M. Jean Desessard. En vertu de l’article L. 4121-3-1 du code du travail, dont je fais ma bible ce soir, la fiche de prévention des expositions atterrit à un moment donné sur le bureau du médecin du travail. Ensuite, elle est ajoutée au dossier médical, qui comporte des données confidentielles. Si le médecin du travail n’est pas consulté pour l’établissement des critères de pénibilité, sur quoi va se fonder l’employeur ?
Évidemment, il peut constater qu’un salarié porte des charges plus lourdes que son collègue afin de définir la pénibilité du poste. Mais quelle est la personne la plus à même, au sein de l’entreprise, de considérer que certains travaux sont pénibles, usants et portent à terme atteinte à la santé, si ce n’est le médecin du travail ?
Ne pas consulter le médecin du travail alors que de la pénibilité du poste découleront à terme des problèmes, c’est incompréhensible !
M. Gérard Longuet. C’est surréaliste !
M. Jean Desessard. D’ailleurs, nous n’avons pas prévu dans notre amendement que la fiche individuelle de prévention des expositions serait établie par le médecin du travail. Nous avons seulement indiqué que ce dernier devrait être consulté –« et après consultation du médecin du travail » -, puisque c’est lui qui rencontre les salariés et les écoute lui exposer leurs problèmes. Il peut, par exemple, conseiller de modifier la chaîne de production et la pénibilité relevée disparaîtra. Mais si le médecin ne peut pas faire changer le mode de production et qu’il constate la persistance de la pénibilité, sa consultation sera nécessaire pour déterminer les critères de pénibilité.
Madame la ministre, honnêtement, je ne comprends pas en quoi la consultation du médecin du travail vient contrarier l’esprit de l’article 5 du projet de loi.
M. Jean-François Husson. Que le Gouvernement avance, pour une fois !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Deroche, j’aurais, selon vous, mis en cause l’honnêteté des médecins du travail. Je n’accepte pas cette affirmation. (Mme Catherine Deroche s’exclame.) Vous n’avez pas entendu ou pas voulu entendre les propos que j’ai tenus. Je dis simplement que l’établissement de la fiche individuelle ne relève pas de leur mission, sans mettre nullement en cause l’impartialité ou la compétence des médecins du travail.
Au demeurant, je ne crois pas que le Gouvernement ait à recevoir des observations de votre part sur ce terrain, madame la sénatrice.
Monsieur Desessard, les critères de pénibilité seront nationaux et objectifs. Ils ne varieront pas en fonction du salarié. Il faut distinguer les critères de pénibilité et, le cas échéant, la manière dont, individuellement, chaque salarié réagit à une situation de pénibilité sur le plan médical. Ce second aspect sera apprécié par le médecin du travail, qui aura d’ailleurs connaissance de la fiche de pénibilité. Par exemple, en consultant la fiche d’un salarié, il comprendra pourquoi celui-ci développe telle ou telle pathologie.
J’insiste, le critère de pénibilité ne sera pas adapté à chaque entreprise. S’il faut travailler 99 nuits par an pour satisfaire au critère de pénibilité du travail de nuit, ce nombre de nuits vaudra partout et pour tout le monde.
Par conséquent, le projet de loi représente une avancée en ce qu’il ne permet pas d’appréciation subjective. En cas de doute sur la situation de pénibilité, un recours sera possible devant l’employeur, avant toute procédure juridictionnelle.
Il ne s’agit pas de médicaliser la pénibilité. Sinon, vous en reviendriez à un dispositif du type de celui qui figure dans la loi de 2010 votée par le précédent gouvernement de droite et contre laquelle nous nous sommes élevés, vous comme nous. Aucune appréciation individuelle de la pénibilité par chaque médecin du travail n’est prévue ; il s’agit de définir un critère objectif qui ouvre des droits à de la formation, à un travail à temps partiel ou un départ à la retraite anticipée. Les deux mécanismes sont totalement différents.
En conclusion, votre amendement, monsieur Desessard, aboutirait à l’effet exactement inverse de celui que vous recherchez, c’est-à-dire une appréciation médicalisée et individuelle de la pénibilité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Ce point de la discussion est important et le problème difficile à cerner.
Actuellement, le médecin du travail a pour tâche d’accompagner les salariés, d’effectuer un suivi psychologique les concernant, de suivre leur santé en relation avec leur médecin traitant notamment, et d’examiner l’adéquation entre leurs possibilités et leur travail, afin de s’assurer que leurs missions n’ont pas d’effets nocifs sur leur état de santé. Ce travail est extrêmement important, et très efficace lorsqu’il est bien fait.
S’agissant de la pénibilité, Mme la ministre a raison, lorsqu’on aborde ce problème en fonction du ressenti du patient et des données subjectives de son état de santé, on ne peut pas être objectif et raisonner à l’échelle nationale.
Par ailleurs, et je comprends très bien M. Desessard, en matière de pénibilité et de santé, je ne vois pas comment la médecine du travail pourrait ne pas être présente – et même fortement présente - pour juger des mauvais effets de certaines activités sur la santé.
Il faut reconnaître à la médecine du travail deux missions : d’une part, l’accompagnement individuel des salariés dans leur travail pour s’assurer qu’aucune inadéquation ne les empêche de l’exercer ; d’autre part, à l’échelle nationale, l’indispensable avis sur les tâches effectuées.
Je ne sais pas quelle est la solution, mais tout le monde a un peu raison dans cette affaire.
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, pour explication de vote.
Mme Kalliopi Ango Ela. Des critères objectifs sont évidemment nécessaires, mais il faut aussi tenir compte du fait que chaque individu réagit différemment et que la consultation d’un médecin du travail est toujours utile.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article.
Mme Annie David. Comme nous l’avons dit en intervenant sur article, nous allons nous abstenir. Nous avons bien compris l’avancée que représente ce nouveau compte personnel de prévention de la pénibilité, permettant la prise en considération de la pénibilité des postes, sans se limiter au seul facteur de la maladie.
Néanmoins, malgré les échanges que nous avons pu avoir, il reste beaucoup d’interrogations, notamment sur la manière dont seront remplies ces fiches. Je partage un peu le sentiment de certains mes collègues, de M. Jean Desessard et des membres de son groupe, sur la place des différents acteurs dans l’élaboration de ces fiches, en particulier la médecine du travail et le CHSCT.
Les employeurs rempliront ces fiches – elles existent déjà dans le code du travail – pour que les comptes des salariés soient alimentés en points, et ainsi leur ouvrir des droits en lien avec la pénibilité de leur travail.
Nous sommes troublés par le fait que le choix des salariés dans ce cadre – partir en préretraite, avoir droit à une formation, travailler à temps partiel, par exemple – dépend de la bonne volonté de l’employeur, puisque chacune de ces options sera soumise à son accord pour être concrétisée.
Ces fiches individuelles existent déjà dans le code de travail, certes, mais elles sont peu ou mal remplies par les employeurs. Cette difficulté est fortement pointée par les organisations syndicales, mais aussi par l’ensemble des salariés concernés par ces fiches.
Aujourd’hui, une liste des tâches pénibles est définie par décret, dont, entre autres, le travail de nuit, le travail posté, le travail en extérieur, ou encore le travail nécessitant la répétition de certaines tâches. Il existe donc une définition réglementaire claire.
Ces fiches seront en revanche remplies par l’employeur en fonction du poste occupé par le salarié. Le salarié n’a que trois ans pour contester le fait que l’employeur ait rempli correctement ou non la fiche lui ouvrant droit à des points sur son compte de prévention de la pénibilité. Confier à l’employeur le soin de remplir la fiche, sans qu’il y ait d’autres possibilités pour le salarié que celle de se défendre lui-même, et de faire valoir ses droits face à l’employeur, ne nous semble pas assez protecteur.
Le salarié n’est pas suffisamment assuré de bénéficier réellement de ce droit nouveau et important, créé avec le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Il nous semble, madame la ministre, que les choses sont encore un peu trop floues. Nous aurions aimé obtenir davantage d’éclaircissements, pour garantir que ces fiches seront correctement remplies.
Ces insuffisances amènent notre groupe à s’abstenir sur cet article, bien que nous soyons persuadés qu’il ne faut plus prendre en compte la pénibilité sous le seul angle de la maladie – les fameux 20 % -, comme nous n’avons pas cessé de le demander depuis de nombreuses années.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous comprenons les interrogations de notre collègue Annie David sur la mise en œuvre concrète du dispositif. Nous considérons toutefois qu’il s’agit d’une avancée importante dans la prise en compte de la pénibilité par des facteurs objectifs, corrigés au niveau de l’entreprise par le médecin du travail et le CHSCT – grâce aux deux amendements que nous avons votés.
Parce qu’il constitue une avancée réelle, nous voterons cet article 5, tel qu’il a été amendé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous nous abstiendrons sur cet article. Nous sommes favorables à l’introduction de la prise en compte de la pénibilité avec un effet différé ; nous l’avons dit et répété hier.
Simplement, au-delà du problème de son remplissage, nous ne saisissons pas bien les modalités pratiques de mise en œuvre et d’utilisation de cette fiche. C’est le vrai problème ! Comment ces fiches vont-elles être utilisées dans les entreprises ?
Que l’on ne se méprenne pas, mon groupe et moi-même sommes totalement favorables à cette disposition, mais les conditions de sa mise en œuvre et de son utilisation la plus efficace possible n’ont pas été assez étudiées. En affirmant que c’est le travail du délégué du personnel et du CHSCT, on se contente de répéter le code du travail. Concrètement, qu’est-ce qui incitera les employeurs à remplir correctement cette fiche ?
Ce texte comporte encore certaines faiblesses sur lesquelles il nous faudra revenir si nous voulons gagner en efficacité, faute de quoi ce système apparaîtra comme une nouvelle usine à gaz !
Nous nous abstiendrons donc.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le groupe UMP considère qu’il faudrait progresser sur l’organisation pratique de la mise en œuvre de la lutte contre la pénibilité.
Nous avons bien vu, à l’occasion de l’examen d’amendements présentés par le groupe CRC comme par le groupe écologiste, que nous pouvions cheminer sur la question du compromis difficile entre ce qui est défini par l’entreprise et ce qui est établi par décret.
Vous vous souciez, madame la ministre, d’avoir des normes nationales qui s’imposent. Dans cet hémicycle, en revanche, beaucoup souhaitent restituer la responsabilité de définir la pénibilité à la vérité de l’entreprise et, en ce qui nous concerne, à la vérité de la branche.
À cet instant du débat, nous craignons une nationalisation de la pénibilité : elle deviendra un enjeu politique autour de la modification du décret, qui affectera en cascade la branche et les entreprises.
Vous n’avez pas encore trouvé de solution. Nous ne pouvons pas vous le reprocher, la tâche est difficile. Nous avions ouvert le débat sur la pénibilité en 2003, et il est vrai que les négociations entre employeurs et salariés n’avaient pas été d’une abondance telle que l’on aurait pu en sortir totalement convaincu de la pertinence de la voie contractuelle pour régler ces problèmes.
Nous avons néanmoins la faiblesse de penser que, sur le long terme, la voie contractuelle, la négociation par branche, est plus solide. L’État a bien sa place, mais il doit se limiter à un rôle d’incitation. Ainsi, l’amendement n° 265 que nous avions proposé n’écartait pas l’intervention de l’État, mais posait comme préalable la négociation par branche. Cet amendement a été écarté. Ce n’est pas grave, nous continuons la discussion, même si elle relève plus d’un travail de commission que d’un débat de synthèse.
Nous ne condamnons pas l’effort de lutte contre la pénibilité. Mais, à cet instant de la discussion, bien que nous partagions largement l’analyse de Jean-Marie Vanlerenberghe, nous n’en tirons pas les mêmes conclusions sur le plan tactique.
Nous voterons contre cet article 5, considérant que, malgré les avancées qu’il comporte – nous y avons contribué, notamment à propos du rôle du médecin ou du CHSCT –, l’équilibre n’est pas encore clairement trouvé entre ce que doivent être respectivement le rôle de l’État, gardien vigilant de l’obligation de progresser, et le rôle des branches et des entreprises, au plus proche des réalités pour apporter des réponses concrètes.
Mais nous ne désespérons pas, certains que, lors du débat à l’Assemblée nationale,…
M. Jean-François Husson. La procédure accélérée a été engagée, donc pas de deuxième lecture !
M. Gérard Longuet. … ou à l’occasion de propositions de loi ultérieures, nous pourrons utilement progresser.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 5
M. le président. L'amendement n° 313, présenté par M. Domeizel, Mme Demontès, MM. Teulade, Kerdraon, Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les organismes en charge de la prévention transmettent à l’Observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, un bilan annuel des mesures financées de prévention de la pénibilité, au plus tard le 30 juin.
