M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame Lienemann, je vous confirme notre totale disponibilité pour engager, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2014, une réflexion sur l'ensemble des dispositifs pouvant être mobilisés par des entreprises au titre des mécanismes de prix de transfert.
Mon avis défavorable sur votre amendement était motivé par un simple souci de précision juridique. Le fait de transférer sur des comptes à l'étranger des subventions publiques n'est pas nécessairement un élément constitutif de fraude fiscale. S'il l'est, le texte prévoit déjà des sanctions à l’encontre de tels comportements hautement répréhensibles.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques et morales coupables des infractions définies au présent article encourent également à titre de peine complémentaire, la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise, après l'alinéa 11 de l’article 3, à compléter la peine d'amende et d'emprisonnement prévue par une peine de confiscation du patrimoine.
Cette peine complémentaire est notamment encourue par les auteurs d’infractions graves telles que l’association de malfaiteurs en vue de la commission de crimes et de délits. Par symétrie, il ne serait pas illégitime d’inscrire la confiscation du patrimoine dans le régime de sanction des fraudes fiscales les plus graves.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Il est déjà possible de confisquer une partie du patrimoine des personnes condamnées, à concurrence du montant des biens ayant servi à la commission de l’infraction, du produit de l’infraction ou, pour les délits punis de cinq ans d'emprisonnement au moins, du montant des biens dont la personne condamnée n'a pu justifier l'origine.
Doit-on aller au-delà, comme vous le proposez ? Il me semble que nous devons toujours garder à l’esprit l'échelle des peines. Aujourd'hui, la confiscation de la totalité des biens ne s'applique dans notre droit que dans de rares hypothèses, notamment en cas de crime contre l'humanité.
En conséquence, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le rapporteur vient de dire excellemment ce que pense le Gouvernement ; je n’ai donc rien à ajouter.
M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° 34 est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À l’évidence, la fraude fiscale n’a rien à voir, en termes de gravité, avec un crime contre l’humanité. Si c’est le seul cas dans lequel s’applique la confiscation totale du patrimoine, je me range à la position de la commission et retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
L'amendement n° 145 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Chiron, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Après le 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’il apparaît qu’un indice laissant supposer qu'une fraude fiscale a été commise dans l'une des conditions prévues aux 1° à 5°, l’agent en charge du contrôle qui le constate en informe directement le procureur financier et transmet à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vais retirer cet amendement, en souhaitant toutefois que le Gouvernement réponde à la question soulevée. Il s’agit du fameux « verrou » de Bercy, dont nous avons abondamment parlé hier.
Certains collègues avaient alors relevé que, aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale, tout fonctionnaire qui acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis au procureur. M. le ministre a répondu que les capacités d’enquête de l’administration fiscale étaient pleines et entières, le service d’enquête judiciaire de Bercy pouvant être mobilisé. Cependant, pour déclencher une procédure d’enquête administrative approfondie, des présomptions motivées sont nécessaires. Comment faire pour les établir ? La justice a un champ d’investigation beaucoup plus large.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire l’amendement, mais j’espère obtenir un jour une réponse à cette question !
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié est retiré.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Chiron, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… - À l’article L. 152-2 du code monétaire et financier, après les mots : « l'article 1649 A » sont insérés les mots : « et du premier alinéa de l’article 1649 AA ».
… - L’article 1766 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 1766. - Les infractions aux dispositions du premier alinéa de l'article 1649 AA sont poursuivies et réprimées conformément aux dispositions du titre XIV du code des douanes. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’article 1649 AA du code général des impôts pose l’obligation de déclaration des comptes bancaires ouverts à l’étranger. Cet amendement vise à mettre en cohérence le code général des impôts et le code des douanes en rappelant les obligations de déclaration des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger. Soulignons que ces contrats sont parfois utilisés par les personnes morales pour placer leur trésorerie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. L’obligation de déclaration des contrats d’assurance-vie prévue par cet amendement est déjà satisfaite, mais la précision est bienvenue.
En revanche, le renvoi généralisé aux dispositions du code des douanes pour la procédure applicable en cas de non-déclaration est surprenant, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une infraction douanière. La procédure et les pénalités actuelles ont été spécifiquement prévues par la première loi de finances rectificative pour 2012, et il nous semble qu’il n’y a pas lieu de les modifier. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu’opposer un avis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous présentez, sous la forme d’un amendement de cohérence, une proposition qui a en réalité une double portée.
Il s’agit tout d’abord d’une mesure de coordination, qui n’appelle pas d’observation de ma part.
Mais vous proposez en outre l’application de sanctions prévues par le code des douanes en cas de non-déclaration de contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger. Cette seconde proposition ne me semble pas opportune.
En effet, le projet de loi que nous examinons prévoit, en cas de fraude fiscale, des sanctions fiscales qui pourront dans certaines hypothèses être plus sévères que les sanctions douanières que vous souhaitez appliquer. Je vous rappelle qu’il est prévu de porter les peines pour fraude fiscale à 2 millions d’euros d’amende et à sept ans d’emprisonnement lorsque les faits ont été commis au moyen de comptes ouverts ou de contrats souscrits à l’étranger. Cela doit être comparé avec la peine de cinq ans d’emprisonnement prévue en matière douanière.
Aussi la vraie mesure de cohérence, si nous devions en prendre une, consisterait-elle au contraire à appliquer les sanctions fiscales telles que renforcées par ce projet de loi. Mélanger les règles douanières et les règles fiscales conduit au contraire à des effets qui ne sont pas recherchés, par exemple celui de sanctionner plus faiblement certains comportements.
Au bénéfice de ces explications, même si je comprends parfaitement quelle était votre intention, je vous invite à retirer cet amendement.
M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° 37 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par Mme N. Goulet.
L'amendement n° 70 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 1741-… - L’incitation à la fraude fiscale est le fait, pour toute personne physique ou morale, de concourir intentionnellement et à titre onéreux à :
« a) L’incitation, par voie publicitaire ou par voie de démarchage, la complicité ou la participation pour le compte d’un tiers, à la réalisation des faits visés à l’article 1741 du présent code, ou à la réalisation de schémas d’optimisation fiscale ;
« b) L’ouverture pour le compte d’un tiers d’un compte bancaire dans un pays signalé comme un site d’évasion fiscale par une organisation internationale dans laquelle siège la France.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 500 000 €. La tentative des infractions prévues par le présent article est punie des mêmes peines. Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal. La juridiction peut, en outre, ordonner l'affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 24.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à introduire dans notre droit le délit d’incitation à la fraude fiscale. Plusieurs des personnes auditionnées par la commission sénatoriale d’enquête sur l’évasion des capitaux ont insisté sur la nécessité de combler la lacune que constitue l’absence, dans notre dispositif, du délit d’incitation à la fraude fiscale.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 70.
M. Éric Bocquet. Cet amendement a rigoureusement le même objet que celui de Mme Goulet, dont je fais mienne l’argumentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. L’avis est défavorable, pour la raison simple que ces amendements sont déjà satisfaits. En fait, l’incitation à la fraude fiscale peut être réprimée à deux titres : le démarchage illicite et le délit de fraude fiscale commise en bande organisée, créé par ce texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vient de le dire M. le rapporteur, ces amendements sont satisfaits. En effet, la complicité est sanctionnée et les peines prévues à l’article 1741 du code général des impôts ont été aggravées : les sanctions pécuniaires passent de 700 000 euros à 2 millions d’euros et les peines d’emprisonnement sont portées à sept ans.
J’observe en outre qu’une véritable difficulté juridique se pose, dans la mesure où il est proposé de créer un délit d’incitation à la fraude fiscale alors que le délit de tentative de fraude fiscale n’existe pas dans notre droit.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président. Je transmettrai les explications de Mme le garde des sceaux aux personnes auditionnées.
M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
Monsieur Bocquet, l'amendement n° 70 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.
L'amendement n° 53, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, les mots : « Sous peine d'irrecevabilité » sont remplacés par les mots : « Hors les cas de connexité avec d'autres infractions faisant l'objet d'une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d'une procédure pénale, sous peine d'irrecevabilité ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. À l’heure où l’on demande énormément d’efforts aux Français en augmentant la pression fiscale, il convient aussi de chercher à améliorer significativement la lutte contre la fraude fiscale, car c’est selon nous une voie plus juste que celle de la hausse des prélèvements obligatoires.
Nous proposons d’abord de faire sauter le « verrou » de Bercy en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale. Aujourd’hui, le ministère de la justice ne peut s’autosaisir, l’initiative appartenant à la seule administration fiscale. Il en résulte une certaine limitation de l’application d’un principe essentiel du fonctionnement de la justice française, notamment des pouvoirs dévolus au parquet, à savoir le principe d’opportunité des poursuites.
Cette succession de filtres en matière de poursuites pénales des faits de fraude fiscale obère le fonctionnement de la justice française. La situation actuelle n’est selon nous pas satisfaisante : moins d’un millier de poursuites pénales sont déclenchées chaque année dans ce domaine ; elles débouchent souvent sur des peines d’amende.
Par ailleurs, avec la création du délit de fraude fiscale en bande organisée, il apparaît indispensable de supprimer la règle du dépôt de plainte préalable qui avait été introduite en 1977 et de traiter la fraude fiscale comme une infraction ordinaire en matière de règles de l’action publique.
Il s’agit donc ici d’un amendement de composition entre la position de l’administration fiscale, qui refuse de laisser la justice travailler librement dans le domaine de la fraude fiscale, et la nécessité de permettre à l’autorité judiciaire d’exercer ses compétences conformément au droit commun.
Cet amendement conserve le schéma actuel spécifique à la procédure pénale en matière de fraude fiscale, tout en permettant à l’autorité judiciaire de se saisir plus rapidement des infractions de fraude fiscale qu’elle découvre de manière incidente dans le cadre des enquêtes judiciaires ouvertes pour d’autres motifs. Il s’agit donc de concilier la volonté de l’administration fiscale de conserver la maîtrise des suites pénales à donner aux dossiers qu’elle instruit et l’ouverture de la possibilité, pour l’autorité judiciaire, de poursuivre les infractions qu’elle découvre de manière autonome en la matière. Par exemple, la justice pourrait alors poursuivre directement et rapidement pour fraude fiscale un trafiquant de stupéfiants, sans devoir attendre de longues années les résultats d’un contrôle fiscal intervenant à la suite de la procédure pénale.
La suppression partielle du passage par la commission des infractions fiscales et du dépôt de plainte préalable du ministre du budget apparaît d’autant plus indispensable que le projet de loi tendant à instaurer l’inéligibilité des élus condamnés pour fraude fiscale est en cours d’examen au Parlement. On ne peut en effet concevoir que le déclenchement de poursuites pour fraude fiscale, pouvant éventuellement déboucher sur une condamnation et une inéligibilité, soit laissé à l’appréciation de l’autorité politique, qui sera immanquablement accusée de disposer ainsi d’une arme pour protéger ses amis et contraindre ses adversaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Cet amendement reprend une partie du dispositif de l’article 2 ter, dont nous avons voté la suppression hier soir. Par cohérence, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sur ce sujet, pour la première fois depuis le début de nos débats, je suis d’accord avec le rapporteur. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3 bis A
Après l’article L. 10 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 10 BA ainsi rédigé :
« Art. L. 10 BA. – I. – Avant ou après la délivrance du numéro individuel d’identification prévu à l’article 286 ter du code général des impôts, l’administration peut demander des informations complémentaires pour statuer sur l’attribution ou le maintien de cet identifiant ainsi que tout élément permettant de justifier de la réalisation ou de l’intention de réaliser des activités économiques prévues au cinquième alinéa de l’article 256 A du même code.
« II. – Les informations complémentaires demandées au I sont fournies dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande.
« III. – Lorsque l’administration demande des informations complémentaires, elle notifie à l’opérateur sa décision d’accepter, de rejeter ou d’invalider l’attribution du numéro individuel dans un délai d’un mois à compter de la réception des informations demandées.
« IV. – Le numéro individuel d’identification n’est pas attribué ou est invalidé dans l’un des cas suivants :
« a) Aucune réponse n’a été reçue dans le délai mentionné au II ;
« b) Les conditions prévues à l’article 286 ter du code général des impôts ne sont pas remplies ;
« c) De fausses données ont été communiquées afin d’obtenir une identification à la taxe sur la valeur ajoutée ;
« d) Des modifications de données n’ont pas été communiquées. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 3 bis A
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1649 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, il est ajouté la mention : « I. – » ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :
« Les prestataires de services financiers qui souhaitent investir sur les marchés financiers français leurs propres fonds ou ceux de leurs clients révèlent à l’administration fiscale l’identité de leurs clients lorsque ceux-ci sont des ressortissants français, selon un reporting périodique et automatique. Ils fournissent à l’administration fiscale leur identité, leur adresse, les numéros des comptes, le montant des fonds reçus, des fonds investis et le solde des comptes. Est considéré comme le compte d’un ressortissant français, tout compte détenu :
« 1° par une ou plusieurs personnes de nationalité française ou résidant en France, par une entreprise opérant sur le marché national, par une fiducie ou tout autre association ou partenariat d’entreprises de statut juridique équivalent ;
« 2° par une entité française, définie comme une entité étrangère pour laquelle tout ressortissant français comme défini à l’alinéa précédent :
« – détient directement ou indirectement, dans le cas d’une entreprise, au moins 10 % des droits de vote, en nombre d’actions ou en valeur ;
« – ou, dans le cas d’un partenariat, bénéficie d’au moins 10 % des intérêts ou dividendes versés ;
« – ou, dans le cas d’une fiducie, reçoit au moins 10 % des intérêts bénéficiaires.
« Il appartient aux établissements financiers de déterminer les bénéficiaires ultimes et réels des entités ainsi considérées. Ces dispositions s’appliquent de la même façon selon que le compte ouvert par les établissements étrangers aux clients tels que définis par les deuxième et troisième alinéas bénéficie de revenus générés par des activités domestiques ou à l’étranger. » ;
3° Au début du deuxième alinéa, il est ajouté la mention : « II.- ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement porte sur la question essentielle des obligations déclaratives des établissements financiers dans notre pays.
Si les banques et établissements financiers français sont soumis à des règles déclaratives précises, il n’en est pas tout à fait de même pour les établissements d’origine étrangère, dont la clientèle française n’est pas forcément connue.
Or on sait que la connaissance réelle des avoirs détenus par les ressortissants nationaux dans l’ensemble des établissements bancaires ou compagnies d’assurances étrangers peut constituer un élément de prévention et de détection de la fraude et de l’évasion fiscales. C’est dans cette perspective que les États-Unis ont adopté la loi FATCA, à laquelle il est souvent fait référence dans ce débat.
Pour approfondir les résultats inédits obtenus dans le cadre de l’affaire des fichiers bancaires d’UBS, qui ont amené plus de 14 700 contribuables américains à se dénoncer au fisc en 2010, les États-Unis ont donc choisi d’instaurer la transparence obligatoire pour les intermédiaires financiers.
La loi FATCA prévoit la communication automatique d’informations par les institutions financières comme une condition sine qua non de l’accès au marché américain. Elles devront mettre en place, à destination des autorités fiscales américaines, un reporting périodique et automatique des comptes de leurs clients ressortissants des États-Unis. Si elles s’y refusent, une retenue à la source de 30 % sur les revenus perçus, notamment les dividendes et les intérêts, ainsi que sur le produit de la vente de titres financiers américains sera opérée.
Cette sanction, qui s’appliquera aux transactions effectuées par les banques tant pour leur propre compte que pour celui de leurs clients, est si dissuasive qu’elle ne laisse pas le choix aux établissements financiers. Ces derniers seront obligés de fournir les informations demandées, sauf à perdre l’accès au marché américain, ce qui n’est pas rien !
Les États-Unis ouvrent ainsi la voie à un type de mesure extraterritoriale qui permet de contourner le secret bancaire des autres places financières. Cette disposition peut tout à fait être dupliquée par d’autres grands pays. La France peut donc montrer le chemin au reste de l’Europe, où l’opacité des placements bancaires dans les paradis fiscaux du continent persiste à tronquer très sérieusement la réalité économique et sociale de l’Union européenne. Peut-on, par exemple, exiger des Grecs ou des Chypriotes qu’ils renoncent à la garantie des dépôts bancaires des particuliers dans leur pays, alors même que de riches armateurs grecs disposent d’importantes liquidités dissimulées dans des comptes domiciliés au Luxembourg, en Suisse ou en Autriche ?
Le présent amendement vise à renforcer la transparence des mouvements financiers, qui constitue, à l’évidence, l’un des outils décisifs de prévention et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. La commission des finances partage la préoccupation exprimée par M. Bocquet.
L’amendement vise à imposer aux banques une obligation de déclaration des comptes des résidents français. Cette mesure est inspirée par le dispositif de la loi américaine FATCA, qui tend à instaurer l’échange automatique d’informations.
Si je souscris à l’objectif visé, je suis néanmoins convaincu que ce n’est pas à l’échelle française qu’il faut agir. D’importants travaux sont en cours aux échelons multilatéral, au sein de l’OCDE, bilatéral – des accords d’application du FATCA avec les États-Unis sont actuellement négociés – et surtout européen, avec les projets relatifs à l’échange automatique d’informations. La France est, avec quatre autres pays européens, à l’origine des initiatives prises sur ce dossier. Ces travaux pourraient aboutir sous peu.
Compte tenu de ces éléments, monsieur Bocquet, il me semblerait opportun que vous retiriez l’amendement n° 66.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Bocquet, la préoccupation qui vous a conduit à défendre cet amendement inspire les initiatives prises par le Gouvernement français au sein de l’Union européenne.
Vous avez raison de considérer que nous devons absolument favoriser, partout en Europe, l’échange automatique d’informations. C'est pourquoi nous avons adopté une position avant-gardiste, en prônant la conclusion de conventions d’échange automatique d’informations entre l’ensemble des pays de l’Union européenne. La Commission européenne vient de déposer un projet de directive qui permettra d’atteindre cet objectif. Dans ces conditions, il serait regrettable que la France prenne seule une initiative qui donnerait à penser qu’elle ne croit pas à l’action qu’elle mène au sein de l’Union européenne.
Par ailleurs, un problème juridique se pose. Si nous prenions l’initiative de créer un dispositif FATCA français, nous ne pourrions pas l’imposer aux pays tiers. En l’absence de mesure européenne, il serait juridiquement inopérant.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, en vous confirmant l’entière détermination du Gouvernement à promouvoir la signature de conventions d’échange automatique d’informations entre les États membres de l’Union européenne, l’établissement d’une liste européenne d’États et de territoires non coopératifs et l’attribution à la Commission d’un mandat pour négocier avec les pays tiers à l’Union des conventions de type FATCA. Si, au cours des prochains mois, nous parvenons à progresser dans cette triple voie, nous aurons avancé de façon considérable en matière de lutte contre la fraude fiscale.
M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 66 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président, je le maintiens pour conforter la France dans le rôle avant-gardiste qu’elle veut jouer au sein de l’Union européenne. Cela nous ramène à notre débat d’hier sur les règles de libre concurrence et de libre circulation des capitaux inscrites au cœur des traités régissant l’Union européenne, qui permettent l’évasion fiscale.