Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les questions liées au financement des mesures concernant les retraites agricoles sont traitées non pas dans le présent projet de loi, qui porte sur les retraites, mais dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en particulier à son article 9. Un tel amendement y aurait donc sans doute plus sa place.
Sur le fond, faut-il remettre en cause ici les modalités actuelles de cotisation des non-salariés agricoles, d’une part, sans en avoir évalué les conséquences financières et, d’autre part, sans en avoir discuté avec les représentants du monde agricole ?
Surtout, cet amendement concerne, à l’article qu’il vise, l’assurance vieillesse complémentaire facultative, dont la cotisation est déjà proportionnelle, et non le régime d’assurance vieillesse obligatoire des non-salariés agricoles.
Enfin, une telle mesure relève du pouvoir réglementaire : l’instauration d’une proportionnalité des cotisations entre dans ses compétences.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 343 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au a du 1° du II de l’article L. 741-9 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « dans la limite du plafond prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, » sont supprimés.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Dans la même ligne que le précédent, cet amendement tend à supprimer le plafond de cotisation maximale pour l’assurance vieillesse individuelle et agricole.
Aujourd’hui, nous faisons face à une rupture d’égalité flagrante en matière de cotisations dans le monde agricole. En effet, un assuré social avec un revenu annuel de 50 000 euros ne cotise que sur une assiette de 37 032 euros.
Cet amendement vise donc à rétablir la justice sociale en mettant fin au phénomène de sous-cotisation pour les hauts revenus. Dans le contexte budgétaire actuel, cette proposition a également pour conséquence de dégager des fonds qui viendront abonder les recettes de la Mutualité sociale agricole.
Il s’agit d’une mesure de justice. La distorsion est criante, comme nous le verrons lors de l’examen des amendements suivants. D’un côté, le plancher pénalise les plus petits revenus, souvent inférieurs au SMIC, mais soumis à des prélèvements du fait de son mode de calcul. De l’autre, le plafond avantage les plus hauts revenus.
Nous soutenons évidemment la revalorisation des retraites agricoles proposée par le Gouvernement, mais celle-ci ne peut pas s’effectuer sans rétablissement d’une forme de justice dans le financement, afin que chacun cotise en fonction de ses revenus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’assiette des principales cotisations de retraite agricoles est aujourd'hui limitée au plafond de la sécurité sociale. Cela s’explique par la faiblesse du revenu moyen dans ce secteur de notre économie.
Toutefois, il existe également des cotisations déplafonnées, le code rural ouvrant cette possibilité. C’est le cas pour le financement de la part proportionnelle de la pension de base des non-salariés agricoles.
Plus généralement, le choix a été fait de traiter la question du financement des mesures spécifique au monde agricole dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 204 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent l’adoption de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport mesurant les coûts et les conséquences, notamment en matière de protection sociale, d’une extension aux départements d’outre-mer des dispositions relatives à la retraite complémentaire prévues dans la loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par arrêté du 6 avril 1976, pris dans le cadre de la loi de généralisation n° 72-1223 du 29 décembre 1972, l’accord du 8 décembre 1961 a été étendu aux départements d’outre-mer. Notons juste le temps qu’il aura fallu pour l’extension : quinze ans ! Cet arrêté a concerné les branches d’activité dont les travailleurs sont assujettis à titre obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, « à l’exclusion de celles visées au second alinéa de l’article L. 2 du code de la sécurité sociale ».
Sont ainsi visées les professions agricoles et forestières, qui ne sont donc pas intégrées dans cette extension outre-mer. Pourtant, elles relèvent bien du régime général de sécurité sociale. Nous devons préciser qu’en Guyane un accord a été signé le 23 avril 1999, qui a permis de faire bénéficier, à titre obligatoire, les salariés agricoles d’un régime de retraite complémentaire. Néanmoins, les autres entreprises agricoles outre-mer sont seulement autorisées à adhérer et à affilier volontairement leurs salariés.
Il faut rappeler qu’en outre-mer le niveau des pensions des retraités agricoles est très faible. Ce n’est pas acceptable ! Il s’agit donc d’étudier la généralisation de la retraite complémentaire des salariés agricoles dans tous les départements d’outre-mer. Le but est bien évidemment de les faire bénéficier, moyennant cotisation, d’une allocation de retraite complémentaire garantie en plus de l’allocation versée par le régime de base.
Il faut également préciser qu’en outre-mer la Mutualité sociale agricole, la MSA, n’existe pas. C’est donc la caisse générale de sécurité sociale qui gère le régime des exploitants et des salariés agricoles.
L’instauration d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les salariés agricoles des DOM, à l’exception de la Guyane pour les raisons précédemment évoquées, nécessiterait que les partenaires sociaux s’accordent sur le principe d’une affiliation volontaire à l’ARRCO et que cet accord soit étendu et élargi, selon la procédure prévue aux articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale, par les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Cette négociation pourrait alors aboutir à un accord de branche réunissant l’ensemble des professionnels du domaine.
Tel est l’objet de cet amendement de bon sens, qui vise à réparer une injustice qui perdure depuis trop longtemps. On ne comprendrait pas, madame la ministre, que vous n’acceptiez pas un amendement que votre collègue Victorin Lurel, aujourd’hui ministre des outre-mer, avait porté haut et fort en 2010 quand il était encore député de Guadeloupe.
M. Gérard Longuet. Le charme discret de l’opposition !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement soulève une question extrêmement importante, l’absence de retraite complémentaire pour les salariés agricoles d’outre-mer, à laquelle une réponse doit être apportée.
C’est la raison pour laquelle, s’il n’est peut-être pas nécessaire de réaliser un rapport supplémentaire, il me semble utile d’entendre les explications que le Gouvernement apportera aux auteurs de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Madame Cohen, un rapport est en effet inutile, car le problème est bien identifié. Les régimes de retraite complémentaire obligatoire des salariés, y compris agricoles, sont institués par voie conventionnelle au moyen d’accords nationaux interprofessionnels étendus et élargis. Les salariés agricoles des DOM devraient être affiliés à l’AGIRC et à l’ARRCO au même titre que les salariés agricoles de métropole, mais la seule solution est que les partenaires sociaux conviennent d’un accord pour y parvenir.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Tout le monde reconnaît qu’un problème se pose. La réponse du Gouvernement est donc un peu superficielle.
Nous devons prendre des mesures afin de permettre aux travailleurs d’outre-mer de bénéficier des mêmes droits que les salariés de métropole. On voit bien qu’il y a là un retard considérable. Or, plutôt que de chercher à régler le problème, le Gouvernement me donne l’impression de botter en touche. Je ne sais pas si le rapport que nous demandons peut faire évoluer les choses, mais il permettrait en tout cas de marquer la volonté politique de s’en sortir.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre V
Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur des assurés handicapés et de leurs aidants
Article 23
I. – Au premier alinéa des articles L. 351-1-3 et L. 634-3-3 et au premier alinéa du III des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale et au premier alinéa de l’article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail » sont remplacés par les mots : « d’au moins 50 % ».
II. – Au 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « 80 % ou qu’ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail » sont remplacés par le taux : « 50 % ».
II bis (nouveau). – Pour les périodes antérieures au 31 décembre 2015, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail, est prise en compte pour l’appréciation des conditions mentionnées aux articles L. 351-1-3 et L.634-3-3, au III de l’article L. 643-3 et à l’article L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale, au 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi qu’à l’article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime.
III. – Le présent article est applicable aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2014.
IV (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport permettant d’explorer la mise en place d’un compte handicap travail.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Avec le chapitre V, nous abordons de nouvelles mesures de solidarité en faveur des assurés handicapés et de leurs aidants.
Le projet de loi comprend des mesures très positives qui valorisent tant les périodes d’activité des assurés handicapés que la mobilisation à leurs côtés de leurs proches, leurs aidants, qui sont souvent contraints de mettre entre parenthèses leur propre carrière professionnelle.
Les travailleurs handicapés ont actuellement la possibilité de liquider leur retraite à taux plein dès cinquante-cinq ans à trois conditions : une durée de travail suffisante, une durée de cotisation suffisante et enfin un taux d’invalidité égal à 80 % ou la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH. Le projet de loi modifie ce dernier critère et permet à ceux qui ont un taux d’invalidité de 50 % de bénéficier de cette mesure de justice. C’est une avancée réelle. Il supprime en parallèle le critère de la RQTH.
L’Assemblée nationale a apporté une souplesse au dispositif en reportant la suppression de la RQTH au 31 décembre 2015. Deux systèmes vont donc coexister jusqu’au 1er janvier 2016.
Plusieurs questions se posent donc. Qu’en est-il des personnes handicapées qui prévoyaient d’invoquer la RQTH au moment de leur départ à la retraite après la date du 1er janvier 2016 ? Les modes de preuve d’un taux d’incapacité au moins égal à 50 % seront-ils assouplis, de telle sorte que ceux qui ont obtenu la RQTH ne soient pas lésés ?
Enfin, demeure la question de ceux qui n’ont pas demandé l’attribution d’un taux d’incapacité en temps utile et ne peuvent plus ensuite fournir la preuve d’un taux d’incapacité de 50 %. D’autres modalités de preuve de ce taux d’incapacité sont-elles envisagées ?
Les personnes souffrant d’un handicap lourd apparu tardivement ou d’un handicap qui évolue avec l’âge sont pénalisées, car elles ne satisfont pas aux règles concernant la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite anticipée des travailleurs handicapés ; leur situation doit également être prise en compte.
Madame la ministre, je vous remercie de nous apporter sur toutes ces questions importantes des précisions, qui sont très attendues.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Par courrier en date du 23 octobre dernier, M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, vous invitait, madame la ministre, à réviser l’article 23 du projet de loi, de telle sorte que soient assouplies les conditions pour pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée des travailleurs handicapés.
Dans la note qui était jointe à ce courrier, le Défenseur des droits vous alertait sur le fait que, dès 2006, le précédent gouvernement, face à l’impossibilité dans laquelle se trouvaient des personnes d’apporter la preuve du taux d’incapacité de 80 %, avait mis en place des voies parallèles de reconnaissance du handicap, soit sous la forme d’équivalence, avec par exemple la reconnaissance d’un taux d’invalidité par la sécurité sociale, soit par le biais de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Le Défenseur des droits constatait que ces mesures avaient été prises afin d’étendre ce dispositif et de permettre au maximum de personnes en situation de handicap d’en bénéficier.
C’est avec ce même souci que le Défenseur des droits a analysé cet article 23, ce qui l’a conduit à formuler une proposition précise : « Modifier l’article 23 afin de permettre l’accès à la retraite anticipée à tout assuré handicapé, justifiant, sur la période d’assurance requise, d’une reconnaissance administrative de handicap, et ce qu’elle qu’en soit la forme ». Ainsi, une personne en situation de handicap pourrait produire à l’appui de sa demande tous les justificatifs en sa possession attestant d’un handicap soit par des instances spécialisées, comme les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, ou hier la COTOREP, la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel, soit par la sécurité sociale ou encore par la MSA.
Cette proposition, que nous avons formulée par voie d’amendement, présenterait un double avantage : elle faciliterait réellement les démarches des personnes en situation de handicap et permettrait une meilleure reconnaissance de leur situation puisque serait pris en compte, non pas uniquement le taux d’incapacité permanente, même diminué, mais l’ensemble des situations de handicap visées à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles.
Naturellement, nous espérons que notre amendement sera adopté et, de son sort, dépendra le vote de notre groupe sur cet article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cela a été dit, l’article 23 du projet de loi modifie les conditions d’accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés en l’ouvrant aux assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 %, ainsi que, de manière temporaire, aux personnes en situation de handicap bénéficiant d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
La réforme de 2010, nous l’avions d’ailleurs dénoncée, n’ouvrait ce dispositif qu’aux salariés du secteur privé. Cela a conduit beaucoup de fonctionnaires à saisir le Défenseur des droits, qui, à son tour, n’a pas manqué d’alerter les gouvernements successifs.
Sensible à cette injustice, qui ne reposait au final que sur le statut des personnes en situation de handicap, vous y avez mis fin par la loi du 12 mars 2012, en permettant aux agents publics en situation de handicap et bénéficiaires d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé d’accéder à la retraite anticipée des travailleurs handicapés dans les mêmes conditions que les salariés du secteur privé. Nous nous en réjouissons. Dans le même temps, vous appliquez aux agents publics l’abaissement de 80 % à 50 % du taux d’incapacité permanente pour avoir droit au départ anticipé à la retraite pour handicap, poursuivant la démarche qui est la vôtre en faveur de l’égalité entre les agents publics et les salariés de droit privé.
Néanmoins, si les agents publics et les salariés de droit privé sont égaux face à leurs droits, ils sont également égaux face aux mesures injustes ou réduisant leurs droits. Beaucoup de fonctionnaires, par crainte de discriminations dans leur carrière professionnelle, n’ont demandé que tardivement à bénéficier d’une RQTH et n’ont entrepris aucune demande auprès des MDPH. Pour eux, le maintien à titre transitoire du critère de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est synonyme de complexité dans leur parcours de vie, d’un allongement injuste de leur durée de cotisation.
