M. Francis Delattre. Et les 9 millions de salariés qui bénéficiaient d’heures supplémentaires défiscalisées ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà ce que nous essayons de faire avec rigueur et sincérité. C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous serez les plus nombreux possible à voter ce projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Albéric de Montgolfier. Vous serez déçu !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, afin que la commission des finances puisse se réunir et examiner la motion tendant au renvoi à la commission qui vient d’être déposée, je demande une suspension de séance de quelques minutes.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2014
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. de Legge et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d’une motion n° I-359.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, le projet de loi de finances pour 2014, adopté par l’Assemblée nationale (n° 155, 2013-2014).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Dominique de Legge, pour la motion.

M. Dominique de Legge. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si nous vous présentons, au nom du groupe UMP, une motion tendant au renvoi à la commission du projet de loi de finances pour 2014, ce n’est pas que nous estimions que M. le rapporteur général ait failli – il a travaillé avec ce que le Gouvernement lui a fourni, mais un mauvais texte ne saurait devenir, par la simple bonne volonté et la qualité du rapporteur, un texte cohérent.

En effet, ce que nous reprochons à votre projet de budget, monsieur le ministre, ce sont les contradictions entre vos déclarations, auxquelles il peut nous arriver de souscrire, quand vous nous parlez de compétitivité, de croissance ou de maîtrise de la dépense, et vos actes, qui sont aux antipodes de vos discours.

Depuis 2012, vous avez augmenté la pression fiscale de l’ordre de 45 milliards d’euros. Rien de ce qui est imposable et de ce qui est taxable n’a échappé à votre sagacité, au point que le ministre de l’économie lui-même n’a pas hésité à parler de « ras-le-bol fiscal ».

C’est dans ce contexte que le Premier ministre a annoncé une remise à plat de la fiscalité, une annonce pour le moins étonnante, car elle intervient après les majorations de la fiscalité que j’ai rappelées, quand il ne s’agit pas de prélèvements nouveaux.

Et dire que nous pensions, à vous entendre, monsieur le ministre, que toutes les mesures que vous avez prises depuis dix-huit mois étaient le résultat d’une réflexion approfondie, répondant à une stratégie et à une vision !

L’annonce du Premier ministre laisserait à penser qu’il n’en est rien, tant celle-ci sonne comme un aveu que votre politique des prélèvements n’a été ni concertée, ni réfléchie, ni préparée. Sur le plan de la méthode, on aurait pu mieux faire, réfléchir avant d’agir, et ce d’autant plus que vous avez consommé les marges de manœuvres dont vous disposiez.

Vous nous avez expliqué depuis dix-huit mois que le retour à l’équilibre passait d’abord par une augmentation de la pression fiscale avant une diminution de la dépense, au motif que la baisse de la dépense publique serait plus récessive que l’augmentation des prélèvements obligatoires.

Résultat : la croissance est en berne, les recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous et, contrairement à vos affirmations, la dette publique continue de progresser. Ce projet de budget persiste dans cette erreur : ni pause fiscale ni baisse de la dépense publique.

Pour la « pause fiscale », qu’observe-t-on dans le budget pour 2014 ?

Hausse de la TVA de 7 % à 10 % et de 19,6 % à 20 % ; hausse des cotisations vieillesse de 0,3 % ; baisse du plafond du quotient familial ; suppression de la réduction d’impôt pour enfants scolarisés, finalement rétablie à la suite de la bronca qu’a suscitée cette mesure, y compris au sein même de votre majorité ; imposition sur le revenu de la majoration de 10 % de la pension des familles de retraités qui ont eu trois enfants ; suppression de l’avantage fiscal sur les mutuelles, soit une augmentation de 1 milliard d’euros d’impôts sur le revenu concernant 76 % des salariés ; baisse du plafonnement global des niches fiscales ; taxation supplémentaire de 2,5 milliards d’euros des entreprises, au départ sur l’excédent brut d’exploitation, finalement sur l’impôt sur les sociétés ; taxe sur les entreprises versant des salaires supérieurs à 1 million d’euros ; durcissement de la déductibilité des intérêts d’emprunt, qui va avoir un impact sur les entreprises à hauteur de 2,7 milliards d’euros : l’augmentation d’impôts des ménages en 2014 sera quasiment aussi forte qu’en 2013.

Je n’ai pas noté que ce sont les plus riches qui vont payer ; ce sont bien les classes moyennes, en particulier les familles. Le Gouvernement nous avait annoncé une grande loi sur le sujet. On l’attend toujours, et c’est au détour des lois de finances que leur sort est réglé.

Il ne suffit pas de qualifier toutes vos mesures de « sociales » et de « justes » pour qu’elles le soient dans les faits ! C’est sans compter que, compte tenu des dépenses imposées aux collectivités locales avec les rythmes scolaires, et de la diminution de leurs dotations, il faut s’attendre à une forte augmentation des impôts locaux à l’automne 2014. Le malheur veut qu’il n’y ait pas deux contribuables, l’un local et l’autre national ; c’est bien le même qui paye !

Quant aux entreprises, certes elles peuvent bénéficier du CICE. Mais les premiers bilans produits par le comité de suivi, sous la houlette du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, montrent que l’objectif de compétitivité est loin d’être atteint.

Ce crédit d’impôt bénéficie surtout aux grandes entreprises, qui n’en ont pas forcément le plus besoin, et à la distribution. Le dispositif demeure en revanche complexe pour les petites entreprises.

Il convient donc de repenser d’une autre manière la baisse du coût du travail. C’est la raison pour laquelle nous proposons un amendement pour supprimer le CICE et rétablir la TVA compétitivité.

Quant à la baisse des dépenses de l’État, c’est un leurre. Comme je l’ai expliqué dans mon intervention lors de la discussion générale, la réelle diminution des dépenses est exclusivement imputable à la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.

Le Gouvernement a fait sauter tous les verrous qui avaient permis de tenir la dépense publique.

Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, repart à la hausse. Là où nous avions fait le choix de baisser le nombre d’agents de l’État en échange d’une revalorisation des carrières, vous faites celui de maintenir quasiment les effectifs, vous privant de la possibilité d’améliorer les rémunérations et de faire évoluer les statuts, préalable indispensable à la modernisation de l’action publique. Ainsi, à effectifs constants, les 82 milliards d’euros de masse salariale dérivent mécaniquement chaque année d’au moins 1,5 %.

Les dépenses d’intervention – allocations logement, allocations dédiées aux handicapés, RSA, etc. – dérapent.

Les emplois d’avenir, tels qu’ils sont financés dans le budget, coûtent 2,3 milliards d’euros en 2013 et plus de 3 milliards d’euros en 2014. Les objectifs affichés ne sont en réalité qu’un vaste écran de fumée, et il est d’autant plus nécessaire de revoir la copie que celle-ci ressemble à un brouillon. Le Gouvernement est, avec ce projet de budget, en pleine improvisation fiscale.

Tout d’abord, le texte comporte des mesures contradictoires.

Sur la fiscalité immobilière, le Gouvernement veut créer un « choc d’offre » et augmenter les avantages afin d’inciter à la vente, mais dans le même temps, il augmente les frais de transmission.

Sur les entreprises, nous l’avons vu, le CICE censé compenser la hausse de la fiscalité sur les entreprises en 2012 et en 2013, se heurte à de nouvelles mesures de hausse de la taxation des entreprises.

Ce sentiment d’improvisation fiscale est également suscité par des rétropédalages incessants et dans tous les domaines : sur la fiscalité des valeurs mobilières, la non-augmentation des taux de TVA, la baisse du taux réduit de TVA à 5 %, l’écotaxe, la suppression d’une fiscalité favorisant le diesel, la hausse de la fiscalité de l’épargne, la création d’une taxe sur l’excédent brut d’exploitation, qui serait finalement devenue une taxe sur l’excédent net d’exploitation, ou encore la suppression de la déduction fiscale pour frais de scolarité.

C’est un véritable tournis fiscal ! Nous ne trouvons nulle part dans le budget la traduction de toutes ces volte-face et annonces. Pas plus tard que mardi, le Premier ministre annonçait le déblocage de 370 millions d’euros pour financer partiellement le coût des rythmes scolaires, mais on ignore où il les trouve. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)

S’agissant des recettes, la hausse de la fiscalité se traduit par des recettes moindres que prévu, et vous devez revoir à la baisse vos estimations pour 2013. Vous avez annoncé une moindre rentrée fiscale de 5,5 milliards d’euros, monsieur le ministre. La vérité, c’est que le manque à gagner sera de 2,6 milliards d’euros sur l’impôt sur le revenu, de 3,8 milliards d’euros sur l’impôt sur les sociétés et de 5,6 milliards d’euros sur la TVA.

Ces chiffres figurent dans l’excellent rapport de François Marc et confirment l’estimation de Gilles Carrez, selon lequel ce manque à gagner atteindrait 11 milliards d’euros.

Par conséquent, qu’il s’agisse des prévisions de recettes ou des prévisions de dépenses, ce projet de budget est manifestement insincère, car il repose sur des hypothèses fausses, et des déclarations contradictoires.

Parce que vous devez à la représentation nationale un budget de vérité, et que le Parlement doit à nos concitoyens et contribuables un budget lisible sur des objectifs clairs, nous demandons le renvoi de ce texte à la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances vient en effet d’être saisie de cette motion tendant au renvoi à la commission. Elle l’a rejeté, sur ma proposition. Mes chers collègues, à titre personnel et au nom de la commission, je vous suggère de faire de même.

Considérant que ni les conditions dans lesquelles nous avons examiné le texte ni l’évolution du contexte ne justifient de revoir notre analyse et nos propositions, je ne vois pas pourquoi nous devrions rédiger un rapport différent de celui que je vous ai soumis et que vous avez adopté voilà quelques jours. D’ailleurs, ce matin, tous les votes en commission ont confirmé ce qui a été validé pour la deuxième partie du projet de loi de finances.

J’ajouterai juste trois remarques sur le fond concernant l’objet de cette motion.

Premièrement, monsieur le sénateur, vous semblez contester l’effort porté sur les dépenses dans le projet de budget pour 2014. Pour autant, j’ai observé que l’effort portant sur l’ensemble des finances publiques est plus important que celui qui a été consenti par les précédents gouvernements, en dépit des effets d’annonce, notamment concernant la révision générale des politiques publiques.

Selon vous, les économies devraient être beaucoup plus importantes. Pourtant, sur la période 2007-2012, les dépenses publiques ont augmenté de 1,6 % par an en moyenne. Ces résultats étant très sensiblement inférieurs à ce que tend à prévoir le projet de budget, votre argument est totalement contradictoire.

Deuxièmement, vous indiquez que la hausse des prélèvements obligatoires se poursuit fortement en 2014. Or, comme vient de le rappeler avec pertinence M. le ministre, cette hausse représentera seulement, hormis le produit de la lutte contre la fraude fiscale, 0,05 point de PIB, soit un milliard d’euros. Votre argument ne tient pas, puisque la trajectoire prévue jusqu’en 2017 est celle de la stabilisation des prélèvements obligatoires, voire de leur progressive réduction par rapport au PIB.

Troisièmement, selon vous, la baisse des recettes en 2013, par rapport aux prévisions initiales, nécessiterait de réviser le projet de budget. Mais il serait évidemment techniquement très difficile de procéder à un tel exercice en quelques heures, puisque l’adoption de votre motion m’obligerait à revenir devant vous au cours de la même séance, toutes autres affaires cessantes, y compris les activités que vous aviez envisagées.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En période de budget, nous sommes prêts à tous les sacrifices.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce travail d’évaluation et d’estimation devrait se fonder sur un dispositif économétrique performant qui nous conduirait à des simulations et des investigations théoriques particulièrement approfondies. Or, dans un délai aussi bref, cette tâche paraît bien délicate !

Enfin, j’attire votre attention sur le fait que les prévisions macroéconomiques que vous contestez pour 2014 ont été élaborées en France et validées par tous les organismes nationaux et internationaux qui se sont prononcés à ce sujet, qu’il s’agisse de l’Union européenne, de l’Organisation de coopération et de développement économiques ou d’autres organismes privés de prévision.

De surcroît, le renvoi en commission ne produirait pas d’éléments différents de ceux sur lesquels repose ce budget.

En conclusion, l’argumentation qui sous-tend la motion tendant au renvoi à la commission me paraissant fallacieuse, je préconise le rejet de cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Les efforts effectués en termes de dépenses sont mesurés par la commission. Si nous ne présentions pas un projet économique très significatif afin de rétablir notre déficit, la commission n’aurait pas émis un tel avis.

Par ailleurs, le Haut Conseil a indiqué que nos hypothèses de croissance étaient crédibles, et si des interrogations techniques persistent sur certains aspects de nos efforts en dépenses, il n’en réfute ni l’importance ni le volume.

Je comprends que l’on mène une campagne sur les impôts, mais les chiffres que j’ai indiqués sont réels. La hausse des prélèvements obligatoires s’élèvera à 0,05 point de PIB, si je retire l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, et à 0,15 point si je n’en tiens pas compte.

Cela constitue une diminution très importante du volume des prélèvements obligatoires par rapport aux années précédentes. C’est pourquoi les critiques formulées à l’égard de ce projet de budget ne correspondent pas à la réalité des chiffres.

En conclusion, vous essayez de façon politique de créer un débat, ce qui est bien légitime dans cette enceinte, une confusion et parfois une polémique, ce qui l’est moins, en vous éloignant de la réalité des chiffres, la seule à laquelle je puisse me référer.

Pour toutes ces raisons, je ne peux pas être favorable à cette motion.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je mets aux voix la motion n° I-359, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 68 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 140
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2014
Discussion générale

7

Communication du conseil constitutionnel

Mme la présidente. Monsieur le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 21 novembre 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 50 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 (Versement transport des syndicats mixtes) (2013-366 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 22 novembre 2013 :

À dix heures trente :

1. Question orale avec débat n° 7 de M. Jean-Patrick Courtois à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la gestion et la conservation des scellés judiciaires.

À quatorze heures trente et le soir :

2. Suite du projet de loi de finances pour 2014 (n° 155, 2013-2014) ;

Rapport de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances (n° 156, 2013-2014) ;

Examen des articles de la première partie.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART