M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. J’ignore si je parviendrai à consoler notre collègue André Reichardt, mais je lui rappelle néanmoins que les entreprises de moins de cinquante salariés qui sont condamnées pénalement pour ne pas avoir respecté la réglementation du travail en matière d’égalité entre les hommes et les femmes le sont non pas parce qu’elles ne sont pas parvenues à un accord, mais parce qu’elles n’ont même pas engagé des négociations. Cela dénote, me semble-t-il, une mauvaise volonté évidente de leur part et, par conséquent, il ne me paraît pas anormal qu’elles soient sanctionnées.
S’agissant de l’amendement n° 4 rectifié, qui vise à substituer, comme motif d’interdiction de soumissionner les marchés publics, l’absence de déclaration sur l’honneur au défaut de mise en œuvre de l’obligation de négociation, je m’en tiens à mon raisonnement précédent sur la nécessité d’aller plus loin en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 50, présenté par Mme Cohen, qui, lui, fait pencher un peu trop le fléau du côté de la sanction, ce qui nous paraît déséquilibré.
Enfin, j’en viens à l’amendement n° 51. L’ouverture de négociations sur les salaires et la durée du travail est une obligation annuelle pour les entreprises et ces négociations contribuent à l’égalité entre les hommes et les femmes, même si elles n’y sont pas directement liées. Pour cette raison, il nous semble important qu’elles soient entamées. Dès lors que cet amendement n’a pas pour objet de créer une nouvelle obligation pour les entreprises, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur Reichardt, tout a été dit sur votre amendement n° 4 rectifié. Le dispositif que nous mettons en place n’a aucune vocation punitive. Simplement, conformément au principe de la liberté d’accéder à la commande publique, nous voulons nous assurer que ne se porte pas candidat quelqu’un ou une entreprise qui se serait placé sous l’effet d’une interdiction de soumissionner. Notre objectif est de faire respecter la loi et le droit en vigueur.
En outre, la mesure de souplesse que vous proposez d’introduire au stade de la candidature est déjà une réalité puisque, je le rappelle, les candidats à un marché devront fournir une attestation sur l’honneur justifiant qu’ils n’entrent dans aucun des cas d’interdiction de soumissionner énumérés à l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005. Mais vous allez bien plus loin puisque vous proposez que cette attestation soit à la fois générale et imprécise. Pour notre part, nous voulons au contraire que le document en question soit précis et que les interdictions de soumissionner prévues par le présent projet de loi soient soumises au même formalisme – sans plus ni moins de complexité – que les autres motifs d’interdiction.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Madame Cohen, comme Mme la rapporteur, j’estime qu’il ne faudrait pas que les interdictions de soumissionner portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle. Or la mesure que vous proposez fait courir ce risque, me semble-t-il. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 50.
Enfin, après avoir entendu l’avis de Mme la rapporteur sur votre amendement n° 51, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président je retire l’amendement n° 50 au profit de l’amendement n° 51.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 51.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2242-5-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d'au moins vingt salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale et professionnelle mentionné à l'article L. 2242-5. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord sont fixées par décret.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 5 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par l'accord mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, en fonction des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction de l’article L. 2242-5-1 du code du travail, de telle sorte, d’une part, que soit significativement augmentée la pénalité due lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes et, d’autre part, que soit supprimée la référence aux efforts effectués par l’entreprise en matière d’égalité salariale dans la prise de décision de l’autorité administrative.
En effet, dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit une pénalité financière correspondant au maximum à 1 % des rémunérations versées aux travailleurs au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou par un plan d’action.
Au regard du nombre – très faible – d’accords conclus et du nombre – également très faible – de sanctions prononcées, force est de constater que la sanction financière n’est pas suffisante pour inciter les employeurs à enfin respecter la loi. Cela dit, madame la ministre, je vous ai entendue tout à l’heure nous expliquer que depuis que ces sanctions existent, de plus en plus d’accords sont signés ; c’est tant mieux, car cela va dans le bon sens.
Qui plus est, la faculté offerte à l’employeur de ne pas entamer de négociation s’il met en œuvre de manière unilatérale un plan d’action constitue une incitation à contourner le dialogue social et donne l’impression que les pouvoirs publics peuvent se satisfaire de demi-mesures.
Pourtant, lorsque l’on observe les inégalités salariales dont les femmes sont victimes, on ne peut se satisfaire de mesures tièdes. Aussi nous devons impérativement agir de manière plus résolue, et ce dans un seul objectif : que le quotidien des salariées change enfin !
C’est pourquoi nous proposons de porter la pénalité financière de 1 % à 5 %. Je vous signale, mes chers collègues, que ces 5 % représentent un maximum et qu’il appartiendra à l’autorité administrative et aux inspecteurs du travail de fixer le seuil, qui sera compris, si notre proposition est retenue, dans une fourchette allant de 1 % – taux maximal à ce jour – à 5 %.
Par ailleurs, nous proposons de supprimer la référence aux efforts en matière d’égalité professionnelle constatés par l’autorité administrative ; nous voulons que celle-ci apprécie réellement, le cas échéant, les raisons pour lesquelles aucune négociation n’a été ouverte en matière d’égalité salariale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à élargir aux entreprises d’au moins vingt salariés l’obligation de négocier sur l’égalité professionnelle et à augmenter le montant des pénalités dues par celles qui se trouveraient en infraction. C’est aller très loin et je ne pense pas que l’examen du présent projet de loi soit le moment adéquat pour traiter du problème complexe et délicat du dialogue social, que nous appelons tous de nos vœux, dans les petites entreprises.
La commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir rappelé que le Gouvernement entend désormais rendre effectifs les contrôles auxquels sont soumises les entreprises en vue de leur faire respecter leurs obligations. J’observe avec une grande vigilance la montée en puissance de ce mécanisme de contrôle et de sanctions. Néanmoins, il faut éviter de le décrédibiliser en le rendant trop dur, au risque de provoquer de nouveau un sentiment d’impunité dans les entreprises.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Après avoir entendu les arguments et de Mme la rapporteur pour avis et de Mme la ministre, je serais tentée de retirer mon amendement. Il est exact qu’il serait dommage d’introduire une disposition dont les effets pourraient s’avérer contreproductifs, alors même que le mécanisme en vigueur à ce jour commence à prendre effet.
Néanmoins, je le répète, ce taux maximal de 1 % nous paraît bien faible. En outre, l’employeur peut, de façon unilatérale, décider de mettre en œuvre un plan d’action, ce qui est une manière tout à fait inélégante de contourner le dialogue social : c’est avec les partenaires sociaux qu’un accord doit être trouvé. Et si un employeur décide d’agir unilatéralement, on peut imaginer que c’est parce qu’il n’a pas trouvé d’accord avec ces derniers. De fait, la mesure que nous proposons permettrait sans doute d’inciter davantage à ce dialogue social en l’absence d’accord avec les partenaires sociaux.
C’est l’autorité administrative qui décide de prononcer ou non une sanction. Or, à ce jour, même en l’absence d’accord ou d’ouverture de négociations, elle peut décider de ne pas sanctionner à la condition que l’entreprise ait fait des efforts dans ce sens. Qui mesure ses efforts ? Selon quels critères ? Je trouve que bien des dispositions prévues à cet article ne vont pas véritablement dans le sens du dialogue social et dans celui d’un véritable accord sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes dans les entreprises. C’est pour cette raison aussi que nous avons déposé le présent amendement, pour rappeler la position que nous avions défendue lors de l’examen de cet article en commission et notre opposition à l’idée que l’entreprise pourrait décider seule de ce qui est bon ou non dans cet accord sur l’égalité salariale.
Toujours est-il que je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.
Article 4
I. – Le III de l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est complété par trois alinéas et un 5° ainsi rédigés :
« La collaboratrice libérale en état de grossesse médicalement constaté a le droit de suspendre sa collaboration pendant au moins seize semaines à l’occasion de l’accouchement. À compter de la déclaration de grossesse et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu unilatéralement sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressée, non lié à l’état de grossesse.
« Le collaborateur libéral a le droit de suspendre sa collaboration pendant onze jours consécutifs suivant la naissance de l’enfant, durée portée à dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. À compter de l’annonce par le collaborateur libéral de son intention de suspendre son contrat de collaboration après la naissance de l’enfant et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu unilatéralement, sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé, non lié à la paternité.
« Le collaborateur ou la collaboratrice a le droit de suspendre sa collaboration pendant une durée de dix semaines à dater de l’arrivée de l’enfant au foyer lorsque l’autorité administrative ou tout organisme désigné par voie réglementaire lui confie un enfant en vue de son adoption. À compter de l’annonce par le collaborateur ou la collaboratrice de son intention de suspendre son contrat de collaboration et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration unilatérale ne peut être rompu unilatéralement, sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé, non lié à l’adoption ;
« 5° Les modalités de sa suspension afin de permettre au collaborateur de bénéficier des indemnisations prévues par la législation de la sécurité sociale en matière d’assurance maladie, de maternité, de congé d’adoption et de congé de paternité et d’accueil de l’enfant.
II. – Le I de l’article 5 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est complété par les mots : « ou régie par un contrat de collaboration libérale. »
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mmes Ango Ela, Benbassa, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2, 3, et 4, dernières phrases
Remplacer le mot :
huit
par le mot :
seize
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de porter de huit à seize semaines la période de protection contre les ruptures de contrat des collaboratrices libérales à l’issue de leur congé de maternité, des collaborateurs libéraux au terme de leur congé de paternité, et des collaboratrices et collaborateurs à l’issue de leur congé d’adoption.
