M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je vous remercie de toutes ces explications, madame la ministre, mais, comme l’ensemble des membres de mon groupe, je reste très soucieuse.
Nous n’avons pas la même lecture que vous de l’ANI. À cet égard, notre vote ne vous aura pas échappé. Nous restons aussi particulièrement vigilants sur la question du temps partiel, majoritairement subi, qui pose de graves problèmes. De ce point de vue, l’ANI ne nous a pas semblé protecteur ; au contraire, il vise, selon nous, à accentuer la flexibilité.
Par conséquent, notre amendement a pour objet d’introduire une mesure de protection, qu’il nous semble important de vous soumettre de nouveau, car nous l’avions déjà votée il n’y a pas si longtemps. Malgré certaines modifications, nos craintes ne sont absolument pas levées.
Malheureusement, les femmes se trouvent aujourd’hui dans une situation de grande précarité du point de vue du temps partiel.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. La question du temps partiel, qui est souvent subi pour les femmes, est un sujet central, et nous nous devons de lutter contre la précarisation que cette forme de travail entraîne pour beaucoup de femmes.
L’article de l’ANI traitant de ce point a été largement discuté lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, des améliorations ont été apportées au texte initial : un nombre d’heures de travail plancher, la reconnaissance de la première heure supplémentaire par rapport au temps partiel initialement défini. Pour autant, il existe un certain nombre de dérogations.
Par ailleurs, je vous remercie de nous avoir indiqué que vous produirez un rapport au cours du premier semestre 2014 concernant la loi relative à la sécurisation de l’emploi. M. le ministre du travail s’est engagé, quant à lui, à remettre un rapport détaillé sur les conséquences de l’application de l’article 12 de ce texte.
À mon sens, le débat reste ouvert. Nous nous sommes collectivement demandé si les dispositions issues de la négociation sociale concernant l’encadrement du temps partiel subi étaient suffisantes. Pour l’heure, faisons confiance au travail des partenaires sociaux, attendons avec impatience les rapports qui nous sont promis et soyons ouverts à des propositions qui pourraient, notamment, conduire à encadrer ces temps partiels subis.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Certes, l’article de l’ANI relatif au travail à temps partiel pose la règle des vingt-quatre heures, mais il fixe également un grand nombre de dérogations, tant du point de vue des horaires que pour ce qui concerne la rémunération de la première heure complémentaire. Ainsi, si un accord est conclu avec un temps hebdomadaire de travail inférieur à vingt-quatre heures, il n’y aura pas de financement dès la première heure !
Au cours des débats que nous avons consacrés à cet article, chacun de nos amendements a reçu la même réponse : « Nous étudierons cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes. » Aujourd’hui, nous y sommes ! Nous étudions ce texte ! Il nous semble donc important de revenir sur ces propositions que nous avons déjà formulées au mois de janvier.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà !
Mme Annie David. Les arguments que le Gouvernement nous oppose ne sont clairement pas satisfaisants, quand on connaît le sort des salariés subissant des temps partiels au sein des entreprises.
Madame la ministre, vous connaissez cette situation, comme nous tous dans cet hémicycle ! Il est grand temps que le Gouvernement dise « stop ! ». Il faut que cela cesse. Il faut que les femmes subissant un temps partiel obtiennent une reconnaissance particulière.
Il y a quelques instants, nous avons mentionné d’autres mesures, qui n’ont pas non plus été acceptées. Sur ce sujet, nous évoquons somme toute une pénalisation des entreprises qui auraient recours à un trop grand nombre de temps partiels. À un moment ou un autre, il faudra prendre des mesures. Nous souhaitons que le Gouvernement agisse dès à présent. Il ne faut pas que ce sujet soit encore reporté à d’autres négociations.
Je le répète, chaque fois que nous soulevons ces questions en séance publique, on nous répond que les mesures demandées seront adoptées lors de l’examen d’un prochain texte. Or le texte en question arrive en discussion, et nos propositions sont également repoussées. Les femmes qui, au sein des entreprises, subissent un temps partiel, qui plus est dans des conditions déplorables, doivent enfin être entendues. Pour notre part, nous essayons de faire entendre leur voix.