L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est chargé de synthétiser ces rapports afin d’établir un bilan global de la prévention de la pénibilité.
Ce bilan sera transmis au Conseil d’orientation des retraites pour alimenter ses travaux.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Il s’agit d’une mesure de sensibilisation à la pénibilité. Je vous prie de considérer que l’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je suis signataire de cet amendement, à titre personnel, et la commission m’a suivie en émettant un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’amendement vise à la production d’un rapport, déjà prévu à l’article 5 bis. Il me semble qu’il y a donc une répétition, mais, après tout, il est toujours possible de répéter les rapports !
M. le président. L’amendement est-il maintenu, monsieur Domeizel ?
M. Claude Domeizel. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 313 est retiré.
Article 5 bis (nouveau)
Le Gouvernement présente au Parlement, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail et avant le 31 décembre 2020, un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur l’application du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail. Tout projet d’actualisation du décret mentionné à l’article L. 4161-1 du code du travail, notamment en fonction de l’évolution des métiers et des conditions de leur exercice, doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel aux fins d’une éventuelle négociation.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article prévoit la présentation au Parlement avant 2020 d’un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés. Il prévoit également qu’une actualisation des critères de pénibilité, définis par le code du travail, peut intervenir après consultation des organisations syndicales.
Ce rapport est une bonne chose. Il faut cependant être vigilant, pour que la dimension « genrée » de la pénibilité au travail ne soit pas ignorée.
Dans le rapport d’information qu’elle a adopté à l’unanimité, Femmes et travail : agir pour un nouvel âge de l'émancipation, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes avait souligné l’invisibilité de la pénibilité des métiers féminins.
Il n’est pas inutile de nous arrêter quelques instants sur le sujet et de citer les termes de ce rapport.
« Dans une vision restée très masculine de l’organisation du travail, les emplois occupés par les femmes sont considérés, a priori, comme moins lourds, moins astreignants, moins pénibles, et moins dangereux que ceux occupés par les hommes. De ce fait, la dureté des emplois féminins reste systématiquement sous-évaluée », y compris par les femmes elles-mêmes.
« Les responsables de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ont présenté un exemple concret, tiré d’une enquête réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. À la question : "Portez-vous des charges ? ", un homme qui soulève des colis de vingt kilos répondra positivement. Mais une femme travaillant dans le secteur des soins à la personne et qui est amenée à soulever des patients bien plus pesants aura tendance à répondre négativement.
« Autrement dit, la construction de l’appareil statistique concourt à l’invisibilité des pénibilités et des risques des emplois à prédominance féminine. »
C’est pourquoi la délégation sénatoriale aux droits des femmes, saisie de ce projet de loi, a tenu à insister une fois de plus sur l’insuffisante prise en compte des facteurs spécifiques de pénibilité auxquels les femmes sont exposées.
À cet égard, notre délégation a adopté trois recommandations dans son rapport d’information.
La première recommandation, relative à l’articulation entre amplitude horaire, temps partiel et pénibilité, n’a pas pu prospérer, l’article 40 ayant été invoqué.
La deuxième vise à assurer que les négociations s’appuient sur des statistiques adaptées aux facteurs de pénibilité auxquels les femmes sont spécifiquement exposées. Ces données chiffrées devraient mettre un terme à cette sous-évaluation systématique de la pénibilité au féminin.
La troisième vise à garantir que les renégociations avec les partenaires sociaux sur l’actualisation des facteurs de pénibilité définis dans le code du travail seront menées sur la base d’une représentation équilibrée des hommes et des femmes. Cet objectif relève à nos yeux de l’évidence.
Mes chers collègues, ces deux recommandations vont être présentées par Mme la rapporteur. Je vous invite naturellement à adopter l’amendement afférent.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Tous les sept ans à compter de la promulgation de la loi n° … garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le Gouvernement présente au Parlement, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur l’application du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail.
II. – Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 bis prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur le sujet au cours de l’année 2020. Pour notre part, nous souhaitons donner à la production de ce document une périodicité de sept ans afin de pouvoir suivre l’évolution des conditions de travail. Celles-ci connaissent en effet de rapides changements. Je songe notamment aux nouvelles formes d’organisation des tâches dans le secteur tertiaire. Une grande réactivité est donc nécessaire pour évaluer les conséquences de ces transformations.
