière artificielle la courbe du chômage, mais il a cependant un prix élevé pour les finances publiques.
La retraite à soixante ans pour certaines carrières longues occasionnera des dépenses allant jusqu’à 3 milliards d’euros en 2017, et sans doute bien plus encore après.
Les 60 000 postes dans l’éducation nationale coûtent au contribuable 1,9 milliard d’euros par an.
Les 500 000 contrats de génération, si tant est que ce chiffre puisse être atteint, devraient coûter 1 milliard d’euros par an.
La revalorisation du SMIC, 570 millions d’euros par an.
M. Robert Tropeano. Et alors ?
M. Philippe Dallier. Le RSA jeunes, que vous avez annoncé, reviendra à 30 millions d’euros en 2014, et entre 500 millions et 600 millions d’euros en 2016.
La hausse de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire entraîne une dépense de 400 millions d’euros par an.
Les 5 000 postes dans la justice, la police et la gendarmerie coûteront 200 millions d’euros par an. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Haut. Tout cela avait été supprimé !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait ! Utile rappel !
M. Christian Bourquin. Ce sont des services publics !
M. Philippe Dallier. La suppression du jour de carence revient à 157 millions d’euros par an.
L’aide médicale d’État, dont le coût flambe, se monte à 800 millions d’euros en 2013, soit une hausse de 16,4 % par rapport à 2012.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Le coût du compte pénibilité pour les retraites est évalué à 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2,5 milliards d’euros en 2040.
Enfin, la réforme des rythmes scolaires, qui sera payée non pas par l’État, nous le savons bien, mais par les collectivités locales, occasionnera entre 1,5 milliard d’euros et 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par an.
Les vraies économies de dépenses auraient dû être entreprises dès le début du quinquennat, plutôt que de créer de nouvelles dépenses ou de supprimer certaines économies.
M. Jacques Chiron. Comme vous l’avez fait, vous !
M. Philippe Dallier. Au lieu de cela, le Gouvernement a fait sauter tous les verrous qui avaient permis de tenir le plus possible la dépense publique. (M. Richard Yung s’exclame.)
Mme Michèle André. Tu parles !
M. Philippe Dallier. Autre exemple, en matière de santé : la fin de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques avait permis de contenir les dépenses de sécurité sociale. Aujourd’hui, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie repart à la hausse.
Autre exemple encore, le « un sur deux » dans la fonction publique ne rapportait pas autant qu’il aurait dû par le jeu des retours catégoriels – on en avait décidé ainsi –, mais les économies faites grâce aux suppressions de postes allaient pleinement porter leurs fruits. Le Gouvernement a décidé de geler les effectifs. (Mme Michèle André s’exclame.) Or, mes chers collègues, vous le savez bien, à effectif constant, les 82 milliards d’euros de masse salariale dérivent mécaniquement chaque année d’au moins 1,5 %, soit plus de 1 milliard d’euros.
Enfin, les dépenses d’intervention – allocations logement, RSA, par exemple – sont celles qui dérapent le plus. Pourtant, vous ne tentez pas de les maîtriser. Nous avions essayé de le faire.
M. François Patriat. Quel cynisme !
M. Philippe Dallier. Toutes ces économies, monsieur le ministre, mes chers collègues, auraient permis d’éviter le matraquage fiscal qui aboutit à ce ras-le-bol fiscal que le ministre de l’économie et des finances a reconnu lui-même en septembre dernier. (M. Claude Haut s’exclame.) Surtout, elles auraient sans doute permis que la croissance soit un peu plus soutenue qu’elle ne le sera en 2013 et, probablement, en 2014.
Cette trajectoire n’ayant pas été suffisamment corrigée – c’est le moins que l’on puisse dire – dans le projet de loi de finances pour 2014, la pause fiscale n’ayant pas été mise en œuvre et la baisse des dépenses publiques ayant été insuffisamment engagée, le groupe UMP votera, comme en première lecture, contre ce projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. Jacky Le Menn. Ça, c’est une surprise !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà longuement débattu sur le projet de loi de finances pour 2014 ainsi que sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013. Le Sénat a beaucoup parlé des finances ces derniers temps !
Pour mon intervention, je voudrais reprendre le plan que vous avez suivi, monsieur le ministre, dans votre propos liminaire : la trajectoire de redressement des finances publiques, l’inversion de la courbe du chômage et le pouvoir d’achat des Français. Sur ces trois sujets, je ferai entendre une petite musique un peu différente de la vôtre, car vos arguments ne m’ont pas totalement convaincu.
Tout d’abord, nous sommes bien sûr favorables au redressement des finances publiques. Selon nous, il s’agit, comme je l’ai déjà dit ici, d’un préalable à la reprise de la croissance économique, dont nous avons bien besoin, mais aussi à toute croissance durable.
Seulement, monsieur le ministre, vous vous exprimez toujours en valeur relative. Moi, j’aime parler en valeur absolue. En effet, les pourcentages ne disent pas grand-chose aux Français. Affirmer que l’on est passé de 4,8 % à 4,1 %, alors qu’on avait prévu 3 %, et que l’on sera peut-être à 3,6 % l’année prochaine, cela ne me satisfait pas.
En loi de finances rectificative, on a voté un déficit à 72 milliards d’euros. Aujourd'hui, dans le projet de loi de finances pour 2014, vous présentez un déficit à 82 milliards d’euros, avec 12 milliards d’euros d’investissements d’avenir. En intégrant le déficit de la sécurité sociale et le CICE – nous avons eu une discussion sur la manière de prendre en compte ce crédit d’impôt – dans le calcul, le déficit est, selon nous, plus proche de 120 milliards d’euros que de 82 milliards d’euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Vous avez des problèmes pour compter !
M. Jacky Le Menn. C’est les « comptes » de Perrault !
M. Vincent Delahaye. On ne peut donc pas dire que la réduction des déficits soit réelle. En tout cas, elle est très insuffisante !
M. Vincent Delahaye. Par ailleurs, au mois de mai 2012, lors de l’élection de François Hollande, la dette s’élevait à 1 717 milliards d’euros, elle avait progressé de 500 milliards d’euros sur le quinquennat précédent. Pour ma part, je pense que c’est trop. Mais elle a depuis atteint 1 954 milliards d’euros ! Monsieur le ministre, avec 240 milliards d’euros de plus en dix-huit mois, la dette augmente plus vite aujourd'hui que sous le précédent quinquennat.
Par conséquent, il est grand temps d’inverser la courbe de l’endettement – nous évoquerons celle du chômage tout à l’heure – et de revenir à un niveau bien inférieur. Pour l’instant, nous n’en prenons pas le chemin. La raison en est simple : vos efforts de maîtrise des dépenses, quoique réels, sont insuffisants.
Certes, j’ai noté dans les documents budgétaires que vous aviez inventé une taxation interministérielle. Voilà qui me paraît intéressant. Pour une fois que vous optez pour une taxation, je vous suggère de l’augmenter fortement.
Mais il faut, me semble-t-il, aller beaucoup plus loin dans les réformes de fond et, cela a été souligné, éviter les dépenses supplémentaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !
M. Vincent Delahaye. Or la réforme des rythmes scolaires représente une dépense supplémentaire. Elle est largement sous-évaluée dans votre projet de budget ; vous prévoyez 60 millions d’euros alors que cela coûtera environ 250 millions d’euros sur l’année. Rendez-vous lors du prochain projet de loi de finances rectificative !
En outre, l’État, nous dit-on, prendra désormais en charge la garantie universelle des loyers, qui est en train d’être votée à l’Assemblée nationale. Or il n’y a rien sur le sujet dans le projet de loi de finances. Moi, j’aime quand les comptes sont sincères. À mon sens, si l’on veut vraiment réduire nos déficits et mettre un terme à la hausse de l’endettement, il faut aller plus loin et plus vite.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, le deuxième thème que vous avez abordé est celui du chômage.
Vous affirmez que l’inversion de la courbe du chômage commence à se faire sentir. Pour ma part, j’attendrai six mois. On ne peut pas dire que la courbe s’est inversée seulement sur un mois. Nous verrons dans six mois si l’engagement du Président de la République est, ou non, tenu. Personnellement, je reste sceptique : le nombre de défaillances d’entreprises a atteint un plafond en 2013 et les dispositions en faveur de la création d’entreprises et d’emplois me semblent insuffisantes.
Vous avez évoqué le CICE en vous fondant sur l’année dernière. Moi, pour les entreprises, je ne compte pas seulement la dernière année. On leur a prélevé 30 milliards d’euros au cours des deux ou trois dernières années et on leur rend 20 milliards d’euros sous forme de CICE. Ce n’est pas un cadeau ; c’est une ponction de 10 milliards d’euros ! Et c’est contre-productif en termes d’emploi. (M. le président de la commission des finances opine.)
Vous mentionnez les emplois d’avenir et les contrats aidés, pour lesquels des sommes assez considérables sont effectivement inscrites au budget. Pour ma part, je suis assez sceptique sur de tels dispositifs, que l’on met en place depuis des années et qui coûtent très cher. Cela améliore peut-être les chiffres de l’emploi et c’est sans doute une aubaine pour ceux qui en bénéficient, mais, sur le fond, on est plus, à mes yeux, dans le traitement statistique du chômage que dans de véritables solutions de fond.
J’en viens au troisième sujet que vous avez évoqué : le pouvoir d'achat des Français.
J’ai lu récemment que les salaires avaient augmenté l’an dernier de 1,6 %, c'est-à-dire plus que l’inflation. Par conséquent, l’éventuelle baisse du pouvoir d'achat n’est pas liée aux salaires ; elle ne peut venir que de la fiscalité.
Or, alors que l’on parle de « pause fiscale », on nous présente un projet de budget marqué par une augmentation de la fiscalité comprise entre 9 milliards et 11 milliards d’euros. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Et quand le Premier ministre annonce un jour une « remise en plat » de la fiscalité, le Président de la République se charge d’enterrer en douceur la réforme le lendemain, en précisant qu’elle se fera peut-être dans cinq ans ou dans dix ans. Alors qu’en est-il réellement ? Monsieur le ministre, il vous sera sans doute difficile d’arbitrer entre le Premier ministre et le Président de la République, mais j’aimerais bien vous entendre pour savoir où nous en sommes et où nous allons. C’est ce dont les Français ont besoin aujourd'hui.
Vous avez indiqué que le débat au Sénat avait été « riche et intéressant ». Je suis ravi que vous l’ayez perçu ainsi… Pour ma part, je suis déçu du résultat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Nous aussi !
M. Vincent Delahaye. Sur les 600 amendements déposés au Sénat, seulement 70 ont été adoptés.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vos 70 amendements adoptés, c’est 70 milliards d’euros de déficit en plus !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Allons, n’exagérez pas, monsieur le ministre !
M. Vincent Delahaye. Et, au final, 10 seulement ont été repris. Je trouve que la proportion est vraiment trop faible. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, il faut aller en commission mixte paritaire ! C’est là que les décisions se prennent !
M. Vincent Delahaye. Pour moi, malgré la richesse de nos débats, le résultat est trop maigre. Et je considère que le Sénat est en danger.
M. Richard Yung. Ah !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas la faute du Gouvernement !
M. Vincent Delahaye. Peut-être pas, mais le fait qu’il n’y ait de majorité ni pour soutenir le Gouvernement ni pour s’y opposer rend ce qui sort de nos débats peu intelligible par les Français.
J’aimerais que le Gouvernement soit bien conscient de ce danger. Or j’ai l’impression qu’il considère la discussion au Sénat non comme un enrichissement, mais comme un mauvais moment à passer avant de revenir devant l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, un bon élu, c’est celui qui met ses discours et ses actes en cohérence. Nous pourrions souscrire à beaucoup des objectifs que vous affichez. Nous sommes évidemment favorables au redressement de nos finances publiques et à l’inversion de la courbe du chômage. Nous n’avons aucune envie que notre pays aille dans le mur. Mais cela suppose que vous alliez beaucoup plus loin et plus vite dans les réformes, dans la baisse des dépenses publiques et dans la simplification – cela a été souligné – et l’allégement de la fiscalité. Notre pays en a besoin.
Or je ne retrouve pas cela dans votre projet de budget. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera contre le projet de loi de finances qui nous est soumis en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, j’ai pris le temps d’indiquer longuement pourquoi le groupe écologiste ne se reconnaissait pas dans les orientations politiques proposées dans le présent projet de loi de finances et pourquoi cela nous conduisait à nous abstenir. Les choses sont claires ; et je n’y reviendrai pas.
À l’occasion de cette nouvelle lecture, je voudrais plutôt me tourner vers l’avenir (M. Jacky Le Menn s’exclame.) et cette année qui va bientôt s’ouvrir, avec déjà pour horizon l’élaboration du budget pour 2015. Il faut s’y prendre tôt ; certains parlaient de « se lever tôt » et de « travailler beaucoup »… Nous avons des défis immenses à relever.
Le premier d’entre eux est sans doute d’endiguer le mouvement de fronde fiscale qui s’est incontestablement développé dans notre pays et sur la genèse duquel je ne m’étendrai pas. Le consentement à l’impôt est l’un des ciments du pacte social de la République. Sa contestation, sur fond de poussée de l’extrême droite, est donc particulièrement inquiétante.
M. Philippe Dallier. Parlez-en à M. Mélenchon !
M. Jean-Vincent Placé. Pour rétablir ce consentement, il faut d’abord que soit porté le discours selon lequel l’impôt est non pas une confiscation, mais une mutualisation, une mise en commun de ressources, pour financer des projets et des services communs.
Il faut expliquer que le service public n’est pas un poids mort pesant sur la richesse supposément produite par le secteur privé, mais un service qui, s’il n’était public, serait rendu par le privé, avec en moins le souci républicain de la continuité, de l’égalité et de la neutralité et en plus un coût assurément plus élevé pour nos concitoyens les plus modestes. Il faut également arrêter de comparer les taux de prélèvements obligatoires de pays qui n’ont pas les mêmes services publics ou le même niveau d’assurance sociale. (M. Jean-Claude Frécon opine.) Il est évident que notre situation n’est en rien comparable à celle des États-Unis.
