Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Jacques Gillot.

1. Procès-verbal

2. Modification de l’ordre du jour

3. Égalité entre les femmes et les hommes. – Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement ; Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; M. Jean Pierre Sueur, président de la commission des lois.

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

M. André Reichardt, Mmes Cécile Cukierman, Chantal Jouanno, Françoise Laborde, Esther Benbassa, Catherine Tasca, M. Roland Courteau, Mmes Muguette Dini, Corinne Bouchoux, Laurence Rossignol, M. Thani Mohamed Soilihi.

Clôture de la discussion générale.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.

Article 1er

M. René Teulade, Mmes Cécile Cukierman, Gisèle Printz, Catherine Génisson.

Amendement n° 7 rectifié de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Virginie Klès, rapporteur ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption.

Amendement n° 132 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Cécile Cukierman, Virginie Klès, rapporteur ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels avant l'article 2

Amendement n° 81 de Mme Catherine Génisson. – Mmes Catherine Génisson, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

4. Désignation d'une sénatrice en mission temporaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

5. Égalité entre les femmes et les hommes. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels avant l’article 2 (suite)

Amendement n° 179 rectifié du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 180 du Gouvernement et sous-amendement n° 193 de Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 177 du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Catherine Tasca, Annie David. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 176 du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Annie David. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2

Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Michèle André, Gisèle Printz, M. Jean Boyer.

Amendement n° 93 de Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. – Mmes Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption.

Amendement n° 181 rectifié bis du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Mme Catherine Génisson. – Adoption.

Amendement n° 183 du Gouvernement. – Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.

Amendements nos 94 et 95 de Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. – Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption, en priorité, des amendements nos 94 et 95, l'amendement n° 183 devenant sans objet

Amendements nos 29 rectifié ter et 30 rectifié ter de M. Gérard Dériot. – Mmes Christiane Kammermann, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 192 du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Catherine Tasca. – Adoption.

Amendement n° 182 du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis. – Adoption.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Catherine Troendle. – M. André Reichardt, Mmes Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption.

Amendement n° 31 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Christiane Kammermann, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet.

Amendement n° 2 rectifié de Mme Catherine Troendle. – M. André Reichardt, Mmes Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet.

Amendement n° 46 de Mme Isabelle Pasquet. – Mmes Isabelle Pasquet, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 2

Amendement n° 83 de Mme Catherine Génisson. – Mmes Catherine Génisson, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 9 rectifié de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois ; Catherine Génisson. – Retrait.

Amendement n° 47 de Mme Isabelle Pasquet. – Mmes Isabelle Pasquet, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet.

Amendement n° 48 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Laurence Cohen, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Annie David. – Rejet.

Amendement n° 49 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Laurence Cohen, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Catherine Génisson, M. Jean-Claude Lenoir. – Rejet.

Amendement n° 82 de Mme Catherine Génisson. – Mmes Catherine Génisson, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Retrait.

Amendement n° 184 du Gouvernement. – Mmes Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Michelle Meunier, rapporteur pour avis. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 3

Amendement n° 3 rectifié de Mme Catherine Troendle. – M. André Reichardt, Mmes Virginie Klès, rapporteur ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié de Mme Catherine Troendle. – M. André Reichardt.

Amendement n° 50 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.

Amendement n° 51 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.

Mmes Virginie Klès, rapporteur ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Mme Laurence Cohen. – Rejet de l’amendement n° 4 rectifié ; retrait de l’amendement n° 50 ; adoption de l’amendement n° 51.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3

Amendement n° 52 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Annie David, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Retrait.

Article 4

Amendement n° 131 de Mme Kalliopi Ango Ela. – Mmes Esther Benbassa, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article 5

Amendement n° 149 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Cécile Cukierman, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 5

Amendement n° 55 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Laurence Cohen, Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Catherine Génisson, Annie David. – Rejet.

Article 5 bis (nouveau). – Adoption

Article additionnel après l’article 5 bis

Amendement n° 56 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Cécile Cukierman, Virginie Klès, rapporteur ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre. – Rejet.

Article 5 ter (nouveau). – Adoption

Articles additionnels après l’article 5 ter

Amendements nos 54 rectifié ter de Mme Laurence Cohen et 84 rectifié de M. René Teulade. – Mme Annie David, René Teulade, Mmes Michelle Meunier, rapporteur pour avis ; Najat Vallaud-Belkacem, ministre ; Catherine Tasca. – Retrait de l’amendement n° 84 rectifié ; rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 54 rectifié ter.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jacques Gillot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 11 septembre 2013, M. le président de la commission des lois a demandé au Sénat que la proposition de loi organique tendant à joindre les avis rendus par le Conseil national d’évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales et à leurs groupements, présentée par Mme Jacqueline Gourault et lui-même, soit examinée le lundi 7 octobre prochain, conjointement avec la proposition de loi portant création d’un Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales, inscrite en deuxième lecture.

En effet, ces deux propositions de loi ont des objets complémentaires. Elles pourraient faire l’objet d’une discussion générale commune d’une heure et le délai limite pour le dépôt des amendements de séance sur la proposition de loi organique serait également fixé au lundi 7 octobre, à onze heures.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

3

 
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Discussion générale (suite)

Égalité entre les femmes et les hommes

Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (projet n° 717, texte de la commission n° 808, rapport n° 807, rapport d’information n° 788, avis nos 794, 831).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 1er

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, longtemps, très longtemps même, la République a laissé la moitié des Français, à savoir les Françaises, de côté, en dehors de sa promesse fondatrice d’égalité.

Longtemps, très longtemps, la République s’est cachée derrière les mots pour ne pas voir, pour ne pas dire, pour ne pas affronter cette part obscure d’elle-même : l’oubli et l’exclusion volontaire des femmes.

Longtemps, très longtemps, l’histoire même de la République, jusque dans ses plus beaux combats, dans ses progrès et ses plus belles victoires, ne s’est écrite dans nos livres d’histoire qu’au masculin, de même que la mémoire que nous en avons gardée.

Qui se souvient, par exemple, que Victor Hugo lui-même, dans son plaidoyer en faveur du suffrage universel à l’Assemblée nationale, le 31 mai 1850, n’a pas dit un seul mot des femmes, n’invoquant ainsi qu’une seule moitié de l’humanité ?

Qui se souvient, pour leur donner raison, des féministes, des héroïques pionnières des droits des femmes qui n’ont pas cessé un seul instant, elles, d’exiger haut et fort la reconnaissance de leur dignité, de leur légitimité, de leur droit à l’égalité devant la loi des hommes, au nom même de la République ?

Ni Condorcet, ni Olympe de Gouges, ni Louise Michel, ni Hubertine Auclert n’ont pu élever la voix assez haut, par-dessus celle de leur époque, pour changer et renverser le cours de l’histoire.

Bien sûr, pendant tout ce temps, il faut le rappeler aussi, les femmes n’ont cessé de contribuer à la vie de la nation et de s’imposer partout au milieu des hommes, dès qu’une porte s’entrouvrait. Elles étaient souvent anonymes, modestes et invisibles, mais agissaient de plus en plus souvent avec éclat, faisant triompher aux yeux de tous, dans la sphère publique et non plus seulement dans le confinement domestique, le mérite sur la nature.

Pendant longtemps, mais trop lentement, la République a concédé petit à petit, avec des avancées suivies de reculades, des droits nouveaux et une considération nouvelle : les droits à l’éducation, au divorce, à l’exercice de telle ou telle profession de prestige, au congé de maternité, jusqu’au droit de vote et à la reconnaissance constitutionnelle de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui allait enfin ouvrir une nouvelle ère, la nôtre, celle du droit à la contraception et à l’avortement, celle de l’égalité professionnelle et de la parité dans la démocratie, celle de la lutte contre les violences faites aux femmes, contre le harcèlement sexuel, contre le viol et toutes les formes d’agressions sexistes.

Cette ère n’est pas encore celle de l’égalité réalisée : c’est cette dernière qu’il nous revient de construire et de faire vivre par une troisième génération de politiques volontaristes en faveur des femmes dans une République enfin réconciliée avec ses valeurs cardinales.

En effet, pendant longtemps encore, bien après que la société n’a plus accepté les inégalités de principe et qu’elle a imposé le changement au moment de tout reconstruire au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la République a voulu croire qu’elle pouvait réparer les effets de cette si longue et si profonde iniquité en rétablissant ce qui pouvait l’être par la seule volonté politique : la Constitution, la loi, les décrets, les textes. C’était, certes, nécessaire, mais insuffisant.

Il a fallu attendre que la vérité s’impose peu à peu aux yeux de tous, parce qu’enfin ils étaient grands ouverts : l’égalité était enfin décrétée, encore fallait-il transformer le réel, toucher les consciences, changer les mentalités et faire progresser les droits des femmes dans tous les domaines, avec des lois nouvelles, des droits spécifiques, et changer les textes, encore et encore.

Cette histoire est notre histoire à toutes et à tous, femmes et hommes, de droite comme de gauche ; elle est notre héritage commun, dont les racines plongent si profondément en chacun de nous que ses effets n’ont pas fini de peser sur la société tout entière, les citoyens comme les élus de la République, sur notre conception du monde et notre vision de l’avenir.

Cette histoire, c’était hier : nous sommes en quelque sorte les premières générations nées de cette ère nouvelle, issues de parents et de grands-parents qui avaient vécu le monde ancien et n’avaient connu que lui.

Si j’ai voulu prendre le temps de rappeler à votre mémoire cette histoire occultée, qui va de la Révolution jusqu’à nos jours, en passant par la Libération, ce n’est pas pour raviver la mauvaise conscience des uns, susciter le ressentiment des autres, suggérer un quelconque esprit de repentance ou encore justifier une revanche. En somme, il ne s’agit pas pour moi de rappeler ce fantasme, si souvent convoqué et jamais advenu, de la guerre des sexes.

Nous ne sommes pas là pour mener la guerre des sexes : nous avons la responsabilité historique d’accélérer sur notre route vers l’égalité. La loi que je vous présente aujourd’hui est faite pour changer le rythme de cette course et entrevoir enfin l’horizon d’une égalité sans concession.

Rien ne doit nous être plus étranger aujourd’hui que le fatalisme ou l’idée selon laquelle le changement exigerait encore des décennies pour se concrétiser. Le temps n’est plus à l’abdication devant les résistances si compréhensibles, issues de ce temps où l’égalité républicaine ignorait le deuxième sexe, où l’ordre des choses entre les femmes et les hommes était perçu, compris et justifié comme immuable, non seulement acceptable parce que naturel, mais même parfaitement souhaitable. Ces résistances sont encore redoutables : chaque jour, dans la préparation de ce texte, je les ai rencontrées et je sais qu’elles ont su aussi pousser vos portes.

Si j’ai souhaité inscrire ce débat parlementaire dans cette longue controverse républicaine sur l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est aussi pour faire appel à chacun de vous, afin de trouver l’intelligence collective, la volonté et la force qu’exige ce débat. Nous devons faire bloc, désormais, pour que l’égalité ne soit plus la revendication de quelques-unes, mais l’exigence partagée et vécue de la véritable universalité républicaine.

J’entends aussi affirmer une ambition qu’il n’appartient plus à un seul sexe, à un seul parti, un seul groupe ou un seul camp, ni même à une majorité, de défendre seul. Cette ambition ne peut plus être seulement celle des modernes contre les anciens, celle du progrès contre la réaction, mais bien celle de la République tout entière, unie, consciente et mobilisée devant la responsabilité historique de conjuguer, enfin, ses principes à l’indicatif présent plutôt qu’au conditionnel.

Vous m’objecterez que l’égalité entre les sexes est aujourd’hui un principe que personne ne remet en cause frontalement dans la République, que les lois et les réformes de nos politiques publiques se succèdent depuis des décennies en surmontant toutes les alternances politiques pour corriger, compenser, faire reculer les incongruités héritées du passé et aller progressivement vers l’égalité entre les femmes et les hommes.

Tout cela est vrai, je ne l’ignore pas, mais je ne suis pas aujourd’hui à cette tribune pour nourrir de faux débats, pour fabriquer des adversaires imaginaires ou mener une bataille contre les moulins à vent de l’indifférence.

Je suis à cette tribune pour vous demander d’aborder ensemble une nouvelle étape du combat républicain pour l’égalité des sexes avec un projet de loi qui, pour la première fois, parce qu’il est un texte cadre et qu’il intègre toutes les dimensions des droits des femmes, dit à la fois la valeur de ce qui a été accompli et de ce qui reste à accomplir.

Je suis à cette tribune pour vous demander d’examiner ce texte avec un regard neuf, une cohérence nouvelle, une approche pleinement intégrée des politiques d’égalité, en laissant derrière nous les vieilles querelles théoriques, pour embrasser et adopter une philosophie de l’action qui doit répondre aux défis de notre temps et aux attentes de la génération à venir.

Ces défis, ces attentes renvoient non seulement aux droits, qui doivent s’appliquer, et aux lois, qui doivent être respectées, mais ils appellent aussi un changement des mentalités au travers de l’éducation et la culture. Nous ne devons plus rien concéder à la tyrannie ordinaire du sexisme au quotidien.

Votre assemblée le sait bien, elle qui a pris toute sa part dans cette immense mutation politique, sociale et culturelle, elle qui y prend même sans aucun doute plus que sa part : il n’est qu’à regarder le travail de ses commissions, ses propositions et contributions, le rôle et la place des sénatrices elles-mêmes dans ses instances, la teneur de ses débats et les avancées obtenues au fil du temps sur les droits des femmes.

Votre assemblée le sait d’autant mieux que la commission des lois, ainsi que la commission des affaires sociales et la commission de la culture, saisies pour avis, ont déjà accompli un travail très remarquable de « coconstruction » législative de ce texte à mes côtés.

Je voudrais saluer à cet égard le travail accompli par vos rapporteurs, Virginie Klès, Michelle Meunier et Maryvonne Blondin, ainsi que par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Brigitte Gonthier-Maurin, et les en remercier sincèrement. Je tiens également à remercier le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, dont je sais les convictions et la capacité à apporter sérénité et intelligence dans les débats les plus passionnés. (Exclamations amusées.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est trop ! (Sourires.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Non, j’en ai déjà fait l’expérience ! (Nouveaux sourires.)

Pour la première fois, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, un projet de loi s’attaque de manière transversale et globale à tous les enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes : l’égalité professionnelle, la lutte contre les violences et les stéréotypes sexistes, la lutte contre la précarité, l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, sociales et professionnelles, avec une parité qui ne s’appliquera plus seulement au champ politique, mais à toute la société.

Cette façon de présenter les choses n’est pas qu’une nouveauté formelle, elle illustre une conception nouvelle : nous affirmons, avec ce texte, que l’égalité est un tout, un ensemble cohérent de causes et de conséquences, qui part de l’éducation et de la responsabilité parentale pour aller jusqu’aux violences, dans les plus dramatiques des cas, en passant par l’égalité professionnelle. C’est au continuum des inégalités entre les sexes que s’attaque ce texte en fixant quatre priorités très claires : l’égalité au travail et dans la famille, la lutte contre la précarité sociale des femmes, la lutte contre les violences, la mixité et la parité partout.

D’abord, faire progresser l’égalité professionnelle est une priorité, parce qu’il s’agit de la clé de toutes les émancipations, de l’autonomie et de la liberté, avec l’objectif d’une répartition des tâches plus équilibrée au sein des ménages pour favoriser l’emploi des femmes : je veux parler de l’égalité domestique, sans laquelle l’égalité au travail ne reste qu’une illusion pour la majorité des femmes.

La réalisation de cet objectif passe nécessairement par une nouvelle organisation des responsabilités parentales, et donc par une réforme ambitieuse du congé parental. En effet, nous le savons toutes et tous, c’est bien l’arrivée d’un enfant qui réactive et réinstalle les femmes et les hommes dans leurs rôles prédéterminés, ces rôles où les femmes, les mères, accomplissent 80 % des tâches domestiques et aménagent leur carrière pour faire face aux doubles journées qui sont, en réalité, une double vie.

La réforme du congé parental est centrale dans ce texte, car elle est ce nœud où les inégalités se resserrent si durement qu’elles contraignent, pour toujours, la carrière des femmes. Un chiffre suffit pour s’en convaincre : une femme sur quatre prend un congé parental à la naissance d’un enfant, au risque de connaître ensuite un décrochage salarial de 10 % par année d’interruption. Une femme sur quatre prend ce risque, alors que ce n’est le cas que d’un homme sur cent !

À force d’échanges, de réunions, de témoignages, notre conviction s’est formée : si le congé parental, formidable droit offert aux salariés d’être des parents dans le même temps, représente à ce point un risque unilatéral pour les femmes, c’est précisément à cause de cette répartition si déséquilibrée dans les habitudes qu’elle finit par jouer non plus seulement comme une conséquence logique d’un libre choix, mais comme une justification à grande échelle des moindres opportunités professionnelles offertes aux femmes. Si nous créons les conditions pour que les hommes participent autant que les femmes aux premiers mois de l’enfant, c’est d’abord pour faire reculer, diluer ce risque qui pèse sur les carrières des secondes.

Les hommes subissent aussi leurs propres entraves dans un tel système, si profondément spécialisé selon le sexe. C’est la stigmatisation sociale qui entoure leurs velléités, leurs revendications d’investir leur parentalité à part entière. C’est l’accueil si réservé, si mitigé, pour ne pas dire suspicieux, réservé à leurs demandes d’aménagement du temps de travail quand arrive un enfant. C’est le regard curieux qui accompagne leurs envies de prendre le mercredi, pour les rares pionniers qui s’y sont attaqués.

Simone de Beauvoir disait : « On libérerait l’homme, en libérant les femmes ». Eh bien, oui, l’égalité, aujourd’hui, consiste, d’abord, à donner aux pères la liberté d’être pères, pour donner aux mères la liberté d’être autre chose que des mères !

Oui, cette réforme du congé parental, les Françaises et les Français la souhaitent : neuf Français sur dix l’appellent de leurs vœux. C’est un formidable signe que l’égalité est en marche et que, pendant trop longtemps, ce ne sont pas les Français qui ont été en retard sur leur temps : ce sont les politiques que nous avons conduites qui ne leur ont pas permis d’être au rendez-vous de leurs justes aspirations.

Parce que nous voulons privilégier ce qui leur est le plus cher, la vraie liberté de choix, nous proposons un système souple et pragmatique qui repose tout entier sur une logique d’incitation. Pour le premier enfant, six mois s’ajouteront aux six mois actuels, à condition qu’ils soient pris par le deuxième parent. À partir du deuxième enfant, une période de partage sera instaurée – aujourd’hui fixée à six mois sur les trois ans – et dont le bénéfice sera réservé au deuxième parent.

On peut attendre de cette réforme que les pères soient six fois plus nombreux à s’impliquer dans la vie de famille et domestique par ce biais, soit 100 000 pères en congé parental partagé d’ici à 2017, contre 18 000 actuellement chaque année, soit 100 000 femmes qui expérimenteront un peu plus les conditions de l’égalité réelle, 100 000 femmes qui participeront à nouveau au marché du travail chaque année, générant ainsi à leur profit revenus et cotisations sociales.

Cette mesure est un point de départ, elle donne un élan, une dynamique : l’objectif, vous l’avez compris, c’est le changement des comportements, la construction d’un nouveau modèle dans lequel la liberté de choix est celle des familles et non plus la simple servitude volontaire des femmes, seules face au poids et à l’inertie des habitudes. Commettons-nous une ingérence en nous introduisant dans l’intimité des familles ? Je ne le crois pas. Notre proposition crée, au contraire, les conditions d’un libre choix pour chaque famille. Elle s’adapte à tous les modèles et elle autorise tous les modèles.

Un autre défi est de corriger les incohérences du dispositif actuel de congé parental. J’entends parfois dire que notre réforme mettra des familles dans l’impasse en les privant de droits en cours d’année, sans possibilité d’inscription à l’école avant trois ans. C’est faux !

La question des enfants nés en début d’année est réelle, mais elle n’est pas liée à notre réforme. Elle préexistait. Nous allons y répondre de deux façons : nous travaillons avec le ministère de l’éducation nationale aux solutions de « classes passerelles » qui permettent d’accueillir les enfants avant l’âge de trois ans. Dès à présent, pour les familles dont les ressources sont faibles, nous allons permettre la poursuite des droits jusqu’au mois de septembre suivant l’anniversaire de l’enfant, si aucune solution d’accueil ne peut être trouvée. Cette avancée changera la vie de nombreuses familles.

Enfin, cette réforme du congé parental nourrit l’ambition majeure d’agir efficacement sur l’emploi des femmes. Avec les amendements que nous avons déposés, nous vous proposons, en effet, d’instaurer un véritable droit à l’accompagnement professionnel à l’issue du congé parental.

Pour les salariés qui ont droit à une réintégration dans l’emploi, nous prévoyons la possibilité de bénéficier d’un entretien avant la reprise de poste. Cet entretien, qui sera tout sauf formel, permettra d’examiner les besoins de formation du salarié concerné et les nécessaires mesures de rattrapage de la rémunération.

Pour les salariés qui n’ont pas de perspective immédiate de retour à l’emploi à la fin du congé parental, nous introduisons un dispositif d’orientation et d’accompagnement renforcé qui sera mis en place entre les caisses d’allocations familiales et Pôle Emploi un an avant la fin des droits, afin que puisse être réalisé un bilan de compétences. Nous voulons aussi offrir à chacun de ces salariés, hommes comme femmes, des formations adaptées qui leur permettront de retrouver plus facilement le chemin de l’emploi.

Mieux partager le congé parental, c’était, vous l’aurez compris, l’une des clés pour établir davantage d’égalités professionnelles, ce n’est évidemment pas la seule. La plus essentielle est entre les mains des entreprises elles-mêmes, qui doivent respecter leurs obligations en cette matière.

Au cours de ces derniers mois, vous l’aurez noté, nous avons largement renforcé notre arsenal pour faire appliquer la loi et mettre fin au laxisme qui permettait à trop d’entreprises de lui échapper, de la contourner ou de l’ignorer, en toute impunité. Depuis que nous avons assuré un véritable contrôle sur les entreprises en question, notamment le contrôle de la loi qui prévoit des pénalités pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale, 2 700 accords ou plans d’action ont été déposés, 400 entreprises ont été mises en demeure et quatre entreprises ont été sanctionnées.

La sanction n’est évidemment pas le but, elle est un levier pour accompagner et inciter.

C’est la raison pour laquelle ce texte va plus loin. Les entreprises qui ne respecteront pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle ne pourront plus se porter candidates à un marché public. Rappelons-le, ces obligations en matière d’égalité professionnelle ne sont pas nées de cette réforme, ce sont celles qu’imposent les lois de la République depuis maintenant des décennies. Comment pourrions-nous accepter, sans trahir toutes nos ambitions, qu’elles continuent à n’être pas respectées sans que tombe aucune sanction ?

Le mécanisme relatif aux marchés publics que nous proposons n’impose pas un cadre rigide qui contraint, restreint ou réduit l’activité. Là encore, il s’agit d’un système souple qui laissera le temps à une entreprise de régulariser sa situation, jusqu’au dernier moment. À chacun, ensuite, de faire face à ses responsabilités. Si, en toute connaissance de cause, une entreprise faisait le choix de ne pas appliquer la loi, elle ferait alors le choix de renoncer à tout accès aux marchés publics, toujours en toute connaissance de cause !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le projet de loi prévoit aussi, pour les collaboratrices enceintes et les collaborateurs libéraux qui souhaitent prendre leur congé de paternité, une période de suspension du contrat et de protection contre les ruptures de contrat afin de mieux sécuriser leur parcours. Nous introduisons, puisque tel n’était pas le cas jusqu’à présent, aussi étrange que cela puisse paraître, une durée de protection de huit semaines après la fin de la période de suspension du contrat, huit semaines pendant lesquelles l’employeur ne pourra plus rompre le contrat de collaboration. Comment accepter plus longtemps, en effet, que les jeunes femmes qui travaillent dans les professions concernées, avocates, infirmières libérales ou architectes, soient privées de ce droit essentiel dont bénéficient les salariés ?

Parce que nous voulons créer les conditions d’une véritable conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, nous proposons également aux salariés qui le souhaitent de pouvoir débloquer les sommes accumulées sur un compte épargne-temps pour financer des prestations de services dans le cadre du chèque emploi-service universel, que ce soit pour des gardes d’enfants ou toute forme d’aide à domicile. Ce levier très concret aidera tout simplement chacun à mieux articuler ses temps de vie et, ce faisant, à les répartir plus équitablement entre les femmes et les hommes.

À travers ces évolutions, vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons changer de rythme. Nous avons aussi voulu changer la méthode en profondeur. Comme la loi de sécurisation de l’emploi l’a fait avant lui, notre projet de loi a laissé toute sa place à la négociation entre partenaires sociaux. C’était une question de respect, une question d’efficacité : un premier accord est d’ailleurs intervenu le 19 juin dernier.

La négociation sur l’égalité professionnelle, qui a longtemps été aussi absente dans la réalité des entreprises qu’elle était présente dans les dispositions de notre code du travail, n’était que trop souvent réservée aux seuls grands groupes. Eh bien, cette négociation sera désormais généralisée et rendue effective grâce au rôle nouveau des rapports de situation comparée qui seront le point de départ de toute discussion entre partenaires sociaux.

Ce rapport sera complété par la création d’un indicateur sexué permettant de suivre la part des femmes dans les taux de promotion. Créer un tel indicateur peut paraître peu de chose, mais en réalité cette mesure joue un rôle central, car c’est en donnant une évaluation précise et comparable du « plafond de verre » dans l’entreprise que nous disposerons des moyens de nous y attaquer à tous les échelons !

Enfin, et pour conclure sur ce chapitre de l’égalité professionnelle, nous proposerons un amendement qui appelle les branches professionnelles à engager un exercice de révision générale de leurs classifications afin d’assurer la revalorisation des emplois à prédominance féminine. Ce sujet, qui a été l’une des priorités de la grande conférence sociale de juillet dernier, est pour moi l’un des leviers essentiels permettant de réduire les écarts de rémunération. Car la discrimination n’est pas seulement individuelle, elle est parfois collective. Elle est même inscrite dans les mécanismes datant de la Libération, dans les accords de branche sur les classifications. Eh bien, nous avons décidé de reprendre les travaux du Défenseur des droits sur cette question et nous proposerons, d’ici à la fin de l’année, une liste de métiers prioritaires pour cet exercice de revalorisation.

De manière plus générale, il nous faut débusquer partout ce qui explique, conforte et justifie cette précarité si singulière des femmes, cette précarité qui les frappe en les cantonnant dans des métiers dévalorisés, avec des temps partiels subis, des ruptures de carrière, de petits salaires et de petites retraites. Je pense aussi à cette précarité qui les frappe après les séparations conjugales, avec l’explosion des familles monoparentales, dans lesquelles les femmes sont si nombreuses, toujours plus nombreuses, à assumer seules, sur tous les plans, l’éducation des enfants.

On ne peut pas attendre plus longtemps pour lutter contre cette précarité-là ! On ne peut pas attendre, parce qu’elle est la puissante matrice de beaucoup d’autres inégalités en chaîne. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu concentrer une part de notre action législative sur la mise en place d’un nouveau service public qui viendra proposer une garantie contre les impayés de pensions alimentaires : vous le savez, plus de 40 % de celles-ci ne sont pas payées de façon régulière en France.

Ce nouveau mécanisme permettra concrètement aux caisses d’allocations familiales de verser une allocation différentielle aux femmes qui ne perçoivent pas leur pension et de se retourner, ensuite, vers le père débiteur défaillant. La CAF avance, puis met en œuvre d’importants moyens de recouvrement, des moyens renforcés ; elle exerce aussi une médiation auprès des familles et diffuse des informations pour limiter les contentieux ; elle vérifie que les pères n’organisent pas leur insolvabilité. L’année prochaine, nous allons expérimenter ce dispositif dans dix caisses, pour le généraliser avant la fin du quinquennat.

Cette expérimentation est importante, car elle donne, au fond, naissance à un nouveau service public pour les familles : nous sommes à l’avant-garde d’une nouvelle protection sociale qui, au-delà des allocations, repose aussi sur des protections concrètes et réactives.

C’est la même logique de solidarité qui implique toute la société, donc les hommes aussi, dans la construction d’une société égalitaire que nous voulons instaurer dans notre action de lutte contre les violences faites aux femmes.

Oui, il faut protéger les victimes ! Il faut aussi accompagner, soigner et impliquer les auteurs pour sortir de la spirale de la violence. « La suprématie masculine est la dernière aristocratie », disait Maria Deraismes. Les violences ont pour point commun de naître là où quelqu’un place un sexe au-dessus de l’autre. Elles ne sont pas une succession de faits divers, elles ont un sens : elles reflètent toute la lâcheté des siècles d’inégalités qui nous précèdent, ces siècles qui, sous prétexte d’un ordre naturel des choses, ont partagé l’humanité entre un sexe prétendument « faible » et un sexe qui serait « fort ».

Toute inégalité recèle une violence : c’est la racine de tous les maux. La violence se nourrit de toutes les inégalités, lesquelles sont le terreau fertile de la monstruosité que notre société a toujours autant de difficulté à regarder en face, comme pétrifiée de honte devant sa propre impuissance à combattre, à faire régresser la violence conjugale, cette tragédie quotidienne, devenue banale à force d’être courante.

Nulle part, pourtant, il n’est écrit que les femmes doivent tomber, souffrir et mourir sous les coups des hommes.

Nulle part il n’est écrit que le domicile conjugal et la chambre à coucher sont une zone d’impunité et de non-droit, un sanctuaire d’ombre et de silence protégé des lois et des règles, loin des yeux et du bras armé de la police ou de la justice.

Nulle part il n’est écrit que ce combat est perdu d’avance, parce que nous ne pourrions entendre les cris de celles qui refusent d’être victimes. « Non ! » disent-elles à celui qui veut forcer leur corps, à celui qui lève la main sur leur visage, à celui qui s’excuse trop tard, une fois de plus. « Non ! » : ce cri s’adresse à nous aussi, parce que nous sommes responsables. Écoutons-le, ce cri qui ne doit plus rester un cri de détresse entendu des seuls enfants, proches et voisins terrorisés par la culpabilité, mais devenir un cri de révolte qui nous oblige à l’action.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Que ce cri soit désormais le nôtre, un cri de ralliement, celui des responsables publics et du législateur : « Non ! ». La peur, la culpabilité, la honte doivent changer de camp !

En cette matière tout ne relève pas de la loi, mais nous avons l’exigence absolue que la loi soit au rendez-vous des souffrances qu’endurent les femmes. Au nom de nos principes, par respect pour le courage des femmes qui se battent chaque jour contre la lâcheté de la violence, nous devons faire front. Nous devons être à leurs côtés.

Aujourd’hui, seule une femme battue sur dix dépose plainte. Et même parmi celles qui poussent la porte d’un commissariat, une moitié seulement porte effectivement plainte. Pour l’autre moitié, la protection qu’apporte une procédure pénale butte encore trop souvent sur des situations inextricables : contraintes familiales, souci de protéger les enfants, absence de logement, peur de la suite tout simplement. Il est de notre responsabilité de lever ces contraintes et de permettre aux femmes d’être protégées, vraiment, soit par la voie pénale, soit par la voie civile.

Nous allons demander au procureur d’examiner systématiquement les mains courantes, comme il le fait avec les plaintes. Il lui reviendra ensuite de décider s’il doit, ou non, déclencher l’action publique, solliciter des informations complémentaires ou enclencher une ordonnance de protection. Une circulaire sera prochainement publiée sur ce sujet. La main courante ne sera désormais plus le symbole d’une bouteille jetée à la mer.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Supprimer tout obstacle qui pourrait freiner ou retarder la sortie du cycle infernal des violences, telle est la préoccupation qui nous a guidés lorsque nous avons décidé d’inscrire dans ce texte la suppression de la médiation pénale pour les cas de violences conjugales, l’éviction systématique du conjoint violent du domicile, ou encore l’exonération de taxes et de timbres dans les demandes de titres de séjour pour les femmes étrangères victimes de violences conjugales ou de traite.

Protéger encore et toujours, tel est l’objet de la généralisation du téléphone portable « femmes en très grand danger », mais aussi du renforcement de l’ordonnance de protection. Vous êtes nombreux ici à avoir travaillé sur ce dernier dispositif : je pense notamment à Roland Courteau, ou encore à Michèle André qui a pris cette question à bras-le-corps. Nous le renforçons pour en allonger les effets, en améliorer les délais et en développer l’utilisation, parce que nous croyons en cette mesure que le Parlement a créée en 2010 et parce que l’idée que ce dispositif si précieux pour les victimes puisse être appliqué dans certains territoires et ignoré dans d’autres nous paraît insupportable. C’est une inégalité qui s’ajoute à une autre et nous voulons y mettre fin.

Parmi toutes vos demandes, mesdames, messieurs les sénateurs, il y en a une à laquelle je ne peux qu’être sensible : l’élargissement du périmètre de ce dispositif à toutes les formes de violence. Mais nous devons être vigilants à préserver la spécificité de cette ordonnance de protection, celle qui fait sa force, à la lisière des procédures civiles et pénales. Comment justifier de faire juger un cas de viol par un juge civil ? Je ne peux y être favorable.

En revanche, je suis totalement convaincue qu’il est de notre responsabilité de mettre à disposition des outils au moins aussi performants que ceux que nous proposons dans l’ordonnance de protection pour des procédures plus lourdes. Je pense, par exemple, au téléphone « femmes en très grand danger ». Ce dispositif, que nous généralisons, sauve des vies. Roland Courteau avait proposé un amendement visant à étendre au viol ce dispositif de protection, mais il n’a pu être déposé, au motif qu’il était contraire à l’article 40 de la Constitution. Je suis tout à fait disposée à le reprendre à mon compte.

M. Roland Courteau. Merci, madame la ministre !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour que tous ces dispositifs fonctionnent, il faut des professionnels aguerris aux problèmes des violences faites aux femmes. Cet effort sur la formation des professionnels, réclamé par plusieurs d’entre vous, nous le réalisons enfin avec ce texte : figurera désormais systématiquement, dans la formation initiale et continue des personnels confrontés aux violences, un module obligatoire sur les violences faites aux femmes.

Enfin, il faut prévenir la récidive. Le projet de loi marque une avancée – il était temps ! – en matière de suivi des auteurs de violences : il prévoit des stages spécifiquement conçus pour responsabiliser les auteurs de violences sexistes et sexuelles. Qu’il s’agisse de peines complémentaires ou alternatives, ces stages, dont les frais sont à la charge des auteurs, apportent une réponse au déni dans lequel s’enferment nombre d’entre eux. Ils devraient permettre une prise de conscience forcée, provoquée, de la gravité des actes commis. Ils mettent un point final aux violences, particulièrement bienvenu lorsque les couples sont amenés à se reformer, ou lorsque les liens avec les enfants demeurent.

Ce projet de loi, vous le savez, est ouvert à toutes les propositions qui viendraient renforcer et compléter cette logique qui dépasse, bien sûr, son seul cadre. Même si cela n’apparaît pas explicitement dans ce texte, sachez que nous sommes en train de créer un numéro unique gratuit d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violences, et que nous présenterons un plan global contre ces violences en novembre prochain.

Nous voulons mieux protéger les femmes contre toutes les atteintes portées à leur libre choix, à la libre disposition de leur corps, au droit si durement conquis, mais encore contesté, ici et là, à l’interruption volontaire de grossesse. Depuis ma prise de fonction, je suis régulièrement saisie par des centres de planification, victimes d’intrusions violentes, et je constate les difficultés rencontrées par certains services d’orthogénie pour faire face à des recrudescences de pressions et d’intimidations. Nous ne nous laisserons pas faire. Et s’il faut clarifier la loi pour que le délit d’entrave soit pleinement appliqué, nous le ferons ! Je salue, à cet égard, l’amendement de Laurence Rossignol sur cette question.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il nous faut mieux protéger les femmes contre les atteintes à leur dignité, notamment celles qui créent insidieusement les conditions mêmes qui rendent possible la violence, celles qui fixent, de fait, le niveau d’acceptation de notre société à l’égard des violences lorsqu’elles n’en sont encore qu’au stade des représentations.

Pour le dire plus clairement, nous connaissons toutes et tous les pouvoirs considérables des images dans le monde saturé d’écrans, de médias et de connexions virtuelles qui est le nôtre : comment accepter de ne pas contrôler ce que ces images nous incitent à faire, ou nous interdisent de faire, à nous, et surtout aux nouvelles générations sous l’influence croissante de cette médiatisation permanente de nos vies ?

Les missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, seront revues et adaptées à ces enjeux fondamentaux. Il aura désormais la responsabilité d’assurer le respect des droits des femmes, à l’instar de ce qu’il fait déjà dans les domaines de la protection de l’enfance, des messages de santé publique, de la lutte contre les discriminations ou l’incitation à la haine raciale.

Cela le conduira à veiller au changement de culture que nous attendons toutes et tous dans les médias : non seulement les femmes doivent y avoir toute leur place, mais les images dégradantes des femmes, les violences qui leur sont faites et les stéréotypes sexistes ne doivent plus y avoir droit de cité.

Comment accepter, plus largement, que la culture, la création et le patrimoine, la meilleure part de nous-mêmes, le cœur de ce qui fait le prestige, l’influence et le rayonnement de la France, ne soient pas exemplaires dans ce domaine ? Ce texte a vocation à y répondre, comme y répond l’action déterminée de la ministre de la culture.

Enfin, le quatrième et dernier volet de ce texte concerne la parité dans toutes les sphères de la société, à commencer par la nôtre, élus de la nation, à tous les échelons de la représentation.

Sans aucun doute, la dernière grande controverse républicaine sur l’égalité entre les femmes et les hommes, sur ses fondements philosophiques, ses visées pratiques et le sens que nous voulons lui donner, fut celle de la parité en politique, conçue comme principe intangible et comme levier d’une refondation de notre vie démocratique.

Notre texte va au bout de cette évolution en traduisant l’engagement du Président de la République, qui a demandé une sanction plus sévère des partis qui ne respecteraient pas leurs obligations de parité pour les élections législatives.

Nous sommes allés aussi loin que la Constitution nous le permet en doublant la modulation prévue sur la première fraction de financement des partis : d’un taux de modulation financière établie à 75 % de l’écart entre le nombre de candidats et celui de candidates, on passerait à un taux fixé à 150 % de cet écart. J’en suis convaincue, cette nouvelle avancée produira ses effets et changera la donne dans nos assemblées.

Surtout, le texte généralise, au-delà de la vie politique, le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités dans toutes les organisations, partout dans la société : il signe la fin programmée des derniers bastions auxquels les femmes n’avaient pas accès.

Nous inscrirons le principe de la parité dans le monde du sport, lequel, ainsi que l’avait très bien montré Michèle André dans son rapport, fait encore trop peu de place aux femmes. Le texte est pragmatique, compréhensif et même bienveillant, au vu des difficultés réelles que certaines organisations et fédérations peuvent rencontrer pour se féminiser, mais il est intraitable dans ses objectifs de mixité et de parité, et sans concession quant à l’obligation de moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Nous avons construit ce texte dans le dialogue avec le monde du sport, lequel le trouve très exigeant. Mais notre niveau d’exigence est raisonnable, et l’inaction qui n’a que trop duré dans ce domaine justifie une mesure qui change véritablement les choses.

La parité est également prévue pour les chambres consulaires, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture, ou encore les autorités administratives indépendantes et commissions consultatives placées auprès de l’État.

Sur ce dernier point, le chantier est immense – nous parlons de plus de 600 commissions ! –, et le diable est dans les détails, à savoir les modalités de nomination. C’est pour cette seule raison que nous vous demanderons de nous habiliter à légiférer par voie d’ordonnance.

L’échéance fixée pour ce passage à la parité est transparente, ambitieuse, mais réaliste : en 2025, les collégiens qui viennent de faire leur rentrée scolaire accéderont aux responsabilités, achèveront leurs études et entreront dans le monde du travail, fonderont une famille et organiseront leur vie d’adulte, en se répartissant les rôles, entre femmes et hommes. C’est à cette génération de futurs citoyens que s’adresse ce texte, ainsi que l’ensemble de l’action du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui implique, comme jamais auparavant, l’ensemble des ministères et la totalité des politiques publiques de notre pays, dans une seule et même direction.

Nous voulons que, pour cette génération, le passé que j’évoquais en préambule soit définitivement de l’histoire ancienne, afin que, dans sa vie quotidienne, sa vision du monde, sa conception des hommes et des femmes, les rapports aient changé. Cette génération doit être notre horizon.

Pour cette génération, faites-vous aujourd’hui les avocates et les avocats des femmes contre les inégalités qui pèsent sur elles, mais ne soyez pas les procureurs des hommes en pensant qu’ils seraient à la fois les organisateurs et les bénéficiaires d’un ordre dont nous sommes tous comptables et responsables. C’est ce que je vous invite à faire en accordant vos suffrages à ce texte qui ne vise qu’à une chose : concrétiser enfin la promesse républicaine d’égalité. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC. – M. Yann Gaillard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, monsieur le président, d’avoir accepté de présider cette séance.

J’exprimerai ensuite un léger regret, que nuance le constat de la qualité des sénatrices et sénateurs ici présents : en cet instant, la composition de l’hémicycle ne reflète pas celle de notre Haute Assemblée en termes de répartition, non pas entre tendances politiques, mais entre hommes et femmes.

M. André Reichardt. Les hommes présents sont de qualité, j’y insiste ! (Sourires.)

Mme Virginie Klès, rapporteur. Je viens de le dire, mon cher collègue : cela compense un peu la faiblesse de votre effectif... Le peu d’intérêt de nos collègues masculins pour ces questions est un sujet d’éternel regret !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !

Mme Virginie Klès, rapporteur. Mme la ministre a fait en quelques phrases un bref rappel historique. Que de chemin parcouru entre l’époque lointaine à laquelle la femme était représentée comme un étrange animal, dénué d’âme comme de cerveau, et la société française républicaine dans laquelle nous vivons !

Certes, aujourd’hui, tout n’est pas parfait. Néanmoins, que de combats menés et remportés par des hommes et des femmes ! Vous avez cité plusieurs d’entre eux, madame la ministre. Je retiendrai, pour ma part, Olympe de Gouges, qui est plus particulièrement chère à mon cœur, tout d’abord en raison du manque de reconnaissance que lui témoigne la République française encore aujourd’hui, et parce qu’une rue de ma commune porte son nom.

Que de combats menés par les suffragettes ! Que de combats pour le droit au travail ! Que de combats pour le droit à disposer de son corps ! Cependant, tous ces combats ont aujourd’hui inscrit dans les textes l’égalité des hommes et des femmes, mais ils ne l’ont pas encore totalement réalisée dans la vie quotidienne.

« La femme est l’avenir de l’homme », chantait le poète. L’humoriste rappelait aussi – il avait besoin de le rappeler – que, sur terre, 50 % des hommes sont des femmes. Des femmes : des mères, des filles, des épouses, des compagnes, des amies, mais aussi des travailleuses, des patronnes, des femmes politiques, des citoyennes. Et des hommes, mais a-t-on tout dit quand on a dit « des hommes » ? Non : les hommes sont, eux aussi, des pères, des fils, des époux, des travailleurs, des compagnons, des amis, des hommes politiques et des citoyens.

Pourtant, la compréhension que nous avons de cette répartition des rôles sociaux, des relations entre les hommes et les femmes n’est, me semble-t-il, pas si égalitaire que cela. Un homme au foyer suscite, encore aujourd’hui, interrogation, étonnement et surprise. Une femme au foyer n’appelle aucun commentaire ni aucune surprise. Quand vous traitez une fille de « garçon manqué », finalement, vous la valorisez presque dans ses choix. En revanche, quand vous traitez un garçon de « fille manquée », l’attaque est beaucoup plus péjorative.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Virginie Klès, rapporteur. De même, à la télévision, au cinéma, une femme n’a pas le droit au moindre défaut physique – ou alors on dira : que fait-elle là ? Est-ce la même chose pour nos compagnons, pour les hommes ? Pas tout à fait.

Le sport, hormis peut-être l’équitation – je suis cavalière – où les épreuves sont parfaitement mixtes, distingue très souvent des épreuves féminines et des épreuves masculines. Pourquoi pas ? En revanche, pourquoi les épreuves féminines sont-elles toujours diffusées à des moments de moindre audience ? C’est que l’on se débarrasse d’abord de ce qui n’a que peu d’importance. Ensuite, vient enfin la finale masculine, celle qui compte : la finale des perdants, ou des perdantes, est suivie de celle des gagnants, c’est-à-dire les hommes.

Une femme autoritaire, une femme qui démontre des qualités de chef, est aussitôt soupçonnée d’avoir forcément des problèmes au foyer, on dit qu’elle « porte le pantalon » !

Si une femme réussit dans la politique, on est sûr qu’elle est « pistonnée », ou qu’elle a profité des lois sur la parité. En tout état de cause, elle a certainement pris la place d’un homme qui, lui, était compétent ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Les hommes qui, eux, étaient compétents, pensent-ils au nombre de femmes qu’ils ont empêchées de prendre une place alors qu’elles étaient, elles aussi, compétentes ?

Ainsi, nous sommes certes égales aux hommes dans les textes, et les hommes sont égaux à nous. Il est toutefois important qu’évoluent toutes ces échelles de valeur, qui classent les uns au-dessus des autres, les uns au-dessous des autres, qui ne mettent les femmes au premier rang qu’en tant que mères, parfois en tant qu’épouses, mais qui les oublient le reste du temps. Il est temps que toutes ces représentations changent. Il est temps que la société change sur le fond.

Il est temps que cette société change, parce que c’est dans cette société finalement inégalitaire dans son fonctionnement de tous les jours que se construisent nos enfants et que se forment aussi les images et les valeurs grâce auxquelles nos enfants se structurent. Si vraiment nous voulons que la société change profondément, il faut aussi que nos enfants puissent changer profondément et qu’ils disposent d’autres représentations que celles – un peu caricaturales, je vous l’accorde – que je viens de décrire.

La société peut changer, certes, avec le temps ; en évoluant tout doucement, en laissant les comportements se transformer petit à petit, mais elle doit aussi, parfois, évoluer grâce aux textes, grâce à la loi qui donne un petit coup de pouce supplémentaire où cela est nécessaire, avec exigence, comme vous l’avez dit, madame la ministre, avec fermeté et avec compréhension : sans exagérer et sans monter les uns contre les autres, sans en arriver à une lutte des sexes. Cependant, il est temps, réellement, que nous avancions sur ces sujets.

C’est dans cet esprit que ce texte a été écrit et que la commission des lois l’a examiné, avec le secours de la commission des affaires sociales, de la commission de la culture et de la délégation aux droits de la femme, dans un échange permanent et constructif. C’est avec l’idée d’éclairer toutes les fonctions sociales des hommes et des femmes que nous allons examiner ce texte.

Certes, d’autres combats en ont été exclus du débat d’aujourd’hui, notamment celui contre proxénétisme. Il s’agit là d’un combat dur qu’il faudra mener – je sais que vous y êtes attachée, madame la ministre –, mais sans doute ne trouvait-il pas sa place dans le texte que vous présentez aujourd’hui.

D’autres sujets devront être approfondis, notamment en matière de viol, de violences sexistes, de mariages forcés. Toutefois ce texte n’en est qu’au début de son parcours législatif. J’en profite pour répondre à ceux qui me demandent d’aller plus vite : l’importance de ce texte justifie que nous prenions le temps de réfléchir, en respectant le jeu de la navette parlementaire, pour approfondir ces questions de façon raisonnée, compréhensive, exigeante et ferme.

La commission des lois a longuement examiné le sujet des violences faites aux femmes. Ces violences sont insoutenables, inacceptables, et elles le sont encore plus quand il s’agit de violences sexistes, quelles qu’elles soient, parce que les violences sexistes procèdent d’une représentation de l’autre comme un objet que l’on s’approprie de façon brutale. Cette appropriation est peut-être partielle, ou occasionnelle quand il s’agit de viols ou de violences sexistes perpétrées par un inconnu ; elle est tout aussi dangereuse quand il s’agit de violences intrafamiliales, mais elle est alors beaucoup plus insidieuse, car elle est totale, complète et permanente. En tout état de cause, ces violences trouvent leur fondement et leurs racines dans les représentations inégalitaires que nous nous faisons, les uns et les autres, de l’homme et de la femme, de leurs besoins et de leurs compétences. Ce texte, qui s’attache à la représentation de la femme et de l’homme sous tous ces aspects sociaux tient justement compte de ce qui fait naître ces violences.

La commission des lois a proposé, sur l’ensemble des articles de ce projet de loi, des amendements de nature à préciser certains points, à rendre leur mise en œuvre sur le terrain plus aisée, tout en tenant compte de ce qu’ont exprimé nos interlocuteurs, mais elle s’est particulièrement attardée sur le sujet des violences, en particulier des violences intrafamiliales.

Dans l’examen des nombreuses mesures que comporte ce texte, la prise en compte des enfants doit, me semble-t-il, conduire notre réflexion. Je me réjouis de constater que le Gouvernement a répondu à notre préoccupation concernant la construction des enfants. Celle-ci s’élabore non seulement dans la société où, nous l’avons vu, les représentations ne sont pas encore totalement égalitaires entre l’homme et la femme, mais aussi dans la famille. Or, s’il faut qu’elle se déroule dans une famille où l’humiliation, la possession de l’autre, l’insulte, apparaissent comme la normalité, comment un enfant pourra-t-il se construire dans le respect de l’autre, surtout s’il est de sexe différent, en sachant quels sont les liens qui doivent l’unir à un père ou à une mère, en sachant reconnaître l’autorité ? Comment va-t-il s’y retrouver quand, à l’école, on va lui enseigner l’égalité des filles et des garçons, tandis que, chez lui, il voit l’inverse tous les jours ?

Ces enfants vont nécessairement reproduire certains comportements – sans que nul ne soit en mesure aujourd’hui de le prédire pour chacun – qui, en tout cas, n’aideront pas la société à évoluer dans le bon sens et qui ne les rendront certainement pas heureux dans leur vie future. Par conséquent, il fallait effectivement penser aux enfants, et ceux-ci sont aujourd’hui beaucoup mieux pris en compte dans la lutte contre ce fléau de santé publique que sont les violences intrafamiliales.

La commission des lois tenait à ce que la médiation ne puisse pas avoir lieu deux fois au sein du même couple. Elle a été aussi entendue sur cette question. Il est vraiment très important d’admettre que, lorsque les violences se renouvellent au sein d’un couple, il ne s’agit plus d’un conflit qui dégénère en un geste violent, mais d’un problème de violence avec emprise. Il est alors nécessaire d’offrir à ce couple, pour s’en sortir, d’autres outils ce que celui de la médiation.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Virginie Klès, rapporteur. Toutes les mesures à prendre quant au logement de la victime des violences et à l’éviction du conjoint violent, quand celle-ci est possible, sont envisagées par ce texte de loi.

L’ordonnance de protection est prolongée de quatre à six mois, et c’est aussi une bonne chose : en quatre mois, il est en effet difficile de poser les bases d’un nouveau départ, face à une situation qui dure, la plupart du temps, depuis des années.

L’élargissement du dispositif d’alerte téléphonique « femmes en très grand danger » – vous l’avez souligné aussi, madame la ministre – est également une excellente mesure, d’autant plus qu’elle est accompagnée. Nous avons reçu des informations émanant de départements qui l’ont expérimenté. Le bilan de ces expériences est positif, et il a permis d’affiner certaines dispositions, de les rendre concrètes, de mesurer précisément ce qui était essentiel dans ce dispositif, et d’en faire aujourd’hui un outil extrêmement important dans la lutte contre les violences familiales.

La prise en charge des auteurs n’est pas un gros mot. En effet, ces auteurs de violences intrafamiliales récidiveront s’ils ne sont pas pris en charge de façon efficace dès que la justice entre en action, dans le cadre de stages de responsabilisation. Dans la formulation actuelle, je n’aime pas le terme de « stage », mais nous avons le temps d’en trouver un autre, et l’essentiel n’est pas la forme, mais le contenu. Ces stages de responsabilisation au sujet desquels nous disposons déjà de quelques retours d’information provenant du terrain, notamment dans mon département, donnent d’excellents résultats, car ils permettent à ces auteurs de violences intrafamiliales de se restructurer ou, à tout le moins, de commencer à se restructurer.

Certes, parmi eux, il y a ceux que l’on appelle les « manipulateurs narcissiques » – cette notion a été peut-être trop vulgarisée – contre lesquels nous ne pourrons jamais grand-chose. En revanche, il se trouve aussi beaucoup d’hommes, et quelques femmes, qui, avec un traitement approprié, pourront se restructurer correctement, vivre heureux et cesser de rendre malheureux d’autres personnes, lesquelles sont souvent des femmes. Ils pourront peut-être même, après traitement, retrouver un rôle d’éducateur pour leurs enfants.

La formation de toute la chaîne pénale, de l’ensemble de la justice, des éducateurs, des médecins, et même celle du personnel préfectoral qui est amené à délivrer des titres de séjour, est indispensable pour reconnaître ces situations de violences conjugales, de violences intrafamiliales avec emprise.

Mme Virginie Klès, rapporteur. La formation est essentielle afin d’orienter correctement les victimes, de sorte que chacun soit pris en charge au sein des foyers détruits par cette violence aveugle. Elle est indispensable pour que, dans les commissariats et dans les gendarmeries, plus aucune main courante ne soit inutile, comme vous l’avez dit, madame la ministre. Elle est nécessaire pour qu’aucune plainte ne finisse à la corbeille ou classée dans un tiroir, au motif que la femme qui est venue porter plainte est revenue trois fois retirer sa plainte, quatre fois en redéposer une, parce que la police ou les gendarmes qui sont en face ne comprennent pas bien ces allées et venues, qui sont pourtant aujourd’hui bien connues des victimologues, des criminologues et de certains psychologues.

Cette formation et cette information doivent être partagées, afin qu’aucune lettre d’appel au secours, aucune demande ne soit jetée à la poubelle ou ne soit tout simplement pas entendue. Il est primordial que le premier appel soit entendu, que la première main tendue soit saisie. Cela nécessite tout un travail en réseau, ainsi que la mise en place de relations interdisciplinaires : si les professionnels se connaissent les uns les autres, effectivement, nous répondrons efficacement à ce fléau de santé publique que sont les violences intrafamiliales.

Tous ces éléments figurent bien dans le texte, madame la ministre. Vous avez entendu tout ce qui vous a été dit sur le sujet et, même si nous avons encore souhaité préciser et affiner certains points en déposant quelques amendements, tout était déjà présent dans le texte.

En somme, le texte qui nous est présenté aujourd’hui, n’est pour moi ni une fin, parce qu’il reste encore des choses à faire, ni un début, parce que nombre de combats ont été menés. L’histoire de notre République, l’histoire des relations entre les hommes et les femmes dans notre République, comme son histoire future, s’est écrite et s’écrira avec des hommes et avec des femmes, les uns aux côtés des autres, et non pas les uns opposés aux autres, grâce à chacune et chacun d’entre nous, mais aussi, madame la ministre, grâce au texte que vous nous avez présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, du RDSE, ainsi que de l’UDI-UC. – M. Yann Gaillard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plus d’un an, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire agissent ensemble pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays, pour la rendre concrète et vivante.

Vous l’avez fort bien dit, madame la ministre, avec force et sérénité : en 2013, il reste encore beaucoup à faire, et il est nécessaire d’aller plus loin, dans le souci de justice qui nous anime.

En effet, les femmes ont toujours des salaires et des droits sociaux inférieurs à ceux des hommes alors qu’elles font vivre, au moins autant que les hommes, l’économie de notre pays.

Une femme sur dix est victime de violences conjugales et, tous les deux jours et demi en moyenne, l’une d’entre elles est tuée par son conjoint ou ex-conjoint.

Les femmes représentent moins de 30 % des parlementaires, 15 % des maires et des conseillers généraux, 20 % des dirigeants d’entreprises, alors qu’elles constituent la moitié de la population française...

Il nous faut donc remettre l’ouvrage sur le métier de manière tenace et continue, car l’égalité est non négociable en démocratie : c’est même l’âme de la France ! Il incombe dès lors à la loi de la garantir concrètement sur l’ensemble de notre territoire, en métropole et outre-mer, et pour toute la population.

Telle est l’ambition de ce projet de loi, qui veut agir de manière transversale et globale pour réduire les discriminations qui touchent les femmes. Ce texte est utile, juste et très attendu. Je tiens donc à vous en remercier, madame la ministre.

Je souhaite, pour commencer, revenir sur deux grands axes de ce texte, l’égalité dans le monde du travail et la lutte contre la précarité des femmes, qui ont particulièrement retenu mon attention en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Nous ne le savons que trop, dans le secteur privé, les femmes ont un revenu salarial inférieur, en moyenne, de plus d’un quart à celui des hommes. Dans le secteur public, cet écart s’élève à 18 %.

Cette situation reflète, bien sûr, la disparité des situations sur le marché de l’emploi. Les femmes sont plus touchées par le chômage, occupent plus souvent des emplois à temps partiel et des postes dans des secteurs faiblement rémunérateurs et cumulant des critères de pénibilité. En outre, trop souvent, à poste et temps de travail égaux, leur évolution de carrière se situe très en deçà de celle de leurs collègues masculins. Nous devons donc agir concrètement afin de corriger cette situation discriminatoire et lourde de conséquences pour les femmes, sur toute la durée de leur vie, car l’ensemble des droits sociaux découlant du travail – je pense notamment à la retraite et aux indemnités journalières – sont aussi, de fait, amputés.

L’écart entre les carrières des femmes et celle des hommes se creuse davantage à l’occasion des maternités, ces périodes pouvant également causer l’exclusion durable des femmes du marché du travail, notamment des plus précaires face à l’emploi. Il faut donc favoriser le partage des tâches domestiques et éducatives dès l’arrivée d’un enfant.

Alors que le congé parental est une possibilité offerte aux deux parents, nous constatons, encore et toujours, que les bénéficiaires sont des femmes à 96 %. Leur retrait du marché de l’emploi leur est très préjudiciable.

C’est pourquoi je suis favorable à la modification du complément de libre choix d’activité, qui permettra de relever le niveau d’emploi des femmes en limitant leur temps de retrait de la sphère professionnelle, de favoriser un meilleur partage des responsabilités au sein du couple, et de contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sans lequel l’investissement des femmes sur le marché de l’emploi est difficile, voire impossible.

Le projet de loi prévoit également de renforcer l’égalité professionnelle, en introduisant l’exigence d’égalité pour se porter candidat aux marchés publics, en renforçant les dispositifs de protection des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant pour les collaborateurs et collaboratrices libéraux, en autorisant le déblocage, à titre expérimental, des droits accumulés sur un compte épargne-temps pour financer des services à la personne.

La commission des affaires sociales a proposé d’aller plus loin encore, en inscrivant dans la liste des traitements discriminatoires prohibés par le code du travail ceux liés à l’usage, par un salarié ou une salariée, de ses droits en matière de parentalité, mais également en étendant le champ du rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes aux questions de sécurité et de santé au travail.

Le projet de loi prévoit aussi de lutter très concrètement contre la précarité. Tel est le sens de la création d’une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. De nombreuses études sur le sujet le démontrent, les femmes comptent parmi les ménages les plus pauvres, en particulier les mères vivant seules avec leurs enfants à charge, notamment du fait du non-paiement ou du paiement partiel des pensions alimentaires par le père des enfants, paiement pourtant fixé par la loi. Le nouveau dispositif permettra de renforcer les moyens de recouvrer les dettes de ces pères, en s’appuyant sur un service de la CAF, une institution bien connue des familles, qui les accompagne déjà dans leur accès aux droits.

Ce dispositif va, sans nul doute, améliorer la situation de nombreuses familles. Vous l’avez dit, madame la ministre, aucune fatalité n’impose, après une séparation, que la situation économique du parent ayant les enfants à charge soit amputée de ressources légales dédiées à la prise en charge et à l’éducation des enfants.

Je l’ai dit au début de mon propos, ce texte a pour ambition de lutter de manière globale et transversale contre les inégalités et situations discriminantes dont les femmes sont victimes. Il n’aurait pu le faire véritablement sans aborder, comme il le fait en son titre III, la question des violences envers les filles et les femmes.

En effet, nous ne le disons pas assez, ces violences sont un véritable fléau dans notre pays. Je ne donnerai que quelques chiffres chocs : 80 % des victimes de violences sexuelles sont des femmes ; 50 % de ces violences sont commises sur des filles de moins de quinze ans, très majoritairement par un proche, masculin le plus souvent ; le nombre de viols de mineurs et majeurs est estimé à 190 000 par an en France ; les femmes et filles sont quatre fois plus exposées ; les viols sont majoritairement le fait d’hommes ou de garçons proches de la victime – de ce fait, ces derniers sont très peu dénoncés auprès de la justice, car les victimes sont prisonnières de l’emprise et de la peur. La loi du silence qui règne en maître protège les auteurs, puisque le nombre de plaintes est faible et les condamnations rarissimes – moins de 2 % des viols font l’objet d’une condamnation.

Cette réalité, nous devons la regarder en face : nous ne pouvons plus accepter qu’une enfant, une jeune fille, une adolescente, une femme soit exposée à la violence du seul fait qu’elle soit de sexe féminin. C’est tout simplement intolérable ! Il n’y a aucune fatalité à ces comportements ; il n’y a qu’habitude et éducation, nous le savons. Avec vous, madame la ministre, nous disons : « Non ! » La loi et son application stricte doivent condamner fermement ces faits d’un autre âge, résultant de la domination des hommes sur les femmes.

Au-delà du projet de loi qui nous réunit aujourd’hui, je veux insister sur la nécessité de progresser dans la définition plus précise des violences envers les femmes, car elles sont très particulières : elles sont le fait de proches dans la majorité des cas et se déroulent sans témoins. Les victimes sont soumises à l’emprise et à la peur, ce qui entrave leur discernement et leur capacité à agir. Ces violences mériteraient donc une définition et un traitement spécifiques, ainsi que l’ont fait certains pays comme l’Espagne ou le Brésil.

Des définitions précises, à l’instar de celle que nous avons élaborée pour le harcèlement sexuel, contribueraient à la prise de conscience, par les femmes elles-mêmes, des violences qu’elles subissent, et seraient également utiles aux professionnels qui les accompagnent dans le cadre médical, judiciaire et social.

En effet, les formes de violence sont multiples et se conjuguent : la violence physique, la violence psychologique, la violence sexuelle, la violence matrimoniale ou encore la violence morale.

La France vient de ratifier la convention d’Istanbul, texte de référence en matière de prise en charge des victimes de violences et de lutte contre les violences à l’égard des femmes. Il conviendrait – je n’ignore pas votre engagement sur ce point, madame la ministre – de faire concorder d’ores et déjà nos dispositions nationales avec ce texte majeur et ambitieux.

Il nous faut, surtout, avancer dans l’application effective de la loi sur la totalité de notre territoire. Je ne doute pas que Mme le garde des sceaux saura prendre en compte les manques souvent dénoncés par les associations accompagnant les victimes, pour valoriser et développer les pratiques favorisant un traitement judiciaire adapté et égalitaire des situations de violence dans tous les tribunaux de grande instance.

Je sais, madame la ministre, que vous lancez actuellement un grand plan de formation auprès de l’ensemble des professionnels concernés par l’accompagnement des filles et femmes victimes de violences, et je vous en remercie. Nous en attendons de grands progrès dans la prise en compte médicale et judiciaire des violences faites aux femmes et aux enfants.

Au-delà de la condamnation pénale des actes de violence, nous avons le devoir de proposer aux victimes les moyens médicaux et sociaux pour soigner les effets des traumatismes subis. La société a tout à y gagner. Nous devons par exemple inciter à la création, dans chaque département, de consultations post-traumatiques et permettre l’accès aux unités médico-judiciaires hors réquisitions.

Je conclurai en rappelant que, depuis la création du ministère des droits des femmes, nous constatons la mobilisation transversale, quotidienne, concrète, efficace du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce travail de longue haleine trouvera bien sûr son point d’orgue lorsque l’égalité réelle sera atteinte dans les instances décisionnelles et politiques, par la loi bien sûr, mais aussi par le changement des mentalités. Les prochains rendez-vous électoraux seront, je le souhaite, l’occasion d’un pas supplémentaire vers cette parité nécessaire à notre bon fonctionnement démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes Muguette Dini, Chantal Jouanno et M. Yann Gaillard, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, que vous avez présenté, madame la ministre, avec beaucoup de détermination.

Ce texte s’inscrit dans la continuité de l’action de tout le Gouvernement en faveur des femmes et suit la réinstallation d’un ministère de plein exercice chargé des droits des femmes, trente ans après le premier en date.

Comme l’indique l’exposé des motifs, les inégalités de traitement et d’opportunités, qui se constituent dès la petite enfance, marquent encore les parcours et le devenir des femmes et des hommes : tâches domestiques, écarts de rémunération, temps partiel, présence des femmes à la tête d’entreprises ou dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40, à la présidence des universités ou encore dans les assemblées d’élus… Le chemin à parcourir pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes est encore long et nous avons le devoir de soutenir avec conviction toutes les réformes qui contribueront à améliorer la situation de nos concitoyennes, dans tous les domaines de la vie.

Je salue votre démarche, madame la ministre, car le projet de loi que nous examinons aujourd’hui aborde l’égalité dans toutes ses dimensions, en traitant des questions relatives à l’entreprise, à la conciliation des temps de vie, à la précarité des femmes, notamment celle des mères isolées, à leur protection renforcée contre les violences, à l’image des femmes dans les médias ou encore à la parité dans la sphère publique ou privée. Votre engagement personnel a été déterminant et vous avez su répondre aux attentes de notre société en mobilisant vos collègues au sein du Gouvernement.

Je souhaite également saluer l’investissement de tous mes collègues, hommes et femmes, qui ont abordé ce texte au Sénat dans un esprit d’ouverture, avec la volonté de doter notre pays des outils qui permettront à chacun et à chacune de faire progresser l’égalité.

Notre commission s’est saisie pour avis, car la culture, le sport ou les médias n’échappent malheureusement pas à ce phénomène d’inégalités entre les femmes et les hommes.

La place des femmes dans l’art et la culture a été analysée de façon remarquable par la délégation aux droits des femmes, dans l’excellent rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Il indique, sept ans après le premier rapport de Reine Prat sur le sujet, que les chiffres sont restés les mêmes : les postes de direction des institutions et industries culturelles sont toujours monopolisés par les hommes.

Parmi les dirigeants de l’administration culturelle, seuls 18 % sont des femmes, soit sept femmes pour trente et un hommes. Au sein de la Réunion des opéras de France, 4 % seulement des directeurs sont des femmes. Ce taux est de 15 % pour les trente-quatre centres dramatiques nationaux. Il passe à 30 % pour les centres chorégraphiques nationaux. Comme vous pouvez le constater, nous sommes très loin d’une situation d’égalité entre les femmes et les hommes.

Cet été encore, la question des nominations dans le monde de la culture, et notamment à la tête des centres dramatiques nationaux, a fait réagir bon nombre de personnes. Lors d’une conférence de presse sur le patrimoine organisée vendredi dernier, la ministre de la culture a annoncé que les nominations à la tête des opérateurs culturels se feraient désormais dans le respect de procédures transparentes et identiques pour tous les candidats.

Cette innovation devrait constituer une formidable opportunité pour les femmes. Espérons que la nomination de Sophie Makariou à la tête du musée Guimet soit le signe annonciateur d’une nouvelle ère pour les femmes, car elles sont nombreuses à posséder les compétences nécessaires pour diriger les établissements culturels et notre travail de législateur doit les encourager à prendre confiance en elles, pour que la culture bénéficie de tous leurs talents.

La saisine de notre commission concerne trois articles : l’article 16, relatif à la modification des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA ; l’article 19, relatif à la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives ; l’article 23, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant de la loi.

Avant d’aborder ces sujets, je voudrais d’ores et déjà vous indiquer que la commission de la culture a adopté un amendement relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’intermittence.

Notre commission a constitué, avec la commission des affaires sociales, un groupe de travail que j’ai l’honneur de présider. À la demande de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, nous avions prévu de nous pencher plus précisément sur le cas des femmes intermittentes et, en particulier, sur celui des « matermittentes », comme on les appelle. Nous avons depuis été alertés par le collectif qui les représente : elles se trouvent dans des situations intolérables, c’est pourquoi je vous proposerai, au nom de notre commission, un amendement qui obligera le Gouvernement à se pencher sur leur cas.

Il s’agit en effet de demander le dépôt, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, d’un rapport évaluant le nombre de cas de refus d’indemnisation du congé de maternité, ainsi que les conséquences pour le retour à l’activité et la retraite, parmi les femmes exerçant une profession discontinue, dont les intermittentes font partie. En raison de la réglementation qui leur est appliquée et de la gestion de leurs dossiers par les CPAM et Pôle emploi, ces dernières sont nombreuses à se retrouver sans aucun revenu, alors qu’elles sont enceintes et donc dans l’impossibilité physique et juridique de travailler. Cette précarisation est inacceptable : les femmes enceintes doivent être protégées et nous ne pouvons tolérer les situations dramatiques qui se multiplient, créant ainsi une rupture caractérisée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je tiens à rappeler que le Défenseur des droits s’est prononcé le 8 mars 2012, à la suite d’une saisine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, par trente-trois « matermittentes ». Il a reconnu que les conditions d’ouverture des droits à une indemnisation du congé de maternité sont inadaptées à la situation des intermittentes, et que « le dispositif d’attribution des prestations aux intermittentes du spectacle durant et à l’issue de leur congé de maternité n’est pas assuré correctement au regard de l’impératif de protection de la femme enceinte ». Il en conclut que la situation dans laquelle elles sont placées « constitue une discrimination fondée sur l’état de grossesse tant au regard du droit communautaire que du droit interne ».

Le 16 avril dernier, la direction de la sécurité sociale a enfin publié une circulaire détaillant le régime juridique applicable aux personnes exerçant une profession discontinue – comme les intermittents du spectacle, mais aussi les pigistes et les guides conférenciers, entre autres – pour l’accès aux prestations en espèces servies au titre de la maladie et de la maternité. Cette circulaire constitue un progrès qui doit être souligné. Toutefois, d’après les témoignages reçus, elle ne règle pas les problèmes constatés.

En outre, nous attendons le décret d’application de l’article 51 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui modifie le code de la sécurité sociale pour prendre en compte le cas des femmes ayant accepté, lors de leur grossesse, de petits contrats insuffisants pour le maintien de la qualité d’assurée.

Enfin, dans la mesure où les CPAM ne motivent pas assez précisément les refus d’indemnisation, les femmes sont dans l’impossibilité de comprendre la raison pour laquelle elles se retrouvent du jour au lendemain sans aucune ressource.

S’il semble urgent de prendre des mesures, il convient, dans un premier temps, de faire rapidement le point sur la situation de ces femmes. Une analyse complète, juridique et chiffrée permettra d’envisager une solution pertinente et efficace.

Venons-en maintenant aux articles du projet de loi que j’évoquais en introduction. L’article 16 offre une réponse aux difficultés relatives à l’image des femmes dans les médias et à leur présence dans le sport en confiant de nouveaux pouvoirs au CSA. L’article 19 fixe des règles contraignantes de mixité au sein des organes dirigeants des fédérations sportives. L’article 23 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures en faveur de la parité dans les autorités administratives.

L’article 16 prévoit que le CSA pourra, d’une part, assurer le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle et, d’autre part, imposer des obligations de programmation aux chaînes hertziennes nationales afin qu’elles contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes.

Je suis pleinement favorable à ces mesures, mais je crois qu’il serait pertinent d’étendre la disposition relative aux obligations de programmation à l’ensemble des services de communication audiovisuelle, qu’ils soient nationaux ou même locaux, et tant à la radio qu’à la télévision, au lieu de limiter cette disposition aux seules chaînes nationales. Notre commission a adopté un amendement en ce sens, car la lutte contre les préjugés sexistes est l’affaire de tous.

Je suis également pleinement favorable au principe de la mise en place d’une obligation de représentation minimale des femmes dans les instances dirigeantes nationales des fédérations sportives : 25 % dans les fédérations comptant moins de 25 % de femmes, et 50 % dans les autres. Le renforcement de la pratique sportive féminine est un impératif, qui passe aussi par une augmentation progressive de la place des femmes dans les organes dirigeants des fédérations.

Néanmoins, nous sommes aussi conscients des contraintes spécifiques que subissent les acteurs bénévoles de la vie associative. Je considère ainsi qu’un léger assouplissement de la disposition permettrait une mise en œuvre beaucoup plus efficace. Notre commission a adopté deux amendements à l’article 19. Le premier prévoit que, au sein des fédérations dans lesquelles la proportion de licenciés d’un des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %, les instances dirigeantes devront compter au moins 40 % de personnes du sexe le moins bien représenté dans la fédération. Le second amendement indique que, dans un premier temps, les fédérations devront assurer une représentation du sexe minoritaire au moins égale à sa proportion parmi les licenciés.

Les dispositions de l’article 23 sont superfétatoires s’agissant de la parité au sein du CSA, puisqu’un dispositif spécifique est déjà prévu dans le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. La commission de la culture n’a pas souhaité modifier le présent texte : elle a choisi de se consacrer à cette question lorsqu’elle examinera le projet de loi que je viens de citer.

En conclusion, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les articles 16, 19 et 23, sous réserve bien entendu de l’adoption des amendements dont nous allons discuter.

Avant d’achever mon intervention, je souhaiterais adresser un message à toutes celles et ceux qui se sentent concernés par l’égalité entre les femmes et les hommes, en reprenant une expression de Marie-José Malis, directrice du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers : « inaugurons une ère de confiance et d’audace » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC. – M. Yann Gaillard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes a examiné le présent projet de loi avec la plus grande attention. Ce texte aborde, dans une perspective intégrée, de nombreux aspects de la problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une bonne chose, tant il est vrai qu’une société qui violente, méprise ou ignore les femmes, se violente elle-même.

Chacun sait que notre calendrier était serré et d’autant moins propice au travail qu’il correspondait à la période estivale, mais nous avons tout de même voulu contribuer de façon active à l’élaboration du texte. Je me suis donc efforcée, en tant que rapporteur, d’entendre une quarantaine de personnes : associations de défense des femmes, représentants syndicaux ou encore personnalités qualifiées.

Une impression générale s’est vite dégagée de ces auditions : nos interlocutrices et interlocuteurs se réjouissent que l’égalité entre les hommes et les femmes soit enfin abordée dans une perspective globale et intégrée. Cependant, ils restent sur leur faim quant au contenu effectif du projet de loi et ils comptent sur nous pour l’enrichir. Vous nous y avez également invitées, madame la ministre.

Notre délégation a voulu répondre à cette double attente en formulant trente-cinq recommandations que nous avons adoptées à l’unanimité. Certaines sont susceptibles d’une traduction législative immédiate et je les défendrai par voie d’amendement.

Nos deux premières recommandations portent sur l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. C’est une dimension incontournable pour toute politique intégrée en faveur de l’égalité. À ce titre, elle doit figurer dans l’énumération de l’article 1er du projet de loi. Je vous proposerai donc de compléter cet article en ce sens. En outre, pour renforcer la force du principe d’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives, nous souhaitons qu’une prochaine révision constitutionnelle précise que la loi ne doit pas seulement le « favoriser » mais bien le « garantir ».

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En matière d’égalité professionnelle, nous estimons que la réforme du complément de libre choix d’activité va dans le bon sens, car la longueur actuelle du congé parental, rarement pris par les hommes, éloigne les femmes de la vie professionnelle. Nous demandons au Gouvernement de le revaloriser et de fixer le calendrier suivant lequel il compte faire évoluer les règles de partage entre les parents. Confirmez-vous, madame la ministre, que les redéploiements financiers que permettra cette réforme bénéficieront, comme l’indique l’étude d’impact, au développement de places en crèches ?

Dans l’affirmative, je rappelle que ces gains éventuels ne pourront être dégagés qu’à partir de 2017. Aussi, compte tenu du temps qui sépare la décision de construction d’une crèche de sa mise en service, pouvez-vous nous assurer que les conséquences probables de cette réforme ont été correctement anticipées en ce qui concerne le développement des modes de garde, afin de faire face à l’augmentation du nombre des demandes ?

Nous recommandons, en outre, que des actions en faveur du retour à l’emploi soient menées pendant le congé parental et que des formations en ce sens soient dispensées.

Dans le prolongement de nos recommandations, je défendrai également un amendement tendant à transformer le congé parental d’éducation en un droit individuel à la parentalité, modulable jusqu’à la majorité de l’enfant. Nous avions également proposé de doubler la durée du congé de paternité, mais l’amendement que j’avais déposé en ce sens a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution – évidemment !

Au titre de la lutte contre la précarité, les expérimentations conduites en matière d’allocation de soutien familial et d’impayés des pensions sont intéressantes. Je vous proposerai toutefois, par un amendement, d’en réduire la durée, pour ce qui concerne le versement de l’allocation différentielle de soutien familial, car, limitée à certains départements, cette expérimentation entraînera des inégalités de traitement sur le territoire.

La question de l’indépendance économique des femmes, donc de l’égalité salariale, est au cœur de l’accès à l’égalité. Plusieurs de nos collègues de la délégation ont relevé cette exigence. C’est pourquoi nous formulons plusieurs recommandations complémentaires afin de faire avancer l’égalité salariale et professionnelle, en prenant pour levier les négociations dans l’entreprise et les accords de branche obligatoires. Nous prônons aussi le respect du principe « à travail égal, valeur égale » qui implique une refonte des grilles salariales pour les rendre moins discriminantes.

Les dispositions relatives à la lutte contre les violences envers les femmes s’efforcent, pour l’essentiel, de remédier à certaines faiblesses de l’ordonnance de protection, qui sont apparues à l’usage. L’article 7 dispose ainsi qu’elle devra être rendue « dans les meilleurs délais ». Cette précision est opportune, mais un peu vague ! Nous vous demandons, madame la ministre, de nous préciser les mesures procédurales ou réglementaires que le Gouvernement s’engage à prendre pour réduire effectivement ces délais. Un effort devrait, de même, être engagé afin de diminuer la durée des autres procédures civiles, lorsqu’elles sont utilisées dans un contexte de violences conjugales.

Nous approuvons l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection et la réaffirmation du principe de l’éviction du conjoint violent, mais nous souhaitons préciser dans la loi que le logement commun est attribué au conjoint victime, même s’il a bénéficié d’un logement d’urgence, de manière à lever une ambiguïté qui persiste dans la pratique de certains tribunaux.

La médiation pénale nous paraît décidément inadaptée aux cas de violences au sein du couple, dans la mesure où elle ne peut qu’aviver les phénomènes d’emprise. On ne cesse d’en restreindre le champ, mais je vous proposerai, par un amendement, d’aller au bout d’un constat largement partagé, et de l’exclure purement et simplement.

Nous apportons notre plein soutien au dispositif téléphonique « femmes en très grand danger » et nous invitons l’État à consacrer les moyens nécessaires à sa généralisation. Il repose largement sur les associations partenaires et appellera des compensations financières en leur faveur.

De même, nous soutenons l’imposition de stages aux auteurs de violences, car il s’agit de leviers permettant d’éviter la récidive. Nous proposerons cependant, par un amendement, de les qualifier plutôt de « stages de responsabilisation », et de recentrer leur objet sur les violences au sein du couple proprement dites. Nous recommandons, en outre, d’encadrer les formations dispensées aux professionnels qui ont à connaître des violences conjugales, en s’appuyant sur l’expérience de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF.

La gratuité de la délivrance des titres de séjour pour les étrangères bénéficiaires de l’ordonnance de protection est une bonne chose. Mais nous souhaitons lever des obstacles encore trop fréquents à la délivrance de ces titres, en précisant que l’autorité administrative ne peut les refuser qu’en cas de menace grave à l’ordre public, par parallélisme avec la condition posée pour l’expulsion d’un étranger en situation régulière.

Même si cela ne relève pas du champ du projet de loi, nous recommandons à madame le garde des sceaux de lutter contre la tendance des tribunaux à correctionnaliser les viols. Cette pratique, maintes fois dénoncée, est contraire à la lutte contre les violences, car elle revient à minimiser aux yeux de la victime et de son agresseur la gravité de cet acte. J’espère que cette recommandation sera aussi bien entendue que celle, très voisine, que nous avions formulée en matière de harcèlement sexuel.

Deux de nos recommandations portent sur la responsabilité confiée au CSA en matière de protection de l’image des femmes, afin de l’inciter à se doter d’une mission de contrôle bien identifiée et à mettre en place des indicateurs chiffrés portant sur la progression de l’égalité dans les programmes des chaînes de télévision privée.

L’amélioration de la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives est une évolution positive, mais nous demandons qu’un meilleur équilibre soit recherché également dans les postes d’encadrement, comme ceux de directeur, de conseiller technique ou d’entraîneur national.

Nous vous proposerons, par amendement, d’abaisser à 250 salariés, contre 500 actuellement, le seuil à partir duquel les sociétés devront comporter au moins 40 % de membres de chaque sexe dans leurs conseils d’administration ou de surveillance.

Le projet de loi double les retenues financières imposées aux partis qui présentent trop peu de candidates aux élections législatives, mais ces pénalités qui ne portent que sur la première partie de l’aide suffiront-elles ? Nous pensons qu’il faut engager une réflexion sur la possibilité d’instituer également des retenues sur la deuxième fraction de l’aide, bien plus volumineuse.

Enfin, nos trois dernières recommandations tendent respectivement à améliorer la parité dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, dans les conseils de prud’hommes et dans les différentes instances, en particulier de direction, des syndicats.

Madame la ministre, sans constituer la loi-cadre que certaines et certains, dont je suis, appellent de leurs vœux, votre projet de loi pose un premier jalon vers une approche intégrée. D’autres seront nécessaires, car nous mesurons le chemin qui nous sépare encore d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ensemble, nous pouvons nous y atteler ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, après les cinq discours que nous venons d’entendre, je voulais souligner combien ces propos témoignent d’une conviction forte.

Cette conviction, vous la défendez particulièrement, madame Najat Vallaud-Belkacem, ainsi que j’ai pu le constater. C’est pour vous une préoccupation constante. Le mot « préoccupation » ne convient pourtant pas, il s’agit d’une volonté forte, d’une conviction, au sens plein du terme. Cette œuvre, cette histoire – j’allais dire « ce combat », mais je préfère ces termes –, vous les menez avec la force et la conviction qu’y ont mises beaucoup femmes avant vous.

On pourrait en effet en citer beaucoup qui ont partagé ce souci et cette volonté. Michèle André, par exemple, qui fut ministre des droits des femmes, avant d’autres, après d’autres, a démontré la même conviction. D’autres furent ministres avec des portefeuilles concernant d’autres domaines : parmi nous, je pense à Mme Tasca, qui a magnifié le ministère de la culture ; sur d’autres travées, je vois Mme Jouanno, qui a également exercé des responsabilités ministérielles. Je ne compte pas toutes celles qui viendront, n’anticipons pas !

Il s’agit donc bien d’une œuvre collective, voulue par les unes et les autres, que je me permettrai, avec humilité et sincérité, de saluer ici.

Dans cet hémicycle, certains hommes se sont aussi illustrés en défendant cette cause, et notamment Victor Hugo, qui siégeait à côté de la place que vous occupez, madame Assassi. Dans sa lettre à Léon Richer, il écrivait : « dès 1849, dans l’Assemblée nationale, je faisais éclater de rire la majorité réactionnaire en déclarant que le droit de l’homme avait pour corollaire le droit de la femme et le droit de l’enfant ». Devant la tombe de Louise Julien, il déclarait : « Le dix-huitième siècle a proclamé le droit de l’homme ; le dix-neuvième proclamera le droit de la femme. » Victor Hugo était optimiste ! (Sourires.) Soutenant Maria Deraismes, il disait aussi, en 1872 : « Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent : il faut qu’il cesse. » Ne l’oublions pas, entre les paroles de Victor Hugo à l’Assemblée nationale et l’apparition du droit de vote des femmes en France, un siècle s’est écoulé !

L’un de vos prédécesseurs, monsieur le président du Sénat, réunit un jour dans la cour d’honneur du Sénat les femmes maires. Quelle belle assemblée ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Il fit un discours remarquable. Il oublia simplement de dire que, durant de nombreuses décennies, le Sénat, en dépit de ses grandes qualités, s’opposa à ce que les femmes puissent exercer le droit de vote ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Ce fut donc une longue histoire, qui n’est pas finie. Tout ce que vous avez dit, madame la ministre, comme les mots de nos trois rapporteurs et de madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, montre que nous avons encore beaucoup de travail à accomplir.

Je voulais simplement citer un fait, une phrase qui m’a frappé, celle d’un élu qui a déclaré après le vote de la récente loi sur le mode de scrutin dans les départements : « C’est la fin des départements ! » (Ah ! sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme Nathalie Goulet. Voyons de qui il s’agit !

M. André Reichardt. Qu’il se dénonce !

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cela nous changera des 14 % de femmes parmi les conseillers !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mes chers collègues, ce jugement ne manque pas de nous faire réfléchir, parce qu’il sous-entend que le département, du moins l’assemblée départementale, ne sera plus comme avant une fois mis en œuvre ces changements. Eh oui ! Autant de femmes que d’hommes siégeront au sein de ces assemblées et la démographie sera mieux respectée, en raison des décisions du Conseil constitutionnel qui s’imposent, s’imposeraient et s’imposeront à toute majorité et à tout gouvernement, quel qu’il soit.

C’est une évolution positive, et je la défends ! Quelques conseils généraux, comme on dit encore, ne comptent qu’une ou deux femmes parmi leurs membres, et certains aucune !

Mmes Corinne Bouchoux et Michèle André. Ils sont trois !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cette situation ne reflète pas à la réalité de notre société. Nous avons beaucoup entendu ces mêmes discours. Aujourd’hui, pourtant, la parité est une réalité dans les conseils régionaux,…

Mme Éliane Assassi. Grâce à la proportionnelle !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … nous y sommes habitués. Elle va régner, grâce à une loi que nous avons récemment votée, dans les instances représentant les Français établis hors de France. Elle existe dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants et existera, bientôt, dans celles de plus de 1 000 habitants.

Lorsque je parcours les communes, j’entends ici ou là des craintes s’exprimer : va-t-on trouver assez de femmes ? Je remarque, au passage, que cette crainte existait déjà lorsque la parité s’appliquait dans les communes plus importantes. Je veux rassurer ceux qui s’inquiètent : des femmes se porteront candidates. À l’avenir, on trouvera cela normal, et cette évolution sera tout à fait légitime.

De la même manière, je tiens à saluer la loi du 31 janvier 2007, même si je n’ai pas souscrit à tous les aspects de celle-ci. (M. André Reichardt s’étonne.) Soyons objectifs, monsieur Reichardt !

Qu’il me soit permis de saluer l’arrivée de la parité dans les exécutifs locaux. Or que n’a-t-on pas entendu ?... On ne trouvera pas de femmes pour être adjointes, disaient certains. Finalement, dans tous les villages et toutes les communes, petites, moyennes et grandes, la République trouve des femmes candidates. Et c’est très bien ainsi !

En revanche, s’agissant d’autres élections, que je n’ai pas citées, je suis préoccupé par le système qui est le nôtre, et que je n’aime pas.

M. Muguette Dini. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certes, ce système existe sans doute faute de mieux, mais je veux vraiment vous dire que je ne l’aime pas.

Il fut une époque, dont vous vous souvenez, mes chers collègues, où l’on pouvait payer pour ne pas faire son service militaire. Aujourd’hui, les partis politiques peuvent payer…

M. Michèle André. Oui, ils paient !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … ou choisir de recevoir moins d’argent pour s’acheter le droit, si je puis dire, de ne pas respecter la parité.

Mme Nathalie Goulet. C’est bon pour le déficit !

M. Laurence Rossignol. Ils font ensuite des souscriptions !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait ! (Sourires.)

J’aimerais que l’on réfléchisse à la mise en place d’autres systèmes. Après tout, on a trouvé, pour nombre d’élections, des modes de scrutin garantissant la parité,…

M. Muguette Dini. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … y compris pour les élections européennes. Dès lors, pourquoi cela ne serait-il pas possible pour l’ensemble des scrutins de ce pays, conformément d’ailleurs aux orientations inscrites dans la Constitution ?

M. Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour conclure, certains m’ont fait part de leurs inquiétudes concernant la parité dans les chambres d’agriculture : « Il va falloir trouver des femmes ! », m’a-t-on dit l’autre jour.

M. Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Elles y sont déjà !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’ai alors répondu que j’avais rencontré, en parcourant les villages de ce département, de nombreuses femmes travaillant comme exploitantes ou salariées agricoles.

M. Nathalie Goulet. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame la ministre, vous avez raison de poser les règles avec ambition et réalisme pour parvenir à faire véritablement appliquer la parité. Certes, il y aura des réactions, des lourdeurs, des pesanteurs, mais vous œuvrez, nous en sommes sûrs, dans le bon sens, afin que notre société respecte tout simplement sa devise républicaine.

J’ai noté que vous aviez achevé votre propos liminaire en employant un terme très fort et très beau, qui fonde toute votre action : le mot « égalité. » C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs, très nombreux, je l’espère, auront à cœur de vous soutenir. (Applaudissements.)

(M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il me soit d’emblée permis de vous dire la joie qui est la mienne d’être l’un des quatre hommes parmi les dix-sept orateurs inscrits dans la discussion générale sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Je remercie vivement le groupe UMP de la confiance qu’il a bien voulu m’accorder.

M. Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. André Reichardt. À chacun ses petits plaisirs ! (Sourires.)

Les hommes et les femmes sont égaux en droits, tels sont les termes de nos textes les plus fondamentaux.

Pourtant, force est de constater que des entorses à ce principe d’égalité sont commises tous les jours, que ce soit au travail, à la maison, à l’école, dans les médias, voire, selon certains, au Parlement. Alors que le traité de Rome comportait déjà en 1957 une disposition visant à lutter contre les différences salariales entre les hommes et les femmes et que, depuis 1972, pas moins de six lois ont été votées en France sur le sujet, les inégalités liées au sexe persistent dans la sphère professionnelle, sociale et politique. Comment sortir enfin des bonnes intentions pour arriver à cette égalité que nous recherchons, me semble-t-il, tous ?

Plusieurs constats sont aujourd’hui indéniables. Comme je viens de le souligner, de fortes inégalités professionnelles persistent. On parle d’égalité professionnelle et salariale depuis un demi-siècle. Or, d’après le rapport du Forum économique mondial de Davos de 2010, la France est classée au 127e rang sur 134 pays en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes, derrière le Kenya et le Kazakhstan.

M. Michèle André. Bien sûr !

M. André Reichardt. On peut espérer que les choses aient changé depuis 2010, mais sans doute pas de manière radicale.

Malgré la volonté du législateur, l’égalité professionnelle n’est pas encore une orientation stratégique au sein de l’entreprise. On constate même, à certains égards, quelques signes de régression, comme si le processus de « rattrapage des inégalités » lancé dans les années 1960 était en panne.

Tout d’abord, les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes emplois. Ensuite, à poste égal, les employeurs ont tendance à moins rémunérer les femmes, ainsi que cela a déjà été souligné. Enfin, lorsque celles-ci sont arrivées à un certain niveau, elles ne progressent plus et se heurtent encore à une sorte de « plafond de verre » : l’accès aux postes à responsabilité, notamment aux postes de direction, tant dans les entreprises privées que dans la fonction publique, est limité pour les femmes, en dépit de certaines mesures récentes, sur lesquelles je reviendrai.

De plus, les femmes connaissent un risque accru d’être des outsiders – je n’ai pas trouvé d’autre terme ! – sur le marché de l’emploi : à l’instar des jeunes, des seniors et des minorités, un certain nombre des femmes sont, on le sait bien, victimes d’un marché du travail « dual ».

En d’autres termes, les femmes sont souvent plus qualifiées, mais moins promues ; moins souvent employées dans des secteurs porteurs et moins souvent salariées à temps complet. Cette situation est certainement due au fait que la conciliation de la vie professionnelle et de la vie sociale ne se décline encore trop souvent qu’au féminin : à croire, comme cela a été relevé, que tout ce qui touche à la famille serait uniquement une affaire de femmes ! Et c’est un homme qui vous parle ! Il sait de quoi il parle ! (Sourires.)

Selon nous – c’est un élément important –, les femmes pourront pleinement investir le marché du travail quand notre vision de la parentalité aura évolué. Or je ne suis pas certain, madame la ministre, que votre texte apporte les bonnes réponses sur ce plan. Pourtant, il aurait fallu tenter de résoudre cette question, qui se situe au cœur du problème. Il en va de même hors de la sphère professionnelle, et des efforts restent également à poursuivre dans la sphère politique.

Nous avons déjà longuement évoqué cette question à l’occasion de la discussion du texte de circonstance relatif à l’élection des conseillers départementaux, qui a créé les binômes. Son objectif masqué – excusez-moi de vous le redire, madame la ministre ! – était de limiter la représentation des territoires ruraux, mais il a fini par donner la primauté à la parité, et non pas l’inverse ! (Exclamations au banc des commissions.) À cet égard, nous avions eu l’occasion de dire que, si la parité était une question légitime et un objectif à valeur constitutionnelle, elle ne devait pas non plus devenir une obsession.

Pour autant, la sphère politique n’est pas plus exemplaire que la sphère professionnelle.

M. Éliane Assassi. C’est clair !

M. André Reichardt. Selon le même classement publié par le Forum économique mondial précité, la France occuperait la 46e place sur 134 en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. Sur le plan politique, serait en cause, nous dit-on, le recul des femmes occupant des fonctions ministérielles et leurs difficultés à atteindre les postes à responsabilité. Je laisse bien sûr aux auteurs de cette étude la responsabilité de leurs conclusions.

Pourtant, dans les faits, lorsque les hommes et les femmes gouvernent ensemble – permettez à un maire entré en fonctions quelque temps à peine après la mise en place de la parité pour les élections municipales de faire cette remarque ! –, la forte présence des femmes dans la vie politique change assurément des habitudes que l’on pensait indéracinables et permet de modifier en profondeur les représentations culturelles attachées à la perception de la femme dans la société.

Force est de constater qu’un changement en profondeur des mentalités est effectivement devenu incontournable en France, dans tous les pans de la société.

Plus généralement, la question de l’égalité dans l’entreprise et en politique renvoie à la place des femmes et des hommes au sein de cette société. Or nos stéréotypes perdurent, restent bien ancrés, véhiculés par la publicité et les médias, comme cela a également été souligné précédemment. Ces clichés contribuent d’ailleurs à figer la place des hommes et des femmes dans la société.

Pourtant, peut-on nier que l’égalité entre les sexes est aujourd’hui pleinement reconnue en droit ? À cet égard, la majorité précédente n’a absolument pas à rougir de son action.

Le gouvernement précédent, que nous avons soutenu, avait fait de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les violences conjugales des priorités nationales. Lors du quinquennat précédent, nous avons su défendre et promouvoir l’égalité des sexes. Grâce au travail de nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Joëlle Garriaud-Maylam, nous avons, entre autres, imposé le seuil minimal de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés de plus de 500 salariés, d’ici à 2017.

Là encore, le volontarisme politique a permis de changer vraiment les choses : en trois ans, la part des femmes dans les conseils d’administration est passée de 11 % à 25 %. C’est d’ailleurs bien la réforme constitutionnelle de 2008 – nous étions alors aux manettes ! – qui a permis de faire de la parité dans la sphère professionnelle et sociale un principe constitutionnel.

Concernant les retraites des femmes, c’est également nous qui avons été à l’origine, dans le cadre de la réforme de 2010, de la prise en compte des indemnités journalières de maternité dans le calcul du montant de la retraite des mères de famille. Concernant la lutte contre les violences faites aux femmes, la loi du 9 juillet 2010 a créé les ordonnances de protection permettant au juge des affaires familiales de prendre des mesures d’urgence pour protéger les femmes victimes de leur conjoint violent. Le succès de ce dispositif fut – et il l’est encore – particulièrement important, puisque plus de 2 600 ordonnances ont été délivrées en deux ans.

Par ailleurs, notre majorité a également permis la création de deux nouveaux délits : le délit de harcèlement au sein du couple pour prendre en compte les violences psychologiques ou morales et le délit de contrainte au mariage pour lutter contre les mariages forcés.

Certes, des inégalités persistent. Comme vous, madame la ministre, nous partageons la volonté d’aboutir à une réelle égalité de traitement entre les femmes et les hommes. Comme vous, nous pensons que les violences physiques, morales ou sexuelles faites aux femmes constituent d’insupportables violations de la dignité humaine, qu’il convient de réprimer avec la plus grande fermeté.

Pourtant, le texte qui nous est aujourd’hui présenté, même s’il apporte quelques améliorations significatives, ne nous paraît pas de nature à répondre aux objectifs annoncés. Il ne nous semble pas être la loi-cadre dont vous nous parlez, madame la ministre.

En modifiant pas moins de huit codes, votre projet de loi, bien qu’empreint d’excellentes intentions, est un assemblage, pour ne pas dire un saupoudrage (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) de mesures imprécises et même, quelquefois, redondantes avec le droit existant.

M. Nathalie Goulet. Dommage ! Votre intervention commençait bien !

M. André Reichardt. Madame la ministre, votre objectif de promouvoir l’égalité professionnelle est fort louable, et nous y souscrivons. Reste que, en raison de l’absence, que j’ai déjà signalée, d’une réelle réflexion d’ensemble, votre projet de loi se borne à ajouter de nouveaux mécanismes de sanction, lesquels, de surcroît, me paraissent inutiles.

En particulier, la création d’un régime spécifique de la commande publique permettant d’interdire à toute entreprise qui ne respecte pas les obligations d’égalité professionnelle de soumissionner aux marchés publics n’est en aucun cas acceptable. D'ailleurs, les sanctions pénales, civiles et financières qui existent déjà sont bien plus dissuasives. Nous présenterons un amendement tendant à supprimer cette mesure pour la remplacer par un dispositif qui, à notre avis, serait bien plus efficace.

Quoi qu’il en soit, certaines dispositions du projet de loi nous semblent beaucoup plus graves encore : je veux parler de celles qui touchent à la réforme du congé parental.

En effet, votre réforme risque de se retourner injustement contre les mères de famille nombreuse, et souvent contre les plus modestes d’entre elles.

M. Roland Courteau. Tiens donc !

M. André Reichardt. Sans doute, inciter les pères à recourir davantage aux congés parentaux est une bonne initiative, mais cela ne doit pas se faire au risque de précariser les familles !

Madame la ministre, vous proposez de réserver au second parent six mois d’allocation de congé parental sur les trois ans possibles. Par voie de conséquence, de nombreuses mères de deux enfants ou plus se verront privées du droit de recevoir une allocation après que leur enfant aura atteint l’âge de deux ans et demi. Or non seulement cette disposition coercitive est loin d’être un progrès, mais elle touchera souvent les familles les plus modestes.

Comment imaginer que les femmes dont le conjoint est chef d’entreprise, commerçant, artisan ou exerce une profession libérale – il se trouve que je connais bien ces secteurs – pourront compter sur le père de leur enfant pour prendre vraiment les six derniers mois de congé parental ?

De fait, près de 80 % des mères de deux enfants ou plus utilisent leurs congés parentaux à plein temps. Pour toutes celles dont le conjoint ne pourra pas prendre de congé parental, votre projet, madame la ministre, entraînera une réduction importante de l’allocation, pourtant essentielle pour boucler le budget des familles.

Nous vous demandons donc d’écouter et d’entendre les craintes des associations familiales, qui nous ont fait part des inquiétudes que ce dispositif leur inspire.

Que deviendront les mères de famille qui, au bout de deux ans et demi, ne percevront plus la CLCA, leur mari ne pouvant pas la toucher parce qu’il est occupé ailleurs ? Ces femmes ne sauront pas quoi faire de leur enfant, alors même qu’elles devront reprendre leur activité professionnelle !

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Donc, il ne faudrait rien changer ?

M. André Reichardt. L’école n’étant pas ouverte à leurs enfants, comment trouveront-elles des modes de garde ? Il me semble très important de penser à ces femmes !

Madame la ministre, comprenons-nous bien : nous ne sommes pas défavorables par principe à toutes les mesures que votre projet de loi comporte. Ainsi, la modification du régime de l’ordonnance sous protection, la généralisation du dispositif de télé-protection et la limitation du recours à la médiation pénale dans des cas de récidive nous semblent aller véritablement dans la bonne direction.

En revanche, nous regrettons que votre projet de loi ne se fonde pas sur une réflexion construite, qui prenne en compte les raisons pour lesquelles, malgré tous les dispositifs en vigueur et toutes les bonnes volontés, la situation n’a pas mieux évolué sur le plan de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Par ailleurs, nous souhaitons rappeler au Gouvernement que l’égalité entre les sexes ne signifie pas l’indifférenciation de ces derniers. Le genre humain est fait d’hommes et de femmes, dont les rôles ne sont pas interchangeables ; l’égalité ne peut ni ne doit conduire à l’effacement de l’altérité !

Mme Catherine Tasca. Nous y voilà !

M. André Reichardt. Or nous craignons que ce projet de loi, comme celui qui était relatif au mariage entre personnes de même sexe, ne repose sur une idéologie sous-jacente : la théorie du genre, selon laquelle toutes les différences entre les sexes ne sont que des constructions sociales discriminantes. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nier le fait biologique et affectif qui distingue les hommes et les femmes, c’est naturellement nier la réalité telle qu’elle est !

Madame la ministre, nous aurions aimé débattre d’un projet de loi qui s’attaque véritablement aux obstacles culturels à l’égalité, que nous souhaitons, comme vous, entre les hommes et les femmes.

Faute d’un tel projet de loi, nous nous sommes résolus à déposer divers amendements pour tenter de remédier, au moins, aux dispositions qui nous paraissent inacceptables, notamment la sanction des entreprises, interdites de soumissionner à la commande publique, et le partage du congé parental dans les conditions que j’ai décrites.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est du sort qui sera réservé à nos amendements que dépendra notre position sur l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est bon que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes soit aujourd’hui à l’ordre du jour de nos débats ; c’est la preuve, s’il en était besoin, que les reculs, les retards et les écarts sont encore importants dans ce domaine.

Je souscris au constat dressé par beaucoup : le retard accumulé ces dernières années, voire le recul qui s’est produit nous placent aujourd’hui devant l’urgence de prendre des mesures pour assurer l’égalité.

Ce projet de loi est donc le bienvenu ; il nous paraît prendre en compte la réalité d’inégalités injustifiables entre les femmes et les hommes, en situation de travail et dans le cadre de la parentalité, mais aussi du point de vue des personnes, qui ont un rôle à jouer, non assigné, dans la société.

Pour autant, après avoir l’avoir étudié et avoir rencontré de nombreux spécialistes de la question, en particulier des responsables d’associations et les partenaires sociaux, nous regrettons que le projet de loi n’aille pas encore assez loin dans l’affirmation d’engagements pour le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.

De fait, ce projet de loi n’est pas au niveau d’une loi-cadre englobant tous les champs dans lesquels une intervention est nécessaire. Je souhaite donc que les travaux du Sénat et la discussion des amendements continuent d’élargir les domaines couverts par le projet de loi, afin que l’on agisse partout où cela est possible pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes.

À cet égard, je signale que nous sommes assez d’accord avec les recommandations formulées la semaine dernière par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et avec les priorités qu’il désigne. Il serait utile que, grâce à ce projet de loi, la garantie des droits soit réalisée de manière effective et que l’application de ces droits soit favorisée. Il faut pour cela mettre en place les outils nécessaires, mais aussi mener, à tous les niveaux, un travail novateur dans le domaine de la lutte contre les stéréotypes.

S’il faut une véritable loi-cadre, c’est parce que, selon les mots de Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur – j’ajoute : entre l’homme et la femme –, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

Cette politique d’égalité doit reposer sur un principe clair, être définie par un champ d’action précis et dotée d’une méthode reproductible, pour une mise en œuvre rapide et efficace permettant également d’être un vrai recours en cas de nécessité.

Plus concrètement, une enquête d’Ipsos commandée par le Secours populaire français et rendue publique il y a une semaine confirme que « les victimes de la pauvreté sont majoritairement des femmes » – à 56 % – et que celles-ci sont « touchées plus durement que les hommes » par les conséquences de celle-ci. C’est le cas notamment des mères célibataires, dont 62 % « ont éprouvé, au cours des douze derniers mois, des difficultés financières importantes pour se procurer une alimentation saine et équilibrée ».

Comment ne pas penser qu’une façon d’enrayer la précarité des femmes consiste à en finir avec les écarts de salaires entre les hommes et les femmes à poste équivalent, à garantir l’accès aux moyens de garde pour les enfants et à agir contre le temps partiel subi et contre la précarité ? C’est pourquoi la question de l’égalité professionnelle constitue l’une des premières préoccupations de nos concitoyens.

Le décret sanctionnant les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale hommes-femmes porte lentement ses fruits. En tout état de cause, depuis le début de cette année, quatre sociétés ont été sanctionnées financièrement pour non-respect de la parité. En outre, 400 entreprises ont été mises en demeure ; elles ont six mois pour se mettre en conformité, sous peine d’être sanctionnées par une pénalité pouvant représenter jusqu’à 1 % de leur masse salariale. Ces premières sanctions et les suivis qui vont être opérés annoncent-ils des changements vers une meilleure égalité salariale ? Nous le pensons et nous souhaitons que cette évolution se poursuive.

Des études montrent que, en 2011, quelque 79 % des femmes au foyer ont déjà exercé une activité professionnelle dans le passé, même d’une durée réduite. Elles font apparaître aussi que les raisons pour lesquelles ces femmes ont cessé leur activité ont sensiblement évolué en vingt ans. En effet, en 1991, 59 % des femmes au foyer déclaraient avoir cessé leur activité pour des raisons personnelles, tandis que, en 2011, elles ne sont plus que 21 % dans ce cas : la raison principale de la cessation d’activité est devenue la fin d’un contrat à durée déterminée, qui a concerné 35 % de ces femmes en 2011, contre 10 % en 1991.

On observe également que les femmes au foyer qui n’ont jamais travaillé sont moins diplômées et plus souvent mères de familles nombreuses. Nous en concluons que le congé parental éloigne les femmes du travail, quand elles en ont un, et favorise la décision d’un deuxième, voire d’un troisième enfant, ce qui recule le retour de ces femmes à l’emploi ou la réalisation d’un autre projet personnel, comme l’inscription à une formation professionnelle.

En 2011, 14 % des femmes âgées de 20 à 59 ans non étudiantes étaient des femmes au foyer, contre 24 % en 1991. Le nombre de femmes au foyer n’a donc cessé de diminuer, en raison principalement de la progression de l’activité féminine. Par ailleurs, le cliché de la femme au foyer a évolué en vingt ans : ces femmes sont aujourd’hui plus diplômées et, comme je viens de le souligner, leur cessation d’activité est plus souvent liée aux difficultés d’accès au marché du travail.

Les licenciements également occupent une place plus importante qu’il y a quelques années dans la cessation d’activité : ils sont impliqués dans 11 % des cas en 2011, contre 4 % en 1991. Ainsi, avec un passé professionnel davantage marqué par des CDD qu’auparavant, certaines femmes abandonnent l’espoir de retrouver un emploi et deviennent non actives sur le plan professionnel.

Les femmes les plus défavorisées sont aussi les moins diplômées, surtout avant 40 ans, qu’elles aient ou non des enfants. Ainsi, 23 % des femmes sans diplôme sont en temps partiel subi, contre 9 % des hommes dans le même cas. Les inégalités pour l’accès à l’emploi à temps plein sont encore plus fortes dans la population féminine que dans la population masculine.

Autre chiffre éloquent : le taux d’emploi des femmes ayant deux enfants est de 59,6 %, alors que celui des hommes dans la même situation est de 90 %.

Mes chers collègues, je vais faire appel à votre imaginaire. Quand un homme dit : « J’ai obtenu une augmentation parce que j’ai progressé dans mes fonctions et responsabilités professionnelles, je suis marié et installé dans une grande maison avec mon épouse et mes deux enfants », on l’admire, on le félicite, on envie les signes extérieurs et probants de sa réussite sociale, certainement bien méritée parce qu’il s’est beaucoup consacré à sa carrière professionnelle.

Seulement, si c’est une femme qui tient ces propos, on commence par lui demander comment elle fait pour y arriver avec des journées de vingt-quatre heures ; on se demande qui va tout gérer et qui, de l’emploi de cette femme ou de ses enfants, va pâtir de cette accumulation ; de surcroît, on parie sur un prochain burn out ou sur un « pétage de plombs » fatalement lié à la vie fatigante et contraignante des femmes. (Mmes Catherine Tasca et Laurence Rossignol acquiescent.) C’est peut-être une caricature, mais elle n’est pas tout à fait fictive !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Eh non !

Mme Cécile Cukierman. Ces chiffres et cet exemple ont le mérite de souligner l’importance de ce que l’on appelle les rôles sociaux de sexe : les femmes, du fait de leur place dans la reproduction, seraient assignées par nature à jouer un rôle dans la sphère familiale, tandis que les hommes seraient assignés à agir dans la sphère publique, laissée de fait vacante.

C’est pourquoi il est crucial de lutter contre les stéréotypes – je sais, madame la ministre, que vous êtes attachée à ce combat.

Ces stéréotypes sont ancrés souvent depuis le plus jeune âge par les parents, mais aussi par les différentes personnes que les enfants rencontrent : professionnels, enseignants et enseignantes, éducateurs et éducatrices. Ils sont souvent renforcés par des remarques ou par des comportements involontaires, qui entraînent de l’inégalité sans que cet effet ait été consciemment recherché ; nous devons toutes et tous nous interroger sur ces comportements, et il est nécessaire de former les différents professionnels à cet égard.

Si l’on avance globalement sur l’idée que le pouvoir, la supériorité ou l’intelligence n’auraient pas de sexe, les chiffres à notre disposition indiquent bien que des freins, pas toujours identifiés comme étant le résultat de processus d’exclusion ou d’inégalité, perdurent.

Je ne reprendrai pas les chiffres, nous les connaissons. Chaque année, autour du 8 mars, ils font la une des journaux et, malheureusement, restent les mêmes, qu’il s’agisse de l’accès aux postes à responsabilité ou de décision dans le monde du travail, du nombre de femmes maires, députées ou sénatrices, du nombre de femmes à la tête de très grandes associations...

À cet égard, j’ai coutume de citer en exemple les associations de parents d’élèves, que je respecte par ailleurs : au sein des conseils de vie locale, les femmes ont une très large place, mais quand on monte au collège et au lycée, de très nombreux hommes apparaissent, qui pourtant étaient bien sûr les pères de leurs enfants depuis le début de la scolarisation de ces derniers !

Si nous sommes d’accord pour dire et penser que toute personne ne souhaite pas et ne peut pas devenir P-DG, ministre, pilote d’Airbus, infirmier, puériculteur ou couturier, l’enjeu est que, en revanche, toute personne qui le souhaite puisse y arriver sans entraves liées à son sexe. Lutter contre la précarité et la pauvreté est une exigence politique d’autant plus forte. Agir de cette façon, c’est aussi combattre les différentes inégalités.

Parmi les conditions favorisant l’émancipation des femmes et leur pleine participation à la vie économique et sociale dans les sphères publique et privé, il en est une majeure : ne pas exercer de violence à leur encontre.

La violence est, de manière générale, à bannir des comportements humains. Toutefois, il se trouve que les violences sont majoritairement exercées par les personnes de sexe masculin envers des personnes de sexe féminin. Quelque 75 000 femmes sont victimes de viol chaque année. Une femme meurt des coups de son conjoint tous les deux jours et demi, comme le rappelait Mme la rapporteur de la commission des affaires sociales. Et 38 % des femmes assassinées dans le monde l’ont été par leur partenaire. Une lutte implacable doit être menée et, comme nous y invite le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, ce texte doit constituer une rupture sur le sujet.

Mes chers collègues, j’en appellerai une nouvelle fois à votre imaginaire : est-il possible de penser, de croire, d’entendre qu’une jeune fille qui a été violée ou battue « a laissé faire », ou même « l’a bien cherché » ? Qu’une femme harcelée au travail « le mérite » ou que tout cela n’est qu’une blague de potache censée mettre une bonne ambiance entre les salariés ? Qu’une autre, mariée de force, finira par trouver le bonheur auprès de son mari ? Tout travail de responsabilisation, tout dispositif d’alerte, de veille, de protection, tout renforcement de la coordination des actrices et acteurs de terrain sur ces questions est à valider car, plus jamais, nous ne devons entendre cela.

Il convient de détailler, dans ce chapitre 1er du titre III, les actions relatives à la protection des femmes victimes de violences, en comprenant bien ce que signifie ce terme, ce qu’il peut recouvrir comme diversité de cas et entraîner comme épreuves pour les victimes.

Il est à noter également combien il est important que les médias, la publicité et, plus largement, celles et ceux qui alimentent les discours, de plus en plus fréquents aujourd’hui, autour d’une émancipation féminine qui se ferait « grâce » au regard que les hommes portent sur les femmes prennent conscience que la dérive vers ce qui est appelé le « porno chic » peut favoriser des actes de violence d’hommes envers des femmes. Et s’il arrive que des actrices en jouent et en vivent, les effets de certaines de leurs déclarations peuvent êtres néfastes sur des personnes fragilisées et les amalgames malheureusement vite faits : une femme égale un objet.

Il ne s’agit pas pour nous de tomber dans la pruderie et de revenir à l’époque de la morale et de la censure ou à une hypocrite bienséance des comportements. Il s’agit de mesurer la portée de certains actes et de certaines paroles, d’autant plus lorsque ceux-ci sont véhiculés massivement.

Les femmes doivent oser. Elles sont de plus en plus nombreuses à faire la preuve de leur pleine capacité à assurer les responsabilités qui leur sont confiées, en démontrant qu’elles veulent non pas une guerre des sexes, mais le plein exercice de la démocratie, en étant à la place qu’elles sont en droit d’occuper en tant que moitié de l’humanité. Montrons donc l’exemple dans nos assemblées et gageons que ce nouveau projet de loi apportera une pierre supplémentaire, solide, à l’édifice de l’égalité. Pour notre part, nous y veillerons.

Madame la ministre, je l’ai dit, ces deux jours vont être riches. Nous avons, comme d’autres groupes, déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons, bien évidemment, soutenir ce texte et lui donner une portée plus forte. Nous serons donc attentifs au sort qui sera réservé à nos propositions.

Comme je l’ai dit au début de mon intervention, notre objectif est bien, à l’issue de ce débat, d’envoyer à l’Assemblée nationale un texte qui affirme réellement cette volonté d’égalité entre les femmes et les hommes dans les différents champs de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Madame la ministre, mes chers collègues, tout le monde l’a rappelé, l’histoire est longue, même très longue, et les quelques chiffres qui sont parfois exhibés pour nous démontrer que la situation s’améliore ressemblent, en réalité, à une bien pauvre aumône.

La réalité est malheureusement très simple, et elle a été rappelée à plusieurs reprises : dans le monde économique et politique, dans l’univers des médias, de la culture et du sport, au sein des syndicats aussi, le pouvoir est à plus de 80 % masculin – donc, à moins de 20 % féminin.

En revanche, pour ce qui est de la paupérisation des familles monoparentales, des violences sexuelles, de la prostitution, le rapport s’inverse. Plus grave encore, le recul nous menace ; nous défendons la parité et l’égalité, mais les nouvelles générations baignent dans un contexte culturel qui pourrait, dès le plus jeune âge, leur faire intégrer que l’inégalité est quasi naturelle.

Nous n’avons donc qu’un message à délivrer en priorité : ne nous résignons pas, la France n’est pas condamnée à conjuguer les droits de l’homme au masculin !

Madame la ministre, cette loi va dans le bon sens parce qu’elle est globale. Elle est pratique, concrète et, dans l’ensemble, nous la soutenons. Naturellement, cette introduction positive n’est pas un blanc-seing. Quelques sujets fâchent notre groupe – je pense tout particulièrement au congé parental, sur lequel Mme Muguette Dini reviendra sans doute –, et il en est d’autres sur lesquels nous aimerions aller plus loin. Ainsi, s’agissant des violences sexuelles, nous souhaiterions revenir sur cette éternelle question des délais de prescription. Muguette Dini y reviendra certainement aussi – vous connaissez sa constance sur ce point !

Toutefois, globalement, nous sommes ouverts. Nous sommes extrêmement favorables aux dispositions relatives aux familles monoparentales. À ce propos, il serait, à mon sens, utile qu’une loi entière soit consacrée à ces familles. Les règles qui nous régissent ont, en effet, été définies sur un modèle familial dit « classique », qui n’est plus adapté à la réalité actuelle. La contradiction existant entre cette réalité sociétale et les règles qui nous régissent poussent aujourd’hui de nombreuses familles dans la désespérance et la paupérisation. Ce serait donc faire œuvre utile que de parvenir à un accord sur ce sujet de société.

Je ne reviendrai pas sur les dispositions concernant l’objectif de parité, car je veux en venir tout de suite à trois sujets qui me tiennent à cœur, dont les deux premiers seront peut-être les plus délicats dans cet hémicycle.

Le premier concerne la reconnaissance des droits des personnes transgenres ou transsexuelles, et c’est bien d’égalité que je veux vous parler.

Parce que nos connaissances ont évolué, la transsexualité est une réalité. Être transsexuel n’est pas une maladie, pas plus que ce n’est un caprice. On ne choisit pas d’être femme, on est femme au-delà de son apparence. Cela vient d’être rappelé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les procédures actuelles de changement d’état civil plongent ces personnes dans un tel état de désespoir que, aujourd’hui, leur taux de suicide est considérable. Cela tient à notre procédure qui, vous le savez, est à 100 % médicalisée. Il suffirait de la modifier et de confier cette décision à la justice.

Je ne pense pas qu’il faille ouvrir un débat sur la théorie du genre ici, car je doute que nous parvenions à un consensus… Je défends simplement la cause de ces personnes oubliées parce que j’ai eu la chance de les rencontrer et parce que je suis libérale et place toujours l’individu au-dessus des conventions sociales. Je ne pense que l’égalité entre les hommes et les femmes – pardon, entre les femmes et les hommes ! – ne s’arrête pas à la porte des personnes transsexuelles ou transgenres : la loi, rien que la loi… mais pour tous !

Deuxième sujet délicat : la prostitution. Je précise que mes positions sont parfaitement distinctes de celles qui sont exprimées dans le rapport que Jean-Pierre Godefroy et moi-même rédigeons. Je suis abolitionniste, je le revendique, et ce que je découvre sur la prostitution au fil de l’élaboration de ce rapport ne fait que renforcer mes convictions.

Les personnes prostituées, il faut le dire dès l’abord, méritent notre respect. Il faut en parler autrement. Certaines ont fait le choix d’être prostituées, mais elles sont rares, et de plus en plus. La grande majorité est, en réalité, victime de réseaux de criminalité organisée, qui se jouent des règles européennes et font preuve d’une violence inouïe. Nous parlons d’un crime organisé qui est, à l’heure actuelle, le troisième business le plus rentable, après les armes et la drogue, et qui se développe à grande vitesse.

Les amendements que je défendrai visent simplement à inverser notre regard. Ces personnes, majoritairement des femmes, sont non pas des coupables, mais bien des victimes. Comme toutes victimes, elles doivent être protégées pour pouvoir dénoncer ces réseaux. Les clients ne sont pas des hommes bienveillants ou ignorants, ils sont indirectement complices de ces crimes.

Certains voudraient faire une distinction entre traite des êtres humains et prostitution. La réalité est que cette distinction fait le jeu des réseaux, et le grand pays des droits de l’homme qu’est le nôtre, qui va donner des leçons à travers le monde, ferait bien d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe sur son territoire, à quelques kilomètres à peine de cet hémicycle !

Troisième sujet prioritaire à mes yeux, sans doute le plus simple à évoquer : la lutte contre l’hyper-sexualisation.

Ce sujet a souvent été repris au cours des discours. Notre constat est que l’égalité est menacée par la banalisation de l’hyper-sexualisation et des codes de la pornographie. Peut-être que nous, en tant qu’adultes, ne le voyons pas, mais nos enfants baignent dans ce contexte. Que vous preniez les dessins animés, les jouets, les sites internet, les journaux pour jeunes filles, partout, vous retrouvez ces codes de l’hyper-sexualisation. Et quand je dis « partout », la liste est longue !

Je sais que le législateur n’est pas un moralisateur : nous n’avons pas à définir ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. En revanche, nous avons le devoir de traduire dans notre droit un principe international qui est celui de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il serait bon d’avoir, comme nous avons une Charte de l’environnement, une Charte de l’enfant.

Les concours de beauté d’enfants, les concours de « mini Miss », par exemple, ne me semblent en rien répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant. Aussi vous proposerai-je de les interdire purement et simplement, même si je sais que les modalités juridiques de cette mesure doivent être définies. Madame la ministre, je tiens d’ailleurs à cet égard à remercier votre cabinet, qui est toujours très disponible.

Mes chers collègues, ce débat sera très intéressant. Le pire serait la résignation face à ce que je définis bien comme un combat, monsieur Sueur. Il ne s’agit pas d’un combat personnel, même si nous avons pu parfois subir quelques quolibets. Nous n’avons pas ici, dans notre combat, à panser de blessures individuelles. Nous ne demandons pas l’aumône. C’est la République qui est un combat, et c’est pour cela que j’utilise ce terme, car il s’agit d’un combat pour l’égalité, d’un combat pour la méritocratie.

Dans un pays qui, aujourd’hui, ne cesse de chercher les moyens de renforcer ses richesses, notamment humaines, il est véritablement dommage de laisser sur le bord de la route autant de talents. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si, depuis des décennies, la situation des femmes dans la société française nourrit le débat politique et, il faut le reconnaître, a connu des bouleversements importants, les acquis demeurent malgré tout fragiles. Que ce soit à l’école, au travail, au sein du couple ou de la famille ou dans l’espace public, les inégalités liées au sexe persistent. C’est une réalité.

En matière d’égalité professionnelle, la France a progressivement mis en place une politique incitative et s’est dotée d’un arsenal législatif de plus en plus perfectionné. Pas moins de six lois ont été votées depuis 1972. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Ces lois ne sont pas appliquées, et les inégalités restent toujours profondément ancrées, si bien que l’on en oublierait presque que des textes ont été, un jour, adoptés. Ce projet de loi, ce énième texte, va-t-il enfin débloquer la situation ?

En juillet dernier, madame la ministre, vous vous étiez engagée à reprendre, par voie d’amendement, des éléments de l’Accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle conclu le 19 juin dernier. C’est chose faite. Je regrette seulement que de telles dispositions aient été introduites à la dernière minute, tout comme je regrette l’absence de mesures sur l’égalité salariale.

Certes, vous avez renforcé les pénalités qui pèsent sur les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. Aujourd’hui, quatre entreprises ont été sanctionnées financièrement et quatre cents mises en demeure de se mettre en conformité avec la loi dans les six mois.

Les chiffres sont implacables : les femmes occupent 82 % des emplois à temps partiel ; elles sont surreprésentées dans les emplois précaires ; leurs salaires sont inférieurs de 27 % à ceux des hommes et, à diplôme égal, elles accèdent moins aux postes à responsabilité que les hommes, en vertu du fameux « plafond de verre ».

Les raisons sont simples : la femme, lorsqu’elle devient mère, joue un rôle important dans l’éducation des enfants. Le plus souvent, c’est elle qui s’arrête de travailler pour les élever ; c’est encore elle qui s’occupe d’eux lorsqu’ils sont malades, qui aménage son temps de travail pour pouvoir aller les chercher à la crèche et s’en occuper le soir. En résumé, c’est elle qui met sa carrière entre parenthèses le temps que les enfants grandissent.

Or rien ne justifie a priori que ce soit elle plutôt que lui. L’égalité salariale, et plus généralement l’égalité professionnelle, ne peut se faire sans un partage des tâches domestiques, qui restent, aujourd’hui encore, une prérogative très majoritairement féminine.

Ces deux combats doivent être menés conjointement. Ils nécessitent de changer, dès le départ, les mentalités, d’augmenter l’offre de garde des jeunes enfants, de favoriser le télétravail, mais aussi – j’ai eu l’occasion de le dire au cours de nombreux débats au Sénat – d’inciter les entreprises à supprimer les nombreuses réunions programmées après dix-huit heures ou à développer leurs propres crèches.

Selon l’anthropologue Françoise Héritier, l’homme est représenté, depuis l’origine de l’humanité, comme une puissance dominante, image que nous reproduisons plus ou moins consciemment. Il est donc essentiel de combattre fermement ces stéréotypes et de reconnaître aux femmes la place qui leur revient dans notre société, la même – ni plus, ni moins – que celle des hommes.

C’est dans cet esprit, pour favoriser le retour des femmes vers l’emploi et rééquilibrer la répartition des responsabilités parentales au sein du couple, que le projet de loi a engagé la réforme du complément de libre choix d’activité. C’est une très bonne chose, dans la mesure où, à l’heure actuelle, le congé parental est pris à 97 % par les mères.

Pour autant, cette réforme soulève à mon sens plusieurs questions. Tout d’abord, la période de six mois destinée au deuxième parent, c’est-à-dire le père dans la très grande majorité des cas, n’est qu’une faculté et non une obligation. Or il est avéré que les lois, particulièrement celles qui concernent l’égalité entre les femmes et les hommes, sont inefficaces si elles ne sont pas contraignantes.

Actuellement, à partir du deuxième enfant, le complément de libre choix d’activité est versé jusqu’au mois précédent le troisième anniversaire de celui-ci. Désormais, la durée initiale du versement ne sera plus que de trente mois et il ne pourra être prolongé de six mois qu’à la condition que les deux parents y aient recours. Si le père ne souhaite pas prendre cette période de six mois, le couple en perdra donc le bénéfice. Dans ce cas, qu’adviendra-t-il des enfants ?

La question de leur accueil dans une structure se posera réellement. Ils seront trop jeunes pour entrer à l’école maternelle et les parents auront certainement des difficultés à trouver un mode de garde. Il est à craindre que les mères n’en seront les premières pénalisées. Attention : on ne peut, d’un côté, défendre le congé parental choisi et non subi, et, de l’autre, fragiliser les mères.

Enfin, alors que le projet de loi s’attache à impliquer les pères dès les premières années de la vie de l’enfant, les sénateurs du RDSE regrettent que ce texte n’aborde pas la question, particulièrement douloureuse, de la garde des enfants en cas de divorce ou de séparation parentale. En effet, malgré la loi du 4 mars 2002, qui encadre la résidence alternée, les enfants sont encore très majoritairement confiés à la mère, ici aussi sur la base d’un préjugé qui joue cette fois parfois en défaveur des hommes.

Dans de très nombreux cas, le juge privilégie les liens entre la mère et l’enfant, et ce au détriment du père. Si la justice ne doit pas pouvoir imposer la résidence alternée des enfants en cas de divorce, rien ne doit pouvoir l’empêcher, lorsque l’un des parents la demande. Il y a aussi, dans ce domaine, beaucoup de progrès à faire pour combattre les préjugés et tendre vers une égalité entre les hommes et les femmes ! C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement en ce sens. Mon groupe attend beaucoup, madame la ministre, de la réponse que vous nous apporterez.

En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, et plus particulièrement les violences conjugales, je ne peux que me réjouir des différentes mesures prévues dans le projet de loi. Elles marquent, à mon sens, des avancées importantes. Mon groupe les soutiendra sans réserve.

J’en citerai quelques-unes : l’allongement de quatre à six mois de l’ordonnance de protection interdisant à un conjoint violent d’entrer en contact avec sa victime ; l’éviction du conjoint violent du logement du couple ; la généralisation du téléphone grand danger, qui permet aux femmes équipées d’avoir un accès prioritaire à la police ; ou encore la fin du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales.

Au cours de l’année 2011, 146 personnes, dont 122 femmes, sont décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Cette même année, 906 viols et 53 868 violences non mortelles ont été commis sur les femmes au sein du couple. Cette réalité insoutenable est inacceptable.

S’agissant du stage de sensibilisation, auquel nous préférons le terme de responsabilisation, nous vous proposerons de le rendre obligatoire en cas de récidive. Nous vous soumettrons également plusieurs amendements visant à renforcer la protection des femmes, et parfois des hommes, renvoyés à l’étranger contre leur gré, par leur famille, en vue d’y subir, outre le mariage forcé, de multiples violences physiques et psychologiques. Ces victimes vivent un véritable cauchemar.

Je tiens enfin à saluer la décision de Mme la rapporteur d’inscrire dès à présent dans la loi l’obligation de former les différents professionnels susceptibles d’intervenir dans la prévention et la détection des violences faites aux femmes.

Cette formation est indispensable pour que la victime puisse un jour se reconstruire. Les violences conjugales, tout particulièrement, ne doivent pas être traitées comme de simples violences et appellent non seulement une réponse judiciaire, mais aussi un traitement d’ensemble réunissant compréhension, accueil, protection et reconstruction de la victime.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Laborde. D’ailleurs, depuis 2003, les policiers et gendarmes qui le souhaitent peuvent déjà bénéficier d’une formation relative à l’accueil et à l’audition des femmes victimes de violences sexuelles. Cela leur permet de prendre conscience que leur rôle ne s’arrête pas à celui d’enquêteur et qu’ils doivent aussi tenir compte des besoins des victimes, de leur traumatisme, de leurs sentiments de honte, de culpabilité et de peur.

S’agissant, enfin, du volet parité de votre projet de loi – sujet ô combien passionnel ! – mon groupe estime qu’il est excessif de vouloir imposer une telle notion partout et à tout prix. Le texte va très loin et nous craignons, madame la ministre, que cela ne nuise à la cause que vous servez : trop de parité peut nuire à la parité ! Vous savez que plusieurs de mes collègues s’étonnent, par exemple, de l’absence de parité au sein de la magistrature, dont la promotion de 2012 compte 82 % de femmes.

Si la parité est un principe tout à fait louable, elle ne saurait être la référence ultime. Nous faisons tous le même constat : la moitié de la population française peine à accéder aux responsabilités, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales. Pour autant, la parité ne peut pas s’imposer au détriment du mérite. Nous devons nous demander si la sexualisation systématique est la meilleure solution. Les femmes doivent-elles, comme le demandait tout à l’heure notre collègue Virginie Klès, être condamnées à ne réussir que par la mise en place de quotas ?

Particulièrement attachés à la tradition républicaine de l’indifférenciation du citoyen, les radicaux souhaitent qu’hommes et femmes puissent exprimer leurs talents en vertu de leurs compétences et non de leur sexe.

Madame la ministre, vous aurez compris combien le RDSE sera attentif au débat qui va s’ouvrir, auquel il participera bien évidemment, et s’inquiétera du sort qui sera réservé à un certain nombre de ses amendements. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteurs, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, je citerai, pour commencer, quelques chiffres pris au hasard. Première sélection du Goncourt 2013 : 15 écrivains retenus, dont seulement 4 femmes ; site internet du Who’s Who : 21 450 notices biographiques consultables, seulement 3 054 femmes, pour 18 396 hommes. Ne parlons pas de la composition de nos deux chambres, qui compte seulement un quart de femmes ! C’est une telle assemblée qui débat aujourd’hui des inégalités entre les femmes et les hommes, et ce, j’y insiste, malgré la loi imposant la parité aux partis politiques. Qu’en serait-il sans cette loi ? Je me le demande !

Par exception, j’ai compté aujourd’hui, depuis le début de la séance, à peu près 23 femmes et 11 hommes. « Affaire de femmes, qu’il faut laisser aux femmes » ont dû se dire d’aucuns, ce qui explique sans doute le faible nombre de sénateurs hommes dans l’hémicycle.

Je vous le demande, quelles armes nous reste-t-il donc pour faire avancer l’égalité entre femmes et hommes ? Tout d’abord, la volonté de persuasion des femmes elles-mêmes, leur détermination à prendre toute leur place dans les partis, dans les entreprises et à l’université, mais aussi l’exemple donné par notre exécutif, qui est paritaire, et les projets de loi qu’il nous soumet, tel celui-ci, qui tendent simplement à rendre aux femmes leur dû et servent, à leur façon, une juste cause, portée par les femmes elles-mêmes depuis plus de deux siècles.

Il est un secteur que je connais un peu : c’est celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce lieu où se forment les élites. Même si elles sont majoritaires à l’entrée à l’université, les femmes continuent d’être minoritaires, et parfois lourdement, dans les filières les plus prestigieuses, donnant accès aux emplois supérieurs : disciplines scientifiques, grandes écoles, écoles d’ingénieurs. Elles sont moins nombreuses aussi dans les cursus longs, notamment le doctorat. Mêmes inégalités au sein des corps d’enseignants et de chercheurs : les femmes sont toujours minoritaires dans les disciplines scientifiques, mais aussi parmi les professeurs et les directeurs de recherche, toutes disciplines confondues.

Sans doute plus grave encore, parce que c’est là que s’élaborent les stratégies susceptibles de changer la donne, les femmes sont largement exclues des lieux de décision du système universitaire : présidences d’universités ou d’établissements de recherche, sièges aux conseils d’administration, directions de projets structurants, tels les Idex ou les Labex.

L’Union européenne produit tous les trois ans un document comparant la situation en ce domaine dans ses États membres. Le dernier, celui de 2009, souligne le retard français en la matière. Quant au tableau de bord de l’OCDE concernant la science, la technologie et l’industrie pour 2011, il n’est pas plus flatteur.

Je renvoie les amateurs de statistiques catastrophes aux chiffres publiés en 2012 par votre ministère, madame Vallaud-Belkacem, sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Un coup d’œil furtif suffit pour être saisi par la leçon qu’ils donnent.

Nos aïeules féministes avaient pris leur destin en main pour obtenir leurs droits, y compris celui de voter. À nous de donner un nouveau coup de collier pour que nos lois n’en restent pas au stade des vœux pieux. Et pour que nous puissions être aux côtés des hommes, pour changer ensemble ce qui devrait l’être.

Je n’aime pas les dogmes. Dirais-je que je suis féministe ? Je ne sais trop. Je crois en tout cas au pouvoir des mots, lorsqu’ils mènent à l’action. « On ne naît pas femme, on le devient » : la phrase est célèbre, quoiqu’un peu galvaudée. Beaucoup la citent, y compris ceux qui n’ont pas lu Simone de Beauvoir. Elle n’en eut pas moins l’effet de la foudre sur la jeune adolescente que j’étais au début des années soixante dans mon Istanbul natal. Et pour cause : dans les familles juives bourgeoises, on s’ingéniait à donner aux filles l’éducation qui en ferait de bonnes épouses et des mères irréprochables.

J’aurais sans doute suivi ce destin-là si je n’avais un jour lu Le Deuxième Sexe, au lieu des Cronin, Guy des Cars et autres auteurs abrités par la bibliothèque de l’école congréganiste où j’étais élève. J’en ai été renvoyée : je lisais un livre dont le titre contenait le mot « sexe ». Vous imaginez ! Toujours est-il que mon existence allait être bouleversée.

On peut critiquer les écrits de Simone de Beauvoir. Pas cet appel à se construire.

L’égalité des femmes et des hommes se construit. Et certaines lois y contribuent, qui encouragent les femmes à se construire comme les égales des hommes. Sans que le féminin se confonde avec le masculin. En restant femmes, capables de se faire, de faire et d’aider celles qui ont du mal à se faire et à faire. C’est un combat – non une guerre – qui inclut la négociation, la diplomatie, le dialogue avec les hommes.

Une nouvelle rengaine court pourtant les rues, fort prisée par les opposants au mariage pour tous, dénigrant une prétendue « théorie » du genre. Depuis quand le genre est-il donc une « théorie » ? De quoi s’agit-il donc ? Le « genre » est un concept servant à l’analyse du poids des représentations culturelles dans la définition des rôles respectifs des hommes et des femmes dans nos sociétés. Les « études de genre » ne sont rien d’autre que ce qu’on appelait, il y a peu, « études sur les femmes » ou « études féministes ».

Absurdes pétitions, vains bavardages. Batailles d’arrière-garde pour défendre les stéréotypes qui emprisonnent les femmes dans la condition qui leur est dévolue par les hommes et par la société depuis la nuit des temps.

Les femmes enfantent. Il y a bien là assignation biologique. Là, mais pas au-delà. Le traditionnel partage des tâches, y compris les tâches domestiques ou d’éducation des enfants, ne doit rien à la nature, mais tout à des constructions culturelles qui, pendant ce temps, permettent aux hommes de faire carrière.

Certes, si les femmes gagnent du terrain, les hommes perdront un peu – mais un peu, seulement – de leur pouvoir. Il faut parfois savoir perdre pour gagner en démocratie ! Et n’oublions pas que les femmes aussi ont leurs minoritaires : étrangères immigrées, transgenres, personnes prostituées. Minorités de cette minorité que sont les femmes dans la perception de la gent masculine, même si elles représentent la moitié de l’humanité. Notre droit se doit de les protéger. À nous aussi, les femmes, de les aider et de ne pas les regarder avec mépris ou indifférence. Elles sont simplement nos sœurs, plus désavantagées encore.

Votre projet de loi, madame la ministre, ne les inclut pas. Dommage ! Car il aurait alors été plus audacieux. Le groupe EELV a déposé plusieurs amendements visant à garantir leur protection.

Toujours est-il que nous voterons votre texte, le considérant comme une étape importante dans la voie de l’égalité femmes-hommes, même s’il reste encore incomplet. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la présidente de la délégation, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, la Haute Assemblée est aujourd’hui saisie d’un projet de loi dont je me réjouis qu’il mette la politique des droits des femmes au cœur des priorités du Gouvernement.

Au cours du siècle dernier, de nombreuses étapes ont été franchies en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je veux ici rendre hommage à toutes ces femmes qui se sont battues durant des années, des siècles même, pour obtenir l’égalité, une égalité de droits, une reconnaissance d’un statut social égal ou encore une véritable liberté, par exemple celle de s’affranchir de l’autorité du mari ou de disposer de son corps.

Je pense en particulier à ces militantes courageuses et déterminées qui ont œuvré pour une véritable égalité sur le plan civique, certaines, comme Jeanne Valbot, allant jusqu’à s’enchaîner dans les tribunes de cet hémicycle. Elles ont obtenu finalement la reconnaissance du droit de vote pour les femmes, un suffrage véritablement universel à la Libération, étape évidemment essentielle.

Vinrent ensuite les droits économiques et sociaux des années soixante-dix et quatre-vingt. La légalisation de l’interruption volontaire de grossesse avec la loi Veil de 1975 fut l’une des réformes de société les plus importantes de notre République et la consécration de l’une des libertés les plus précieuses de la femme.

Trente années après la loi Roudy du 13 juillet 1983 concernant l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la pratique révèle que le chemin est encore long pour atteindre une situation satisfaisante en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans notre société.

De fait, si les inégalités les plus visibles semblent avoir aujourd’hui diminué, elles sont devenues plus insidieuses. La question se pose donc de savoir quelle réponse serait la plus adaptée pour lutter contre celles qui demeurent.

La loi n’est certes pas le seul instrument pour mettre en place ce que l’on peut considérer comme une troisième génération des droits des femmes. Il est avant tout nécessaire d’assurer l’effectivité des droits acquis en effectuant un véritable travail d’éducation et de changement des mentalités et des comportements pour agir de manière durable sur la racine des inégalités.

Cependant, force est de constater que certaines évolutions législatives demeurent indispensables.

La détermination du Président de la République et du Gouvernement et l’engagement personnel de Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour rendre enfin possible une égalité réelle et pérenne entre femmes et hommes sont concrétisés par le présent projet de loi. Annoncé par le Président de la République à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2013, il est le fruit d’un travail de concertation de longue haleine avec les partenaires sociaux et les représentants de la société civile, selon la méthode faisant l’honneur de ce gouvernement, qui privilégie le consensus social sur chaque texte important.

Il s’agit d’un texte audacieux et pragmatique visant à répondre de manière concrète aux problèmes qui maintiennent les femmes, à tous les niveaux de notre société, en situation d’inégalité.

Madame la ministre, je veux saluer les mérites de ce texte, son originalité, qui tient à une large concertation, à la volonté de traduire l’objectif de parité dans la vie réelle de nos concitoyens, à une approche globale, transversale, dans laquelle doivent s’impliquer toutes les autorités publiques, enfin à une préoccupation de formation des intervenants.

Ce texte, bâti autour de quatre titres, nous permet d’espérer que les inégalités, les clichés et les stéréotypes ne soient plus, un jour prochain, qu’une trop longue erreur appartenant à l’Histoire.

L’article 1er pose le principe d’une approche intégrée pour la mise en œuvre d’une politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, cela à tous les échelons de l’action publique, que ce soit au niveau de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics.

Ensuite, le titre Ier de ce projet de loi a l’ambition de favoriser la mise en œuvre de cette politique de l’égalité dans la vie professionnelle avec une mesure emblématique et incitative de réforme du congé parental visant à favoriser le partage du congé par les deux parents.

Cette réforme du complément de libre choix d’activité, renommé « prestation partagée d’accueil de l’enfant », sur l’initiative de la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, consistera, pour les familles avec un seul enfant, en six mois supplémentaires pour le second parent, qui s’ajouteront aux six mois actuels déjà prévus par le code de la sécurité sociale. Et pour les familles avec deux enfants et plus, qui choisissent une interruption d’activité de trois ans, six mois seront réservés au second parent.

Il s’agit là d’accroître le niveau de retour à l’emploi des femmes, en favorisant un meilleur partage des responsabilités parentales. Toutefois, cette réforme ne prendra tout son sens qu’avec le progrès réel et rapide de l’égalité salariale et le renforcement de l’offre d’accueil de la petite enfance, annoncé par le Premier ministre le 3 juin dernier, avec 275 000 nouvelles solutions d’accueil sur cinq ans.

Une autre mesure forte vise à interdire aux personnes ayant été condamnées pour des motifs liés à la discrimination et au non-respect des dispositions prévues par le code du travail en matière d’égalité professionnelle de soumissionner les marchés publics.

Le régime de protection du contrat de collaboration libérale est lui aussi amélioré en préservant la continuité du contrat pendant les congés de maternité et de paternité.

Sur la proposition de notre collègue René Teulade, le groupe socialiste défendra deux amendements fortement symboliques, mais aussi très concrets, pour favoriser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces amendements tendent à reprendre les dispositions principales de la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, adoptée le 16 février 2012 par le Sénat, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Le premier amendement vise à ce que les entreprises qui, au 1er janvier 2015, ne seraient pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ne puissent bénéficier de réductions de cotisations sociales ni de réductions d’impôt.

Le second amendement tend à imposer la transmission par l’employeur à l’inspecteur du travail, du rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes ainsi que de l’avis du comité d’entreprise, sous peine de pénalité financière.

Il ne s’agit ni plus ni moins que de permettre l’application de la loi, pour laquelle, malheureusement, trop d’entreprises tardent encore. Je sais, madame la ministre, que nous reviendrons sur ce sujet qui a été au cœur de la concertation avec les partenaires sociaux.

Le titre II traite de la lutte contre la précarité, qui malheureusement touche de plus en plus de femmes. Il vise à créer progressivement une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires, en fixant un montant de pension alimentaire minimal et en renforçant les dispositifs de recouvrement sur les débiteurs défaillants.

M. Jean Besson. C’est important !

Mme Catherine Tasca. Le titre III vise à renforcer la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité, un sujet sur lequel le Sénat s’est depuis longtemps investi, notamment sur l’initiative de notre collègue Roland Courteau.

Le texte renforce le dispositif de l’ordonnance de protection, afin que celle-ci puisse être délivrée dans les meilleurs délais. Il fait prévaloir le maintien de la victime dans le logement du couple et porte de quatre à six mois la durée maximale de cette ordonnance.

Sur l’initiative de notre rapporteur, dont je tiens à souligner l’excellence du travail, notre commission a apporté des améliorations à ce dispositif, accordant une protection particulière aux enfants, victimes collatérales des violences faites aux femmes, et en donnant au ministère public la capacité de prendre toutes dispositions de protection appropriées à leur égard.

J’ai par ailleurs défendu en commission, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à ce que le juge aux affaires familiales recueille l’avis de la victime quant à l’opportunité d’organiser des auditions séparées des parties, et à ce que ces auditions se tiennent à huis clos.

Notre rapporteur a également permis de renforcer la protection qui entoure le mécanisme de médiation pénale, en posant le principe de l’impossibilité, sauf circonstances particulières, de recourir à une seconde médiation pénale en cas de faits de violences renouvelés. Elle a également créé une obligation générale de formation des professionnels impliqués dans la prévention, la détection et la répression des violences.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel étant désormais chargé de veiller à une juste représentation des femmes et à une meilleure image de celles-ci dans les programmes audiovisuels, je présenterai, au nom du groupe socialiste, un amendement afin que le CSA porte une attention particulière, de ce point de vue, aux programmes destinés à l’enfance et à la jeunesse.

La commission des lois a adopté deux amendements, l’un tendant à pénaliser le fait d’enregistrer et de diffuser des images relatives à des faits de harcèlement sexuel, et l’autre visant à permettre le signalement d’images relatives à des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne diffusées sur Internet.

Enfin, le titre IV du projet de loi cible la mise en œuvre de l’objectif constitutionnel de parité. Il renforce la réduction du montant attribué pour le remboursement des frais de campagne pour les partis ne respectant pas la parité aux élections, notre commission ayant accru les sanctions.

Plusieurs dispositions ont pour vocation, grâce à un amendement du groupe socialiste que notre commission a adopté, de favoriser l’émergence de la parité dans les instances de gouvernance des fédérations sportives, des établissements publics industriels et commerciaux, des chambres de commerce et d’industrie et des chambres d’agriculture, mais aussi dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est donc un texte très riche de mesures diverses, un texte fort et cohérent au service de l’égalité réelle, concrète, entre les femmes et les hommes. Il prend en compte les mutations profondes de notre société – les femmes au travail, l’instabilité des couples, les familles monoparentales, la montée des violences –, mutations confrontées aux résistances culturelles de notre société.

C’est un texte de progrès manifeste qui, j’en suis convaincue, va répondre aux attentes légitimes des femmes, mais aussi à celles de tous ceux qui aspirent à une société plus harmonieuse et à un partage équitable des responsabilités, ce qui est au cœur de notre politique.

Le groupe socialiste accordera donc tout son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, on aurait pu penser que, en 2013, nous n’aurions plus à nous saisir d’un texte sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

On aurait pu penser que, en 2013, l’égalité salariale serait acquise, que les femmes en situation de vulnérabilité n’auraient plus à souffrir de précarité, que les stéréotypes sexistes seraient de l’histoire ancienne et que les violences faites aux femmes, notamment dans leur vie privée, ne seraient que mauvais souvenirs. Mais voilà, bien que nous ayons fait avancer les droits des femmes et lutté contre les violences à leur encontre au cours de ces dernières années, la réalité est tout autre. En droit, l’égalité paraît acquise ; dans les faits, elle reste à conquérir.

Je n’insiste pas sur cette réalité, qui a été largement détaillée par les précédents intervenants. Ce combat pour l’égalité s’impose à tous, parce que les inégalités se retrouvent partout où l’ignorance subsiste, partout où la loi ne s’applique pas, partout où les stéréotypes persistent, perdurent et s’amplifient.

Pourquoi une femme devrait-elle sacrifier sa vie professionnelle ? Pourquoi prendrait-elle en charge 75 % des tâches domestiques ? Pourquoi les femmes devraient-elles continuer à occuper 80 % des temps partiels et accepter des salaires inférieurs à ceux des hommes ? Comment donc ne pas se réjouir que les droits des femmes soient redevenus une priorité politique, grâce à vous, madame la ministre ?

Vous avez mille fois raison d’affirmer que, en dépit d’indéniables progrès et malgré les textes internationaux ou encore les modifications de notre législation, l’égalité reste encore, de nos jours, « un champ de conquête ».

Vous avez raison de souligner que cette conquête ne pourra se faire que si elle implique la société française dans son ensemble, et aussi bien les hommes que les femmes.

Dès lors, comment ne pas apprécier que ce projet de loi soit le premier à aborder l’égalité, dans toutes ses dimensions, qu’il soit entièrement tourné vers l’effectivité des droits et s’inscrive pleinement en complément de nombreux textes qui, sous votre impulsion et celle du Gouvernement, vont faire progresser l’égalité.

Je reprendrai volontiers des propos tenus par ailleurs et selon lesquels « ni la reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes comme principe républicain » ni « l’adoption de lois spécifiques pour lutter contre les inégalités et discriminations sexistes [n’ont pu suffire] à rendre effective l’égalité », « faute d’une approche globale et systémique des inégalités et discriminations sexistes, de diagnostics de ces dernières, faute d’évaluation de leur impact différencié sur les femmes et les hommes, faute d’implication de l’ensemble de la société, et en raison de la persistance des stéréotypes sexistes tant dans les comportements que dans les discours ».

Je salue donc ce texte, madame la ministre.

Ainsi, la réforme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes proposée prend-elle en compte la nécessaire modification des comportements en incitant les pères à recourir à cette possibilité et en permettant ainsi un partage plus équilibré des responsabilités parentales, ce qui permettra d’accroître le niveau d’emploi des femmes.

Je ferai une suggestion : il faudrait mieux rémunérer le congé, faute de quoi ce sera celui qui gagne le moins qui prendra le congé, c’est-à-dire la femme dans la plupart des cas. Néanmoins, il conviendrait aussi d’allonger encore le congé de paternité.

J’apprécie aussi, concernant le recouvrement des pensions alimentaires, que vous lanciez cette expérimentation sur le renforcement des mécanismes des garanties de l’existant. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir répondu aux besoins de ces femmes. Sachant que le non-paiement de la pension alimentaire est presque un sport national, c’est là un signe fort de justice sociale. Bravo !

Je ne reprendrai pas l’ensemble des mesures proposées par ce texte majeur, faute de temps.

Concernant la lutte contre les stéréotypes sexistes, je ne peux que regretter que certaines dispositions que nous avions fait adopter ici-même, dans le cadre de la loi du 9 juillet 2010, soient trop longtemps restées inappliquées. Je pense précisément à l’article 23 de cette loi, qui dispose : « Une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes […] est dispensée à tous les stades de la scolarité ».

Je souhaite, madame la ministre, que l’application effective de ces dispositions soit pour vous une priorité, car, si nous voulons avancer réellement dans ce champ de conquête qu’est l’égalité, il nous faut déconstruire vite ces stéréotypes sociaux, dans lesquels sont enfermés garçons et filles, dès le plus jeune âge.

Toutefois, ce n’est pas le seul domaine où les engagements passés n’ont pas été tenus, monsieur Reichardt. Par exemple, toujours concernant la loi de 2010, aucun des rapports prévus par la loi n’a été remis au Parlement dans les temps, c’est-à-dire en 2011, ni celui sur les ressortissants algériens, ni celui qui est relatif à la formation des intervenants en matière de violences faites aux femmes.

M. Roland Courteau. Par ailleurs, force, aussi, a été de constater que très peu de conventions prévues aux articles 19 et 20 de la loi de 2010 ont été signées en 2011 et 2012 concernant les logements à destination des victimes de violence.

Je ferai la même remarque concernant la loi du 4 avril 2006 sur les violences, un texte qui m’est cher, vous vous en doutez, mes chers collègues, et qui fait obligation au Gouvernement de présenter devant le Sénat et à l’Assemblée nationale un rapport tous les deux ans, sur le bilan et les besoins en structures d’hébergement ou de soins. Un seul rapport, à ma connaissance, a été présenté au Parlement… en sept ans.

Me voilà donc, une fois de plus, sur le terrain des violences faites aux femmes. Oui, madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler que la violence se nourrit de toutes les inégalités.

J’en viens à l’ordonnance de protection. Celle-ci doit répondre à des situations de danger immédiat, donc doit être rendue en urgence. Or, dans les faits, le délai de délivrance – plus de vingt et un jours en moyenne – est très supérieur à l’objectif qui était visé en 2010 par les députés et sénateurs.

Il est, par ailleurs, surprenant de constater que le dispositif est encore mal connu en certains lieux, des avocats hésitant à utiliser cette nouvelle procédure, tandis qu’aucune formation n’a été effectuée auprès des juges aux affaires familiales, les JAF, qui peuvent avoir tendance à la sous-estimer.

Le délai de délivrance de l’ordonnance de protection sera véritablement réduit et la durée de l’ordonnance portée à six mois, afin de permettre la stabilisation de la victime. Je m’en réjouis ! Je proposerai par ailleurs un amendement visant à permettre au juge aux affaires familiales de démontrer plus rapidement la réalité des violences.

Concernant les personnes étrangères, et je cite le rapport d’information Bousquet et Geoffroy, il avait été signalé des divergences d’application dans la loi de 2010 entre préfectures dans l’articulation entre la délivrance d’une ordonnance de protection et celle d’un titre de séjour. Je voudrais être certain que de telles pratiques n’existent plus depuis l’instruction du 9 septembre 2011, mais j’ai quelques doutes. Je reviendrai sur ce point lors de la présentation d’un amendement.

Comment, enfin, ne pas saluer l’article 15, qui met l’accent sur le suivi des auteurs de violences afin de contribuer à la prévention de la récidive. J’y vois un grand pas dans la bonne direction et j’y reviendrai dans la discussion.

Je salue les dispositions prévues à l’article 15 bis, qui instaure une formation initiale et continue pour l’ensemble des intervenants, dans le domaine des violences à l’encontre des femmes.

Cette formation est cruciale dans le domaine de la prévention et de la détection des violences, mais aussi de l’accueil, de la prise en charge et de l’accompagnement des victimes. C’est pour moi une vieille histoire : mes premières demandes sur ce sujet remontent à la loi de 2006 dont j’avais été l’instigateur. Elles étaient restées sans suites jusqu’à ce jour. Je salue donc cette importance initiative.

Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir reprendre mon amendement, frappé par l’article 40 de la Constitution, qui vise à élargir l’attribution du téléphone « grande alerte », dans certains cas précis, aux personnes victimes de viol.

Pour conclure, je vous félicite, madame la ministre, de l’ensemble de vos actions et des impulsions que vous donnez, visant à en finir avec les situations qui placent les femmes en retrait dans la vie publique et économique, tandis que trop de femmes sont encore, et malgré les deux précédentes lois, victimes de violences.

La marche, la longue marche vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes fut bien trop lente. Et c’est un homme qui vous le dit.

Je me permets d’espérer que, grâce à toutes les actions engagées et à la mobilisation de tous, c’est-à-dire des femmes mais aussi des hommes, très vite, les inégalités entre les femmes et les hommes ne seront plus qu’un mauvais souvenir – un souvenir affligeant d’un autre âge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du groupe UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Je voudrais tout d’abord vous remercier, madame la ministre, de nous proposer un texte qui prend en compte tous les aspects complémentaires de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les termes de ce projet de loi me laissent tout à la fois optimiste, réservée et critique.

Je suis tout d’abord optimiste, madame la ministre, concernant les dispositions de ce projet de loi en matière de protection des femmes victimes des violences conjugales.

La loi du 9 juillet 2010 présentait de réelles avancées. Votre texte de loi nous permet de faire un nouveau bond en avant dans cette lutte.

Je tiens aussi à saluer l’expertise de notre collègue Virginie Klès. Madame la rapporteur, je soutiens totalement vos propositions concernant notamment l’ordonnance de protection, la médiation pénale et l’obligation impérative de formation des professionnels impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Néanmoins, je persiste à croire que notre arsenal législatif doit évoluer en ce qui concerne la prescription de l’action publique des crimes et agressions sexuels. Je le défendrai une fois de plus devant vous au cours de ce débat.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Muguette Dini. Je n’ai pas de remarques particulières à formuler sur les dispositions en matière d’égalité femmes-hommes dans le cadre des responsabilités professionnelles. Elles seront, je l’espère, efficaces.

Réservée, je le suis quant à l’application de sanctions financières à l’égard des partis politiques ne respectant pas l’obligation de parité dans la présentation de candidats aux élections législatives. En 2006 déjà, je me suis exprimée sur cette question lors de l’examen de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Mes termes avaient été très durs. Je ne les reprendrai pas aujourd’hui. Je jugeais alors cette solution inefficace, et je reste persuadée que le renforcement des pénalités financières ne changera rien.

Madame la ministre, peut-être auriez-vous pu reprendre le mode d’élection applicable aux conseillers départementaux. Pourquoi ce qui est bon pour ces derniers ne le serait-il pas pour les députés ? Mme Michèle André ne me contredira pas : lorsqu’elle présidait la délégation sénatoriale aux droits des femmes, elle avait elle-même défendu cette position !

Pour résumer, en la matière, ce n’est pas le programme « pétrole contre nourriture », c’est « femmes contre argent » ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Corinne Bouchoux. Mais il n’y a plus d’hommes dans cet hémicycle !

Mme Muguette Dini. Si, chère collègue, j’en aperçois quelques-uns là-bas ! (Sourires.)

Mme Esther Benbassa. En tout et pour tout, il n’en reste que sept !

Mme Muguette Dini. Enfin, madame la ministre, je suis inquiète au sujet de la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

Impliquer davantage le père dans l’éducation de son enfant et la vie matérielle de la famille est une très bonne idée. Toutefois, la proposition que vous formulez me semble présenter plus d’inconvénients que d’avantages.

On sait que, dans la majeure partie des cas, c’est la mère qui prend et qui continuera à prendre le congé parental. On en connaît les raisons, que les précédents orateurs ont tous exposées : la mère gagne souvent un salaire inférieur à celui du père ; elle occupe parfois un emploi précaire ou à temps partiel, comprenant les samedis voire les dimanches, et le coût des modes de garde peut se révéler très dissuasif.

Toutes ces réalités, qui nous ramènent d’ailleurs à l’autre volet du présent texte, relatif à l’égalité salariale, ne pourront pas changer d’un coup de baguette magique – en l’occurrence à l’aide d’un texte portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

De plus, cette disposition relative à la prestation partagée d’accueil de l’enfant, induit à mon sens beaucoup de risques. On peut simplement considérer que, si le père ne prend pas ce congé parental, la mère retournera travailler lorsque l’enfant atteindra l’âge de deux ans et demi. Il n’y a, a priori, rien de dramatique à cela. Sauf que l’on se demande comment cet enfant pourra être pris en charge via un mode de garde en attendant son entrée à l’école maternelle. Cette période pourra quelquefois durer un an, selon la date de naissance de l’enfant !

On le sait, ce laps de temps entre les trois ans de l’enfant et la rentrée scolaire pose déjà problème, et plus encore aux parents de jumeaux, de triplés, etc. Vous nous dites que vous mettrez en place des solutions pour résoudre cette grave question. Toutefois, vous le savez, madame la ministre, vous n’aurez pas les moyens financiers de votre politique.

De surcroît – vous le savez aussi, naturellement –, ce sont les collectivités territoriales qui créent les crèches, les haltes-garderies, les jardins d’éveil et les jardins passerelles. En ces temps de restriction de la dotation globale de fonctionnement, peu d’entre elles seront prêtes à accomplir un effort supplémentaire !

J’en profite pour rappeler tout l’intérêt que représentent les maisons d’assistantes maternelles, qui sont seules à proposer des plages d’accueil en phase avec les horaires atypiques, en particulier tôt le matin et tard le soir. Il serait urgent de favoriser ces regroupements plutôt que de les freiner par une réglementation totalement inadaptée.

Cette parenthèse étant close, je conclurai en affirmant que nous risquons de fragiliser dangereusement les familles les plus modestes. Ce texte risque d’accroître l’angoisse des parents, et plus spécifiquement celle des mères, face aux difficultés qu’elles rencontreront pour trouver un mode de garde pendant ces quelques mois au cours desquels elles reprendront leur travail.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je crains que, quand le père ne pourra économiquement pas prendre son congé parental, ce dispositif ne fragilise les familles les plus modestes.

Madame la ministre, je ne vous accuse pas d’avoir voulu faire des économies sur le dos des familles. Je sais que telle n’est pas votre intention. Cela étant, vos collègues des affaires sociales et des finances doivent se réjouir, car c’est effectivement ce qui va se passer ! J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point très important. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, pour ma part, je nous trouve bien sages. Je nous trouve même que, sur ce dossier, nous exprimons notre indignation d’une manière excessivement mesurée et polie.

Je suis certes très heureuse de voir quelques sénateurs sur ces travées, et je les remercie de leur présence. Mais je n’en suis pas moins profondément indignée que la plupart de nos collègues masculins soient absents à la séance d’aujourd’hui !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Tout à fait !

Mme Corinne Bouchoux. Nous sommes un lundi après-midi : chacun pouvait prendre ses dispositions pour se rendre en séance publique. J’ignore s’il s’agit d’un problème de cumul, d’agenda ou de désintérêt pour ce sujet.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Ce sont les trois problèmes à la fois !

Mme Corinne Bouchoux. Quoi qu’il en soit, cette situation est inacceptable ! Aussi, j’aimerais proposer à M. le président de la commission des lois de réfléchir à une modification du règlement de la Haute Assemblée, afin d’imposer la présence d’un quota masculin pour un certain nombre de textes !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Tout à fait !

Mme Corinne Bouchoux. Cela ne va pas : les sénatrices sont en majorité, et sur un tel sujet cette situation est extrêmement préoccupante.

Mme Nathalie Goulet. Nous risquons le conflit d’intérêts ! (Sourires.)

Mme Corinne Bouchoux. Je remercie par avance Chantal Jouanno et Esther Benbassa, qui manient mieux Twitter que moi, de bien vouloir y signaler le nombre d’hommes présents en cet instant dans cet hémicycle.

Mme Esther Benbassa. Vingt-trois sénatrices pour six sénateurs !

Mme Corinne Bouchoux. C’est tout simplement scandaleux !

Cela étant, je tiens à saluer la présence, dans les tribunes, de Maya Surduts, qui poursuit un certain nombre de combats féministes sans lesquels nous ne serions pas aujourd’hui présentes pour débattre du texte que Mme la ministre nous propose. Je remercie par ailleurs toutes les militantes qui se sont consacrées à cette cause ô combien importante : l’égalité entre les hommes et les femmes.

Tout d’abord, à l’instar de Chantal Jouanno et d’Esther Benbassa, je tiens à évoquer la question des « trans ». On ne peut pas aborder un texte qui a trait à l’égalité entre les hommes et les femmes en occultant totalement ce sujet ! Quelque 10 000 à 40 000 personnes sont concernées, ce qui pose un certain nombre de questions, dont celle de l’état-civil. S’il n’est pas possible d’y répondre via le présent texte, nous souhaitons que ce dossier progresse très rapidement. On ne peut pas avancer au sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes tout en laissant les « trans » de côté. Ce n’est pas possible !

Ensuite, je souligne que les inégalités entre les hommes et les femmes seront pour partie prises en compte grâce à ce texte, ce dont je me réjouis. Tous les secteurs de la société sont concernés. Voilà pourquoi il faut une loi intégrative, touchant tous les domaines ! J’évoquerai, à ce titre, un domaine qui a déjà été mentionné et qui est symboliquement important : celui de la culture.

Il y a quelques années, le rapport de Mme Reine Prat a pointé de nombreuses aberrations en la matière. Beaucoup de femmes sont compétentes dans le domaine de la culture et possèdent de réels talents. Or regardez les instances de ce domaine : les postes de direction sont monopolisés par les hommes ! Cette situation ne peut pas continuer. C’est un gâchis monstrueux.

Au surplus, alors que 20 % des cinéastes français sont des femmes, de nombreux festivals – dont certains sont alimentés par des fonds publics – persistent à ne présenter, dans le cadre de leurs sélections, que des œuvres de réalisateurs ! Cette situation ne peut pas continuer non plus. Il faut agir.

Un autre domaine est extrêmement important, et certains orateurs l’ont déjà évoqué. Il s’agit de l’éducation. Il faut évidemment faire reculer les stéréotypes sexistes et homophobes – les premiers et les seconds sont souvent liés.

Globalement, je suis persuadée que la crise que nous traversons actuellement est non seulement une crise économique, sociale et politique – doublée d’une crise de confiance et, à nos yeux du moins, d’une crise écologique – mais aussi une crise de l’hyper-masculinité de nos sociétés ! (Exclamations sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)

Mme Muguette Dini. C’est vrai !

M. Roland Courteau. Il ne faut peut-être pas exagérer…

Mme Corinne Bouchoux. Pardonnez-moi de le dire : si le monde va si mal, c’est notamment parce que le pouvoir est accaparé par les hommes et mis par ces derniers au service du profit ! Toujours plus de profit, toujours plus d’hommes ! Il faut sortir de cette logique.

On nous répliquera : « La politique d’égalité entre les hommes et les femmes coûte trop cher ». La question des moyens a été abordée. Mais certaines mesures ne coûtent rien, alors qu’elles peuvent transformer symboliquement la société. La toponymie urbaine constitue un exemple très simple. Près de 98 % des rues sont actuellement baptisées d’après des noms masculins.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La situation s’améliore !

Mme Corinne Bouchoux. Qu’est-ce qui nous empêche – surtout en ce Panthéon du cumul – de dédier plus de rues à des femmes ? C’est une question extrêmement importante, notamment sur le plan symbolique. La France compte des femmes scientifiques, des femmes artistes, des femmes politiques,…

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Et des résistantes !

Mme Corinne Bouchoux. … on pourrait citer des wagons de noms féminins d’après lesquels baptiser des rues ! Ces mesures ne coûtent rien. Elles ne nécessitent pas de passer par la loi, et pourtant nous pouvons tous commencer à agir. Qu’attendons-nous pour le faire ?

L’éducation joue un rôle structurant. Nous espérons que ce texte sera enrichi, voté et enfin appliqué. À l’instar d’Esther Benbassa, j’espère que, dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, qui formeront les enseignants de demain, seront mis en place des enseignements dignes de ce nom afin de lutter contre les stéréotypes. La situation n’est plus tolérable. C’est vrai pour les inégalités entre les hommes et les femmes. C’est également vrai pour les inégalités sociales ou en matière de diversité.

Je conclurai par un regret – mais ne dit-on pas : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ? » : je gage que, mercredi prochain, lorsque nous traiterons du cumul des mandats, tous nos collègues masculins seront revenus, et qu’ils seront très nombreux en séance !

Mme Gisèle Printz. C’est vrai !

Mme Corinne Bouchoux. Les femmes cumulent moins que les hommes et, je le répète, la crise que nous traversons aujourd’hui est également une crise de l’hyper-masculinité des instances de pouvoir. La société est mixte, il faut que tout soit mixte. Il faut lutter contre les violences conjugales et abattre les inégalités ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Mmes Françoise Laborde et Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer la méthode selon laquelle le présent projet de loi a été élaboré.

Madame la ministre, vos prédécesseurs – Simone Veil, Yvette Roudy, Michèle André ici présente, Véronique Neiertz, Nicole Péry – ont bâti un édifice législatif solide et structurant. Toutefois, comme toutes les personnes de bonne foi qui veulent bien s’intéresser un tant soit peu à ce sujet, vous avez constaté que l’égalité entre les femmes et les hommes ne progresse que peu et lentement dans les faits.

La misogynie persiste, même si, en l’obligeant à sortir de l’ombre et du non-dit, on lui a porté un coup qui, souhaitons-le, lui sera peut-être un jour fatal.

Je le répète, l’égalité avance peu et lentement. Dans certains domaines, les inégalités ont reculé, ce dont nous nous félicitons, mais dans d’autres secteurs elles résistent, et nous les identifions même sous de nouvelles formes, sonnant comme des punitions diaboliques.

« Vous avez voulu le divorce ? Eh bien, vous aurez la solitude et la pauvreté propre aux familles monoparentales. Vous avez voulu la libération sexuelle ? Eh bien, vous aurez l’hyper-sexualisation du corps de vos filles et de vos petites filles, la marchandisation du sexe et la banalisation de la pornographie. Vous avez voulu l’égalité professionnelle ? Vous en aurez un peu, mais vous n’aurez pas l’égalité familiale, et vous continuerez à superviser la sortie de l’école et le quotidien du dix-huit à vingt heures, à suivre les carnets de santé et à assumer la diplomatie intra-familiale. »

Le présent projet de loi répond à ce besoin de consolider l’égalité formelle pour en rapprocher l’égalité réelle. Le Gouvernement a repéré où sont les obstacles et, au cours des deux jours de débats qui commencent, nous allons tenter de les désosser un par un. Toutefois, ne soyons pas naïfs : ces obstacles, que nous identifions, ne sont pas de simples vestiges un peu encombrants d’un passé qui n’en finirait pas.

Le backlash, comme l’ont identifié les Américaines, c’est-à-dire la revanche, repose sur une stratégie : celle de la guérilla mobile, se déplaçant là où l’on constate une faille législative, sociologique ou culturelle. C’est notre vigilance et notre réactivité qui nous prémunissent. Le présent projet de loi nous protège, comme le feront les suivants, car il y en aura d’autres !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Eh oui !

Mme Laurence Rossignol. Rien n’est stabilisé, rien n’est achevé.

Les oratrices précédentes ayant parlé – et bien parlé – des nombreux sujets dont traite le présent texte, j’évoquerai plus spécifiquement l’accès à l’IVG, ce droit reconnu depuis bientôt quarante ans. À cet égard, je tiens à donner lecture d’un témoignage que j’ai recueilli hier, et dont la sincérité et la véracité sont totales. Je vais vous le lire comme je l’ai reçu. Il émane d’une femme de quarante ans, ayant eu recours à une IVG il y a moins de deux mois, dans un hôpital que je connais bien.

« Il faut tout d’abord obtenir un certificat de grossesse. La pénurie de gynécologues et leur agenda surchargé m’ont obligé à camper trois heures dans la salle d’attente de la clinique, la même que celle où j’avais mis ma fille au monde, en espérant que ″quelqu’un puisse me recevoir″, comme me l’a asséné l’assistante avec une mine outrée.

« Puis le gynécologue, après un long sermon se concluant par : ″Je vous préviens, c’est la première et la dernière fois″, m’a fait subir une échographie avec le son et l’image. Nue sur la table et vulnérable, j’ai alors subi un interrogatoire se soldant par la question vicieuse : ″Mais, si vous le gardiez, il serait malheureux ?″

« Devant ma détermination, un second gynécologue a fait son entrée comme par hasard dans la salle d’examen, en s’exclamant devant l’écran de l’échographie : ″Oh ! Le beau bébé !″ Éloquent ! Je suis ressortie avec mon certificat, mais aussi avec les photographies de l’échographie et une ordonnance pour le bilan de grossesse, au cas où je changerais d’avis. »

« Vient ensuite le rendez-vous dans le centre d’orthogénie de l’hôpital de ma ville. Dans un cagibi sordide, intelligemment situé en plein cœur du pôle "mère-enfant". Assise à cet endroit stratégique, chacun peut savoir que celle qui attend sans avoir un gros ventre ou une poussette est candidate à l’avortement. »

Je vous épargne les détails de l’IVG médicamenteuse et de l’expulsion tels qu’ils sont relatés dans la lettre ; sachez seulement qu’ils sont sordides et cohérents avec le reste du tableau.

Encore un dernier passage : « Arrive ensuite la gynéco qui va faire le curetage. Elle me pose mon dossier sur le ventre, fronce un sourcil et me demande, suspicieuse : "Pourquoi vous ne voulez pas le garder celui-là ? – Madame, je crois que c’est trop tard. – Ah bon ? Est-ce que vous avez fait aussi le placenta ?... – Je n’en sais rien, madame, je n’en sais rien." »

Cette femme est ensuite repartie avec un implant, sans qu’on lui explique ce qu’il fallait faire, ni combien de temps elle le garderait, ni quels en étaient les effets. Rien ! Elle est repartie sans même qu’on lui propose une nouvelle consultation.

À la lecture de ce témoignage, je me suis interrogée. Nous serons amenés, au cours de cette discussion, à examiner un amendement visant à étendre le délit d’entrave à l’IVG pratiquée hors des murs des hôpitaux ainsi qu’à l’accès à l’information sur l’IVG. Je me suis donc demandé s’il ne fallait pas déposer un sous-amendement afin de viser également les équipes médicales pratiquant des IVG et chargées d’accompagner les patientes.

Néanmoins, comme je ne pratique pas le « un fait divers, une loi », j’ai pensé qu’il valait mieux procéder par ordre en vous suggérant, à vous, madame la ministre, ainsi qu’à votre collègue chargée de la santé, dont je sais l’intérêt qu’elle porte à ce sujet, de diligenter une enquête afin de savoir si de telles pratiques sont marginales, minoritaires ou répandues.

Des échos nous parviennent, nous recueillons des témoignages, mais je ne dispose pas d’une étude statistique du phénomène. Je sais seulement que ces pratiques n’ont rien d’exceptionnel. Il nous faut savoir ce qu’il en est exactement et agir en conséquence. En tout cas, le climat n’est pas bon, il est propice à des remises en cause sournoises de l’IVG.

Nous comptons, madame la ministre, sur votre engagement, comme vous pouvez compter sur notre soutien dans votre action et pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mmes Chantal Jouanno, Nathalie Goulet et Christiane Kammermann applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurer l’égalité entre les femmes et les hommes constitue l’une des priorités de ce gouvernement – le premier gouvernement paritaire de l’histoire de la République –, qui s’est doté d’un ministère aux droits des femmes de plein exercice.

II est vrai que, au cours des quarante dernières années de nombreuses avancées ont été réalisées dans la conquête de l’égalité. Je pense notamment aux lois Roudy de 1983 et Génisson de 2001 sur l’égalité professionnelle, à la loi sur la parité de 2000, ou encore à la récente loi sur l’instauration du binôme dans les conseils départementaux.

Néanmoins, le classement du forum économique mondial réalisé en 2012 place la France au 57e rang, sur 135 pays, en matière d’égalité entre les sexes. Si notre pays obtient de bons résultats dans le domaine de l’éducation et de l’accès aux soins, cette étude montre en revanche que nous avons encore d’importants progrès à accomplir quant à l’accès au travail, ainsi que dans les sphères économique et politique.

J’en veux pour preuve la composition même de notre assemblée, qui ne compte que 22 % de femmes.

Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, vise à améliorer et renforcer les dispositions existantes. Il s’agit d’un texte ambitieux qui procède d’une démarche innovante. Comme vous l’avez rappelé, alors même que l’ensemble des lois traitant des droits des femmes et de l’égalité ont abordé le sujet de manière sectorielle, ce texte prend enfin en compte la dimension transversale du problème en reconnaissant que les inégalités et les discriminations sont protéiformes.

Il contient des mesures permettant d’assurer l’égalité professionnelle en sanctionnant l’inégalité salariale ou en réformant le congé parental.

Ce texte permettra de lutter contre la précarité spécifique des femmes en expérimentant, par exemple, une garantie contre les impayés de pensions alimentaires.

Il les protégera contre les violences qu’elles peuvent subir en privilégiant l’éviction du domicile du conjoint auteur de violences ou encore en généralisant le dispositif « Téléphone grand danger ».

Enfin, il renforcera la parité dans la sphère politique en doublant la sanction financière des partis qui ne la respecteraient pas et généralisera ce principe de parité aux instances dirigeantes des fédérations sportives ainsi qu’à tous les établissements publics à caractère industriel et commercial, aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture.

C’est un fait : la conquête de l’égalité passe par le droit. Mais elle passe aussi et surtout, en amont, par l’accès à l’éducation, dont le défaut est, avec les résistances culturelles et les préjugés, à l’origine des différences de traitement entre les femmes et les hommes.

À ce titre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des outre-mer, où le taux d’échec scolaire et d’analphabétisme est particulièrement élevé.

Vous le savez, madame la ministre, la réalité sociologique, géographique et économique des collectivités d’outre-mer est différente de celle des régions hexagonales. Les difficultés y sont souvent exacerbées et les inégalités entre les sexes ne font pas exception.

On peut regretter au passage que les outre-mer ne comptent que deux sénatrices sur vingt et un sénateurs.

Vous me pardonnerez de parler de mon département, mais la condition des femmes mahoraises justifie que je m’y attarde un instant.

La société mahoraise traditionnelle est matriarcale. Les femmes y occupent depuis toujours un rôle majeur. Je crois important de rappeler qu’elles sont au cœur de l’histoire institutionnelle de Mayotte. Je veux ainsi rendre hommage à ce groupe de femmes appelées les « chatouilleuses » et au combat qu’elles ont mené pacifiquement pour que Mayotte reste française en soumettant leurs adversaires à des chatouilles ! (Exclamations étonnées.) C’est original, je vous le concède !

Si la polygamie et l’inégalité successorale ont été supprimées, si l’âge légal du mariage a été relevé et la parité, instituée, l’égalité est aujourd’hui encore loin d’être assurée.

Je rejoins l’ancien préfet de Mayotte qui déclarait que « l’accès à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux postes à responsabilité, la reconnaissance sociale, familiale et professionnelle relèvent encore trop souvent de l’utopie ».

Dans cette île, la population active occupée s’élève à seulement 35 000 personnes sur 212 000 habitants La proportion de femmes en situation d’emploi est deux fois plus faible – 22 % – que celle des hommes – 43 %. Le niveau de formation insuffisant, les grossesses précoces, le manque de structures d’accueil des enfants, conduisent bon nombre d’entre elles à demeurer « femmes au foyer ».

La représentation équilibrée entre les deux sexes est également loin d’être effective dans la vie politique mahoraise et, même si elles n’ont plus peur d’investir le champ politique, on ne dénombre que deux femmes maires sur dix-sept, et une conseillère générale sur dix-neuf.

Le soutien du Gouvernement à la réalisation d’un planning familial, qui a ouvert ses portes le 18 juin 2012, et à la mise en place d’un programme « 101 femmes, 101 métiers » sont des actions qu’il faut impérativement développer.

Madame la ministre, je voterai pour ce texte qui met en place une politique transversale d’égalité afin d’agir avec efficacité en faveur des droits des femmes. J’encourage en outre ce Gouvernement à poursuivre les actions de rattrapage entreprises dans nos territoires plus éloignés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de revenir, au cours de l’examen des amendements, sur les sujets qui ont été abordés par les différents intervenants, mais je souhaite, en cet instant, faire brièvement un point général.

Je tiens tout d’abord à adresser à chacun d’entre vous mes remerciements pour vous être impliqués dans l’étude de ce projet de loi, alors même que, j’en suis bien consciente, les délais étaient assez contraints.

Je crois que vous avez tous compris l’ambition de ce texte, sa cohérence, sa logique profonde, sa transversalité, même si certains d’entre vous ont trouvé matière à l’enrichir.

Brigitte Gonthier-Maurin nous a rappelé que de nombreuses associations qui œuvrent depuis des années pour les droits des femmes attendent le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement « au tournant » sur un texte qu’elles appellent de leurs vœux depuis longtemps. Mais nous devons aussi faire en sorte que cette loi-cadre soit bâtie sur une armature solide tout en gardant la capacité de s’enrichir d’autres sujets qui n’ont pas été jusqu’à présent évoqués.

Il reste que je tiens à souligner à nouveau la cohérence profonde de cette « œuvre collective », pour reprendre les termes du président Sueur. Ce n’est pas, madame Laborde, un énième texte : la vocation fondamentale de ce texte, c’est que puisse y trouver place tout ce qui sert l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans le débat qui va suivre, je serai à l’écoute de toutes vos propositions, comme j’ai été très intéressée par toutes les dispositions qui y ont été intégrées ou ont été simplement avancées en commission. Ce texte sort en effet sensiblement amélioré des travaux que celle-ci a conduits. Je pense, par exemple, aux propositions qui concernent le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à celles qui ont été faites sur les concours de « mini-miss », à celles portant sur le nom des stages de responsabilisation ou encore à celle de Laurence Rossignol sur la nécessité de réaffirmer le droit à l’interruption volontaire de grossesse.

Sur certains sujets, je le disais tout à l’heure, vos propositions ont buté sur l’article 40 de la Constitution. Le Gouvernement reprend à son compte certaines d’entre elles, comme l’extension du périmètre du « Téléphone grand danger » aux victimes de viol.

D’autres ne peuvent être aujourd’hui mises en œuvre, mais le Gouvernement y est favorable. Je songe notamment au doublement de la durée du congé paternité. C’est une proposition tout à fait positive et je l’ai fait expertiser : son coût est malheureusement très élevé puisque nous l’évaluons à environ 300 millions d’euros.

Mme Nathalie Goulet. Le prix de quelques joueurs de foot ! (Sourires.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous devons trouver les moyens de financer cette mesure, mais la situation des finances publiques nous contraint aujourd’hui à la reporter. Dès que cette situation se sera améliorée, nous pourrons envisager de la mettre en œuvre. Le Gouvernement a dû opérer un choix : nous avons, pour l’heure, privilégié la création de places de crèche supplémentaires et de places chez des assistantes maternelles, ainsi que la préscolarisation. C’est ainsi que 275 000 solutions d’accueil seront aménagées d’ici à 2017.

Autre proposition ayant buté sur l’article 40, celle de Muguette Dini tendant à assurer une prise en charge à 100 % des frais sanitaires liés à des soins consécutifs à des violences non seulement sur des mineurs, comme le prévoit déjà le code de la sécurité sociale, mais aussi sur des majeurs. C’est une proposition que je juge excellente et que nous avons mise à l’étude. Je m’engage à revenir vers vous sur cette question.

Je l’ai dit en préambule : nous ne cherchons pas le consensus pour le consensus. Ma conviction profonde est que toutes les forces de progrès doivent aujourd’hui se liguer contre les forces de conservatisme si l’on veut faire évoluer la société. Les résistances existent bel et bien, vous en avez tous fait mention dans vos interventions.

J’en veux pour preuve celles que l’on peut rencontrer dans la culture ou dans le sport, dont Maryvonne Blondin a fait état : « Va-t-on trouver assez de femmes ?... Aura-t-on le vivier nécessaire ?... » J’ai envie de dire : « Ouvrez les yeux : dans tous les secteurs possibles, les femmes sont là ! ». Un exemple parmi beaucoup d’autres : lorsque la fédération française de tennis, qui compte 35 % de licenciées, fait part de ses « difficultés insurmontables » pour atteindre la parité dans ses instances dirigeantes, j’ai peine à comprendre ! (Mme Chantal Jouanno acquiesce.) Bien sûr qu’on trouvera suffisamment de femmes pour assurer cette parité !

Il faut donc que nous soyons fermes sur ces objectifs.

Madame Cukierman, vous le disiez : entre le fort et le faible, c’est la loi qui affranchit. Oui, il faut parfois des lois afin que les lois déjà existantes soient mieux appliquées. L’expérience nous l’apprend : il ne suffit pas qu’une loi soit écrite pour que son application soit effective.

Aujourd’hui, lorsque nous interdisons aux entreprises de soumissionner à des marchés publics si elles n’ont pas respecté leurs obligations d’égalité professionnelle, cela relève de l’évidence ! (Mme Catherine Tasca approuve.) Et nous parlons là de dispositions qui datent de plusieurs décennies. Ce n’est pas comme si nous prenions les entreprises par surprise !

J’entends ce que vous me dites, madame la sénatrice, mais j’ai déjà expliqué en préambule que nous avions réfléchi à des solutions pragmatiques, qui laissent à l’entreprise, jusqu’au dernier moment, la possibilité de présenter le document qui prouve qu’elle a bel et bien entamé une démarche en son sein, soit pour négocier avec les représentants des salariés, soit pour commencer à rédiger un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle. En revanche, une entreprise qui, en toute connaissance de cause, s’y refuse est une entreprise qui ne respecte pas la loi et il me paraît donc bien naturel de l’empêcher d’accéder à de tels marchés publics.

Monsieur Reichardt, j’ai entendu vos réflexions, que vous n’êtes d’ailleurs pas seul à formuler, au sujet du congé parental et qui tournent autour de cette question lancinante : que deviendra la mère de famille qui, au bout de deux ans et demi, ne saura pas quoi faire de son enfant parce qu’il n’aura pas accès à la scolarisation ? Je m’étonne que cette question, de bon sens, n’ait pas été posée ces dernières années.

Mme Muguette Dini. C’est vrai !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En effet, la question de la jonction entre la fin d’un congé parental et le début de la scolarisation pour un enfant qui n’a pas eu la chance de naître au mois d’août ou au mois de septembre se pose depuis longtemps, et à de très nombreuses familles.

À cet égard, nous avons au moins le mérite, à travers ce texte, de nous saisir du problème et d’apporter des solutions puisque, lorsqu’un enfant né en début d’année atteindra l’âge de trois ans et devra attendre plusieurs mois avant d’accéder à la scolarisation, les droits de ses parents au congé parental pourront être maintenus, de manière à faire la jonction avec le calendrier scolaire, sous un certain nombre de conditions que nous verrons dans le détail lors de la discussion des articles.

À mon sens, nous ne sommes pas seulement là pour adopter une grande réforme du congé parental visant à mieux partager les responsabilités entre le père et la mère : nous devons aussi faire en sorte que nos prestations sociales soient mieux en phase avec la réalité des familles, la réalité de leurs besoins.

Je souhaite aussi revenir sur la requête formulée tant par Chantal Jouanno que par Esther Benbassa sur la question du changement d’état civil des personnes « trans ». Je vous le dis, je ne souhaite pas que nous fassions de cette loi-cadre pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a une armature forte, une espèce de texte portant diverses dispositions d’ordre général, et je serai vigilante sur ce point.

Je comprends bien qu’il puisse y avoir parmi vous une volonté de saisir la balle au bond pour remédier un certain nombre de situations intolérables. À cet égard, ce que vous avez décrit est très juste, mais je préfère vous renvoyer à un travail en profondeur qui, d’ailleurs, a d’ores et déjà été entrepris par Maryvonne Blondin et Michelle Meunier. Il s’agit d’aborder l’ensemble des dimensions de cette situation complexe, ce qui permettra d’aboutir à un texte qui réponde à chacun de ces enjeux.

Vous le savez, nous avons saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui a rendu un avis d’une grande clarté sur ce sujet. Je le répète, je préfère que nous ayons d’ici quelque temps un texte spécifique, convenablement préparé, plutôt que d’introduire dans ce projet de loi ce qui pourrait être considéré, à juste titre, comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi je ne pourrai pas être, pour l’heure, favorable à ces propositions.

S’agissant des violences faites aux femmes, il me semble que l’essentiel a été dit. Je me félicite de votre soutien, notamment sur le nouveau stage de responsabilisation, même si j’ai entendu que nous pouvions peut-être encore modifier la sémantique. Effectivement, une telle modification peut valoir la peine si elle nous permet d’être plus clairs sur cette notion de moment phare pendant lequel l’auteur des violences prend conscience de sa responsabilité.

Une autre étape – j’aurai l’occasion d’en reparler – consistera à renforcer le suivi psychologique des personnes victimes de violences. Certains d’entre vous savent que j’ai organisé à l’Académie de médecine, voilà quelques jours, un colloque important avec des professionnels aguerris sur cette question. Je reviendrai devant vous avec des propositions précises.

J’ai été interrogée sur les mesures à prendre pour écourter au maximum la procédure de l’ordonnance de protection. Sachez que nous avons tout simplement décidé de prendre modèle sur ce qui marche, c’est-à-dire sur l’exemple de la Seine-Saint-Denis, avec un protocole mis en place qui permet de prononcer une ordonnance en une semaine. Quand nous parlons de « meilleurs délais », c’est cette durée que nous avons en tête.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour arriver à ce résultat en Seine-Saint-Denis, il a fallu que les forces de l’ordre, le parquet, les associations, les huissiers, les collectivités locales se mettent autour d’une même table. C’est précisément ce que nous organisons désormais département par département, de manière à rendre cela possible sur tout le territoire.

M. Courteau m’a interpellée sur l’éducation à la sexualité.

Je précise d’abord que nous avons veillé à adopter la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école, signée le 7 février dernier, qui était, comme vous le savez, un peu tombée en déshérence. Nous avons en outre prévu une formation des enseignants à l’égalité filles-garçons dans le cadre de la refondation de l’école. Nous lançons également, en cette rentrée scolaire, et ce dès le plus jeune âge, c’est-à-dire à l’école primaire, une expérimentation intitulée les « ABCD de l’égalité », pour faire en sorte que celle-ci s’apprenne le plus tôt possible.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Plus précisément sur le thème abordé par Roland Courteau, nous publierons la circulaire sur l’éducation à la sexualité à proprement parler dans les collèges et les lycées d’ici au mois de novembre – c’est ce qui est prévu avec le ministre de l’éducation nationale – pour donner enfin corps à cette obligation qui n’était toujours pas mise en œuvre.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous avons travaillé à sa concrétisation, notamment en ouvrant les établissements scolaires à des associations agréées pour pouvoir parler de ces sujets aux jeunes.

J’espère ne pas avoir oublié, dans cette brève intervention, quelque chose d’essentiel…

Mme Esther Benbassa. Les femmes étrangères !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En effet !

Comme vous avez pu le constater, le projet de loi tend à supprimer les taxes portant sur la demande d’obtention ou de renouvellement d’un titre de séjour pour une femme étrangère victime de violences.

Par ailleurs, dès lors qu’une ordonnance de protection a été délivrée pour une femme étrangère victime de violences, nous faisons en sorte que les préfets puissent en être totalement informés – cela passe notamment par la formation des agents que nous évoquions tout à l’heure –, de telle sorte que la délivrance des cartes de séjour soit, dans ce cas, plus automatique qu’elle ne semble l’être actuellement sur le terrain, où le lien entre les deux ne se fait pas naturellement.

M. Roland Courteau. C’est vrai que ça coince parfois !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je le redis, sur ce sujet comme sur d’autres, je suis ouverte à la discussion. Je vous propose donc, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que nous commencions à examiner les amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Articles additionnels avant l'article 2 (début)

Article 1er

L’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée. Ils veillent à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions.

La politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes comporte notamment :

1° Des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et la mixité dans les métiers;

2°Des actions de lutte contre la précarité des femmes ;

3° Des actions tendant à faciliter un partage équilibré des responsabilités parentales ;

4° Des actions pour mieux articuler les temps de vie ;

5° Des actions destinées à prévenir les stéréotypes sexistes ;

6° Des actions de prévention et de protection contre les atteintes à la dignité des femmes ;

7° Des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes.

M. le président. La parole est à M. René Teulade, sur l’article.

M. René Teulade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen d’un tel projet de loi est un moment privilégié pour mesurer les progrès d’une société et pour en définir collectivement les futurs contours.

Regardons ce passé dans les yeux pour nous remémorer le chemin parcouru et préparer un avenir que nous souhaitons tous meilleurs.

En regardant les étapes essentielles de l’évolution de notre société, j’ai tenté de comprendre pourquoi des textes votés ne sont pas appliqués. Ce n’est pas nouveau et d’autres orateurs avant moi l’ont souligné : il se dit que 50 % des textes votés dans notre belle démocratie ne reçoivent pas de décrets d’application. Ce pourcentage est peut-être exagéré – je n’ai pas fait le calcul ! –, mais je sais qu’il y en a tout de même un certain nombre qui ne voient pas le jour.

Rappelons les dates les plus importantes.

L’été 1789 vit naître ce qui est probablement le plus éminent, le plus déterminant, le plus beau des textes de notre histoire contemporaine : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Son esprit et ses objectifs lui confèrent d’emblée une portée universelle, mais, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, cette universalité s’arrête à la frontière du genre : les femmes ne peuvent se réclamer de ces droits pourtant inhérents à tout individu et censés être indépendants de son sexe.

Les femmes les plus prosélytes, comme Marie-Olympe de Gouges, qui rédigea en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, et dont l’entrée au Panthéon pourrait devenir prochainement réalité, goûtèrent, hélas, la lame de la guillotine pour avoir mené un combat féministe précurseur, qui s’accompagnait généralement d’une virulente critique de la barbarie qui prévalait pendant la Terreur.

Ainsi, les Lumières ont sans doute vivement éclairci les consciences et réveillé les âmes, mais elles n’ont pas immédiatement fait avancer la cause féminine. Le XIXsiècle oubliera la femme qui, tapie dans l’ombre du foyer, restera prisonnière et du père et du mari, parfois même, dans les communes rurales, de la belle-mère.

Mme Nathalie Goulet. Pas seulement !

M. René Teulade. Ce n’est qu’une fois la figure masculine partie au front, lors de deux guerres mondiales, que la femme pourra s’émanciper et s’imposer comme une individualité à part entière. N’est-il pas tristement ironique que l’émancipation des femmes, si auguste dessein qui a ouvert la voie de la reconnaissance de l’égalité des droits entre les genres, ait vu le jour grâce à un événement aussi funeste que la guerre ?

Et pourtant ! Il a effectivement fallu attendre le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, lequel dispose que « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme », pour que l’égalité entre les hommes et les femmes soit consacrée.

Par la suite, le mouvement visant à consolider cette égalité s’est développé, notamment grâce à différents textes : loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux de 1804, qui permet à la femme d’ouvrir un compte en banque et de gérer seule ses biens ; loi du 4 juin 1970, qui substitue à la toute-puissance paternelle la notion d’autorité parentale ; loi du 11 juillet 1975, qui libéralise le divorce.

Si des progrès indéniables ont été réalisés, n’en subsistent pas moins de nombreuses entraves à l’effectivité du principe d’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, l’organisation sociale séculaire, le poids des conservatismes, omniprésents, comme l’a révélé le débat autour d’un récent projet de loi sociétal, le scepticisme et l’anachronisme des mentalités sont autant d’éléments qui expliquent l’impérieuse nécessité d’adopter de nouvelles mesures sur ce sujet.

Au-delà de l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, de l’accentuation des violences commises à l’encontre des femmes, de la concrétisation « clopinante » du principe constitutionnel de parité, il est essentiel de se focaliser sur l’égalité professionnelle, afin de permettre une émancipation réelle des femmes.

C’est pourquoi, au cours de la discussion, je présenterai deux amendements qui, plutôt que d’en faire un principe purement déclaratif, visent à donner corps au principe d’égalité salariale. Les inégalités en la matière ne peuvent être tolérées alors que toutes les études soulignent que les femmes sont désormais, parfois, plus et mieux diplômées que les hommes.

Enfin, madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est loin, vous le savez bien, d’être achevée. Si tel était le cas, cette égalité apparaîtrait naturelle, et nous n’aurions nul besoin d’inciter à la discrimination positive qui, par essence, est une politique inepte, dernier rempart contre des comportements et des situations qui le sont tout autant !

Dès lors, les mécanismes de contrainte sont des moindres maux qui ne font que masquer la ténacité de mentalités.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. René Teulade. Ainsi, l’engagement au nom de cet auguste principe sera un véritable triomphe quand le législateur deviendra muet sur l’égalité entre les genres. Les passions rétrogrades, les préjugés, les stéréotypes obstinés se seront alors définitivement tus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous félicitons de la présence de ce premier article chapeautant le texte pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cet article fixe un cadre et une orientation à l’action publique, tout en posant la nécessité de l’évaluer afin de pouvoir la rendre effective à l’échelle de l’État, mais aussi dans les collectivités territoriales.

Si nous approuvons, bien sûr, les sept points correspondant aux champs dans lesquels vous entendez, madame la ministre, développer cette politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes, il nous semble cependant important d’étendre le cadre de cet article à la maîtrise par les femmes de leur sexualité, notamment par des actions en faveur de l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. Ce sera l’objet d’un amendement que je défendrai tout à l’heure.

En effet, les conditions d’accès à l’IVG se sont considérablement dégradées ces dernières années. Depuis la loi HPST – loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – les restructurations, regroupements, voire fermetures de services hospitaliers, et au premier chef des centres d’IVG, ont encore étendu les délais d’accès à l’avortement dans notre pays.

Le délai de douze semaines donné aux femmes se révèle souvent très court étant donné le temps qui est aujourd’hui nécessaire pour obtenir, une fois qu’on s’est rendu compte de sa grossesse, une première consultation gynécologique, respecter un délai de sept jours avant la seconde consultation, obtenir un rendez-vous dans un centre d’IVG.

Ajoutons à cela qu’un nombre important de centres ne pratiquent plus que des IVG médicamenteuses, c'est-à-dire jusqu’à six semaines.

Il est donc particulièrement important que l’État ait une intervention forte à ce sujet, afin que toutes les femmes puissent accéder librement à une interruption volontaire de grossesse, quelle que soit leur condition sociale et où qu’elles vivent sur le territoire. C’est pourquoi nous saluons la décision du Gouvernement de rembourser les IVG à 100 %.

Nous défendrons ultérieurement deux autres amendements relatifs à cette question. Je tiens à y insister parce que cela me paraît devoir faire partie du développement des différentes actions ciblées dans cet article 1er.

Cette action publique visant à donner à chacune et à chacun la liberté de maîtrise de sa sexualité passe, bien entendu, aussi par un accès gratuit de chacune et de chacun à une contraception adaptée.

Il s’agit donc, par des actions de prévention, de sensibilisation, d’éducation à la sexualité, de donner accès à toutes les femmes au contraceptif qui sera le plus adapté à son cas.

Nous espérons que des actions concrètes en ce sens pourront se développer dans les années à venir : soutien au planning familial, présence de gynécologues dans les centres de santé universitaires, remboursement intégral de l’ensemble des contraceptifs.

Alors que nous parlons d’égalité entre les femmes et les hommes, n’oublions pas cette dimension importante du combat pour l’égalité, qui est au cœur des revendications féministes depuis les années soixante.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l’article.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est important de prendre la mesure des avancées accomplies en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi de ce qu’il reste à faire.

Avec les lois Roudy et Génisson, notre pays n’aura eu de cesse de combattre les inégalités entre les hommes et les femmes lors de ces trente dernières années.

François Poullain de La Barre les dénonçait déjà, dès 1673 comme relevant du simple préjugé ! Pourtant, force nous est de constater que ces préjugés sont tenaces, tant les inégalités continuent de perdurer dans notre pays !

Les femmes restent bien trop souvent reléguées au second rang en matière de rémunérations, de postes à responsabilité dans le monde professionnel et politique, et cela malgré la loi sur la parité. Elles sont toujours victimes de précarité, de stéréotypes sexistes, d’atteintes à la dignité et de violences souvent mortelles.

Il reste encore du chemin à parcourir pour parvenir à une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans l’ensemble de notre société.

La mesure contenue dans ce texte qui donne aux hommes la possibilité de prendre six mois de complément de libre choix d’activité, permettront d’accomplir une avancée décisive en plaçant les femmes et les hommes sur un pied d’égalité, ce qui facilitera l’éducation de leurs enfants.

Cette disposition aura des effets positifs sur le niveau des retraites des femmes, retraites qui, nous le savons, sont aujourd’hui largement inférieures à celles des hommes.

Cette loi couvre plusieurs domaines dans lesquels perdurent des inégalités.

Elle sera un outil pour faire progresser le statut de la femme dans le champ professionnel, la représentativité dans l’entreprise, dans le monde associatif, artistique, sportif, mais surtout dans la lutte contre la précarité par l’amélioration du recouvrement des pensions alimentaires, la pénalisation des entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale et, surtout, dans le combat quotidien contre les violences faites aux femmes.

C’est à nous, parlementaires, qu’incombe le devoir de veiller à la bonne application de cette loi, qui fera progresser le statut de la femme en favorisant l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Stendhal écrivait : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain. »

Le projet de loi que vous défendez avec enthousiasme et détermination, madame la ministre, doit y contribuer afin que « notre République tout entière, unie, consciente, mobilisée permette de passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle ».

L’article 1er définit l’égalité entre les femmes et les hommes. Si l’écriture en est technique et pragmatique, il illustre l’obligation d’une prise en compte transversale, intégrée dans l’ensemble de nos politiques publiques.

Les diverses interventions ont montré combien les inégalités entre les hommes et les femmes, dans toutes les sphères de la vie publique, comme dans la sphère privée, existent encore aujourd’hui. Ce n’est pas Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes qui me contredira : quand on évoque le sujet de l’inégalité professionnelle, j’ai presque envie de dire que non seulement on avance peu, mais même que l’on régresse.

Quant à l’interruption volontaire de grossesse, évoquée par Chantal Jouanno et Laurence Rossignol, il est vrai qu’il y a danger. Cécile Cukierman a mentionné les restructurations intervenues après la mise en œuvre de la loi HPST.

Au-delà, n’oublions pas que tous ceux qui ont milité pour que les femmes puissent mener librement leur vie personnelle en matière de sexualité comme en matière de grossesse, qu’ils appartiennent au monde médical et paramédical ou qu’ils s’expriment dans les autres sphères de la vie publique, tous partent aujourd'hui à la retraite. Aujourd'hui, bien souvent, en particulier dans le monde médical et paramédical, on observe de l’indifférence ou, pis encore, des attitudes qui s’apparentent à des jugements moraux. Ce ne sont pas là des comportements de praticiens responsables, ce ne sont pas là des comportements d’humanistes, ce que sont pourtant censés être ces professionnels !

Je vous remercie donc, madame la ministre, d’être attentive, avec votre collègue Mme la ministre de la santé, à cette question, qui me paraît essentielle.

Sur le sujet de l’égalité professionnelle, comme notre collègue de Mayotte l’a souligné, il est important de traiter le sujet en amont, avant l’entrée dans le monde du travail, qu’il s’agisse de l’entreprise, des fonctions publiques ou des services publics. Le rôle de l’éducation nationale est à cet égard fondamental. Je vous remercie, là encore, madame la ministre, d’avoir travaillé avec votre collègue de l’éducation nationale sur le thème de l’orientation des filles et des garçons.

En effet, cela a été dit, les femmes ont souvent des diplômes plus élevés que les hommes, elles réussissent mieux dans les études, et pourtant, elles sont orientées vers des études qui ne leur permettent pas d’accéder à toutes les professions. Les études qu’elles suivent ne leur facilitent pas, en particulier, l’accès aux postes à responsabilité dans la vie professionnelle.

On a beaucoup insisté sur le sujet de l’inégalité professionnelle, sur le thème du « plafond de verre », du « plancher collant », comme disent nos amis canadiens. Je pense qu’il est un sujet au moins aussi grave, celui de la précarisation des femmes, celles qui sont chefs de famille monoparentale, celles qui occupent des temps partiels subis. Nous devons vraiment nous occuper de cette question avec ténacité.

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir enrichi les services des droits des femmes dans les régions, dans les départements. En effet, s’il est bon qu’il y ait des lois, il faut aussi pouvoir en vérifier l’application sur le terrain. Or, il faut bien le dire, le maillage des déléguées régionales, des chargées de mission a été malheureusement très malmené ces dernières années. Pouvoir faire en sorte qu’il y ait vérification et évaluation de l’application des textes de loi sur notre territoire doit permettre d’avancer vers de meilleurs résultats.

Enfin, je voudrais dire qu’on ne parviendra à résoudre la sempiternelle question de l’égalité salariale que sous réserve d’avoir réalisé préalablement l’égalité professionnelle, laquelle exige de lutter contre les discriminations à l’embauche, de garantir l’égal accès des femmes et des hommes à la formation et à la mobilité. L’égalité salariale, c’est également la définition de meilleures conditions de travail dans l’entreprise ou les fonctions publiques, en sachant que cette exigence qualitative dans le monde du travail profite à tous.

C’est après avoir abouti sur tous ces points que l’on assurera une vraie égalité salariale. Or l’égalité salariale est fondamentale pour appréhender le sujet du congé parental. Certains arguent que les hommes n’accèdent pas au droit d’être à côté de la mère pour élever l’enfant… Mais il y a aussi certaines réalités indéniables : lorsque, dans un foyer, la différence de revenus est de l’ordre de 20 % à 30 %, le choix de celui qui reste pour élever l’enfant est malheureusement vite fait !

L’égalité salariale, qui est la conséquence de l’égalité professionnelle, est vraiment un sujet extrêmement prégnant. (M. le président de la commission des lois, M. Thani Mohamed Soilihi et Mme Cécile Cukierman applaudissent.)

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen et Goy-Chavent, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Des actions en faveur de l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La sphère politique a été la première à mettre en œuvre le principe de parité, dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 1999. Plusieurs textes sont intervenus en la matière dont, il y a encore quelques mois, le texte relatif à l’élection des sénateurs.

Le présent projet de loi revient, lui aussi, sur ces questions dans son titre IV, relatif à la parité. L’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives figure ainsi indiscutablement dans le champ d’application de l’approche intégrée retenue par le projet de loi.

Pourtant, son article 1er ne le mentionne pas lorsqu’il énumère les domaines concernés par cette nouvelle approche.

Conformément à sa recommandation n° 2, la délégation aux droits des femmes propose de combler cette lacune en complétant l’article 1er afin d’y faire figurer l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

J’entends bien que cet article 1er ne peut pas dresser une liste absolument exhaustive, mais je crois que nous touchons là une dimension fondamentale si l’on veut que les intéressées et les intéressés aient les moyens de participer à la construction d’une véritable politique d’égalité.

J’ajoute que, au moment où chacun et chacune ici s’émeut de la distanciation entre la politique et nos concitoyens, ce serait quand même un signe important adressé à la société. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à retenir, en votant cet amendement, la recommandation de la délégation aux droits des femmes qui avait été adoptée à l’unanimité. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission des lois, qui est composée d’éminents juristes s’assignant principalement pour tâche d’écrire la loi de la façon la plus simple et la plus lisible possible, a émis un avis défavorable sur cet amendement, bien qu’elle approuve l’idée qui le sous-tend.

Nous considérons en effet que cet objectif de parité est déjà inscrit dans la Constitution et que, dès lors, toutes les lois et tous les règlements s’y conforment nécessairement. Il serait donc redondant d’inscrire dans le projet de loi cet alinéa issu de la recommandation n° 2 adoptée par la délégation aux droits des femmes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette question de l’égal accès aux responsabilités électives étant inscrite dans la Constitution, nous avions estimé qu’il n’était pas utile de la mentionner de nouveau à l’article 1er, comme vient de le dire Virginie Klès. Néanmoins, pour être tout à fait honnête, compte tenu de l’ampleur de la tâche qu’il nous reste à accomplir, je peux aussi comprendre l’intérêt de la faire figurer ici.

Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement est adopté.) – (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 132, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Comme je l’ai indiqué lors de mon intervention sur l’article 1er, cet amendement énonce les grands champs d’intervention de l’État sur le terrain de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il nous paraît donc particulièrement important d’y intégrer la question de la maîtrise par les femmes de leur sexualité.

Une réflexion approfondie doit être menée, par exemple, sur les questions de contraception. Il ne s’agit pas d’y apporter immédiatement des réponses dans le texte, mais de les faire figurer parmi ces grands champs d’action.

Il convient de garantir à toutes les femmes un accès libre à la contraception, ou à une IVG quand elles le souhaitent, et ce quels que soient leur lieu de résidence et leur situation personnelle.

Je me suis longuement exprimée sur ce sujet ; je serai donc brève. J’ai bien entendu les objections de la commission des lois. Notre objectif n’est pas d’étoffer le texte, mais bien de n’exclure du texte aucun des champs d’intervention, qu’ils se situent au niveau de l’État, des collectivités territoriales ou même de la société tout entière. Nous devons en effet nous interroger, à cet égard, sur les inégalités qui persistent.

C’est en prenant en compte les différents moyens d’action, sans oublier la maîtrise de la sexualité des femmes, que nous pourrons aboutir à une réelle égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Corinne Bouchoux (Applaudissant). Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission va encore jouer les rabat-joie… (Sourires.) Nous avons en effet émis un avis défavorable, pour des raisons rédactionnelles et non de fond, car, tout en étant quelque peu divisés sur le sujet, nous partageons vos objectifs, madame Cukierman, qui rejoignent ceux qu’a précédemment affirmés Laurence Rossignol.

Il nous semble néanmoins que ces objectifs sont satisfaits par la mention de la dignité des femmes et de la lutte contre les stéréotypes sexistes. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)

Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas la même chose !

Mme Virginie Klès, rapporteur. Certes, mais c’est tout de même inclus dans cette mention.

Quel que soit le sort qui sera réservé à cet amendement – au vu du précédent vote, je pense qu’il sera adopté –, nous appelons l’attention de nos collègues députés sur la nécessité de réfléchir à une rédaction qui convienne et à se méfier du terme « notamment », dont l’emploi est toujours problématique dans la loi, ainsi que de l’exhaustivité, qui pourraient conduire à des interprétations du texte contraires à l’objectif visé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. À l’inverse de Virginie Klès, qui vient de lancer à juste titre un appel à la vigilance, je ne serai pas rabat-joie. (Sourires.) Je suis en effet plutôt favorable à cet amendement, pour les raisons évoquées depuis le début de ce débat. Rappeler que la maîtrise du corps fait partie de toute politique visant à réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes est une bonne chose. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LA VIE PROFESSIONNELLE

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Articles additionnels avant l'article 2 (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant l'article 2

M. le président. L’amendement n° 81, présenté par Mmes Génisson et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après une concertation entre les partenaires sociaux, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport portant, d’une part, sur une harmonisation des droits aux différents types de congés existants actuellement (parentaux et personnels), en termes de conditions d’ouverture et d’indemnisation, et, d’autre part, sur la portabilité de ces droits et le cadre de leur mise en œuvre.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Nous ne devons pas être des fanatiques de la production de rapports. Pour autant, je rappelle que les signataires de l’Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle sont convenus, à l’article 11 de cet accord, d’entamer au plus tard au cours du premier trimestre de 2014, une réflexion portant, d’une part, sur une harmonisation des droits aux différents types de congés existants actuellement en termes de conditions d’ouverture et d’indemnisation et, d’autre part, sur la portabilité de ces droits et le cadre de sa mise en œuvre.

Il est donc nécessaire de mesurer où en est la préparation de cette concertation entre les partenaires sociaux et d’en informer le Parlement. Nous pourrions ainsi prendre connaissance de l’avancée de ce dossier très important au regard du dossier de l’égalité professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à demander la remise par le Gouvernement d’un rapport sur l’harmonisation des droits aux différents types de congés existants. Les partenaires sociaux sont convenus d’y réfléchir ; il est donc important que le Parlement soit informé des résultats de leurs travaux, dans la continuité des accords signés en juin dernier.

Nous avons débattu de ce type de rapports. Je ne suis pas contre : connaître, c’est déjà agir. Une évaluation est nécessaire, même si l’on n’est pas obligé de remplir des milliers de pages, qui ne seront peut-être pas lues...

L’avis est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sur le fond, madame Génisson, vous avez absolument raison d’évoquer ce sujet des congés familiaux. La question qui se pose à propos du congé parental pourrait en effet se poser également s’agissant d’autres congés. On sait, par exemple, que les femmes sont les premières concernées quand il faut s’occuper d’un parent âgé.

Cette question de l’harmonisation des congés familiaux, que les partenaires sociaux ont décidé de prendre à bras-le-corps, est très importante.

Je suis très favorable à votre demande de remise par le Gouvernement d’un rapport sur ce sujet, sur la base du travail que les partenaires sociaux se sont engagés à conduire au premier trimestre de 2014. Je dirai même que la date du 31 décembre 2014 est vraiment une date ultime : j’espère pouvoir vous le remettre bien plus tôt, car il nous faut avancer rapidement en la matière.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 2.

Articles additionnels avant l'article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Discussion générale

4

Désignation d'une sénatrice en mission temporaire

M. le président. Par courrier en date de ce jour, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Odette Herviaux, sénatrice du Morbihan, en mission temporaire auprès de M. Frédéric Cuvillier, ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche. Cette mission portera sur une évaluation des ports décentralisés.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

vice-président

5

Articles additionnels avant l'article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Articles additionnels avant l’article 2 (suite)

Égalité entre les femmes et les hommes

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion en première lecture du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein du titre Ier, des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 2.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 2

Articles additionnels avant l’article 2 (suite)

M. le président. L'amendement n° 179, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1225-57 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cet entretien organise le retour à l’emploi du salarié et définit les éventuels besoins de formation. Afin notamment d’assurer le respect de l’article L. 3221-1, l’employeur et le salarié examinent les conséquences de la période de congé sur la rémunération et l’évolution de carrière du salarié. 

« À sa demande le salarié peut bénéficier de cet entretien avant la fin du congé parental d’éducation. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vais être amenée à vous présenter, au nom du Gouvernement, une série d'amendements visant à transposer dans le projet de loi les dispositions sur lesquelles les partenaires sociaux se sont entendus lors de leur négociation qui a abouti à l'accord du 19 juin dernier.

L’amendement n° 179 vise à faciliter le retour à l'emploi des salariés en congé parental, qu’il s'agisse d'hommes ou de femmes, en permettant qu’au retour de ce congé parental les salariés puissent avoir une discussion avec l'employeur ou le responsable des ressources humaines, afin d'analyser les conséquences que ce congé seraient susceptibles d’avoir sur la suite de leur carrière dans l'entreprise, et de s’assurer qu’ils n’auront pas à en pâtir sur le plan professionnel.

Concrètement, il s'agit à la fois de prendre des dispositions en termes d'accès aux formations ou de valorisation des acquis de l'expérience et de faire en sorte qu’ils puissent bénéficier d'une partie des augmentations que tous les autres salariés de l'entreprise auront reçues pendant leur absence.

Par ailleurs, cet amendement prévoit la possibilité, pour le salarié, d'anticiper cet entretien de retour, de sorte qu’il ait lieu avant même le jour du retour prévu dans l'entreprise et que cette période d'interruption puisse se terminer dans les meilleures conditions possibles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement élargit à juste titre la portée de l'entretien professionnel préalable au retour dans l'entreprise d'un salarié en congé parental. En outre, il constitue la traduction législative de l'un des engagements pris par les partenaires sociaux en matière de développement de l'égalité professionnelle.

Toutefois, il serait nécessaire d'y apporter une rectification purement formelle et de remplacer la référence à l'article L. 3221-1 du code du travail par une référence à l'article L. 3221-2 du même code.

J’émettrai un avis favorable sous réserve de cette rectification, tout en précisant que, ces amendements du Gouvernement ayant été déposés tardivement, la commission des affaires sociales n’a pas pu se réunir pour les examiner.

M. le président. Madame la ministre, êtes-vous d'accord pour rectifier votre amendement dans le sens indiqué par Mme la rapporteur pour avis ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Oui, Monsieur le président, je rectifie l’amendement.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 179 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :

Avant l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1225-57 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cet entretien organise le retour à l’emploi du salarié et définit les éventuels besoins de formation. Afin notamment d’assurer le respect de l’article L. 3221-2, l’employeur et le salarié examinent les conséquences de la période de congé sur la rémunération et l’évolution de carrière du salarié. 

« A sa demande le salarié peut bénéficier de cet entretien avant la fin du congé parental d’éducation. »

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je m'associe aux regrets de notre rapporteur quant au fait que la commission n’ait pas pu se réunir en raison du dépôt un peu tardif des amendements du Gouvernement. Il est bien dommage que, sur un texte tel que celui-ci, nous n’ayons pas pu accomplir pleinement notre travail.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 2.

L'amendement n° 180, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

1° Le second alinéa de l’article L. 2241-7 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'un écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes est objectivement constaté, les branches professionnelles doivent faire de sa réduction une priorité. Des actions spécifiques de rattrapage progressif limitées dans le temps peuvent être engagées à cet effet.

« Dans les branches professionnelles, la réalisation de cet objectif passe par une analyse, à l'occasion du réexamen quinquennal des classifications, des critères d'évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail afin de repérer, de corriger ceux d'entre eux susceptibles d'induire des discriminations entre les hommes et les femmes et de prendre en compte l'ensemble des compétences mises en œuvre. »

2° Au second alinéa de l’article L. 3221-6 du même code, les mots : « doivent être communs aux salariés des deux sexes » sont remplacés par les mots : « sont établis selon des normes qui assurent l’application du principe fixé à l’article L. 3221-2. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cet amendement, qui reprend les termes d’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004, traite de ce qu'on appelle les classifications.

Vous le savez, notre société est organisée selon une assignation sexuée des femmes et des hommes à des tâches et des fonctions relativement précises. Ce cantonnement à des métiers ou des domaines d’activité, certains dévolus aux femmes, d'autres, aux hommes, explique une part importante des inégalités de salaires que nous avons longuement évoquées ici.

Nous avons donc décidé d'avancer sur la question de la classification professionnelle, celle-ci revenant en quelque sorte à noter et hiérarchiser les emplois, « justifiant » ainsi les salaires qui leur sont associés. Cette question a fait l'objet d'un travail important du Défenseur des droits au début de l'année dernière. Celui-ci a mis à notre disposition un guide qui nous est utile pour nous emparer du problème. L'objectif, dans ce domaine, est la revalorisation des métiers à prédominance féminine.

En conséquence, le présent amendement tend à faire de la réduction des écarts un objectif prioritaire dans la négociation de branche, dès lors qu’un écart moyen est constaté entre des métiers dits féminins et des métiers dits masculins. Il vise également à préciser les modalités d'appréciation afin de trouver des critères d'évaluation de ces différents métiers qui ne soient pas susceptibles d'induire des discriminations et qui prennent en compte l'ensemble des compétences mises en œuvre.

En outre, avec cet amendement, nous inscrivons dans la loi la jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière, qui applique le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ».

J’ai fait en sorte, mesdames, messieurs les sénateurs, que puisse être mis en place un groupe de préfiguration au sein du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, afin de travailler dans le détail sur cette question complexe des classifications et de fournir des outils pertinents aux partenaires sociaux des différentes branches pour leurs prochaines négociations.

Je veux également répondre à Mme la présidente et à Mme la rapporteur de la commission des affaires sociales, qui ont regretté de n’avoir pas plus de temps pour examiner ces amendements. Ce texte est en première lecture au Sénat et une seconde lecture aura lieu, qui permettra, en tout état de cause, à votre commission l'occasion de se pencher sur les sujets qu’ils abordent. De plus, je le rappelle, il s’agit de la transposition de mesures figurant au sein d’un accord interprofessionnel.

M. le président. Le sous-amendement n° 193, présenté par Mme Meunier, est ainsi libellé :

Amendement n° 180

Alinéas 3 à 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° L'article L. 2241-7 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels doivent faire de sa réduction une priorité. Des actions spécifiques de rattrapage sont engagées à cet effet.

« À l'occasion de l'examen mentionné au premier alinéa, les critères d'évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail sont analysés afin d'identifier et de corriger ceux d'entre eux susceptibles d'induire des discriminations entre les femmes et les hommes et afin de garantir la prise en compte de l'ensemble des compétences des salariés. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. L'amendement du Gouvernement vise à inciter les branches à corriger dans la classification de leurs métiers les critères induisant des discriminations professionnelles et salariales à l’encontre des femmes. Il s'attaque à un facteur invisible qui perpétue jusqu’à présent des discriminations infondées et que le rapport de Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes, avait d'ailleurs bien identifié.

Il faut désormais espérer que les partenaires sociaux se saisiront de cette opportunité pour faire progresser l'égalité.

Le sous-amendement n °193 vise à améliorer la rédaction de l'amendement du Gouvernement. Sur le plan formel, il assure une meilleure insertion dans le code du travail et, sur le fond, il en renforce la portée : en effet, il prévoit que les branches devront prendre des mesures pour réaliser le rattrapage des écarts de rémunération constatés entre les femmes et les hommes.

Comme dans le cas de l'amendement précédent, c'est à titre personnel que j’émets un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, en demandant qu’y soit intégrée l’amélioration rédactionnelle que je propose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 193 ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 193.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 2.

L'amendement n° 177, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 2242-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Ces informations doivent permettre une analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes, compte tenu de la dernière mise à jour des données prévues dans les rapports prévu par les articles L. 2323-47 et L. 2323-57. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Toujours dans la même logique, cet amendement a vocation à mettre en cohérence l'ensemble des informations fournies par l'employeur sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'entreprise. Il prévoit notamment l'actualisation de cet outil précieux qu’est le RSC, le rapport de situation comparée, au moment de la négociation annuelle obligatoire.

Nous cherchons à lier la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle et la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, pour faire en sorte que le RSC joue pleinement son rôle et soit vraiment une base du travail, ce qui suppose que les données qui y figurent soient à jour. Cet amendement instaure donc une obligation d'actualisation qui va favoriser l'utilisation dynamique du rapport de situation comparée.

J’ajoute que, à travers cette exigence d'actualisation du RSC au moment des négociations annuelles obligatoires sur les salaires, nous faisons entrer ce rapport dans le champ des dispositions qui permettent de faire jouer la conditionnalité des allégements de charges sur les bas salaires. Cette avancée nous paraît essentielle pour donner plus d'effectivité au travail sur l'égalité professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement permet effectivement de clarifier les obligations des employeurs afin de parvenir à réaliser une analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, et ce travail de mise en cohérence, qui est souhaité par les partenaires sociaux, doit être favorisé afin de rendre plus lisibles et plus efficaces les dispositions relatives à l'égalité professionnelle. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Cet amendement est fondamental. En effet, un bon diagnostic est un préalable essentiel à un bon traitement. Lier le rapport de situation comparée à la négociation salariale devrait contribuer substantiellement à améliorer l'égalité salariale et l'égalité professionnelle.

Il me semble également essentiel de faire en sorte que la production de ce rapport soit obligatoire et que sa non-production puisse entraîner des sanctions par le biais des allégements de cotisations sociales.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. La commission des lois n’a évidemment pas pu examiner cet amendement. Cependant, je crois pouvoir dire en son nom que nous souscrivons tout à fait à l'esprit comme à la forme de cet amendement. La concomitance entre la possession des informations actualisées et la négociation salariale doit permettre aussi – et c’est, me semble-t-il, un des objectifs de la loi – de mettre en œuvre une pédagogie progressive de cette démarche vers l'égalité salariale. Cet amendement est donc très positif.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je m’associe aux propos qui viennent d’être tenus par Mme Génisson et par Mme Tasca. Il est en effet important de disposer de ce rapport de situation comparée.

Je partage aussi, madame la ministre, votre volonté d’associer ces nouvelles données aux exonérations de cotisations patronales, mais je ne vois pas très bien comment cet article pourra, à lui seul, garantir le lien entre ces deux éléments.

Cela étant, nous considérons, nous aussi, qu’il convient de s’assurer que les exonérations de cotisations patronales sont accordées à bon escient.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. À l’heure actuelle, le fait d’aborder les différents éléments qui composent le champ de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires conditionne, entre autres, le maintien des allégements de charges sur les bas salaires pour les entreprises, mais ce n’est pas le cas de la négociation sur l’égalité professionnelle.

Dès lors que, désormais, on impose l’actualisation du rapport de situation comparée à chaque négociation annuelle obligatoire sur les salaires, tout défaut d’actualisation pourrait avoir un impact sur les allégements de charges. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre…

Mme Annie David. Il ne me semble pas que cet article traite de la négociation annuelle obligatoire…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 2.

L'amendement n° 176, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 2242-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-5. - L'employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. Cette négociation s'appuie sur les éléments figurant dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57, complétés par les indicateurs contenus dans la base de données unique et par toute information qui paraîtra utile aux négociateurs. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d'emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel, et l'articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales. Cette négociation porte également sur l'application de l'article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale et sur les conditions dans lesquelles l'employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations. Elle porte enfin sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

« Lorsqu'un accord comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise, l’obligation de négocier devient triennale. La mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes est suivie dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs prévue à l’article L. 2242-8.

« En l’absence d’accord, la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs prévue à l’article L. 2242-8 porte également sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. »

2° L’article L. 2242-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-7. - A défaut d’initiative de la partie patronale, la négociation s'engage dans les quinze jours suivant la demande d'une des organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise au sens de l'article L. 2231-1. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vais avoir l’occasion de répondre plus précisément à l’interrogation de Mme David puisque cet amendement a vocation à faire le lien entre la négociation annuelle obligatoire sur les salaires et la négociation sur l’égalité professionnelle en inscrivant le principe d’une définition et d’une programmation générale de toutes les mesures de rattrapage nécessaires pour supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

Dans une logique intégrée, chaque fois qu’il y a négociation au sein de l’entreprise, en particulier sur les salaires, la question de l’égalité professionnelle devra être évoquée.

À cette fin, l’actualisation du rapport de situation comparée constituera un outil précieux.

L’amendement n° 176 vise donc simplement à renforcer la négociation au sein de l’entreprise, en établissant un lien entre la négociation sur l’égalité professionnelle et celle sur les salaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à unifier les obligations de négociation annuelle en entreprise sur l’égalité entre les femmes et les hommes en créant une négociation unique, qui portera sur les conditions de travail et sur les salaires.

Il ne marque aucun recul par rapport au droit existant, mais devrait au contraire renforcer la portée de la négociation et l’effectivité des mesures qui découleront d’un accord.

En l’absence d’accord, la question des inégalités salariales serait traitée dans le cadre de la négociation obligatoire sur les salaires.

Il convient de saluer cette mesure, prise sur l’initiative des partenaires sociaux, qui va dans le sens de la recommandation n° 9 de la délégation aux droits des femmes.

En conséquence, l'avis de la commission des affaires sociales est favorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. C’est en effet cet amendement qui fait le lien avec les négociations annuelles obligatoires, madame la ministre.

Tout ce qui a été dit précédemment vaut également pour cet amendement : il est important que le rapport de situation comparée soit à jour au moment des négociations annuelles obligatoires, pour permettre aux organisations syndicales présentes au sein de chaque entreprise d’avoir les bonnes informations et de porter les bonnes revendications.

Nous sommes favorables à cet amendement, qui complète adéquatement le précédent, lequel portait sur les exonérations de cotisations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 2.

Articles additionnels avant l’article 2 (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Articles additionnels après l’article 2

Article 2

I (nouveau). – Aux articles L. 531-1, L. 531-4, L. 531-9, L. 531-10, L. 532-2 et L. 552-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le complément de libre choix d’activité » sont remplacés par les mots : « la prestation partagée d’accueil de l’enfant ».

II. – (Non modifié) Au 3° de l’article L. 531-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « à celui des parents » sont remplacés par les mots : « au parent ».

III. – L’article L. 531-4 du même code est ainsi modifié :

1° Le I est complété par un 3 ainsi rédigé :

« 3. La prestation partagée d’accueil de l’enfant est versée pendant une durée fixée par décret en fonction du rang de l’enfant.

« Lorsque les deux membres du couple assument conjointement la charge de l’enfant au titre de laquelle la prestation partagée d’accueil de l’enfant est versée et que chacun d’entre eux fait valoir son droit à la prestation, la durée totale de versement peut être prolongée jusqu'à ce que l'enfant atteigne un âge limite en fonction de son rang. L’âge limite de l’enfant, le montant de la prestation et les conditions dans lesquelles la durée de la prestation peut être prolongée sont fixés par décret.

« La durée étendue de versement mentionnée au deuxième alinéa du présent 3 bénéficie également au parent qui assume seul la charge de l’enfant. » ;

2° La seconde phrase du II est supprimée.

IV. – Le 1° du II de l’article L. 532-2 du même code est complété par les mots : « ainsi que des congés conventionnels ».

(nouveau). – Le présent article est applicable aux enfants nés ou adoptés à partir du 1er juillet 2014.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 2 modifie les règles du complément de libre choix d’activité – CLCA.

Il doit être replacé dans une perspective plus large, celle de l’égalité des femmes et des hommes dans le partage des rôles au sein de la famille.

En ce qui concerne le partage des tâches éducatives, notre société connaît une évolution indiscutable, caractérisée par une plus grande implication des pères. C’est une excellente chose, et nous espérons que la réforme du CLCA qui nous est proposée permettra d’accompagner, voire d’accélérer ces changements si souhaitables.

On sait en effet que les premiers mois suivant l’arrivée de l’enfant sont décisifs dans la répartition des rôles au sein du couple, ce que révèlent nombre d’études. C’est à ce moment que la mère et le père du jeune enfant prennent leurs marques et définissent leur rôle.

C’est la raison pour laquelle la délégation aux droits des femmes estime nécessaire de compléter la réforme du congé parental et de poser la question d’une évolution du congé de paternité, car il intervient précisément pendant cette période.

Conformément à sa recommandation n° 5, la délégation avait déposé un amendement portant la durée du congé de paternité de onze jours à quatre semaines pour la naissance d’un enfant, et de dix-huit jours à six semaines en cas de naissances multiples. Cet amendement a toutefois été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Toutefois, devant le succès rencontré par ce congé, pris aujourd’hui par plus de 60 % des pères, je ne doute pas que le sujet reviendra en discussion. Je vous ai entendue, madame la ministre : il est en effet urgent de s’atteler à la question de son financement. Car, je le répète, au travers de cet article 2, nous traitons d’une tendance profonde de la société, une tendance qui est appelée à se poursuivre et à bousculer bien des schémas.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, sur l’article.

Mme Michèle André. Je voudrais vous féliciter, madame la ministre, ainsi que vos services, d’avoir choisi de nous présenter un projet de loi aux multiples facettes, dont certaines renvoient à des lois existantes comme la loi Roudy ou la loi Génisson. Nous voyons bien qu’il faut inlassablement répéter, redire, réexpliquer, comme si ces différents textes n’arrivaient pas réellement à imprimer leur marque dans notre société.

Les lois Roudy datent de 1982 et 1983 ; ce n’est pas hier ! À l’époque, l’ambition était de donner véritablement aux femmes les outils de leur autonomie économique, mais aussi de leur autonomie dans leurs choix de vie, leur dignité et leur accès à la citoyenneté.

Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les ministres successives ont poursuivi l’action et tenté d’enrayer un certain manque d’enthousiasme.

Je tiens à dire combien je me réjouis aujourd’hui de ce projet de loi global, au sein duquel figurent notamment des dispositions sur l’égalité professionnelle et l’orientation des jeunes filles.

Les lois n’ont pas manqué : je pense notamment à des textes très anciens sur le statut des conjoints d’artisans et de commerçants – aujourd’hui encore, ils n’ont malheureusement que peu d’effets sur ces femmes, qui donnent beaucoup de leur temps et n’ont guère de retour à certains moments douloureux de leur vie –, mais aussi à des lois plus récentes sur la présence des femmes dans les conseils d’administration. À ce sujet, je déplore que le gouvernement précédent n’ait pas voulu prendre en compte la dimension de l’égalité dans les responsabilités exercées au sein des établissements publics, sur lesquels nous avons pourtant une prise directe.

On nous dit parfois que les modalités d’application de telle ou telle mesure sont compliquées. Je me souviens d’un débat ici même l’hiver dernier : nous avions l’impression qu’il serait difficile d’inscrire la parité dans un dispositif du projet de loi de finances ; finalement, nous l’avons fait, ce qui nous a aussi, d’une certaine façon, permis d’avancer.

Je me réjouis de voir aujourd’hui se concrétiser de nouveaux dispositifs législatifs.

La situation des hommes et des femmes dans la société française se caractérise dorénavant par une égalité réelle de droits, acquise depuis plus ou moins longtemps selon les cas – mais le droit de vote des femmes n’est pas si vieux que cela, et il avait suscité de très vifs débats.

En revanche, on s’aperçoit que les femmes, aujourd’hui encore, sont très souvent persuadées qu’elles sont mieux à même d’assumer cette charge spécifique qu’est la gestion quotidienne de la vie familiale. Or les hommes et les femmes, les pères et les mères peuvent s’occuper de leurs enfants, et cela tout au long de la vie.

Voilà des années que nous déplorons le manque de prégnance de l’image du père chez nos adolescents, ce qui peut expliquer certaines de leurs dérives.

En réalité, les pères se déchargent trop souvent de leurs responsabilités sur les femmes. Ils pensent toujours que la femme fera… Dès lors, pourquoi s’occuper des charges familiales puisqu’elle sait si bien faire ? C’est tellement confortable !

M. Jean-Claude Lenoir. Les hommes aussi font très bien !

Mme Muguette Dini. Quand ils s’en occupent !

Mme Michèle André. Certains font sans doute très bien, mais ce n’est pas la réalité le plus souvent observée.

M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y a pas de monopole en la matière !

Mme Michèle André. Le présent texte se focalise sur la problématique de la prise en charge des très jeunes enfants et l’ouverture du congé de paternité. Je ne suis pas certaine qu’un homme aurait demandé voilà vingt-cinq ans à son employeur de s’absenter quelques jours pour la naissance de son enfant… Aujourd’hui, non seulement il peut le faire, mais il est encouragé à le faire.

Je voudrais vous dire combien cet aspect est important, madame la ministre. Il permettra, en posant différemment les problématiques de la dignité, de la violence et de l’image véhiculée, d’ouvrir la voie à une véritable égalité entre les hommes et les femmes.

Nous aurons également l’occasion d’aborder d’autres points au cours de la discussion.

Ainsi, je me réjouis que vous ayez intégré à votre texte la question des femmes et du sport, miroir grossissant des inégalités de la société – nous l’avions montré dans le rapport du groupe de travail que j’avais présidé voilà quelques années.

Aujourd’hui, nous pouvons parler de ces questions ; c’était impossible il y a peu de temps encore. Mais le chemin à parcourir reste long. Nous, femmes, devons prendre notre charge, à égalité, mais sans plus. C’est une question de logique et de justice.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.

Mme Gisèle Printz. À ce jour, très peu de pères choisissent de bénéficier du complément de libre choix d’activité, laissant à la charge des mères l’éducation des nouveau-nés. Cela contribue fortement à freiner les carrières des femmes, ainsi que leurs rémunérations.

L’interruption de travail des mères, à la naissance d’un enfant, conduit à une baisse de salaire annuel de l’ordre de 10 %. Les femmes sont pénalisées, tout à la fois à court terme et à long terme.

Aujourd’hui, pour les femmes, faire le choix du complément de libre choix d’activité, c’est être présentes pour la garde de leurs enfants, un choix souvent lié au manque de crèches et de nourrices agréées. Mais c’est aussi être au ban de l’entreprise durant un temps, avec les conséquences que cela induit.

Les nouvelles dispositions de cette loi permettent le partage du complément de libre choix d’activité entre les deux parents. Il reviendra donc aux hommes de choisir, à leur tour, d’assurer une présence aux côtés de leur enfant, ce qui facilitera un partage équilibré des responsabilités parentales.

Ces nouvelles dispositions permettent de remettre les hommes et les femmes sur un pied d’égalité professionnelle. Le risque d’éloignement du marché du travail des femmes bénéficiaires du CLCA a été plus que démontré dans les différentes études sur le sujet. Étant donné que 70 % des bénéficiaires vont au terme réglementaire de la prestation, certaines femmes se retrouvent en marge du monde professionnel et ne parviennent jamais à combler le retard pris sur les autres salariés.

Cette loi, comme le Gouvernement l’a précisé, ne pourra avoir d’effets durables sans un accompagnement au retour à l’emploi à l’issue du congé parental. En ce sens, les résultats de la négociation nationale interprofessionnelle sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle seront éminemment importants.

Le présent article aura des conséquences directes sur les carrières, mais aussi sur les retraites. Nous savons que les femmes perçoivent actuellement des retraites inférieures de 33 % en moyenne à celles des hommes. Nous savons que 14 % des femmes de plus de soixante-quinze ans vivent sous le seuil de pauvreté, donc dans des conditions très difficiles. Ce sont là des conséquences directes des inégalités de rémunération.

Or, trop souvent, ces inégalités sont liées à la durée du congé parental. La réforme du CLCA permet de sauvegarder ce qui est un droit parental reconnu, tout en rééquilibrant les mauvais effets qu’il engendre sur le devenir professionnel et social des femmes.

En réduisant la durée du CLCA pour les femmes tout en facilitant son accès aux hommes, nous faisons en sorte que le congé parental offre une possibilité supplémentaire de partager les responsabilités parentales entre les femmes et les hommes. Il sera essentiel d’en mesurer les effets à long terme.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, sur l'article.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, comme vous l’avez constaté, les élus de sexe masculin sont en minorité ce soir.

Mme Muguette Dini. Ça c’est sûr !

M. Jean-Claude Lenoir. Oui, mais la qualité est là !

M. Jean Boyer. Je n’ai pas la prétention d’atténuer cette situation de minorité ; j’ai simplement la volonté de poser une question qui me semble fondamentale.

Madame la ministre, vous me connaissez peu, mais moi je vous connais, et pour de nombreuses raisons. (Sourires et exclamations amusées.) Je dirai simplement qu’il n’est pas dans mes habitudes ni dans mes prédilections de contredire. Je pense que, pour être responsable, il faut plutôt construire.

Néanmoins, je me dois de vous faire part d’une préoccupation.

Depuis la sortie du rapport Fragonard, le 9 avril dernier, la politique familiale est, disons-le, dans le viseur du Gouvernement. Avec cet article 2, en voici la première et la plus éclatante concrétisation.

Madame la ministre, vous avez eu, je le dis avec délicatesse, un peu de mal à trouver par quel bout réduire le périmètre de la politique familiale. Il a d’abord été question de placer les allocations familiales sous condition de ressources. Mais sonner le glas du principe d’universalité, quelque part, reconnaissons-le, ça coinçait... Vous avez donc dû – c’était également arrivé au gouvernement précédent – faire machine arrière.

Or, quand on ne peut pas entrer par la porte, on passe par la fenêtre : voici donc maintenant une réforme du congé parental. Certes, elle n’est pas présentée comme une réforme comptable. Bien au contraire, sa vocation est parfaitement équitable puisque son but affiché est d’inciter les pères à recourir au CLCA et d’aider les mères à réintégrer le marché du travail.

Cet objectif, comment ne pas le partager ? Et comment ne pas partager également le constat qui le sous-tend ? Oui, le CLCA fonctionne, mais, nous le savons tous, seulement 3,5 % de ses bénéficiaires sont des hommes. Le CLCA n’a pas permis de rééquilibrer les rôles entre les hommes et les femmes, tout simplement parce que ce n’était pas sa vocation.

Pour lui conférer cette vocation, plusieurs formules étaient envisageables. C’est celle que vous avez choisie, madame la ministre, que nous contestons : vous avez choisi la méthode de la contrainte, de l’obligation, une mesure autoritaire qui ne change rien aux racines du problème.

Vous partagez le congé, une partie de celui-ci étant réservée au parent qui n’en aura pas principalement bénéficié. L’idée est noble, mais, à nos yeux, la solution est un peu hypocrite, car cette contrainte mettra les familles en difficulté sans inciter les pères à prendre leur part du congé.

Pourquoi ? Parce que les choix des parents sont dictés par leurs possibilités financières. Ce n’est pas en obligeant le père et la mère à partager le congé qu’on s’assurera qu’ils le feront. Comme vous le savez, madame la ministre, leur comportement dépend de leurs revenus. Un homme qui gagne 2 000 euros nets par mois ne privera pas son ménage de ce revenu pendant six mois en échange des 572 euros du congé parental et d’une économie sur les frais de garde.

Autrement dit, le cœur du problème demeure encore et toujours celui des écarts persistants de rémunération entre les femmes et les hommes. Pour y remédier, il n’existe pas de solution miracle, mais il y a deux possibilités : on peut soit augmenter le montant du congé parental, soit réduire les écarts de salaire. Or réduire les écarts de salaire, cela ne se décrète pas. Il faut donc augmenter le montant du congé, quitte à en réduire la durée.

Mme Laurence Rossignol. Je suis tout à fait d'accord !

M. Jean Boyer. C’est d’ailleurs – vous le savez mieux que personne, dans cet hémicycle – le modèle allemand, souvent cité à l’appui de la présente réforme. Ce modèle est cité à tort puisque, justement, en Allemagne, le montant du congé parental est proportionnel au salaire.

C’est aussi ce que préconise, dans son dernier avis, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, pour lequel le congé parental doit être plus court et mieux rémunéré afin d’être mieux partagé. Or ce n’est pas du tout ce que prévoit ce projet de loi. Que produira la mesure que vous proposez ? On peut craindre qu’elle n’aboutisse à restreindre un peu plus le champ familial en conduisant les parents à placer les enfants à l’école dès l’âge de deux ans, tout en permettant au passage de dégager quelques économies.

Le partage du CLCA est en réalité une réduction du CLCA, dont, soit dit en passant, notre commission a eu bien raison de changer la dénomination. C’est une pure mesure comptable, comparable à la fiscalisation de la majoration de pension pour les parents ayant élevé au moins trois enfants que prévoit la réforme des retraites. La politique familiale n’est-elle pas dans le collimateur ?

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, je souhaiterais vraiment que vous me rassuriez quant aux raisons qui ont guidé votre choix d’une telle orientation.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par trente-cinq alinéas ainsi rédigés :

I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 531-1 est ainsi modifié :

a) Au 3°, les mots : « Un complément de libre choix d'activité versé » sont remplacés par les mots : « Une prestation partagée d'accueil de l'enfant versée » ;

b) À l'avant-dernier alinéa, les mots : « les compléments » sont remplacés par les mots : « la prestation et le complément » ;

c) Au dernier alinéa, les mots : « du complément mentionné » sont remplacés par les mots : « de la prestation mentionnée » ;

2° L'article L. 531-4 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

- Au début du premier alinéa du 1, les mots : « Le complément de libre choix d'activité est versé » sont remplacés par les mots : « La prestation partagée d'accueil de l'enfant est versée » ;

- Au début de la première phrase du premier alinéa du 2, les mots : « Le complément est attribué » sont remplacés par les mots : « La prestation est attribuée » ;

- Au deuxième alinéa du 2, les mots : « ce complément à temps partiel est attribué » est remplacé par les mots : « cette prestation à taux partiel est attribuée » ;

- Au début de la première phrase du dernier alinéa du 2, les mots : « Ce complément à taux partiel est attribué » sont remplacés par les mots : « Cette prestation à taux partiel est attribuée » ;

b) À la première phrase du II, les mots : « du complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « de la prestation partagée d'accueil de l’enfant » et les mots : « au complément » sont remplacés par les mots : « à la prestation » ;

c) Le dernier alinéa du III est ainsi modifié :

- À la première phrase, les mots : « compléments de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « prestations partagées d'accueil de l'enfant » ;

- À la deuxième phrase, les mots : « un complément à taux partiel peut être attribué » sont remplacés par les mots : « une prestation à taux partiel peut être attribuée », le mot : « compléments » est remplacé par le mot : « prestations » et les mots : « du complément » sont remplacés par les mots : « de la prestation » ;

- À la dernière phrase, le mot : « compléments » est remplacé par le mot : « prestations », les mots : « du complément » sont remplacés par les mots : « de la prestation » et les mots : « de ce dernier complément » sont remplacés par les mots : « de cette dernière prestation » ;

d) Le IV est ainsi modifié :

- Au premier alinéa, les mots : « le complément est versé » sont remplacés par les mots : « la prestation est versée » ;

- À la première phrase du second alinéa, les mots : « le complément est également versé » sont remplacés par les mots : « la prestation est également versée » ;

e) Le VI est ainsi modifié :

- A la première phrase du premier alinéa, les mots : « le complément de libre choix d'activité à taux plein peut être cumulé » sont remplacés par les mots : « la prestation partagée d'accueil de l'enfant à taux plein peut être cumulée » ;

- À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « le complément de libre choix d'activité à taux plein peut être attribué » sont remplacés par les mots : « la prestation partagée d'accueil de l'enfant à taux plein peut être attribuée » ;

- Au dernier alinéa, les mots : « au complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « à la prestation partagée d'accueil de l’enfant » ;

f) Au VII, les mots : « du complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « de la prestation partagée d'accueil de l’enfant » ;

3° L'article L. 531-9 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « le complément de libre choix d'activité à taux plein mentionné au premier alinéa du 1 du I de l'article L. 531-4, sauf si ce dernier est versé » sont remplacés par les mots : « la prestation partagée d'accueil de l’enfant à taux plein mentionnée au premier alinéa du 1 du I de l'article L. 531-4, sauf si cette dernière est versée » ;

b) Au second alinéa, les mots : « du complément de libre choix d’activité » sont remplacés par les mots : « de la prestation partagée d'accueil de l'enfant » ;

4° À l'article L. 531-10, les mots : « le complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « la prestation partagée d'accueil de l’enfant » ;

5° L'article L. 532-2 est ainsi modifié :

a) Au début du I, du premier alinéa du II et de la première phrase du III, les mots : « Le complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « La prestation partagée d'accueil de l’enfant » ;

b) Au dernier alinéa du II, les mots : « du complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « de la prestation partagée d'accueil de l'enfant » ;

c) Au début de la seconde phrase du III, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle » ;

d) Au IV, les mots : « du complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « de la prestation partagée d'accueil de l'enfant » et les mots : « le complément » sont remplacés par les mots : « la prestation » ;

e) Au V, les mots : « le complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « la prestation partagée d'accueil de l'enfant » ;

6° Aux première et seconde phrases du premier alinéa de l'article L. 552-1, les mots : « du complément de libre choix d'activité » sont remplacés par les mots : « de la prestation partagée d'accueil de l'enfant ».

La parole est à Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il s'agit d’un amendement de coordination rédactionnelle, afin de tenir compte du changement de nom du complément de libre choix d’activité, qui, on le constate, ne relève pas franchement d’un choix, et sera désormais appelé « prestation partagée d’accueil de l’enfant », ou PPAE.

Je précise que cet amendement a reçu un avis favorable de la commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avant d’indiquer l’avis du Gouvernement sur cet amendement, je souhaite répondre à M. Boyer et à Mme Gonthier-Maurin.

Monsieur Boyer, je tiens à vous préciser dès à présent – j’aurai ultérieurement l’occasion de répondre à l’ensemble de vos arguments – que, si notre intention avait été de faire des économies sur le congé parental, nous n’aurions pas proposé de l’allonger de six mois pour les familles n’ayant qu’un enfant. Vous voyez bien la limite de cette argumentation.

Par ailleurs, on ne peut prendre prétexte des inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes pour ne rien faire évoluer dans la société. Si ces écarts de rémunération nous préoccupent, il faut que nous nous interrogions sur leurs racines. Or il se trouve que l’une de leurs causes majeures réside dans le fait que les femmes interrompent longuement leur activité au cours de leur carrière ou même que, étant susceptibles de l’interrompre, elles sont souvent discriminées lors de la fixation des salaires et au moment des promotions.

Par conséquent, nous devons faire en sorte que les interruptions d’activité soient mieux partagées entre les hommes et les femmes, afin d’éviter qu’elles ne pèsent sur les seules femmes.

Cela étant, je précise, pour votre bonne information – nous avons expertisé cette question en détail –, que, si l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est de 27 % au niveau national, il n’est que de 4,5 % au sein des couples dont les deux membres travaillent à temps plein, dans la mesure où les mariages unissent souvent des hommes et des femmes issus d’un même milieu. Cet écart de 4;5 % ne peut expliquer à lui seul le fait que 97 % des congés parentaux soient pris par les femmes.

Il y a donc d’autres raisons, et ce sont ces autres raisons que nous essayons de bousculer à travers cette réforme, qui, je le répète, est une réforme incitative. Personne n’oblige ni n’obligera un salarié, homme ou femme, à prendre un congé parental. Nous nous contentons d’inciter les parents à mieux partager le congé parental, notamment en réservant une partie de la période globale au second parent. Mais il va de soi que personne n’ira poursuivre un salarié qui n’aurait pas pris son congé parental !

Je veux également répondre à Mme Gonthier-Maurin, même si je l’ai déjà un peu fait tout à l'heure. Je réaffirme mon intérêt pour l’allongement de la durée du congé de paternité. C’est évidemment la première mesure que nous avons examinée lorsque nous nous sommes intéressés à ce dossier. Nous évaluons son coût à environ 300 millions d'euros, et nous sommes en train de chercher les moyens de la financer. Je pense que, lorsque les finances publiques iront un peu mieux, il faudra veiller à adopter cette mesure.

Toutefois, les finances publiques étant actuellement contraintes, nous avons fait le choix de développer les solutions d’accueil pour les jeunes enfants. Je vous rappelle que, entre les places en crèche, les places auprès des assistantes maternelles et la préscolarisation des enfants avant l’âge de trois ans, ce sont 275 000 nouvelles places d’accueil qui sont prévues à l’horizon 2017.

J’en viens à l'amendement n° 93. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. La dénomination « prestation partagée d’accueil de l’enfant » convient mieux que celle de « complément de libre choix d’activité ». D'une part, la liberté de choix n’était pas évidente. D’autre part, le nouveau nom se comprend aisément : « prestation », parce qu’il s’agit d’une prestation familiale, « partagée », parce qu’elle a vocation à être partagée entre les deux parents, « d’accueil de l’enfant », parce que tel est bien l’objet du dispositif.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 181 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée comprend les périodes postérieures à l’accouchement donnant lieu à indemnisation par les assurances maternité des régimes obligatoires de sécurité sociale ou à maintien de traitement en application de statuts ainsi que les périodes indemnisées au titre du congé d’adoption. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s'agit d’une mesure technique qui n’a aucune incidence sur les droits des parents. Comme vous l’avez compris, nous souhaitons créer une période de partage au sein du congé parental. Nous voulons donc que la date de déclenchement du congé parental ne varie pas en fonction de la durée du congé de maternité pris – ou non – par la mère. À défaut, la durée de la période de partage sera réduite si la mère prend un long congé de maternité. C'est pourquoi nous proposons d’inclure le congé de maternité dans la durée de la PPAE.

Je m’excuse si mon propos manque de précision, mais retenez simplement que cet amendement n’a de portée que technique. Il s'agit de s’assurer que la période de partage durera six mois pour tous les parents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Une fois de plus, je ne livrerai que mon avis personnel puisque la commission n’a pas eu d’examiner cet amendement.

Je suis favorable à cet amendement technique. Néanmoins, la navette permettra peut-être d’en clarifier la rédaction.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce serait effectivement bienvenu !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je suis favorable à l’amendement, mais je veux être sûre de bien le comprendre. J’ai compris l’objectif, mais j’ai l’impression que la disposition proposée va à l’encontre de cet objectif. Il me semblait que c’était en distinguant le congé de maternité de la PPAE que l’on assurait l’égalité entre les couples. Je fais confiance à Mme la ministre, mais j’espère que la navette permettra de rendre la mesure plus compréhensible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vais essayer d’être plus claire. Aujourd'hui, le congé parental est versé jusqu’à ce que l’enfant atteigne un certain âge. Par exemple, à partir du deuxième enfant, les droits sont ouverts jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. C’est au sein de cette période que nous prévoyons de réserver six mois au second parent.

En l’état actuel du droit, le congé parental débute à l’issue du congé de maternité.

En termes de droits, cela ne change absolument rien, dès lors qu’une seule personne prend ce congé jusqu’au bout, puisque la prestation lui est versée de toute façon jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de trois ans.

Toutefois, lorsqu’on intègre une période de six mois qui doit être partagée, celle-ci doit être décomptée par rapport à l’âge total de l’enfant, donc depuis sa naissance.

Pour définir les droits inscrits dans le texte pour chacun des deux parents, nous devons par conséquent effectuer un calcul sur une période commençant à la naissance plutôt qu’à la fin du congé de maternité.

Cela ne change rien, en revanche, au droit à ce congé, ni au droit au congé parental. Il s’agit simplement d’une présentation plus claire du texte.

M. le président. La clarté ayant été ainsi apportée (Sourires.), je mets aux voix l'amendement n° 180 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque les deux membres du couple assument conjointement la charge de l'enfant au titre de laquelle la prestation partagée d'accueil de l'enfant est versée et que chacun d'entre eux fait valoir son droit à la prestation, la durée de versement peut être augmentée dans la limite d’un âge de l’enfant fixé en fonction de son rang. L’âge limite de l’enfant, le montant de la prestation et les conditions dans lesquelles la durée de la prestation peut être augmentée sont fixés par décret.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à garantir la souplesse du dispositif de partage du congé parental. Il vise à substituer, dans l’alinéa qui décrit le fonctionnement du congé parental, le mot « augmenté » au mot « prolongé ». Cela permet de lever une ambiguïté, dans la mesure où l’autre parent doit pouvoir, à tout moment, soit jusqu’au premier anniversaire de l’enfant s’il n’y en a qu’un, soit jusqu’au troisième anniversaire à partir de deux enfants, bénéficier de la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

Si on laissait le mot « prolongé », on pourrait laisser entendre qu’il est impossible, pour un parent qui n’a pas utilisé ses droits dans un délai de trois mois après la naissance de l’enfant, de le faire. Par cet amendement, nous précisons que ce n’est pas le cas et que ces droits restent ouverts jusqu’à la date anniversaire de l’enfant.

M. le président. L'amendement n° 94, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

fait valoir

insérer les mots :

simultanément ou successivement

La parole est à Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à préciser que les parents peuvent demander le bénéfice de la prestation partagée d’accueil de l’enfant simultanément, lorsqu’il s’agit d’une PPAE à taux partiel, ou successivement lorsqu’il s’agit d’une PPAE à taux plein. La rédaction actuelle ne fait pas apparaître clairement cette possibilité.

Cet amendement de la commission des affaires sociales a reçu un avis favorable de la commission des lois.

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 6, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le droit à la prestation partagée d'accueil de l'enfant est ouvert jusqu'à ce que l'enfant ait atteint cet âge limite.

La parole est à Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission des affaires sociales sur l’amendement n° 183.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 95 vise à préciser que, dans le cas où l’un des deux parents n’a pas demandé le bénéfice de la prestation partagée d’accueil de l’enfant au cours de la période initiale, fixée à six mois pour le premier enfant et à trente mois à partir du deuxième, il peut faire valoir son droit à cette prestation dans la limite du premier anniversaire de l’enfant, pour un enfant de rang 1, ou de son troisième anniversaire, pour un enfant de rang 2 et plus.

Il poursuit donc le même objectif que l’amendement n° 183 du Gouvernement, dans une rédaction qui me semble toutefois plus intelligible. Celle du Gouvernement, qui consiste à remplacer le terme « prolonger » par le terme « augmenter », ne règle pas le problème posé. En outre, s’agissant d’une durée de versement, il me semble plus approprié d’employer le verbe « prolonger » plutôt que le verbe « augmenter », qui se rapporte plutôt à un montant.

C’est pourquoi je me permets de demander le retrait de l’amendement du Gouvernement au profit de l’amendement de la commission des affaires sociales, qui a reçu un avis favorable de la commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’amendement n° 94 reçoit l’avis favorable du Gouvernement. Vous l’aurez compris, nous souhaitons offrir les modalités les plus souples possibles aux parents et leur permettre, s’ils le souhaitent, de bénéficier de ce congé parental, de cette prestation, en temps partiel, voire très partiel, à 80 %, en même temps ou successivement.

L’amendement n° 95 porte sur le même point que l’amendement n° 183. La rédaction en est différente, mais, les relisant tous les deux, je ne vois pas bien ce qui les sépare. Je suis toutefois disposée à accepter la rédaction de la commission des affaires sociales.

Ces amendements ont en effet bien la même signification, tendant à garantir au deuxième parent la possibilité de décider, jusqu’à la date anniversaire de l’enfant, de bénéficier d’une partie de cette prestation.

M. le président. Je vais donc demander au Sénat de se prononcer d’abord sur les amendements nos 94 et 95.

Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 183 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, tous deux présentés par MM. Dériot, Bas et de Legge et Mme Kammermann.

L'amendement n° 29 rectifié ter est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La durée étendue de versement mentionnée à l’alinéa précédent bénéficie également :

« - au parent qui assume seul la charge de l’enfant ;

« - au parent, dont l’autre parent ne remplit pas la condition d’ancienneté fixée à l’article L. 1225-47 du code du travail pour bénéficier d’un congé parental d’éducation ;

« - au parent, dont l’autre parent ne remplit pas les conditions fixées au premier alinéa du III de l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale. »

L'amendement n° 30 rectifié ter est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« La durée étendue de versement mentionnée à l’alinéa précédent bénéficie également :

« - au parent qui assume seul la charge de l’enfant ;

« - au parent, qui avant le versement de la prestation, avait droit à un revenu de remplacement visé à l’article L. 5421-2 du code du travail. »

La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour présenter ces deux amendements.

Mme Christiane Kammermann. L’amendement n° 29 rectifié ter tend à ajouter deux cas de figure dans lesquels la durée maximale de versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant doit être garantie à un seul des deux parents, en plus de la dérogation ouverte pour les familles monoparentales.

Le premier cas se produit quand l’autre parent ne remplit pas la condition d’ancienneté pour avoir le droit de s’absenter de l’entreprise dans laquelle il travaille pendant le congé parental. La condition d’ancienneté est fixée à une année dans l’entreprise à la date de la naissance, de l’adoption ou de l’arrivée au foyer de l’enfant.

Le second intervient lorsque l’autre parent ne remplit pas la condition de huit trimestres de cotisation à l’assurance vieillesse et, dès lors, ne peut prétendre au versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

Dans ces deux cas, le partage de la prestation est clairement impossible, faute, pour l’un des parents, de remplir les conditions suffisantes, et cela au-delà même de la simple volonté des deux parents de partager ou non le temps à passer auprès de l’enfant jusqu’à ses trois ans.

L’amendement n° 30 rectifié ter vise, quant à lui, à ajouter un cas dans lequel la durée maximale de versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant doit être garantie à un seul des deux parents, en plus de la dérogation ouverte pour les familles monoparentales.

En effet, quand l’un des parents est au chômage, contraindre l’autre parent à partager une partie de la durée de versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant revient à priver la famille du seul salaire disponible pour y substituer la limite du montant de la prestation à taux plein, soit 383,59 euros par mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Les familles monoparentales ne sont pas concernées par le dispositif de partage des droits à la prestation partagée d’accueil de l’enfant instauré à l’article 2.

L’amendement 29 rectifié ter vise à étendre cette dérogation aux situations dans lesquelles l’un des parents ne remplit pas les critères d’éligibilité au congé parental, en particulier la condition d’ancienneté d’un an au minimum dans l’entreprise, ou à la PPAE, avec la condition de huit trimestres de cotisation à l’assurance vieillesse.

Dans ces deux cas, en effet, le partage de la prestation entre les parents est impossible, quand bien même ces derniers y seraient favorables.

La commission est donc favorable à cet amendement.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Dans le même esprit, l’amendement n° 30 rectifié ter vise à étendre la dérogation au partage des droits à la prestation partagée d’accueil de l’enfant aux situations dans lesquelles l’un des parents est au chômage.

La rédaction proposée est beaucoup plus large puisqu’elle vise tous les revenus de remplacement. Pour cette raison, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Concernant l’amendement n° 29 rectifié ter, je voudrais rappeler que, quand le législateur a créé le mécanisme du complément de libre choix d’activité, donc du congé parental, il connaissait les effets que pouvait avoir une interruption longue sur la carrière professionnelle des allocataires.

Ces dispositions ont donc été adoptées en tenant compte des risques que pouvaient faire courir cette interruption à leur bénéficiaire. Aussi des conditions précises ont-elles été définies à l’époque, de manière à s'assurer de l’insertion professionnelle des personnes qui demandaient à en bénéficier, et donc de leur capacité à retrouver un emploi à l’issue de cette période.

Selon l’équilibre délicat qui a été trouvé, pour bénéficier du dispositif, il faut avoir travaillé au moins deux ans avant la demande, dans les deux années qui précèdent pour un premier enfant, dans les quatre années précédentes pour un deuxième et dans les cinq années précédentes à partir du troisième.

L’amendement n° 29 rectifié ter vise à supprimer cette condition pour l’autre parent, donc le père dans la très grande majorité des cas. Selon moi, cela constituerait une inégalité de traitement entre les deux parents, qui accroîtrait les difficultés de retour à l’emploi des bénéficiaires, pour les raisons que je viens de développer.

Ensuite, madame Kammermann, vous proposez qu’il soit dérogé, pour l’autre parent, à la règle selon laquelle il faut disposer d’un an d’ancienneté dans l’entreprise pour demander le bénéfice, cette fois-ci, du congé parental. Or il s’agit d’un dispositif qui relève du droit du travail, engageant l’employeur à garantir au salarié, à son retour, son poste ou un poste équivalent. Pour engager ainsi l’employeur, il a été estimé qu’une période minimale d’un an était nécessaire. Supprimer cette condition pour le salarié serait susceptible de poser un problème à l’employeur.

Le congé parental, avec les conditions qui l’entourent de manière générale, relève d’un équilibre délicat dans les relations de travail et dans les négociations entre partenaires sociaux. Il ne me semble pas approprié de le remettre en cause ici.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 29 rectifié ter.

Concernant l’amendement n° 30 rectifié ter, je partage le point de vue de Mme la rapporteur pour avis : votre proposition, madame Kammermann, reviendrait à annuler les effets des modifications que nous avons introduites, puisqu’on maintiendrait une durée de trois ans pour le CLCA, et donc à encourager le retrait du marché du travail au sein des couples où aucun des deux membres n’est en emploi, l’un étant au chômage et l’autre en congé parental partagé.

Derrière une idée qui, de prime abord, semble généreuse, se dissimule une mesure qui, à mon sens, est très problématique.

Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 192, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’âge limite mentionné à l’article L. 531-1 et au deuxième alinéa du présent 3, le versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant est prolongé, pour les parents de deux enfants et plus, jusqu’au mois de septembre suivant la date anniversaire de l’enfant lorsque les ressources du ménage n’excèdent pas le plafond prévu à l’article L. 522-1 et tant qu’une demande dans un établissement ou service d’accueil d’enfants de moins de six ans et dans un établissement scolaire est restée insatisfaite et que l’un des deux membres du ménage exerce une activité professionnelle. Cette dernière condition ne s’applique pas au parent qui assume seul la charge de l’enfant. » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s’agit d’un amendement de jonction, visant à faire face aux situations dans lesquelles les familles sont mises en difficulté du fait de la seule date de naissance de leur enfant.

Au terme d’un congé parental allant, dans une famille de deux enfants ou plus, jusqu’aux trois ans de l’enfant, si l’enfant est né, par exemple, au mois de janvier, il subsiste un écart entre son anniversaire et le début du mois de septembre, date à laquelle il pourra être scolarisé. Durant cette période, les parents ne savent pas quoi faire de lui.

Avec le ministère de l’éducation nationale, nous avons décidé d’apporter une réponse à de telles situations. Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, nous étudions spécifiquement le développement des classes passerelles. Aujourd'hui, quelques dizaines sont implantées en France à titre expérimental et ce chantier me paraît essentiel.

Par cet amendement, nous proposons de prolonger jusqu’à l’entrée de l’enfant à l’école maternelle le versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant en faveur des familles modestes ayant au moins deux enfants et ayant bénéficié d’un congé parental partagé jusqu’aux trois ans de l’enfant. Celles-ci doivent avoir entrepris des démarches de scolarisation ou d’inscription dans une structure d’accueil collectif du jeune enfant, restées insatisfaites pour les quelques mois en cause, et l’un des deux parents doit exercer une activité professionnelle.

Cette mesure, qui assure, en quelque sorte, la jonction avec le calendrier scolaire, me semble importante pour mettre en phase nos dispositifs sociaux avec la situation que peuvent vivre les familles, et que tout un chacun peut comprendre concrètement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui tend à mettre fin à une certaine iniquité à laquelle sont confrontés des parents dont les enfants sont nés au début de l’année civile ou en cours d’année scolaire.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, quel est le plafond de ressources retenu pour l’application de la mesure que vous proposez ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Seront concernées les familles remplissant les conditions de ressources du complément familial.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 182, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

3° Le VI est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les deux membres du couple assument conjointement la charge de l’enfant au titre duquel le montant majoré de la prestation partagée d’accueil de l’enfant prévue au deuxième alinéa est versé et que chacun d’entre eux fait valoir simultanément ou successivement son droit au montant majoré, la durée totale de versement peut être augmentée jusqu’à ce que l’enfant atteigne un âge limite fixé par décret. Cette demande peut être déposée jusqu’à ce que l’enfant ait atteint cet âge limite. Les conditions dans lesquelles la durée de versement du montant majoré peut être augmentée sont fixées par décret.»

« La durée étendue de versement mentionnée à l’alinéa précédent bénéficie également au parent qui assume seul la charge de l’enfant. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cet amendement a trait au COLCA, le complément optionnel de libre choix d’activité.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce dispositif permet aux familles de trois enfants et plus de pouvoir bénéficier d’un congé parental d’une durée plus courte – un an au lieu de trois ans – et mieux indemnisé, à hauteur d’environ 820 euros mensuels.

Nous souhaitons que ce complément optionnel, qui préexistait, obéisse aux mêmes règles que celles qui sont prévues dans notre réforme, à savoir que lui soit associée une période de partage, afin d’inciter le second parent à prendre son congé parental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Dans un souci de lisibilité et de simplification, il semble logique d’harmoniser les deux dispositifs en question.

La commission des affaires sociales n’ayant pas examiné cet amendement, c’est à titre personnel que je m’exprime. Je suis favorable à cette mesure, qui, sur le modèle de la prestation partagée d’accueil de l’enfant, incitera les parents d’au moins trois enfants à un meilleur partage des responsabilités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Reichardt, Hyest, Courtois, Buffet, Lecerf et Fleming, Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. L’alinéa 9 de l’article 2 interdit désormais la possibilité de cumuler l’indemnité à taux plein versée par la branche famille de la sécurité sociale au titre du complément de libre choix d’activité, le CLCA, avec l’indemnisation versée au salarié au titre des congés conventionnels, tels qu’ils résultent d’accords de branche ou d’entreprise.

Certains de ces accords prévoient notamment un chaînage entre les congés maternité, les congés d’allaitement et le congé parental. Ainsi, dans certaines conventions de branche, il est explicitement prévu que l’indemnisation des congés conventionnels se cumule avec le CLCA dans l’hypothèse où le salarié souhaiterait bénéficier de son droit à congé parental. Dans ce cas, l’employeur maintient 100 % du salaire mensuel net du salarié sous déduction du montant versé par la branche famille au titre de l’indemnisation du CLCA.

Si le cumul, tel qu’il est prévu, est interdit, les entreprises subiront des conséquences financières si elles veulent maintenir le même niveau d’indemnisation des congés conventionnels, car elles ne pourront plus déduire le montant du CLCA. Une telle mesure placerait les branches concernées et leurs entreprises dans une situation délicate, sans parler de l’atteinte portée à la politique conventionnelle : soit elles supporteront le coût supplémentaire occasionné par le non-cumul, soit elles seront amenées à réduire, voire à supprimer, les avantages existants pour les salariées concernées.

Il convient donc, selon nous, de supprimer l’alinéa 9 de l’article 2 pour en rester au droit actuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. En l’état actuel du droit, contrairement aux congés payés, la rémunération des congés conventionnels est cumulable avec la prestation partagée d’accueil de l’enfant. Il en résulte une inégalité importante entre les salariés, car toutes les conventions collectives ne prévoient pas de congés conventionnels.

En outre, la possibilité de cumul a tendance à inciter au retrait d’activité tant de la part des salariés que des entreprises, ce qui va à l’encontre des objectifs poursuivis par le Gouvernement à travers le présent projet de loi.

L’indemnisation des congés de maternité, de paternité, d’accueil de l’enfant et d’adoption n’est pas cumulable avec la prestation partagée d’accueil de l’enfant. Par conséquent, rien ne justifie le maintien d’une exception pour les congés conventionnels.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sur proposition du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales, le Gouvernement a inscrit dans son projet de loi une disposition visant à aligner le droit des différents congés en vue de simplifier la gestion des caisses.

En l’état actuel du droit, les congés conventionnels au cours desquels le versement du salaire est maintenu sont cumulables avec le CLCA, à l’inverse des congés payés.

Toutefois, nous avons pleinement conscience des difficultés que cette mesure de simplification pourrait entraîner dans certaines branches, notamment dans celles qui prévoient un maintien de salaire sous forme de complément aux prestations sociales.

Le regard pragmatique que nous portons sur cette question nous conduit à partager votre préoccupation, monsieur le sénateur. Je suis favorable à votre amendement dans la mesure où l’interdiction de ce cumul pourrait remettre en cause l’équilibre des dispositions conventionnelles existantes.

De manière plus générale, il serait toutefois opportun que cette question soit appréhendée dans le cadre de la réflexion globale qui sera menée par les partenaires sociaux au sujet de l’harmonisation des congés parentaux et personnels.

M. André Reichardt. Excellent gouvernement ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Kammermann, Boog et Deroche et MM. Milon, Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - Après le deuxième alinéa de l'article L. 1225-48 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout salarié dont l’enfant atteint l’âge de trois ans et qui bénéficie pour celui-ci d’un congé parental, peut demander une prorogation de ce congé jusqu’à la date de la rentrée scolaire si son enfant ne peut intégrer une école maternelle de la commune dont il dépend. Cette prorogation est de plein droit. Elle est sans effet sur l’extinction du droit à l’allocation de la prestation d’accueil du jeune enfant, laquelle prend fin aux trois ans de l’enfant. »

La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Lorsque le salarié a bénéficié d’un congé parental d’éducation, en vertu du droit du travail, il doit, au troisième anniversaire de son enfant, réintégrer son entreprise ou démissionner.

Si le congé parental se termine au cours du deuxième ou du troisième trimestre de l’année scolaire, soit entre les mois de janvier et de juin, il est, la plupart du temps, impossible aux parents de faire intégrer leur enfant dans une école maternelle.

Se pose alors un problème de garde transitoire difficile à régler pour le parent concerné : l’enfant n’a pas de place à la maternelle ; il est trop âgé pour intégrer une crèche ; de surcroît, il est difficile de trouver une assistante maternelle en cours d’année dans les zones urbaines. Ce parent devra alors démissionner. 

L’adoption du présent amendement permettra au parent n’ayant pas de mode de garde de ne pas perdre son emploi et de pouvoir réintégrer l’entreprise dès la rentrée scolaire du mois de septembre. Cette disposition est sans effet sur la prestation d’accueil du jeune enfant, qui prend fin aux trois ans de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La question du mode d’accueil des enfants lorsque le congé parental s’achève en cours d’année scolaire est cruciale : le parent risque de perdre son emploi s’il ne réintègre pas son entreprise immédiatement après la fin de son congé.

Même si je partage l’intention des auteurs de cet amendement, je crains que la solution proposée n’entraîne des difficultés organisationnelles importantes pour les entreprises, notamment pour les plus petites d’entre elles.

M. André Reichardt. Nous allons nous en souvenir !

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement en la matière.

M. Jean-Claude Lenoir. Le Gouvernement est bien inspiré ce soir ! (Sourires.)

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mme la rapporteur pour avis a mis le doigt sur les difficultés qui vont se poser. On ne peut évidemment que comprendre la nécessité d’assurer une jonction entre la fin du congé parental et la scolarisation de l’enfant, que j’ai évoquée moi-même tout à l'heure ; je vous ai d’ailleurs proposé une solution.

En revanche, s’agissant du droit du travail, c'est-à-dire des dispositions engageant l’employeur, il est plus difficile d’adopter une mesure sans qu’une négociation avec les partenaires sociaux ait eu lieu.

C’est pourquoi je me vois dans l’obligation d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. En effet, la disposition qu’il comporte ne pourra pas être appliquée dans un certain nombre d’entreprises dans lesquelles il sera tout bonnement impossible de repousser au-delà de trois ans le nombre de mois d’absence du salarié.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Elle se rallie à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Reichardt, Hyest, Courtois, Buffet, Lecerf et Fleming, Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au premier alinéa de l’article L. 1225-51 du code du travail, les mots : « au moins un mois » sont remplacés par les mots : « au moins trois mois ».

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement vise à allonger le délai de prévenance de l’employeur d’un mois à trois mois pour la prise du congé parental.

Cette disposition permettra aux entreprises, notamment aux plus petites d’entre elles, dont on vient de parler, où l’absence d’un collaborateur est toujours plus compliquée à pallier, de faciliter leur gestion des ressources humaines internes, en particulier lorsqu’il le second parent fait jouer son droit à un congé parental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le délai d’un mois correspond au droit commun. C’est le cas, par exemple, des congés de paternité et d’accueil de l’enfant.

De plus, selon moi, cette question relève de la négociation entre les partenaires sociaux. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. André Reichardt. Vous n’êtes plus favorable aux petites entreprises ?...

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le sénateur, bien que la mesure que vous proposez soit en apparence positive, elle poserait en réalité plus de difficultés qu’elle ne réglerait de problèmes. Elle pourrait même s’avérer contreproductive pour le salarié. En effet, le choix de recourir au congé parental est souvent lié à la disponibilité d’un mode de garde et les familles s’organisent généralement assez tardivement. Or si vous les obligez à prévenir trop tôt l’employeur, vous allez introduire un manque de souplesse évident dans le système.

Aussi suis-je plutôt défavorable à cet amendement d’autant que, comme l’a souligné Mme la rapporteur pour avis, les partenaires sociaux ont décidé de se saisir de la question de l’harmonisation des droits relatifs aux différents types de congés existants. Laissons-les donc travailler, et nous en reparlerons à l’issue des négociations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mmes Pasquet, Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Si à la fin de chaque année, les comptes visés à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières de la caisse mentionnée à l’article L. 223-1 du code de la sécurité sociale fait apparaître que l’application de l’article L. .531-4 du même code a permis la réalisation d’économies ou de moindres dépenses par rapport à l’exercice clos de l’année précédente, ces dernières sont prioritairement destinées à revaloriser la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’article 2 a pour objet de réformer le CLCA et d’instituer pour les ménages bénéficiaires un partage de ce complément entre les deux parents, afin d’inciter légitimement les pères de famille à recourir au congé parental. Ainsi, les responsabilités parentales seront partagées de façon plus équilibrée et le retour des femmes à l’emploi sera favorisé.

Cette mesure est positive, mais elle sera – je partage le constat de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin – insuffisante à elle seule.

La reprise d’activité des femmes dépend de facteurs bien variés, à commencer par la possibilité de bénéficier d’une place d’accueil pour les jeunes enfants, principalement dans une crèche publique, puisqu’il s’agit là, vous le savez, mes chers collègues, du mode de garde préféré de nos concitoyens.

La rapporteur de la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale que je suis est particulièrement sensibilisée à cette question : je connais l’impact de ce facteur tant sur la reprise d’activité professionnelle des mères de famille que sur le développement et la sociabilisation des enfants.

Je suis également sensible à la situation économique et financière de la branche famille de la sécurité sociale, qui souffre d’un sous-financement organisé et de l’instauration d’une tuyauterie complexe, qui a provoqué son déficit, alors que ses comptes étaient encore équilibrés voilà peu de temps.

Je suis d’autant plus inquiète que j’ai entendu plusieurs membres du Gouvernement s’engager auprès du patronat, y compris lors de l’université d’été du MEDEF, à compenser l’augmentation des cotisations patronales destinée à financer les retraites par une baisse du financement patronal de la branche famille, voire par sa suppression.

Une telle mesure reviendrait, en quelque sorte, à « sortir » la branche famille de la sécurité sociale, ce qui bouleverserait notre pacte social. Serait-il devenu légitime que les employeurs ne participent plus au financement de la politique familiale ?

Ces craintes ne sont pas sans lien avec l’article 2, puisque l’étude d’impact du projet de loi signale que la réforme du congé parental pourrait entraîner 300 millions d’euros d’économies. Madame la ministre, vous semblez destiner ces économies au financement des places de crèche, mais je partage les doutes exprimés à cet égard par la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Aussi, pour nous assurer que ces sommes seront bien consacrées au financement de la politique familiale, nous proposons de prévoir que les éventuelles économies résultant de l’application de l’article 2 seront prioritairement destinées à revaloriser la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme Mme la ministre l’a réaffirmé, le Gouvernement a pris l’engagement que d’éventuelles économies serviraient en priorité au financement de l’accueil de la petite enfance et au développement des modes de garde, conformément au plan d’accueil de la petite enfance présenté par le Premier ministre au mois de juin dernier ; peut-être Mme la ministre pourra-t-elle de nouveau confirmer cet engagement.

Au nom de la commission des affaires sociales, je demande aux auteurs de l’amendement n° 46 de bien vouloir le retirer ; s’il est maintenu, la commission y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Pasquet, je vous le rappelle, l’économie de 200 millions d’euros qui résulterait du partage de la PPAE est seulement hypothétique ; le Gouvernement a donné ce chiffre, de façon assez transparente, mais il ne s’agit que d’une hypothèse fondée sur une anticipation du comportement des parents. Plus précisément, nous avons supposé que 20 % des « seconds parents », c’est-à-dire des pères, demanderaient à bénéficier de ce nouveau congé parental.

À la vérité, nous n’avons aucune certitude sur la manière dont les parents se comporteront réellement, et donc sur le montant exact des économies.

Dans ces conditions, madame Pasquet, plutôt que d’instaurer la règle juridique assez rigide que vous proposez, je trouve préférable de prévoir un suivi régulier des effets de la réforme, à la fois d’un point de vue financier et sur le plan du nombre des bénéficiaires, qui prenne en compte l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants. Tel est l’objet de l’amendement n° 83, présenté notamment par Mmes Génisson et Tasca, qui sera examiné dans quelques instants.

Je vous le confirme, nous prenons l’engagement de consacrer l’intégralité des économies qui pourraient résulter de cette réforme à la création de places pour la petite enfance ou à la revalorisation des indemnisations du congé parental.

Cela étant, le Gouvernement est plutôt défavorable à l’amendement n° 46.

Mme Isabelle Pasquet. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 46 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 3

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mmes Génisson et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet, chaque année à compter du 1er janvier 2017, un rapport au Parlement décrivant les effets économiques, sociaux et financiers de la réforme introduite par l’article 2 de la présente loi, mis en regard notamment de l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants. Ce rapport est réalisé avec le concours d’un comité d’experts, dans des conditions définies par décret.

La caisse nationale des allocations familiales et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole collectent et transmettent les données utiles pour la réalisation de ce rapport.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Mes chers collègues, je ne voudrais pas avoir l’air d’être la spécialiste de la demande de rapports… Reste que nous venons d’adopter une modification tout à fait importante du congé parental, fondée en particulier sur le partage de la PPAE entre les parents. Cette réforme modifiera en profondeur les relations à l’intérieur de la famille dans le sens d’un meilleur accueil et d’une meilleure éducation des enfants.

Il est donc important de suivre les effets économiques, sociaux et financiers de cette réforme, notamment au regard de l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants, comme Mme la ministre vient de le souligner. Il convient également que la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole transmettent les données utiles à la réalisation de ce rapport, qui devra être remis au Parlement chaque année à partir du 1er janvier 2017.

La création d’une PPAE partagée entre les parents est un nouveau droit fondamental ; il est nécessaire, mes chers collègues, de suivre l’évolution de son application !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Un bilan annuel permettra de mettre en regard les effets de la réforme avec le développement des modes de garde. La commission des affaires sociales est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme je l’ai laissé entrevoir voilà quelques instants, cet amendement me convient davantage que le précédent ; le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1225-48 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-48. - Le bénéfice du congé parental d’éducation et la période d’activité à temps partiel sont accordés par période de six mois dans la limite globale de trois ans.

« Ils prennent fin au plus tard au dix-huitième anniversaire de l’enfant. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En principe, le congé parental et le temps partiel de droit ne sont à l’heure actuelle accordés que jusqu’aux trois ans de l’enfant ; le congé doit être pris en une seule fois, pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans.

Or le besoin de diminuer ou de suspendre son activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ne s’arrête pas après que celui-ci a atteint l’âge de trois ans ; il peut se faire sentir, par exemple, au moment de l’adolescence.

Issu de la recommandation n° 7 de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement prévoit la possibilité de bénéficier du congé parental d’éducation ou du temps partiel de droit jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant, sans modifier la durée totale de ce congé de trois ans.

À titre d’exemple, un parent qui prendrait un an de congé parental à la naissance de son enfant conserverait deux ans de droits, utilisables par fractions jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.

Ce système suppose que le congé parental et le droit au temps partiel deviennent fractionnables. Ainsi, pour donner davantage de souplesse au dispositif, il est proposé que ce congé puisse être demandé par périodes de six mois, au lieu d’un an au moins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme Mme Gonthier-Maurin vient de le signaler, cet amendement correspond à l’une des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il vise à rendre fractionnable le congé parental d’éducation ; la durée totale de trois ans, qui reste inchangée, pourrait être prise par périodes de six mois jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.

Après une discussion intéressante, la commission des affaires sociales a estimé que cette proposition de réforme du congé parental était utile et répondait à une réelle attente de certains parents. En conséquence, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 9 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, dans la mesure où les partenaires sociaux, dans leur accord du 19 juin 2013 sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, sont convenus d’entamer, au cours du premier trimestre de 2014, une réflexion sur l’harmonisation des droits aux différents types de congés parentaux et personnels et sur la portabilité de ces droits. Il me semble prématuré de trancher une question que les partenaires sociaux n’ont pas encore examinée.

Néanmoins, l’opportunité d’instaurer un congé parental fractionnable peut être débattue. En effet, si le dispositif était plus souple, il ferait courir le risque de dilution du congé parental, qui pourrait même devenir un instrument de la réduction du temps de travail, sans lien avec l’objectif poursuivi : faciliter l’accueil d’un enfant pendant ses premiers mois de vie.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission des lois a débattu de cette question. À titre personnel, j’ai plutôt soutenu une position défavorable à l’amendement n° 9 rectifié. En effet, je pense que si des besoins se font jour à d’autres moments de la vie de l’enfant et nécessitent que les parents disposent de temps, il faut les considérer indépendamment du congé parental d’éducation qui, aujourd’hui, dans les esprits et dans les habitudes, concerne les trois premières années de l’enfant.

Au cours de la vie d’un enfant, jusqu’à son adolescence et sa majorité, plusieurs périodes de congé peuvent être nécessaires, qui ne sont pas forcément de six mois, mais, par exemple, de deux ou de trois mois, sans que ces besoins puissent être prévus avant l’âge de trois ans. Une discussion de fond est vraiment nécessaire et l’idée de Mme Gonthier-Maurin, si elle est intéressante, nécessite d’être approfondie en liaison avec les partenaires sociaux.

Si elle était mise en œuvre aujourd’hui, elle risquerait de dénaturer le congé parental dédié aux trois premières années de l’enfant.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson Trois ans de congé parental entre zéro et trois ans de l’enfant, c’est long. Or on sait très bien qu’un enfant peut rencontrer des difficultés dans son parcours scolaire, que ce soit dans le primaire, au collège ou au lycée. Dans ces conditions, pouvoir fractionner le congé parental me semble tout à fait intéressant.

Reste que j’ai entendu les remarques de Mme la ministre. Elle a notamment souligné que des négociations allaient avoir lieu entre les partenaires sociaux ; bien entendu, c’est un argument que l’on peut comprendre.

M. Jean-Claude Lenoir. Il est même fondamental !

Mme Catherine Génisson. Par ailleurs, un problème pourrait se poser en ce qui concerne le partage du congé parental entre les deux parents.

Si, aujourd’hui, je voterai contre l’amendement n° 9 rectifié, c’est certes parce que la mesure en cause nécessite un examen plus approfondi, mais surtout parce qu’elle pourrait être contreproductive du point de vue du partage du congé parental entre le père et la mère. En effet, une succession de congés fractionnés risquerait d’« évacuer » la prise en charge par l’un des deux parents.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’ai écouté avec attention les arguments qui viennent d’être présentés. De fait, on reconnaît qu’une question se pose et qu’elle mérite un examen approfondi. Considérant que nous avons contribué à lancer un débat et un travail de réflexion, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

L'amendement n° 47, présenté par Mmes Pasquet, Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1225-54 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-54. - La durée du congé parental d'éducation est intégralement prise en compte pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à rédiger l’article L. 1225-54 du code du travail de sorte que la durée du congé parental d'éducation soit intégralement prise en compte pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté, alors que, à ce jour, cette période ne compte que pour moitié.

L’ancienneté est notamment prise en compte pour la détermination du montant de l’indemnité de licenciement. En effet, l’article R. 1234-2 du code du travail dispose : « L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté. »

Il résulte de l’application cumulée de ces deux dispositions que le salarié qui choisit de recourir à un congé parental d’éducation peut voir le montant de ses indemnités de licenciement réduit, ce qui est d’autant plus injuste que ce type de congé est actuellement pris surtout par des femmes ; celles-ci subissent donc indirectement une sanction économique qui, s’ajoutant à d’autres, participe à la dévalorisation du travail des femmes, le réduisant à un travail d’appoint.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La prise en compte intégrale de la durée du congé parental pour le calcul de l’ancienneté du salarié me paraît une mesure excessive. En outre, compte tenu de son incidence, elle devrait être discutée avec les partenaires sociaux. L’avis de la commission des affaires sociales est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. À vrai dire, les partenaires sociaux ont déjà débattu de cette question, et ils ont rejeté le principe d’une telle extension de la durée de prise en compte du congé parental pour le calcul de l’ancienneté du salarié. Je suis donc également défavorable à l’amendement n° 47.

Par ailleurs, madame Pasquet, je vous rappelle que des accords de branche comportent, s’agissant du calcul de l’ancienneté, des mesures plus favorables que la règle de la moitié.

De même, aux termes d’accords d’entreprise, les salariés en congé parental versent aux régimes AGIRC et ARRCO des cotisations calculées sur la base des rémunérations qu’ils auraient perçues s’ils avaient poursuivi leur activité.

Il existe donc déjà des dispositions avantageuses. Il ne faut pas renoncer à l’idée qu’un jour, les partenaires sociaux les étendront peut-être.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 1225-55 du code du travail, après les mots : « retrouve son précédent emploi ou » sont insérés les mots : « lorsque l’emploi qu’il occupait n’est plus disponible, ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise les conditions dans lesquelles les parents peuvent, après un congé parental d’éducation, retrouver leur emploi.

L’actuel article L. 1225-55 du code du travail dispose : « À l’issue du congé parental d’éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l’activité initiale mentionnée à l’article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. » Pour autant, de nombreux témoignages attestent du fait que les femmes – ce sont les principales concernées – peinent malgré tout à retrouver leur emploi.

Afin de remédier à cette situation, injuste et discriminante, il nous paraît nécessaire de modifier l’article L. 1225-55 du code du travail et de préciser qu’un emploi similaire ne peut être proposé qu’à la condition que l’emploi que la salariée occupait préalablement n’est plus disponible.

En réalité, cette nouvelle rédaction, que nous vous invitons à adopter, est inspirée par la jurisprudence. En effet, dès 1993, la Cour de cassation a estimé que c’est seulement lorsque l’emploi qu’il occupait n’est plus disponible qu’un emploi similaire peut être proposé au salarié à la fin de son congé parental.

Plus récemment, le 19 juin 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirmait cette position, tout en précisant que, même s’il existe une clause de mobilité, ce droit à réintégration dans le poste d’origine demeurait. Elle ajoutait que tout manquement de l’employeur à son obligation légale de réintégrer la salariée dans le poste qu’elle occupait avant son départ en congé justifiait la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par l’intéressée, laquelle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ce contexte, l’adoption de notre amendement accorderait une protection supplémentaire aux femmes. C’est la raison pour laquelle nous espérons, madame la ministre, que vous émettrez un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation. La commission des affaires sociales, n’ayant pas examiné le point en cause, souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le point que vous soulevez, madame Cohen, est d’importance.

Au terme d’un congé parental d’éducation, le salarié doit être réintégré dans l’entreprise soit dans l’emploi qu’il occupait précédemment, soit dans un emploi équivalent. La question me semble aujourd’hui suffisamment encadrée par le code du travail. A fortiori, la jurisprudence de la Cour de cassation, que vous avez à juste raison rappelée, a apporté des précisions. Point n’est donc besoin de rigidifier davantage le droit, ce qui risque d’avoir un effet contreproductif : le salarié pourrait ne se voir proposer d’emploi équivalent qu’à la condition que son emploi d’origine ait été supprimé. Il faut laisser tant à l’entreprise qu’au salarié une large palette de choix.

C’est pourquoi je vous propose d’en rester au droit existant et de simplement réaffirmer le principe d’une réintégration du salarié soit dans le même poste, soit dans un emploi équivalent. J’émets par conséquent un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’en conviens, madame la ministre, il ne faudrait pas que l’adoption du présent amendement soit contreproductive pour les salariés. Mais le code du travail dispose bien que le salarié doit retrouver son emploi ou un emploi équivalent.

Pour notre part, nous proposons que le salarié retrouve son emploi ou, si ce dernier n’est plus disponible – et seulement dans ce cas –, un emploi équivalent. Nul risque donc pour le salarié de ne pas retrouver un emploi.

L’adoption de notre amendement clarifierait le code du travail, que le patronat trouve toujours trop bavard. Mais c’est l’outil qui permet de protéger les salariés dans l’entreprise.

Notre proposition, bienvenue, va dans le sens de la jurisprudence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 1225-59 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret précise comment il bénéficie également d’un accès prioritaire aux dispositifs de formation professionnelle continue mentionnés aux articles L. 6322-1 et L. 6323-1. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Aux termes de l’article L. 1225-59 du code du travail, avant l’expiration de la période pendant laquelle il entendait bénéficier d’un congé parental d’éducation, le salarié peut bénéficier d’un droit à une action de formation professionnelle. Cette disposition est importante dans la mesure où l’accès des salariés à la formation professionnelle est un élément fondamental de l’évolution et de la sécurisation des parcours professionnels. Dès lors, il convient de renforcer autant que possible les dispositifs existants en veillant, notamment, à ce que les publics les plus fragilisés en soient les premiers bénéficiaires, ce qui n’est pas nécessairement le cas aujourd’hui.

Face à ces enjeux, force est de constater que la rédaction actuelle de l’article L. 1225-59 du code du travail n’est pas suffisante, et ce à plus d’un titre.

En effet, les deux dispositifs de formation les plus plébiscités par les salariés, le CIF – congé individuel de formation – et le DIF – droit individuel à la formation – ne sont pas visés dans cet article. L’article L 6313-1 du même code cite les quatorze actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle sans, toutefois, mentionner le CIF ou le DIF.

C’est la raison pour laquelle, afin de favoriser des mécanismes de formation professionnelle qui ne relèvent pas exclusivement de la volonté de l’employeur, comme les plans de formation, il nous semble important de viser expressément ces deux dispositifs.

Qui plus est, cet amendement tend à renforcer le droit existant. En effet, celui-ci se borne à dire que la formation est un droit. Pour notre part, nous proposons qu’elle devienne une priorité, ce qui n’est absolument pas incompatible avec les règles déjà en vigueur, dans la mesure où certains publics ou certaines actions de formation proposées dans le cadre du CIF, par exemple, bénéficient d’une priorité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement concerne l’accès à la formation professionnelle des salariés réintégrant entreprise au terme d’un congé parental. Un droit leur est déjà reconnu en la matière et il convient de ne pas confondre CIF et DIF, dont l’objet est plutôt de préparer des transitions professionnelles.

La commission des affaires sociales émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez d’accorder la priorité pour la formation professionnelle continue aux salariés qui, du fait de la prise d’un congé parental, n’ont pas connu de trajectoire professionnelle linéaire et qui sont, dans la plupart des cas, des femmes. Nous ne pouvons que partager votre volonté de travailler sur cette question pour trouver des réponses adaptées.

Cependant, comme vous le savez, les partenaires sociaux ont engagé une négociation sur la question de la formation professionnelle. Dans la feuille de route qu’il leur a transmise, le Gouvernement leur a demandé, notamment, de veiller à sécuriser les parcours professionnels des femmes. Il me semble donc prématuré de nous prononcer sur ce sujet, avant même que les partenaires sociaux aient rendu leurs conclusions.

Je vous précise également que, à partir de ces conclusions, sera élaboré un projet de loi qui vous sera présenté au début de l’année 2014 et qui devrait reprendre, peu ou prou, les dispositions de votre amendement.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir le retirer.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je souscris aux arguments de Mme la ministre, que j’ai écoutée avec attention.

Je souhaite vivement que les partenaires sociaux lisent le compte rendu de nos travaux, qui ne pourra que leur donner de bonnes idées pour traiter la question de la formation professionnelle des personnes en cause.

C’est un vrai sujet, et l’éviction de la vie professionnelle résulte souvent d’une difficulté d’accès à la formation professionnelle. Ces personnes, qui ne retrouvent généralement pas leur emploi, sont perdues dans l’entreprise, devraient pouvoir accéder prioritairement à une formation professionnelle.

Je le répète, j’espère vraiment que les partenaires sociaux s’inspireront de nos travaux !

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 49 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Je suis sensible aux arguments de Mme la ministre et je sens bien que nous partageons les mêmes préoccupations.

Cela dit, la formation professionnelle de ce public fragilisé constitue un réel problème. On ne peut laisser la situation en l’état. Je ne sais si les partenaires sociaux lisent attentivement nos débats, mais je trouve important de fixer un cap.

Telle est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je suis tenté de vous suivre, ma chère collègue. La question est réelle : une personne ayant bénéficié d’un congé parental a besoin de se réinsérer professionnellement. Cette priorité doit être reconnue.

Mais je suis assez embarrassé. Depuis le début du présent débat, nous renvoyons aux partenaires sociaux la discussion, nous réservant la validation de leurs décisions. Parallèlement, nous prenons des initiatives qui empiètent sur leur domaine. Vous parlez, madame la ministre, d’une feuille de route. Au fond, il faudrait clarifier les choses : que demande-t-on aux partenaires sociaux ? Quels objectifs faudrait-il atteindre ? Ne devons-nous pas attendre que les partenaires sociaux nous fassent des propositions dans tous les domaines dont nous discutons ?

Ayant indiqué que je soutenais l’amendement, je vais donc le voter, par principe.

Cela étant, que ce soit sur le présent texte comme sur d’autres, il faudrait trouver les voies et moyens afin de bien répartir les rôles entre les partenaires sociaux et le législateur, que nous sommes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mmes Génisson et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 214-7 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « insertion sociale et professionnelle », sont insérés les mots : «, y compris s’agissant des bénéficiaires de la prestation partagée de l’accueil de l’enfant d'activité mentionné au 3° de l’article L. 531-1 du code de la sécurité sociale ».

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Cet amendement tend à permettre aux personnes éligibles au congé parental nouvellement défini d’être prioritaires pour l’accès aux places en établissements d’accueil pour enfants de moins de six ans.

Dans son propos liminaire, notre collègue Cécile Cukierman indiquait qu’en réalité le congé parental n’était pas toujours une solution choisie. C’est une sorte de cycle : après la naissance d’un premier puis d’un deuxième enfant, on en conçoit un troisième pour continuer à bénéficier du congé parental.

Les personnes en cause sont en grande difficulté d’insertion professionnelle et sociale : elles ne réussissent ni à accéder à des formations professionnelles ni à retrouver leur emploi ou un emploi similaire.

Un nombre important d’entre elles deviennent éligibles au congé parental, dans la mesure où il leur est également difficile de trouver des solutions en matière de garde d’enfants. Il semble donc important de leur rendre l’accès aux crèches prioritaire. Toutefois, si tel est le cas, leurs enfants prendront peut-être la place d’autres dont les mères travaillent et rencontrent également des difficultés de garde.

Je le rappelle, madame la ministre, vous avez affirmé avec force que la politique familiale du Gouvernement était axée prioritairement sur cette garde d’enfants, dans des crèches ou par des assistantes maternelles.

À mes yeux, le présent amendement revêt donc une grande importance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je crains qu’il n’y ait un malentendu, ma chère collègue. En effet, les personnes en parcours d’insertion sociale et professionnelle bénéficiant de la PPAE sont d’ores et déjà prioritaires pour l’accueil de leurs enfants en établissements de la petite enfance, conformément à l’article L. 214-7 du code de l’action sociale et des familles.

De plus, pour assurer l’efficacité du dispositif que vous souhaitez instituer, on manquera de sanctions, une crèche ne pouvant être sanctionnée si elle n’applique pas ce mécanisme de priorité.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, je vous propose de faire le lien entre votre amendement et celui que je m’apprête à présenter. En réalité, ils sont liés, et ce que vient d’expliquer Michelle Meunier est juste : les personnes en parcours d’insertion bénéficient d’ores et déjà d’un accès privilégié aux places en crèches.

Le Gouvernement, quant à lui, propose de créer un parcours de sortie du congé parental pour toutes les personnes qui ont bénéficié d’un CLCA sans être en activité dans une entreprise, j’y reviendrai en présentant l’amendement n° 184. Dans ce cadre, nous pourrions envisager de mettre en place ce que vous suggérez, à savoir des solutions ponctuelles d’accueil des enfants pendant que des formations sont offertes à ces mères en congé parental, ce qui leur permettra de retrouver le chemin de l’emploi plus facilement.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame Génisson, pour avoir l’occasion d’y revenir plus longuement lors de la présentation de l’amendement n° 184.

M. le président. L’amendement n° 82 est-il maintenu, madame Génisson ?

Mme Catherine Génisson. Si j’ai bien compris, madame la ministre, vous me proposez de retirer cet amendement, pour qu’il devienne un sous-amendement à l’amendement que vous vous apprêtez à présenter ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En quelque sorte !

Mme Catherine Génisson. J’accepte donc de retirer mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 82 est retiré.

L'amendement n° 184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la fin du premier alinéa du 1 du I de l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale sont ajoutés les mots : « ou qui suit une formation professionnelle non rémunérée ».

II. - Après l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 531-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-4-1. - Une convention conclue entre Pôle Emploi et l’organisme débiteur des prestations familiales prévoit les conditions dans lesquelles les bénéficiaires de la prestation partagée d'accueil de l'enfant qui étaient précédemment en inactivité bénéficient des prestations d’aide au retour à l’emploi avant la fin de leurs droits à la prestation partagée d'accueil de l'enfant. »

« Cette convention peut également être conclue par la région pour l’accès aux actions de formation mentionnées à l’article L. 214-13 du code de l’éducation. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Par cet amendement, le Gouvernement propose que soit conclue une convention entre Pôle emploi et la CNAF portant sur l’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires de la PPAE qui, n’étant pas titulaires d’un congé parental, ne sont donc pas en entreprise.

Nous savons la difficulté qu’ont ces allocataires à retrouver un emploi à la fin de leur période d’interruption d’activité. Il s’agit, par conséquent, de créer les conditions d’un véritable droit à l’accompagnement professionnel de ces femmes – ce sont en effet essentiellement des femmes –, dans le cadre d’une convention, qui prévoira trois avancées décisives.

D’abord, les femmes concernées seront invitées un an avant l’échéance de leurs droits à préparer leur retour à l’emploi. Un conseiller les contactera spécifiquement et leur proposera de bénéficier d’un accompagnement personnalisé au sein de Pôle emploi. Celui-ci démarrera par un bilan de compétences, sans que puisse leur être opposé le fait qu’elles n’étaient pas inscrites jusqu’alors sur la liste des demandeurs d’emploi.

Par ailleurs, nous veillerons à ce que la carte de formations soit adaptée. Nous travaillerons spécifiquement avec les régions, pour que ces femmes puissent bénéficier de formations adéquates, dans le cadre soit de leur emploi initial soit d’un projet de reconversion.

Pour mieux leur permettre de profiter des formations qui leur seront ainsi proposées, nous ferons en sorte, en lien avec les régions, que des solutions ponctuelles d’accueil de leurs enfants soient apportées, ce qui leur permettra de se libérer. Je reprends ainsi les dispositions prévues par votre amendement n° 82, madame Génisson.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission est favorable à cet amendement. Ce dispositif va dans le bon sens, puisqu’il vise à protéger davantage les personnes en situation de retour sur le marché du travail.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

Articles additionnels après l’article 2
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article additionnel après l'article 3

Article 3

L’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics est ainsi modifié :

1° Au 1°, après la référence : « 222-40, », est insérée la référence : « 225-1, » ;

2° Au 2°, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 1146-1, » ;

3° Après le 6°, est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les personnes qui, au 31 décembre de l’année précédant celle au cours de laquelle a lieu le lancement de la consultation, n’ont pas mis en œuvre l’obligation de négociation prévue à l’article L. 2242-5 du code du travail et qui, à la date à laquelle elles soumissionnent, n’ont pas réalisé ou engagé la régularisation de leur situation. »

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Reichardt, Hyest, Courtois, Buffet, Lecerf et Fleming, Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Madame la ministre, il s’agit de l’un des amendements que j’ai évoqués cet après-midi au cours de la discussion générale et dont le sort, assurément, déterminera notre position globale sur le présent projet de loi.

Parmi les cas d’interdiction de soumissionner aux marchés publics, l’article 3 de ce texte vise à ajouter les entreprises de plus de cinquante salariés condamnées de manière définitive pour des motifs liés à la discrimination et au non-respect des dispositions en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Selon nous, cet article constitue une double peine pour les entreprises concernées. D’une part, elles font déjà l’objet d’une sanction pénale ; d’autre part, elles n’auront plus accès à la commande publique. Elles seront ainsi fragilisées par rapport à leurs concurrentes. Tout cela aura forcément des conséquences lourdes sur leur activité et sur l’emploi. 

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons vivement la suppression de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission des lois a, au contraire, adopté cet article.

Comme vous le souligniez, mon cher collègue, il est nécessaire d’aller plus loin et, donc, de renforcer quelque peu le dispositif existant.

La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le sénateur, je l’ai indiqué au cours de la discussion générale : l’égalité professionnelle, ce n’est pas une règle nouvelle que nous instaurons. C’est une règle de droit qui existe depuis maintenant des décennies et peine à s’imposer dans nos entreprises.

Cela fait plus de quarante ans que l’égalité salariale entre hommes et femmes est la règle, plus de trente ans que le rapport annuel de situation comparée, dont nous parlions tout à l’heure, est censé être la norme au sein des entreprises.

Par conséquent, le mécanisme que nous vous proposons d’ajouter, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir l’impossibilité de soumissionner aux marchés publics, relève, à nos yeux, de la simple évidence. C’est notre capacité à faire respecter la loi qui est en jeu. Il s’agit d’abord de montrer que les condamnations pénales pour des motifs liés à la discrimination et au non-respect des dispositions prévues par le code du travail en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne sont pas de moindre valeur que d’autres condamnations.

Une telle disposition ne procède pas d’une logique punitive. La Cour de cassation, qui a été amenée à s’exprimer sur ce sujet, a elle-même reconnu que le dispositif d’interdiction de soumissionner n’institue pas une sanction à caractère punitif : elle a simplement pour objet d’assurer l’intégrité, la moralité des candidats pour ce qui concerne l’accès à la commande publique.

Par ailleurs, comme je le disais tout à l’heure, s’agissant du non-respect des entreprises de l’obligation de négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle, nous avons veillé à préserver une certaine souplesse dans la mise en œuvre de l’interdiction, puisque les entreprises pourront se mettre en conformité jusqu’à la dernière minute, c’est-à-dire jusqu’à la date de soumission.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Reichardt, Hyest, Courtois, Buffet, Lecerf et Fleming, Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le 6° de l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les personnes qui n’ont pas joint une déclaration sur l’honneur attestant que l’entreprise respecte la législation en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Après le rejet de mon amendement précédent, qui n’a malheureusement pas eu l’heur de plaire à la majorité du Sénat,…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien dommage !

M. André Reichardt. … vous avez la possibilité, avec ce nouvel amendement, de vous rattraper, mes chers collègues.

Celui-ci vise à substituer à l’interdiction de soumissionner aux marchés publics une déclaration sur l’honneur de l’entreprise attestant qu’elle respecte la législation en matière d’égalité des chances entre femmes et hommes et de non-discrimination.

Selon nous, une telle disposition aurait l’avantage de reposer sur un rapport de confiance avec les chefs d’entreprise, ce qui n’est pas le cas des mesures prévues par l’article 3, dont le dispositif coercitif témoigne d’une défiance systématique à l’égard de l’entreprise.

Madame la ministre, au cours des vingt dernières années, grâce aux entreprises, des progrès notables ont été réalisés en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, car l’emploi des femmes est un facteur de croissance économique et de dynamisme social, ce dont personne ne disconvient dans cette enceinte.

Les démarches entreprises doivent être poursuivies, mais pas dans le cadre d’un registre punitif. Il existe déjà une sanction pénale ! Pourquoi diable voulez-vous créer une « double peine », pour reprendre l’expression que j’ai utilisée tout à l’heure ? C’est très grave d’empêcher des entreprises de cinquante salariés de soumissionner aux marchés publics ! Cela peut revenir à les empêcher de donner de l’activité à leurs salariés.

L’exposé des motifs et l’étude d’impact du projet de loi se réfèrent largement à la législation belge, qui a été un véritable levier de promotion professionnelle pour les femmes. De temps en temps, il faut regarder ce qui se passe autour de nous ! Le présent amendement reprend une disposition qui a fait ses preuves ailleurs. Il n’est pas punitif ; il est pédagogique. De grâce, permettez au moins à des entreprises, qui ont pu commettre des erreurs mais fourniraient une déclaration sur l’honneur attestant de leur respect de la législation en matière d’égalité des chances entre femmes et hommes, de soumissionner aux marchés publics, pour donner du travail à leurs collaborateurs !

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 7° Les entreprises qui, au 31 décembre de l'année précédant celle au cours de laquelle a lieu le lancement de la consultation, ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle conformément à l’article L. 2242-5 du code du travail et par un accord salarial d’entreprise en application de l’article L. 2242-8 du même code, ne peuvent se porter candidates à un marché public, à peine de nullité de leur candidature. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’article 3 du présent projet de loi tend à compléter les cas d’interdiction de soumissionner à un marché public. Il retient comme motif la condamnation définitive, et depuis moins de cinq ans, pour délit de discrimination, pour méconnaissance des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Il prévoit également l’impossibilité de soumissionner à un marché public si l’employeur n’a pas mis en œuvre la négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, prévue à l’article L. 2242-5 du code du travail.

Incontestablement, cette mesure constitue un premier pas que nous entendons soutenir. Les entreprises qui bénéficient de financements publics, sous la forme de subventions ou de passations de contrats, doivent respecter un certain nombre d’engagements non seulement légaux, mais aussi sociaux. L’État, les collectivités locales et territoriales, lorsqu’elles sont en situation de donneurs d’ordre, doivent pouvoir imposer des critères environnementaux et sociaux.

Pour autant, il nous semble que cette obligation, bien que positive, demeure un peu trop limitée. Si l’on souhaite qu’elle ait un impact réel induisant un changement de comportement de la part des employeurs, il ne faut pas en rester à l’obligation de négocier. La loi doit prévoir que les entreprises qui remportent des marchés publics doivent, à peine de nullité, avoir conclu un accord portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

En outre, la rédaction actuelle du projet de loi ne prévoit l’obligation d’ouvrir des négociations que sur le fondement de l’article L. 2242-5 du code du travail, qui concerne spécifiquement la négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Or l’on sait que la négociation annuelle obligatoire visée à l’article L. 2242-8 du code du travail, qui porte sur « les salaires effectifs », « la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l’augmentation de la durée du travail à la demande des salariés », constitue ou, à tout le moins, pourrait constituer un levier de résorption de la précarité au travail et lutter contre les inégalités dont les femmes sont victimes, particulièrement en matière de temps de travail.

C’est pourquoi nous proposons de faire également référence au respect de l’article L. 2242–8 du code du travail.

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

à l’article L. 2242-5

par les mots :

aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement constitue un amendement de repli dans la mesure où il s’agit, ici, de conditionner les marchés publics non plus à la signature d’un accord en matière d’égalité salariale et d’organisation du travail, mais seulement à l’ouverture d’une telle négociation.

En clair, par cet amendement, nous proposons, ce qui n’est pas prévu par l’article 3 dans sa rédaction actuelle, de faire explicitement référence à l’article L. 2242-8 du code du travail, de telle sorte que, pour prétendre à des marchés publics, les entreprises doivent obligatoirement ouvrir des négociations sur la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l’augmentation de la durée du travail à la demande des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. J’ignore si je parviendrai à consoler notre collègue André Reichardt, mais je lui rappelle néanmoins que les entreprises de moins de cinquante salariés qui sont condamnées pénalement pour ne pas avoir respecté la réglementation du travail en matière d’égalité entre les hommes et les femmes le sont non pas parce qu’elles ne sont pas parvenues à un accord, mais parce qu’elles n’ont même pas engagé des négociations. Cela dénote, me semble-t-il, une mauvaise volonté évidente de leur part et, par conséquent, il ne me paraît pas anormal qu’elles soient sanctionnées.

S’agissant de l’amendement n° 4 rectifié, qui vise à substituer, comme motif d’interdiction de soumissionner les marchés publics, l’absence de déclaration sur l’honneur au défaut de mise en œuvre de l’obligation de négociation, je m’en tiens à mon raisonnement précédent sur la nécessité d’aller plus loin en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 50, présenté par Mme Cohen, qui, lui, fait pencher un peu trop le fléau du côté de la sanction, ce qui nous paraît déséquilibré.

Enfin, j’en viens à l’amendement n° 51. L’ouverture de négociations sur les salaires et la durée du travail est une obligation annuelle pour les entreprises et ces négociations contribuent à l’égalité entre les hommes et les femmes, même si elles n’y sont pas directement liées. Pour cette raison, il nous semble important qu’elles soient entamées. Dès lors que cet amendement n’a pas pour objet de créer une nouvelle obligation pour les entreprises, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur Reichardt, tout a été dit sur votre amendement n° 4 rectifié. Le dispositif que nous mettons en place n’a aucune vocation punitive. Simplement, conformément au principe de la liberté d’accéder à la commande publique, nous voulons nous assurer que ne se porte pas candidat quelqu’un ou une entreprise qui se serait placé sous l’effet d’une interdiction de soumissionner. Notre objectif est de faire respecter la loi et le droit en vigueur.

En outre, la mesure de souplesse que vous proposez d’introduire au stade de la candidature est déjà une réalité puisque, je le rappelle, les candidats à un marché devront fournir une attestation sur l’honneur justifiant qu’ils n’entrent dans aucun des cas d’interdiction de soumissionner énumérés à l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005. Mais vous allez bien plus loin puisque vous proposez que cette attestation soit à la fois générale et imprécise. Pour notre part, nous voulons au contraire que le document en question soit précis et que les interdictions de soumissionner prévues par le présent projet de loi soient soumises au même formalisme – sans plus ni moins de complexité – que les autres motifs d’interdiction.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Madame Cohen, comme Mme la rapporteur, j’estime qu’il ne faudrait pas que les interdictions de soumissionner portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle. Or la mesure que vous proposez fait courir ce risque, me semble-t-il. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 50.

Enfin, après avoir entendu l’avis de Mme la rapporteur sur votre amendement n° 51, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président je retire l’amendement n° 50 au profit de l’amendement n° 51.

M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2242-5-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d'au moins vingt salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale et professionnelle mentionné à l'article L. 2242-5. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord sont fixées par décret.

« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 5 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par l'accord mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, en fonction des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction de l’article L. 2242-5-1 du code du travail, de telle sorte, d’une part, que soit significativement augmentée la pénalité due lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes et, d’autre part, que soit supprimée la référence aux efforts effectués par l’entreprise en matière d’égalité salariale dans la prise de décision de l’autorité administrative.

En effet, dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit une pénalité financière correspondant au maximum à 1 % des rémunérations versées aux travailleurs au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou par un plan d’action.

Au regard du nombre – très faible – d’accords conclus et du nombre – également très faible – de sanctions prononcées, force est de constater que la sanction financière n’est pas suffisante pour inciter les employeurs à enfin respecter la loi. Cela dit, madame la ministre, je vous ai entendue tout à l’heure nous expliquer que depuis que ces sanctions existent, de plus en plus d’accords sont signés ; c’est tant mieux, car cela va dans le bon sens.

Qui plus est, la faculté offerte à l’employeur de ne pas entamer de négociation s’il met en œuvre de manière unilatérale un plan d’action constitue une incitation à contourner le dialogue social et donne l’impression que les pouvoirs publics peuvent se satisfaire de demi-mesures.

Pourtant, lorsque l’on observe les inégalités salariales dont les femmes sont victimes, on ne peut se satisfaire de mesures tièdes. Aussi nous devons impérativement agir de manière plus résolue, et ce dans un seul objectif : que le quotidien des salariées change enfin !

C’est pourquoi nous proposons de porter la pénalité financière de 1 % à 5 %. Je vous signale, mes chers collègues, que ces 5 % représentent un maximum et qu’il appartiendra à l’autorité administrative et aux inspecteurs du travail de fixer le seuil, qui sera compris, si notre proposition est retenue, dans une fourchette allant de 1 % – taux maximal à ce jour – à 5 %.

Par ailleurs, nous proposons de supprimer la référence aux efforts en matière d’égalité professionnelle constatés par l’autorité administrative ; nous voulons que celle-ci apprécie réellement, le cas échéant, les raisons pour lesquelles aucune négociation n’a été ouverte en matière d’égalité salariale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à élargir aux entreprises d’au moins vingt salariés l’obligation de négocier sur l’égalité professionnelle et à augmenter le montant des pénalités dues par celles qui se trouveraient en infraction. C’est aller très loin et je ne pense pas que l’examen du présent projet de loi soit le moment adéquat pour traiter du problème complexe et délicat du dialogue social, que nous appelons tous de nos vœux, dans les petites entreprises.

La commission des affaires sociales émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir rappelé que le Gouvernement entend désormais rendre effectifs les contrôles auxquels sont soumises les entreprises en vue de leur faire respecter leurs obligations. J’observe avec une grande vigilance la montée en puissance de ce mécanisme de contrôle et de sanctions. Néanmoins, il faut éviter de le décrédibiliser en le rendant trop dur, au risque de provoquer de nouveau un sentiment d’impunité dans les entreprises.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Après avoir entendu les arguments et de Mme la rapporteur pour avis et de Mme la ministre, je serais tentée de retirer mon amendement. Il est exact qu’il serait dommage d’introduire une disposition dont les effets pourraient s’avérer contreproductifs, alors même que le mécanisme en vigueur à ce jour commence à prendre effet.

Néanmoins, je le répète, ce taux maximal de 1 % nous paraît bien faible. En outre, l’employeur peut, de façon unilatérale, décider de mettre en œuvre un plan d’action, ce qui est une manière tout à fait inélégante de contourner le dialogue social : c’est avec les partenaires sociaux qu’un accord doit être trouvé. Et si un employeur décide d’agir unilatéralement, on peut imaginer que c’est parce qu’il n’a pas trouvé d’accord avec ces derniers. De fait, la mesure que nous proposons permettrait sans doute d’inciter davantage à ce dialogue social en l’absence d’accord avec les partenaires sociaux.

C’est l’autorité administrative qui décide de prononcer ou non une sanction. Or, à ce jour, même en l’absence d’accord ou d’ouverture de négociations, elle peut décider de ne pas sanctionner à la condition que l’entreprise ait fait des efforts dans ce sens. Qui mesure ses efforts ? Selon quels critères ? Je trouve que bien des dispositions prévues à cet article ne vont pas véritablement dans le sens du dialogue social et dans celui d’un véritable accord sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes dans les entreprises. C’est pour cette raison aussi que nous avons déposé le présent amendement, pour rappeler la position que nous avions défendue lors de l’examen de cet article en commission et notre opposition à l’idée que l’entreprise pourrait décider seule de ce qui est bon ou non dans cet accord sur l’égalité salariale.

Toujours est-il que je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.

Article additionnel après l'article 3
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Article 5

Article 4

I. – Le III de l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est complété par trois alinéas et un 5° ainsi rédigés :

« La collaboratrice libérale en état de grossesse médicalement constaté a le droit de suspendre sa collaboration pendant au moins seize semaines à l’occasion de l’accouchement. À compter de la déclaration de grossesse et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu unilatéralement sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressée, non lié à l’état de grossesse.

« Le collaborateur libéral a le droit de suspendre sa collaboration pendant onze jours consécutifs suivant la naissance de l’enfant, durée portée à dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. À compter de l’annonce par le collaborateur libéral de son intention de suspendre son contrat de collaboration après la naissance de l’enfant et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu unilatéralement, sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé, non lié à la paternité.

« Le collaborateur ou la collaboratrice a le droit de suspendre sa collaboration pendant une durée de dix semaines à dater de l’arrivée de l’enfant au foyer lorsque l’autorité administrative ou tout organisme désigné par voie réglementaire lui confie un enfant en vue de son adoption. À compter de l’annonce par le collaborateur ou la collaboratrice de son intention de suspendre son contrat de collaboration et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration unilatérale ne peut être rompu unilatéralement, sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé, non lié à l’adoption ;

« 5° Les modalités de sa suspension afin de permettre au collaborateur de bénéficier des indemnisations prévues par la législation de la sécurité sociale en matière d’assurance maladie, de maternité, de congé d’adoption et de congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

II. – Le I de l’article 5 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est complété par les mots : « ou régie par un contrat de collaboration libérale. »

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mmes Ango Ela, Benbassa, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 2, 3, et 4, dernières phrases

Remplacer le mot :

huit

par le mot :

seize

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de porter de huit à seize semaines la période de protection contre les ruptures de contrat des collaboratrices libérales à l’issue de leur congé de maternité, des collaborateurs libéraux au terme de leur congé de paternité, et des collaboratrices et collaborateurs à l’issue de leur congé d’adoption.

Il reprend, en réalité, l’une des revendications de l’Union des jeunes avocats de Paris, qui, dès le mois de novembre 2012, recensait les témoignages de collaboratrices privées d’emploi à leur retour de congé de maternité et sollicitait l’instauration d’une période de protection de seize semaines.

Enfin, l’observatoire de l’égalité du barreau de Paris a également relevé que les femmes quittent deux fois plus la profession que les hommes dans les dix ans qui suivent l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, période qui coïncide avec la naissance de leurs enfants.

Avec l’adoption de cet amendement, les collaboratrices et collaborateurs pourront disposer, à leur retour de congé de maternité, de paternité ou d’adoption, du temps nécessaire pour reprendre leur activité professionnelle en démontrant que leur parentalité n’a en rien affecté leurs capacités professionnelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement s’éloigne trop du droit commun et constitue une remise en cause du dispositif tel qu’il a été discuté et négocié préalablement avec les professions concernées.

Par conséquent, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Benbassa, l’article 4 du projet de loi représente un véritable progrès social pour les collaboratrices et les collaborateurs libéraux. En effet, ceux-ci n’étaient pas protégés jusque-là, alors qu’ils souhaitaient assumer leur rôle de parent et bénéficier des congés prévus. J’ai mené une concertation assez large avec les représentants des professionnels libéraux et ceux des collaboratrices et collaborateurs. Nous avons trouvé un point d’équilibre avec cette période de protection de huit semaines contre les ruptures de contrat. Ce délai me paraît suffisant, et je ne souhaite pas remettre en cause cet accord.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Esther Benbassa. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 131 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article additionnel après l'article 5

Article 5

À titre expérimental, la convention ou l’accord collectif prévu à l’article L. 3152-1 du code du travail peut autoriser le salarié à utiliser une partie des droits affectés sur le compte épargne-temps institué en application du même article pour financer l’une des prestations de service prévues à l’article L. 1271-1 du même code au moyen d’un chèque emploi-service universel.

Un décret définit les modalités de mise en œuvre du présent article et les conditions dans lesquelles cette expérimentation est évaluée. L’expérimentation est d’une durée de deux ans à compter de la publication de ce décret, et au plus tard à compter du 1er juillet 2014.

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Je le dis en préalable : je maintiendrai cet amendement.

Si nous avons voté jusqu’à présent les différents articles du présent texte, en dépit des approches sensiblement différentes que l’examen des amendements a pu révéler, en revanche, nous ne partageons pas du tout la philosophie de l’article 5, qui autorise les salariés à transformer les droits acquis sur leur compte épargne-temps en chèques emploi-service universels, afin de financer des gardes d’enfant et/ou des heures de ménage.

Cette position ne choquera pas ici, puisque nous n’avons jamais été favorables au compte épargne-temps, qui permet aux salariés d’accumuler des droits à congés rémunérés ou de bénéficier d’une rémunération contre le renoncement aux congés.

En tout cas, il nous semble non seulement surprenant, mais aussi contraire aux ambitions que les uns et les autres avons détaillées depuis le début de l’après-midi et au principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, de demander aux femmes, dont nous constatons qu’elles éprouvent des difficultés à assumer leur double journée, à savoir conjuguer une activité professionnelle avec les obligations de leur vie privée, de mettre entre parenthèses les congés auxquels elles ont droit ou de travailler plus pour dégager l’argent nécessaire pour payer leur double journée. De surcroît, le système proposé ne les libère en rien de leurs contraintes.

Par ailleurs, que ce soit au sein du couple ou, plus généralement, dans la société, l’article 5 ne permet absolument pas de résoudre la question, bien réelle, de l’équilibre des temps et du partage des tâches, pas plus que celle de l’évolution des mentalités. Il revient seulement à mettre un pansement sur ces maux…

Comme nous l’avons déjà dit, à l’instar d’autres groupes, d’autres solutions existent pour lutter contre la précarité, les inégalités salariales et les stéréotypes qui conditionnent les femmes dans certaines tâches et en excluent les hommes, et pour favoriser un véritable partage des tâches.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 5 ; à défaut, nous voterons bien évidemment contre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Cukierman, je ne partage pas la description que vous avez faite du dispositif, qui a pour objet – je vous le précise de nouveau afin que nous parlions bien de la même chose – de faire en sorte que les entreprises s’investissent auprès de leurs salariés dans l’articulation des temps de vie et l’aide à la parentalité.

À cette fin, nous offrons aux salariés la faculté, et non l’obligation,…

Mme Annie David. Heureusement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … de transformer une partie de leurs jours épargnés dans leur compte-épargne temps en chèques emploi-service universels, dont une partie sera prise en charge par l’entreprise, afin de financer le paiement d’heures de garde de leur enfant en cas de besoin ponctuel, ou tout autre aide à domicile.

Je tiens à le souligner une nouvelle fois, cette mesure sera une option, et jamais une obligation. Elle sera financièrement intéressante pour les salariés. Elle leur permettra d’articuler facilement leurs différents temps de vie. Telle est l’orientation vers laquelle nous voulons entraîner la majorité des entreprises.

Par conséquent, je soutiens absolument ce dispositif. De toute façon, il ne s’agit que d’une expérimentation, dont nous évaluerons les effets ultérieurement.

Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame le ministre, il existe un point de désaccord entre nous.

Mme Annie David. C’est sûr !

Mme Cécile Cukierman. Autoriser une femme comme un homme à effectuer quelques heures supplémentaires ou à renoncer à quelques jours de RTT en vue d’alimenter ce compte épargne-temps ne permet pas de poser réellement la question des temps de vie dans l’entreprise. En réalité, avec cette mesure, on encourage l’entreprise à ne pas poser la question du nombre d’heures de travail, ou encore celle de la répartition des heures de réunion. Or on sait très bien que le public visé, ce sont les cadres.

Certes, l’évaluation nous apportera des éléments de réponse.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Cécile Cukierman. Mais cette proposition risque d’entraver les premières évolutions que l’on constate aujourd’hui dans un certain nombre d’entreprises : celles-ci repensent le travail en leur sein afin que chacun puisse libérer du temps pour soi-même, sa famille ou toute autre personne, ou pour ses loisirs, ses congés.

En tout cas, rendez-vous est pris pour l’évaluation, afin que nous puissions apprécier concrètement les conséquences de la question des temps dans l’entreprise.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 5 bis (nouveau)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-... ainsi rédigé :

« Art. L. 241-... - À compter du 1er janvier 2013, les entreprises de plus de vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % du nombre total de salariés de l'entreprise sont soumises à une majoration de 10 % de cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l'ensemble de leurs salariés. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. D’une manière générale, et malgré un tassement significatif des salaires, un travailleur sur deux est une femme. Ce « travailleur pauvre », pour reprendre une expression de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, est une femme exerçant une activité à temps partiel.

Mme Laurence Cohen. L’étude Femmes et précarité du Conseil économique, social et environnemental, publié au mois de février dernier, met clairement en évidence le fait que le taux de féminisation des emplois à temps partiel avoisine 82 %, des temps partiels qui sont, dois-je le répéter ?, majoritairement subis.

Lutter contre la précarité des femmes passe donc nécessairement par une lutte résolue contre cette forme d’organisation du travail, dont les études prouvent, par ailleurs, qu’elle nuit au respect de principes fondamentaux, comme la conciliation entre la vie personnelle et professionnelle. En revanche, cette forme d’organisation du travail profite aux employeurs dans la mesure où ces derniers bénéficient d’un outil utile de flexibilisation qui leur permet également de cumuler les exonérations de cotisations sociales.

Aussi, afin de réduire cette situation préjudiciable aux salariés comme aux comptes sociaux, nous proposons, par cet amendement qui reprend l’une des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Claire-Lise Campion adoptée par le Sénat, de soumettre les entreprises qui recourent massivement au temps partiel à une majoration de cotisations sociales, afin de réduire le recours à cette forme d’organisation du temps de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à majorer les cotisations sociales dues par les entreprises ayant au moins 25 % de salariés à temps partiel. L’ANI du 11 janvier dernier et la loi relative à la sécurisation de l’emploi qui le transpose encadrent déjà fortement le recours au temps partiel. Attendons d’en voir les effets. C’est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapporteur pour avis, l’accord national interprofessionnel et la loi relative à la sécurisation de l’emploi ont déjà permis de réaliser un certain nombre de progrès en matière de lutte contre le temps partiel, sujet auquel je suis très attachée, car il concerne un tiers des femmes actives aujourd’hui. L’introduction d’une durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires en cas de travail à temps partiel ou encore la majoration de la rémunération des heures complémentaires dès la première heure constituent des avancées importantes.

N’oublions pas les autres avancées que nous proposons, notamment dans le cadre de la réforme des retraites, telle une meilleure comptabilisation des « petits » temps partiels pour ce qui est de la validation des trimestres.

Sachez que nous sommes très vigilants et que nous veillons à l’application, notamment par les branches, des dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Je ferai, pour ma part, un bilan de la mise en œuvre de la loi précitée dans le courant du premier semestre 2014. Nous verrons à ce moment-là s’il y a lieu de compléter notre action en matière de lutte contre le temps partiel.

Pour l’instant, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Je vous remercie de toutes ces explications, madame la ministre, mais, comme l’ensemble des membres de mon groupe, je reste très soucieuse.

Nous n’avons pas la même lecture que vous de l’ANI. À cet égard, notre vote ne vous aura pas échappé. Nous restons aussi particulièrement vigilants sur la question du temps partiel, majoritairement subi, qui pose de graves problèmes. De ce point de vue, l’ANI ne nous a pas semblé protecteur ; au contraire, il vise, selon nous, à accentuer la flexibilité.

Par conséquent, notre amendement a pour objet d’introduire une mesure de protection, qu’il nous semble important de vous soumettre de nouveau, car nous l’avions déjà votée il n’y a pas si longtemps. Malgré certaines modifications, nos craintes ne sont absolument pas levées.

Malheureusement, les femmes se trouvent aujourd’hui dans une situation de grande précarité du point de vue du temps partiel.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. La question du temps partiel, qui est souvent subi pour les femmes, est un sujet central, et nous nous devons de lutter contre la précarisation que cette forme de travail entraîne pour beaucoup de femmes.

L’article de l’ANI traitant de ce point a été largement discuté lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, des améliorations ont été apportées au texte initial : un nombre d’heures de travail plancher, la reconnaissance de la première heure supplémentaire par rapport au temps partiel initialement défini. Pour autant, il existe un certain nombre de dérogations.

Par ailleurs, je vous remercie de nous avoir indiqué que vous produirez un rapport au cours du premier semestre 2014 concernant la loi relative à la sécurisation de l’emploi. M. le ministre du travail s’est engagé, quant à lui, à remettre un rapport détaillé sur les conséquences de l’application de l’article 12 de ce texte.

À mon sens, le débat reste ouvert. Nous nous sommes collectivement demandé si les dispositions issues de la négociation sociale concernant l’encadrement du temps partiel subi étaient suffisantes. Pour l’heure, faisons confiance au travail des partenaires sociaux, attendons avec impatience les rapports qui nous sont promis et soyons ouverts à des propositions qui pourraient, notamment, conduire à encadrer ces temps partiels subis.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Certes, l’article de l’ANI relatif au travail à temps partiel pose la règle des vingt-quatre heures, mais il fixe également un grand nombre de dérogations, tant du point de vue des horaires que pour ce qui concerne la rémunération de la première heure complémentaire. Ainsi, si un accord est conclu avec un temps hebdomadaire de travail inférieur à vingt-quatre heures, il n’y aura pas de financement dès la première heure !

Au cours des débats que nous avons consacrés à cet article, chacun de nos amendements a reçu la même réponse : « Nous étudierons cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes. » Aujourd’hui, nous y sommes ! Nous étudions ce texte ! Il nous semble donc important de revenir sur ces propositions que nous avons déjà formulées au mois de janvier.

Mme Annie David. Les arguments que le Gouvernement nous oppose ne sont clairement pas satisfaisants, quand on connaît le sort des salariés subissant des temps partiels au sein des entreprises.

Madame la ministre, vous connaissez cette situation, comme nous tous dans cet hémicycle ! Il est grand temps que le Gouvernement dise « stop ! ». Il faut que cela cesse. Il faut que les femmes subissant un temps partiel obtiennent une reconnaissance particulière.

Il y a quelques instants, nous avons mentionné d’autres mesures, qui n’ont pas non plus été acceptées. Sur ce sujet, nous évoquons somme toute une pénalisation des entreprises qui auraient recours à un trop grand nombre de temps partiels. À un moment ou un autre, il faudra prendre des mesures. Nous souhaitons que le Gouvernement agisse dès à présent. Il ne faut pas que ce sujet soit encore reporté à d’autres négociations.

Je le répète, chaque fois que nous soulevons ces questions en séance publique, on nous répond que les mesures demandées seront adoptées lors de l’examen d’un prochain texte. Or le texte en question arrive en discussion, et nos propositions sont également repoussées. Les femmes qui, au sein des entreprises, subissent un temps partiel, qui plus est dans des conditions déplorables, doivent enfin être entendues. Pour notre part, nous essayons de faire entendre leur voix.

Nous attendons avec impatience le bilan que vous nous promettez pour le premier semestre 2014, mais nous regrettons de n’avoir pas obtenu gain de cause ce soir. Je le répète, l’article en cause de l’ANI ne résout en rien ces problèmes. Nous tous avons été soumis à une pression extraordinaire de la part d’une fédération d’employeurs, vous le savez bien. Ainsi, au fur et à mesure que l’accord national interprofessionnel avançait, nombre de dérogations ont été apportées pour permettre que, dans le changement, rien ne change. Pis, les heures complémentaires effectuées par ces salariés à temps partiel risquent de ne plus être seulement rémunérées !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5
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Article additionnel après l’article 5 bis

Article 5 bis (nouveau)

À l’article L. 1132-1 du code du travail, après les mots : « de sa situation de famille ou de sa grossesse », sont insérés les mots : « de l’utilisation de ses droits en matière de parentalité, ». – (Adopté.)

Article 5 bis (nouveau)
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Article 5 ter (nouveau)

Article additionnel après l’article 5 bis

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est supprimé.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit, par cet amendement, de revenir sur une mesure adoptée en 2008 qui remet en cause le principe de mixité à l’école en permettant des dérogations à ce dernier.

Depuis le début de cette après-midi, nous sommes revenus à de multiples reprises sur l’importance de l’école en général et, en particulier, sur celle de la lutte contre les discriminations et les stéréotypes, susceptibles de naître dès le plus jeune âge. Nous souscrivons à ce constat, et il ne nous semble nullement justifié de prévoir l’organisation d’enseignements non mixtes dans le cadre de l’éducation nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission s’est longuement interrogée sur l’objet de l’article visé par cet amendement de suppression, au sein de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire.

Dans le court laps de temps qui lui était imparti pour examiner le présent amendement, la commission n’a pas pu déterminer l’origine ou la justification de cette dérogation à la mixité de l’enseignement. Ainsi, sous réserve de l’avis et de l’expertise du Gouvernement, elle émet un avis favorable sur cet amendement, dans la mesure où nous n’avons pas compris à quoi pouvait servir la disposition en cause !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Cukierman, la loi du 27 mai 2008 a opéré la transposition d’une directive de 2004, mais elle l’a assurée a minima. En effet, ce texte n’exclut pas tout le champ de l’éducation du principe de non-discrimination en raison du sexe. Il se contente d’autoriser l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.

Il ne s’agit en aucun cas d’affirmer que l’ensemble des enseignements pourraient ainsi être organisés : de fait, une telle disposition reviendrait à remettre en cause un principe auquel nous sommes, comme vous, extrêmement attachés. La mixité reste évidemment la règle fondamentale. Elle est du reste consacrée par un certain nombre de textes que vous connaissez aussi bien que moi.

La possibilité ouverte par la loi du 27 mai 2008 est très limitée. Elle permet simplement de ne pas faire obstacle aux démarches expérimentales conduites ici ou là en vue de renforcer l’égalité entre les filles et les garçons en aménageant des moments de non-mixité, notamment pour libérer la parole des uns ou des autres.

Aussi, je ne suis pas favorable à cet amendement de suppression,…

Mme Annie David. C’est incroyable !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … car je ne perçois pas, dans la disposition en question, de risque d’une remise en cause du principe de mixité de l’éducation.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Je souligne à ce propos que, depuis quelques mois, le Gouvernement mène précisément une action d’ampleur pour garantir la mise en œuvre réelle de la mixité au sein de l’éducation nationale. Il s’agit notamment d’assurer l’égalité entre les filles et les garçons, objectif réaffirmé à travers la nouvelle convention interministérielle pour l’égalité que j’ai signée avec quatre autres ministres au mois de février dernier.

Par ailleurs, la mixité réelle passe par l’égalité réaffirmée dans la formation des enseignants, telle qu’elle a été réintroduite dans la loi portant refondation de l’école de la République. C’est encore le principe réitéré par les expérimentations dites « ABCD de l’égalité », que nous mettons en œuvre dans 600 classes, auprès des jeunes enfants, en cette rentrée 2013.

M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.

Madame la ministre, j’ai bien entendu vos propos. Il n’y a pas de faux procès, ni sur ce sujet ni sur aucun autre ! Toutefois, la loi du 27 mai 2008 me semble très précise : il y est question d’« enseignement ». De plus, les dispositions que vous évoquez ne sont pas incompatibles avec l’affirmation de la mixité dans l’enseignement.

Parlons de cas concrets : en classe de quatrième, l’enseignement des sciences de la vie et de la terre est mixte. Mais ce principe n’empêche pas l’enseignant, au titre de sa liberté pédagogique de mise en œuvre de l’enseignement, de constituer, à un moment ou à un autre, des groupes de travail selon différents critères, au rang desquels figure le sexe. Ce n’est pas là une remise en cause de l’enseignement en tant que tel, dans son principe de mixité.

Aujourd’hui, dans presque tous les lieux d’enseignement, les professeurs font ponctuellement le choix d’organiser des groupes séparés, pour libérer la parole ou approfondir des sujets susceptibles d’atteindre la sensibilité des jeunes en développement. Cette solution est autorisée, et ce n’est pas cette dérogation qui, aujourd’hui, le permet.

Je n’ouvrirai pas ici le débat relatif à la charte de la laïcité. Toutefois, en cette période de rentrée, il me semble nécessaire de réaffirmer, à travers le présent projet de loi, que l’enseignement doit se fonder sur le principe de mixité, qui est celui de la confrontation, de l’échange et de l’enrichissement avec l’autre, pour permettre à l’élève de mieux se construire soi-même. Cela étant, au titre de la liberté pédagogique, l’enseignant peut bien sûr organiser des travaux en demi-groupe, sous le contrôle de l’inspecteur pédagogique.

Il faut véritablement nuancer cette question : il ne s’agit pas de défendre une mixité exclusive. Des temps précis et circonscrits peuvent être dédiés à des groupes non mixtes. Mais l’enseignement en tant que tel doit être mixte tout au long de l’année, pour tenir compte des exigences des programmes.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Virginie Klès, rapporteur. À titre personnel, et contrairement à Mme Cukierman, j’ai été convaincue par les explications de Mme la ministre. En effet, il me semble que l’organisation de tels enseignements est limitée à des moments bien précis. Il ne s’agit donc pas de modifier l’enseignement d’une discipline dans son ensemble. Qui plus est, c’est là une possibilité et non une obligation. L’objectif est simplement le suivant : si de tels moments sont organisés, on ne pourra pas accuser l’enseignant de discrimination en fonction du sexe.

Telle qu’elle est formulée, et compte tenu des explications de Mme la ministre, la disposition en cause me semble pouvoir demeurer en l’état dans le droit français. De surcroît, le long débat que l’on vient de consacrer à l’école n’a pas conduit à soulever cette question. Si celle-ci constituait un réel problème, sans doute aurait-elle été évoquée à cette occasion !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il y a un principe de mixité !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 5 bis
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Articles additionnels après l’article 5 ter (début)

Article 5 ter (nouveau)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l’article L. 2323-47, après les mots : « de conditions de travail, » sont insérés les mots : « de sécurité et de santé au travail, » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 2323-57, après les mots : « de conditions de travail, » sont insérés les mots : « de sécurité et de santé au travail, ». – (Adopté.)

Article 5 ter (nouveau)
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Articles additionnels après l’article 5 ter (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 5 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er juillet 2013, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d'impôt prévues par le code général des impôts. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. En présentant un précédent amendement relatif aux marchés publics, nous avons défendu l’idée selon laquelle la mobilisation des deniers publics en direction des entreprises privées devait être conditionnée à un certain nombre de critères, notamment sociaux.

Nous sommes convaincus que, pour être réduites, les inégalités salariales doivent figurer au nombre des critères retenus pour conditionner les subventions publiques sous toutes leurs formes, y compris lorsque celles-ci sont attribuées au titre d’exonérations de cotisations sociales. Ces dispositions coûtent particulièrement cher à la sécurité sociale et conduisent mécaniquement à une réduction du champ d’intervention de la solidarité nationale.

De même, l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes appauvrit notre système de protection sociale, dans la mesure où les cotisations sociales sont précisément assises sur les salaires. Il ressort de cette situation que les employeurs discriminant les femmes en leur imposant des salaires inférieurs à ceux des hommes portent doublement atteinte à notre pacte social.

À l’heure où certains voudraient imposer d’importants reculs sociaux en matière de retraite en raison d’une insuffisance de financement, d’autres pistes nous paraissent possibles. Celle que nous proposons via cet amendement – à savoir la suppression des exonérations de cotisations sociales consenties aux entreprises tant que ces dernières ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes – nous semble constituer un vecteur efficace pour lutter contre les inégalités salariales et assurer un meilleur financement de notre protection sociale.

Nous sommes nombreuses et nombreux à défendre cette position. Ainsi, une note de la Caisse nationale d’assurance vieillesse a mis au jour, en 2010, les importants surcroîts de ressources dont pourrait bénéficier la branche retraite si les entreprises non couvertes par un accord d’égalité salariale se voyaient départies de cet avantage social indûment distribué.

Du reste, convaincus de l’opportunité de cette mesure, nous avons, sur l’initiative de notre collègue Claire-Lise Campion, adopté la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, dont l’article 1er rappelle cette évidence.

Dans la mesure où les inégalités salariales subsistent, la mise en œuvre rapide de cette mesure paraît plus que légitime.

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Teulade, Mmes Meunier et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mme Lepage, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz, Rossignol et Campion, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 5 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2015, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d'impôt prévues par le code général des impôts. »

La parole est à M. René Teulade.

M. René Teulade. En matière d’égalité professionnelle et en particulier salariale, force est de constater que pas moins de cinq lois, en moins de cinquante ans, ont affirmé le principe cardinal d’égalité de rémunération.

Afin d’assurer son entière application, de nombreux dispositifs ont été créés, tels que le rapport de situation comparée instauré par la grande loi Roudy de 1983.

Malheureusement, au regard de la situation actuelle, le constat est sans appel : l’égalité salariale demeure davantage un mythe qu’une réalité. En effet, en moyenne et tout emploi confondu, les femmes perçoivent une rémunération inférieure de 27 % à celle des hommes. De manière mécanique, il en résulte que le montant de leurs droits directs à pension de retraite est quasiment inférieur de moitié – 42 % – à celui des hommes, les femmes validant moins souvent des carrières complètes.

L’arsenal juridique en vigueur paraît insuffisant, dans la mesure où il se révèle trop peu dissuasif pour les entreprises.

Le présent amendement vise à rompre avec cette logique et à prévoir que toute entreprise qui ne sera pas couverte par un accord relatif à l’égalité salariale d’ici au 1er janvier 2015 ne pourra bénéficier ni des réductions de cotisations sur les bas salaires ni de réductions d’impôt.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements tendent à supprimer les allègements de charges sociales et les réductions d’impôt pour les entreprises non couvertes par un accord sur l’égalité salariale. Comme cela a été rappelé, c’est une proposition que nous avons votée dans cette enceinte en 2012.

L’amendement n° 54 rectifié arrête l’entrée en vigueur de la mesure au 1er juillet 2013…

Mme Annie David. Madame la rapporteur pour avis, me permettez-vous de vous interrompre ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je vous en prie, ma chère collègue.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, avec l’autorisation de l’orateur.

Mme Annie David. Je souhaite rectifier cet amendement et remplacer la date du 1er juillet 2013 par celle du 1er juillet 2014.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 54 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Après l'article 5 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er juillet 2014, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d'impôt prévues par le code général des impôts. »

Veuillez poursuivre, madame la rapporteur pour avis.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Quoi qu’il en soit, l’amendement n° 84 rectifié fixe l’entrée en vigueur de la mesure proposée au 1er janvier 2015, date qui a la préférence de la commission des affaires sociales. C’est pourquoi elle émet un avis favorable sur cet amendement. Par voie de conséquence, elle vous demande, madame David, de bien vouloir retirer l’amendement n° 54 rectifié bis, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ces deux amendements tendent à sanctionner les entreprises non couvertes par un accord résultant de la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes en leur supprimant les allègements de charges.

En l’état actuel du droit, ces propositions reviendraient à introduire une deuxième sanction pour une seule et même faute et le Gouvernement ne saurait y souscrire pour trois raisons.

Premièrement, nous sommes parvenus à un équilibre avec les partenaires sociaux pour rendre effective dans l’entreprise la négociation sur l’égalité professionnelle, équilibre que je ne veux pas bouleverser. Ne revenons pas sur cet accord majoritaire. Comme je vous l’indiquais, nous ferons le point chaque semestre sur ses effets.

Deuxièmement, la suppression automatique des allègements de charge poserait un problème constitutionnel de proportionnalité des peines, puisqu’une telle sanction créerait une double peine.

Troisièmement, les codes du travail et de la sécurité sociale fournissent déjà les moyens juridiques de faire jouer le dispositif de conditionnalité des allègements de charges prévu en 2008. Telle n’était pas l’interprétation retenue par le gouvernement précédent, notamment en 2011, mais, je le répète, le droit strict nous offre cette possibilité.

Au final, si le dispositif que nous vous proposons d’inscrire dans la loi en application de l’accord conclu entre partenaires sociaux le 19 juin dernier ne suffit pas au terme d’un bilan, nous envisagerons alors des mesures complémentaires qui pourraient conduire à remettre sur la table la conditionnalité des allégements des charges.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, madame David, monsieur Teulade, à retirer vos amendements, sans quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Nous abordons un point très important du texte. Comme l’ont rappelé tant René Teulade que Mme la rapporteur pour avis, le Sénat avait adopté des dispositions analogues en 2012 à une très large majorité. Or il n’est pas coutume dans notre assemblée de faire marche arrière.

J’ai écouté vos arguments, madame la ministre, mais je voudrais pousser plus avant la clarification.

Tout d’abord, je ne vous suivrai pas lorsque vous évoquez une éventuelle inconstitutionnalité.

Par ailleurs, vous parlez d’une double sanction. Or vous reconnaissez vous-même que la conditionnalité existe déjà en droit : il est donc d’ores et déjà possible de soumettre l’attribution d’un certain nombre d’avantages fiscaux à des conditions – d’où le terme même de « conditionnalité » que vous avez employé. Il y a en l’espèce non pas invention d’une nouvelle sanction, mais tout simplement rappel de cette conditionnalité.

De plus, le texte proposé issu de la négociation nous paraît insuffisamment précis, voire quelque peu dilatoire, raison pour laquelle l’amendement déposé par mon groupe retient la date du 1er janvier 2015.

Si vous voulez que le groupe socialiste révise sa position, il faudrait que vous nous apportiez des assurances sur le processus conduisant à la conclusion des accords.

C’est bien d’engager un accord, mais s’il n’aboutit jamais, les problèmes restent sans solution. Bref, madame la ministre, comment pensez-vous faire évoluer la négociation en cours de façon que les accords soient véritablement signés par des entreprises qui, jusqu’à présent, n’ont pas fait montre d’un très grand empressement ?

Certes, l’amendement n° 176, que vous avez soutenu et qui a été adopté, a amélioré le présent texte et permis de clarifier le lien entre les accords salariaux et ceux qui ont trait à l’égalité.

Mais, comme cela a d’ailleurs été également relevé tout à l’heure à propos des emplois à temps partiel, les dispositions en cause semblent renvoyées à plus tard avec une certaine incertitude.

Je le rappelle, c’est à une très large majorité que cet amendement n° 84 rectifié a été adopté par notre groupe, qui s’est appuyé sur le vote de 2012. Par conséquent, il est essentiel pour nous d’obtenir de votre part des assurances sur la question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Tasca, je comprends vos exigences sur ce sujet, car il est vrai que les entreprises n’ont que trop tardé à respecter leurs obligations.

Voici comment nous comptons procéder. D’abord, nous avons enfin rendu effectifs le contrôle du respect par les entreprises de leurs obligations et, par voie de conséquence, les sanctions qu’elles encourent. Plus de quatre cents d’entre elles ont d’ores et déjà été mises en demeure depuis la mise en place de cette nouvelle procédure de contrôle au mois de janvier dernier et quatre ont été sanctionnées. On constate donc une montée en puissance du mécanisme.

En outre, la transposition des dispositions de l’accord entre partenaires sociaux du 19 juin dernier conduit à une simplification des négociations au sein des entreprises.

Nous sommes prêts à prendre des mesures supplémentaires si ces deux dispositions recueillaient des résultats insatisfaisants. Chaque semestre, nous faisons le point après avoir obtenu de la part de certaines entreprises communication de leurs plans ou de leurs accords. Nous aviserons si nous estimons que notre action n’est pas suffisante. En l’état actuel des choses, je vous propose de nous en tenir là.

Je tiens enfin à apporter une précision. Faire jouer la conditionnalité prévue par le code de la sécurité sociale et supprimer l’exonération des charges, les fameuses « exonérations Fillon », sont deux choses différentes qu’il convient de bien distinguer. Je vous demande de nouveau, madame Tasca, monsieur Teulade, de bien vouloir retirer vos amendements pour éviter toute peine disproportionnée

M. le président. Madame David, l’amendement n° 54 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Annie David. Monsieur le président, nous nous rallions à la date proposée par le groupe socialiste. En effet, les négociations doivent durer un certain temps. Nous allons donc rectifier notre amendement pour prévoir le 1er janvier 2015, au lieu du 1er janvier 2014.

La référence à un accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes est très importante, car, aujourd’hui, tel que le droit est rédigé, l’entreprise a la possibilité de mettre en place un plan d’action unilatéral qui sera de fait pris en compte, même s’il ne donne pas satisfaction aux organisations syndicales de l’entreprise.

Pour nous, l’important n’est pas tant que des négociations soient ouvertes, si elles doivent se conclure par un plan d’action unilatéral de l’entreprise, car ce n’est pas notre conception du dialogue social. Ces discussions doivent aboutir à un véritable accord relatif à l’égalité salariale des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Aussi, nous maintenons notre amendement et nous le rectifions pour retenir la date du 1er janvier 2015.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 54 rectifié ter.

Cet amendement est désormais identique à l’amendement proposé par le groupe socialiste.

Monsieur Teulade, l’amendement n° 84 rectifié est-il maintenu ?

M. René Teulade. La réponse que vient de nous faire Mme la ministre nous a apporté tout de même quelques satisfactions, mais, concrètement, nous ne voulons pas être victimes de délais trop longs. Je l’ai dit, cinq lois ont été votées !

Hélas, nous le savons trop bien, de nombreuses lois ne reçoivent pas de décrets d’application, ce qui n’est pas très brillant pour notre démocratie. À mon sens, nous ne devrions même pas avoir besoin d’évoquer ce problème de cette façon dans notre assemblée, car l’application de cette loi devrait se faire de manière naturelle.

Madame la ministre, vous nous avez donné des certitudes. J’espère que les partenaires sociaux, à qui nous nous adresserons également, seront très vigilants, car il nous faut absolument des résultats très concrets.

Comme nous ne voulons pas créer des difficultés supplémentaires, nous retirons bien sûr notre amendement. Mais croyez-moi : plus que jamais, nous serons très attentifs et nous ferons les déclarations nécessaires si les mesures attendues n’interviennent pas rapidement.

M. le président. L’amendement n° 84 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié ter.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 340 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 36
Contre 308

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels après l’article 5 ter (début)
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Discussion générale

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 septembre 2013, à quatorze heures trente et le soir :

1. Éloge funèbre de Jean-Louis Lorrain.

2. Suite du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ;

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 807, 2012–2013) ;

Rapport d’information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 788, 2012–2013) ;

Texte de la commission (n° 808, 2012–2013) ;

Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 794, 2012–2013) ;

Avis de Mme Maryvonne Blondin, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 831, 2012–2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 17 septembre 2013, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART