M. le président. L’amendement n° 557, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En ce qui concerne les actions visées au a de l’article L. 423–1, le chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation ne s’applique qu’aux contrats conclus et aux manquements à des obligations légales survenus postérieurement au 1er janvier 2012.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement est pratiquement identique à l’amendement que vient de présenter notre collègue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Ces amendements sont extrêmement restrictifs, parce que les manquements intervenus après la publication de la loi, mais liés à des obligations contractées avant cette publication, ne pourraient pas faire l’objet d’une action de groupe ! Par ailleurs, les manquements aux obligations légales existant antérieurement à la loi ne pourraient pas faire non plus l’objet d’une action de groupe.
En fait, ces deux amendements annihileraient le dispositif d’action de groupe prévu par le projet de loi. Je vous propose donc, mes chers collègues, de les rejeter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est identique à celui du rapporteur.
Je saisis cette occasion pour préciser que nous souhaitons ne pas limiter la portée de la décision et du vote que le Sénat vient d’émettre, après l’Assemblée nationale. En l’occurrence, je le répète, les pratiques anticoncurrentielles sont déjà sanctionnées par l’Autorité de la concurrence et les sociétés concernées peuvent se voir infliger une amende : dès lors que la décision n’est pas définitive, nous considérons que des actions de groupe peuvent être enclenchées dès la publication de la loi, même si les pratiques anticoncurrentielles ont été constatées avant cette publication.
Je ne peux donc pas émettre un avis favorable sur ces deux amendements qui restreignent considérablement la portée de l’action de groupe.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote sur l’amendement n° 533 rectifié bis.
M. Jean-François Husson. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre qui me semblent poser clairement un problème du point de vue de la rétroactivité des textes.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mais non !
M. Jean-François Husson. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas le sentiment d’être restrictif. Puisque nous parlons de droit de la consommation et de droit ouvert à des actions de groupe, notre amendement est juste, équilibré et, je le répète, logique !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 533 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 558 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Retailleau et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Remplacer le mot :
interrompt
par le mot :
suspend
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
L’interruption
par les mots :
La suspension
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. L’interruption de la prescription, qui annule le délai déjà couru, ne semble pas appropriée au cas envisagé. Nous proposons de lui substituer la notion de suspension qui permet de mettre le cours du délai de prescription « entre parenthèses » pendant la durée de la procédure de sanction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. L’alinéa 6 de l’article 2 dispose que l’ouverture d’une procédure devant une autorité de la concurrence interrompt la prescription de l’action civile, c’est-à-dire conduit à « remettre le compteur à zéro ».
Nos collègues du groupe UMP proposent que l’ouverture d’une telle procédure conduise uniquement à suspendre la prescription, c’est-à-dire à mettre le cours du délai de prescription « entre parenthèses ».
À mes yeux, la suspension présente des inconvénients majeurs en termes de computation des délais pour les consommateurs victimes de pratiques anticoncurrentielles. Pour autant, après en avoir débattu, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. La suspension de la prescription ne doit pas être préférée à l’interruption de la prescription, dans la mesure où, à nos yeux, elle présente des inconvénients majeurs de computation des délais pour chacun des consommateurs victimes de pratiques anticoncurrentielles.
En effet, la caractéristique principale de la suspension est qu’elle fait repartir le délai de prescription au moment où il s’est arrêté : ce moment pourra être différent pour chaque consommateur et le risque d’une prescription de l’action civile ne peut totalement être exclu pour certains d’entre eux. Cette computation des délais qui peuvent être différents d’un consommateur à l’autre, en fonction du moment où chacun a connaissance de son préjudice, risque de créer un large contentieux, incompatible avec une action de groupe efficace.
L’interruption de la prescription évite cet écueil en faisant repartir le délai « à zéro », à compter de la décision définitive. Ainsi, à compter de cette date, tous les consommateurs disposent d’un délai de cinq ans pour s’inscrire dans une action de groupe ou mener une action individuelle. Dans ces conditions, leur droit à agir sera véritablement préservé.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 153 rectifié, présenté par MM. Plancade, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après le mot :
extension
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
au domaine de l’environnement.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Cet amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 153 rectifié est retiré.
L’amendement n° 446, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après les mots :
de la santé
insérer les mots :
, financier et bancaire
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Nous avons déjà souhaité élargir l’action de groupe aux domaines de la santé et de l’environnement, sans succès. En revanche, le présent amendement vise à l’élargir au domaine bancaire et financier. J’ai cru comprendre que cette extension était possible et acquise, et je m’en réjouis. Je souhaiterais cependant l’entendre dire une nouvelle fois, ce qui nous permettra de considérer que nous avons obtenu satisfaction.
M. Jean-Jacques Mirassou. Un petit effort !
M. Gérard Le Cam. C’est mieux quand c’est écrit !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. M. le sénateur Gérard Le Cam demande que soit précisé au compte rendu qu’un petit porteur pourra effectivement, s’il se sent spolié par un professionnel, entamer une action de groupe, avec d’autres personnes qui seraient dans une situation similaire, pour remédier à sa spoliation.
Nous ne sommes plus dans le même débat que tout à l’heure, où il s’agissait de défendre de grands instruments financiers. En l’occurrence, des consommateurs sont victimes des agissements d’un professionnel et, dans ce cadre, ils pourraient bénéficier de l’action de groupe.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Parfait !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vais repréciser la position du Gouvernement à l’intention du sénateur Le Cam.
Dès lors qu’un contrat de consommation lie une banque ou un établissement de crédit à un épargnant ou à n’importe quel consommateur – d’ailleurs, au regard des textes européens, l’investisseur, quand il n’agit pas à titre professionnel, est considéré comme un consommateur –, le consommateur aura la possibilité de se retourner contre la banque ou l’établissement financier qui aurait fait preuve d’un manquement à ses obligations légales ou contractuelles. L’action de groupe peut donc parfaitement être déclenchée.
Le champ qui vous préoccupe, monsieur le sénateur, est par conséquent couvert par la rédaction actuelle du texte.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Nous avons dit que le domaine de la santé était exclu de l’action de groupe. J’ai bien entendu les explications de M. le ministre : en suivant son raisonnement, les victimes du Mediator pourraient engager une action de groupe sur la base de ce projet de loi, puisqu’elles ont consommé ce médicament.
Ne peut-on pas préciser dans le texte même de la loi que les domaines financier et bancaire entrent dans le champ de l’action de groupe, puisque nous avons renvoyé à plus tard son extension aux domaines de l’environnement et de la santé ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous renvoyons à plus tard l’extension de l’action de groupe aux domaines de l’environnement et de la santé, dès lors qu’il s’agira d’indemniser le préjudice corporel.
Adoptons un raisonnement par l’absurde – et pardonnez-moi s’il s’agit d’un sujet grave – : dans l’absolu, il est possible de déclencher une action de groupe contre un laboratoire pharmaceutique qui aurait commercialisé un médicament dont les effets se seraient avérés néfastes pour la santé. Il ne faut cependant pas oublier que, dans le cadre de l’action de groupe ouverte aux consommateurs, ceux-ci ne peuvent attendre que la réparation de leur préjudice économique. Objectivement, une victime du Mediator n’attend pas le remboursement de la tablette de médicament, mais la réparation du préjudice de santé qu’elle a subi !
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité exclure les litiges relevant du domaine de la santé, qui seront traités dans le cadre d’une action de groupe spécifique, dédiée à la réparation du préjudice corporel. C’est donc un sujet distinct.
Pour ce qui relève des services financiers et bancaires, ils sont inclus dans le champ de l’action de groupe « consommation » telle que nous la votons aujourd’hui, dès lors qu’un contrat de consommation a été conclu. J’ai évoqué tout à l’heure les placements financiers : les banques et les établissements de crédit sont soumis à des obligations légales et à des obligations contractuelles, ils doivent les respecter ; si tel n’est pas le cas, les consommateurs peuvent se réunir et déclencher une action de groupe.
Je le répète, les domaines financier et bancaire entrent dans le champ de la loi, pour la santé et l’environnement, il faut encore attendre.
