M. Jean-Pierre Michel. Allez, il faut conclure !
M. Jean Louis Masson. Cette égalité, ce n'est pas l'égalité entre les parlementaires, c'est en fait l'égalité des citoyens français devant la contribution aux charges publiques et devant les ressources financières.
J’ai toujours été choqué que tel parlementaire bénéficie d’une plus grande part de la réserve parlementaire au motif qu'on voulait lui faire plaisir pour telle ou telle raison. Agir ainsi, c’est favoriser plus ou moins des groupes de citoyens, des groupes de contribuables, ce qui n’est pas une façon de gérer l'argent public conforme aux principes républicains. (Marques d’impatience sur plusieurs travées.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue. Votre temps de parole est écoulé.
M. Jean Louis Masson. Je conclus, monsieur le président.
Dans les amendements relatifs à la réserve que j’avais déposé sur le projet de loi ordinaire, je visais également ce qu'on appelle la réserve ministérielle. C'est un point très important que plusieurs collègues ont évoqué, notamment Henri de Raincourt ou Gérard Longuet. Puisque les deux amendements dont nous discutons actuellement vont être votés et que je ne pourrai pas présenter mes propositions en la matière lors de l’examen du projet de loi ordinaire, je souhaiterais déposer deux sous-amendements visant à prendre en compte la réserve ministérielle.
M. le président. Monsieur Masson, vos deux sous-amendements ne sont plus recevables. Cela étant, vos propositions rejoignent celle qu’a formulée M. Longuet. Nous y reviendrons donc à la fin des explications de vote.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. L'essentiel a été dit, aussi serai-je bref.
Je le dis d’emblée, je suis plutôt favorable à ces deux amendements identiques. Madame Rossignol, je me souviens très bien que, lorsque nouvellement élu sénateur j’ai rejoint la commission des affaires culturelles, personne ne m'a parlé de cette réserve parlementaire. J'ai dû attendre deux ou trois ans et intégrer la commission des finances pour qu’enfin le ciel s'éclaircisse et que l'on m’informe de son existence. Il est certain que, quand vous venez d’être élu, personne ne se précipite vers vous pour vous dire : « Au fait, viens participer à la distribution de la réserve parlementaire ! » (Sourires.)
La réserve parlementaire doit-elle être supprimée ? À mon avis, non. À un moment où, pour des raisons budgétaires sur lesquelles il est inutile de revenir, le Gouvernement s’apprête à réduire considérablement les crédits alloués aux collectivités territoriales – 1,5 milliard d'euros en 2014 et encore 1,5 milliard d'euros en 2015 –, sincèrement, ce n'est pas ce que l'on peut faire en tant qu'élu pour soutenir l'action de telle ou telle commune ou de telle ou telle collectivité sur un certain nombre d'opérations qui va changer grand-chose.
Si la répartition se fait en toute transparence, si la liste des bénéficiaires est rendue publique, je ne vois a priori aucune raison d’être gêné par l’aide que peut apporter la réserve parlementaire. J'entends bien M. Sueur nous dire qu'il faudrait qu’elle soit ciblée sur les petites communes. Monsieur le rapporteur, je comprendrais une répartition par département, mais, celui dont je suis l’élu comptant 1,5 million d'habitants et trente-six communes, faudrait-il que je ne donne qu’aux seules communes de moins de 3 000 habitants, d’autant que le coût des investissements est plus élevé qu’ailleurs ?
Mme Jacqueline Gourault. Les pauvres !
M. Roger Karoutchi. Madame Gourault, certaines communes de mon département sont très pauvres. Encore une vision des Hauts-de-Seine qui se limite à La Défense ! La réalité n'est pas aussi simple, dans les Hauts-de-Seine non plus. Allez voir à Gennevilliers, allez voir à Nanterre !
Mme Éliane Assassi. Prenez rendez-vous pour aller chez les communistes ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. Les Hauts-de-Seine comptent aussi des communes pauvres, et on les aide à investir.
Pour ma part, je ne me fatigue pas, je vais au plus simple et au plus facile en ne donnant qu’aux collectivités. Je ne donne pas aux associations. Quand la presse vous demande à qui vous donnez, vous citez les trois, quatre ou cinq communes bénéficiaires et, au moins, on ne vous casse pas les pieds pour savoir pourquoi vous avez choisi telle ou telle association.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Roger Karoutchi. On sait ce que coûte de rénover des centres-villes, de construire des crèches, notamment en région parisienne où tout est cher. De fait, je ne considère pas que cette manne doive être remise en cause.