Nous attendons avec impatience le bilan que vous nous promettez pour le premier semestre 2014, mais nous regrettons de n’avoir pas obtenu gain de cause ce soir. Je le répète, l’article en cause de l’ANI ne résout en rien ces problèmes. Nous tous avons été soumis à une pression extraordinaire de la part d’une fédération d’employeurs, vous le savez bien. Ainsi, au fur et à mesure que l’accord national interprofessionnel avançait, nombre de dérogations ont été apportées pour permettre que, dans le changement, rien ne change. Pis, les heures complémentaires effectuées par ces salariés à temps partiel risquent de ne plus être seulement rémunérées !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis (nouveau)
À l’article L. 1132-1 du code du travail, après les mots : « de sa situation de famille ou de sa grossesse », sont insérés les mots : « de l’utilisation de ses droits en matière de parentalité, ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 5 bis
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est supprimé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit, par cet amendement, de revenir sur une mesure adoptée en 2008 qui remet en cause le principe de mixité à l’école en permettant des dérogations à ce dernier.
Depuis le début de cette après-midi, nous sommes revenus à de multiples reprises sur l’importance de l’école en général et, en particulier, sur celle de la lutte contre les discriminations et les stéréotypes, susceptibles de naître dès le plus jeune âge. Nous souscrivons à ce constat, et il ne nous semble nullement justifié de prévoir l’organisation d’enseignements non mixtes dans le cadre de l’éducation nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission s’est longuement interrogée sur l’objet de l’article visé par cet amendement de suppression, au sein de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire.
Dans le court laps de temps qui lui était imparti pour examiner le présent amendement, la commission n’a pas pu déterminer l’origine ou la justification de cette dérogation à la mixité de l’enseignement. Ainsi, sous réserve de l’avis et de l’expertise du Gouvernement, elle émet un avis favorable sur cet amendement, dans la mesure où nous n’avons pas compris à quoi pouvait servir la disposition en cause !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Cukierman, la loi du 27 mai 2008 a opéré la transposition d’une directive de 2004, mais elle l’a assurée a minima. En effet, ce texte n’exclut pas tout le champ de l’éducation du principe de non-discrimination en raison du sexe. Il se contente d’autoriser l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.
Il ne s’agit en aucun cas d’affirmer que l’ensemble des enseignements pourraient ainsi être organisés : de fait, une telle disposition reviendrait à remettre en cause un principe auquel nous sommes, comme vous, extrêmement attachés. La mixité reste évidemment la règle fondamentale. Elle est du reste consacrée par un certain nombre de textes que vous connaissez aussi bien que moi.
La possibilité ouverte par la loi du 27 mai 2008 est très limitée. Elle permet simplement de ne pas faire obstacle aux démarches expérimentales conduites ici ou là en vue de renforcer l’égalité entre les filles et les garçons en aménageant des moments de non-mixité, notamment pour libérer la parole des uns ou des autres.
Aussi, je ne suis pas favorable à cet amendement de suppression,…
Mme Annie David. C’est incroyable !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … car je ne perçois pas, dans la disposition en question, de risque d’une remise en cause du principe de mixité de l’éducation.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je souligne à ce propos que, depuis quelques mois, le Gouvernement mène précisément une action d’ampleur pour garantir la mise en œuvre réelle de la mixité au sein de l’éducation nationale. Il s’agit notamment d’assurer l’égalité entre les filles et les garçons, objectif réaffirmé à travers la nouvelle convention interministérielle pour l’égalité que j’ai signée avec quatre autres ministres au mois de février dernier.
Par ailleurs, la mixité réelle passe par l’égalité réaffirmée dans la formation des enseignants, telle qu’elle a été réintroduite dans la loi portant refondation de l’école de la République. C’est encore le principe réitéré par les expérimentations dites « ABCD de l’égalité », que nous mettons en œuvre dans 600 classes, auprès des jeunes enfants, en cette rentrée 2013.
M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.
Madame la ministre, j’ai bien entendu vos propos. Il n’y a pas de faux procès, ni sur ce sujet ni sur aucun autre ! Toutefois, la loi du 27 mai 2008 me semble très précise : il y est question d’« enseignement ». De plus, les dispositions que vous évoquez ne sont pas incompatibles avec l’affirmation de la mixité dans l’enseignement.
Parlons de cas concrets : en classe de quatrième, l’enseignement des sciences de la vie et de la terre est mixte. Mais ce principe n’empêche pas l’enseignant, au titre de sa liberté pédagogique de mise en œuvre de l’enseignement, de constituer, à un moment ou à un autre, des groupes de travail selon différents critères, au rang desquels figure le sexe. Ce n’est pas là une remise en cause de l’enseignement en tant que tel, dans son principe de mixité.
Aujourd’hui, dans presque tous les lieux d’enseignement, les professeurs font ponctuellement le choix d’organiser des groupes séparés, pour libérer la parole ou approfondir des sujets susceptibles d’atteindre la sensibilité des jeunes en développement. Cette solution est autorisée, et ce n’est pas cette dérogation qui, aujourd’hui, le permet.
Je n’ouvrirai pas ici le débat relatif à la charte de la laïcité. Toutefois, en cette période de rentrée, il me semble nécessaire de réaffirmer, à travers le présent projet de loi, que l’enseignement doit se fonder sur le principe de mixité, qui est celui de la confrontation, de l’échange et de l’enrichissement avec l’autre, pour permettre à l’élève de mieux se construire soi-même. Cela étant, au titre de la liberté pédagogique, l’enseignant peut bien sûr organiser des travaux en demi-groupe, sous le contrôle de l’inspecteur pédagogique.
Il faut véritablement nuancer cette question : il ne s’agit pas de défendre une mixité exclusive. Des temps précis et circonscrits peuvent être dédiés à des groupes non mixtes. Mais l’enseignement en tant que tel doit être mixte tout au long de l’année, pour tenir compte des exigences des programmes.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur. À titre personnel, et contrairement à Mme Cukierman, j’ai été convaincue par les explications de Mme la ministre. En effet, il me semble que l’organisation de tels enseignements est limitée à des moments bien précis. Il ne s’agit donc pas de modifier l’enseignement d’une discipline dans son ensemble. Qui plus est, c’est là une possibilité et non une obligation. L’objectif est simplement le suivant : si de tels moments sont organisés, on ne pourra pas accuser l’enseignant de discrimination en fonction du sexe.
Telle qu’elle est formulée, et compte tenu des explications de Mme la ministre, la disposition en cause me semble pouvoir demeurer en l’état dans le droit français. De surcroît, le long débat que l’on vient de consacrer à l’école n’a pas conduit à soulever cette question. Si celle-ci constituait un réel problème, sans doute aurait-elle été évoquée à cette occasion !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il y a un principe de mixité !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 ter (nouveau)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 2323-47, après les mots : « de conditions de travail, » sont insérés les mots : « de sécurité et de santé au travail, » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 2323-57, après les mots : « de conditions de travail, » sont insérés les mots : « de sécurité et de santé au travail, ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er juillet 2013, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d'impôt prévues par le code général des impôts. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En présentant un précédent amendement relatif aux marchés publics, nous avons défendu l’idée selon laquelle la mobilisation des deniers publics en direction des entreprises privées devait être conditionnée à un certain nombre de critères, notamment sociaux.
Nous sommes convaincus que, pour être réduites, les inégalités salariales doivent figurer au nombre des critères retenus pour conditionner les subventions publiques sous toutes leurs formes, y compris lorsque celles-ci sont attribuées au titre d’exonérations de cotisations sociales. Ces dispositions coûtent particulièrement cher à la sécurité sociale et conduisent mécaniquement à une réduction du champ d’intervention de la solidarité nationale.
De même, l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes appauvrit notre système de protection sociale, dans la mesure où les cotisations sociales sont précisément assises sur les salaires. Il ressort de cette situation que les employeurs discriminant les femmes en leur imposant des salaires inférieurs à ceux des hommes portent doublement atteinte à notre pacte social.
À l’heure où certains voudraient imposer d’importants reculs sociaux en matière de retraite en raison d’une insuffisance de financement, d’autres pistes nous paraissent possibles. Celle que nous proposons via cet amendement – à savoir la suppression des exonérations de cotisations sociales consenties aux entreprises tant que ces dernières ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes – nous semble constituer un vecteur efficace pour lutter contre les inégalités salariales et assurer un meilleur financement de notre protection sociale.
Nous sommes nombreuses et nombreux à défendre cette position. Ainsi, une note de la Caisse nationale d’assurance vieillesse a mis au jour, en 2010, les importants surcroîts de ressources dont pourrait bénéficier la branche retraite si les entreprises non couvertes par un accord d’égalité salariale se voyaient départies de cet avantage social indûment distribué.
Du reste, convaincus de l’opportunité de cette mesure, nous avons, sur l’initiative de notre collègue Claire-Lise Campion, adopté la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, dont l’article 1er rappelle cette évidence.
Dans la mesure où les inégalités salariales subsistent, la mise en œuvre rapide de cette mesure paraît plus que légitime.
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Teulade, Mmes Meunier et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mme Lepage, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz, Rossignol et Campion, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2015, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d'impôt prévues par le code général des impôts. »
La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. En matière d’égalité professionnelle et en particulier salariale, force est de constater que pas moins de cinq lois, en moins de cinquante ans, ont affirmé le principe cardinal d’égalité de rémunération.
Afin d’assurer son entière application, de nombreux dispositifs ont été créés, tels que le rapport de situation comparée instauré par la grande loi Roudy de 1983.
Malheureusement, au regard de la situation actuelle, le constat est sans appel : l’égalité salariale demeure davantage un mythe qu’une réalité. En effet, en moyenne et tout emploi confondu, les femmes perçoivent une rémunération inférieure de 27 % à celle des hommes. De manière mécanique, il en résulte que le montant de leurs droits directs à pension de retraite est quasiment inférieur de moitié – 42 % – à celui des hommes, les femmes validant moins souvent des carrières complètes.
L’arsenal juridique en vigueur paraît insuffisant, dans la mesure où il se révèle trop peu dissuasif pour les entreprises.
Le présent amendement vise à rompre avec cette logique et à prévoir que toute entreprise qui ne sera pas couverte par un accord relatif à l’égalité salariale d’ici au 1er janvier 2015 ne pourra bénéficier ni des réductions de cotisations sur les bas salaires ni de réductions d’impôt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements tendent à supprimer les allègements de charges sociales et les réductions d’impôt pour les entreprises non couvertes par un accord sur l’égalité salariale. Comme cela a été rappelé, c’est une proposition que nous avons votée dans cette enceinte en 2012.
L’amendement n° 54 rectifié arrête l’entrée en vigueur de la mesure au 1er juillet 2013…
Mme Annie David. Madame la rapporteur pour avis, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je vous en prie, ma chère collègue.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, avec l’autorisation de l’orateur.
Mme Annie David. Je souhaite rectifier cet amendement et remplacer la date du 1er juillet 2013 par celle du 1er juillet 2014.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 54 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er juillet 2014, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d'impôt prévues par le code général des impôts. »
Veuillez poursuivre, madame la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Quoi qu’il en soit, l’amendement n° 84 rectifié fixe l’entrée en vigueur de la mesure proposée au 1er janvier 2015, date qui a la préférence de la commission des affaires sociales. C’est pourquoi elle émet un avis favorable sur cet amendement. Par voie de conséquence, elle vous demande, madame David, de bien vouloir retirer l’amendement n° 54 rectifié bis, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ces deux amendements tendent à sanctionner les entreprises non couvertes par un accord résultant de la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes en leur supprimant les allègements de charges.
En l’état actuel du droit, ces propositions reviendraient à introduire une deuxième sanction pour une seule et même faute et le Gouvernement ne saurait y souscrire pour trois raisons.
Premièrement, nous sommes parvenus à un équilibre avec les partenaires sociaux pour rendre effective dans l’entreprise la négociation sur l’égalité professionnelle, équilibre que je ne veux pas bouleverser. Ne revenons pas sur cet accord majoritaire. Comme je vous l’indiquais, nous ferons le point chaque semestre sur ses effets.
Deuxièmement, la suppression automatique des allègements de charge poserait un problème constitutionnel de proportionnalité des peines, puisqu’une telle sanction créerait une double peine.
Troisièmement, les codes du travail et de la sécurité sociale fournissent déjà les moyens juridiques de faire jouer le dispositif de conditionnalité des allègements de charges prévu en 2008. Telle n’était pas l’interprétation retenue par le gouvernement précédent, notamment en 2011, mais, je le répète, le droit strict nous offre cette possibilité.
Au final, si le dispositif que nous vous proposons d’inscrire dans la loi en application de l’accord conclu entre partenaires sociaux le 19 juin dernier ne suffit pas au terme d’un bilan, nous envisagerons alors des mesures complémentaires qui pourraient conduire à remettre sur la table la conditionnalité des allégements des charges.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, madame David, monsieur Teulade, à retirer vos amendements, sans quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Nous abordons un point très important du texte. Comme l’ont rappelé tant René Teulade que Mme la rapporteur pour avis, le Sénat avait adopté des dispositions analogues en 2012 à une très large majorité. Or il n’est pas coutume dans notre assemblée de faire marche arrière.
J’ai écouté vos arguments, madame la ministre, mais je voudrais pousser plus avant la clarification.
Tout d’abord, je ne vous suivrai pas lorsque vous évoquez une éventuelle inconstitutionnalité.
Par ailleurs, vous parlez d’une double sanction. Or vous reconnaissez vous-même que la conditionnalité existe déjà en droit : il est donc d’ores et déjà possible de soumettre l’attribution d’un certain nombre d’avantages fiscaux à des conditions – d’où le terme même de « conditionnalité » que vous avez employé. Il y a en l’espèce non pas invention d’une nouvelle sanction, mais tout simplement rappel de cette conditionnalité.
De plus, le texte proposé issu de la négociation nous paraît insuffisamment précis, voire quelque peu dilatoire, raison pour laquelle l’amendement déposé par mon groupe retient la date du 1er janvier 2015.
Si vous voulez que le groupe socialiste révise sa position, il faudrait que vous nous apportiez des assurances sur le processus conduisant à la conclusion des accords.
C’est bien d’engager un accord, mais s’il n’aboutit jamais, les problèmes restent sans solution. Bref, madame la ministre, comment pensez-vous faire évoluer la négociation en cours de façon que les accords soient véritablement signés par des entreprises qui, jusqu’à présent, n’ont pas fait montre d’un très grand empressement ?
Certes, l’amendement n° 176, que vous avez soutenu et qui a été adopté, a amélioré le présent texte et permis de clarifier le lien entre les accords salariaux et ceux qui ont trait à l’égalité.
Mais, comme cela a d’ailleurs été également relevé tout à l’heure à propos des emplois à temps partiel, les dispositions en cause semblent renvoyées à plus tard avec une certaine incertitude.
Je le rappelle, c’est à une très large majorité que cet amendement n° 84 rectifié a été adopté par notre groupe, qui s’est appuyé sur le vote de 2012. Par conséquent, il est essentiel pour nous d’obtenir de votre part des assurances sur la question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Tasca, je comprends vos exigences sur ce sujet, car il est vrai que les entreprises n’ont que trop tardé à respecter leurs obligations.
Voici comment nous comptons procéder. D’abord, nous avons enfin rendu effectifs le contrôle du respect par les entreprises de leurs obligations et, par voie de conséquence, les sanctions qu’elles encourent. Plus de quatre cents d’entre elles ont d’ores et déjà été mises en demeure depuis la mise en place de cette nouvelle procédure de contrôle au mois de janvier dernier et quatre ont été sanctionnées. On constate donc une montée en puissance du mécanisme.
En outre, la transposition des dispositions de l’accord entre partenaires sociaux du 19 juin dernier conduit à une simplification des négociations au sein des entreprises.
Nous sommes prêts à prendre des mesures supplémentaires si ces deux dispositions recueillaient des résultats insatisfaisants. Chaque semestre, nous faisons le point après avoir obtenu de la part de certaines entreprises communication de leurs plans ou de leurs accords. Nous aviserons si nous estimons que notre action n’est pas suffisante. En l’état actuel des choses, je vous propose de nous en tenir là.
Je tiens enfin à apporter une précision. Faire jouer la conditionnalité prévue par le code de la sécurité sociale et supprimer l’exonération des charges, les fameuses « exonérations Fillon », sont deux choses différentes qu’il convient de bien distinguer. Je vous demande de nouveau, madame Tasca, monsieur Teulade, de bien vouloir retirer vos amendements pour éviter toute peine disproportionnée
M. le président. Madame David, l’amendement n° 54 rectifié bis est-il maintenu ?