Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où nous concluons cette discussion générale, je voudrais répondre à l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés, en les remerciant tous, indépendamment de leur sensibilité politique, de leur contribution à ce débat, des réflexions qu’ils ont bien voulu formuler, des interrogations et questionnements qu’ils ont fait naître à la faveur de nos échanges.
Je voudrais bien entendu adresser des remerciements aux sénatrices et sénateurs de la majorité pour leur soutien. Ils ont, les uns et les autres, balayé un très grand nombre de questions sur, tout à la fois, le rétablissement des comptes publics, la situation des finances locales, l’évolution des prélèvements obligatoires.
Je voudrais également indiquer aux sénatrices et sénateurs de l’opposition que leurs interventions correspondaient très exactement à ce que j’attendais. J’y ai retrouvé tous les thèmes que je pressentais et il y a une parfaite adéquation entre ce que j’ai entendu dans cet hémicycle et ce que j’ai pu entendre à l’Assemblée nationale par le truchement des parlementaires de l’opposition.
Je voudrais profiter de la clôture de cette discussion générale pour revenir sur un certain nombre de sujets et compléter mon intervention de ce matin.
Tout d’abord, Jean Arthuis disait : N’évoquez plus le passé, dites simplement ce que vous faites. Je suis prêt à procéder de la sorte, dès lors que les membres de l’opposition ne se mettent pas à examiner la politique que nous menons à l’aune de critères n’ayant jamais prévalu lorsqu’il s’agit de regarder ce qui s’est passé auparavant.
On ne peut pas faire comme si, à notre arrivée au pouvoir, en 2012, les budgets étaient tous à l’équilibre, la dépense publique était maîtrisée et les impôts n’existaient pas. Voici la situation que nous avons trouvée en 2012 : les déficits avaient pris des proportions abyssales, la dette était une augmentation exponentielle, les dépenses publiques avaient nettement progressé et notre décrochage par rapport à l’Allemagne était acté, et en témoigne l’importance du déficit du commerce extérieur.
Certes, exiger que nous fassions en dix-huit mois tout ce qui n’a pas été fait en dix ans peut se justifier dès lors qu’on est dans l’opposition. Mais on ne peut pas demander à la majorité d’entendre tout cela sans rappeler ce qu’elle a trouvé à son arrivée et d’où elle est partie pour obtenir les résultats constatés aujourd’hui.
Je souhaiterais, à cet égard, reprendre des éléments très concrets et précis, à l’attention à la fois de M. le président de la commission des finances, qui a fait un exposé très complet, très documenté, mais avec qui je ne suis pas en accord, et de l’ensemble des orateurs de l’opposition.
Prenons en premier lieu l’évolution de la dépense. Voilà que vous considérez, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, qu’il faudrait aujourd’hui maîtriser la dépense de façon absolument drastique, en faisant baisser massivement les dépenses publiques comme si celles-ci n’avaient pas une tendance naturelle à l’augmentation, et vous allez jusqu’à remettre en cause nos propres économies.
Je voudrais donc donner des chiffres précis, car, en tant que ministre du budget, je ne connais que les chiffres. Entre 2007 et 2012, vous avez fait progresser la dépense publique de 170 milliards d’euros. En pourcentage, cette augmentation s’est établie à 2,3 % entre 2002 et 2007 et à 1,7 % entre 2007 et 2012. Le budget que nous présentons fait état d’une hausse de la dépense publique de 0,4 %, ce qui signifie qu’en dix-huit mois, nous avons divisé par cinq le rythme de progression enregistré.
Ce n’est pas suffisant, dites-vous. Certes. Cela ne l’est pas non plus pour nous. Mais que ne l’avez-vous fait avant, puisque pendant dix ans le rythme d’augmentation de la dépense publique a été celui que je viens de vous indiquer ?
M. Francis Delattre. Nous n’étions pas tous ministres !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Effectivement, mais vous souteniez ceux qui l’étaient et vous vous contentiez, à l’époque, de ce que ces ministres faisaient. Et aujourd’hui, vous ne soutenez pas ceux qui sont en situation de responsabilité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous ne sommes pas là pour entendre des leçons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce ne sont pas des leçons, monsieur le président de la commission des finances, ce sont des réponses. Je comprends qu’elles puissent agacer, mais il s’agit de chiffres.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut supporter qu’une opposition existe ! Cela vous semble peut-être inadmissible ou incroyable que l’on ne soit pas de votre avis, monsieur le ministre !