M. Longuet a évoqué l’ancien chapitre budgétaire 67-51 du ministère de l’intérieur. À ma connaissance, il existe toujours, mais sous une appellation différente. S’il est en partie sollicité par les parlementaires, il peut l’être également par bien d'autres personnes, parfois même directement par des maires ou d’autres élus, qui obtiennent l’intervention du ministère.
Ces amendements visent à contraindre le ministère de l’intérieur à publier « la liste des subventions versées sur proposition des membres du Parlement » aux collectivités locales. Pourquoi donc se limiter aux subventions versées à la demande des seuls parlementaires ? La logique voudrait que l'on sache qui a reçu et à la demande de qui, quel qu’il soit. Après tout, si la transparence doit être la règle, il faut aller jusqu’au bout et l'on doit savoir qui donne et dans quelles conditions.
En conclusion, je réitère mon opposition à la suppression de la réserve parlementaire. Les crédits d'État alloués aux collectivités territoriales diminuent et, chacun le sait, les investissements et les subventions des départements et des régions en direction des communes se réduisent. En tant que président de la commission des finances de la région d'Île-de-France, je reconnais que, nous-mêmes, nous sommes tenus de faire des économies, de réduire un certain nombre de subventions aux collectivités. Au nom d’une nécessaire transparence, prenons garde de contribuer à accroître les difficultés des communes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je voterai des deux mains ces amendements. Simplement, je formulerai deux remarques.
Je suis favorable au maintien de la réserve parlementaire. C'est un petit apport pour les collectivités et, pour un sénateur qui n'est ni président de conseil général ni président de conseil régional, c'est un moyen, parmi d’autres, d'exister.
Cependant, je suis très réservé quant au subventionnement des associations. Pour ma part, je ne leur donne rien, pour deux raisons.
Premièrement, quand on commence à leur donner, elles reviennent chaque année jusqu’à devenir des abonnées, des pensionnées. Par la suite, on ne dispose plus d'aucune marge de manœuvre. En revanche, quand on attribue une subvention à une commune, elle ne revient pas l'année ou les deux années qui suivent.
Deuxièmement, je crains certaines dérives. Autrefois, dans une grande ville du Sud-Est, j’ai connu une association dénommée « Les amis du maire », qui était subventionnée par le conseil municipal… C'est pour cela que je ne suis pas favorable à ce que les associations puissent recevoir des subventions au titre de la réserve. Pour moi, l'argent public doit aller aux collectivités publiques et non pas servir à conclure de petits arrangements entre amis en subventionnant les copains.
M. Gérard Longuet. Ou la famille !
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je suis personnellement très attaché au maintien de la réserve parlementaire, qui est un moyen d'aider les petites communes. Je suis élu d'un département qui compte 675 communes, dont les deux tiers, soit plus de 400, ont moins de 500 habitants et disposent d’un tout petit budget. En outre, ces petites communes, pour s’équiper, sont souvent privées des subventions auxquelles ont droit de plus grosses collectivités de la part du conseil général, en raison des seuils que celui-ci a désormais fixés. Par conséquent, très souvent, pour ces petites communes, il n’existe pas d’autre aide possible que la réserve parlementaire.
Un certain nombre de présidents de conseil général qui se sont exprimés ici ont déclaré que ces fonds ne leur semblaient pas utiles. Mais quand on n’est pas président de conseil général, quand on est élu d’un département qui mène une politique visant à favoriser davantage les grandes communes, la réserve parlementaire est indispensable.
Je rejoins tout à fait les auteurs de ces deux amendements identiques : la transparence doit être la règle. C'est l'opacité qui règne actuellement tant sur les montants attribués que sur la répartition de la réserve entre les parlementaires qui crée cette suspicion, qui a fait dire à un journaliste local que la réserve parlementaire est féodale, moyenâgeuse et attribuée à la tête du client.
Pour ma part, je publie ce que je donne chaque année, et je trouverais très bien que cette obligation de publicité soit inscrite dans la loi. Mais, comme certains l'ont également souligné, les parlementaires ne doivent pas être les seuls concernés. Je voterai donc ces deux amendements, tout en souhaitant que cette obligation soit élargie à l'ensemble des subventions publiques attribuées par les ministères.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Pour ma part, j'ai été tout à fait convaincu par l'argument auquel a recouru Mme Rossignol en présentant son amendement : soit on supprime la réserve parlementaire, soit on rend son utilisation transparente.
Étant d’avis qu’il ne faut pas la supprimer, j’estime donc qu’il faut plus de transparence. En effet, sans raison apparente, la réserve parlementaire est entourée d’un halo de mystère qui gagnerait à être dissipé. Ces crédits du ministère de l'intérieur que le parlementaire peut faire allouer pour des travaux divers d'intérêt local jouent un rôle très utile dans nos collectivités, en particulier dans nos communes rurales.
M. de Raincourt a cité l’exemple de son département ; le mien, celui de la Manche, compte 601 communes, dont beaucoup de petites communes rurales. Il est exact que les crédits disponibles sont tellement faibles qu'ils ne peuvent servir à financer de très gros investissements. En revanche, on peut aider, dans leurs projets, des petites communes dont les budgets sont extrêmement limités. Pour ce qui me concerne, cela représente une quinzaine d’opérations au maximum dans l’année. Je choisis chaque fois celles dont le coût est relativement modéré, si bien que les crédits apportés par le ministère de l’intérieur sur ma demande ont toujours un effet de levier réellement important.
Telle est la raison pour laquelle je souhaite vivement que l’on continue à pouvoir aider de manière efficace nos petites communes rurales. Je ne vois aucun inconvénient à ce que la liste des communes et les montants des aides soient rendus publics, d’autant que, pour ma part, je le fais déjà.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis très étonnée par ce débat sur la « nécessaire transparence ». De par ma propre culture, je pense qu’elle s’imposera plus par la persuasion que par la législation. Trop de loi tue la loi ! Reste que je voterai les amendements de nos collègues, car il est temps que nous soyons convaincus que la transparence est nécessaire pour regagner la confiance de nos concitoyens.
Pour ma part, je suis favorable à la réserve parlementaire. Élue pour la première fois au Sénat en septembre 2011, j’ai mis sur mon site dès le mois de novembre des informations sur l’attribution de la réserve parlementaire, que je partage pour moitié entre les associations et les collectivités. Certes, les associations ne votent pas… Néanmoins, en cette période de crise, elles ont été autant, sinon plus touchées que les collectivités, et nous leur apportons une grande aide en les subventionnant.
Compte tenu de la quantité d’argent dont nous disposons, nos subventions ne sont pas énormes. Nous les attribuons sur projets et après délibération pour nous assurer de leur bonne destination. Ensuite, nous nous informons pour vérifier si l’activité proposée a bien été effectuée. Tout cela est difficile et prend du temps, mais, ainsi, on sait où va l’argent et comment il est utilisé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Depuis que je suis sénateur, je publie les sommes que j’attribue dans le cadre de la réserve parlementaire dans mon bulletin de sénateur et dans tous les journaux locaux. Cette information permet à certains maires de savoir que ces fonds existent et de me poser des questions pour l’année suivante.
Faut-il supprimer cette réserve ? Beaucoup le souhaitent, notamment pour réduire les dépenses de l’État. Cette suppression se justifierait peut-être si elle conduisait le ministère de l’intérieur à augmenter les dotations versées aux collectivités territoriales, mais comme ce ne sera sûrement pas le cas, gardons la réserve parlementaire. Subventionnons également certaines associations. Moi, je subventionne, par exemple, des associations du patrimoine ou des festivals qui sont très courts dans leurs budgets.
Cela étant, le bureau de notre assemblée devrait prendre des mesures un peu plus drastiques en matière d’équité. Autant je comprends que la présidence du Sénat – je ne dis pas le président – dispose d’un volume qui lui permette de financer des opérations extérieures comme les lycées français de l’étranger, autant j’estime que l’équité doit être totale pour les autres parlementaires.
M. Pierre-Yves Collombat et Mme Jacqueline Gourault. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Michel. Les présidents de commission et les présidents de groupe bénéficient déjà d’avantages matériels que les autres parlementaires n’ont pas, ça suffit ! Pourquoi devrait-on aussi leur attribuer une part plus importante de la réserve parlementaire ?
Par ailleurs, il faudrait interdire à tout parlementaire de verser des dotations à sa propre commune. Je l’ai pourtant vu faire dans de nombreux départements. Quand j’étais maire, je ne l’ai jamais fait.
Mme Jacqueline Gourault. Moi non plus !
M. Jean-Pierre Michel. Or certains parlementaires, y compris dans mon département, donnent parfois la moitié de leur réserve à leur propre commune. C’est totalement inadmissible, sans compter que cette pratique entrerait parfaitement dans le cadre des conflits d’intérêts dont nous débattons aujourd’hui. Pour lutter contre ces agissements, le Sénat doit changer son règlement !
