Mme Claudine Lepage. Exactement !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. À Poitiers, l’étude approfondie de la situation de l’ESEN, l’École supérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, a abouti au constat partagé de la nécessité de réformer sans attendre et en profondeur la formation des chefs d’établissement et des inspecteurs, placés au cœur du système éducatif.
À Agen, la commission s’est intéressée au dispositif de lutte contre le décrochage scolaire mis en place par la région Aquitaine au sein d’un lycée professionnel et a ainsi pu mesurer le rôle essentiel joué par les collectivités territoriales en faveur de la réussite éducative.
À Blanquefort, la commission a aussi complété son information sur les établissements d’enseignement agricole.
Les grands axes de nos conclusions, avec la relance de la démocratisation du système scolaire, la mixité sociale comme priorité, la rénovation de la formation des cadres de l’éducation nationale, les précisions apportées aux missions des collectivités territoriales, ne constituaient donc en rien une surprise pour les membres de la commission, car elles sont le fruit d’échanges documentés.
Dernier point concernant notre travail en amont : pour mieux appréhender la notion de parcours artistique et culturel, nous avons auditionné Marie Desplechin et Jérôme Bouët, respectivement présidente et rapporteur du Comité national de pilotage sur l’accès de tous les jeunes à l’art et à la culture.
Pour avoir une vision exhaustive du regard des partenaires représentatifs de la société, nous avons entendu le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental sur le projet de loi.
Par ailleurs, nous avons également auditionné le directeur général du CNED, le Centre national d’enseignement à distance, notamment pour mesurer l’importance et la pertinence des contenus numériques, ainsi que le rôle clarifié de chacun, entre service public et éditeurs.
De même, comme nous pensons que la violence doit être prévenue, une audition de Mme Élisabeth Maheu-Vaillant, formatrice en régulation des conflits en milieu scolaire, nous a montré comment les jeunes enseignants peuvent se préparer à la gestion des situations de conflit.
Nous avons également entendu, le 11 février dernier, Mme Najat Vallaud-Belkacem à propos des violences et discriminations à raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, ainsi que, le 5 novembre 2012, Éric Debarbieux, directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école.
Je ne vous réciterai pas tout notre programme, mais il y eut un exposé sur les devoirs à la maison, le 8 novembre, un autre du Centre d’analyse stratégique sur le bien-être des élèves, le 4 février, et même, à la demande de Mme Primas, le 25 juin, la présentation de la mission sur les espaces ludiques en milieu scolaire.
La très grande richesse des auditions menées par Mme la rapporteur Françoise Cartron, dont je salue le courage, lui a permis de répondre avec des arguments pertinents et documentés à chacun de vos amendements.
Aujourd’hui, le grand nombre des amendements déposés en séance publique témoigne de votre connaissance du sujet, mes chers collègues.
Enfin, je serai plus solennelle sur l’importance de légiférer sans attendre.
Entre réduction de postes et exacerbation de la compétition, vous avez laissé l’école, les parents, les élèves et les enseignants dans un état de stress (M. Jackie Pierre s’esclaffe.),…
M. Joël Billard. C’est faux !
M. Michel Savin. Ce n’est pas ce que dit M. Migaud !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … non pas un stress qui stimule, mais un stress qui désespère quand il aboutit davantage à des échecs qu’à des réussites, un stress qui démobilise quand, jeune enseignant, vous vous retrouvez jeté sans formation professionnelle devant des enfants difficiles…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … parce qu’un ministre a rayé d’un trait de plume l’année de mise en situation, sous couvert de mastérisation.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la vérité !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Non, nous ne pouvons pas attendre pour reconstruire la formation après le trou d’air des vocations.
Non, nous ne pouvons pas attendre pour préparer les enfants à la société numérique, techniquement prête depuis 1994.
Non, l’école primaire et l’école maternelle qui la précède ne peuvent attendre une année de plus quand le taux d’élèves en difficulté est passé, en dix ans, de 16,5 % à 22,5 %.
Non, nous ne pouvons pas retarder nos décisions alors que 20 % des quinze ans sont en difficulté devant l’écrit et que la proportion d’élèves sortant du système scolaire sans qualification atteint 12 %.
Non, nous ne pouvons pas nous accommoder du verdict de l’étude PISA, qui démontre que l’école en France est devenue la plus inégalitaire d’Europe.
Comme vous, monsieur Legendre, je me réjouis des prix littéraires et des médailles Fields, mais je les trouverais encore plus brillantes si, dans le même temps, les élèves de Seine-Saint-Denis, d’un village de montagne ou d’un quartier en outre-mer, dans le creuset de la République, avaient des perspectives plus réjouissantes que le fait de subir le non-remplacement d’un maître ou de se trouver dans un établissement discriminé, et encore plus relégué en raison de l’abandon de la carte scolaire.
Les orientations du projet de loi vont dans le bon sens. La commission, avec l’aide de Mme la rapporteur et de tous ses membres, a bien travaillé. Examiner sans attendre ce projet de loi bien étudié, un examen qui se prolongera avec la navette, doit relever d’une ambition partagée : préparer l’avenir en mettant la formation de nos enfants à la première place de nos exigences.
Pour conclure, je tiens à citer Mme Duchêne, qui, à la fin de son intervention, n’a pas hésité à déclarer : « Il est urgent que des décisions soient prises. » Si même des membres de l’opposition réclament que nous nous mettions au travail, je ne peux, mes chers collègues, que vous inviter à voter contre cette motion de renvoi à la commission ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Je remercie les membres de l’opposition de s’être inquiétés de la lourde charge de travail qui m’a été imposée. Je tiens à les rassurer : j’espère pouvoir tenir jusqu’à la fin de la semaine ! (Sourires.)
Travailler le lundi de la Pentecôte a été, à mes yeux, l’expression de ma solidarité, appliquée à la noble cause de l’école. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Aussi suis-je évidemment contre cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 166, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 229 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Article 1er et rapport annexé
M. le président. Je rappelle que l’article 1er et le rapport annexé ont été réservés, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, jusqu’après les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 60.
TITRE IER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 2
(Supprimé)
Chapitre Ier
Les principes et missions de l’éducation
Section 1
Les principes de l’éducation
Article additionnel avant l’article 3 A
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Carle, Mme Primas, MM. Humbert et B. Fournier, Mmes Mélot et Duchêne et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Avant l’article 3 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article L. 111-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111 ainsi rédigé :
« Art. L. 111. – Le Gouvernement présente, tous les ans, un rapport sur l’évolution du système éducatif national et sur les orientations de la politique éducative.
« Ce rapport donne lieu à un débat d’orientation de la politique éducative devant le Parlement. »
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Les auteurs de cet amendement souhaitent qu’un débat d’orientation de la politique éducative soit organisé chaque année devant le Parlement.
Je crois que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que l’éducation, première ligne du budget, est un investissement stratégique, et même le meilleur que la nation puisse faire.
Comme je l’ai signalé hier dans la discussion générale, cet investissement est stratégique d’abord pour les jeunes : il doit leur permettre de réussir dans la vie en réussissant leur insertion professionnelle ; on sait que ce n’est pas toujours le cas puisque, aujourd’hui, un jeune sur quatre ne parvient pas à s’insérer dans le monde du travail.
Il est stratégique aussi pour notre économie, car nos entreprises ont besoin d’un personnel qualifié.
Surtout, il est stratégique pour la nation, car le savoir est le premier garant de la cohésion sociale : nous ne résisterons pas longtemps encore avec un taux de chômage des jeunes supérieur à 20 % !
Or le Parlement a très peu d’influence sur la politique d’éducation. Notre action se limite souvent à un débat de quelques heures lors de l’examen du projet de loi de finances ; un débat qui ne dure jamais qu’une heure de plus que celui portant sur les monnaies et médailles ! Souvent, en outre, ce débat a lieu le soir, quand ce n’est pas le week-end… Je me souviens qu’il y a quelques années nous avons débattu des crédits de l’éducation un dimanche après-midi, et cela n’avait aucun lien avec la séparation de l’Église et de l’État ! (Sourires.)
De plus, la rigidité de la structure budgétaire ne nous permet d’agir qu’à la marge. Par exemple, au sein du budget de l’enseignement secondaire, qui avoisine 30 milliards d’euros, nous ne pouvons pas même déplacer un euro !
Cette situation n’est pas satisfaisante. Je considère que le Parlement doit être un acteur majeur en matière d’éducation ; il doit pouvoir débattre des orientations que l’exécutif lui propose, et à un moment où les arbitrages budgétaires ne sont pas encore arrêtés. C’est ainsi qu’il pourra fixer des priorités, évaluer les éventuelles expérimentations et exprimer les préoccupations des élus locaux dont nous, sénateurs, sommes les représentants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Cet amendement vise, d’une part, à obliger le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport sur la politique éducative et, d’autre part, à instaurer, sur le fondement de ce rapport, un débat d’orientation en séance publique.
La première partie de l’amendement est satisfaite par l’existence des projets annuels de performance et par le débat sur la mission budgétaire « Enseignement scolaire ».
Quant à l’organisation obligatoire d’un débat d’orientation, ainsi que je l’ai signalé en commission, elle relève d’une loi organique.
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3 A (nouveau)
L’article L. 111-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La dernière phrase est complétée par les mots : « et à lutter contre les inégalités sociales de réussite. » ;
b) Il est complété par cinq phrases ainsi rédigées :
« Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans distinction d’origine, de milieu social et de condition de santé. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative. » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. » ;
3° Le troisième alinéa devient l’avant-dernier alinéa.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 3 A, introduit par notre commission, donne un peu de chair au projet de loi, dont l’article 3 avait été très sèchement supprimé par l’Assemblée nationale. Il est issu d’un amendement présenté par mon groupe et fondé sur l’idée du « tous capables ». Je souhaite m’y arrêter quelques instants.
L’affirmation selon laquelle tous les enfants sont capables d’apprendre et de réussir, soutenue depuis très longtemps par le mouvement pédagogique du Groupe français d’éducation nouvelle, est aujourd’hui reprise par d’autres mouvements, comme ATD Quart Monde. Loin d’être une incantation, elle trouve des fondements dans les travaux menés dans le domaine des neurosciences sur la plasticité du cerveau.
Parce que les différences entre les élèves ne sont pas naturelles, mais socialement construites, et que l’échec scolaire n’est pas une fatalité, l’idée que tous les élèves sont capables d’entrer dans les apprentissages scolaires doit, selon nous, être à la base du projet éducatif.
Les travaux de notre commission ont permis d’introduire dans le projet de loi le principe selon lequel le service public de l’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». C’est un premier pas qui, nous le savons, n’allait pas de soi.
En effet, affirmer que tous les enfants sont capables d’apprendre suppose de rompre avec une conception de l’élève qui fait reposer les différences sur des dispositions naturelles, que l’on parle d’« aptitudes » ou de « rythmes d’apprentissage propres à chacun » – deux expressions dont nous déplorons qu’elles figurent dans le projet de loi.
Pour nous, affirmer que tous les enfants sont capables d’apprendre et de réussir signifie aussi que c’est à l’éducation nationale, donc à l’État, de réunir les conditions propres à leur en donner les moyens. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place des contenus communs et de développer une nouvelle posture professionnelle, ce qui exige une véritable formation continue des enseignants, en lien étroit avec la recherche.
À nos yeux, ce « tous capables » va donc bien au-delà de l’idée d’une l’école bienveillante à l’égard des élèves. Il s’agit d’affirmer que, derrière chaque choix pédagogique, il y a des choix politiques, même si ceux qui enseignent ou éduquent n’en sont pas toujours conscients. Refuser tous les fatalismes, qu’ils soient d’ordre économique, culturel ou social, implique de poser un autre regard sur l’échec scolaire et de s’interroger sur la nature de ce qui fait difficulté. Autrement dit, il faut interroger les implicites et les prérequis scolaires qui ne font pas sens immédiatement chez tous les élèves, au lieu de rejeter la responsabilité des problèmes sur les élèves dits « en difficulté » – comme si la difficulté était en eux – ou sur les enseignants.
C’est pourquoi l’école doit donner à tous, dès la maternelle, ce que certains ont pu commencer à acquérir au sein de leur milieu social et familial. Car devenir élève, c’est-à-dire entrer dans un rapport au monde et aux objets du monde où la réflexivité est centrale, ne se décrète pas ; c’est le fruit d’une construction qui, à nos yeux, relève de la mission première de l’école !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 3 A du projet de loi inscrit à l’article L. 111-1 du code de l’éducation le principe de l’école inclusive sans distinction de condition de santé. C’est une grande avancée, dont nous nous félicitons.