Il faut ensuite reposer sans tabou la question de la justice fiscale. À cet égard, la remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault constitue une très bonne nouvelle.
Ce sera l’occasion de rapprocher la fiscalité du travail et celle du capital, de vérifier que l’impôt sur le revenu n’est plus régressif, de rendre la CSG progressive, de revenir aux modalités antérieures à Sarkozy quant à la fiscalité du patrimoine, de limiter les impôts constants comme la TVA, d’éviter tout transfert de charges des entreprises vers les ménages... Je n’invente rien : ce sont les engagements de campagne du candidat François Hollande.
M. Philippe Bas. Il faut faire exactement le contraire !
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur Bas, il est vrai que, quand vous étiez aux responsabilités à l’Élysée, vous faisiez effectivement le contraire.
M. Philippe Bas. Et nous avions raison !
M. Jean-Vincent Placé. Mais oui… D’ailleurs, les résultats de l’économie française de l’époque l’ont bien démontré ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Le rattrapage du retard français en matière de fiscalité écologique – nous sommes avant-derniers au sein de l’Union européenne – est également une mesure de justice. En effet, ce sont les moins riches qui subissent le plus les conséquences de la crise écologique alors qu’ils portent le moins de responsabilités dans son essor.
Enfin, il importe de lutter sans relâche contre l’optimisation, l’évasion et la fraude fiscales, tant des ménages que des entreprises. Car, avant d’être un problème de recettes, il s’agit là d’une attitude qui mine l’adhésion des contribuables aux prélèvements auxquels ils sont assujettis. En la matière, les mesures déjà prises et mises en œuvre par le Gouvernement constituent des avancées décisives, monsieur le ministre, qu’il convient d’amplifier.
Au-delà de la question fondamentale du consentement à l’impôt, les écologistes considèrent que nous ne parviendrons pas à redresser notre économie, ni à assainir nos finances publiques si nous ne nous lançons avec un grand volontarisme dans la transition économique et énergétique.
Il faut bien l’avoir en tête, le déficit de la balance commerciale française est du même ordre de grandeur que la facture énergétique, entendue comme le solde entre les importations et les exportations d’énergies, soit entre 60 milliards et 70 milliards d’euros. Oui, la balance commerciale et la facture énergétique, cela représente le même montant !
C’est également à peu près le montant du déficit budgétaire. Nous sommes passés, je crois, de 63 milliards à 71 milliards d’euros. (M. François Patriat s’exclame.) On peut donc dire que la France est aujourd’hui, à l’instar d’ailleurs d’un ménage, en état de précarité énergétique. Elle n’est pas en mesure de payer sa facture à la fin de l’année avec ses propres ressources. On est bien loin des promesses d’indépendance énergétique – je parlerai même de mythe de l’indépendance énergétique – qui ont accompagné le développement du nucléaire. L’indépendance n’est pas au rendez-vous.
Par conséquent, si les écologistes contestent certaines réductions de crédits budgétaires, ce n’est pas par irresponsabilité. C’est parce que les marges de manœuvre sont ailleurs. Elles résident notamment dans ces dépenses contraintes, en particulier énergétiques, qui concernent tant les ménages que les entreprises.
Aussi, plutôt que de développer massivement des filières nationales d’énergies renouvelables, la France dépense une fortune en achats d’énergies fossiles, qui non seulement dérèglent le climat, mais privent également notre pays de centaines de milliers d’emplois ; en Allemagne, les énergies renouvelables, c’est 380 000 emplois. De ce point de vue, nous serons extrêmement attentifs à la loi de transition énergétique.
Sur le plan fiscal, il conviendra de ne pas trembler lorsqu’il s’agira de faire enfin payer l’énergie à son juste prix. Ce signal est indispensable pour que des économies puissent être efficacement engagées.
Et n’oublions jamais de rappeler que nous subirons de toute manière l’augmentation des prix ; tous les acteurs de l’énergie le disent. À cet égard, annoncer des augmentations puis y revenir, cela crée encore de l’instabilité et cela n’a en réalité aucun sens. Dès lors, plutôt que subir un phénomène, mieux vaut en assurer le pilotage. Et il faut évidemment des mesures de redistribution en faveur des plus modestes, ainsi que des entreprises, car la facture énergétique les concerne également.
M. Philippe Bas. Enfin !
M. Philippe Dallier. C’est Noël !
M. Jean-Vincent Placé. Mes chers collègues, vous aurez noté que si les prix de l’électricité sont, certes, deux fois plus élevés outre-Rhin, cela ne semble pas beaucoup pénaliser l’industrie allemande. Il faudra que nous ayons ce débat un jour… (M. Philippe Bas s’exclame.)
Pour les plus modestes, la rationalisation de la consommation permettra de réaliser des économies. Pour les plus aisés, une consommation débridée occasionne des pénalités. En outre, sur le plan industriel, cela permet plus facilement d’identifier les secteurs prêts à affronter les affres de la crise écologique et ceux qui nécessitent une mutation.
Vous le voyez, monsieur le ministre, les écologistes ne manquent pas d’idées pour faire face à la crise économique et financière qui pèse sur notre pays, sans pour autant vouloir grever les crédits d’intervention des ministères.
Si nous voulons pouvoir en discuter sérieusement au sein de notre majorité, il va nous falloir faire collectivement un gros effort de gouvernance, j’en parlais avec le Président de la République hier.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !
M. Joël Bourdin. Très bien !
M. Jean-Vincent Placé. La loi de finances se prépare et doit se préparer très en amont, et c’est donc très tôt que nous devrons mener des débats politiques entre Bercy et les groupes parlementaires de la majorité comme de l’opposition. Il n’est pas normal que nous découvrions au début de l’été les lettres-plafonds des ministères qui prévoient les budgets que nous devons voter. Ce n’est pas ainsi qu’une démocratie parlementaire doit fonctionner. Le Parlement ne peut être systématiquement placé devant le fait budgétaire accompli.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Jean-Vincent Placé. J’obtempère comme d’habitude face à la discipline que vous imposez bien légitimement, monsieur le président, et à laquelle je souscris. (Sourires.)
Pour conclure, devant les défis qui nous attendent et les responsabilités qui sont les nôtres, je suis néanmoins certain, monsieur le ministre, que nous trouverons enfin, il n’est pas trop tard, les ressorts pour faire vivre notre majorité politique,…
Un sénateur du groupe UMP. Bon courage !
M. Philippe Dallier. C’est Noël !
M. Jean-Vincent Placé. … y compris dans le cadre des contraintes qu’impose la procédure budgétaire. (Mme Esther Benbassa et M. Jean-Claude Frécon applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2014, que nous examinons en nouvelle lecture, est, nous n’en doutons pas, un bon budget dans l’actuel environnement économique. Je remercie M. le rapporteur général des indications précises qu’il nous a apportées à l’instant, ainsi que ce matin en commission.
Nous l’avons déjà dit et nous ne cesserons de le répéter, ce budget, résolument de gauche, n’est tendu que vers un seul but : renouer avec la croissance pour permettre aux Français de trouver ou retrouver l’emploi qui fait souvent défaut.
Pour ce faire, le Gouvernement a décidé de continuer à réduire le déficit public et la dette qui en découle alors que, ne l’oublions pas et soulignons-le chaque fois que nous en avons l’occasion, ce déficit public a plus que doublé au cours des dix dernières années, pendant les deux quinquennats de la période 2002-2012. La dette, qui s’est gonflée de 860 milliards d’euros pendant la même période,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il fallait écouter M. Delahaye tout à l’heure !
Mme Michèle André. … a augmenté de 30 % au cours du quinquennat précédent, passant de 64 % à plus de 90 % du PIB en 2012.
Rappelons que la gestion lucide, courageuse et particulièrement judicieuse de nos finances publiques par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est en train de ramener, depuis dix-huit mois, le déficit public de la France de 5,2 % du PIB à la fin de l’année 2011 à 4,1 % à la fin de l’année 2013, puis à 3,6 % à la fin de l’année 2014, faisant échapper la France à la récession en 2013.
Pour retrouver la croissance, le Gouvernement a décidé de soutenir l’investissement productif des entreprises en instaurant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et en réformant l’imposition des entreprises, plus particulièrement des PME, pour aider leurs efforts de recherche et accroître leurs capacités d’innovation et de développement.
Pour retrouver de la croissance, le Gouvernement a décidé de soutenir la consommation des ménages, en rétablissant l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, et en augmentant la décote et le revenu fiscal de référence.
Rappelons qu’après que 3,3 millions de foyers fiscaux sont entrés dans l’impôt en 2010 le gel du barème de l’impôt sur le revenu a rendu imposable à cet impôt 3,1 millions de foyers fiscaux et 2,9 millions en 2012, alors que la nouvelle décote a permis à 7,2 millions de foyers fiscaux de payer moins d’impôt sur le revenu et à près de 370 000 d’entre eux de rester non imposés, alors qu’ils auraient été imposables sans cette mesure...
Nous regrettons de ne pas avoir pu examiner, au Sénat, le détail, fort instructif, des efforts budgétaires effectués par le Gouvernement pour mieux financer ses principales priorités : l’emploi, l’éducation, le logement, la solidarité, la sécurité et la justice.
Ce budget, mes chers collègues, conjugue remarquablement la maîtrise des dépenses publiques et la stabilisation des prélèvements obligatoires.
La maîtrise des dépenses publiques ? Cet objectif n’avait pas été atteint. En 2014, le Gouvernement la met en œuvre.
La stabilisation des prélèvements obligatoires ? Elle va enfin être réelle, avec une année d’avance : ces prélèvements n’augmenteront que de 0,15 % du PIB, dont 0,1 % au titre de la lutte contre la fraude fiscale, pour 2 milliards d’euros. Les prélèvements n’augmenteront donc, en fait, que de 0,05 % avec le budget 2014.
Le projet de loi de finances pour 2014, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, est fidèle à la direction indiquée par le chef de l’État et à la voie fixée par le Gouvernement : le groupe socialiste du Sénat s’en réjouit…
M. Philippe Bas. Il est bien le seul à s’en réjouir !
Mme Michèle André. … et vous demande, mes chers collègues, de voter ce texte sans état d’âme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.
Mme Colette Giudicelli. Monsieur le ministre, je regrette que la politique du Gouvernement n’ait pas pour but d’introduire plus de justice ou d’équité dans notre système fiscal, parce que cette politique pèse de plus en plus sur les familles, surtout sur les plus modestes d’entre elles.
En raison d’un renforcement peut-être mal calibré de la décote et de l’absence de revalorisation du barème, de nombreux contribuables qui ne payaient pas d’impôt sur le revenu se sont retrouvés imposables en 2013. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Chiron. C’est votre faute !
Mme Colette Giudicelli. Cette situation explique probablement la hausse de près de 20 % des demandes d’étalement d’impôt que l’on constate dans certains départements.
Pour 2014, ce sont 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires auxquels il faut bien évidemment ajouter les 2 milliards d’euros supplémentaires qui figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS.
Rappelons qu’avec le PLFSS les salariés, les agriculteurs, les entreprises, les familles, les épargnants, les artisans, les commerçants, tous seront mis à contribution.
Certes, nous prenons acte du fait que votre projet de budget prévoie une revalorisation exceptionnelle de la décote et une revalorisation du revenu fiscal de référence, qui devraient alléger la facture pour certains contribuables.
Cependant, de nombreux foyers modestes n’échapperont pas aux hausses d’impôt pour plusieurs motifs.
D’abord, en raison de la refiscalisation en année pleine des heures supplémentaires.
Ensuite, l’intégration des 10 % de majoration de retraite dans le revenu risque de rendre imposables des retraités qui ne l’étaient pas, tout en entraînant la perte d’avantages en matière de fiscalité locale et de prestations sociales.
En outre, la suppression de l’exonération de la participation de l’employeur à la couverture collective de frais de santé va entraîner une hausse du revenu imposable pour des millions de salariés.
Quant à la hausse de la TVA appliquée sans discernement, elle pénalisera les classes moyennes, mais aussi, et j’insiste sur ce point, les familles modestes.
En maintenant le taux réduit à 5,5 % et en augmentant la valeur du taux intermédiaire de la TVA de 7 % à 10 %, vous avez déjà accru le prix des biens consommés chaque jour par les Français.
De la même manière, le prix des transports en commun qu’ils utilisent va aussi augmenter. D’ailleurs, compte tenu de l’impact sur les usagers, le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, dirigé par M. Huchon, a décidé de ne pas répercuter la totalité de cette hausse de TVA sur le prix des transports franciliens.
Cette hausse de la TVA intermédiaire touchera également l’énergie. Le bois de chauffage, qui représente 50 % des énergies renouvelables, n’est pas épargné, et ce en totale contradiction avec la transition écologique que vous souhaitez mettre en œuvre.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, 7,4 millions de ménages utilisent aujourd’hui un appareil de chauffage au bois, la plupart du temps en complément d’une autre source d’énergie. Il permet à des millions de familles de chauffer leur foyer avec un budget de plus en plus serré, et ce par nécessité.
Enfin, avec la baisse de 1,5 milliard d’euros des dotations aux collectivités, beaucoup d’entre elles feront peut-être le choix d’accroître leurs tarifs ou encore d’augmenter les impôts locaux.
En réalité, cette politique fiscale manque de visibilité et nos compatriotes s’en rendent compte.
D’après un sondage paru en octobre dernier pour IPSOS, 79 % des Français condamnent la politique fiscale du gouvernement actuel. Ils jugent qu’elle n’est pas juste et pour 78 % d’entre eux qu’elle n’est pas conforme aux engagements de campagne de celui qui est devenu Président de la République.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne voterons pas ce budget défavorable au pouvoir d’achat de nos compatriotes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat et M. Jean Boyer applaudissent également.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais souhaité, dans la nuit de vendredi à samedi, remercier ceux qui ont participé aux débats tout à fait intéressants sur le projet de loi de finances rectificative, mais le dispositif un peu inusuel que nous avons connu à une heure tardive ou, plutôt, matinale ne m’a pas conduit à le faire.
Qu’il me soit donc permis ici de remercier, comme le veut la tradition, l’ensemble des intervenants sur ce texte, d’autant que ces discussions budgétaires comportent des aspects parfois ingrats. J’ai observé, comme M. le rapporteur général, qu’au sein des groupes un certain nombre de nos collègues extrêmement fidèles et ardents ont marqué les débats de leur personnalité. Je les en remercie collectivement, ainsi que les services du Sénat, particulièrement le secrétariat de la commission des finances et le service de la séance pour la bonne préparation et la bonne organisation des discussions. Sans oublier, naturellement, même nous avons des visions différentes, monsieur le ministre, les membres du Gouvernement qui se sont succédé au banc tout au long de l’examen de ce texte.
Vous n’aviez pas pu vous-même participer à toute la discussion du PLFR. Nous avons notamment abordé avec Mme Pellerin certains sujets sur l’économie numérique, qui relèvent de son ministère. Nous avons cheminé ensemble de manière parfaitement courtoise et constructive.
Cela étant dit, le résultat sur lequel nous allons nous prononcer, une nouvelle fois, ne peut susciter d’éloges de ma part. Il est le constat de la réalité politique qui est la nôtre au sein de la Haute Assemblée. Il ne faut pas s’en indigner, car une réalité est une réalité.
Cela signifie qu’il n’y a pas, loin de là, et ce moins encore que l’an dernier, une majorité de sénateurs pour approuver vos choix économiques, fiscaux et financiers. Ce mouvement est d’autant plus large que les principaux textes de politique sociale présentés par ce gouvernement connaissent précisément ce sort. Je le répète, il ne faut pas s’en indigner. Chacun assume ses responsabilités.
Monsieur le ministre, il ne faut pas non plus tenter de nous prendre au piège de votre raisonnement, en essayant de nous culpabiliser, du moins les plus rigoureux d’entre nous, au sujet des amendements adoptés dans cet hémicycle. Philippe Dallier a très justement égrené la liste et le montant des dépenses supplémentaires que ce gouvernement a choisi de faire, et que d’autres n’auraient pas faites. Les choix sont différents.
Mme Michèle André. Oh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les logiques sont différentes !
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Jacques Chiron. Effectivement ! Par exemple pour les niches fiscales !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Chacun le sait, la Constitution de la Ve République, au demeurant fort efficace – car il faut qu’un pays soit gouverné –, ne permet pas aux parlementaires de modifier intégralement la copie du Gouvernement. Elle ne leur permet d’intervenir que de manière ponctuelle, au fur et à mesure des mises aux voix. Je le répète, il est tout à fait fallacieux d’insister sur le solde total, sur les additions purement comptables résultant de nos votes. De fait, ces votes expriment à la fois une désapprobation et la volonté de faire prévaloir une autre logique.
Permettez-moi d’insister sur ce point. Il n’y a pas une seule et unique manière de raisonner, qui serait celle du Gouvernement et du parti socialiste. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Il faut admettre que des oppositions, voire des partenaires, ne développent pas les mêmes analyses et raisonnent quelque peu différemment. Ils existent !
Mme Michèle André. Certes !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous existons !
M. Philippe Bas. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous ne sommes pas à vouer aux gémonies, dans l’ombre de ce qui ne serait pas convenable,…
M. Roland Courteau. Il ne faut pas exagérer !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … au prétexte que nos propos n’épouseraient pas vos raisonnements, votre cheminement intellectuel, vos promesses et les méthodes un peu spécifiques – parfois même curieuses – à l’aide desquelles vous les mettez en œuvre. (M. Roland Courteau s’exclame.)
M. Philippe Bas. En effet !
Mme Colette Giudicelli. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Peut-être allons-nous engager la seconde lecture des articles du projet de loi de finances pour 2014. Peut-être allons-nous abréger cet examen. À la vérité, sans doute cette perspective serait-elle préférable.
En effet, monsieur le ministre, nous éprouvons le plus grand respect pour les fonctions qui vous incombent. Or les travaux à mener d’ici à la fin de l’exercice exigent certainement de vous une grande assiduité à Bercy. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) En conséquence, il est peut-être préférable que le Sénat vous laisse clore les dossiers de l’année, ce dans l’intérêt de la République !
M. Georges Labazée. Ah !
M. Jacques-Bernard Magner. C’est n’importe quoi !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je vous l’indique sans anticiper sur ce qui va être dit dans quelques instants : il me semble préférable de rendre à l’Assemblée nationale cette mauvaise copie. Il me semble préférable de faire prévaloir nos oppositions diverses mais conjuguées à ce projet de loi de finances pour 2014. Ainsi, même si l’année à venir s’annonce difficile pour notre pays, et tout spécialement pour le monde des collectivités territoriales, celles et ceux qui refuseront ce budget n’auront pas de reproches à se faire. (M. Claude Haut s’exclame.)
Les uns et les autres verront bien comment s’exécuteront les prévisions gouvernementales pour l’année prochaine, tant au titre des dépenses qu’au titre des recettes, nonobstant la situation économique !
Chers collègues de la majorité, vous êtes aux commandes, vous disposez des manettes, vous exercez les responsabilités. N’en veuillez pas à ceux qui sont sur le côté,…
M. Roland Courteau. Mais non ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … d’avoir un tant soit peu l’intention d’apprécier, à partir de ce que l’on entend ici ou là dans notre pays, les mérites très relatifs de votre politique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. Philippe Bas. Bravo !
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux afin de permettre à la commission des finances de se réunir pour examiner la motion tendant à opposer la question préalable, déposée par Mme Marie-France Beaufils et les membres du groupe CRC.
Monsieur le président de la commission, de combien de temps souhaitez-vous disposer ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dix minutes, monsieur le président.
M. le président. Nous reprendrons donc nos travaux à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° I-7.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, de finances pour 2014 (n° 229, 2013-2014).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour la motion.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis ce 17 décembre ressemble singulièrement à celui que le Sénat avait commencé d’examiner le 21 novembre dernier, moyennant quelques menues modifications, à savoir 10 millions d’euros sur les 356 milliards d’euros de dépenses publiques.
En effet, entre discussion des articles, seconde délibération, vote bloqué et commission mixte paritaire, tout s’est passé comme si le Sénat n’existait pas ou plus, dès lors que les groupes faisant partie de la majorité de gauche de notre Haute Assemblée n’ont pas été entendus et que leurs propositions n’ont pas été prises en compte.
À aucun moment, nous n’avons eu le sentiment d’une recherche de réponses à nos interrogations susceptibles de recueillir l’assentiment de la majorité de gauche du Sénat. On a recouru aux moyens de coercition parlementaires ; les plus radicaux ont été choisis, comme cela avait également été le cas pour le texte relatif à la sécurisation de l’emploi, qui transposait notamment l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi.
Vous venez de dire, monsieur le ministre, que les mesures que vous nous avez proposées améliorent les comptes publics. Mais quand bien même la situation de ces derniers serait moins désastreuse que par le passé, les moyens utilisés pour y parvenir ne dérogent aucunement aux logiques « austéritaires » dont nous connaissons les limites.
Ces limites, c’est le taux de croissance de 0,1 % cette année et de 0,9 % – en principe ! – l’an prochain, qui ne créeront pas l’impulsion nécessaire pour résoudre le problème de l’emploi ou le déficit des comptes publics.
La question du statut de la loi de finances initiale est d’ailleurs posée. Elle concrétise les orientations déjà inscrites dans le collectif de la fin de l’année 2012, avec la hausse programmée de la TVA, qui permettra de financer les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. La loi de finances pour 2014 se situe également dans un temps particulier, celui de l’annonce de la « grande remise à plat de la fiscalité », formulée pour animer le débat parlementaire et public jusqu’en 2015. Dans le même temps, nous avons régulièrement entendu, à l’occasion de l’examen des amendements que nous avons déposés, des déclarations visant à expliquer que des modifications étaient déjà intervenues et qu’il n’était pas possible de les discuter.
La mise à plat de la fiscalité n’est pas vraiment pour demain. Nous partageons pourtant l’idée qu’elle est nécessaire. En revanche, nous ne pouvons souscrire à la déclaration de Philippe Dallier, qui évoquait tout à l’heure un impôt confiscatoire. Cette année encore, 7 000 foyers bénéficieront en moyenne de 100 000 euros d’allégement de leur fiscalité, pour ce qui concerne leur seul ISF.
Les parlementaires du groupe communiste, républicain et citoyen ont consacré une bonne partie de leur activité, depuis plusieurs années, à la définition, la conception et la mise en œuvre d’une réforme fiscale de grande envergure. Nous ne pouvons donc qu’être fort intéressés par cette « remise à plat ».
Sans même attendre tout à fait la procédure suivie par le Gouvernement, qui nous semble toutefois prendre une voie délicate en convoquant, dès le 21 janvier prochain, des états généraux de la fiscalité des entreprises, les parlementaires du groupe CRC prendront une part active à l’organisation, par les forces politiques constituant le Front de gauche, des états généraux de la justice fiscale, au mois de juin prochain, après les multiples initiatives publiques et populaires que nous entendons mettre en place.
Car là sans doute réside une partie des solutions aux problèmes qui nous sont posés.
Il convient de solliciter la société civile, la société française, pour procéder, avec les citoyens, à une lecture critique et mille fois nécessaire de notre système de prélèvements sociaux et fiscaux, pour favoriser une large appropriation des problèmes par les premiers intéressés eux-mêmes, à savoir les habitants de notre pays.
Réformer la fiscalité, les prélèvements sociaux, c’est aussi redonner sens au pacte républicain, aux valeurs mêmes de notre démocratie, pour peu que l’on sache marier justice du prélèvement, efficacité sociale et économique de son utilisation, c’est-à-dire la réponse aux besoins collectifs.
La fiscalité est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls fiscalistes et il est grand temps que le peuple, dans son intelligence collective et sa profonde sagesse, s’en mêle. Nous sommes partisans de faire cette réforme fiscale, en gardant à l’esprit le mot de René Char : « L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer ».
Face à un projet de loi de finances qui vise à entériner la hausse de la TVA et le quasi-gel de la dépense publique, à mettre en cause les solidarités familiales, à alléger encore un peu plus la fiscalité des revenus du capital et du patrimoine, les fondements d’une fiscalité juste et équilibrée ne nous semblent pas à l’œuvre.
Ce texte, c’est, en quelques chiffres : une hausse de la TVA de 5,1 milliards d’euros, supportée par les ménages et les collectivités locales ; une hausse des taxes sur l’énergie d’au moins 340 millions d’euros, subie par les mêmes ; une baisse d’un milliard et demi d’euros pour les collectivités locales au titre des dotations « encadrées » ; une augmentation de plus de deux milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, engendrée par la baisse du quotient familial et la suppression de l’exonération des pensions majorées des parents de familles nombreuses ; la suppression de l’exonération fiscale sur la contribution des employeurs au financement de la couverture santé complémentaire de leurs salariés, à hauteur d’un milliard d’euros, mesure pourtant incitative du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi ; enfin, une baisse de 600 millions d’euros de la taxation des plus-values mobilières et immobilières.
Ce catalogue un peu sommaire n’est pas celui d’une quelconque loi de finances ; c’est celui des mesures principales d’une loi de finances qui privilégie singulièrement la taxation de la consommation sous toutes ses formes – TVA, TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, droits sur les alcools et les tabacs –, alourdit la fiscalité pesant sur les ménages salariés et épargne, une fois encore, les détenteurs de capitaux et de patrimoines, en créant par exemple l’abattement spécifique sur les plus-values immobilières de 25 %, véritable aubaine pour des contribuables fortunés en instance d’optimisation !
Plus d’impôt, sans le supplément de justice fiscale nécessaire, pour moins de service public, tel est le résumé assez peu satisfaisant du projet de loi de finances pour 2014 ! Dire que les parlementaires du groupe CRC n’y trouvent ni leur compte ni la trace des espérances du changement du printemps 2012 est presque une tautologie.
Les réductions des moyens des services publics ne sont pas absentes du projet de loi. Malgré les priorités de recrutement affichées en matière d’enseignement, de justice et de sécurité, ce sont en effet plus de 1 400 emplois publics qui disparaîtront encore en 2014. Partout ailleurs, c’est régime sec et réduction programmée des effectifs.
Les 400 000 salariés de l’ensemble des entités qu’il est convenu d’appeler les opérateurs de l’État – établissements de recherche, universités, Pôle emploi, agences diverses et variées, grands musées et monuments du patrimoine national – font désormais eux aussi l’expérience de la réduction des effectifs, de la débudgétisation, de la recherche d’autonomie financière, de l’obligation de quémander au secteur privé les moyens et les crédits nécessaires à leur intervention.
Des centaines, des milliers d’emplois vont probablement passer par pertes et profits, mettant en péril certaines des missions de service public, aujourd’hui de plus en plus difficilement accomplies.
Demain, parce que nous n’aurons pas octroyé les ressources nécessaires pour la recherche et le progrès scientifique et technique, pour former et lancer de nouvelles équipes, nous serons en carence de brevets, d’inventions et de capacités de développement.
Dans les périodes que nous vivons, le besoin de services publics est fort. La situation des hôpitaux, contraints d’embaucher des médecins intérimaires, celle de nos transports publics de banlieue, rendus exsangues par la progression du trafic et de la fréquentation, le problème de la fraude sociale, révélé avec éclat par le scandale des travailleurs détachés, la lutte contre la fraude fiscale, ce cancer qui ronge et sape les fondements mêmes du consentement à l’impôt et de la solidarité nationale, tout montre un besoin de services publics performants.