Enfin, notre excellent collègue Éric Doligé a tenu sur la suppression de la réserve des propos un peu polémiques, comme à son habitude.
M. Philippe Bas. Oh, s’il vous plaît !
M. Jean-Pierre Michel. S’il faut la supprimer, faisons-le pour les cumulards, pour les présidents de conseil général, qui distribuent déjà beaucoup de subventions et qui n’ont peut-être pas besoin de la réserve parlementaire…
Plaisanteries mises à part, je suis favorable à la publicité de la réserve parlementaire, mais je pense qu’il incombe au bureau du Sénat, et les questeurs devraient y veiller, d’adopter des règles beaucoup plus strictes pour assurer une équité totale – j’insiste sur ce terme – entre tous les parlementaires, hormis la somme globale qui serait réservée à la présidence du Sénat.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Tout a été dit par les orateurs précédents, y compris par Jean-Pierre Michel ; je vais donc intervenir brièvement.
Je précise avant toute chose que les questeurs n’ont pas voix au chapitre sur la gestion de la réserve parlementaire. Ils sont traités comme les autres sénateurs et n’ont rien à dire sur sa répartition. Reste que je suis d’accord avec notre collègue sur le rôle que doit tenir le bureau du Sénat.
En fait, je voudrais réagir aux propos de MM. Doligé, de Raincourt et Longuet. Nous sommes soit naïfs, soit atteints par je ne sais quelle grâce sur la transparence…
Monsieur Doligé, vous avez raison, la réserve permet d’aider les petites communes et notre vision est différente selon que le département dont nous sommes les représentants compte beaucoup de petites communes, très peu ou pas du tout. C’est la même chose pour l’attribution des aides aux associations.
Monsieur de Raincourt, vous avez dit que tout devait être « mis sur la table ». Bien sûr ! En épluchant les publications de 2011, année d’un renouvellement sénatorial, j’ai constaté que M. Larcher, ancien président du Sénat, avait arrosé quelques communes de mon département.
M. Michel Mercier. Je n’ai rien eu !
M. Jean-Marc Todeschini. Mon département, la Moselle, en a eu, mais je l’ai appris cette semaine.
Je sais aussi que certaines députées menacées se sont vu attribuer jusqu’à 600 000 euros en direct de l’Élysée. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Eh oui, monsieur Karoutchi, tout doit être mis sur la table ! Elles ont ainsi aidé des communes de leur département qui ne faisaient pas partie de leur circonscription mais qui allaient lui être rattachées.
Ces exemples montrent que la transparence totale est nécessaire.
Enfin, M. Longuet a dit que les présidents de conseil général ou régional pouvaient arroser certaines communes. Il a été président du conseil régional de Lorraine, je crois.
Sachez, mes chers collègues que, dans mon département, les dotations sont d’abord attribuées aux communes ; ensuite, le conseiller général – il y en a un parmi nous – en reçoit une, qu’il peut répartir comme il le souhaite aux communes de son canton, même si ces sommes restent en principe modestes. Si le projet répond aux règles fixées par le département – en l’espèce, les différences sont énormes –, il peut être retenu, et le président du conseil général attribue les dotations comme il l’entend et à qui il veut.
M. Philippe Bas. Il y a tout de même une assemblée !
M. Jean-Marc Todeschini. Bien sûr, mais il y a toujours une majorité.
M. Éric Doligé. Supprimez les départements, et aussi les régions, les communes !
M. Jean-Marc Todeschini. Voilà pourquoi je suis pour la transparence totale avec des règles similaires dans tous les départements. Ainsi, toute somme provenant de la réserve parlementaire ou de fonds ministériels devrait porter le nom du parlementaire qui a sollicité son versement.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Ce qui restera dans la petite histoire du Sénat, c’est l’assassinat de la réserve parlementaire.
M. Yann Gaillard. Nous avons compris, dès les premiers mots de Mme Rossignol, que la réserve parlementaire était en train de mourir. Elle est morte, enterrons-la et essayons de trouver un autre système !
Pour autant, méfions-nous de la recherche de l’égalité totale, de la transparence absolue. Il n’est pas si mauvais de laisser perdurer quelques petites habitudes, modestes, en tout cas pour ceux qui reçoivent la dotation, et non pour ceux qui la distribuent.
Un certain charme opérait dans nos relations avec les petites communes que nous pouvions aider ; il est en train de s’évanouir, et c’est un peu de la poésie du Sénat qui s’efface ! (MM. Philippe Bas et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je connais pour ma part quelques aspects qui ne sont pas très poétiques.
Je partage totalement l’objectif de ces amendements, qui vont dans le sens de l’histoire. De toute façon, ce qui est caché finit toujours par être découvert, et pas forcément de la bonne manière. Je me souviens de la campagne de 2011 dans mon département. Les journalistes, qui s’étaient empressés de connaître la réserve des parlementaires de Loire-Atlantique, avaient constaté son étonnante diversité : son montant, parfois dérisoire, pouvait atteindre, à l’inverse, des sommes impressionnantes ; en outre, son usage n’était pas évident à démontrer. Cette situation n’est pas du tout bonne pour la vie politique.
Le progrès, c’est l’équité, c’est la transparence. Le Sénat a commencé à s’engager dans cette voie, et il doit poursuivre ses efforts. À cet égard, je partage les propos de Jean-Pierre Michel : nous devons garantir une équité totale entre nous. La transparence est également indispensable, car si nous la craignons, d’autres s’en empareront, et nous serons de nouveau confrontés à une forme de présentation de la vie politique qui n’est pas saine.
Enfin, je suis étonné que des amendements visant à supprimer la réserve parlementaire n’aient pas été déposés, car, lors de la campagne de 2011, cette idée avait été défendue par certains de nos collègues, notamment par les trois élus de l’actuelle majorité de mon département. Pour autant, aucun d’entre eux n’a présenté d’amendement aujourd’hui. Chacun devrait faire montre de cohérence avec ses promesses de campagne lorsqu’il se retrouve sur les travées du Sénat ! Pour ma part, je reste fidèle à ma logique : j’ai annoncé que j’étais pour la transparence, je voterai donc ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ce débat est passionnant, le nombre d’interventions en témoignent.
Je reste intimement persuadé, comme d’autres de nos collègues qui ne sont pas à la tête d’exécutifs régionaux ou départementaux, que la réserve parlementaire a son utilité. C’est aussi une façon d’aider modestement les communes à réaliser des projets d’investissement. Il est donc un peu dommage qu’une sorte de suspicion naisse aujourd’hui à l’endroit de cette réserve, dont l’existence est pourtant très ancienne. Avant 2007, alors que j’étais assistant parlementaire, j’en entendais déjà parler. Elle était à l’époque aussi destinée à aider les communes, les intercommunalités et les syndicats intercommunaux à vocation multiple.
Même si l’on dit aujourd’hui que les services du ministère de l’intérieur travaillent avec une grande rigueur et une transparence évidente pour constituer les dossiers, je rappelle que c’était déjà le cas auparavant : il fallait produire des devis estimatifs, des attestations de non-commencement, identifier les travaux d’investissement. N’oublions pas non plus que ces sommes sont souvent modestes et attribuées à de petites communes. Mon département, les Ardennes, comprend pour sa part 463 communes, dont la majorité d’entre elles sont de petite taille.
Mme Cécile Cukierman. Chez moi, il y en a 327 !
M. Marc Laménie. Aujourd’hui, les plans de financement des projets sont bien définis, alors que, voilà cinq ou dix ans, des élus demandaient 80 % de subventions, soit le maximum des aides publiques. Cette époque est révolue. Désormais, la dotation globale d’équipement, qui a été remplacée par la dotation d’équipement des territoires ruraux, est gérée complètement, dans le plan de financement, par le ministère de l’intérieur, comme le font les préfets et les sous-préfets pour répartir les subventions au titre des travaux divers d’intérêt local.
Les subventions que nous accordons, à hauteur par exemple de 1 000 euros ou de 5 000 euros, nous mettent souvent en porte-à-faux, ne l’oublions pas, car nous sommes destinataires de nombreuses demandes et, après examen des plans de financement, nous ne pouvons toutes les honorer. Pour une personne satisfaite, nous faisons généralement trois mécontents… Ce n’est pas simple ! Certains élus sont compréhensifs, d’autres moins.
Parfois, la réserve parlementaire permet aussi de soutenir des projets d’investissement qui ne sont financés ni par l’État, ni par la région, ni par le département, au titre des travaux divers d’intérêt local. C’est pourquoi je suis favorable à ce dispositif.
Par ailleurs, certains collègues ont évoqué l’aide aux associations. Pour ma part, je vous avoue que j’ignorais cette possibilité, mais le cordonnier est souvent le plus mal chaussé...
