M. Francis Delattre. … de 10 milliards d’euros, grâce au CICE. Compte tenu des premiers résultats que nous avons sur le CICE, ce chiffre demande à être vérifié.
M. Francis Delattre. Je ne suis d’ailleurs pas le seul : le Haut Conseil des finances publiques ne semble pas d’accord avec vous. Il « considère que le CICE ne peut pas, comme le Gouvernement le fait, être assimilé au plan économique, à une baisse de charges sur les salaires ».
Votre budget incohérent est en outre imprégné de virtualité. Lors de la discussion du projet de loi de finances 2013, il était prévu que le déficit serait ramené à 3 %. Il s’élève actuellement à 4,1 %. Plus délicat encore, et plus grave, le déficit de l’État est passé de 63 milliards à 72 milliards d’euros. Nous allons voter une loi de finances, alors que la précédente n’a pas été ajustée à ce jour : une dizaine de milliards d’euros manquent toujours au titre des rentrées fiscales. (M. le ministre délégué s’exclame.) C’est remarquable !
Nous ne traitons plus, monsieur le président de la commission des finances, de finances publiques, nous sommes, en ce qui concerne cette partie de notre budget, au théâtre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre et en accord avec la commission, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner la stratégie de redressement des finances publiques engagée par le Gouvernement.
Dans le projet de loi de finances, un objectif est fixé, à savoir le retour à l’équilibre, et un cap est tracé, avec une trajectoire visible, que vous connaissez : le déficit a diminué l’an dernier, grâce au collectif budgétaire de juillet 2012 ; cette réduction s’est poursuivie cette année, avant d’être amplifiée en 2014, si nous adoptons le budget qui nous est soumis.
Ce budget est bâti sur une hypothèse de déficit à 3,6 % du PIB, ce qui représente un effort de 18 milliards d’euros. Comme l’a dit la Commission européenne, c’est un effort important, nécessaire, raisonnable et réaliste. Je le précise car, à écouter un certain nombre d’orateurs, on avait l’impression non pas d’une réduction, mais d’un accroissement du déficit, ce qui est une contrevérité.
Nous avons surtout des moyens ambitieux pour atteindre cet objectif, puisque l’effort demandé en 2014 porte à 80 % sur des économies de dépenses. C’est assez inédit pour être souligné.
La conclusion des propos que je viens de tenir est claire : le sérieux budgétaire est au rendez-vous. À cet égard, je veux simplement rappeler que ce n’est pas seulement moi-même ou d’autres membres de la majorité qui le disent, puisque le Haut Conseil des finances publiques a aussi jugé qu’il s’agissait d’une politique raisonnable, tenant compte des réalités, et dont il fallait espérer qu’elle se déroule comme prévu. Or nous avons justement créé cet organisme pour avoir un avis objectif.
La Commission européenne a également émis un jugement analogue dans le cadre du six-pack. Ainsi, récemment, MM. Olli Rehn et José Manuel Barroso ont déclaré que le projet de loi de finances français était digne d’être pris au sérieux.
Certes, on peut citer un ou deux articles de ce que l’on appelle la presse internationale, le Wall Street Journal ou The Economist, par exemple, qui ne sont pas aussi élogieux.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ah ça…
M. Richard Yung. Mais comme leur activité principale est de pratiquer le french bashing, franchement, on peut s’en passer.
On peut aussi parler des agences de notation : Mme Des Esgaulx évoquait tout à l’heure avec des trémolos dans la voix la décision de Standard & Poor’s de dégrader la note de la France.
Franchement, nous savons tous que ces agences de notation ne sont pas très sérieuses. Preuve en est que nous avons dû les placer sous tutelle d’un organe de la Commission européenne pour les surveiller. Elles sont en effet juges et parties et utilisent d’autres critères que les États.
Mes chers collègues, référons-nous plutôt à l’opinion de la Commission européenne et du Haut Conseil des finances publiques ; c’est du sérieux.
Pour autant, la dynamique du redressement budgétaire ne doit pas casser une autre dynamique, certainement au moins aussi essentielle : je veux parler de la croissance. Autrement dit, le sérieux ne doit pas se muer en austérité, laquelle a des effets récessifs forts.
Or, à mon sens, nous sommes allés trop loin en la matière. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais l’économiste en chef du FMI, M. Blanchard, qui a déclaré voilà un ou deux jours qu’avaient été imposées des politiques d’austérité trop fortes, avec des effets trop marqués. C’est également l’opinion de la Commission européenne.
La relance, comme l’a bien souligné notre collègue Jean Germain, sera européenne ou ne sera pas.
Je vois quelques signes d’espoir – il faut vivre d’espoir ! L’Allemagne change de pied,…
Mme Michèle André. Oui !
M. Richard Yung. … lentement mais sûrement : certains orateurs ont évoqué sa décision d’adopter un salaire minimal et la Commission européenne a attiré l’attention du gouvernement allemand sur ses excédents commerciaux réalisés au détriment de ses partenaires européens. Par ailleurs, la France et l’Italie viennent de lancer un appel commun pour une politique d’investissement en Europe qui soutienne la croissance. Nous avons donc quelques raisons d’espérer.
Je souhaite évoquer maintenant le programme d’investissements d’avenir, puisque ces investissements sont inscrits dans le présent projet de loi de finances.
Ce programme répond à une philosophie qui n’est pas nouvelle, mais qui est particulièrement représentée en France : l’État doit remplir son rôle d’investisseur, cette fonction étant d’autant plus cruciale dans des périodes comme celle que nous connaissons actuellement. Cette philosophie avait inspiré le premier programme d’investissements d’avenir, voté en 2010 à la suite du rapport Juppé-Rocard et financé, à hauteur de 35 milliards d’euros, par le grand emprunt. Ces crédits seront bientôt tous consommés et il était donc nécessaire de passer à une deuxième phase : tel est l’objet du nouveau programme d’investissements de 12 milliards d’euros.
Ce programme fixe trois objectifs : soutenir la recherche et l’université, encourager l’innovation et la recherche industrielle – ces objectifs peuvent sembler très convenus, mais l’innovation permet aux entreprises de gagner des parts de marché à l’étranger –, accompagner et accélérer la transition énergétique et écologique, enfin. J’aurais souhaité pouvoir m’adresser aux membres du groupe écologiste pour bien souligner ce dernier aspect.
À l’Assemblée nationale, certains se sont amusés, peut-être avec une relative mauvaise foi, à intégrer ces 12 milliards d’euros dans le déficit de l’État pour 2014, afin de démontrer que le Gouvernement présentait un budget non sincère. Ce raisonnement ne résiste pas à l’analyse.
D’une part, une grande partie des dépenses prévues dans le programme d’investissements d’avenir ont vocation à constituer des actifs.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est financé par de la dette !
M. Richard Yung. D’autre part, l’exécution de ce programme s’étendra sur plusieurs années.
Monsieur le président de la commission, j’ai bien noté que vous aviez évoqué une « habile dissimulation » !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Effectivement, c’est une habileté !
M. Richard Yung. Je vois que vous prêtez des intentions dissimulées au Gouvernement…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comme on connaît ses saints, on les honore !
M. Richard Yung. Le Gouvernement répondra…
Il n’en demeure pas moins que ces 12 milliards d’euros qui seront versés en 2014 aux opérateurs de l’État chargés de sélectionner tous ces projets constituent un investissement important. Le Gouvernement a fait le choix d’un mode de financement ingénieux qui permet de limiter l’impact de ces dépenses sur les déficits et sur la dette. Près de trois quarts de ces investissements sont destinés à financer la formation d’actifs financiers, le reste étant versé sous forme de subventions.
Les actifs dits « non consomptibles » seront conservés sur un compte du trésor qui produit des intérêts annuels reversés aux opérateurs de l’État. Les 3,3 milliards d’euros de subventions permettront à ces opérateurs – universités et centres de recherche – de bénéficier dans la durée d’une source de revenus réguliers.
S’y ajoutent un milliard d’euros de prêts et de garanties pour les PME et près de deux milliards d’euros de prises de participation stratégiques.
Enfin, les avances remboursables, dernier type d’actifs envisagé par le programme d’investissements d’avenir, pour un montant de deux milliards d’euros, permettront de financer des projets innovants qui nécessitent une avance de trésorerie.
On le voit, le Gouvernement a recours à des modes de financement multiples, intelligents, variés, avec un niveau de risque approprié.
Il est donc faux de dire que ces 12 milliards d’euros sont imputables au déficit des finances publiques et il convient par conséquent d’en prendre acte. L’architecture de financement de ce programme d’investissements d’avenir préserve les intérêts de l’État.
Je salue donc cette excellente initiative du Gouvernement et du ministre du budget qui fait de la France un État volontaire et visionnaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme Michèle André. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, sachez immédiatement que je préfère votre sincérité courageuse à certaines exigences passionnément oublieuses !
Au début de cette semaine, M. le Premier ministre s’est engagé, dans une déclaration au journal Les Échos, à « mettre à plat », dans la transparence, notre système fiscal. Il s’agit d’une excellente initiative, tout spécialement lorsque l’on constate qu’une partie de l’opinion, pour des raisons diverses, verse dans l’irrationnel et le contradictoire.
Lorsque j’évoque cette « mise à plat » de notre système fiscal pour des raisons de justice, d’efficacité et de simplicité, je ne peux pas oublier, mes chers collègues, que le temps fiscal, en France, est très long. Lorsque j’étais député, en 1990, nous avons fait voter, sous la présidence de Louis Mermaz, une taxe départementale sur les revenus se substituant à la part départementale de la taxe d’habitation. Je considère que cette réforme était excellente, mais elle fut mort-née.
Il y a exactement un an, à un jour près, dans cet hémicycle, je plaidais à nouveau la cause d’un engagement de François Hollande concernant le rapprochement et la fusion de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Je voudrais reprendre cette proposition dans le cadre de cette « mise à plat » du système fiscal français. Un excellent expert universitaire de la fiscalité, Michel Bouvier, a déclaré constater « un grand désarroi » lorsque l’on parle de la fiscalité, des contributions d’une manière générale.
À l’appui de ce constat, il se référait à un sondage d’opinion paru en octobre 2013, aux termes duquel le consentement à l’impôt baissait : en moyenne 57 % des Français y consentaient, mais si l’on ne considérait que les personnes âgées de moins de trente-cinq ans, ce taux passait à 46 %. Très curieusement, près d’un citoyen sur deux légitimait l’exil fiscal et déclarait ne pas se reconnaître dans notre système fiscal. Dès lors que s’installe un tel divorce entre le citoyen et le contribuable pour diverses raisons, la question du lien avec la République et avec l’État se trouve posée.
Dans le même temps, ces personnes qui exprimaient leur hostilité à l’impôt ou à la contribution réclamaient un plus haut niveau de protection sociale, des services publics plus importants et, bien souvent, lorsqu’il s’agissait d’élus – j’en connais sur ces travées –, plus de subventions.
Mme Michèle André et M. Yvon Collin. Bien sûr !
M. Edmond Hervé. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation. Mes chers collègues, il ne faut pas que l’expression « trop d’impôts », d’inspiration bien évidemment libérale, nous fasse taire, car on ne peut pas réduire le débat fiscal à cette notion de trop d’impôts version révision générale des politiques publiques. Il est important que nous retrouvions le sens de l’impôt – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – et que nous reparlions de la justice fiscale et des services à la population.
J’en reviens brièvement à ce quatorzième engagement du candidat François Hollande portant sur le rapprochement de la CSG et de l’impôt sur le revenu.
Certains d’entre vous ne s’en souviennent peut-être pas, mais la CSG a été adoptée dans des conditions très particulières en 1990 : il s’en est fallu de très peu qu’une motion de censure n’emporte la CSG. Depuis, la CSG a vu son assiette s’élargir, ses taux se multiplier et son produit dépasse aujourd’hui celui de l’impôt sur le revenu.
Quant à l’impôt sur le revenu, voilà l’exemple type d’une création de justice, mais qui, aujourd’hui, n’est plus à sa place : voyez la diminution du rendement de cet impôt et voyez toutes les mesures qui ont été prises – nous sommes coresponsables – pour le réduire.
Si nous sommes favorables à cette fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, je constate que d’autres sensibilités politiques le sont également : en 1993, déjà, MM. Poncelet et Arthuis ont plaidé la cause de cette fusion. Toutefois, j’ai constaté en vous écoutant, monsieur le président de la commission des finances, que nous n’avions pas nécessairement la même conception de la fusion. Il faudra trancher entre la proportionnalité et la progressivité : cela fait partie du débat démocratique qui doit nous éclairer.
Un impôt ne vaut en lui-même que s’il produit des effets. C’est ici que je voudrais évoquer le pacte de confiance et de responsabilité, annoncé par M. le Premier ministre en mars 2013 et qui a fait l’objet d’un relevé de conclusions très détaillé, après de nombreuses réunions, en juillet 2013. Nous en retrouvons des éléments importants dans le présent projet de budget.
Devant le Congrès des maires, M. le Premier ministre a insisté sur l’effort de péréquation. Monsieur le ministre, le rappel que notre ami le rapporteur général a fait concernant la révision des valeurs locatives est directement lié à cette notion de péréquation : il n’y a pas de péréquation si on ne connaît pas la richesse ! Par ailleurs, thème que nous connaissons bien, M. le Premier ministre a pris des engagements très forts pour lutter contre la multiplication des normes – notre assemblée a heureusement adopté une proposition de loi en ce sens. Enfin, il s’est engagé à ce que l’investissement des collectivités territoriales reste à un niveau important.
À ce sujet, je suis un adepte convaincu de la relation partenariale, contractuelle, entre les différentes collectivités territoriales. Il ne peut y avoir de politique publique, aujourd’hui, sans la participation de l’État, de la région, du département et de nos communes ou des intercommunalités. Lorsque nous évoquons l’état de la France, le développement, la croissance, les politiques de logement, bref, le redressement de l’économie, nous retrouvons nécessairement les collectivités territoriales.
Notre collègue Gérard Miquel a développé son point de vue concernant les départements, que je partage. Je voudrais compléter ce point de vue par le résumé d’un court article, paru il y a quelques jours dans Le Monde et signé par Laurent Davezies, professeur au Conservatoire national des arts et métiers et éminent spécialiste expert de ces questions. Il citait six métropoles – Paris, Lyon, Toulouse, Rennes, Nantes et Bordeaux – qui, à elles seules, représentent 29 % de la population, 34 % du revenu des ménages et 41 % du produit intérieur brut. Ces métropoles sont des locomotives qui tirent de nombreux wagons, expression de la solidarité.
On constate par ailleurs, en approfondissant certaines approches, que ces six métropoles apportent trois points de produit intérieur brut au reste du pays ; 18 % de leurs revenus sont transférés à l’extérieur, ce qui augmente le revenu des Français de quelque 9 %.
Ces éléments objectifs doivent, je le pense, nous réunir et nous conforter.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’important en politique, me semble-t-il, c’est de rendre visible ce qui est vrai ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, malgré les multiples critiques et demandes que vous ont adressées la Cour des comptes, Bruxelles, l’OCDE, et surtout malgré la récente dégradation de notre notation par Standard & Poor’s, vous ne voulez rien entendre, ne faire aucune des réformes demandées par Bruxelles, qui « juge les économies insuffisantes, les réformes timides et le risque de dérapage sérieux », ou par l’OCDE, laquelle critique les 35 heures, qui détruisent notre compétitivité, et notre rigidité du travail, qui entretient le chômage.
Vous êtes toujours aussi serein et confiant dans votre politique, qui, selon vous, ne laisserait aucune alternative et convient.
Or, manifestement, elle ne convient pas : le chômage continue à augmenter, et notre compétitivité est réduite parce que le travail, dans notre pays, a un coût trop élevé et une durée légale hebdomadaire trop faible. Les embauches sont limitées par la rigidité de l’emploi et les seuils sociaux. Quant à la croissance, elle ne démarre pas, car votre politique fiscale a fait partir tous ceux qui, accablés d’impôts, pouvaient investir et créer des emplois en France.
Votre CICE n’y changera rien, pas plus que tous les emplois d’avenir, aidés et non marchands, que vous pourrez inventer et qui seront aussi inefficaces avec vous qu’avec vos prédécesseurs.
Vous continuez à dire que tout le mal vient de l’état dans lequel vous avez récupéré le pays.
Mme Michèle André. C’est sûr !