De même, la nécessaire réforme des rythmes scolaires ne peut s’accommoder d’un service public de la petite enfance et de l’enfance « à géométrie variable », à raison des capacités des collectivités à mettre en place, avec des moyens financiers et humains fort inégaux, des activités périscolaires répondant aux attentes légitimes, formulées par les parents d’élèves, d’éveil de la curiosité et de l’intelligence.
La loi de finances pour 2014 n’est pas un budget de gauche, elle n’est que l’exercice obligé auquel le Gouvernement se contraint à l’égard de la Commission européenne et de nos partenaires, plus ou moins vaillants, d’une politique économique conduite sous l’empire du TSCG.
Ses conséquences seront les suivantes : l’Europe, en 2014, sera la partie du monde où le train de la reprise avancera le plus lentement. Pourtant, si nous regardons nos voisins, nous savons que sa situation économique et sociale n’est pas en voie d’amélioration. Les taux de chômage observés en Grèce, en Espagne, au Portugal, mais aussi en France, la mise en concurrence des salariés, exacerbée par les directives et accords semblables à ceux des « travailleurs détachés », la relance des mouvements migratoires des jeunes et des salariés des pays les plus en difficulté vers les eldorados supposés, tout montre que le projet européen est en train de se perdre dans les sables de la méfiance, de l’ignorance de l’autre, parfois même dans la xénophobie et le racisme.
Le projet européen ne rassemble plus la jeunesse, devenue taillable et corvéable à merci, et il crée de plus en plus d’incompréhension dans les autres couches de la population. Au demeurant, le maintien au pouvoir de Mme Merkel, soutenue cette fois par le SPD de Martin Schulz et de Sigmar Gabriel, après la disparition du FDP du paysage politique allemand, illustre clairement les contraintes qui enserreront la politique européenne durant les quatre prochaines années.
En lieu et place d’un couple franco-allemand œuvrant à la mise en place d’une Europe sociale, nous avons un statu quo. Si le SPD a gagé son soutien au gouvernement en obtenant la promesse de la création d’un SMIC – plus faible que le SMIC français –, nous ne pouvons espérer une mutualisation des dettes souveraines et l’émission d’euro-obligations, que d’aucuns avaient cru pouvoir nous « vendre » comme solution future et incontournable de toutes les crises financières, laissant une fois encore la priorité à l’équilibre des fonds de pension allemands, au détriment des économies des autres pays de la zone euro.
Nous l’avons souvent rappelé lors des débats auxquels ont donné lieu l’examen du projet de loi de finances et celui du projet de loi de finances rectificative, le choix de la réduction de la dépense publique signifie un ralentissement encore plus important de la croissance.
Je le disais tout à l’heure, la réduction de 1,5 milliard d’euros des dotations aux collectivités territoriales aura des conséquences lourdes pour les habitants de nos communes et pour les entreprises – en particulier les plus petites d’entre elles – qui bénéficient le plus de la commande publique. Des risques importants de pertes d’emplois vont donc peser sur nos territoires.
Pour l’ensemble de ces raisons, dans cette nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à voter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, contre la motion.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la question de savoir s’il y a lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2014. Je crois que la réponse est la même pour la majorité des personnes présentes dans cet hémicycle : rien ne sert de rouvrir la discussion tant nos désaccords semblent insolubles.
Nous aurions disposé de suffisamment de temps pour aller au terme de l’examen de ce projet de loi de finances, mais nous avons été incapables d’y parvenir.
La première lecture du projet de loi de finances aurait en effet dû permettre, selon le calendrier prévu, d’examiner l’ensemble des crédits du budget général de l’État, sur la base des travaux des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis.
Cependant, l’absence d’accord sur le contenu de la première partie du projet de loi de finances a rendu impossible ce débat, laissant le soin à l’Assemblée nationale de prendre en compte un certain nombre de préconisations des sénateurs.
Cette situation de blocage, nous ne la connaissons que trop bien. Elle s’est encore répétée la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013. Elle prive de tout intérêt pratique un nouvel examen du texte. En l’absence de toute chance de voir un texte adopté par une majorité de sénateurs, le débat qui s’ouvre n’apportera rien de concret à son élaboration.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Michèle André. Comme l’a rappelé François Marc lors de son intervention en ouverture de notre discussion générale, l’Assemblée nationale ne pourrait pas même reprendre nos amendements, faute d’adoption du texte final.
Cette analyse, partagée par divers groupes de la majorité et de l’opposition, justifierait donc pleinement l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Cependant, une telle motion ne se lit pas uniquement à l’aune de son énoncé ; elle porte aussi un message à travers son objet.
Ainsi, la question préalable que nous avions présentée l’an dernier ne portait pas condamnation du Gouvernement, mais disait simplement que l’absence de tout accord possible rendait vain un nouveau débat. C’était le simple constat d’un blocage avéré, une manière de se prémunir contre les artifices d’une partie de l’opposition. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs relevé que, face à un tel blocage, l’adoption d’une telle question préalable ne constituait pas un usage manifestement excessif de la procédure.
À l’inverse, l’objet de la présente question préalable est non pas un constat technique, mais un vote politique. Ce vote réunit des contraires, disons-le même, des minorités contraires, qui s’accordent semble-t-il sur une chose : faute de majorité positive dans l’une des chambres, faute d’obtenir suffisamment de voix aux élections pour constituer une majorité,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela viendra !
Mme Michèle André. … faute de pouvoir proposer et adopter ensemble un texte contraire, ces minorités se contentent de rejeter, de condamner, de dire qu’elles feraient mieux.
Les uns ont eu l’occasion de montrer leurs qualités de gestionnaires, mais n’ont pas convaincu ; les autres auraient l’occasion de le faire avec nous, mais souhaitent rester dans une posture de dénonciation permanente.
Nous ne pouvons nous associer à cette alliance contradictoire, car elle a pour conséquence de condamner le Sénat à l’impuissance.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Bien dit !
Mme Michèle André. Il est donc hors de question que le groupe socialiste vote cette question préalable, car, comme une majorité de parlementaires des deux assemblées, il soutient le Gouvernement dans ses choix économiques et budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues le groupe communiste, républicain et citoyen a déposé une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2014. Il s’agit là d’un moment grave pour notre assemblée.
Si je peux comprendre qu’un examen complet de ce texte en nouvelle lecture ne permettrait pas au Sénat de peser sur sa version finale, compte tenu de son rejet annoncé, je ne souscris pas pour autant aux motifs invoqués par les auteurs de cette question préalable.
En effet, nous venons de l’entendre, ceux-ci s’appuient sur une remise en question assez radicale de la politique fiscale et budgétaire du Gouvernement, que beaucoup d’entre nous soutiennent dans ses différents aspects, à savoir le nécessaire assainissement des comptes publics, le souci de la croissance et de l’emploi et la consolidation des politiques de solidarité.
La commission des finances, dont je suis ici le rapporteur général, n’a pas émis d’avis favorable sur cette question préalable, une égalité arithmétique entre les voix pour et les voix contre ayant été observée lors du vote. Pour ma part, mes chers collègues, je ne puis qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. André Reichardt. C’est étonnant ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP votera-t-il cette motion tendant à opposer la question préalable ? J’imagine que tout l’hémicycle attend avec impatience de connaître la réponse ! (Exclamations amusées.) Eh bien, la réponse est oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Dallier. Pour autant, cette réponse positive appelle quelques précisions. En effet, mes chers collègues, je ne voudrais pas que vous puissiez penser que nous approuvons l’ensemble des motifs invoqués par nos collègues du groupe CRC pour présenter cette motion. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Ceux-ci mettent d’abord en avant « l’incapacité avérée à définir un texte acceptable par les majorités de gauche des deux assemblées ». J’espère ne choquer personne en affirmant qu’il ne s’agit pas de notre préoccupation première. De fait, nous constatons – et vous constatez vous-mêmes – que vous n’êtes pas en capacité de vous mettre d’accord. Bien évidemment, ce n’est pas sur cet argument que nous fondons notre position.
Les auteurs de la motion développent ensuite trois considérants.
Premièrement, ils entendent « sanctionner le recours aux procédures peu respectueuses des droits du Parlement ». Mes chers collègues, notre Constitution est bien faite, tout comme les règlements intérieurs des assemblées. Même quand il est peu facile – comme c’est le cas actuellement – de discerner les majorités, elle permet à tout le moins au Gouvernement de gouverner. On ne peut que s’en féliciter, parce qu’il n’aurait rien de pire que d’être dans l’incapacité de voter un budget, même dans des conditions particulières.
Deuxièmement, les auteurs de cette motion entendent « mettre en question des choix fiscaux et budgétaires erronés » – sur ce point, nous pouvons partager les préoccupations de nos collègues du groupe CRC – « marqués du sceau de l’austérité ». L’austérité, mes chers collègues, certains pays d’Europe la vivent ; la France, quant à elle, n’en est pas là. Il serait plus exact de parler de rigueur, tout en considérant que celle-ci pourrait être mise en œuvre par des voies différentes.
Troisièmement, enfin, les auteurs de la motion entendent « marquer leur refus d’une option générale de réduction de la dépense publique, inefficace et contre-productive ». Au groupe UMP – nos différents orateurs et moi-même l’avons suffisamment répété –, nous pensons que le Gouvernement ne va pas assez loin en matière de réduction de la dépense publique. Ce n’est donc pas sur cet argument que nous nous appuyons pour voter la motion.
À l’évidence, nous pourrions encore discuter des heures de ce projet loi de finances sans qu’une majorité se dessine. À quoi bon dans ce cas, serais-je tenté de dire.
Après toutes ces heures de discussion du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de finances rectificative, il est bon d’abréger les souffrances du rapporteur général (Exclamations amusées.) qui, dans la nuit de vendredi à samedi, nous a montré qu’il avait un peu de mal à accepter la situation telle qu’elle se présente. Eh bien oui, c’est un constat, il n’existe pas de majorité au Sénat ! Et ce n’est pas la faute de l’opposition si vous ne parvenez pas à vous entendre !
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les arguments de fond qui sont avancés par les auteurs de cette motion. Je souscris aux remarques qu’a faites à l’instant notre collègue. Notre vision, notre position sur ce budget sont différentes de celles du groupe CRC, mais nous estimons qu’il n’y aurait aucun intérêt à prolonger davantage nos débats au Sénat, même si M. le ministre les a jugés tout à l’heure riches et intéressants.
En ne retenant en définitive que dix amendements du Sénat dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, le Gouvernement n’a pas tiré suffisamment profit de cette richesse. Pour ma part, je trouve dommage de ne pas poursuivre nos débats, mais les prolonger, j’en ai le sentiment, ne nous permettrait sans doute pas de progresser ni d’engager les décisions qui s’imposent pour redresser nos finances publiques d’une manière plus franche que celle proposée aujourd’hui.
Au final, le groupe de l’UDI-UC votera cette motion tendant à opposer la question préalable, même s’il n’approuve pas totalement les arguments invoqués par ses auteurs. Je le répète, il ne nous servirait à rien de discuter plus encore, nous sommes tous très occupés et avons bien d’autres choses à faire. À quoi bon poursuivre une discussion qui ne permettrait en rien d’enrichir ce texte ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe du RDSE, très majoritairement, par dix-huit voix sur dix-neuf, votera contre cette motion. En effet, nous n’approuvons absolument pas les motivations de ses auteurs.
Nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec l’ensemble des textes du Gouvernement – auquel cas, nous le lui disons. Dans le cas présent, nous discutons du projet de loi de finances et il faut être très clair : ou l’on soutient le Gouvernement ou on ne le soutient pas. Or le projet de loi de finances est l’acte clé d’une politique. Si nous ne votions pas le budget, alors il nous faudrait en tirer immédiatement les conséquences.
M. Robert Tropeano. Très bien !
M. Jacques Mézard. Cela étant dit, monsieur le ministre du budget, nous sommes convaincus de la nécessité de redresser nos comptes. Depuis des mois, vous vous évertuez à faire en la matière un travail positif, utile et indispensable si, comme je l’ai déjà indiqué, nous ne voulons pas pénaliser les générations futures. Pour autant, nous l’avons dit également, cet effort de redressement trouve une limite, celle de l’impact négatif qu’il pourrait avoir sur la croissance. L’équilibre est très difficile à trouver, pour tout gouvernement, particulièrement en période de crise. En tout cas, je salue les efforts tout à fait positifs qui sont accomplis.
Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas nos collègues communistes et voterons contre la motion qu’ils ont déposée. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève. Je souhaite simplement réagir aux propos de Michèle André. Nous avons en effet des désaccords, cependant l’attitude des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne se résume pas à une attitude de simple opposition ; en effet, nous avons constamment essayé d’avancer des propositions afin de contribuer à la réflexion. Nous souhaiterions débattre en profondeur de la façon de sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons. Or, même si ce débat nous semble difficile aujourd’hui, il faut pourtant le mener.
Nous avons vu comment, dans un certain nombre de pays européens, le choix d’accorder la priorité au redressement des déficits publics, en particulier en réduisant les dépenses et sans se donner la possibilité de soutenir la croissance, a des effets contre-productifs et aggrave encore les difficultés. Tels sont les sujets dont nous voudrions discuter. Nous ne nous enfermons pas dans une attitude d’opposition systématique, mais nous estimons, aujourd’hui, que ce type de réflexion n’est pas entendu. C’est pourquoi nous voterons bien évidemment notre motion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° I-7, tendant à opposer la question préalable et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 108 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2014 est rejeté.
6
Nomination de membres de commissions
Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. François Grosdidier, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Louis-Constant Fleming, démissionnaire, et M. Louis-Constant Fleming, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. François Grosdidier, démissionnaire.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 décembre 2013 à quatorze heures trente et le soir :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (n° 700, 2012-2013) ;
Rapport de M. Alain Néri, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 221, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 222, 2013-2014).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n° 697, 2012-2013) ;
Rapport de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 219, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 220, 2013-2014).
3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (n° 703, 2012-2013) ;
Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 223, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 224, 2013-2014).
4. Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2013 (n° 241, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinquante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART