M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le Gouvernement présente ce projet de budget comme un double modèle de « réduction des déficits et de maîtrise des finances publiques ». Or, à l’épreuve des chiffres, il n’en est rien. Les déficits continuent de s’accumuler – ils représenteront 95,1 % du PIB en 2014 contre 93,4 % en 2013 –, la pause fiscale n’est pas pour cette année – le taux des prélèvements obligatoires qui s’élève à 46 % du PIB en 2013 atteindra 46,1 % en 2014 –, le retour de croissance annoncé n’est pas là : on nous avait prédit 0,8 % de croissance en 2013 et 2 % pour 2014, et nous parviendrons respectivement à 0,1 % et 0,9 %.
Ces chiffres, monsieur le ministre, je ne les ai pas inventés, je les ai trouvés dans un document établi sous votre responsabilité. Par conséquent, je suis pour le moins étonné des explications qui nous ont été fournies ce matin par M. Moscovici, en totale contradiction avec ses propres documents budgétaires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a raconté n’importe quoi !
M. Dominique de Legge. Pour ma part, je m’attarderai sur l’effort de maîtrise de la dépense publique en reprenant la déclaration récente de M. le Premier ministre, pas plus tard qu’avant-hier, au Congrès des maires : « Dans les quatorze milliards d’euros d’économies que nous faisons pour le budget 2014, l’État en supporte sept milliards et demi, la sécurité sociale assumera de son côté des réductions de dépenses de six milliards d’euros et puis, en ce qui concerne les collectivités locales, tous les niveaux, c’est vrai, c’est un milliard et demi ».
Or qu’en est-il des véritables contributions respectives de l’État et des collectivités locales ?
Les dépenses totales de l’État en 2013, hors charge de la dette et contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », ou CAS Pensions, qui intègrent les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne, se sont élevées à 279,8 milliards d’euros. Vous affichez 278,4 milliards pour 2014, soit une diminution de 1,4 milliard d’euros.
Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que les dépenses du budget général passent de 204,4 milliards à 203,9 milliards d’euros, soit une diminution de 0,6 milliard, quasiment annulée par une augmentation des sommes destinées à l’Union Européenne, tandis que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales passent de 55,7 milliards en 2013 à 54,3 milliards d’euros en 2014, soit 1,4 milliard de moins. Ce document budgétaire apporte donc la démonstration que l’effort est exclusivement porté par les collectivités territoriales.
Vos économies sont virtuelles, car elles sont estimées sur des hausses tendancielles. En revanche, le seul poste pour lequel les économies sont bien réelles, c’est celui des transferts au profit des collectivités territoriales. Si je suivais votre raisonnement fondé sur les hausses tendancielles, ce ne serait pas de 1,5 milliard d’euros que seraient pénalisées les collectivités territoriales, mais bien de 2,2 milliards d’euros.
Nous avons toujours dit que les collectivités territoriales ne pourraient pas s’exonérer de participer à l’effort de limitation de la dépense publique.
Mais je rappelle à mon tour que, lorsque le gouvernement Fillon avait demandé un effort de 200 millions d’euros aux collectivités dans le cadre de la loi de finances pour 2012, nombre de nos collègues avaient poussé des cris d’orfraie et s’y étaient unanimement opposés.
Mme Bricq, alors rapporteur général, aujourd’hui ministre du Gouvernement, avait ainsi déclaré au Sénat le 22 novembre 2011 : « Pour nous, il n’y a pas lieu que les collectivités territoriales contribuent, au-delà du gel de l’enveloppe normée, à l’effort supplémentaire de réduction des dépenses de l’État. »
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bonne citation !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’était avant !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui ! (Sourires.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Roger Karoutchi. Ça, c’était avant ! (Même mouvement.)
M. Dominique de Legge. Monsieur le rapporteur général, vous déclariez ici même, le 18 novembre 2011 : « À mon sens, la principale cause de ce malaise est la question des ressources des collectivités territoriales et des financements susceptibles d’être mobilisés pour l’investissement. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Chacun le sait, en France, les collectivités territoriales assurent plus de 70 % de l’investissement public. Or il existe aujourd’hui des interrogations quant aux moyens dont elles disposent pour financer cet investissement.
