M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Labbé, je formulerai deux remarques au sujet de cet amendement.
Premièrement, il est question des enfants des classes maternelles, auxquels vous souhaitez qu’un enseignement en langue régionale soit proposé. À mon sens, l’école maternelle doit faire l’objet d’une approche spécifique, a fortiori concernant les enfants de deux à trois ans. De fait, la sensibilisation aux langues régionales me semble plutôt destinée à l’enseignement primaire.
Deuxièmement, vous souhaitez que ces enfants puissent être inscrits dans une commune voisine de la leur. Or cette disposition pourrait ouvrir la voie à des détournements de la carte scolaire, et ce faisant au contournement d’un certain nombre d’établissements.
À mes yeux, un enfant est bien scolarisé dans sa ville, dans son quartier et en tout cas avec ses camarades. L’inscrire si jeune dans une commune voisine pourrait aller à l’encontre d’un objectif que nous visons dès l’école maternelle, à savoir la socialisation.
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. En conséquence, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Mon avis ne sera sans doute pas approuvé par tous nos collègues siégeant sur les travées de mon groupe. Toutefois, je tiens à affirmer qu’il s’agit d’un bon amendement, allant dans le sens de la justice et de l’équité.
Certes, à l’école maternelle, l’apprentissage du langage doit être en priorité axé sur le français : notre langue est notre bien commun, c’est le lien de notre Nation. Elle est donc capitale. Mais si certains parents souhaitent inscrire leurs enfants dans des établissements dispensant deux langues, dont notamment une langue régionale, l’école de la République doit, à mon sens, leur en laisser la possibilité. Faute de quoi, seuls les parents ayant les moyens d’inscrire leurs enfants dans des établissements privés bénéficieront de ce choix, ce qui ne serait pas socialement juste.
Voilà pourquoi je voterai en faveur de cet amendement.
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi, Vendegou et Lenoir, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La scolarisation à partir de l’âge de deux ans révolus fait l’objet d’une étude nationale préalable soumise au Parlement pour débat. »
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Je me suis déjà exprimé il y a quelques instants sur la préoccupation que traduit le présent amendement. Il tend à ce que soit menée, une bonne fois pour toutes, une étude approfondie concernant le bénéfice supposé de la scolarisation précoce.
À nos yeux, il serait utile que nous puissions tous disposer d’éléments précis sur ce sujet, afin que, sur cette base, un véritable débat ait lieu au Parlement. Il ne s’agit pas d’entraver l’action que le Gouvernement entend mener concernant la scolarisation à deux ans : il convient simplement d’obtenir enfin des réponses permettant à chacun de juger en son âme et conscience.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Legendre, je m’étonne que vous n’ayez pas connaissance des recherches menées notamment par Mme Agnès Florin, qui travaille sur cette question depuis des dizaines d’années à Nantes, où notre commission s’est d’ailleurs rendue. Ces travaux sont connus et Mme Florin dispose d’un réel recul, pour avoir suivi plusieurs cohortes d’enfants sur une période suffisamment longue.
Je me ferai un plaisir de vous transmettre la copie du rapport que nous avons en notre possession. Ce document fait état des études menées par Mme Florin et par d’autres chercheurs. Ainsi, votre curiosité sera satisfaite.
Cela étant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Je crains qu’il n’y ait un malentendu au sujet de plusieurs amendements et, à cet égard, je me permets de me tourner vers la Séance : en effet, une fois de plus, M. Legendre n’a pas défendu son amendement stricto sensu !
Monsieur le sénateur, tout le monde a entendu que vous suggériez l’élaboration d’une étude nationale approfondie. Or l’amendement que j’ai sous les yeux fait référence à « une étude nationale préalable ». Je vous l’ai déjà dit, ces deux termes ne sont pas synonymes. « Préalable » signifie « avant ». Je suis certes favorable aux études approfondies, mais les études préalables, c’est autre chose !
Je le répète, j’aurais souhaité que vous défendiez réellement votre amendement. Mon avis défavorable ne se fonde pas sur le terme « approfondi » mais sur le terme « préalable ».
M. le président. Monsieur le ministre, je constate que le présent amendement emploie bien le mot « préalable ». Par ailleurs, je rappelle que tout auteur d’un amendement peut défendre ses propositions à l’aide des arguments qu’il veut bien retenir lui-même.
M. Bernard Fournier. Effectivement !
M. Jacques Legendre. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. En l’occurrence, une question sémantique se pose réellement : s’agit-il, oui ou non, d’une étude préalable ?
Quoi qu’il en soit, la vérité doit être dite tôt ou tard. À cette fin, il faut mettre tous les éléments du débat sur la table, et notamment le premier d’entre eux : la condition d’accueil des enfants non seulement en milieu scolaire mais aussi dans les structures chargées de l’accueil de la petite enfance.
Cet enjeu s’étend d’ailleurs à la question des rythmes scolaires, sujet qui vous est cher, monsieur le ministre.
M. Dominique de Legge. En effet, en fonction de ce que l’on veut défendre, on n’a absolument pas la même appréhension du cadre dans lequel les enfants vont être accueillis. En matière de petite enfance, on compte un adulte pour huit enfants sachant marcher. Pour observer ce qui se passe dans nos écoles communales, à ma connaissance, nous ne sommes pas à ce niveau-là !
Par conséquent, on ne peut pas aborder la question de l’accueil des moins de trois ans dans les établissements scolaires sous un angle strictement structurel. Il faut accepter d’étudier les problèmes en profondeur. Or les mesures que vous nous proposez via le présent projet de loi ne traitent pas de questions de fond. Je le sens bien, il s’agit simplement de satisfaire une promesse électorale.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Non !
M. Claude Haut. Oh là là !
M. Dominique de Legge. À mon sens, il serait tout de même préférable de considérer l’intérêt de l’enfant !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jacques-Bernard Magner. On ne fait que cela !
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.
M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, nous constatons bien qu’un problème existe concernant les enfants de deux à trois ans. Nous visons tous un même objectif : améliorer la situation ! Toutefois, nous ne proposons pas les mêmes remèdes.
Pour ma part, je souhaite que cette étude « préalable » soit « approfondie ». (Sourires.)
Mme Françoise Laborde. Excellent !
M. Pierre Martin. Cela signifie que cette étude doit être préalable et approfondie en même temps. De fait, il me semble judicieux de mesurer ce qui se passe à l’heure actuelle : à ce jour, des enfants de deux à trois ans sont effectivement scolarisés. Combien coûte cette scolarisation pour ce qui concerne les enseignants, les ATSEM, etc. ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Nous ne parlons pas ici de questions financières !
M. Pierre Martin. Sur cette base, nous pourrons concevoir des améliorations pour l’avenir.
Mme Annie David. Voilà pour ce qui concerne l’intérêt de l’enfant !
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de ne pas faire systématiquement la leçon aux élus qui présentent leurs amendements. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Chacun a le droit de défendre un amendement comme il l’entend. Quant à vous, vous avez le droit de formuler des remarques, mais, je le répète, ce n’est pas une raison pour venir nous faire la leçon !
En répondant à mon intervention en discussion générale, j’ai été surpris de vous entendre employer le terme « sectaire ». (Mme la rapporteur manifeste son exaspération.) Je ne crois pas avoir jamais qualifié votre texte ni vos propos de sectaires. À présent, vous me reprenez par deux fois sur la manière dont je défends mes amendements. Chacun d’entre nous en a le texte entre les mains, et chacun est donc en mesure de savoir de quoi nous parlons.
Cela étant, je tiens à vous faire une proposition, car il me semble essentiel de traiter cette question au fond. Mme la rapporteur a cité les travaux d’une chercheuse ; or M. Martin, dans son rapport, a mentionné d’autres études qui n’aboutissent pas aux mêmes conclusions.
Je ne veux pas que vous puissiez seulement supposer que, par le simple mot « préalable », nous souhaitons suspendre la présence de tous les enfants de deux à trois ans dans les classes maternelles. Si vous préférez que nous remplacions le terme « préalable » par l’adjectif « approfondi », je rectifie notre amendement en ce sens. Voilà qui me semble honnête ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Dominique de Legge. Bravo !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 191 rectifié, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi, Vendegou et Lenoir, et qui est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La scolarisation à partir de l’âge de deux ans révolus fait l’objet d’une étude nationale approfondie soumise au Parlement pour débat. »
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
M. Vincent Peillon, ministre. Dès lors que l’amendement fait référence à une étude approfondie, et non plus à une étude préalable – vous convenez donc que ces deux notions n’ont pas le même sens –, j’y suis favorable.
Le projet de loi prévoit la création d’un conseil de l’évaluation, indépendant du ministre – ce n’est plus le prescripteur qui procédera à l’évaluation –, dans lequel siégeront des parlementaires. Dès que ce conseil sera constitué, monsieur Legendre, vous pourrez lui demander de réaliser l’étude que vous demandez dans l’amendement. Elle sera utile pour nous permettre d’ajuster au mieux dans le temps les conditions pédagogiques particulières qui doivent accompagner l’accueil des petits, que vous vouliez supprimer tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Le débat était un peu confus, mais il tend à se clarifier.
L’étude approfondie prévue dans l’amendement devra nous permettre de distinguer les services à la petite enfance du jardin d’enfants ou de la garderie.
Les services à la petite enfance accueillent des enfants pour aider les familles qui ne peuvent pas garder leurs enfants, notamment parce que les parents travaillent. Ces services sont souvent tarifés aux familles, en fonction du quotient familial.
Le jardin d’enfants, ou la garderie, est plus un mal qu’un bien, pour M. Legendre. Si l’on n’est pas sûr que pour les enfants défavorisés l’école maternelle soit un bien, en tout cas, cela ne peut pas leur faire de mal.
Notre ambition est que l’école maternelle accueille des enfants qui ont une certaine maturité, un besoin d’éducation, d’actions collectives, d’engagement vers le langage. Ce sera la preuve de la confiance qui est placée dans l’école. L’école n’est pas un désavantage. Elle apporte au contraire un avantage, que le projet de loi prévoit d’offrir en priorité aux enfants des milieux défavorisés, qui en ont le plus besoin. L’objectif final est de permettre à toutes les familles de scolariser leurs enfants de moins de trois ans dans les meilleures conditions d’épanouissement et d’apprentissage préalable.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. J’apprécie que nous parvenions à avancer dans un débat qui tend à devenir consensuel. Je me demande néanmoins si cette étude approfondie sera faite au préalable, ou pas ? (Rires.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 532, présenté par Mme Cartron, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 162-2-1 du même code, les mots : « Le dernier » sont remplacés par les mots : « L’avant-dernier ».
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. C’est un amendement de coordination qui concerne Mayotte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 266 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 121-2 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« La lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme constitue une priorité nationale. Cette priorité est prise en compte par le service public de l’éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d’action sociale. Tous les services publics contribuent de manière coordonnée à la lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme dans leurs domaines d’action respectifs. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Au sein de notre jeunesse, il est un phénomène dont on parle peu mais qui, pourtant, s’étend et menace notre pays.
Le communiqué de l’Académie des sciences, publié le 31 janvier 2012, sur l’enseignement des sciences souligne que ce problème est ancien. Il évoque la création, voilà plus de cent ans, d’une commission internationale de l’enseignement mathématique, qui devait proposer des solutions. Mais la solution idéale n’a pas été trouvée.
Pour l’Académie, « le constat est qu’on en est maintenant, avec les mathématiques, à un problème aussi grave que celui de l’illettrisme. Un nom analogue a même été trouvé pour désigner cette carence de culture : l’innumérisme. »
Mes chers collègues, l’enseignement des mathématiques, et des sciences d’une manière générale, ne doit pas faire l’objet de blocage pour les enfants. Il doit s’adapter, être vivant. Il constitue la garantie que l’on créera sur le territoire de la République des emplois à haute valeur ajoutée. La demande en matière de recherche, de technologie et d’innovation s’accélère et nous devons, face à la concurrence internationale, renforcer la place de la France dans ces domaines pour relancer la croissance.
C’est pourquoi le présent amendement vise à ce que la lutte contre l’innumérisme devienne une priorité nationale, au même titre que la lutte contre l’illettrisme. (M. Jacques-Bernard Magner applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 454, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121–2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 121–2–... ainsi rédigé :
« Art. L. 121–2-... – La lutte contre l’illettrisme à l’école est la priorité nationale. Tous les élèves doivent avoir la maîtrise de la lecture avant leur entrée au collège afin de réduire l’échec scolaire. »
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Je suis, comme tout le monde, très préoccupé par l’illettrisme. Nous avons tous manifesté notre inquiétude sur ce sujet. C’est pourquoi nous avons présenté cet amendement, qui se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 266 rectifié.
L’amendement n° 454 appelle deux observations.
En premier lieu, la lutte contre l’illettrisme concerne non seulement l’école, mais aussi les services sociaux, qui s’occupent des adultes.
En second lieu, la garantie de l’apprentissage de la langue française est déjà inscrite dans le code de l’éducation. Je ne voudrais pas que l’amendement ouvre la porte à un contrôle de la maîtrise du français en CM2, qui pourrait ensuite conditionner l’entrée au collège.
Ces réticences me conduisent à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 454.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Je suis moi aussi favorable à l’amendement n° 266 rectifié, parce que l’innumérisme ne figure pas en tant que tel dans le code de l’éducation, même s’il est compris par l’Académie comme inclus dans l’illettrisme. Cet amendement apporte donc une clarification.
En revanche, je suis, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteur, défavorable à l’amendement n° 454. Les reproches qui nous ont été faits tout à l’heure sur l’absence d’une lutte contre l’illettrisme dans notre texte ne sont pas fondés.
D’abord, vous le savez, le Premier ministre a décidé de désigner l’illettrisme Grande cause nationale pour 2013. Et cette cause nous permettra de tous nous réunir.
Par ailleurs, la lutte contre l’illettrisme figure plusieurs fois dans le code de l’éducation. Nous ne faisons que la préciser en faisant référence à l’innumérisme.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur un point que j’avais abordé tout à l’heure et sur lequel j’avais déposé un amendement concernant les difficultés d’encadrement que rencontrent les enseignants lorsqu’ils accueillent des enfants qui sont logés dans des structures d’urgence.
Vous avez tout à l’heure évoqué la séparation des enfants. Il n’y a pas aujourd’hui de séparation. Ces enfants sont accueillis dans des classes. Mon amendement visait à chercher les moyens de renforcer le corps enseignant dans ces classes spécifiques.
Je crains en effet que l’on ne se heurte à une double difficulté à la prochaine rentrée scolaire. D’une part, les enseignants risquent de se montrer plus réticents à ouvrir leur classe aux enfants qui sont accueillis dans des structures d’urgence hivernale. D’autre part, les parents peuvent craindre que la présence dans une classe de quatre, cinq ou six élèves ne maîtrisant absolument pas la langue française ne pénalise leur enfant dans sa scolarité.
Afin d’éviter que ne s’aggrave une fracture déjà assez importante, il aurait été intéressant de renforcer l’équipe enseignante. Je ne pensais pas à une séparation. Il m’avait semblé que certains des postes que vous créez pourraient renforcer le contingent d’enseignants. Je me suis vu opposer l’article 40 de la Constitution. Je le regrette, car l’objet de mon amendement était d’améliorer l’accueil en milieu scolaire des enfants hébergés dans ces structures d’urgence.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, l’amendement n° 266 rectifié de Mme Laborde prévoyant une dépense supplémentaire, il est gagé, par une taxe, prévue au second alinéa.
L’habitude veut, me semble-t-il, que lorsqu’un ministre accepte un amendement il lève le gage. Or vous ne l’avez pas fait. Je me demande donc si vous avez l’intention de lever le gage ou, au contraire, de laisser s’appliquer le second alinéa de l’amendement de Mme Laborde.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. L’amendement n° 266 rectifié de Mme Laborde apporte une précision très utile. S’il est adopté, une notion nouvelle sera inscrite dans le code de l’éducation.
L’amendement n° 454 de M. Legendre mérite d’être défendu. En effet, il rappelle de façon très claire les objectifs que doit atteindre l’éducation nationale.
Certes, monsieur le ministre, la lutte contre l’illettrisme est inscrite dans le code de l’éducation. Je m’étonne toutefois, alors qu’il s’agit de la Grande cause nationale pour 2013, qu’elle ne figure pas dans le rapport annexé au projet de loi. Ce rapport, est pourtant très bavard. Il rappelle tous les objectifs essentiels de notre éducation.
Il s’agit sans doute d’un oubli fâcheux, que nous proposerons au Sénat de corriger par voie d’amendement. Il n’est pas inutile de rappeler, dans le texte même du projet de loi, un objectif qui constitue la priorité des priorités.
Madame le rapporteur, je considère que la maîtrise de la lecture est primordiale pour l’entrée en sixième. Vous avez rappelé les chiffres en commission et ils ont de nouveau été évoqués ici même. Nous devons nous attacher à atteindre cet objectif. C’est notre devoir et une impérieuse nécessité. Il faut que les enfants sachent lire, écrire et compter lors de leur entrée en sixième.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Tout d’abord, je lève le gage de l’amendement n° 266 rectifié et je remercie M. Lenoir d’avoir appelé mon attention sur ce point.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 266 rectifié bis.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. On me dit que la lutte contre l’illettrisme ne figure pas dans le rapport annexé au projet de loi.
Permettez-moi de vous répondre que l’on trouve, dans ce rapport, un alinéa 256 intitulé « Lutter contre l’illettrisme ». Et la première phrase de l’alinéa 257 précise que « 3,1 millions de personnes sont en situation d’illettrisme en France ». Je pourrais continuer, car plusieurs alinéas sont consacrés à cette question.