Compte tenu de tous ces éléments, parce que cet article 23 intègre une mesure positive mais marque aussi une régression importante pour une partie des personnes en situation de handicap, comme l’a dit notre collègue Isabelle Pasquet, nous allons voir comment cet article évolue avant de nous prononcer.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, sur l'article.
M. Jean Boyer. Voilà quelques années, dans un passé pas si lointain, l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, était attribuée à une personne dont le taux d’incapacité atteignait 80 %, comme d’ailleurs la carte d’invalidité. Toutefois, l’article 35 de la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des handicapés a permis l’attribution de l’AAH à une personne n’atteignant pas ce taux de 80 % si la commission médicale considérait que celle-ci était dans l’impossibilité d’occuper un emploi.
Quand cette personne arrivait à l’âge de la retraite, si sa pension n’atteignait pas le minimum vieillesse, un complément à l’allocation aux adultes handicapés était attribué. Ainsi, une personne qui, dans la période de travail, avant soixante ans, bénéficiait de l’AAH voyait son allocation complétée afin de ne pas subir de pertes de ressources au moment de la retraite.
Madame la ministre, c’est l’ancien membre de la COTOREP, qui y a siégé vingt ans, qui s’adresse à vous : il est important qu’une personne qui a l’âge de prendre sa retraite ne subisse pas une perte de revenus par rapport à la période où elle était légalement en activité.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 374 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Supprimer les mots :
ou qu'ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l'article L. 5213-1 du code du travail
II. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou qu'ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l'article L. 5213-1 du code du travail
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’article 23 remplace, pour le bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, le critère du taux d’incapacité permanente de 80 % par celui de 50 %, mais supprime le critère de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Le critère de la RQTH, introduit par la loi du 9 novembre 2010, est supprimé au motif que de nombreux assurés n’en ont pas fait la demande alors qu’ils auraient pu en bénéficier. Pourtant, en 2011, la moitié des quelque 1 000 personnes ayant bénéficié d’une retraite anticipée ont fait valoir leur RQTH et non leur taux d’incapacité.
Abaisser le taux d’incapacité de 80 % à 50 % est une très bonne mesure, mais rien ne vous obligeait à supprimer dans le même temps le critère de la RQTH, qui n’a rien à voir. Ce faisant, vous pénalisez gravement les travailleurs handicapés qui ne peuvent justifier de ce taux d’incapacité sur une durée suffisante, cent vingt-six trimestres, soit 31,5 ans.
Je rappelle que le dispositif de la RQTH s’adresse aux personnes qui sont en capacité de travailler, mais qui présentent des difficultés à exercer certains types d’activités professionnelles en raison de problèmes de santé, qu’il s’agisse de maladie ou de handicap. Il en résulte que le titulaire de la RQTH est exposé à une usure prématurée de son organisme, ce qui justifie qu’il puisse bénéficier d’une retraite anticipée.
Certes, vous avez accepté que, pendant une phase transitoire de deux ans, les deux critères coexistent. Je crains que ce ne soit pas suffisant.
Supprimer le droit à la retraite anticipée pour les titulaires de la RQTH marque un véritable recul. C’est la raison pour laquelle nous proposons le maintien de ce critère.
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
d’au moins 50 %
insérer les mots :
ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement, tout comme celui qui vient d’être présenté, touche à un sujet extrêmement sensible. En effet, 2,5 millions de personnes bénéficient d’une reconnaissance administrative de leur handicap, dont près de la moitié sont actives.
Le Gouvernement a fait évoluer le taux d’incapacité des personnes éligibles à la retraite anticipée en l’abaissant de 80 % à 50 %. Il s’agit là d’une mesure louable et positive. Néanmoins, il a décidé de priver de cette possibilité les personnes titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. En d’autres termes, le Gouvernement ouvre une porte et en ferme une autre en même temps.
Certes, comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, bon nombre de personnes en situation de handicap n’ont jamais demandé à bénéficier de la RQTH. Cet argument est très discutable, et il convient de s’attarder sur les raisons qui expliquent un tel phénomène.
Si la plupart des travailleurs handicapés aujourd’hui âgés de quarante à cinquante ans qui ont commencé leur carrière professionnelle avant la fin des années 1990 n’ont pas toujours demandé la RQTH, c’est parce qu’il leur était par exemple vivement conseillé de cacher leur handicap. Ils craignaient que cela ne constitue un frein dans leur évolution professionnelle ou ne cause la perte de leur emploi.
Par ailleurs, afin d’entrer dans la fonction publique par la voie, supprimée depuis douze ans, des « examens pour emploi réservé », certains travailleurs handicapés de cette même génération ont demandé, dès le début, la RQTH. Une fois titularisés, ils n’en ont généralement pas demandé le renouvellement, à la fois parce qu’ils n’en tiraient aucun avantage et pour ne pas être stigmatisés ou mis au placard à cause de leur handicap. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1990, avec l’entrée en vigueur des sanctions et des dispositifs mis en place dans le cadre de l’application légale de l’obligation d’emploi de quotas de travailleurs handicapés, que ces travailleurs ont véritablement été incités à demander la RQTH.
Voilà pourquoi la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé a pu ne pas apparaître comme un critère pertinent pour beaucoup de travailleurs handicapés de plus de quarante ans. Néanmoins, pour tous les travailleurs handicapés de cette génération qui ont demandé et renouvelé leur RQTH en temps utiles, la suppression de ce critère marquerait un terrible recul social. Il faut donc maintenir les deux dispositifs et non pas supprimer l’un au profit de l’autre.
Certes, les débats à l’Assemblée nationale ont abouti à la prolongation de la RQTH pour une période transitoire, mais, comme cela vient d’être souligné, cette décision ne nous paraît pas suffisante. C’est pourquoi cet amendement vise à réintroduire de manière définitive la référence à la RQTH.
M. le président. L'amendement n° 212, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail est prise en compte pour l’appréciation des conditions mentionnées aux articles L. 351-1-3 et L. 634-3-3, au III de l’article L. 643-3 et à l’article L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale, au 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi qu’à l’article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Décidé en 2003, à l’occasion d’une précédente réforme des retraites, le dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés permet à ces derniers, dès lors qu’ils justifient d’un certain taux d’incapacité permanente, de liquider leur retraite à taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite.
En 2010, à l’occasion de la réforme Woerth-Fillon, le dispositif a été remanié afin de permettre aux personnes en situation de handicap reconnues comme travailleurs handicapés, c’est-à-dire ayant obtenu une réponse positive à leur demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, de bénéficier, elles aussi, d’un départ anticipé à la retraite. Cette disposition a été accueillie favorablement par les associations qui interviennent auprès des personnes en situation de handicap. En permettant aux titulaires d’une RQTH de partir à la retraite de manière anticipée, bien qu’ils ne puissent pas justifier d’un taux d’incapacité permanente de 80 %, la loi de 2010 a permis d’élargir des critères qui demeurent trop restrictifs, notamment parce qu’ils sont cumulatifs.
L'article 23 du projet de loi a fait l’objet d’un vif débat à l'Assemblée nationale. Si la réduction du taux d’incapacité permanente de 80 % à 50 % est, à raison, apparue comme une mesure de justice sociale, la suppression de la référence à la RQTH a, au contraire, été perçue comme la fin d’un droit acquis, une régression sociale particulièrement dure à supporter, d’autant que les personnes concernées sont déjà victimes d’une forte discrimination dans l’emploi.
Afin de répondre à ces inquiétudes, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté, sur l’initiative de son rapporteur, un amendement prévoyant que, jusqu’au 31 décembre 2015, les titulaires de la RQTH pourront encore prétendre à bénéficier de ce droit. Si cette mesure atténue une disposition injuste, elle ne constitue pas la réponse qu’attendent les personnes en situation de handicap. Les titulaires d’une RQHT qui ne sont pas atteints d’une incapacité permanente de 50 % et dont les droits à la retraite ne seront ouverts qu’après 2015 ne pourront pas bénéficier d’un départ anticipé à la retraite.
Madame la ministre, vous le savez, les critères de la RQTH et de l’incapacité permanente, même si le taux de cette dernière a été ramené à 50 %, ne sont pas nécessairement les mêmes. On peut être lourdement handicapé et reconnu comme tel par exemple par la maison départementale des personnes handicapées, sans pour autant remplir les critères permettant de bénéficier d’un taux d’incapacité permanente de 50 %. Par conséquent, si cette mesure demeure en l’état, elle apparaîtra inévitablement comme une injustice, ce qu’elle est.
Les députés ont fait un premier pas, et nous nous en réjouissons. Il nous appartient aujourd’hui de faire le suivant. C’est ce que nous vous proposons avec cet amendement.