M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Pour ma part, j’aurais regretté que Mme Laborde retire son amendement. En effet, j’estime que l’éducation artistique et culturelle est ô combien importante et qu’elle doit être, de fait, du ressort de l’État.
Notre collègue Jean-Claude Lenoir a évoqué l’intervention retentissante de Victor Hugo sur ce sujet en 1850. Permettez-moi de citer ses propos : « instruction gratuite et obligatoire [...] ; un immense enseignement public donné et réglé par l’État, partant de l’école de village, et montant de degré en degré jusqu’au collège de France, plus haut encore, jusqu’à l’Institut de France ; les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences. Partout où il y a un esprit, partout où il y a un champ, qu’il y ait un livre ! »
Pour ce faire, l’État doit prendre toutes ses responsabilités. On ne peut pas considérer que l’éducation artistique et culturelle est importante sans que l’État, à son niveau, fasse en sorte que cet enseignement soit délivré de la même manière sur tout le territoire, qui est unique et indivisible.
Il n’est pas possible de dire que chaque commune fera comme elle pourra, en fonction des équipements dont elle dispose. Il est bien évident que l’éducation musicale sera facilitée si un conservatoire se trouve à proximité.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. Joël Guerriau. De même, si la commune a un centre d’initiation au théâtre, comme c’est le cas dans la mienne, l’éducation au théâtre pourra bien sûr être intégrée dans le temps périscolaire. Elle ne manquera pas non plus d’étudiants en capacité d’intervenir si une université est située sur son territoire. Je pourrais multiplier les exemples.
Autrement dit, on crée une inégalité dans l’accès à la culture selon les territoires (MM. Pierre Martin et Michel Savin opinent.) et selon l’engagement que pourraient prendre les collectivités. Si l’on y ajoute que l’éducation artistique et culturelle peut être optionnelle, payante ou gratuite, le système devient de fait totalement inégalitaire, ce qui est inacceptable.
Cela trahit l’engagement de ceux qui, dans le courant du XIXe siècle, avaient voulu rendre l’école accessible à tous, afin de gommer les inégalités sociales telles qu’elles existent dans notre société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous soutiendrons l’amendement de Mme Laborde.
Nous avions d’ailleurs fait la même proposition en commission il y a quelques jours, en précisant alors que nous n’étions absolument pas hostiles à l’idée de parcours. Il est de la responsabilité de l’État…
M. Jean-Claude Lenoir. Effectivement !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … d’organiser un égal accès à l’éducation artistique et culturelle sur tout le territoire.
Il s’agit d’une dimension essentielle du concept de culture commune – que nous défendons –, c'est-à-dire d’intelligence partagée parce que construite ensemble. L’éducation artistique et culturelle peut beaucoup y participer. Cela n’exclut nullement l’intervention des territoires et une articulation avec eux.
C’est pourquoi nous soutiendrons cet amendement.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je comprends parfaitement les intentions de Françoise Laborde et des membres de son groupe, de même que j’ai bien entendu les interventions des membres de l’UC-UDI et du groupe CRC. Toutefois, je souhaite vous mettre en garde.
J’étais la première aux côtés de Marie Desplechin, que nous avons auditionnée, pour bien réaffirmer que les parcours artistiques et culturels ne pouvaient en aucun cas être une évacuation vers le facultatif ou vers l’unique support des collectivités et que ces matières restaient au cœur de l’école et de la classe, dans l’enseignement obligatoire.
D’ailleurs, la demande que vous portez très fortement est déjà inscrite dans le code de l’éducation. En effet, l’article L. 312–6, que personne ne remet en cause, prévoit que les enseignements obligatoires sont dispensés dans les écoles élémentaires et les collèges et qu’ils comportent un enseignement de la musique et des arts plastiques. De plus, elle sera réaffirmée à l’article 31 du projet de loi, aux termes duquel la formation primaire offre une éducation aux arts plastiques et musicaux dans la partie relative aux programmes obligatoires.
M. Jacques-Bernard Magner. Voilà !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. C’est pourquoi vous n’avez pas besoin, pour protéger, de porter votre rédaction. Toutefois, si vous la portez pour répéter cette obligation, nous vous accompagnerions si votre rédaction ne risquait de fermer les portes de l’école et de condamner la continuité du parcours.
Excusez mon expertise d’usage, mais si vous enfermez l’éducation artistique et culturelle dans l’école, nous allons nous retrouver confrontés à des problèmes similaires à ceux que j’ai connus pour les classes d’environnement : se mettre à genoux devant le conseil d’administration, désormais appelé conseil d’école, qui se réunit au moins une fois par trimestre, pour demander l’autorisation d’organiser une sortie, présenter les trente et un papiers d’assurance, sans parler des témoins de Jéhovah qui ne veulent pas laisser partir leur enfant de crainte qu’il ne soit hospitalisé en cas d’accident, bref toutes les tracasseries inimaginables.
Or, avec ce texte, nous voulions créer une fluidité avec les artistes, les intermittents, les jeunesses musicales et les intervenants extérieurs. À vouloir sécuriser quelque chose qui l’est déjà,…
M. Jacques-Bernard Magner. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … je crains que vous ne finissiez par cloisonner, fermer, emmurer l’école et rompre ainsi avec le souffle que nous espérions donner.
J’en profite, madame Morin-Desailly, pour évoquer un amendement que vous allez bientôt défendre, relatif à la connaissance du patrimoine artistique local. Si cet amendement était adopté, les élèves ne seront pas prêts d’aller voir ce patrimoine ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Je vois bien où est l’inquiétude qui est la vôtre et quel est le malentendu.
S’il s’agit de dire que les enseignements artistiques tels qu’ils existent actuellement sont et demeurent, c’est une évidence, et nous l’avons constamment réaffirmé.
Je suis comptable, je vous l’ai dit et j’ai fait de même devant toutes les associations de professeurs, de ces milliers de professeurs qui, dans notre institution, font vivre ces enseignements. Il s’agit non pas d’enlever des enseignements, mais d’en ajouter et de coordonner ce qui existe et qui aujourd’hui ne l’est pas.
Si vous adoptez cet amendement, vous tuez le parcours d’éducation artistique et culturelle…
M. Jean-Claude Lenoir. Non !
M. Vincent Peillon, ministre. Tout le travail que nous avons mené avec les DRAC, le ministère de la culture, le patrimoine, les collectivités locales et les associations d’élus, pour essayer précisément de construire des synergies, s’arrêtera. Nous reviendrons à ce qui existe déjà, et que personne ne mettait en cause.
Aujourd'hui, nous garantissons – c’est une évidence – les enseignements artistiques tels qu’ils existent, tout en demandant un suivi, pris dans sa globalité, de tout le parcours scolaire du jeune afin d’articuler, sous la responsabilité des professeurs – c’est un parcours scolaire que nous introduisons dans le code de l’éducation –, ce qui se fait dans l’école et ce qui peut se faire en dehors d’elle.
Si votre inquiétude portait sur une remise en cause des enseignements artistiques, sachez que tel n’a jamais été le cas. Si vous voulez les faire cesser, c’est votre responsabilité ! Mais il faut que vous mesuriez ce que vous faites : il n’y aura plus de parcours d’éducation artistique !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous exagérez !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Ma chère collègue, vous vous êtes déjà exprimée.
Mme Catherine Morin-Desailly. Certes, mais il s’agit d’un débat important, monsieur le président.
Je souhaite simplement revenir brièvement sur les propos de Mme la présidente de notre commission. Elle s’est référée au texte en vigueur, qui ne vise que les arts plastiques et la musique. Vous en conviendrez, c’est tout à fait restrictif. Le théâtre, le cinéma et bien d’autres disciplines encore font partie de l’ensemble des disciplines qui concernent les arts et la culture à l’école.
Je le répète, notre collègue Françoise Laborde propose une mesure de prudence : nous voulons être assurés que l’éducation artistique et culturelle proposée sera dispensée sur le temps scolaire. Voilà la véritable question !
M. le président. Nous avons bien compris avec cette intervention renforcée. (Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 306 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mmes Morin-Desailly, Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer le mot :
favorise
par les mots :
vise à
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement tend à donner une véritable ambition à l’éducation artistique et culturelle. Les termes « vise à » marquent une plus grande volonté dans l’objectif à atteindre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. J’entends bien que vous vouliez donner un peu plus de force au texte. Mais les mots ont un sens. Les termes « vise à » impliquent une autre démarche, et peuvent être de nature à entraîner une dérive.
Je ne veux pas que l’on transforme cette sensibilisation à l’éducation artistique et culturelle, qui favorise précisément l’épanouissement et la sensibilité des enfants, en quelque chose qui s’apparenterait à un apprentissage exhaustif. Cela reviendrait à demander aux enfants d’atteindre un niveau, par exemple, établir un inventaire ou en réciter un, pour ce qui concerne la connaissance du patrimoine.
Pour ma part, je préfère de beaucoup le mot « favorise » ; je ne l’associe nullement à une ambition moindre, mais à des pratiques différentes.