Il reprend, en réalité, l’une des revendications de l’Union des jeunes avocats de Paris, qui, dès le mois de novembre 2012, recensait les témoignages de collaboratrices privées d’emploi à leur retour de congé de maternité et sollicitait l’instauration d’une période de protection de seize semaines.
Enfin, l’observatoire de l’égalité du barreau de Paris a également relevé que les femmes quittent deux fois plus la profession que les hommes dans les dix ans qui suivent l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, période qui coïncide avec la naissance de leurs enfants.
Avec l’adoption de cet amendement, les collaboratrices et collaborateurs pourront disposer, à leur retour de congé de maternité, de paternité ou d’adoption, du temps nécessaire pour reprendre leur activité professionnelle en démontrant que leur parentalité n’a en rien affecté leurs capacités professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement s’éloigne trop du droit commun et constitue une remise en cause du dispositif tel qu’il a été discuté et négocié préalablement avec les professions concernées.
Par conséquent, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Benbassa, l’article 4 du projet de loi représente un véritable progrès social pour les collaboratrices et les collaborateurs libéraux. En effet, ceux-ci n’étaient pas protégés jusque-là, alors qu’ils souhaitaient assumer leur rôle de parent et bénéficier des congés prévus. J’ai mené une concertation assez large avec les représentants des professionnels libéraux et ceux des collaboratrices et collaborateurs. Nous avons trouvé un point d’équilibre avec cette période de protection de huit semaines contre les ruptures de contrat. Ce délai me paraît suffisant, et je ne souhaite pas remettre en cause cet accord.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Esther Benbassa. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 131 est retiré.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
À titre expérimental, la convention ou l’accord collectif prévu à l’article L. 3152-1 du code du travail peut autoriser le salarié à utiliser une partie des droits affectés sur le compte épargne-temps institué en application du même article pour financer l’une des prestations de service prévues à l’article L. 1271-1 du même code au moyen d’un chèque emploi-service universel.
Un décret définit les modalités de mise en œuvre du présent article et les conditions dans lesquelles cette expérimentation est évaluée. L’expérimentation est d’une durée de deux ans à compter de la publication de ce décret, et au plus tard à compter du 1er juillet 2014.
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je le dis en préalable : je maintiendrai cet amendement.
Si nous avons voté jusqu’à présent les différents articles du présent texte, en dépit des approches sensiblement différentes que l’examen des amendements a pu révéler, en revanche, nous ne partageons pas du tout la philosophie de l’article 5, qui autorise les salariés à transformer les droits acquis sur leur compte épargne-temps en chèques emploi-service universels, afin de financer des gardes d’enfant et/ou des heures de ménage.
Cette position ne choquera pas ici, puisque nous n’avons jamais été favorables au compte épargne-temps, qui permet aux salariés d’accumuler des droits à congés rémunérés ou de bénéficier d’une rémunération contre le renoncement aux congés.
En tout cas, il nous semble non seulement surprenant, mais aussi contraire aux ambitions que les uns et les autres avons détaillées depuis le début de l’après-midi et au principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, de demander aux femmes, dont nous constatons qu’elles éprouvent des difficultés à assumer leur double journée, à savoir conjuguer une activité professionnelle avec les obligations de leur vie privée, de mettre entre parenthèses les congés auxquels elles ont droit ou de travailler plus pour dégager l’argent nécessaire pour payer leur double journée. De surcroît, le système proposé ne les libère en rien de leurs contraintes.
Par ailleurs, que ce soit au sein du couple ou, plus généralement, dans la société, l’article 5 ne permet absolument pas de résoudre la question, bien réelle, de l’équilibre des temps et du partage des tâches, pas plus que celle de l’évolution des mentalités. Il revient seulement à mettre un pansement sur ces maux…
Comme nous l’avons déjà dit, à l’instar d’autres groupes, d’autres solutions existent pour lutter contre la précarité, les inégalités salariales et les stéréotypes qui conditionnent les femmes dans certaines tâches et en excluent les hommes, et pour favoriser un véritable partage des tâches.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 5 ; à défaut, nous voterons bien évidemment contre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Cukierman, je ne partage pas la description que vous avez faite du dispositif, qui a pour objet – je vous le précise de nouveau afin que nous parlions bien de la même chose – de faire en sorte que les entreprises s’investissent auprès de leurs salariés dans l’articulation des temps de vie et l’aide à la parentalité.
À cette fin, nous offrons aux salariés la faculté, et non l’obligation,…
Mme Annie David. Heureusement !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … de transformer une partie de leurs jours épargnés dans leur compte-épargne temps en chèques emploi-service universels, dont une partie sera prise en charge par l’entreprise, afin de financer le paiement d’heures de garde de leur enfant en cas de besoin ponctuel, ou tout autre aide à domicile.
Je tiens à le souligner une nouvelle fois, cette mesure sera une option, et jamais une obligation. Elle sera financièrement intéressante pour les salariés. Elle leur permettra d’articuler facilement leurs différents temps de vie. Telle est l’orientation vers laquelle nous voulons entraîner la majorité des entreprises.
Par conséquent, je soutiens absolument ce dispositif. De toute façon, il ne s’agit que d’une expérimentation, dont nous évaluerons les effets ultérieurement.
Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame le ministre, il existe un point de désaccord entre nous.
Mme Annie David. C’est sûr !
Mme Cécile Cukierman. Autoriser une femme comme un homme à effectuer quelques heures supplémentaires ou à renoncer à quelques jours de RTT en vue d’alimenter ce compte épargne-temps ne permet pas de poser réellement la question des temps de vie dans l’entreprise. En réalité, avec cette mesure, on encourage l’entreprise à ne pas poser la question du nombre d’heures de travail, ou encore celle de la répartition des heures de réunion. Or on sait très bien que le public visé, ce sont les cadres.
Certes, l’évaluation nous apportera des éléments de réponse.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Cécile Cukierman. Mais cette proposition risque d’entraver les premières évolutions que l’on constate aujourd’hui dans un certain nombre d’entreprises : celles-ci repensent le travail en leur sein afin que chacun puisse libérer du temps pour soi-même, sa famille ou toute autre personne, ou pour ses loisirs, ses congés.
En tout cas, rendez-vous est pris pour l’évaluation, afin que nous puissions apprécier concrètement les conséquences de la question des temps dans l’entreprise.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-... ainsi rédigé :
« Art. L. 241-... - À compter du 1er janvier 2013, les entreprises de plus de vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % du nombre total de salariés de l'entreprise sont soumises à une majoration de 10 % de cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l'ensemble de leurs salariés. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. D’une manière générale, et malgré un tassement significatif des salaires, un travailleur sur deux est une femme. Ce « travailleur pauvre », pour reprendre une expression de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, est une femme exerçant une activité à temps partiel.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est vrai !
Mme Laurence Cohen. L’étude Femmes et précarité du Conseil économique, social et environnemental, publié au mois de février dernier, met clairement en évidence le fait que le taux de féminisation des emplois à temps partiel avoisine 82 %, des temps partiels qui sont, dois-je le répéter ?, majoritairement subis.
Lutter contre la précarité des femmes passe donc nécessairement par une lutte résolue contre cette forme d’organisation du travail, dont les études prouvent, par ailleurs, qu’elle nuit au respect de principes fondamentaux, comme la conciliation entre la vie personnelle et professionnelle. En revanche, cette forme d’organisation du travail profite aux employeurs dans la mesure où ces derniers bénéficient d’un outil utile de flexibilisation qui leur permet également de cumuler les exonérations de cotisations sociales.
Aussi, afin de réduire cette situation préjudiciable aux salariés comme aux comptes sociaux, nous proposons, par cet amendement qui reprend l’une des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Claire-Lise Campion adoptée par le Sénat, de soumettre les entreprises qui recourent massivement au temps partiel à une majoration de cotisations sociales, afin de réduire le recours à cette forme d’organisation du temps de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à majorer les cotisations sociales dues par les entreprises ayant au moins 25 % de salariés à temps partiel. L’ANI du 11 janvier dernier et la loi relative à la sécurisation de l’emploi qui le transpose encadrent déjà fortement le recours au temps partiel. Attendons d’en voir les effets. C’est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapporteur pour avis, l’accord national interprofessionnel et la loi relative à la sécurisation de l’emploi ont déjà permis de réaliser un certain nombre de progrès en matière de lutte contre le temps partiel, sujet auquel je suis très attachée, car il concerne un tiers des femmes actives aujourd’hui. L’introduction d’une durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires en cas de travail à temps partiel ou encore la majoration de la rémunération des heures complémentaires dès la première heure constituent des avancées importantes.
N’oublions pas les autres avancées que nous proposons, notamment dans le cadre de la réforme des retraites, telle une meilleure comptabilisation des « petits » temps partiels pour ce qui est de la validation des trimestres.
Sachez que nous sommes très vigilants et que nous veillons à l’application, notamment par les branches, des dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Je ferai, pour ma part, un bilan de la mise en œuvre de la loi précitée dans le courant du premier semestre 2014. Nous verrons à ce moment-là s’il y a lieu de compléter notre action en matière de lutte contre le temps partiel.
Pour l’instant, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.