M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 225 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant la possibilité d’accorder une bonification de pension de 10 % pour les aidants familiaux visés à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Jean Desessard. Cette fois, c’est un dispositif à quatre rapports !
M. Dominique Watrin. Nous considérons que ce ne serait que justice d’apporter une bonification de retraite aux aidants familiaux d’une personne en situation de handicap. En effet, ces personnes, qui ne sont pas, par définition, des professionnels, assument nombre de charges qui, la plupart du temps, sont liées à l’absence de solution de rechange. Or, en raison de leur totale implication au service d’une personne handicapée, elles sont placées dans des situations qui les pénalisent, humainement et matériellement. Ce sont ces désavantages que nous souhaiterions corriger.
La grande majorité des accompagnants de personnes en situation de handicap sont des aidants non professionnels. C’est ce qu’avait souligné, en 1999, une enquête de l’INSEE : 62 % des personnes aidées le sont par un ou plusieurs aidants non professionnels, tandis que 25 % le sont à la fois par des professionnels et des membres de leur entourage et 13 % par des professionnels seuls. Cette enquête démontrait aussi que, dans neuf cas sur dix, les personnes vivant en couple désignent leur conjoint comme aidant principal. Les personnes ne vivant pas en couple désignent, elles, le plus souvent, un ascendant à 62 %, puis un frère ou une sœur à 12 %.
Vous le voyez donc, le cas des aidants familiaux est très fréquent. Or l’investissement horaire de ces aidants familiaux, dont 66 % sont des femmes, faut-il le souligner, est deux fois supérieur à celui des intervenants professionnels ; c’est dire les sacrifices importants qu’ils doivent consentir. C’est pourquoi, compte tenu des difficultés financières ou d’insertion professionnelle qu’entraîne leur activité d’aidant, nous pensons qu’il serait nécessaire et même juste de mettre en œuvre des formes de solidarité spécifiques, telles qu’une bonification de pension à hauteur de 10 %.
M. le président. L’amendement n° 231, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la possibilité d’accorder une bonification de pension de 10 % pour les aidants familiaux visés à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Un aidant familial, c’est tout simplement un parent, un frère, une sœur, un conjoint, un enfant, une belle-fille, qui accompagne un proche ayant un besoin particulier de soutien et d’accompagnement, lié à un handicap ou à une perte d’autonomie.
Selon l’enquête Handicap-Santé auprès des aidants informels, les aidants familiaux représenteraient 8,3 millions de personnes. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une profession. Pour autant, leur implication est grande et, souvent, l’accompagnement au quotidien d’une personne en perte d’autonomie ou en situation de handicap exige des aidants qu’ils renoncent, temporairement ou durablement, à leur activité professionnelle ou qu’ils la réduisent. Ces situations sont à l’origine de carrières professionnelles en dents de scie ou incomplètes. Cela a, nous le savons, des incidences sur leurs conditions d’accès à la retraite, et nous prenons acte de la volonté du Gouvernement d’y apporter une réponse.
D’ores et déjà, malgré les mesures positives inscrites dans le projet de loi, on sait que celles-ci contribueront effectivement à réduire les écarts de retraites, mais pas à les compenser totalement. S’occuper d’un proche constituera donc toujours, à l’avenir, une charge économique pour les aidants. Cette charge nous paraît devoir être compensée par la solidarité nationale puisque, contrairement aux objectifs ambitieux que nous nous étions fixés dans la loi de 2005, cette même solidarité nationale ne joue pas encore totalement son rôle : les places d’accueil en établissements spécialisés sont trop peu nombreuses, les fonds départementaux de compensation ne reposent toujours pas sur des règles nationales et les sommes accordées au titre de la compensation demeurent partielles.
À elle seule, cette situation, qui n’est pas la compensation intégrale promise en 2005, conduit à ce que des proches soient contraints de réduire leur activité afin d’accomplir des actes techniques importants ou du quotidien, pour lesquels, à ce jour, n’existe aucune compensation, aucune prise en charge. Les proches n’ont pas d’autre choix que de pallier eux-mêmes ces carences sur leur propre temps. C’est pourquoi, au-delà des mesures déjà contenues dans le projet de loi, il nous semble important que cet acte de solidarité au sein du couple et de la famille soit reconnu et que, tout du moins, il ne soit pas sanctionné ou n’entraîne pas de conséquences économiques injustes dans le futur.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons qu’un rapport puisse être remis, évaluant les conditions dans lesquelles les pensions des aidants familiaux pourraient être revalorisées de 10 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces deux amendements soulèvent la question importante du statut des aidants familiaux des personnes en situation de handicap. L’article 25 lui apporte déjà des améliorations substantielles en supprimant la condition de ressources pour bénéficier de l’assurance vieillesse des parents au foyer et en créant une majoration de la durée d’assurance pour les aidants familiaux en charge d’un adulte lourdement handicapé.
Compte tenu de ces éléments, il ne m’apparaît pas utile d’étudier dès à présent l’opportunité d’une bonification de pension de 10 % pour les aidants familiaux de personnes handicapées dans le cadre du rapport que préconisent ces amendements.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également défavorable. En effet, les auteurs des amendements visant à prévoir un rapport sur l’octroi d’une majoration de pension de 10 % aux aidants familiaux oublient que le Gouvernement, à l’article 25, propose plusieurs mesures fortes de solidarité…
M. Dominique Watrin. Oui, mais pas celle-là !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. … destinées à prendre en considération les spécificités des parcours des aidants familiaux.
Par ailleurs, je tiens à répondre à la question posée par Mme Pasquet : il est possible, pour un aidant familial, de travailler à temps partiel sans perdre le bénéfice de l’AVPF, puisqu’il n’y a pas de condition de ressources.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l’amendement n° 231.
Mme Isabelle Pasquet. Je ne veux pas allonger nos débats…
M. Jean Desessard. Mais non…
Mme Isabelle Pasquet. Non, je vous l’assure ! Mais nous sommes là pour débattre et exposer nos points de vue.
Je souhaite juste vous apporter un éclairage particulier, mes chers collègues, sur la portée de cet amendement.
Au début du mois d’octobre, l’Association des paralysés de France a publié une étude sur la charge des aidants familiaux. On y apprend que 45 % d’entre eux sont dédommagés financièrement de l’aide qu’ils apportent à une personne de leur entourage en situation de dépendance, mais que seulement 16,4 % des bénéficiaires estiment ce dédommagement suffisant. Il faut dire que le temps hebdomadaire consacré à l’aide de ce proche est important puisque, dans plus d’un tiers des cas, il atteint quarante heures.
Ces aides prennent des formes diverses : pour plus de la moitié, outre les tâches administratives, il s’agit d’aides plus « techniques », comme l’accompagnement à la vie sociale, le soutien moral, la surveillance et les soins associés, ainsi que les actes de la vie quotidienne et domestique.
Cet investissement, dont on mesure l’importance, n’est évidemment pas sans conséquences sur la vie familiale de l’aidant comme sur sa vie professionnelle : 50 % des aidants estiment que ce rôle représente un choix préjudiciable pour leur carrière professionnelle et seuls 37,5 % des aidants familiaux qui ont répondu à l’enquête exercent une activité professionnelle. Parmi les 62,5 % des aidants familiaux répondant qu’ils n’exercent pas d’activité professionnelle, 13 % seulement déclarent qu’il s’agit d’un choix.
Voilà pourquoi, sans allonger les débats, je me permets d’insister pour que vous adoptiez cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 226, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût et les avantages pour les personnes concernées de l’extension rétroactive de l’affiliation à l’assurance vieillesse des personnes assumant la charge au foyer familial d’un adulte handicapé pour les périodes allant de 1999 à 2004.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à réparer une injustice sociale dont sont victimes les personnes assurant la charge d’un conjoint handicapé.
Nous savons que l’assurance vieillesse des parents au foyer garantit, sous certaines conditions, une continuité dans les droits à la retraite d’une personne qui aurait cessé ou réduit son activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ou d’un adulte lourdement handicapé au foyer familial. Or, du fait d’un vide juridique patent, les personnes ayant eu la charge au foyer de leur conjoint entre 1999 et 2004 ne peuvent se prévaloir de cette période pour le calcul de leur pension. Une circulaire du 15 avril 1998 est responsable de cette situation manifestement inéquitable.