M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 446 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Compte tenu de ces explications rassurantes, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 446 est retiré.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le III de l’article 1635 bis Q du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Pour les litiges opposant un particulier à un professionnel. »
II.- La perte de recettes résultant pour le Conseil national des barreaux du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Les membres du groupe RDSE ont toujours été opposés à l’instauration de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros mise en place sous la précédente majorité, car cette mesure injuste et inadéquate constitue un frein inacceptable à l’accès à la justice. Mme le garde des sceaux, Christiane Taubira, a annoncé la suppression de cette contribution dans le projet de loi de finances pour 2014. Nous serons très attentifs à ce que cette disposition soit bien présente dans ce texte.
En attendant la suppression de cette contribution, nous proposons, à titre provisoire, dans le cadre de ce projet de loi relatif à la consommation, que les litiges entre consommateurs et professionnels en soient exonérés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. L’amendement du groupe RDSE, présenté par M. Tropeano, est juste. Cette contribution de 35 euros peut être un obstacle à l’exercice de leurs droits par nos concitoyens et Mme la ministre Christiane Taubira a annoncé qu’elle supprimerait cette disposition dans la loi de finances pour 2014. Je souhaiterais que M. le ministre nous confirme cette suppression. Dans tous les cas, l’adoption de cet amendement serait un symbole fort, c’est pourquoi j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous visons tous le même objectif, mais l’avis du Gouvernement est défavorable.
En effet, la loi de finances pour 2014 va supprimer cette contribution : la Chancellerie donnera ainsi satisfaction au groupe RDSE. Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui entrera en vigueur après l’adoption de la loi de finances pour 2014 : cette disposition me semble d’ores et déjà caduque et il ne me semble pas justifié d’adopter un tel amendement. C’est la raison pour laquelle je vous propose de le retirer, monsieur Tropeano.
M. le président. Monsieur Tropeano, l’amendement n° 123 rectifié est-il maintenu ?
M. Robert Tropeano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié est retiré.
Chapitre II
Améliorer l’information et renforcer les droits contractuels des consommateurs et soutenir la durabilité et la réparabilité des produits
Section 1
Définition du consommateur et informations précontractuelles
Article 3
(Non modifié)
Avant le livre Ier du code de la consommation, il est ajouté un article préliminaire ainsi rédigé :
« Art. préliminaire. – Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »
M. le président. L’amendement n° 340 rectifié, présenté par M. Tandonnet, Mmes Létard et Dini, M. Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
artisanale
insérer le mot :
, agricole
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. L’article 3 du projet de loi introduit dans le code de la consommation une définition du consommateur qui n’existait pas encore en droit français. Cet article procède donc à une transposition nécessaire du droit européen.
La définition proposée exclut tout acte réalisé dans le cadre professionnel. Une série d’activités est ainsi énumérée : il s’agit de toute activité « commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » ; l’activité agricole a été oubliée.
Lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques, la rapporteur pour avis de la commission des lois avait souhaité substituer à cette liste le terme générique d’« activités professionnelles », qui semblait plus large, plus protecteur et plus sûr juridiquement, même s’il différait de la définition communautaire.
Cette proposition n’a pas été suivie par la commission au fond.
L’amendement que nous vous proposons vise non seulement à conserver la liste des qualificatifs existants, mais aussi à l’élargir à une autre catégorie professionnelle manifestement oubliée.
Il s’agit donc d’y ajouter les activités agricoles. Elles ne figurent dans aucune des catégories précitées et, pourtant, il s’agit bien d’activités professionnelles qui permettront d’exclure les agriculteurs de la définition du consommateur. Il y a déjà eu des difficultés sur ce point qui ont donné lieu à jurisprudence dans le droit de la consommation.
Sans doute allez-vous me répliquer que le droit européen a déjà précisé cette définition. Je pense, pour ma part, que celui qui a proposé ce texte devrait être bien honteux quand on sait que la part agricole est la part la plus importante dans le budget européen. Oublier les agriculteurs dans cette définition, cela me paraît être un comble !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet amendement a pour objet de préciser la définition de la notion de consommateur. Selon la définition proposée par le projet de loi, est considéré comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.
L’amendement vise à ajouter la mention des activités agricoles. La définition que je viens de rappeler est directement issue de l’article 2 de la directive n° 2001–83 et il n’est pas possible de s’en écarter à l’échelon national.
De plus, omettre l’adjectif « agricole », ce n’est pas exclure les agriculteurs de la définition du consommateur, au contraire, c’est les y inclure. J’ai donc quelques difficultés à comprendre le sens de l’amendement.
Aussi l’avis est-il défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur. Je peux comprendre le débat sur ce sujet, mais nous sommes là dans la transposition d’une définition arrêtée par un texte, une directive européenne relative aux droits des consommateurs. En l’état, nous prenons le risque de transposer dans des termes différents la définition, ce qui nous placerait dans une situation de non-conformité au droit européen. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement défendu par M. Tandonnet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par Mmes Procaccia et Farreyrol, MM. Doublet et D. Laurent, Mme Giudicelli, M. Gilles, Mmes Cayeux et Deroche, MM. Milon, Cornu, Pointereau et Cointat, Mme Des Esgaulx, MM. Lefèvre, Houel, Billard, Chauveau, Dallier, Grosdidier et Karoutchi, Mmes Bruguière, Garriaud-Maylam et Sittler, MM. Pinton et Leleux, Mlle Joissains, MM. Laménie et César, Mme Boog, MM. Couderc, Cardoux et Saugey, Mmes Debré et Mélot, M. Revet, Mme Masson-Maret et MM. Béchu, J. Gautier, Pillet et Bas, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le livre Ier du code de la consommation, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :
« Art. préliminaire. - I. - Au sens du présent code, est considérée comme motif légitime l'impossible exécution par le consommateur de l'une des obligations lui incombant si cette inexécution résulte :
« 1° d'une perte d'emploi en contrat à durée indéterminée non prévue ;
« 2° du décès du souscripteur ou d'un des membres de la famille installé dans le lieu d'exécution du contrat ;
« 3° d'un changement de domiciliation ou d'une mutation professionnelle, scolaire ou universitaire d'une durée minimale de six mois ;
« 4° d'un préjudice matériel grave atteignant le bien immobilier du lieu d'exécution du contrat ;
« 5° d'une maladie ou d'un handicap rendant impossible l'exécution du contrat ;
« 6° d'une incarcération.
« II. - Le consommateur dispose d'un droit de résiliation du contrat à tout moment sans frais ni pénalités résultant d’un motif légitime mentionné au I du présent article et d'un droit au remboursement dans un délai de quinze jours des sommes versées au prorata de la durée du contrat restant à courir.
« III. - Toute stipulation du contrat général de vente contraire aux I et II du présent article est réputée non écrite. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à définir la notion de « motif légitime » au sens du code de la consommation afin de pouvoir unifier son application en cas de résiliation de contrats de services, par exemple, pour la téléphonie mobile, les fournisseurs d’accès internet, les abonnements à des clubs de sports.
Le « motif légitime » peut paraître une notion simple, mais, dans la réalité, il n’est pas défini, de sorte que chaque opérateur détermine lui-même ce que sont les motifs légitimes. Or l'arrêt du 4 février 2004 de la cour d’appel de Versailles dispose que le professionnel ne peut se faire juge du caractère légitime du motif invoqué par l'assuré. Finalement, malgré cet arrêt, rien n’a changé.
Je vais donc vous donner quelques exemples, que je compléterai éventuellement en explication de vote. Il y a un certain nombre de motifs qui peuvent être reconnus pour tous, le chômage, par exemple. Cependant, certains opérateurs ne reconnaissent le chômage que s’il intervient au terme du licenciement d’un salarié en CDI et non d’un salarié en CDD. Certains opérateurs ne reconnaissent pas le chômage, par exemple, si vous percevez encore des indemnités, lesquelles doivent vous permettre de payer l’abonnement en cours.
Je citerai aussi le cas du déménagement qui, en France, n’est que très difficilement reconnu puisque la personne qui change de domicile est incitée à conserver son abonnement. Il faut prouver qu’on ne peut pas recevoir, et même si on reçoit mal, cela ne suffit pas pour constituer un motif légitime aux yeux des fournisseurs, qui repoussent la demande !
Quant au déménagement à l’étranger, c’est encore pire ! Il faut prouver que l’on y reste pour plus d’un an, fournir des quittances de loyer, ce qui pose un vrai problème pour tous les étudiants. Lorsqu’ils partent à l’étranger pour trois ou six mois, ils sont obligés de continuer à payer, faute de pouvoir fournir un justificatif de domicile pour un an, sans compter qu’ils n’ont, le plus souvent, pas de quittance de loyer à fournir avant leur départ.
C’est la raison pour laquelle, dans cet amendement, nous déterminons quelques motifs légitimes qui devraient s’imposer absolument à tous les prestataires. Ne pas le faire, c’est ne pas soutenir les consommateurs !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’amendement ouvre cependant, pour tous les contrats liant un consommateur à un professionnel, un droit extrêmement large de résiliation sans frais et immédiat.
Or la règle fondamentale, c’est que le contrat tient lieu de loi entre les parties. Une rédaction aussi large fragilise fortement tous les contrats.
C’est pourquoi j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. J’ai un peu de mal à comprendre que vous puissiez dire qu’il s’agit d’une définition assez large. Je peux comprendre que vous nous demandiez de retravailler un peu plus dans le cadre de ce texte sur la consommation. Mais comment admettre que la notion de décès ne soit pas retenue dans le contrat ?
Je pense que tout le monde se souvient du cas du père de famille poursuivi, et même saisi parce qu’il voulait résilier l’abonnement pour son fils mineur et décédé. Le décès d’une personne, d’un enfant, n’est-ce pas un motif légitime de résiliation ?
J’ai reçu récemment la lettre d’une personne qui change de domicile, car elle va s’installer pour sa retraite dans sa résidence secondaire, dotée du même équipement que sa résidence principale. Le fournisseur lui refuse la résiliation sous prétexte qu’elle doit pouvoir emmener l’autre équipement alors qu’elle a déjà le même équipement avec le même opérateur. C’est ce que vous appelez « un contrat qui lie » ? N’est-ce pas laisser les opérateurs déterminer les contrats ?
Monsieur le rapporteur, et vous aussi, monsieur le ministre qui ne vous exprimez pas sur ce point, votre notion de la défense du consommateur me paraît très étrange, surtout sur des dossiers aussi pratiques !
Qu’on me réponde : « Madame Procaccia, il faut retravailler un peu sur cette définition », je veux bien l’entendre. Ce que je n’admets pas, c’est que vous ne faites aucune ouverture et laissez pieds et poings liés les consommateurs à chacun des opérateurs. Vous laissez ces derniers libres de déterminer si un départ à l’étranger pour six mois est un motif de résiliation alors que l’on n’est pas capable de fournir à la personne concernée un contrat de travail puisque c’est un étudiant qui va partir à l’étranger ; celui-ci devra continuer à payer son abonnement – internet, téléphonie, Canal Plus, ou ailleurs… C’est illogique, et moi, je m’insurge contre votre position ! (Mme Hélène Masson-Maret ainsi que MM. Alain Fouché et François Trucy applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Madame la sénatrice, je vais vous apporter une réponse plus détaillée. Il ne faut pas se jeter l’anathème à chaque amendement en prêtant des intentions au rapporteur et au Gouvernement. Nous sommes dans le cadre du débat parlementaire. Nous aurons l’occasion d’échanger à plusieurs reprises.
Je vais vous redire pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable, même si je reconnais qu’il y a une intention louable de votre part. Cependant, l’énoncé qui est le vôtre ne justifie pas, à nos yeux, que le Gouvernement puisse y agréer.
Le présent amendement entend exonérer le consommateur, dans des cas strictement énumérés par le texte, des conséquences de son inexécution sans frais ni pénalités du fait d’un motif légitime et donc lui conférer un droit au remboursement des sommes versées au prorata de la durée du contrat restant à courir.
Je le redis, l’objectif est louable, et, sur le principe, nous ne le contestons pas.
Toutefois, cette disposition, dont la dimension est générique, bien que le 3 vise le seul contrat de vente, est de nature à interférer tant avec les règles du droit général des obligations qu’avec les règles spécifiques entourant certains contrats spéciaux que je veux énumérer, notamment ceux intéressant les réservations de voyages, les contrats d’assurance – les motifs liés à la maladie, par exemple –, les baux immobiliers ou les contrats de crédit, sans que son impact soit véritablement mesuré.
Je le redis à nouveau, l’objectif est louable, mais ces motifs me conduisent à émettre un avis défavorable sur votre amendement, madame Procaccia.