M. Serge Dassault. Vous ne voyez pas dans quel état est notre pays.
Mme Michèle André. Ah bon ?
M. Serge Dassault. Sans doute ne savez-vous pas que l’économie n’est affaire ni de croyance ni d’idéologie, mais d’efficacité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Serge Dassault. Ne voulant rien changer à une politique qui aggrave chaque jour notre situation économique, vous ne craignez même pas de voir bientôt nos taux d’intérêt augmenter à la suite de la dégradation de notre notation. Dès lors, pourtant, nous pourrons de moins en moins emprunter, et à des taux de plus en plus élevés. La France risque donc de se retrouver en cessation de paiement. Pourquoi vouloir prendre ce risque énorme et vous obstiner à ne rien vouloir changer ?
Chacun peut se tromper, choisir une mauvaise voie et ne pas obtenir les résultats escomptés. Mais il faut savoir changer avant qu’il ne soit trop tard.
Or il est déjà presque trop tard. Les manifestations de rue se multiplient et nos jeunes diplômés s’en vont, car ils comprennent qu’il n’y a plus d’avenir pour eux en France.
Que restera-t-il dans notre pays ? Des fonctionnaires, des retraités, des chômeurs sans avenir, et pas de jeunes pour prendre le relais ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Des socialistes... (Sourires.)
M. Serge Dassault. Vous pourrez toujours essayer de défendre les emplois pied à pied, comme vous le dites, faire des discours enflammés devant les syndicats, aller dans les usines... Cela ne servira à rien puisque ces entreprises, ne parvenant plus à vendre leurs produits, qui sont trop chers, seront obligées de réduire leur personnel.
Or ce qui compte avant tout, c’est d’avoir des entreprises compétitives qui vendent leurs produits, qui investissent et qui embauchent en France.
Permettez-moi de vous faire quelques suggestions. En effet, pour paraphraser Tony Blair, la bonne politique n’est ni de droite ni de gauche, c’est celle qui marche.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. « Peu importe que le chat soit gris ou noir, pourvu qu’il attrape des souris », disait Deng Xiaoping !
M. Serge Dassault. Il faut en priorité remotiver les entrepreneurs, et les salariés, sans lesquels vous ne pourrez rien faire.
Il faudra pour cela supprimer le maximum d’impôts, et non les augmenter, et réduire par compensation toutes les dépenses de fonctionnement que vous financez avec des emprunts qui ne pourront jamais être remboursés. En langage industriel, cela s’appelle de la cavalerie, et au bout il y a la faillite.
Vous voulez maintenir notre modèle social ? Certes, mais au prix ni d’une faillite générale ni du maintien d’un État-providence impossible à financer autrement que par des emprunts de fonctionnement.
Pour faire une bonne politique sociale, il faut en avoir les moyens financiers. Sinon, vous ruinez les moyens de production et les entrepreneurs.
Faites d’abord des économies, de vraies réductions de dépenses, et vous mènerez une politique sociale quand vous en aurez les moyens !
Supprimez, par exemple, un certain nombre de niches fiscales, fort agréables pour ceux qui en bénéficient mais qui privent l’État des recettes correspondantes, comme certaines réductions de TVA, ou les diverses aides à l’emploi non marchand qui ne servent à rien et coûtent des milliards.
Ce n’est pas à l’État de payer des impôts à la place des contribuables et des entreprises. Je pense ainsi aux allégements de charges dus aux 35 heures, qui suppriment 21 milliards d’euros de recettes. Pour les récupérer, il faudrait fixer de nouveau la durée légale hebdomadaire de travail à 39 heures. Cela réduirait nos déficits budgétaires, améliorerait la compétitivité de nos entreprises et faciliterait la croissance.
L’impôt sur le patrimoine, que la France seule supporte, depuis François Mitterrand, et qui n’a été supprimé – il faut le dire ! – ni par Chirac ni par Sarkozy, a fait partir des milliers de chefs d’entreprise qui investissent et créent des emplois ailleurs qu’en France.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Une catastrophe !
M. Serge Dassault. C’est la cause principale de l’augmentation de notre chômage et de la diminution de notre croissance. Il faudrait donc le supprimer.
Une autre suggestion serait de faire comme la Russie, ex-pays communiste, qui a instauré la flat tax. Cela consiste à taxer tous les revenus à un taux unique de 13 %.
M. Albéric de Montgolfier. CSG ! (M. le président de la commission des finances opine.)
M. Serge Dassault. En Russie, cette mesure a motivé l’ensemble des acteurs économiques, facilité les investissements et les embauches, et permis le développement de la richesse.
Par ailleurs, en mettant en application la flexibilité du travail par des contrats de projets et des CDD illimités, en augmentant les seuils sociaux, par exemple de 10 à 15 pour les artisans, et de 50 à 75 pour les PME, vous faciliterez beaucoup plus les embauches qu’avec n’importe quel contrat d’avenir. Et cela ne vous coûtera rien !
Les charges sur salaires constituent aussi pour notre économie un gros handicap. La France est en effet le seul pays qui finance les charges maladie et famille sur les salaires, ce qui augmente considérablement les coûts de production.
J’ai déposé une proposition de loi qui vise à résoudre ce problème, en déplaçant les charges maladie et famille des salaires vers les frais généraux des entreprises, sans aucune participation de l’État ou des contribuables.
Cette mesure permettrait, en outre, de supprimer le déficit de la sécurité sociale et de réduire de 55 % les charges sur salaires. C’est considérable !
Il faut dire la vérité aux Français, surtout quand elle est amère, au lieu de leur faire croire que tout va s’arranger ou que tout va bien.
L’économie est pilotée par la motivation de tous ses acteurs, par la recherche des profits nécessaires pour investir et embaucher, par des salaires permettant de vivre mieux. Il faut donc augmenter le pouvoir d’achat dès que possible, en particulier par l’augmentation de la participation, qui devrait être égale au montant des dividendes distribués.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Serge Dassault. Pour finir, je vais vous donner la clef de la réussite, celle qui a transformé la Chine, pays appauvri par un régime communiste implacable, en un pays de plus en plus riche, qui investit partout.
Ce changement s’est produit lorsque Deng Xiaoping a dit aux Chinois en 1980 : « Enrichissez-vous ! ».
M. Jean-Pierre Caffet. Non, c’est Guizot ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michèle André. Guizot avant Mao ! (Même mouvement.)
M. Serge Dassault. Contrairement à ce que vous croyez, plus il y aura de riches, en Chine comme ailleurs, plus les gens seront riches.
Il ne tient qu’au Président de la République de faire de même ! Seule la richesse peut créer la richesse. Supprimez-la et vous n’aurez que de la pauvreté. (MM. Francis Delattre et Dominique de Legge applaudissent.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite faire porter mon intervention, qui vient à la fin de cette discussion générale, sur les crédits budgétaires de l’État pour la recherche, et plus précisément sur les financements sur projets.
Globalement, la priorité accordée par le Gouvernement à la recherche a permis d’épargner ce secteur des mesures les plus contraignantes de la nécessaire régulation des dépenses publiques.
Dans le projet de loi de finances pour 2014, les crédits consacrés à la recherche s’élèvent à 14 milliards d’euros, ce qui représente une stabilité des crédits sur la période 2012-2014. Le budget de la recherche est donc sanctuarisé et demeure bien l’une des priorités de l’action gouvernementale. Mais les crédits fléchés sur la seule recherche financée sur projets suscitent des inquiétudes au sein de la communauté scientifique.
En effet, les crédits alloués à l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, qui porte l’essentiel du financement de la recherche sur projets, ont baissé en loi de finances initiale pour 2013 : ils s’élevaient à 687 millions d’euros, contre 760 millions en 2012.
Mais la subvention réellement versée à l’ANR en 2013 ne fut que de 596 millions d’euros, compte tenu de la déduction de la réserve de précaution. Le repli sera en fait encore plus marqué après la publication, le 18 novembre dernier, du décret d’avance, lequel ampute les crédits de l’ANR pour 2013 de 155 millions d’euros supplémentaires. Cette évolution est d’autant plus préoccupante que cette baisse de crédits devrait se poursuivre en 2014.
Déduction faite de la réserve de précaution, le montant prévisionnel de la subvention réellement versée devrait s’élever, en effet, à 564 millions d’euros en 2014.
On ne peut que regretter une telle baisse de 30 % des crédits sur deux ans, qui va fortement impacter la trésorerie de l’ANR, au point de descendre en 2014 vraisemblablement en deçà du niveau prudentiel. L’ANR risque donc de se retrouver en difficulté. Sans rééquilibrage de sa dotation dans le cadre du budget triennal 2015-2017, il lui sera en effet difficile de faire face aux engagements pluriannuels qu’elle a pris.
Par le passé, la dotation de l’ANR pouvait être réduite, dès lors que cette réduction était justifiée par la volonté de procéder à un transfert de crédits sur projets vers des crédits dits « récurrents ». Mais tel n’est pas le cas en 2014, au vu de la stagnation des moyens alloués aux grands organismes de recherche.
Ainsi, la diminution des crédits de l’ANR a pour effet direct la diminution progressive des taux de succès, c’est-à-dire des programmes sélectionnés, qui sont passés de 28 % en 2005 à 20 % en 2012, et même à 17 % en 2013, alors que le nombre de projets déposés est en constante augmentation, attestant ainsi du dynamisme de la recherche française. On est en effet passé de 7 000 propositions de projets en 2013 à 8 500 en 2014.
Ces taux de succès ont permis de belles avancées, mais il nous faut tout de même reconnaître sont les plus bas en Europe, en comparaison des agences homologues.
Ils sont également inférieurs, je veux le souligner, au taux de succès des programmes-cadres européens de recherche et développement, qui est de 24 %.
Cette baisse risque d’affecter le dynamisme des équipes de recherche et de décourager des entreprises qui, aujourd’hui, ont plutôt tendance à diminuer leur participation à des projets collaboratifs.
Cette diminution de crédits aura donc pour conséquence une baisse des moyens accordés aux programmes non thématiques, également appelés « programmes blancs ». Ceux-ci représentent pourtant, par exemple, un tiers du budget des laboratoires publics de recherche en biologie, lesquels risquent de voir baisser leur capacité à mener des recherches compétitives au niveau mondial.
Il faut souligner que le choix de privilégier les subventions récurrentes de certains opérateurs par rapport aux moyens accordés en financements compétitifs sur projet est en rupture avec les modèles de financement adoptés dans les grandes nations de recherche, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.
Certes, je ne l’oublie pas, il faut ajouter aux crédits de l’ANR les crédits des programmes d’investissements d’avenir, qui représentent pour la recherche, sur la période allant de 2012 à 2020, de l’ordre de 9 milliards d’euros pour le premier de ces programmes et environ 4 milliards d’euros pour le second. Toutefois, même en tenant compte de cette spécificité française que constituent les programmes d’investissements d’avenir – une excellente chose –, les financements sur projet représentent tout au plus, selon la Cour des comptes, 15 % des crédits publics consacrés à la recherche.
À cet égard, il paraît souhaitable que l’indicateur 2.1 du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui a été supprimé dans le projet annuel de performances 2013, soit rétabli dans les années à venir. Il permet précisément de mesurer l’évolution des pas respectifs du financement sur projet et du financement récurrent des programmes de recherche.
Pour conclure, alors que l’ANR rend plus fonctionnelles ses procédures de sélection des projets de recherche, alors qu’elle améliore sa capacité de traitement et de suivi des financements de projet, on s’étonne de cette réduction de moyens. Ainsi est posée la place de l’ANR et son rôle dans notre système de financement de la recherche.
Dans la loi qui, en 2005, a porté création de l’ANR, la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs avait été prévue. Un tel contrat n’a jamais été élaboré. Nous pensons donc que le moment est venu de redéfinir les modes de financement de la recherche et leur répartition entre les crédits récurrents aux universités et aux grands organismes, les crédits dévolus à l’ANR, les crédits alloués au titre des programmes d’investissements d’avenir et, oserai-je ajouter, les crédits octroyés dans le cadre du programme européen de recherche et développement. Cette clarification est nécessaire pour améliorer l’efficacité de notre système de financement de la recherche publique. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’ai voulu attirer votre attention sur ce point particulier, quand bien même nous débattons du cadre général de ce budget pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Yvon Collin applaudissent également.)