Cette circulaire relative aux conditions d’affectation à l’assurance vieillesse des personnes assurant la charge, au foyer familial, d’un handicapé adulte écartait de fait – était-ce une erreur ? – les conjointes ou conjoints s’occupant de leur époux ou épouse. La loi du 21 août 2003 a expressément réintégré les époux dans ce système, mais sans effet rétroactif. Il faut donc préciser dans la loi que la période comprise entre 1999 et 2004 est réintégrée dans le calcul des pensions des retraités concernés.
Toujours en raison du fameux article 40 de la Constitution, nous proposons qu’un rapport évalue cette situation pour permettre au Gouvernement de légiférer au plus vite, car cette injustice n’a que trop duré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les auteurs de cet amendement se font l’écho des préoccupations de certaines associations concernant le bénéfice de l’assurance vieillesse des parents au foyer, pour les personnes ayant pris en charge un adulte handicapé entre 1999 et 2004.
Vous l’avez dit, la loi du 21 août 2003 a réintroduit ce dispositif, mais un vide juridique demeure pour la période allant de 1999 à 2004. Sur ce sujet important, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. La validation des trimestres au titre de l’AVPF concerne uniquement l’aidant familial désigné par la personne handicapée auprès de la maison départementale des personnes handicapées, avec confirmation de la caisse d’allocations familiales.
L’affiliation doit être établie administrativement au moment de la reconnaissance du handicap et ne peut pas concerner des périodes passées, y compris pour le conjoint. Une affiliation rétroactive sur une période donnée ne peut donc être envisagée. En conséquence, la remise d’un rapport sur le sujet ne paraît pas utile.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pour répondre à nos collègues du groupe CRC, qui ont déposé un premier paquet de six amendements, puis à l’instant un second de quatre amendements, Mme la rapporteur nous a expliqué que les dispositifs proposés entraîneraient des dépenses trop importantes et que ce n'était pas le moment. Cet argument, on peut le comprendre.
Je suis plus perplexe par ce que j’ai pu comprendre à cette heure tardive : il y aurait un « trou » correspondant à une période durant laquelle un droit ou une transmission de droits n’aurait pas été couvert. Mme la rapporteur, qui a perçu le problème, est convenue qu’il s’agissait là d’un problème d’une autre nature que ceux auxquels répondaient les autres amendements. Il semble en outre que de nombreuses associations demandent que ce vide juridique soit comblé.
Je m’attendais à ce que Mme la ministre prenne en compte ces demandes. Or elle s’est contentée de se retrancher derrière l’impossibilité de prendre des mesures rétroactives en nous disant : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Je trouve cette réponse un peu rapide. S’il y a effectivement une injustice, on pourrait tout de même réétudier la question. Il paraîtrait normal que le processus soit continu et le même pour tous.
Je le répète, j’aurais aimé entendre une explication un peu plus étoffée. À défaut de pouvoir changer le cours des choses – je ne demande pas l’impossible à cette heure-ci –, je voterai l’amendement présenté par nos collègues du groupe CRC.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’en arrive exactement aux mêmes conclusions que notre collègue Desessard. Pas plus que lui je n’ai entendu de la part de Mme la rapporteur ou de la part de Mme la ministre des arguments contrecarrant la réalité que j’ai décrite. Personne n’a dit non plus qu’il n’y avait pas d’injustice !
Je suis donc assez étonnée, pour ne pas dire plus, qu’après avoir constaté une situation profondément injuste, ici, au sein de la Haute Assemblée, on me dise que c’est ainsi et que la loi ne peut pas être changée. Je croyais pourtant que nous étions là pour élaborer des lois, mais comme je ne suis élue au Sénat que depuis deux ans peut-être ai-je mal compris…
Ce que j’ai entendu ne me paraît pas répondre aux problèmes posés, et ce d’autant moins que les arguments développés par notre groupe recueillent une adhésion très forte, pour ne pas dire majoritaire, des associations qui s’occupent des handicapés.
Je conçois qu’on puisse constater les choses et dire qu’il n’est pas possible d’y remédier dans l’immédiat. Mais ouvrons au moins une porte, voire une fenêtre pour tenter quelque chose ! Cette fenêtre, nous vous proposions de l’entrouvrir grâce à un rapport.
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût pour les comptes publics et les avantages pour les assurés sociaux de l’extension à l’ensemble des régimes du bénéfice de l’accès aux dispositifs de retraite anticipée en tant que conjoint de personne handicapée.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à étendre à l’ensemble des régimes de protection sociale un dispositif, qui nous paraît intéressant et juste, actuellement inscrit à l’article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Compte tenu des améliorations déjà contenues à l’article 25, notamment la majoration de la durée d’assurance pour les aidants familiaux d’un adulte handicapé, il n’apparaît pas utile d’engager le travail sur la généralisation d’un dispositif de retraite anticipée pour les conjoints de personne handicapée.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Articles additionnels après l'article 25
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Leconte, Mme Lepage et M. Yung, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre 1er du titre 5 du livre 3 du code de la sécurité sociale est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Dispositions relatives aux carrières effectuées à l’étranger
« Art. L. 351-6-… – Dans le cas d’une carrière effectuée dans plusieurs pays signataires de conventions bilatérales de sécurité sociale avec la France ou dans lesquels le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale s’applique, la durée d’assurance prise en compte pour le calcul du taux de la retraite comprend l’ensemble des périodes d’assurance et de résidence accomplies en France et dans les pays susmentionnés. Un décret fixe les conditions d’application de cette disposition. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Favoriser la coordination des conventions bilatérales pour les carrières à l’étranger
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je voudrais vous faire part du cas d’une personne qui commence à travailler en France et qui souhaite poursuivre sa vie professionnelle dans un pays de l’Union européenne. Avant de partir, elle se renseigne et lit le règlement du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
À l’article 12, intitulé « totalisation des périodes », elle apprend que « les périodes respectives d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence accomplies sous la législation d’un État membre s’ajoutent aux périodes accomplies sous la législation de tout autre État membre, dans la mesure où il est nécessaire d’y faire appel en vue de l’application de l’article 6 du règlement de base, à condition que ces périodes ne se chevauchent pas ». La personne comprend alors que, dans le calcul de sa pension de retraite, il sera tenu compte des périodes d’activité effectuées dans chaque pays de l’Union européenne.
À un autre moment de sa carrière, la même personne part travailler aux États-Unis. Elle prend soin de consulter préalablement l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Elle relève alors un point précis : « L’institution française prend en compte les périodes d’assurance validées en vertu de la législation des États-Unis dans la mesure où elles ne se superposent pas à des périodes d’assurance validées en vertu de la législation française, tant en vue de déterminer l’ouverture du droit à prestations qu’en vue du maintien ou du recouvrement de ce droit ». Elle note également que « l’institution française détermine, d’après sa propre législation, si l’intéressé réunit les conditions requises pour avoir droit à une pension de vieillesse ».
Là encore, les choses sont très précises : si la personne a travaillé en France et aux États-Unis, les périodes qu’elle a passées aux États-Unis seront aussi comptées pour le calcul explicite de son taux de retraite en France.
En réalité, la personne s’est trompée, parce que les conventions fiscales et les règles de l’Union européenne en la matière ne se conjuguent pas. Cette absence de cadre pour conjuguer les conventions fiscales pose un réel problème puisqu’elle pénalise la mobilité des travailleurs, qui, au regard du nombre de trimestres cotisés en vertu des conventions fiscales, pourraient éventuellement remplir les exigences d’un taux plein. Il faut donc que ces travailleurs fassent un choix entre les différentes conventions fiscales qui s’appliquent à eux.
Dans un arrêt de principe du 28 mars 2003, la cour d’appel de Caen, confirmant la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 22 février 2002, affirme que, si le champ d’application des conventions bilatérales ne vise, par définition, que les deux pays signataires, « aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe de deux accords bilatéraux […] et aucune règle, ni même aucune contrainte d’ordre technique, n’impose en l’espèce qu’un choix entre le bénéfice de l’un ou de l’autre soit effectué par l’assuré susceptible de bénéficier de l’un et de l’autre ».
L’amendement, qui tient compte de cet arrêt, vise non pas à faire peser sur nos partenaires avec lesquels nous avons signé des conventions de sécurité sociale un engagement que la France aurait pris lors de la signature d’une autre convention, mais à rendre compatibles les engagements que la France a pris vis-à-vis de plusieurs de ses partenaires. Il tend à corriger cette anomalie en permettant aux caisses de retraite de prendre en compte l’ensemble des années de cotisation, ce qui est de plus en plus indispensable compte tenu des nouvelles exigences de durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
C’est la raison pour laquelle je défends cet amendement, mes chers collègues, que je vous demande d’adopter au nom de la défense de la mobilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’objet de cet amendement est de permettre aux caisses de retraite de prendre en compte l’ensemble des années de cotisation, y compris celles qui sont effectuées dans les pays signataires de conventions bilatérales avec la France.
Sur cet amendement, dont vous reconnaîtrez qu’il faut apprécier la faisabilité technique, je demande à connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous posez un problème tout à fait réel et que nous connaissons : parce que les accords bilatéraux entre les pays sont exclusifs d’un accord supplémentaire, les Français expatriés ne peuvent bénéficier des accords souscrits avec l’un et avec l’autre. En effet, cela emporterait des conséquences indirectes sur les deux pays qui ne sont pas liés par un accord de sécurité sociale.
Conscient de ce problème, le Gouvernement a prévu de remettre un rapport examinant les difficultés liées à la conciliation de conventions bilatérales. De plus, il s’emploie désormais à conclure des accords triangulaires, évitant ainsi cet impact d’exclusion tout à fait difficile à admettre, on le comprend, par les assurés.
En l’état actuel des choses, je suis contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. Jean Desessard. Avec les États-Unis, on va retrouver facilement les informations ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25.
L'amendement n° 230, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 651-3 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : « 0,13 % » est remplacé par le pourcentage : « 1 % ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. À l’occasion de nos interventions sur l’article 3, nous avions dit nos réticences à ce que l’on puisse à l’avenir amplifier le siphonnage dont est victime le Fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds avait pour vocation de participer à l’équilibre des régimes de retraite après 2020, au plus fort de la génération du papy-boom. Et voilà qu’au lieu d’adopter une attitude prévoyante, s’inscrivant dans le long terme, le Gouvernement inscrit ses pas dans ceux de la majorité précédente, privant le fonds de ressources dont il aura pourtant besoin en 2020 !
Les mesures contenues dans le projet de loi ne permettent en rien l’équilibre des comptes de la CNAV, un déficit que l’on craint durable au vu du nombre d’emplois qui sont détruits tous les mois.
Dans une telle situation, et avec une croissance atone, impossible de croire que, dans un avenir proche, les comptes sociaux, dont ceux de la branche vieillesse, seront en équilibre. Je note d’ailleurs qu’en 2010 un rapport de la Cour des comptes invitait déjà le Gouvernement a ne plus modifier les règles à l’avenir en « évitant notamment de relever les versements – 2,1 milliards d’euros – que le Fonds verse chaque année à la CADES ».
Dans ce contexte, et pour compenser l’ensemble des ponctions opérées sur ce fonds, nous proposons, au travers de cet amendement, d’augmenter le taux de la contribution sociale de solidarité des sociétés – due par elles lorsqu’elles réalisent un chiffre d’affaires annuel de 760 000 euros – et que les bénéfices tirés de cette augmentation soient orientés en direction du Fonds de solidarité vieillesse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à porter de 0,13 % à 1 % le taux de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, due par les entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 760 000 euros.
Les auteurs de cet amendement souhaitent que les ressources tirées de cette revalorisation permettent au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, de financer un mécanisme grâce auquel le régime complémentaire AGIRC-ARRCO pourra majorer la pension de retraite complémentaire des personnes en situation de handicap. Il s’agit d’une intention louable, qui se heurte néanmoins à un problème technique.
En effet, le fléchage envisagé par les signataires de l’amendement ne me paraît pas possible, dans la mesure où seul l’excédent de la C3S non affecté au régime social des indépendants, le RSI, et à la branche maladie des exploitants agricoles bénéficie au FSV. La hausse du taux de la C3S profiterait donc essentiellement aux deux régimes attributaires de cette contribution, et non au FSV.
Dans ces conditions, et sans me prononcer sur le fond de l’amendement, je suggère à ses signataires de proposer une autre recette pour financer leur projet.
L’avis de la commission est donc défavorable.