M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur.
M. Martial Bourquin, rapporteur. Le débat clarifie un peu les positions. D’abord, il est assez contradictoire de voter contre l’action de groupe puis de la revendiquer pour les instruments financiers.
M. Gérard Cornu. À partir du moment où c’est voté, c’est voté !
M. Martial Bourquin, rapporteur. On assume tous nos contradictions, on en a tous, mais celle-là est tellement apparente que je permets de la souligner.
Ensuite, je voudrais qu’une chose soit claire, parce que la question a déjà été posée en commission des affaires économiques. Les petits épargnants spoliés pourront engager une action de groupe contre leur banquier, tout simplement parce que le banquier est un professionnel et que les petits épargnants spoliés sont des consommateurs lésés. Il est donc faux de dire qu’une partie de la population n’aura pas accès à l’action de groupe. Je le répète, les petits épargnants pourront défendre leurs droits grâce aux dispositifs de l’article 1er, qu’il s’agisse de l’action de groupe standard ou de l’action de groupe simplifiée.
Par ailleurs, Philippe Marini a retiré un élément de son amendement.
M. Philippe Marini. J’ai retiré la référence aux émetteurs d’instruments financiers, à votre demande !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Vous avez en effet retiré cette référence à notre demande.
On vit une crise terrible,…
M. Philippe Marini. Oui.
M. Martial Bourquin, rapporteur. … qui a été déclenchée en bonne partie par le monde de la finance.
M. Philippe Marini. Oui, oui…
M. Martial Bourquin, rapporteur. Il ne faudrait pas qu’on fasse aujourd’hui passer les émetteurs d’instruments financiers pour des victimes.
M. Philippe Marini. Il ne s’agit pas de cela ! C’est un contresens parfait !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Ce sont eux qui nous ont mis dans cette situation ! Si nous sommes dans une situation difficile depuis de longues années, c’est parce que le monde de la finance s’est permis des choses et a plongé l’Europe et le monde dans la crise.
M. Philippe Marini. La finance, voilà l’ennemi !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Nous avons la volonté de défendre les petits épargnants. Je le répète, l’action de groupe telle que nous l’avons votée permet de défendre les petits épargnants spoliés. (M. Jean-François Husson s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne sais pas si je vais rassurer Bruno Retailleau. Vous avez voté contre l’action de groupe, et vous voulez déjà l’étendre ! J’en suis ravi !
M. Philippe Marini. C’est un argument politique, qui ne répond pas à mon amendement !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Marini, si vous le permettez, je vais vous répondre sérieusement, mais j’aimerais comprendre – je ne suis pas aussi expérimenté que vous – la logique politique de votre démarche.
M. Philippe Marini. Si j’avais le temps de l’expliquer, je le ferais, mais je ne dispose pas de ce temps !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Marini, je vais vous répondre sur le fond. Prenez le temps de m’écouter, à moins que vous ne sachiez parler et écouter en même temps. Vous entendrez ainsi mes réponses, qui pourraient vous être utiles.
M. Philippe Marini. C’est facile de faire les questions et les réponses !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il y a deux hypothèses. Si vous avez signé un contrat de consommation, vous êtes couvert ; j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire. Par conséquent, rien ne justifie que l’on sollicite l’agrément d’une association d’investisseurs. Nous avons choisi de ne qualifier que les associations de consommateurs agréées, qui sont parfaitement capables de mener des actions de groupe. Si on acceptait votre proposition, il n’y aurait aucune raison de ne pas étendre davantage le champ ; cela reviendrait donc à ouvrir la boîte de Pandore et à remettre en cause l’équilibre du texte.
La seconde hypothèse concerne les détenteurs d’actions sèches. Ils sont exposés à l’aléa boursier, et nous ne pouvons pas couvrir par l’action de groupe les risques liés à l’aléa boursier.
M. Philippe Marini. Cela n’a rien à voir !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quand il y a un contrat de consommation, ou un produit de placement, comme dans le cas d’Helvet Immo, que j’ai évoqué tout à l’heure, l’action de groupe peut être déclenchée. En revanche, il n’est pas possible de recourir à l’action de groupe pour protester contre le cours défavorable d’une action.
M. Philippe Marini. Ce n’est pas du tout ce que je propose ! Vous faites une caricature !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Marini, ce n’est pas une caricature ! Si vous aviez assisté aux débats, vous auriez déjà entendu dix fois la raison pour laquelle nous avons choisi ce verrou.
M. Philippe Marini. Pas du tout ! Vous répondez à côté !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous arrivez après l’examen de l’article 1er pour poser une question à laquelle le Gouvernement et le rapporteur ont déjà répondu dix fois en commission et dix fois en séance plénière. Je me permets de faire la même réponse pour la onzième fois : oui, l’équilibre de ce projet de loi, ce sont les associations de consommateurs agréées, et voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à votre amendement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 509 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. – (Non modifié) La sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par un article L. 211-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-15. – Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions de groupe définies au chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation. »
II. – À l’article L. 532–2 du même code, la référence : « et L. 211–12 » est remplacée par les références : « , L. 211–12 et L. 211–15 ».
III. – (Non modifié) L’action exercée sur le fondement du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation ne peut être introduite pour la réparation des préjudices causés par des manquements au titre II du livre IV du code de commerce ou aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ayant fait l’objet d’une décision constatant ces manquements, et qui n’est plus susceptible de recours, intervenue avant la date de publication de la présente loi.
III bis. – Après le troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’ouverture d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence, une autorité nationale de concurrence d’un autre État membre de l’Union européenne ou la Commission européenne interrompt la prescription de l’action civile. L’interruption résultant de l’ouverture de cette procédure produit ses effets jusqu’à la date à laquelle la décision de ces autorités ou, en cas de recours, de la juridiction compétente est définitive. »
IV. – (Non modifié) Le III du présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
V. – Trente mois au plus tard après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conditions de mise en œuvre de la procédure d’action de groupe et propose les adaptations qu’il juge nécessaires. Il envisage également les évolutions possibles du champ d’application de l’action de groupe, en examinant son extension aux domaines de la santé et de l’environnement.
M. le président. L'amendement n° 238 rectifié, présenté par M. Tandonnet, Mmes Dini, Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Cet amendement a pour objet de supprimer la désignation de tribunaux spécialisés pour traiter des actions de groupe. En effet, pourquoi créer des tribunaux d’exception ? Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la spécialisation de quelques tribunaux de grande instance, TGI, me semble totalement inadaptée.
Cela aurait des conséquences manifestement négatives. La spécialisation est inutile, dans la mesure où tous les TGI sont capables de traiter des affaires relevant du droit de la consommation ; c’est même leur quotidien. Les TGI de province ont d’ailleurs souvent été à la tête de la défense des consommateurs.
La désignation de tribunaux spécialisés poserait un problème d’éloignement de la justice par rapport aux citoyens, alors que cette matière touche tous les Français, tous les consommateurs ordinaires. Il faudra délocaliser des contentieux locaux vers des métropoles régionales, car tous les litiges ne seront pas de portée nationale. Il y aura donc des actions de groupe menées localement par cent ou deux cents consommateurs contre des entreprises défaillantes.
Or j’ai lu dans le rapport de nos collègues qu’il n’y aurait que huit tribunaux spécialisés : sept pour la France métropolitaine et un pour l’outre-mer. C’est une manière d’éloigner encore la justice des citoyens. À mon avis, c’est intenable. Aussi, je vous propose de renoncer à désigner des TGI spécialisés pour l’action de groupe et de nous en tenir au droit commun, afin que le dispositif soit adapté à tous les litiges, tant locaux que nationaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Il est souhaitable, en matière de droit de la consommation en général et donc en matière d’actions de groupe, de disposer de TGI spécialisés, comme c’est le cas en matière de propriété littéraire ou artistique, de marque communautaire, ou encore de reconnaissance des jugements d’adoption rendus à l’étranger. Il est vraiment préférable de disposer de tribunaux spécialisés.
Je reprends les arguments du rapport Béteille-Yung : « il convient de tenir compte des capacités des tribunaux à prendre en charge les actions de groupe. Celles-ci peuvent présenter un caractère massif et réunir plusieurs milliers de requérants. Or les greffes des juridictions les plus petites ne sont pas dimensionnés pour traiter un nombre trop élevé de demandes. »
La question de la proximité, que vous soulevez, se pose effectivement, mais nous avons besoin de tribunaux spécialisés capables de juger dans les délais les plus rapprochés et de la façon la plus appropriée. « La concentration des contentieux dans quelques juridictions – je cite à nouveau le rapport Béteille-Yung – est neutre pour le consommateur. En revanche, elle évite à l’entreprise de devoir faire face à plusieurs instances dispersées sur tout le territoire, alors qu’elles concernent la même affaire. »
Prenons un exemple. Un professionnel rencontre des consommateurs dans une série de territoires. Il est bon qu’il y ait un TGI spécialisé pour faire en sorte que le jugement soit rendu dans les meilleures conditions. Du reste, la proposition consistant à réserver la compétence en matière d’action de groupe à quelques TGI spécialisés a fait l’objet d’un très large accord parmi les personnes entendues par Laurent Béteille et Richard Yung.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais d’abord confirmer les éléments apportés par M. le rapporteur s’agissant des avis rendus sur l’opportunité de confier les actions de groupe à des TGI spécialisés. À nos yeux, il s’agit de faciliter le regroupement des actions de groupe et de favoriser l’harmonisation des décisions, afin d’éviter l’éparpillement des doubles saisines. Le dispositif contribuera à l’efficacité et à la réactivité de la justice.
En effet, les TGI sont composés de magistrats professionnels qui apprécieront sereinement les actions de groupe dont ils seront saisis. Nous estimons que la spécialisation des tribunaux et le niveau du tribunal compétent – TGI – constituent des gages de fiabilité. Il est prévu – je vous le rappelle, ou je vous en informe – que les TGI spécialisés seront ceux qui sont déjà compétents en matière de pratiques restrictives de concurrence ; leur liste est d’ores et déjà établie par le décret n° 2009–1384 du 11 novembre 2009 : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. L’intervention de notre collègue Henri Tandonnet me paraît frappée au coin du bon sens. J’ai bien entendu ce qu’a dit M. le ministre, mais, s’il faut des tribunaux spécialisés, pour toutes les raisons avancées par M. le rapporteur, ce qui peut aussi s’entendre, je ne vois pas pourquoi cela tomberait, comme à chaque fois qu’il s’agit, dans ce pays, de spécialiser quelque chose ou de créer des écoles ou des universités, sur Lille, Toulouse, Marseille, Lyon, Bordeaux et compagnie.
On pourrait très bien envisager que certains tribunaux spécialisés soient installés ailleurs sur le territoire de la République française, qui s’étend aussi aux Pyrénées, aux Alpes, aux Vosges, au Jura et au Massif central. On pourrait très bien spécialiser le TGI de Rodez ou…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. De Mende ! (Sourires.)
M. Alain Bertrand. … de Mende, en effet, ou d’ailleurs !
Je tenais à le dire. J’espère que Mme Cécile Duflot présentera bientôt son projet de loi sur l’égalité des territoires, parce que, à force de tout concentrer, depuis les premières décentralisations, dans les capitales régionales, nous, les humbles, les sans-grade, les petits, qui sommes républicains, laïques et attachés à la devise de notre chère France, nous n’y retrouvons plus nos petits.
C’est pour cette raison que, tout en ayant entendu le rapporteur et le ministre, je m’associerai à la démarche de notre collègue de l’UDI-UC.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars, pour explication de vote.
M. Stéphane Mazars. Je m’associerai moi aussi à l’amendement de notre collègue Henri Tandonnet. Le maillage judiciaire de notre territoire a déjà été bien mis à mal au cours des dernières années, notamment par la réforme de la carte judiciaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Cela suffit maintenant ! Beaucoup de TGI ont déjà été supprimés ; c’était dans d’autres temps. Il faut arrêter de vider de leur contentieux ceux qui existent encore. Bientôt, comme le disait notre collègue Alain Bertrand, on ne pourra être jugé que dans les grandes métropoles.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse, le droit de la consommation n’est pas, du point de vue technique, une matière relevant de juridictions hyperspécialisées. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le droit des marques : c’est un contentieux très technique, ce qui justifie qu’il soit confié à des TGI spécialisés.
Aujourd’hui, le droit de la consommation est déjà traité, en ce qui concerne les contentieux individuels, par les TGI, voire par les tribunaux d’instance, puisqu’il y a beaucoup de matières de consommation qui relèvent de la compétence de ces derniers. On peut donc très bien convenir que, demain, tous les TGI de France pourront connaître du contentieux de l’action de groupe.
S’il y a plusieurs TGI saisis, on regroupera les dossiers auprès de celui qui a été saisi le premier, comme cela se fait de façon très classique dans d’autres domaines.
Pour en revenir au contentieux de la concurrence, il est prévu que, lorsqu’ils connaîtront d’une question technique en matière de concurrence dans le cadre d’une action de groupe, les TGI seront liés de façon irréfragable par ce qui aura déjà été apprécié par la commission compétente en amont.
Aussi, à mon sens, il n’y a pas matière aujourd’hui à vider nos TGI de leurs compétences en matière de droit de la concurrence et de droit de la consommation dans le cadre des actions de groupe.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Nous soutiendrons cet amendement, parce que nous sommes très attachés à la proximité. Il pourra arriver que des personnes vivant en zone rurale soient à l’origine d’une action de groupe et il ne faudra pas qu’elles soient obligées de se déplacer loin, ce qui entraînerait beaucoup de dépenses supplémentaires. (M. Yann Gaillard s’exclame.)
Par ailleurs, nous faisons confiance au professionnalisme de l’ensemble des TGI de France, qui sauront très bien faire. Pour nous, il n’est pas nécessaire qu’il y ait des TGI spéciaux pour la consommation.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Je souhaite répondre au rapporteur sur le terrain de la procédure. Lorsqu’il dit que les tribunaux de grande instance ordinaires ne pourront pas faire face à l’afflux des victimes, il commet une erreur car, justement, l’action de groupe permettra de faire représenter l’ensemble des victimes par une seule partie, qui sera l’association agréée. Il y aura donc une mise au rôle avec une seule partie.
Sur le fond, je me demande pourquoi il faudrait spécialiser des tribunaux, puisqu’il a été dit lors des débats d’hier que le fond du droit, c’est-à-dire le droit de la réparation, le droit des contrats, le respect des obligations légales, ne changeait pas. C’est le droit ordinaire qui s’appliquera et il s’agit seulement de regrouper les victimes, qui pourront agir par procureur.
Monsieur le président, le groupe UDI-UC demande un scrutin public sur cet amendement.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Jean-François Husson. Nous sommes majoritaires !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je soutiens tout à fait ce qui vient d’être dit. Nous avons des tribunaux qui fonctionnent très bien et qui peuvent parfaitement statuer sur ce genre d’affaires.
J’entendais dire tout à l’heure que le précédent gouvernement avait fermé un certain nombre de tribunaux. C’est vrai, mais l’actuel Président de la République avait bien indiqué au cours d’une réunion qu’il était contre ces fermetures et, sauf erreur de ma part, son programme prévoyait la réouverture d’un certain nombre de tribunaux. À ma connaissance, rien n’a été fait et nous attendons toujours. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Mme Taubira va régler cela !
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai cet amendement.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. François Fortassin. Prenons un exemple très simple : une entreprise locale, quelle que soit sa production, peut commettre une erreur qui cause un dommage à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de consommateurs.
Quelle va être la réaction, localement, si cette affaire doit être jugée à Lille ou à Bordeaux, alors que l’entreprise se trouve à Perpignan ? Les gens penseront que le tribunal local est incompétent et que, dès lors, il peut très bien être fermé !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une extrapolation !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’ai entendu les arguments qui ont été développés par les différents orateurs.
À mes yeux, l’argument de la proximité tombe, puisque le consommateur se dirigera vers son association de consommateurs et le relais qu’elle a sur le terrain. Ce dernier prendra ensuite en charge la procédure. Tel est l’objectif de l’action de groupe : passer par une association pour ne pas avoir à réaliser toutes les démarches soi-même. La proximité sera donc assurée.
Ensuite, s’il n’y a pas d’instances spécialisées pour traiter des actions de groupe, je tiens à vous prévenir par anticipation des risques de conflits de jurisprudence pouvant naître.
Pour nous, il ne s’agit pas de remettre en cause le lien entre le justiciable et son territoire en dessaisissant les TGI existants. Le consommateur, qu’il soit de Perpignan, de Castelnaudary, de Saint-Renan ou de Senlis, victime dans sa commune d’un préjudice causé par une entreprise locale ou éloignée, souhaite obtenir réparation, peu importe que la décision soit prise très loin ou pas.
En réalité, dans ce genre de contentieux, il suivra l’évolution du dossier soit par le biais de l’association de consommateurs, qui lui écrira ou lui enverra un mail, soit par la presse. À mon sens, l’intérêt du consommateur, pour éviter notamment les conflits de jurisprudence, c’est que ce soit des tribunaux de grande instance spécialisés qui traitent de ces dossiers. (M. Jean-Jacques Mirassou opine.)
C’est la raison pour laquelle nous avons fait ce choix. J’ai entendu des arguments contraires,…
Un sénateur de l’UMP. Qui se tiennent !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. … qui se tiennent, en effet, mais, du point de vue de l’intérêt du consommateur, je réaffirme, au nom du Gouvernement, qu’il doit y avoir des tribunaux spécialisés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 335 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 207 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
M. Alain Fouché. Juridiquement, c’est une bonne chose !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 556, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. - L'action exercée sur le fondement du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation ne peut être introduite pour la réparation des préjudices causés par des manquements au titre II du livre IV du code de commerce ou aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ayant fait l'objet d'une décision de constatation des manquements intervenue avant la date de publication de la présente loi, quelle que soit la date à laquelle elle est devenue définitive.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. L’alinéa 4 contient une disposition transitoire prévoyant que seules les décisions des autorités de concurrence intervenues postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi peuvent servir de fondement à l’action de groupe. Cette rédaction n’est pas claire, car on ne comprend pas la situation des décisions intervenues avant l’entrée en vigueur de la loi, mais devenues définitives après.
Cet amendement vise donc à éviter tout risque de mauvaise interprétation.
M. le président. L'amendement n° 667, présenté par M. M. Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
, et qui n'est plus susceptible de recours, intervenue avant
par les mots :
qui n'est plus susceptible de recours à
La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 556.
M. Martial Bourquin, rapporteur. L’amendement n° 667 vise à clarifier la formulation de l’alinéa 4 de cet article, dont l’ambiguïté a été soulevée par Élisabeth Lamure et le groupe UMP.
L’alinéa 4 de l’article 2 prévoit en effet que, en matière de concurrence, une action de groupe ne pourra pas être engagée sur le fondement d’une décision d’une autorité de la concurrence constatant des manquements, et qui n’est plus susceptible de recours, intervenue avant la publication de la loi.
L’ambiguïté de cette formulation pose question dans le cas des décisions intervenues avant la promulgation de la loi mais devenues définitives après.
Par cet amendement, nous tenons à indiquer clairement qu’une action de groupe ne pourra être engagée sur le fondement d’une décision devenue définitive avant la promulgation de loi, ce qui correspond à l’intention du Gouvernement et de nos collègues députés.
En conséquence, je vous propose d’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 556 du groupe UMP…
Mme Élisabeth Lamure. Dommage !
M. Antoine Lefèvre. C’était bien tenté !
M. Martial Bourquin, rapporteur. … et de donner une issue positive à l’amendement que je viens de vous présenter, même si nous poursuivons le même objectif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 556 et favorable à l’amendement n° 667.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote sur l’amendement n° 556.
Mme Élisabeth Lamure. Au vu de la réponse de M. le rapporteur, il me semble que nous ne parlons pas de la même chose. À la lecture de l’alinéa 4, on ne comprend pas si c’est la décision initiale ou la décision définitive qui n’est plus susceptible de recours. Or je crains que l’amendement n° 667 ne réponde pas à cette question. Aussi, j’aurais besoin d’explications complémentaires.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 533 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Cointat, D. Laurent, Milon et Türk, Mme Bruguière et M. Longuet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
De même, l’action sur le fondement du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation ne pourra être exercée qu’envers les contrats conclus et les manquements à des obligations légales intervenus, postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Il s’agit d’encadrer l’application de cette loi dans le temps. En effet, en l’état actuel, le projet de loi ne comporte aucune précision sur sa date d’entrée en vigueur, ce qui a des conséquences sur les possibilités de recours. On pourrait ainsi, à l’occasion d’un litige de la consommation, revenir sur des faits antérieurs à l’adoption de la loi, ce qui serait une première cause de préjudice.
De plus, cette incertitude pourrait être source d’un deuxième préjudice pour les entreprises d’assurances, puisque la responsabilité civile assurantielle suppose la constitution de provisions. De surcroît, les actions de groupe peuvent mettre en jeu des montants financiers importants, ce qui risque de déséquilibrer les comptes de ces entreprises.
Enfin, du point de vue du simple bon sens, cette absence de délimitation dans le temps est tout sauf logique !