Mme la présidente. M. le ministre à seul la parole !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le président de la commission, que l’on ne soit pas de notre avis, non seulement c’est admissible, mais c’est aussi acceptable, souhaitable et grandement nécessaire à la démocratie. Cela étant dit, si l’on doit considérer que la majorité n’a pas le droit de répondre à l’opposition lorsque celle-ci s’exprime, je veux bien regagner le banc du Gouvernement et écourter immédiatement mon propos. En effet, rien ne me ferait plus de peine que de vous énerver, monsieur le président… (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quand la majorité était l’opposition, elle en faisait bien plus que nous !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je suis tout de même tenu de répondre à vos interventions – je vais tâcher de le faire brièvement – et nous voulons aussi vous communiquer un certain nombre d’éléments, ne serait-ce que par souci de transparence et de qualité de nos échanges.
Au-delà de cette question de la dépense publique, l’opposition nous reproche de ne pas faire d’économies,…
M. Albéric de Montgolfier. … suffisantes !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … au motif que nous mesurons les efforts que nous réalisons par rapport à l’évolution tendancielle de la dépense.
Je voudrais rappeler, notamment à votre intention, monsieur de Montgolfier, que lorsque le premier ministre François Fillon, avec le concours de ses ministres du budget successifs, M. François Baroin et Mme Valérie Pécresse, mentionnait la révision générale des politiques publiques dans ses résultats budgétaires, il annonçait qu’il allait faire sur trois ans – entre 2010 et 2013 – une économie de 10 milliards d’euros par rapport à l’évolution tendancielle de la dépense, car ce que l’on maîtrise, ce sont les économies que l’on documente et que l’on réalise par rapport à cette évolution tendancielle.
À l’époque, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous trouviez tout à fait normal que l’on ait recours à cet instrument de mesure, reconnu par la Cour des comptes comme tel, de même que par la Commission européenne qui mesure tous les efforts structurels des États à l’aune de cet indicateur, lequel est vraiment l’alpha et l’oméga de la bonne gestion. Mais quand, à partir des mêmes critères, sans avoir aucunement changé les normes à partir desquelles l’effort est apprécié, nous parvenons à dégager 15 milliards d’euros, soit 5 milliards de plus en un an que le résultat que vous avez mis trois ans à obtenir, il ne s’agit pas de véritables économies.
Je ne veux pas, encore une fois, donner de leçons, mais j’ai du mal à accéder à ce raisonnement, du moins en le considérant de bonne foi. Dès lors que vous estimez, et vous l’avez souvent dit à cette tribune en d’autres temps, qu’une économie de 10 milliards d’euros par rapport à l’évolution tendancielle de la dépense, dégagée en trois ans, grâce à la révision générale des politiques publiques, est une véritable économie, il faudra que vous m’expliquiez comment et pourquoi une économie de 15 milliards d’euros obtenue en un an par rapport au même indicateur n’en est pas une.
J’en viens maintenant à l’évolution des déficits. Sur ce sujet, regardons également les chiffres : quand un déficit passe de 5,3 % du PIB à 4,1 % et que l’objectif pour l’année suivante est de 3,6 %, peut-on considérer, comme je l’ai entendu à cette tribune pendant tout l’après-midi, que les déficits dérapent ou doit-on considérer qu’ils diminuent ? Si j’en crois les règles d’arithmétique que l’on m’a apprises, un taux de 5,3 % est supérieur à un taux de 3,6 %...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le déficit diminue moins que ce que vous aviez annoncé !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est exact, et je le reconnais. Mais un déficit qui diminue moins vite qu’il n’est prévu n’est pas pour autant un déficit qui augmente, surtout lorsque ce déficit diminue moins vite que les déficits n’ont augmenté pendant la période précédente. Je veux tout de même rappeler qu’au cours de cette période le déficit structurel s’est dégradé de 2 points et que, y compris pendant les périodes de croissance que nous avons connues durant le précédent quinquennat, les comptes sociaux ont gravement dérapé, alors que cette année, sans croissance, ils diminuent.