« Ces interrogations portent tout d’abord sur les ressources traditionnelles des collectivités territoriales, qui proviennent du budget de l’État : du fait de leur gel, la situation est inquiétante ; elle est d’ailleurs ressentie comme telle. [... ]
Vous le voyez, monsieur le rapporteur général, j’ai de bonnes lectures et c’est pourquoi je continue de vous citer.
Vous poursuiviez ainsi : « Enfin, messieurs les ministres, à en juger par ce qui s’est dit ces derniers jours, le Gouvernement a la volonté d’accentuer encore l’effort demandé aux collectivités territoriales, en leur réclamant 200 millions d’euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Cela entraîne, pour les élus locaux, une totale incertitude quant à la capacité qu’ils auront demain de financer des projets d’investissement.
« La question du maintien d’un service public de proximité est donc posée. De fait, si le Gouvernement ne prend pas conscience du besoin d’améliorer le financement des collectivités territoriales, je crains que nous n’allions au-devant de très lourdes catastrophes, car de nombreux projets publics seront arrêtés, avec les conséquences que l’on sait sur notre économie […]. »
M. Philippe Bas. Très juste !
M. Dominique de Legge. Ce qui vous paraissait hier inacceptable, monsieur le rapporteur général, s’agissant de 200 millions d’euros, vous semble aujourd’hui acceptable s’agissant de 4,5 milliards d’euros sur deux ans. (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Albéric de Montgolfier. Mémoire courte !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Deux poids, deux mesures !
M. Dominique de Legge. Je vous l’avoue, nous aurions aimé avoir quelques explications sur ce changement de pied.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et le pacte de confiance et responsabilité ?
M. Dominique de Legge. Non contents de faire porter les efforts sur les collectivités, en totale contradiction avec vos propos d’hier, voici que, dans le même temps, au détour d’un décret du ministre de l’éducation nationale, vous mettez à la charge des communes, sans aucune concertation, des dépenses nouvelles au titre des rythmes scolaires. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
Comment ne pas vous demander, chers collègues socialistes, où est passé l’engagement 54 du candidat Hollande pendant la campagne présidentielle, que je me permets de vous rappeler : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela a été fait !
M. Dominique de Legge. … garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel. »
M. Philippe Bas. C’est ce qu’il faut faire !
M. Albéric de Montgolfier. Cet engagement a été oublié !
M. Dominique de Legge. Notons au passage l’évolution sémantique, que chacun appréciera, puisque ce « pacte de confiance et de solidarité » s’est transformé aujourd’hui en « pacte de confiance et de responsabilité ».
Quoi qu’il en soit, une chose est certaine, la confiance, pour autant qu’elle ait existé un jour, n’est pas là. Pour la mériter, il faudra faire preuve de responsabilité.
Ni l’une ni l’autre n’étant au rendez-vous, nous voterons contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes là dans un exercice convenu, dont nous avons l’habitude : l’opposition s’oppose et la grande partie de la majorité soutient.
Personnellement, j’ai toujours considéré que la mise en œuvre des réformes devait s’inscrire dans une certaine durée. Chers collègues de l’opposition, vous avez eu cette durée : vous avez été au pouvoir pendant dix ans.
M. Yvon Collin. Ça, c’est cruel !
M. Francis Delattre. Cela ne risque pas de vous arriver !
M. Gérard Miquel. Qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ?
M. Francis Delattre. Et vous, pendant dix-huit mois ?
M. Gérard Miquel. Pendant ces dix ans, vous avez affaibli la France,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais non, justement !
M. Gérard Miquel. … vous avez accru la dette,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Toujours cette même litanie !
M. Gérard Miquel. … à un point tel qu’elle en est devenue insupportable, vous avez décrédibilisé le politique aux yeux des Français…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous !
M. Gérard Miquel. … en jetant en pâture à l’opinion les élus locaux. Que n’avons-nous entendu dans la bouche des plus hauts responsables de la majorité de l’époque ?
M. Alain Fouché. Que faites-vous en ce moment ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. N’en faites pas trop, cher collègue Miquel ! Cela se retournera contre vous !
M. Gérard Miquel. Je vous ai écoutés, les uns et les autres, et il faut savoir faire preuve d’un peu d’humilité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Justement !
M. Francis Delattre. Ça, c’est vrai !
M. Gérard Miquel. Quand on a été au pouvoir pendant dix ans avec les résultats qu’on connaît, on essaie quand même de trouver des solutions. Compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve, notre pays mérite un débat d’un autre niveau.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà ! Que chacun contribue à élever son niveau !
M. Gérard Miquel. Mes collègues du groupe socialiste ont largement évoqué les principaux points de ce projet de loi de finances. Pour ma part, je m’en tiendrai à un thème, celui des collectivités locales.
Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous connaissons aujourd’hui les résultats de la réforme de la taxe professionnelle,…
M. Yvon Collin. Ah !
M. Gérard Miquel. … réforme qui s’est faite à la hussarde, rapidement, sans que les conséquences pour l’ensemble des collectivités en aient été mesurées. Aujourd’hui, nous voyons le résultat, à savoir un affaiblissement des recettes des collectivités locales qui, pour certaines d’entre elles, devient très difficile à assumer. Vous n’avez pas bien mesuré ces désagréments, ce qui montre qu’avant toute réforme de ce type il est nécessaire de procéder à des évaluations plutôt que de se lancer comme vous l’avez fait.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout le monde disait qu’il fallait supprimer la taxe professionnelle !
Mme Michèle André. Mais non !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si !
M. Gérard Miquel. Les collectivités sont appelées à prendre leur part dans l’effort de redressement national. Vu la situation dans laquelle nous nous trouvons, c’est tout à fait normal. Je vous le rappelle néanmoins, mes chers collègues, cet effort qui leur est demandé est moindre que celui qui était prévu par le gouvernement précédent.
Le problème le plus délicat consiste à répartir équitablement cet effort. Pour illustrer mon propos, j’évoquerai la situation des départements.
Les départements, collectivité ancienne, disposent de très larges compétences. M. le président ne me démentira pas (L’orateur se tourne vers M. Jean-Pierre Raffarin qui préside alors la séance.), qui a contribué de manière importante à cet effort de décentralisation en leur transférant des compétences dans un certain nombre de domaines, sans que celles-ci aient toujours été accompagnées des financements nécessaires.
À cet égard, je suis quelque peu déçu d’entendre les propos que tiennent aujourd’hui un certain nombre de hauts responsables. Au Congrès des maires, l’un d’entre eux a déclaré que le département était l’ennemi des communes – c’est une autre affaire –, tandis que deux anciens premiers ministres, MM. Juppé et Fillon, nous expliquent qu’il faut supprimer le département, qui ne servirait plus à rien.
Une telle mesure serait-elle source d’économies ? Je ne le crois pas. Les plus grands experts en conviennent et une étude a été faite, qui démontre que leur suppression occasionnerait, au contraire, des dépenses supplémentaires. En effet, si les départements ont des compétences de plein exercice pour lesquelles ils disposent de la liberté d’action en fonction de leurs moyens, ils ont également des compétences contraintes avec des tarifs fixés au niveau national, et c’est bien normal, sinon nous aurions une France à plusieurs vitesses s’agissant des allocations individuelles de solidarité, les AIS.
Les départements ont à leur charge les trois allocations individuelles de solidarité que sont l’allocation personnalisée pour l’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le revenu de solidarité active, le RSA.
L’APA est versée aujourd’hui à 1,2 million de personnes, soit une dépense de 7,7 milliards d’euros. En 2040, on comptera 2 millions de bénéficiaires, pour un coût de près de 20 milliards d’euros.
Ce sont autant de dépenses que les départements ne maîtrisent pas et qui, de surcroît, évoluent. Elles ont d’ailleurs tellement progressé qu’un certain nombre de départements se trouvent aujourd’hui dans une situation financière catastrophique, proche de l’asphyxie.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Supprimons la clause générale de compétence !
M. Gérard Miquel. Ma chère collègue,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, mon cher collègue.
M. Gérard Miquel. … cela n’a rien à voir avec la clause générale de compétence !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si !
M. Gérard Miquel. Nous en discuterons lors de l’examen du projet de loi de décentralisation, au printemps prochain. Nous pourrons alors décider qui doit exercer telle ou telle compétence.
Concernant ces trois allocations, pour la première fois un Premier ministre prend en compte la situation des départements et propose un certain nombre de solutions en faveur de la compensation. (M. Alain Fouché s’exclame.) Certes, c’est encore insuffisant (M. Alain Fouché s’exclame de nouveau.), mais c’est un premier effort qui mérite d’être souligné.
M. Alain Fouché. Le département du Président !
M. Gérard Miquel. Si vous connaissiez la situation du département du Président, vous ne l’évoqueriez pas en ces termes ! Élu d’un département limitrophe, je la connais et je sais à qui il faut l’imputer !
Monsieur le ministre, un fonds de secours de 170 millions d’euros a été accordé cette année. Aux termes de l’article 28 du projet de loi de finances, un fonds de 827 millions d’euros provenant des frais de recouvrement que prélève l’État a été accordé aux départements. Grâce à un amendement du Gouvernement voté par l’Assemblée nationale, M. le Premier ministre nous a accordé un prélèvement de 0,35 %...
M. Albéric de Montgolfier. Merci beaucoup !
M. Gérard Miquel. … sur les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, plafonné à 12 % pour les « pauvres » départements pour lesquels ces droits de mutation sont importants, mais c’est une autre affaire. J’aurais préféré 0,7 %. Au final, ce sont 570 millions d’euros qui doivent être répartis. Pour ce faire, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a selon moi qu’un seul critère, c’est celui du reste à charge par habitant, qui prend en compte la population et les sommes restant à charge proportionnellement au nombre d’habitants.
Faisons quelques comparaisons. Dans les Hauts-de-Seine, le reste à charge par habitant est de 66 euros ; dans l’Hérault, un département important, il est de 158 euros ; en Corrèze, il est de 136 euros et dans le Jura, il est de 70 euros. C’est vous dire l’éventail des situations. Les départements ne sont plus capables d’assumer leurs obligations. Voilà pourquoi notre objectif doit être, à défaut de pouvoir les supprimer, de réduire ces écarts et le seul critère à prendre en compte, c’est celui que je viens d’indiquer.
C’est certain, les recettes manquent pour les collectivités. Dans l’élaboration de nos budgets, nous avons fait des efforts d’optimisation, des efforts de rigueur, et nous devons contribuer au redressement national en continuant à investir. Nous ne pourrons le faire que si nous en avons les moyens.
Monsieur le Premier ministre,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ah bon ! Pourquoi pas ?
M. Alain Fouché. C’est prémonitoire !
M. Albéric de Montgolfier. Un remaniement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut tweeter ! (Rires.)
M. Gérard Miquel. … monsieur le ministre, voulais-je dire, je souhaite que vous examiniez ces propositions et que vous fassiez en sorte que cette répartition soit la plus équitable possible.
Vous avez réussi à nous présenter un bon budget, dans une période extrêmement difficile, où les contraintes sont fortes. Malgré vos efforts, tout laisse à penser que nous n’examinerons pas sa deuxième partie, le volet dépenses. Dans la situation où se trouve notre pays, le Sénat se serait grandi en examinant l’ensemble de ce projet de loi de finances, ce qui ne présageait en rien le vote final. Nous aurions pu ainsi débattre sur le fond de l’ensemble des missions. Je regrette beaucoup cette situation.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le problème de la majorité !
M. Gérard Miquel. Sachez, monsieur le ministre, que, comme l’an passé, nous ne ménagerons pas notre soutien au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
(Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre. (Marques de satisfaction et exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos ministres nous l’affirment : « Il y a une reprise en France.
M. Albéric de Montgolfier. Moins 0,1 % !
M. Francis Delattre. Elle est indéniable, incontestable. » Le seul problème, monsieur le ministre, c’est que vous êtes les seuls à l’apercevoir ! En réalité, c’est le désert des Tartares. Comme le lieutenant Drogo, ils attendent la gloire, retranchés au fort de Bercy, où leur garnison habile invente chaque semaine un impôt ou une taxe. C’est devenu un divertissement qui masque les nécessités du moment, au premier rang desquelles la réduction impérieuse des dépenses publiques, qui, avec 57,1 % du PIB, nous hissent au tout premier rang de la zone euro.
On peut aujourd’hui parler d’un vrai sinistre par rapport à l’Allemagne, qui est passée en dix ans de 48,5 % à 44,7 %.
Cet été, mes chers collègues, 13 000 sociétés ont fait faillite. Cela ne s’était pas vu depuis 1993.
Je profite de l’occasion pour dire à notre collègue Jean Germain qu’en 1993 – c’est une date dont nous sommes quelques-uns à nous souvenir –, pour son dernier budget, Pierre Bérégovoy avait doublé le déficit. C’est le gouvernement Balladur qui a dû assumer. Mon cher collègue, l’histoire doit être relatée avec rigueur.
Les TPE concentrent neuf défaillances sur dix. Le secteur agricole, notamment l’élevage, est en difficulté et l’emmental allemand – cela ne devrait pas inquiéter un ministre normand –, à notre grande surprise, envahit nos rayons.
Sur l’ensemble du troisième trimestre, la production industrielle s’est contractée de 1,1 % dans le secteur manufacturier et de 1,4 % dans l’ensemble de l’industrie, selon l’INSEE. Par rapport au troisième trimestre de l’année 2012, la production manufacturière accuse un recul de 2 %.
La France continue inexorablement de détruire des emplois : 170 000 depuis le début de l’année.
Après Goodyear, Alcatel, La Redoute, Natixis et Doux, FagorBrandt vient d’annoncer la suppression d’emplois. Au cours de la seule journée de mercredi dernier, 4 000 emplois ont été annoncés comme étant condamnés.
Le chômage augmente, qui touche désormais près de 11 % de la population active.
La France a de nouveau reculé de deux places dans le classement des pays compétitifs établi par le forum de Davos en 2013. Nous sommes dorénavant à la vingt-troisième place.
Après un petit rebond au deuxième trimestre, la croissance française a reculé de 0,1 % au troisième trimestre.
L’investissement des entreprises diminue de 0,6 % ce trimestre. Pour autant, monsieur le ministre, on persiste dans ce budget à s’attaquer à la déductibilité fiscale des intérêts des emprunts destinés à l’investissement.
Alors qu’on parle de compétitivité et d’emploi dans tous les journaux télévisés, le Gouvernement s’interroge-t-il vraiment sur les conséquences d’une telle mesure ? Je le rappelle, ce n’est pas la droite qui a mis en place cette déductibilité.
La consommation, quant à elle, décélère de 0,2 % et les exportations chutent de 1,5 %.
Tous ces discours lénifiants ne font qu’entretenir la colère des Français, qui expriment leur mécontentement et leur exaspération. Surtout, monsieur le ministre, ils ne croient plus en votre capacité politique à relever ces défis.
La pause fiscale est devenue un feuilleton télévisuel. M. Hollande l’avait annoncée dans un entretien au Monde, puis dans une interview solennelle sur TF1 – grande chaîne de télévision. Que nenni, deux jours après, le Premier ministre contredit le Président, annonçant qu’elle sera effective peut-être en 2015. En réalité, la pause politique « hollandaise » est un moment de répit entre deux dévissages fiscaux, qui vous conduit – si vous voulez mon sentiment – inexorablement vers la chute.
M. Francis Delattre. Aujourd’hui, les Français sont tellement abasourdis par l’avalanche de taxes, impôts et prélèvements supplémentaires que vous venez de lancer à la mer, enfin, – cette question a été posée plusieurs fois dans cet hémicycle – le fameux engagement 14 du programme électoral de M. Hollande consistant à fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu. Naturellement et bien évidemment au nom de la justice, mais sûrement aussi avec le secret espoir de répartir un peu mieux les espérances. Dans ces conditions, 80 % des Français sont favorables à une réforme fiscale. Bien joué, vous donnez le change ! On attend votre réforme avec intérêt.
Un an et demi après avoir perdu son triple A, la France voit sa note de nouveau dégradée d’un cran par l’agence de notation Standard & Poor’s. Ces experts – ce ne sont pas des sénateurs de l’opposition – estiment que les réformes engagées dans les domaines de la fiscalité, du secteur des biens et services, et du marché du travail n’amélioreront pas sensiblement les perspectives de croissance de la France à moyen et long termes.
À travers cette dégradation, c’est la notion de confiance qui est pointée du doigt. François Hollande regarde l’économie française comme s’il n’existait que deux facteurs de production. Or il y en a un troisième, que le bon sens populaire reconnaît : la confiance. Avec les revirements, les reculades, les contradictions, nous ne savons plus où nous allons, ni quel est le cap. En outre, quand la confiance s’évanouit, il devient difficile d’attaquer les réformes structurelles qui sont nécessaires. Aujourd’hui, mes chers collègues, en Europe, ce sont l’Espagne, le Portugal, l’Italie qui nous prennent des parts de marché. Voilà la réalité de la gestion catastrophique des dix-huit derniers mois !
Malgré la fronde, malgré la dégringolade de la cote de confiance auprès des Français, malgré les craintes des agences de notation et les avertissements de l’Union européenne, M. Hollande ne voit pas là de condamnation de sa politique et n’entend pas changer le seul cap bien identifié : toujours plus d’impôts et de prélèvements.
Ce budget qui nous est présenté est dans la même lignée que le précédent. L’improvisation permanente rend la politique fiscale illisible et déstabilisante. À nouveau, les familles, les retraités et les classes moyennes subiront tous vos augmentations, de l’ordre de 12 milliards d’euros, en dépit de l’habileté déployée dans la présentation budgétaire.
Cela met d’ailleurs en péril le consentement à l’impôt, ciment de notre pacte républicain.
Au surplus, vos rentrées fiscales s’amenuisent, illustrant parfaitement la courbe de Laffer : trop d’impôt tue l’impôt. Nous y sommes, et vous êtes là, messieurs les ministres, les bras ballants, attendant les effets positifs de la reprise économique mondiale. Cependant, avec les drapeaux et oripeaux que vous avez hissés au fronton du socialisme à la française, vous allez passer largement en deçà de cette reprise.
La nouvelle baisse du quotient familial illustre un véritable glissement mal dissimulé : vos mesures punitives visaient les classes les plus aisées il y a dix-huit mois, les classes moyennes il y a un an, et aujourd’hui elles visent les classes populaires. Des milliers de Français très modestes découvrent désormais qu’ils payent des impôts sur le revenu.
La hausse du malus automobile, c’est un peu fondamentaliste, une aberration puisque le coût sera le plus élevé pour les familles nombreuses et ceux qui vivent dans le monde rural.
Surtout, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la remise en cause plus ou moins orientée du crédit d’impôt recherche. Si vous voulez chasser les entreprises françaises qui demeurent encore dans la vallée de Seine, c’est vraiment la mesure qu’il faut prendre ! Vous les verrez partir, comme sont parties déjà les chaînes de production, tout ce qui pourrait incarner l’avenir de l’industrie automobile française. Ne pensez-vous pas que, quand 72 % des véhicules fonctionnent au diesel, il faut donner à ce secteur industriel fondamental le temps de s’adapter ?
La taxe intérieure de consommation sur certains produits énergétiques n’est, là encore, qu'une taxe relativement punitive, surtout pour les Français se chauffant au gaz.
Les entreprises en ont aujourd'hui assez de l’instabilité et de l’imprévisibilité d’une politique qui ne fait que traduire vos désaccords politiques mais qui leur interdit d’anticiper sérieusement leur situation future, notamment en matière de fiscalité. Une étude publiée ce matin dans Les Échos a dû attirer votre attention, monsieur le ministre. Elle montre qu’en tenant compte de tous les prélèvements, le taux d’imposition des entreprises atteint 64,7 %, ce qui nous place à l’avant-dernier rang européen, devant l’Italie (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.), où ce taux s’élève à 65,8%, quand la moyenne européenne, cher collègue Caffet, s’établit à 41,1 %.
Le 29 août dernier, devant les chefs d’entreprise, M. Moscovici, l’inénarrable ami des entreprises s’engageait à une stabilité fiscale, et nous avons vu fleurir l’excédent brut d’exploitation, l’EBE !
Vous-même, monsieur Cazeneuve, avez affirmé il y a quelques semaines, dans une interview à Libération, que les impôts sur les entreprises baisseraient en 2014,…