Pouvez-vous imaginer que, constatant cet oubli, vos collègues parlementaires auraient omis de me rappeler à l’ordre alors que le Premier ministre a déclaré la lutte contre l’illettrisme Grande cause nationale pour 2013 ? Je vous renvoie donc au rapport annexé.
Monsieur Savin, je vous répondrai sur le fond, car je suis convaincu que vous voulez faire ce qui est le mieux pour les enfants concernés. Il y a un aspect sur lequel nous sommes d’accord et un point de désaccord. D’ailleurs, vous avez mal interprété la réponse que je vous ai apportée tout à l’heure.
Nous sommes d’accord sur le fait que l’éducation nationale doit consacrer plus d’humanité et de moyens à l’accueil de ces enfants.
M. Michel Savin. Ce n’est pas le cas !
M. Vincent Peillon, ministre. Nous le faisons et c’est pourquoi je vous rappelais – je rends hommage à ma collègue George Pau-Langevin – les circulaires que, très tôt, nous avons prises.
Dans une déclaration récente, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, rend d’ailleurs hommage à notre action, qui n’est sans doute pas parfaite et qui ne s’étend pas sur tout le territoire. Il précise que l’administration qui s’est mobilisée pour accueillir au mieux ces enfants, c’est l’éducation nationale. J’en suis fier, avec tous les agents de l’éducation nationale, et je veux partager cette fierté avec vous. Ce sont nos valeurs.
Notre point de désaccord est traduit par ce que nous portons dans ce projet. Lorsque l’on a évoqué l’innumérisme, voilà quelques instants, j’ai pensé à Georges Charpak. J’ai eu le grand bonheur de le connaître et je peux même dire qu’il m’a presque élevé. Il me disait qu’à son arrivée en France, venant de sa Pologne natale, il ne parlait pas notre langue, mais qu’il l’avait apprise très vite parce qu’il a été en immersion dans notre pays, accueilli par un certain nombre de ceux qui portaient notre tradition.
Je veux que, partout sur notre territoire, on réunisse tous les enfants. Je ne veux pas qu’on les sépare, qu’on les éloigne, qu’on les différencie. Le creuset français, le creuset national, consiste précisément à les réunir. Je sais que vous défendez votre point de vue avec cœur. Mais dans l’intérêt de ces enfants – nous avons une divergence sur ce point –, il faut les accueillir dans les mêmes écoles…
M. Michel Savin. Oui !
M. Vincent Peillon, ministre. … et faire front.
Tous les jours des élus – au-delà des clivages politiques, qui s’effacent quand on est dans la réalité des événements – me disent que les familles et certains professeurs le vivent mal. Nous devons néanmoins résister. C’est ainsi que nous permettrons à ces enfants une meilleure intégration.
M. Michel Savin. Avec des moyens !
M. Vincent Peillon, ministre. Cette ouverture, que vous appelez les uns et les autres de vos vœux, sera un enrichissement pour tous les enfants.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Mon amendement a deux aspects.
Le premier tient à une affirmation forte de la nécessité de vaincre l’illettrisme. Dans la mesure où cette préoccupation est aussi celle de Françoise Laborde, je me serais volontiers rallié à son amendement, qui dispose que la lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme constitue une priorité nationale. Il n’est pas inutile de rappeler l’innumérisme.
Le second est la maîtrise de la lecture avant l’entrée au collège. Selon Mme la rapporteur, cet objectif risque d’être un barrage pour l’entrée en sixième. Nous ne souhaitons évidemment pas recréer un examen d’entrée en sixième ; il a disparu depuis trente ou quarante ans. Mais nous savons aussi qu’un élève sur six entre en classe de sixième sans savoir lire couramment, ce qui constitue un facteur très important d’échec au collège, et éventuellement un élément de perturbation pour ses camarades de classe.
Par conséquent, assigner aux enseignants l’objectif que tous les élèves maîtrisent la langue française avant d’entrer en sixième, ce n’est pas, je tiens à le dire, madame la rapporteur, la volonté d’empêcher l’accès à cette classe ! Mais si un enfant de sept ans ne sait pas lire, il aura du mal à rattraper son retard après. Il faut donc mettre à profit la marge qui existe avant le collège.
Nous voulons inscrire dans le texte une ardente obligation très claire : faites que les enfants que nous amenons au collège aient toutes les conditions pour réussir au collège. (MM. Jean-Claude Lenoir et Bernard Fournier applaudissent.)