Ne considérez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement est satisfait des résultats qu’il obtient. Mais il ne les regrette pas davantage. Nous pouvons toujours faire plus et faire mieux (M. Francis Delattre s’exclame.), et nous sommes déterminés à aller plus loin dans la réduction des déficits.
Cela étant, je ne peux pas laisser dire que le déficit ne diminue pas, que la dépense n’est pas maîtrisée, que nous ne sommes pas dans une volonté résolue de faire en sorte que nos engagements devant Bruxelles soient tenus, notamment en termes de déficit structurel. En effet, les engagements que nous avons pris en termes de déficit structurel et qui sont, d’ailleurs, la mesure de nos efforts d’économie sont les suivants : 1,3 % en 2012 – l’objectif sera atteint –, 1,7 % en 2013 – l’objectif sera également atteint – et 0,9 % en 2014 – nous entendons bien atteindre cet objectif.
Je voudrais par ailleurs dire un mot sur la relation avec les collectivités territoriales – nous sommes ici dans une chambre où cette question est importante. Il me semble nécessaire de revenir sur deux arguments développés sur ce sujet.
Le premier argument consiste à dire que nous ne dégageons pas réellement d’économies puisque le montant de diminution de la dépense correspond très exactement à la réduction des dotations allouées aux collectivités territoriales.
Ce raisonnement serait à la limite juste si nous ne procédions à aucune réduction de dépenses dans d’autres secteurs concernés par la dépense publique. Or il se trouve que nous réalisons des économies sur le budget de l’État – j’en ai indiqué le montant précédemment – et sur celui des opérateurs de l’État. L’un d’entre vous a même estimé que, dans ce secteur des opérateurs de l’État, les économies étaient insuffisantes. Je rappelle donc que, au cours du dernier quinquennat, le budget des opérateurs de l’État a progressé de 15 %...
M. Albéric de Montgolfier. C’est toujours le cas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … et les dépenses de personnel, de 6 %. Pour notre part, nous prévoyons une réduction de 4 % de ce budget et avons supprimé près de 2 500 postes chez ces opérateurs depuis le début du quinquennat. C’est incontestable !
Par conséquent, nous procédons à des diminutions de dépenses sur les budgets de l’État, de ses opérateurs ou des structures dans lesquelles il investit et, de ce fait, votre raisonnement est infondé.
Autre argument, nous ferions beaucoup de mal aux collectivités territoriales, en décidant de prélever 1,5 milliard d'euros sur les dotations qui leur sont octroyées.
M. Albéric de Montgolfier. Elles ont des charges nouvelles !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sans vouloir être désagréable ou vous irriter, je tiens à rappeler que le programme sur lequel le précédent Président de la République avait mené campagne prévoyait un prélèvement de 10 milliards d’euros ! Je tiens les documents à votre disposition.
M. Albéric de Montgolfier. Non, 200 millions d’euros !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pas du tout, 200 millions d’euros, c’est ce que vous avez fait ; 10 milliards d'euros, c’était ce que vous vouliez faire !
Le Gouvernement a décidé que, cette année, ce prélèvement s’élèverait à 1,5 milliard d’euros. Jean Germain a rappelé qu’il s’agissait d’un effort important demandé aux collectivités locales, et nous en avons conscience.
Toutefois, à cet égard, je voudrais vous rappeler trois éléments importants.
Premièrement, je précise que nous avons réparti cette participation en fonction des frais de fonctionnement, de la capacité contributive et de la possibilité d’intervention de chaque strate de collectivité territoriale. C’est ainsi que les communes seront amenées à supporter 56 % de l’effort total demandé, soit 840 millions d’euros, les départements, environ 32 % de l’effort, soit 476 millions d’euros, et les régions les 12 % restants, soit 184 millions d’euros.
Deuxièmement, par le biais du pacte de confiance, nous avons décidé de régler un certain nombre de problèmes qui ne l’avaient pas été par le passé. Pour que les départements puissent faire face aux dépenses obligatoires très contraintes auxquelles ils sont confrontés et qui augmentent de façon mécanique et significative : PCH, RSA, APA...
M. Albéric de Montgolfier. Et l’enfance !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Bien sûr !
Nous avons donc décidé de transférer aux départements, non pas comme l’affirmait Philippe Bas, des DMTO pour transférer de la pression fiscale de l’État vers les collectivités territoriales ou plutôt du contributeur aux caisses de l’État vers le contributeur au budget des collectivités locales, mais près de 827 millions d’euros de frais de gestion de l’État vers les départements.
M. Albéric de Montgolfier. Dont acte !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous l’avons fait à la demande des départements eux-mêmes, toutes tendances politiques confondues, qui attendaient cette mesure depuis longtemps.
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En outre, nous les avons autorisés à augmenter les DMTO, par la mise en place d’un mécanisme de péréquation sur lequel nous travaillons.
Il en est de même à l’échelon de la région, grâce à une clarification des compétences entre l’État et les régions en matière d’apprentissage et de formation professionnelle.
Par conséquent, s’il est vrai que nous demandons un effort aux collectivités locales, à travers le pacte de confiance, nous engageons un rééquilibrage des relations entre les collectivités locales et l’État, notamment en faveur des départements.
Monsieur Bocquet, ce faisant, il s’agit surtout de permettre aux collectivités locales de garder leur capacité d’investissement. Ce n’est pas parce que les dotations aux collectivités locales diminuent que leur capacité d’investissement se trouve érodée.
Lorsque j’étais maire, j’ai fusionné ma ville avec une ville voisine, ce qui a permis de réaliser 20 % d’économies de fonctionnement, de ne pas augmenter les impôts pendant quinze ans et d’investir massivement dans la modernisation des équipements publics. Nous n’avons jamais autant investi que lorsque nous avons décidé ces économies en dépenses de fonctionnement.
M. Thierry Foucaud. Vous êtes « monsieur plus » !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Considérer que la dépense publique, quelle que soit sa nature, est toujours bonne, que l’on est progressiste uniquement si on l’encourage, sans se préoccuper de savoir si la mauvaise dépense ne va pas chasser la bonne et si un euro dépensé ne peut pas être un euro utile : voilà la meilleure manière de compromettre la pérennité des services publics et du modèle social à la française !
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, si l’on veut favoriser les investissements et la croissance et éviter l’austérité, il faut faire en sorte que chaque euro dépensé soit un euro utile et entreprendre ce travail de rationalisation.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’en viens au troisième point, les prélèvements obligatoires.
C’est l’augmentation des prélèvements obligatoires qui permet de mesurer la réalité de la politique fiscale d’un gouvernement.
À tous les théoriciens du matraquage fiscal,…
M. Albéric de Montgolfier. C’est un ras-le-bol fiscal !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qui oublient qu’ils ont été parfois des virtuoses dans le maniement de la matraque, je tiens à rappeler quelques chiffres.
En 2011 – ce n’était pas sous ce gouvernement –, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 20 milliards d’euros.
Mme Michèle André. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La mise en place de mesures injustes, comme le gel du barème ou la perte de la demi-part supplémentaire accordée aux veuves, a contribué à rendre nombre de Français redevables de l’impôt sur le revenu, alors qu’ils en étaient jusqu’à présent exemptés.
Mme Michèle André. Voilà !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En 2012, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 21 milliards d’euros. Il en a été de même en 2013. Cela correspond à une augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 1 point de PIB.
Le projet de budget qui vous est présenté cette année prévoit une augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 0,15 % !
M. Albéric de Montgolfier. Oui, mais cela se cumule !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est un autre sujet ! Pour autant, vous ne pouvez pas prétendre que la pression fiscale augmente !
Je reconnais que l’augmentation des prélèvements obligatoires cumulée sur plusieurs années puisse poser problème. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a décidé que la hausse serait moindre cette année.
En revanche, ce n’est pas parce que ces augmentations se cumulent que vous pouvez soutenir que les prélèvements obligatoires seront plus importants cette année que les années précédentes. Cette année, l’augmentation est cinq fois moindre ! Mieux, si l’on tient compte de l’effet de la lutte contre la fraude fiscale – de l’ordre de 2 milliards d’euros –, cette augmentation atteint 0,05 point de PIB, c’est-à-dire vingt fois moins que les années précédentes !