Il convient également de mener une réflexion approfondie pour élaborer les outils les mieux à même de prévenir les nouvelles formes de pénibilité. Il s’agit là de la première partie de l’amendement.
Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer la seconde phrase de l’article. Cette disposition est satisfaite par un article du code du travail issu de la loi Larcher de 2007. Au reste, les partenaires sociaux ne souhaitent pas nécessairement la tenue d’une négociation interprofessionnelle sur la pénibilité, ils nous l’ont dit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 319 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Gonthier-Maurin, M. Courteau, Mmes Génisson, Printz et Sittler, M. C. Bourquin et Mmes Cartron, D. Michel, Bouchoux et Meunier, est ainsi libellé :
Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport prend en compte les conditions de pénibilité auxquelles sont plus particulièrement exposées les femmes.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à insérer, à l’article 5 bis tel que rédigé par l’Assemblée nationale, une préconisation conduisant à prendre en compte, dans les études consacrées à la pénibilité des différents métiers, la dimension sexuée du problème.
Qu’il s’agisse des tâches domestiques ou d’un certain nombre de métiers, les unes prolongeant d’ailleurs souvent les autres, le travail des femmes est souvent invisible. À ce titre, je souligne que l’article D.4121-5 du code du travail, dans la rédaction issue des concertations entre les partenaires sociaux, correspond à la représentation d’un monde industriel et masculin. Ces dispositions n’ont pas intégré les évolutions qu’ont connues l’activité professionnelle des femmes et les différents emplois, en particulier les spécificités de l’emploi des femmes.
Monsieur le président, je souhaiterais défendre également l’amendement suivant, qui est lié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 350 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Gonthier-Maurin, M. Courteau, Mmes Génisson, Printz et Sittler, M. C. Bourquin et Mmes Cartron, D. Michel, Bouchoux et Meunier, et ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette concertation s’appuie sur une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des délégations syndicales.
Veuillez poursuivre, madame Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 350 rectifié bis vise à faire en sorte que les études menées identifient les spécificités du travail des femmes et s’interrogent sur les raisons pour lesquelles les négociations des partenaires sociaux les reflètent si peu. D’emblée, on observe que les délégations chargées de ces négociations – qu’il s’agisse des représentants des syndicats, des employés ou des employeurs – présentent souvent une forte majorité masculine.
À ce titre, pour les discussions entre les partenaires sociaux ayant une incidence sur la pénibilité du travail des femmes, ce second amendement tend à garantir la parité des délégations.
Nous débattrons plus largement de ces sujets avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, lors de la deuxième lecture du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Peut-être serait-il bon d’établir que toute décision prise par une instance qui n’est pas composée d’au moins 30 % de femmes est nulle de nullité absolue !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 319 rectifié bis et 350 rectifié bis ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La délégation aux droits des femmes a insisté, à l’unanimité, sur la prise en compte des conditions de pénibilité spécifiques auxquelles sont exposées les femmes.
Mme Catherine Génisson. Dans les métiers exercés par les femmes !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame Rossignol, il faut indiquer que ce problème doit être étudié, non pas uniquement dans le rapport remis par le Gouvernement au Parlement en 2020, mais dans les rapports rédigés à l’avenir tous les sept ans. Il s’agit ici de prendre en compte l’amendement qui vient d’être adopté.
Mme Laurence Rossignol. C’est encore mieux !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cette précision étant apportée, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 319 rectifié bis.
Concernant l’amendement n° 350 rectifié bis, je souligne que j’ai pris part aux débats de la délégation aux droits des femmes consacrés à la parité des délégations syndicales lors de la concertation préalable relative à la modification du décret. Néanmoins, l’adoption de l’amendement n° 408 a conduit à supprimer la seconde phrase de l’article 5 bis !
M. le président. En effet, mes chers collègues, l’amendement n° 350 rectifié bis n’a techniquement plus d’objet du fait de l’adoption de l’amendement n° 408.
M. Michel Le Scouarnec. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Toutefois, cette piste pourra être reprise lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’égalité professionnelle
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 319 rectifié bis ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 319 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement est tout à fait intéressant. De fait, il tend à différencier l’appréciation de la pénibilité du travail selon les sexes.