M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je souhaite réagir aux propos de M. Legendre.
Mon cher collègue, j’entends bien que votre volonté n’est pas d’empêcher des enfants d’entrer au collège. Mais cette réalité existera pourtant.
Imaginons une famille expatriée qui viendrait travailler en France et dont les enfants ne maîtrisent pas le français. Comment leur scolarisation peut-elle être effectuée dans les écoles françaises ? De fait, s’il est écrit dans la loi que, pour entrer au collège, il faut maîtriser le français, ces enfants seront exclus.
Cet exemple est sans doute extrême, mais il existe dans les écoles primaires des enfants qui ont des difficultés pour apprendre le français, l’écrire et le parler. Je suis d’accord pour faire porter à notre école une exigence forte, afin que ces enfants puissent acquérir une bonne maîtrise de la langue française au fur et à mesure de leur scolarité. Mais bloquer leur passage en sixième s’ils n’ont pas réussi à acquérir cette maîtrise reviendrait à les exclure. Je ne peux pas vous suivre sur ce point, car trop d’enfants seraient laissés sur le bord du chemin, puisque, comme nous l’avons tous constaté dans nos écoles, ils sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à acquérir la maîtrise du français.
S’il faut se poser la question de l’apprentissage et de la maîtrise de la langue française, il ne faut pas empêcher ces enfants de poursuivre leur scolarité. Sinon, toute possibilité d’évolution au sein de notre système scolaire leur serait retirée. Ce serait dommage. De plus, cela irait à l’encontre de votre souhait pour l’ensemble de nos enfants, à savoir la réussite de leur scolarité.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5, et l’amendement n° 454 n’a plus d’objet.
Section 2
L’éducation artistique et culturelle
Article 6
I. – (Non modifié) Au début de la septième phrase de l’article L. 121-1 du code de l’éducation, les mots : « Les enseignements artistiques » sont remplacés par les mots : « L’éducation artistique et culturelle ».
II. – L’article L. 121-6 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Les enseignements artistiques contribuent » sont remplacés par les mots : « L’éducation artistique et culturelle contribue » ;
b) La seconde phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Elle favorise la connaissance du patrimoine culturel et de la création contemporaine et participe au développement de la créativité et des pratiques artistiques. L’éducation artistique et culturelle comprend un parcours pour tous les élèves tout au long de leur scolarité dont les modalités sont fixées par les ministres chargés de l’éducation nationale et de la culture. Ce parcours est mis en œuvre localement ; des acteurs du monde culturel et artistique et du monde associatif peuvent y être associés. » ;
2° Au début du deuxième alinéa, le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Les enseignements artistiques » ;
3° (Suppression maintenue)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaite intervenir sur cet article 6, qui porte spécifiquement sur l’éducation artistique et culturelle à l’école. Mes chers collègues, vous connaissez mon intérêt et mon engagement, au sein de notre commission, sur ces questions depuis de nombreuses années.
L’éducation a longtemps privilégié les savoir-faire, peut-être au détriment des savoir-être. Aussi, je suis convaincue que le fait d’inscrire l’éducation artistique et culturelle dans les objectifs à atteindre pour l’école est absolument essentiel.
L’éducation au sensible, apprendre aux enfants à s’émouvoir, à admirer des œuvres, découvrir des artistes ou encore fréquenter les musées, les théâtres et le cinéma, voilà un enjeu essentiel pour donner aux élèves une formation la plus complète possible.
Bien évidemment, je ne reviendrai pas sur les bienfaits de la culture, qui non seulement construit des hommes et des citoyens, mais aussi contribue à tisser du lien social. Comme vous tous ici présents, je suis convaincue de son importance.
Avec Mme Férat, j’avais déposé un amendement lors de l’examen de la loi de 2005 afin d’intégrer au socle commun l’éducation artistique et culturelle, ainsi que les pratiques sportives. C’est vous dire notre souci que les enfants puissent avoir accès à ce type d’enseignements.
C’est pourquoi nous soutenons l’inscription, dans ce texte de loi, de l’éducation artistique et culturelle, qui viendra compléter utilement l’enseignement des arts. En effet, à titre de comparaison, il n’est pas inutile de rappeler que, même si l’on apprend les règles de la natation, si l’on ne se lance pas dans le grand bain pour nager, l’enseignement restera très incomplet.
Pour autant, si nous sommes favorables à l’éducation artistique et culturelle telle qu’elle est inscrite dans le projet de loi, nous regrettons son déficit d’ambition. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le texte ne clarifie ni n’articule la notion d’éducation artistique avec celle d’enseignement artistique.
Je le rappelle, l’éducation artistique, c’est la sensibilisation permanente aux arts et à la culture au travers d’un ensemble de disciplines, tandis que les enseignements artistiques, ce sont forcément des formations plus techniques et approfondies, comme l’apprentissage d’un instrument de musique. Généralement, ces enseignements sont plutôt dispensés dans les écoles de musique ou les conservatoires, qu’ils soient de rayonnement communal, départemental ou régional, ou encore les écoles d’art.
Ces deux notions sont souvent confondues, pour être ensuite diluées l’une dans l’autre. Il convient de le souligner, elles sont complémentaires et doivent être inscrites en continuité l’une de l’autre. Elles permettent aux élèves, dès le plus jeune âge, si elles sont bien articulées, d’avoir potentiellement accès à la formation la plus complète et la plus poussée, si tel est le souhait de l’enfant et de sa famille.
Notre groupe a donc déposé un amendement pour que soit permis à chaque élève d’accéder à cette formation. La pratique doit être un continuum depuis la sensibilisation jusqu’à la formation des futurs amateurs ou professionnels.
Si ce n’est pas l’école qui organise le prolongement de cette sensibilisation, qui s’en chargera ? Souvent, on le sait, ce sont les familles averties ou favorisées qui ont directement accès à ces établissements, tandis que les familles plus éloignées n’offrent pas à leurs enfants cette chance. L’école peut jouer ce rôle.
Nous avons déposé un certain nombre d’amendements pour que soit également clarifiée, dans le cadre d’une ambition globale concernant le projet éducatif de territoire, la notion d’éducation artistique et culturelle sur le temps scolaire et sa spécificité sur le temps périscolaire, ainsi que pour souligner l’importance de s’appuyer sur les contrats locaux d’éducation artistique, les CLEA, qui ont été mis en place par des collectivités en partenariat avec les services déconcentrés de l’État, à la fois les rectorats et les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles.
Prendre appui sur ces expérimentations, c’est aussi montrer l’implication des collectivités. Comme nous le souhaitons, les collectivités doivent être également pleinement impliquées dans le processus, puisque, le plus souvent, vous le savez, ce sont elles qui financent les établissements culturels et artistiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l'article.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet article 6 – il n’est pas le seul – illustre la démarche de refondation, l’esprit qui anime le Gouvernement et les parlementaires pour donner un souffle nouveau à l’éducation.
Tout d’abord, parce qu’il place dans les objectifs et missions du service public de l’enseignement non plus seulement un « enseignement » artistique, mais une « éducation » artistique et culturelle.
Le choix du vocabulaire laisse bien entendre que la formation nécessaire à la compréhension vise à une ouverture des élèves au monde de la culture davantage qu’à l’apprentissage d’une technique supplémentaire.
Les deux piliers sur lesquels cette éducation se constitue retiennent également l’attention : le local et l’ailleurs, soit une véritable ouverture sur le monde.
Avec raison, nos collègues de l’Assemblée nationale ont insisté sur le partenariat local, dont toutefois l’identification des moyens mis en synergie devra dans chaque cas être précisée.
La richesse de la vie culturelle qui entoure les établissements scolaires est un vecteur positif pour ancrer l’école et les élèves dans le monde qui les entoure et qu’ils touchent ainsi du doigt. Mais il ne faudra pas que les frontières du territoire local constituent un seuil au-delà duquel l’ouverture au monde est fermée.
Toutefois, sur les territoires à forte identité régionale, ainsi qu’à biodiversité spécifique, à l’instar de la forêt primaire amazonienne que l’on retrouve par exemple en Guyane et qui, au-delà de la nature, fonde des mythes et légendes fabuleux, les démarches de recensement, collecte, valorisation et diffusion devront être partagées entre les chercheurs, institutions locales et éducation nationale.
À ce titre, sans formuler de proposition, je souhaite mentionner le frein que constitue dans ce cas de figure pour les cultures régionales le caractère facultatif des enseignements devant mener aux diplômes comme le baccalauréat. Leur formation continue ciblée semble pouvoir être une première voie.
C’est également pourquoi je salue encore les travaux de la commission qui ont laissé une ouverture à la culture autre qu’artistique.
Certes, l’article L. 121–6 du code de l’éducation mentionne particulièrement certains aspects de la vie culturelle : la musique instrumentale et vocale, les arts plastiques, l’architecture, le théâtre, le cinéma, l’expression audiovisuelle, les arts du cirque, les arts du spectacle, la danse et les arts appliqués.
Mais cette ouverture au monde comprend également la culture scientifique et technique – dans le sens des sciences expérimentales, et j’en confirme le caractère opérationnel avec le programme du Centre spatial guyanais qui accompagne chaque classe d’âge dans la découverte de l’espace et du transport spatial –, la culture littéraire – écrite ou orale, et les départements ultramarins, comme ceux du sud de la France, connaissent une tradition importante de ce support immatériel –, architecturale et historique.
L’éducation culturelle réside non pas seulement dans un cours d’art plastique ou dans un enseignement d’histoire de l’art, mais dans l’ensemble des enseignements proposés, qui offrent davantage que des connaissances, au demeurant indispensables.
C’est ainsi que le service public de l’enseignement, tel qu’il est envisagé dans ce projet de loi, dépasse les apprentissages techniques pour garantir la responsabilité première de l’État en la matière, la vigilance quant aux diverses dérives élitistes pour, en définitive, s’élever à une formation en humanité.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Cet article entend mettre en place une éducation artistique et culturelle plus large que le seul enseignement artistique actuellement prévu par la loi.
Nous sommes évidemment favorables à la valorisation de l’art et de la culture au sein de l’école, dont nous avons toujours souhaité le développement au sein de l’éducation nationale. Mon ami et ancien collègue Jack Ralite, s’il avait encore été avec nous ce soir, aurait pu défendre avec talent cette éducation artistique et culturelle élargie par rapport à l’enseignement artistique inscrit aujourd’hui dans la loi.
Néanmoins, la mise en place de l’éducation artistique et culturelle que vous proposez, monsieur le ministre, n’est pas s’en soulever des questions et poser des problèmes, et reste à bien des égards entourée d’un grand flou.
En effet, l’éducation artistique et culturelle semble être composée des enseignements artistiques tels qu’ils existent actuellement, et d’un parcours qui sera mis en œuvre localement, auquel des actrices et des acteurs du monde culturel et artistique comme du monde associatif peuvent être associés.
J’ai bien entendu notre collègue M. Antoinette évoquer les spécificités de la Guyane. On ne peut qu’être d’accord avec cette volonté d’associer les acteurs et actrices culturels locaux, mais il n’en demeure pas moins que l’enseignement artistique, qui porte sur l’histoire de l’art, la théorie et la pratique des disciplines artistiques, restera, seul, partie intégrante de la formation scolaire primaire et secondaire.
L’objectif de ce parcours d’éducation artistique et culturelle est de remédier à l’inégal accès des élèves à l’éducation artistique et culturelle, qui dépend actuellement des politiques académiques et de l’offre culturelle des territoires qui sont profondément inégalitaires, nous en conviendrons.
Inscrit dans la loi, ce parcours serait donc obligatoire et, par conséquent, moins inégalitaire. C’est en tout cas ce qu’affirme le Gouvernement avec ce texte. Cependant, monsieur le ministre, nous ne voyons pas comment l’obligation pour chaque école de s’inscrire dans un parcours culturel local permettrait de remédier aux inégalités territoriales d’accès à la culture.
Des comités d’organisation et de pilotage régional de l’éducation artistique et culturelle au niveau académique seront chargés de définir des axes stratégiques, censés favoriser l’égal accès de toutes et de tous à l’éducation artistique et culturelle par un pilotage territorial dans une logique d’aménagement du territoire. Ce faisant, nous ne voyons guère comment les inégalités dans l’accès à l’éducation artistique et culturelle à l’école, dénoncées à juste titre, pourraient être corrigées.
La circulaire évoque le numérique comme solution. Mais, comme élue d’un département de plaines et de montagnes, je sais bien que le numérique est inégalement réparti sur notre territoire. Avec cette circulaire, vous comptez donc répondre à une inégalité en convoquant le numérique, domaine où les inégalités sont également criantes.
Si votre ambition en matière de culture et d’égalité territoriale se résume à fournir un parcours culturel avec des visites numériques de musées aux territoires les plus éloignés de la culture, alors nous ne partageons ni la même vision ni la même ambition dans ce domaine.
C’est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement dans quelques instants.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, sur l’article.
M. Jacques-Bernard Magner. L’introduction d’un parcours d’éducation artistique et culturelle est une des innovations parmi les plus importantes de la refondation de l’école.
Elle porte en effet une transformation profonde de l’approche des arts et de la culture dans notre système scolaire : une vision plus globale, dans laquelle les enseignements artistiques, s’ils sont et demeurent une composante essentielle et primordiale, s’inscrivent dans un parcours cohérent et progressif, tout au long de la scolarité, dans un partenariat renouvelé entre l’école et les acteurs culturels.
Nous y voyons un cadre pour donner une plus grande place à la créativité et à l’imagination, à la démarche de projets transversaux, dans un système scolaire parfois trop académique.
Ce parcours représente également un fabuleux outil de lutte contre les inégalités d’accès à la culture et à la pratique artistique dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture que nous défendons.
M. le président. L'amendement n° 306 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
contribue
insérer les mots :
sur le temps scolaire
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’instauration d’un véritable parcours d’éducation artistique et culturel constitue une avancée, puisqu’il va au-delà du strict enseignement. Il met en œuvre, par ailleurs, une logique de partenariat conclu entre tous les acteurs afin que l’accès à la culture soit effectif pour l’ensemble des enfants quelle que soit leur origine sociale et culturelle et quel que soit le territoire. Vous le savez, c’est un de mes dadas !
Toutefois, afin de s’assurer que l’éducation artistique et culturelle profite bien au plus grand nombre, il est proposé ici de préciser dans la loi qu’elle se déroule sur le temps scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Vous avez bien dit, madame Laborde, que nous parlons précisément d’un parcours de développement artistique qui s’appuie sur un partenariat. Il s’accompagne d’une articulation entre ce qui se passe dans le temps scolaire et ce qui se passe en dehors de ce temps.
Je crois qu’il ne faut pas introduire d’étanchéité entre ces deux moments. Il faut réaffirmer qu’à l’école il y a un enseignement artistique qui est maintenu et qu’il n’est pas question de modifier de quelque manière que ce soit. Dans le primaire ou au collège, il y aura des moments consacrés à l’enseignement, précisément, de cette initiation artistique et il y aura également, hors du temps scolaire, d’autres moments consacrés, dans la complémentarité, à ces projets éducatifs territoriaux. Cette complémentarité et cette articulation peuvent produire plus de sens que la juxtaposition des temps.
Je pense donc que dans ce parcours les contributions que vous avez mentionnées se réaliseront à la fois sur le temps scolaire et hors du temps scolaire.
Aussi, je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Je suis d’accord avec toutes les interventions précédentes, en ce sens que ce parcours a pour vocation, évidemment, de créer des activités, pour des raisons que j’ai évoquées dans la discussion liminaire. Seuls 10 % des élèves ont aujourd’hui accès à ces activités, dont nous voyons bien qu’elles sont pédagogiquement efficaces, en particulier dans les milieux qui rencontrent le plus de difficultés.
Cela montre, d’ailleurs, que des collectivités qui ont peu d’argent sont souvent capables de se mobiliser ! Nous parvenons à faire un certain nombre de choses avec l’aide de mécénats extérieurs, c’est très répandu – vous savez que nos grands orchestres, par exemple, en bénéficient – et également avec l’aide de l’État, qui mobilise des moyens, mais cela touche trop peu d’élèves.
Or il y a une nouveauté, autour de laquelle nos débats oscillent, nous le voyons bien : il faut tracer une exigence collective et pour tous – car, bien sûr, nous élaborons la loi –, tout en permettant aux acteurs sur le terrain de disposer de l’autonomie nécessaire.
Et nous sommes au moment où nous devons articuler à la fois le temps scolaire, le temps périscolaire et le temps extrascolaire. Dans beaucoup d’autres pays, l’engagement, l‘initiative et la créativité que vous avez évoqués ne se jouent pas seulement dans le temps scolaire, mais également à côté. Le tout est d’être capable, précisément, de faire en sorte que ces forces scolaires et périscolaires se retrouvent dans le projet éducatif de l’élève.
C’est donc effectivement neuf, nous sommes interrogatifs, mais il y serait contradictoire de souhaiter cela tout en voulant le réserver au temps scolaire. Le temps scolaire ne sera pas touché, j’en ai évidemment assuré l’ensemble des 16 000 professeurs qui, dans l’éducation nationale, sont chargés de ces enseignements, et en même temps, nous travaillerons avec d’autres acteurs, à l’extérieur.
Nous verrons aussi, et vous savez que c’est un des grands problèmes que nous rencontrons, madame Laborde, que lorsqu’il faut s’initier à des œuvres, rencontrer des créateurs, pratiquer soi-même, une organisation par périodes successives – une heure, une heure, une heure… – n’est pas toujours la meilleure solution. Or nous pratiquons cela depuis très longtemps dans l’éducation nationale et, là aussi, nous devons sans doute évoluer.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement parce que, je le crois, nous sommes d’accord sur le fond. Nous verrons ensuite comment nous pouvons accompagner au mieux ce projet.
Je voudrais conclure en disant que ce projet est doublement ambitieux. Il s’agit à la fois de revenir au lire, écrire, compter, c'est-à-dire à la maîtrise du socle, qui est fondamentale, et d’offrir à tous les enfants, quels que soient leur milieu et leur territoire, ce qui, selon la conception ― qui est aussi la nôtre ― de l’enseignement élémentaire, de base, de Jules Ferry, un ancien président de cette assemblée, accompagne les apprentissages fondamentaux, c'est-à-dire ce qu’il appelait l’éducation libérale, soit l’éducation aux arts libéraux.
Notre école a toujours porté cette exigence et nous voyons, d’ailleurs, aujourd’hui que dans les milieux défavorisés, même dans les endroits où il y a de la violence, cette sensibilité, ce sentiment, cette esthétique, l’aesthesis, permet à des enfants qui ne sont pas à l’aise dans des apprentissages beaucoup plus cognitifs dès le début de se développer et de réussir.
Je crois donc qu’il faut accepter cette idée de réunir le scolaire, le périscolaire et l’extrascolaire. Nous verrons bien ensuite, car, comme toujours, le mouvement va se faire pour partie en marchant.
M. le président. Madame Françoise Laborde, l’amendement n° 306 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je le maintiens pour deux raisons.
Tout d’abord, si je le retire, ma collègue Catherine Morin-Desailly ne pourra pas s’exprimer sur ce sujet, alors même qu’elle semblait vouloir le faire. (Sourires.)
M. le président. C’est une bonne raison ! (Nouveaux sourires.)
Mme Françoise Laborde. Effectivement.
Ensuite – et c’est peut-être plus fondamental, monsieur le président –, je pense que, dans ce texte, il faut tout de même laisser la part « enseignement » sur le temps scolaire.
Les propos de M. le ministre pourraient me convaincre, mais je sais aussi que même sans ce problème de périodes successives d’une heure, dans certaines écoles du cycle maternelle-primaire, parce que l’on doit apprendre à lire, on oublie parfois que l’on doit faire également de l’éducation culturelle et artistique.
Voilà pourquoi je maintiens cet amendement, qui est plus qu’un amendement d’appel : il est l’expression d’une conviction personnelle.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je félicite Mme Laborde d’avoir déposé cet amendement. L’eût-elle retiré que je l’aurais repris ! (Sourires.) Madame, vous situez le débat sur l’éducation artistique et culturelle là où il le faut.
Les propos de M. le ministre me renforcent dans mon souhait que les choses soient clarifiées. Je m’explique.
Mme Laborde propose que ce soit dans le temps scolaire que soit dispensée l’éducation artistique et culturelle. S’agissant d’un texte sur la refondation de l‘école, je redis avec clarté que ce qui relève de l'éducation appartient à l’État.
Monsieur le ministre, vous êtes en train de nous expliquer ― et on touche là au débat sur les rythmes scolaires, qui aura lieu ultérieurement ― que tout cela, ce qui relève de l’école dans le temps scolaire et ce qui est extrascolaire, fait partie du même paquet. Tout cela fait partie d’un mouvement visant à ce que nos jeunes Français aient une meilleure éducation artistique et culturelle.
Attendez ! Mes chers collègues, réveillez-vous ! On est en train de nous expliquer qu’une partie de ces tâches vont incomber aux collectivités locales ! C’est précisément le débat que nous avons eu au sujet des rythmes scolaires.
Alors, monsieur le ministre, il y a ce qui relève de l’éducation nationale et vous avez les enseignants pour le faire. Les collectivités locales ne sont pas chargées de l’éducation, mais de l’animation culturelle et artistique. C’est une énorme différence !
Ne pas voter l’amendement de Mme Laborde signifierait aller dans le sens habilement tracé par le ministre, afin que, demain, il nous explique que la loi elle-même avait mis à la charge des collectivités territoriales une tâche qui est aujourd’hui au budget du ministre de l’éducation nationale.
Mes amis (Sourires.), pardon, mes chers collègues – j’ai dit « amis » car M. le ministre a utilisé assez largement ce terme, ce qui ne me choque pas –, réveillez-vous !
J’ai envie de convoquer quelqu’un qui fut notre collègue, bien que nous ne l’ayons pas connu, Victor Hugo. Je pense à lui parce qu’il est décédé le 22 mai, certes en 1885 ; c’est donc l’anniversaire de sa mort. En 1850, il avait tenu devant l’Assemblée nationale un discours retentissant sur ces questions-là. Bien sûr, nous n’avons pas le temps de lire le fleuve qui s’était alors épanché, mais, je vous l’assure, ce sujet est beaucoup plus important qu’il n’y paraît.
Merci encore, madame Laborde !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je comprends l’amendement de Mme Laborde, parce qu’il souligne ce que j’ai voulu dire dans mon intervention préalable sur cet article 6.
Il y a aujourd’hui une confusion entre le temps scolaire et le temps périscolaire tels qu’ils s’organisent dans la réforme des rythmes. D’où cette crainte que l’éducation artistique et culturelle, qui est une véritable ambition, ne puisse pas pleinement être mise en œuvre. Je m’explique.
La fameuse heure libérée, de 15 heures 45 à 16 heures 30, est censée être dédiée aux pratiques culturelles et/ou sportives.
Cette idée émane de la conférence nationale sur les rythmes scolaires qui s’est tenue pendant un an et à laquelle j’ai participé avec d’autres collègues, tels que Pierre Martin ou encore Serge Lagauche, qui ne siège plus parmi nous. L’objectif était de mieux équilibrer la journée, les apprentissages, en intégrant l’éducation artistique et culturelle, mais celle-ci devait bel et bien être confiée aux enseignants, en liaison, bien sûr, avec des intervenants extérieurs, des artistes confirmés ou encore des acteurs professionnels reconnus.
L’ambiguïté vient du fait que l’on ne sait pas sous la responsabilité de qui est placée cette fameuse heure, ni quelle sera son ambition.
D’ailleurs, actuellement, les maires nous alertent souvent sur le fait qu’ils n’auront pas les moyens d’assurer ce temps culturel ou sportif, n’ayant, pour ce faire, ni les locaux, ni les intervenants, ni les ressources. Se pose donc une véritable question d’égalité face à l’éducation artistique et culturelle.
C’est la raison pour laquelle nous tenons à souligner que la mise en œuvre des rythmes scolaires est précipitée : on n’a pas eu le temps de mesurer tous les enjeux, ni toutes les articulations nécessaires.
Monsieur le ministre, vous avez eu raison de le rappeler, l’idéal est que l’ensemble des temps consacrés à l’enfant se conjuguent pour donner à nos jeunes la formation la plus complète possible. Mais encore faut-il que celle-ci comprenne les enseignements artistiques, qui n’ont rien à voir avec l’éducation artistique, les premiers étant dispensés dans les écoles d’art, les conservatoires et les écoles de musique. C’est un véritable projet de territoire qu’il convient d’organiser à une échelle relativement pertinente, afin de donner à un enfant toutes les clefs pour réussir, quel que soit son choix.
Voilà pourquoi je comprends l’amendement de Mme Laborde, même si je défendrai tout à l’heure un amendement un peu différent, visant à réaffirmer la nécessité d’articuler tous les temps que nous avons évoqués.