M. François Marc, rapporteur pour avis. Au cours des débats consacrés au présent texte, deux points nous ont particulièrement divisés : premièrement, le monopole de Bercy dans certaines procédures et, deuxièmement, la licéité des preuves ; c’est de ce second point qu’il est ici question.
Je commencerai mon propos par une réflexion générale : lorsqu’un événement très grave survient dans notre pays – un meurtre, par exemple –, il n’est pas rare de lire dans la presse que la police « s’efforce d’utiliser toutes les informations mises à sa disposition ».
On m’objectera qu’en matière de fraude fiscale il n’y a ni meurtre ni victime. Eh bien si, précisément, il y a des victimes ! De fait, la fraude fiscale représente 50 à 60 milliards d’euros de recettes en moins chaque année. Cet argent, il faut donc aller le chercher ailleurs, par exemple en relevant le taux de la TVA, en augmentant le tarif des cantines scolaires, etc. Nous sommes donc bien face à des faits suffisamment graves pour justifier qu’on utilise, dans cette lutte contre la fraude, toutes les informations disponibles.
Par cet amendement, il s’agit de permettre à l’administration fiscale d’exploiter tous les renseignements dont elle dispose dans le cadre des procédures de contrôle, d’imposition et de rectification.
En la matière, la commission des lois du Sénat a rétabli la rédaction initiale du présent texte, qui précise que seules pourraient être utilisées les preuves transmises par l’autorité judiciaire ou communiquées dans le cadre de l’assistance administrative internationale. Il s’agit là d’un rétrécissement significatif du champ des possibilités offertes à l’administration par rapport à la rédaction transmise par l’Assemblée nationale, qui intégrait, elle, les informations issues du droit de communication que l’administration fiscale peut exercer à l’égard d’autres administrations, d’autorités indépendantes ou de tiers.
Cet amendement tend, au contraire, à élargir le dispositif à tout mode de preuve. À cette fin, l’obligation procédurale de transmission régulière serait supprimée.
Il s’agit, notamment, de répondre à une situation, qui fut celle de l’affaire HSBC, dans laquelle des tiers transmettent directement et spontanément des informations à l’administration fiscale. En l’état actuel du droit, l’utilisation de ces informations est impossible, comme l’a montré mon homologue de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, dans un récent rapport sur la liste HSBC.
Il y a là une forme de paradoxe : l’administration pourrait utiliser des informations volées puis achetées, pour peu qu’elles transitent par les institutions autorisées, mais ne pourrait pas en faire usage si elles lui sont remises spontanément et gratuitement ! L’amendement que je défends permettra de lever cette difficulté.
Rien, juridiquement, ne s’oppose à ce que l’administration puisse recourir à toute forme de preuve, quelle qu’en soit l’origine. La Cour européenne des droits de l’homme laisse une grande liberté en la matière. L’Allemagne, dont chacun peut convenir qu’il s’agit d’un État de droit, procède d’ailleurs depuis longtemps déjà à l’achat de listes de fraudeurs. L’amendement de la commission des finances ne va toutefois pas jusque-là.
Le principe de loyauté de la preuve ne s’applique que dans le cadre des procédures civiles. La chambre criminelle de la Cour de cassation considère ainsi comme recevables des preuves qui auraient été volées.
Il faut rappeler que l’administration des douanes dispose d’ores et déjà de la possibilité de rémunérer des aviseurs et, donc, de procéder à l’achat d’indications. L’amendement que je propose ne permettrait toutefois pas à l’administration fiscale de voler des informations ou d’encourager quelqu’un à commettre un tel vol pour son compte.
Il correspond à une réalité, car la transmission de listes par des particuliers ou des organisations privées n’est pas un cas de figure théorique : après la liste HSBC, il y a eu d’autres cas où des informations ont été dérobées et rendues publiques de manière désintéressée.
Le présent amendement serait donc efficace, et l’atteinte qu’il est susceptible de porter aux libertés publiques me paraît proportionnée à l’objectif d’intérêt général qu’il vise.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 10 bis. – Dans le cadre des procédures prévues au titre II du présent livre, à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 16 B et L. 38, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que l’administration utilise et qui sont régulièrement portés à sa connaissance soit dans les conditions prévues au chapitre II du titre II de la première partie ou aux articles L. 114 et L. 114 A, soit en application des droits de communication qui lui sont dévolus par d’autres textes, soit en application des dispositions relatives à l’assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 rectifié ?
M. Alain Anziani, rapporteur. C’est avec regret que la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement de M. Marc. Cet amendement permet en effet la transmission d’éléments illicites en dehors de toute procédure connue, et notamment sans visa de l’autorité judiciaire. Or il nous semble nécessaire de conserver ce contrôle de l’autorité judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La précaution évoquée par le rapporteur à l’instant est légitime. Nous avons rencontré beaucoup de difficultés pour exploiter les preuves transmises à l’administration fiscale dont les modalités de transmission étaient licites lorsque leur source ne l’était pas.
Je comprends pourtant le souci qu’exprime M. Marc, qui vise à permettre à l’administration fiscale de disposer de l’ensemble des éléments qui permettent de poursuivre. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de votre assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 10 bis
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa du II de l’article L. 16 B, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10 bis lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. » ;
1° bis (nouveau) Après le V de l’article L. 16 B, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. – Dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, ou les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale. »
2° Après le deuxième alinéa du 2 de l’article L. 38, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10 bis lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. » – (Adopté.)
Article 10 ter
Le titre II du code des douanes est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Sécurisation des contrôles et enquêtes
« Art. 67 E. – Dans le cadre des contrôles et enquêtes prévus par le présent code, à l’exception de ceux prévus à l’article 64, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que les agents des douanes utilisent et qui sont régulièrement portés à leur connaissance dans les conditions prévues à l’article 343 bis, ou en application des dispositions relatives à l’assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers. » – (Adopté.)
Article 10 quater
L’article 64 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Après le septième alinéa du a du 2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article 67 E, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le présent code. » ;
« 2° (nouveau) Après le b du 2, il est inséré un c ainsi rédigé :
c) Dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, ou les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 10 quater
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 65 du code des douanes, il est rétabli un 8° ainsi rédigé :
« 8° L’administration des douanes peut recevoir et utiliser les documents et renseignements qui lui sont transmis par toute personne étrangère aux administrations publiques et amenant directement soit la découverte d'infractions qu'elle est chargée de rechercher et de réprimer, soit l'identification des auteurs de ces infractions. Cette personne est dénommée un aviseur. Les aviseurs peuvent être rémunérés par l'administration des douanes dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des douanes. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement tend à inscrire dans la loi une pratique de l’administration des douanes prévue par un simple arrêté ministériel de 1957, afin de sécuriser au niveau législatif le travail des enquêteurs des douanes avec leurs informateurs, communément appelés « aviseurs » dans les textes réglementaires.
Sa rédaction est inspirée de celle de l’article 15-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, qui sécurise sur le plan législatif les indicateurs des services de police et de gendarmerie.
L’amendement renvoie à l’arrêté ministériel existant pour ce qui concerne la gestion de la rémunération des aviseurs, d’ores et déjà encadrée par ce texte réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. Sur cet amendement, nous nous en remettons à l’avis du Gouvernement dans la mesure où la rémunération d’aviseurs est une pratique ancienne, qui permet à l’administration des douanes, sur la base des informations obtenues, de procéder à des constatations en flagrant délit et de mettre fin à des flux illicites de marchandises.
Dès lors que le dispositif est appliqué depuis longtemps sans que cela ne pose de difficultés, il me semble que l'avis du Gouvernement nous permettrait de mesurer l’utilité et la pertinence de cet amendement, dont le principe nous paraît fondé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Compte tenu des modifications rédactionnelles qui ont été apportées à cet amendement, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 quater.
L'amendement n° 55, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre VIII du code des douanes est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. 215-… – Ceux qui détiennent ou transportent des sommes, titres ou valeurs pour un montant supérieur au seuil fixé à l’article L. 152-1 du code monétaire et financier doivent, à première réquisition des agents des douanes, justifier de leur origine régulière.
« Ceux qui ont détenu, transporté, vendu, cédé ou échangé lesdites sommes titres ou valeurs sont également tenus de justifier de leur origine régulière à toute réquisition des agents des douanes formulée dans un délai de trois ans à partir du moment où les sommes, titres ou valeurs ont cessé d’être entre leurs mains.
« Lorsque les personnes ne justifient pas de l’origine régulière des sommes, titres ou valeurs, ceux-ci sont saisis en quelque lieu qu’ils se trouvent et les personnes sont poursuivies et punies conformément aux dispositions de l’article 415 du présent code.
« Lorsqu’ils auront eu connaissance que celui qui leur a délivré les justificatifs ne pouvait le faire valablement ou que celui qui leur a vendu, cédé, échangé ou confié les sommes, titres ou valeurs n’était pas en mesure de justifier de leur origine régulière, les détenteurs et transporteurs seront condamnés aux mêmes peines et les sommes, titres ou valeurs seront saisies et confisquées dans les mêmes conditions que ci-dessus, quelles que soient les justifications qui auront pu être produites. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Au moins autant que la maîtrise des dépenses publiques ou la hausse des prélèvements obligatoires, la lutte contre la fraude fiscale constitue l’un des meilleurs moyens de réduire nos déficits publics et, partant, notre dette publique.
Afin de mieux lutter contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale – notamment les escroqueries à la TVA – le travail illégal, mais aussi contre le blanchiment et les infractions financières, il est nécessaire de renforcer les moyens de contrôle de l’administration des douanes sur les mouvements physiques d’espèces.
À ce jour, seule une déclaration au moment du franchissement des frontières, à l’entrée comme à la sortie du territoire, est exigée des personnes transportant plus de 10 000 euros en espèces. Mais aucun contrôle n’est possible sur le reste du territoire.
Il est proposé de donner l’outil juridique nécessaire aux agents de contrôle pour appréhender les sommes transportées en espèces sur l’ensemble du territoire national lorsque leur montant est supérieur à ce même seuil de 10 000 euros et que la personne est dans l’incapacité de justifier de leur origine légale. Ainsi, seront appréhendés plus facilement les avoirs provenant des fraudes fiscales et du blanchiment des activités criminelles.
L’amendement calque la procédure de contrôle sur celle qui s’applique aux biens dont les personnes doivent justifier de la détention régulière à première réquisition des douanes sur l’ensemble du territoire national et renvoie, pour la sanction de l’infraction, au texte relatif au délit douanier de blanchiment, qui est le plus adapté en l’espèce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. Nous souhaitons, là encore, entendre l’avis du Gouvernement.
Cet amendement vise certes à renforcer l’efficacité des contrôles, mais nous nous sommes interrogés sur la disproportion au regard de l’objectif poursuivi, dans la mesure où il introduit une sorte de présomption d’illicéité des sommes transportées physiquement au-delà d’un certain montant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends parfaitement le souhait de renforcer le pouvoir des agents des douanes en matière de blanchiment, et les auteurs de cet amendement expriment une préoccupation que nous partageons. Toutefois, la disposition proposée semble y apporter une réponse à nos yeux inadaptée.
La constatation de l’infraction de blanchiment sanctionnée à l’article 415 du code des douanes par une peine privative de liberté de deux à dix ans et une amende comprise entre un et cinq fois le montant des sommes repose sur le cumul de trois éléments : premièrement, un flux monétaire transfrontalier ; deuxièmement, l’existence d’une infraction douanière, qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants, de contrefaçon ou de contrebande ; troisièmement, la connaissance par la personne de l’origine illicite des sommes transportées.
L’amendement que vous proposez, madame Pasquet, tend à étendre les sanctions très sévères prévues à cet article à la seule détention de sommes d’argent supérieures à 10 000 euros sans qu’aucune infraction ait été constatée par ailleurs. Cette mesure, si elle s’inscrit dans la réflexion, déjà engagée avec le présent projet de loi, sur le renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment, apparaît cependant excessive et très fragile au regard des principes constitutionnels et des engagements européens de la France.
Dès lors, il me semble nécessaire de poursuivre la réflexion, notamment avec vous, afin de renforcer de manière efficace et proportionnée l’action de la douane, en ciblant plus directement le critère de l’intentionnalité dans l’infraction de blanchiment douanier, et dans le strict respect de la Constitution.
Je vous propose donc, madame la sénatrice, de retirer cet amendement ; à défaut je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Pasquet, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Il me semblait que, à partir du moment où l’on demande aux personnes de justifier la détention de ces sommes en espèces, on peut en déterminer l’origine et savoir s’il y a ou non infraction.
Toutefois, dans l’attente d’une réflexion plus poussée sur le sujet, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.
Article 10 quinquies
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 561-2 est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° La caisse des règlements pécuniaires des avocats. » ;
2° L’article L. 561-3 est complété par un VII ainsi rédigé :
« VII. – Les caisses des règlements pécuniaires des avocats exercent leur vigilance sur l’origine et la destination ainsi que sur le bénéficiaire effectif des fonds, effets ou valeurs qui sont déposés par les avocats pour le compte de leurs clients. Elles ne sont pas soumises aux dispositions du présent chapitre, lorsque le règlement pécuniaire contrôlé se rattache à une activité relative aux transactions mentionnées au I, pour laquelle il est fait application des dispositions du II. » ;
3° Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 561-17, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Par dérogation aux articles L. 561-15 et L. 561-16, la caisse des règlements pécuniaires des avocats communique la déclaration au bâtonnier de l’ordre dont elle dépend. La caisse des règlements pécuniaires des avocats informe l’avocat réalisant le règlement pécuniaire faisant l’objet de la déclaration de soupçon transmise au bâtonnier du barreau dont dépend l’avocat. » ;
4° Le I de l’article L. 561-36 est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Par la commission de contrôle des caisses des règlements pécuniaires des avocats, pour les caisses des règlements pécuniaires des avocats. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Mohamed Soilihi.
L'amendement n° 30 est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 31 est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le II de l’article L. 561-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les avocats sont réputés satisfaire à l’obligation de déclaration prévue aux articles L. 561-15 et L. 561-16, lorsqu’ils réalisent le règlement pécuniaire accessoire à l’une des opérations visées au I par l’intermédiaire d’une caisse des règlements pécuniaires des avocats. » ;
L'amendement n° 112 est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Elles sont soumises aux dispositions du présent chapitre, lorsque le règlement pécuniaire contrôlé se rattache à une activité relative aux transactions mentionnées au I, sauf lorsqu’il est fait application des dispositions du II.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter ces trois amendements.
M. Thani Mohamed Soilihi. Comme l’a dit madame la garde des sceaux, le 20 juin dernier, à l’Assemblée nationale, les caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, ne sont pas des banques au sens de la directive d’octobre 2005, et ne constituent pas une profession.
Elles ont été créées pour rejeter toute opération irrégulière au regard des contrôles qu’elles opèrent depuis dix-sept ans en application des dispositions réglementaires et de l’article 8 de l’arrêté du 5 juillet 1996.
Ces contrôles sont relatifs à l’intitulé et à la nature des affaires, à la provenance des fonds crédités sur les sous-comptes « affaires » des avocats, à l’identité des bénéficiaires des règlements et à la justification du lien entre les règlements pécuniaires des avocats et les actes juridiques et judiciaires qu’ils accomplissent dans le cadre de leur exercice professionnel.
À lui seul, ce texte démontre la qualité de la CARPA comme outil de nature déontologique qui, sous le contrôle du bâtonnier, refusera toute opération présentant une irrégularité au sens de cet article 8.
C’est la différence fondamentale avec un établissement financier, qui ne peut qu’exécuter l’instruction de son client, concrétisée par un moyen de paiement, sauf incident ; la CARPA, elle, refusera tout simplement que l’opération se réalise si les contrôles auxquels elle est astreinte font apparaître des irrégularités, et en informera l’avocat, dont elle est le partenaire actif dans le cadre du secret professionnel partagé.
A contrario, en aucun cas un établissement financier n’est en mesure de procéder, pour un de ses clients, à de tels contrôles. C’est pour cela qu’il réalise l’opération concrétisée par un moyen de paiement, tout en procédant à une déclaration de soupçon, s’il le juge utile.
La CARPA, adossée à une banque déjà soumise à la déclaration de soupçon, est en état de refuser purement et simplement l’opération qui, n’étant pas réalisée, ne fera pas l’objet d’une telle déclaration.
L’Union nationale des caisses d’avocats, l’UNCA, indique qu’il n’y aura pas de déclaration de soupçon par la CARPA, car une opération traitée par elle, aura précisément bénéficié de « clignotants au vert ». L’UNCA ajoute qu’à la moindre irrégularité elle refusera de traiter l’opération.
L’amendement n° 31 est un amendement de repli.
L’avocat est toujours tenu par son devoir de vigilance, de connaissance du client, des ayants droit éventuels et des motifs du montage financier, dans les limites de l’article L. 561-3 du code monétaire et financier. Cette obligation demeure avec cet amendement, qui tire la conséquence du fait que la CARPA est bien le mandataire de l’avocat et son partenaire dans le cadre du secret professionnel partagé.
Dans le cas où une opération, en pratique extrêmement rare, n’aurait pas été rejetée à l’issue des contrôles et nécessiterait une déclaration, il reviendrait à la CARPA, au regard des contrôles réglementaires auxquels elle est astreinte, de la réaliser, et non plus à l’avocat. Il n’y aura pas de déclaration concomitante de l’avocat et de la CARPA dans la mesure où celle-ci aura procédé aux contrôles inhérents au règlement pécuniaire.
Cela n’exonère évidemment en rien l’avocat de son obligation de vigilance en amont. Soit cette vigilance est réalisée en amont par l’avocat et, dans ce cas, il n’y aura pas de mouvement de fonds suspect. Soit l’avocat n’a rien trouvé à redire à l’analyse du dossier, et c’est alors la CARPA qui décèle les irrégularités lors du versement des fonds. Dans l’absolu, elle rejette l’opération mais, en tout état de cause, si déclaration de soupçon il devait y avoir, c’est bien à la CARPA d’y procéder auprès du bâtonnier de l’ordre du barreau dont dépend l’avocat, en informant ce dernier, comme le prévoit le sous-amendement adopté par l’Assemblée nationale.
Quant à l’amendement n° 112, il vise à réécrire à la forme affirmative la seconde phrase de l’alinéa 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 30.
Je comprends bien la susceptibilité des avocats, mais j’attire l’attention sur le fait que l’avocat peut être la victime de son client, de bonne ou de mauvaise foi,…
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Alain Anziani, rapporteur. … présumé innocent, certes, mais qui peut se révéler coupable au terme de la procédure. C’est plutôt une protection de l’avocat que de permettre aux CARPA, si elles constatent quelque mouvement frauduleux ou si elles s’interrogent sur la provenance des fonds, de pouvoir, par le biais du bâtonnier – la procédure a été encadrée –, signaler l’origine frauduleuse ou prétendument frauduleuse des fonds. L’intervention du bâtonnier devrait dédramatiser le contrôle réalisé sur les comptes de la CARPA.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 31, qui prévoit qu’il n’est pas besoin d’astreindre l’avocat à l’obligation de déclaration dans la mesure où la CARPA y sera astreinte. Il est nécessaire de le prévoir, car il peut y avoir deux niveaux, des sommes différentes, un certain nombre de manœuvres.
À cet égard, je veux dire que nous avons été surpris par un chiffre : un seul signalement a été fait à TRACFIN par les avocats. Je connais beaucoup d’avocats et de barreaux qui considèrent que le barreau devrait aussi faire davantage d’efforts dans la gestion des fonds.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 112.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements.
Je ne suis pas certaine que la volonté d’exclure la profession d’avocat des contraintes prévues dans le cadre de la lutte contre le blanchiment lui rende service, même si j’entends les inquiétudes quant à la suspicion. Aucune profession n’est, par nature, suspectée, mais toutes doivent contribuer à la lutte contre le blanchiment.
La commission des lois du Sénat a déjà modifié substantiellement le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.