En outre, l’année prochaine, l’augmentation des prélèvements obligatoires sera nulle.
Une diminution par vingt de l’augmentation de la pression fiscale s’appelle bien un ralentissement de l’augmentation de la pression fiscale. Et quand on passe de 1 point de PIB à 0,05 point, on peut même parler de pause fiscale.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nos concitoyens ne le perçoivent pas forcément. C’est un peu complexe !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous savez très bien pourquoi, monsieur le président de la commission ! Les impôts que paient les Français cette année sont le résultat de la loi de finances de 2013, et un certain nombre de dispositions votées voilà deux ans commencent à faire connaître leur plein et entier effet maintenant.
M. Albéric de Montgolfier. Et la défiscalisation des heures supplémentaires ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous le savons dans cette enceinte, nous qui sommes des spécialistes de ces questions. C’est pourquoi, lorsque nous en débattons, nous devons faire preuve d’un minimum d’honnêteté et de rigueur, surtout lorsque nos concitoyens sont inquiets. Nous ne pouvons nous en tenir aux impressions et nous contenter de répéter tout ce qui s’étale dans la presse et qui n’est pas toujours juste.
Je le redis : la réalité du budget pour 2014, c’est une augmentation de la pression fiscale de 0,05 point de PIB, si l’on neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale.
Mme Michèle André. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Concrètement, cela se traduit par une hausse des prélèvements obligatoires de 1 milliard d’euros, contre 20 milliards d’euros les années précédentes. Est-ce véritablement une augmentation de la pression fiscale ? Vous savez qu’il n’en est rien.
En outre, je le répète, pour les années à venir, nous avons prévu une augmentation zéro, ce qui est conforme aux engagements que nous avons pris devant l’Union européenne au titre du programme de stabilité.
M. Albéric de Montgolfier. Et la défiscalisation des heures supplémentaires ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il serait bon de le reconnaître, comme il serait bon de souligner que, si nous agissons ainsi, c’est parce que nous avons le souci que les économies en dépenses ne remettent pas en cause des prestations sociales, mais permettent au contraire une meilleure gestion de l’État et visent à éviter de recourir à une augmentation de la pression fiscale qui, elle, serait austéritaire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est parfait ! C’est d’une logique implacable ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà ce que nous faisons. Voilà la réalité des chiffres. Quelles que soient nos opinions et les différences légitimes qui nous opposent, nous nous devons cette vérité dans cet hémicycle.
Quant à la compétitivité...
M. Francis Delattre. Alors, là, vous avez tout à faire !
M. Jean-Pierre Caffet. Quel aveu !
Mme Michèle André. Parce que vous n’avez rien fait !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle évolue très favorablement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui, nous avons tout à faire, parce que, pendant dix ans, il ne s’est rien passé.
Ainsi, nous avons engagé une action en faveur de la compétitivité des entreprises. Cette année, nous diminuons de 20 milliards d’euros les charges nettes pesant sur les entreprises.
M. Francis Delattre. On est dans l’enfumage !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À vos yeux, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi n’est pas un allégement net de charges sur les entreprises.
M. Albéric de Montgolfier. Qu’est-ce ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Seule la diminution des cotisations sociales le serait.
Pourtant, il existe une différence entre le CICE et la diminution des cotisations sociales.
M. Albéric de Montgolfier. C’est sûr !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque l’on diminue les cotisations sociales, on bonifie l’assiette qui sert aux prélèvements de l’impôt sur les sociétés et on récupère par ce biais une partie de ce que l’on a donné.
Nous avons fait le calcul. Pour atteindre 20 milliards d'euros d’allégement net de charges par le truchement de la TVA sociale, il aurait fallu engranger 33 milliards d’euros de TVA sociale ! Le Gouvernement a fait le choix de réaliser 20 milliards d’euros d’allégement net de charges sur les entreprises à travers le CICE.
À vous entendre, cela ne marche pas. Pourtant, le préfinancement du CICE mis en place pour l’année 2013 donne exactement les résultats que nous attendions : nous aurons les 20 milliards d’euros. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Pour quels résultats ? On ne les connaît pas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous connaissez parfaitement les chiffres. Nous les avons annoncés dès le mois de février dernier.