En conséquence, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’éducation artistique et culturelle est principalement fondée sur les enseignements artistiques.
2° Deuxième phrase
a) Remplacer les mots :
L’éducation artistique et culturelle
par le mot :
Elle
b) Après le mot :
comprend
insérer le mot :
également
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement fait écho au débat qui a eu lieu sur l’amendement n° 306 rectifié. Nous souhaitons réaffirmer la responsabilité de l’État pour assurer un accès égalitaire à l’éducation culturelle sur l’ensemble de notre territoire.
Marie Desplechin, que Mme la présidente de la commission a déjà citée il y a quelques instants, dresse ce constat : « il est certain que les ressources – artistes, établissements culturels – sont elles-mêmes inégalement réparties sur le territoire national et que leur mobilisation au service de la généralisation de l’éducation artistique et culturelle demandera un effort important et surtout une action volontaire et durable ». Elle ajoute : « c’est bien sûr l’État qui est attendu pour engager une action de rééquilibrage ».
Partant, nous entendons nous assurer que l’éducation artistique et culturelle sera la plus égalitaire possible pour tous nos élèves. Nous sommes conscients que l’expérience locale et périscolaire est utile et que les actrices et les acteurs locaux doivent avoir la possibilité de participer à l’éducation artistique et culturelle des enfants, comme M. le ministre l’a suggéré voilà quelques instants. Seulement, comme Marie Desplechin, nous sommes conscients aussi que la notion de parcours est par essence inégalitaire. Toutefois, nous n’en proposons pas la suppression.
Nous voulons réaffirmer que l’éducation artistique et culturelle comprend, en plus du parcours local, des enseignements artistiques qui font partie intégrante de la formation scolaire primaire et secondaire et qui constituent la base de cette éducation. Le parcours local doit être considéré comme un complément – indispensable, mais un complément.
Cette conception de l’éducation artistique et culturelle n’exclut pas, bien au contraire, l’association d’actrices et d’acteurs locaux extérieurs à l’école. Notre intention est simplement d’éviter que cette éducation ne soit pour l’essentiel renvoyée aux temps extrascolaire et périscolaire.
Mes chers collègues, je vous rappelle que l’éducation artistique est mentionnée dans des articles fondamentaux du code de l’éducation. Ce projet de loi la place au nombre des principes généraux de l’éducation et affirme qu’elle remplit des missions générales du service public de l’enseignement. Dès lors, comment comprendre que des missions fondamentales de l’éducation nationale soient assurées principalement en dehors du temps scolaire, c’est-à-dire de manière inégalitaire selon le territoire et selon l’établissement ?
En définitive, notre amendement apporte une réponse à la question soulevée par l’amendement précédent, que nous n’avons pas pu adopter.
Monsieur le président, nous demandons un vote par scrutin public sur l’amendement n° 86.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Madame David, votre amendement me convient davantage que le précédent.
Votre formulation me semble meilleure parce qu’elle correspond au principe que j’ai exposé et que M. le ministre a confirmé : il est hors de question d’enlever du temps scolaire les enseignements artistiques, qui y ont toute leur place. Du reste, nous savons qu’à l’école primaire c’est souvent par l’intermédiaire des enseignements artistiques que les enfants peuvent entrer dans les apprentissages. Ce principe est affirmé et il n’est absolument pas question de le remettre en cause.
Les auteurs de l’amendement n° 86 prennent en compte le parcours artistique et soulignent sa complémentarité avec les enseignements, ce qui correspond totalement à notre position.
Nous partageons vraiment davantage leur point de vue que celui des auteurs de l’amendement précédent. Compte tenu de l’avis que j’ai donné il y a quelques instants, j’émets sur l’amendement n° 86 un avis de sagesse. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas ce qui a été décidé en commission !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Avec cet amendement, la situation n’est pas la même que précédemment. En effet, ses auteurs veulent conforter les enseignements artistiques et réaffirmer que l’éducation nationale est à la base de l’éducation artistique et culturelle, mais sans fermer la porte au reste. Cette proposition ne me pose pas de problème et je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Permettez-moi d’attirer votre attention un instant sur les propos qui ont été tenus. L’école est le lieu de l’égalité car les élèves y reçoivent les mêmes enseignements. Les fonctionnaires de l’État assurent une égalité parfaite et, sur ce plan, il n’y a pas de progrès à faire : le temps scolaire est le même pour tous. Les inégalités, elles sont dans le temps périscolaire et extrascolaire, précisément celui que nous essayons organiser.
Par conséquent, ce n’est pas en insistant uniquement sur le temps scolaire que vous lutterez contre les inégalités. Dans ce domaine, c’est déjà fait ! En revanche, toute notre ambition consiste à regagner du temps public sur le temps privé. Il n’y a qu’en France que l’on considère que, en dehors du temps scolaire, c’est chacun chez soi !
Il y a là une erreur philosophique fondamentale. Si nous déclinons à ce point dans les classements internationaux et dans l’ouverture et la réussite de notre jeunesse, c’est parce que nous restons figés sur ces positions et que nous ne faisons même pas confiance aux acteurs locaux autour de l’école. Pourtant, ces acteurs, on fait parfois appel à eux ; mais, tout à coup, on n’en parle plus !
Je crois qu’on se trompe profondément. Je souhaite que l’égalité progresse et je pense que, pour cela, il faut associer au temps scolaire obligatoire, qui est le même pour tous, le temps autour de l’école. Songez que nous sommes le pays qui donne le moins de temps public à ses enfants, non pas seulement dans l’OCDE, mais dans le monde ! Ce sont les fameux 144 jours.
Je tenais à rectifier cette erreur philosophique fondamentale. L’égalité est dans l’école, l’inégalité à l’extérieur de l’école. C’est en articulant les deux temps, bien sûr, sous la responsabilité des enseignants, qu’on fera reculer les inégalités !
En définitive, l’amendement n° 86 ne me pose aucun problème, mais je pense que les arguments employés pour le soutenir sont exactement contraires aux arguments justes.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la confusion sémantique permanente entre « éducation artistique et culturelle » et « enseignements artistiques ». Je vais tenter de distinguer précisément ces deux notions.
L’éducation artistique et culturelle, telle qu’elle est ambitionnée dans le projet de loi, est une sensibilisation permanente aux arts et à la culture à travers l’ensemble des disciplines. En français, en histoire et en géographie, mais aussi dans les autres matières, des possibilités existent d’aborder les arts et la culture, de recevoir un artiste, de le mettre en résidence au sein de l’école ou de se rendre dans un musée. Cette sensibilisation aux arts et à la culture, il est extrêmement important de l’instaurer sur le temps scolaire ; je comprends nos collègues qui insistent sur ce point.
Quant aux enseignements artistiques, ils correspondent à l’apprentissage d’une discipline, par exemple d’un instrument de musique, de manière technique et approfondie. Ils sont assurés dans certains collèges ou dans les établissements spécialisés, que les collectivités territoriales financent très largement. On ne peut pas demander que l’ensemble de ces enseignements soient dispensés à l’école. Ce n’est pas forcément à l’école qu’on apprendra la harpe, l’accordéon ou les percussions. Certes, dans certains établissements scolaires, des instruments de musique sont enseignés ; mais tous les enseignements artistiques n’ont pas lieu à l’école !
Dans ces conditions, l’affirmation que « l’éducation artistique et culturelle est principalement fondée sur les enseignements artistiques » ne me paraît pas exacte. Je comprends l’ambition défendue par Mme David, mais elle ne correspond pas à la réalité.
Si nous voulons défendre collectivement une grande ambition de démocratisation culturelle pour nos jeunes, il faut réaffirmer un projet global qui intègre bien entendu le temps scolaire, comportant une éducation artistique et culturelle obligatoire, mais aussi le temps périscolaire dégagé pour les rythmes, sur lequel il faut favoriser un complément de sensibilisation.
Nous devons aussi nous assurer que la décentralisation des enseignements artistiques mise en œuvre en 2004 soit définitivement débloquée. Aujourd’hui, ce n’est toujours pas le cas, de sorte que l’accès de nos plus jeunes concitoyens aux enseignements artistiques est totalement inégalitaire.
Telle est, mes chers collègues, l’ambition que nous devrions promouvoir. En ce qui concerne l’amendement n° 86, je ne peux le voter en l’état, même si j’en comprends le sens, parce qu’il n’utilise pas des mots justes et conformes aux réalités.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Nous avons bien entendu les explications de Mme la rapporteur et de M. le ministre. Chers collègues du groupe CRC, le groupe socialiste votera votre amendement, ce qui devrait nous permettre de faire l’économie d’un scrutin public…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous en avons fait la demande !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, je souhaite vous répondre. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit au sujet des inégalités. Notre intention est de nous assurer qu’au sein de l’éducation nationale l’enseignement artistique sera un vrai enseignement de qualité portant sur la culture et le patrimoine.
En effet, il ne faudrait pas que cet enseignement intégré au cursus scolaire soit un enseignement, je ne dis pas au rabais – je n’aime pas l’expression –, mais minimaliste, et que la plus grande partie de l’enseignement artistique soit assurée pendant le temps extrascolaire. Car, monsieur le ministre, je suis bien d’accord avec vous : c’est dans le temps extrascolaire que les inégalités sont les plus nombreuses.
J’entends bien que vous voulez, en mettant en place le parcours culturel, redonner du temps public à nos enfants pour permettre un meilleur apprentissage au sein de notre école publique, dans le domaine culturel mais aussi de façon globale. Seulement, ce temps extrascolaire, qui va le prendre en charge financièrement ?
M. Jean-Claude Lenoir. Voilà ! C’est bien le débat !
Mme Annie David. À un moment ou à un autre, l’aspect financier entre toujours en compte !
En fonction des territoires et des moyens des collectivités territoriales, selon qu’il y a un conservatoire, une école de théâtre, comme sur la commune de M. Guerriau, ou un musée, le parcours extrascolaire de nos enfants ne sera pas égalitaire s’il n’y a pas un pilotage global assuré par l’éducation nationale pour définir l’enseignement minimal devant être reçu pendant le temps extrascolaire.
Peut-être, madame Morin-Desailly, les termes de notre amendement ne sont-ils pas tout à fait exacts. En tout cas, notre intention est de permettre un véritable enseignement culturel dans le temps scolaire et dans le temps extrasolaire.
En même temps, la différence territoriale a aussi son importance. Chaque territoire est différent…
Mme Annie David. … et les cultures territoriales doivent être incluses dans ce parcours. Il faut seulement qu’il y en ait dans tous les territoires !
Telles sont, monsieur le président, les explications complémentaires que je souhaitais donner au Sénat ; il est vrai qu’en trois minutes on n’a pas toujours le temps de tout dire !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je tiens à formuler une remarque de forme. Madame la rapporteur, voilà trois fois, sauf erreur de ma part, que vous donnez un avis différent de celui qui a été émis en commission.
M. Michel Savin. Oui !
Mme Sophie Primas. C’est le cas notamment à propos de l’amendement n° 86.
Bien sûr, la réflexion peut faire changer d’avis.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. C’est évident.
Mme Sophie Primas. Néanmoins, il serait bon que le Sénat ait connaissance de la décision de la commission. (MM. Jacques Legendre et Michel Savin acquiescent.)
Nous avons eu cette discussion avec Mme la présidente de la commission, puisque nous avons examiné les amendements très rapidement. Certes, la pensée peut évoluer. Reste que, pour la forme, il serait utile que le Sénat connaisse la décision prise par la commission.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Michel Savin. Sinon, ça ne sert à rien !
Mme Sophie Primas. En ce qui concerne l’amendement n° 86, je signale à nos collègues que l’avis de la commission était défavorable.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Oui, mais seulement pour celui-là !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Vous avez raison, madame Primas, de rappeler la décision prise en commission. Mais vous avez bien vu ce qui s’est passé : sur l’amendement de Mme Laborde, un avis défavorable a été émis en commission. Cependant, ses explications nous ont conduits à préciser les raisons de ce rejet : les garanties existaient ; nous ne voulons pas fermer la porte. Du coup, l’amendement suivant, qui, dans la foulée, n’avait pas reçu un avis favorable, est devenu une espèce de repli intelligent, parce qu’il portait les garanties sans fermer la porte.
Vous avez raison, ma chère collègue, il est nécessaire que nous soyons précis. La commission a décidé, et l’évolution du débat amène Mme la rapporteur à vous proposer un autre avis que celui qui avait été émis en commission.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Il s’agit tout de même d’une question importante pour notre assemblée : le rapporteur doit transmettre l’avis émis par la commission.
Si, au cours de la discussion, l’avis est amené à évoluer, le rapporteur doit préciser qu’il adopte une nouvelle position à titre personnel, tout en rappelant que la commission avait émis un avis différent. Telles sont, selon moi, les bonnes pratiques parlementaires.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Legendre, vous aviez, me semble-t-il, fait état de l’impression désagréable que M. le ministre distribuait les bons points et les mauvais points.
Pour ma part, j’accepte le mauvais point que vous m’attribuez. Désormais, lorsque la discussion au sein de notre assemblée m’amènera, à titre personnel, à évoluer par rapport à ma réflexion initiale, je mentionnerai l’avis de la commission, tel qu’il a été émis. Je me permettrai ensuite de donner mon avis personnel, pour tenir compte de l’enrichissement de nos débats. (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Voilà qui est clair !
Je mets aux voix l'amendement n° 86.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que Mme la rapporteur, à titre personnel, ainsi que le Gouvernement s’en remettent à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)