Vous l’aurez compris, je suis pour la réserve parlementaire, qui a le mérite d’aider les petites communes et les petits projets, même si je suis également favorable aux principes de transparence et de bonne information, pour éviter de faire n’importe quoi.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Sans faire de la psychologie de bazar, je constate avec une pointe d’humour que la réserve parlementaire devait peser sur beaucoup de consciences, parmi les sénateurs présents aujourd’hui dans cet hémicycle.
M. Roger Karoutchi. Non !
Mme Éliane Assassi. Mes chers collègues, les amendements dont nous débattons visent à assurer la publication de la réserve parlementaire. Quand on est pour la transparence, comme c’est le cas des membres du groupe CRC, on ne peut de facto qu’être favorable à la transparence de la réserve parlementaire, pour ce qui concerne ses montants comme ses destinataires. Du reste, nous avons déposé des amendements allant en ce sens dans le cadre du projet de loi ordinaire, amendements dont, à l’évidence, nous n’allons pas débattre.
Quoi qu’il en soit, de grâce, ne tentons pas de justifier le maintien de cette réserve parlementaire en invoquant les réductions drastiques des dotations que subissent et vont subir les collectivités territoriales. En la matière, comparaison n’est pas raison !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Mes chers collègues, il apparaît que nous nous apprêtons à adopter ces amendements à l’unanimité. Toutefois – j’en suis rouge de honte, car j’ai cosigné l’amendement n° 23 rectifié –, je tiens à dire qu’ils ne sont pas à leur place : ces amendements devraient introduire une modification à l’article relatif à la loi de règlement.
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Alain Richard. En effet, il s’agit du compte rendu d’une période financière exécutée. À mon sens, il serait logique que cette annexe soit rattachée à l’article 54 de la loi organique du 1er août 2001 et non à l’article 51, qui porte sur les lois de finances initiales.
J’ajoute que cette solution permettrait d’effacer la petite distinction juridique qui nous sépare de Mme la ministre : l’article 51 renvoie à d’autres lois ordinaires pour créer des annexes, tandis que, au titre de l’article 54, relatif à la loi de règlement, toutes les annexes doivent figurer dans le projet de loi organique.
Une telle rectification me semble donc nécessaire, s’il y a une CMP !
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr qu’il y aura une CMP !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je souhaite revenir rapidement sur ce que notre collègue Henri de Raincourt a dit il y a quelques instants. Il a parlé de l’utilité et de l’importance de la réserve parlementaire pour nos compatriotes vivant à l’étranger.
Je n’ai rien à redire à ces propos. Toutefois, il me semble que notre collègue a surtout parlé en tant qu’ancien ministre de la coopération. Pour ma part, je m’exprimerai en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France.
Mes chers collègues, je peux vous dire que la réserve parlementaire est très appréciée par nos compatriotes expatriés, pour lesquels elle est très importante et très utile. Je rappelle que les Français établis hors de France sont représentés par douze sénateurs, auxquels s’ajoutent désormais onze députés, qui forment ainsi un total de vingt-trois réserves parlementaires. Ces dernières jouent un certain rôle auprès des Français de l’étranger, d’autant que les crédits d’assistance du ministère des affaires étrangères se font de plus en plus rares et sont de plus en plus difficiles à obtenir.
Avec la réserve parlementaire, nous parvenons, de temps à autre, à intervenir dans des situations tout à fait capitales pour les Français de l’étranger. Je suis donc en désaccord avec les propos qui ont été précédemment tenus. En effet, nous aidons des associations. C’est dans ce domaine que nous pouvons être utiles, dans la mesure où nous n’avons pas de collectivités à soutenir. Il faudra donc faire preuve de prudence et veiller à ne pas supprimer cette possibilité d’action.
Personnellement, j’ai eu l’occasion d’aider un certain nombre d’associations caritatives qui me semblent essentielles, dans des pays comme Madagascar, ou encore à Pondichéry, où nos compatriotes ne perçoivent que de faibles revenus. Dans ces territoires, la réserve parlementaire peut apporter une aide considérable ! Voilà pourquoi je suis totalement favorable au maintien de ce dispositif.
Quant à la transparence, elle ne me pose aucun problème, et je ne peux qu’être favorable aux amendements dont nous débattons. Simplement, en tant que représentant des Français de l’étranger, je tenais à rappeler que la réserve parlementaire peut constituer un véritable plus !