Vingt fois, vous nous avez interrogés lors de séances de questions d’actualité au Gouvernement. Vingt fois, nous vous avons répondu que, au terme d’une instruction fiscale définitive sur le fonctionnement du CICE du 26 février 2013, nous avions mis en place le préfinancement du CICE, pour un montant de 2 milliards d’euros et que c’était bien cet objectif que nous atteindrions à la fin de l’année.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les marges s’améliorent ! Le commerce extérieur s’améliore ! L’emploi, c’est pareil !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Aujourd'hui, pour la vingt et unième fois, je vous ai répondu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette année, nous avons décidé de ne pas reconduire la totalité des prélèvements sur les entreprises qui avaient été décidés. Cela nous est d’ailleurs parfois reproché.
M. Francis Delattre. Et l’an prochain ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’an dernier, les prélèvements sur les entreprises ont atteint 4,5 milliards d’euros. Cette année, par-delà le CICE, ils diminueront de 2 milliards d’euros. En d’autres termes, en 2014, les allégements de charges sociales et fiscales sur les entreprises représenteront 12 milliards d’euros. Le monde de l’entreprise le reconnaît, sans pour autant considérer que cela est suffisant.
M. Aymeri de Montesquiou. Et sur le terrain ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À quel moment, au cours du dernier quinquennat, les entreprises ont-elles bénéficié d’un allégement de charges leur permettant d’être davantage véloces dans la compétition internationale ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et la taxe professionnelle ? Cela représente presque 7 milliards d’euros !
M. Francis Delattre. Près de 8 milliards d’euros !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est d’ailleurs pas la seule mesure que nous avons prise en faveur des entreprises. Réforme des plus-values de valeurs mobilières, réforme des jeunes entreprises innovantes, mise en place d’un nouveau dispositif d’amortissement pour les entreprises qui investissent dans la robotisation, réforme de l’assurance vie dans le cadre de la loi de finances rectificative : l’ensemble de ces dispositifs viennent renforcer notre action pour faciliter le financement des entreprises. Le programme d’investissements d’avenir de 12 milliards d’euros contribuera également à aider les entreprises à la reconstitution de leurs fonds propres.
Voilà les dispositions que contient ce projet de loi de finances pour 2014. Cette réalité ne peut être contestée !
Je conclurai sur le pouvoir d’achat.
Peut-on considérer que la fin de la réindexation de l’impôt sur le revenu, qui conduira à restituer aux Français 800 millions d’euros qui leur étaient jusqu’à présent prélevés, n’est pas une mesure de pouvoir d’achat ?
Peut-on considérer que la décote venant compléter la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu n’est pas une mesure de pouvoir d’achat ?
Peut-on considérer que la mise en place du revenu fiscal de référence, qui évitera à des Français, notamment aux plus âgés d’entre eux, de payer la taxe d’habitation, la CSG ou la contribution à l’audiovisuel public, n’est pas une mesure de pouvoir d’achat ?
Peut-on dire aux bénéficiaires du RMI, qui verront leur rémunération augmenter de 2 % au-delà du SMIC, que l’on ne prend pas de mesures en faveur du pouvoir d’achat ?
Peut-on dire aux 100 000 jeunes qui bénéficieront des contrats génération et aux 150 000 qui signeront des contrats d’avenir et qui, ainsi, percevront un revenu auquel ils n’avaient pas droit que l’on ne prend pas de mesures en faveur du pouvoir d’achat ?
Peut-on dire aux Françaises et aux Français qui, grâce aux tarifs sociaux de l’électricité, bénéficieront de 400 millions d’aide pour payer leur facture énergétique que l’on ne prend pas de mesures en faveur du pouvoir d’achat ?
Peut-on dire aux 750 000 Français qui, grâce aux dispositions que nous avons prises, bénéficieront de l’élargissement de la couverture maladie universelle que l’on ne prend pas de mesures en faveur du pouvoir d’achat ?
Je ne prends que ces exemples, mais je pourrais également citer les 55 000 boursiers supplémentaires qui auraient été privés de la possibilité d’entreprendre des études universitaires, sans les moyens que nous avons déployés.