Nous réaffirmons que tous les enfants sont capables d’apprendre et de réussir. L’école a donc la responsabilité de s’ouvrir à tous, y compris aux enfants souffrant de handicap. L’éducation nationale et le système scolaire ont le devoir d’être réellement ouverts à tous les enfants et de permettre leur réussite. Parler d’école inclusive dans les dispositions générales d’organisation du système scolaire, c’est donner véritablement corps au droit à l’éducation pour tous.
Cependant, la prise en charge du handicap à l’école ne passe pas seulement par l’affirmation de grands principes déclaratifs parmi les dispositions touchant l’éducation en général. Ces principes sont évidemment nécessaires, mais ils doivent être accompagnés des moyens qu’exige leur mise en œuvre, sans quoi ils resteront lettre morte.
En l’occurrence, un problème important et urgent reste non résolu : celui des auxiliaires et des emplois de vie scolaire, c’est-à-dire des personnes chargées de l’accompagnement, de l’accueil et de l’intégration des élèves handicapés au sein des établissements scolaires.
En effet, ces personnels, malgré l’importance de leurs missions, disposent d’un statut extrêmement précaire. Ils sont employés sous contrat à durée déterminée de droit public ou sous contrat aidé pour des périodes allant de trois à cinq ans. Ils connaissent temps partiels ou mi-temps généralisés et leurs salaires se situent en moyenne entre 600 et 700 euros par mois.
De plus, comme les CDD ne peuvent pas être renouvelés plus d’un certain nombre de fois, ils n’ont aucune perspective professionnelle, de sorte que nous nous trouvons dans la situation paradoxale de devoir remercier des personnels compétents et qui ont acquis par l’expérience le savoir-faire et les connaissances que leur formation initiale ne leur donnait pas – et pour cause, ils n’en ont aucune, ou seulement de 48 heures. Une fois qu’ils sont remerciés, ces personnels se retrouvent sans perspective professionnelle, tandis qu’au même moment l’accompagnement des enfants handicapés est dégradé.
L’objectif affiché d’inclusion scolaire et la nécessité qui en découle d’offrir un accompagnement pérenne aux enfants en situation de handicap paraissent difficilement compatibles avec le statut de ces personnels. Aussi, il nous semble indispensable de les faire bénéficier d’une véritable formation et de professionnaliser ce métier indispensable à l’intégration des élèves handicapés à l’école. Je vous rappelle que l’État a été condamné à plusieurs reprises par les tribunaux, qui ont requalifié les contrats de ces personnels en CDI. Il est urgent de régler cette question, pour les personnels comme pour les enfants handicapés et leurs familles.
Le 16 octobre 2012, un groupe de travail sur la professionnalisation des accompagnants des enfants et adolescents en situation de handicap a été installé sous la présidence de Mme Komites. Son rapport doit être rendu bientôt. Pourquoi ne pas prévoir déjà, dans le présent projet de loi, les moyens nécessaires à la « CDisation » de ces personnels ou, mieux, à leur embauche sous statut public ?
Si l’inclusion scolaire est au cœur des missions de l’éducation nationale, celle-ci a le devoir de la financer à la hauteur de son importance ! En l’absence d’un financement suffisant, nous craignons que ce énième rapport ne se limite à des constats d’échec que nous connaissons déjà, sans ouvrir la voie à un véritable règlement des problèmes par l’État.
Mes chers collègues, les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, méritent notre considération et, donc, un statut digne de la tâche qu’ils accomplissent !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Je tiens à exprimer ma fierté que le Président de la République fasse de la jeunesse la priorité de son mandat.
Le présent projet de loi, issu d’une concertation poussée, va donner corps à cette promesse. Cette loi ne sera pas la première loi d’orientation sur l’école ; elle aura été précédée par la loi Jospin de 1989 et la loi Fillon de 2005. Elle ne sera pas non plus une énième loi de programmation. Ce qui, en revanche, lui donne un caractère inédit, c’est qu’elle sera à la fois une loi d’orientation et de programmation.
De fait, le projet de loi prévoit une réforme globale, une refondation complète de notre école républicaine. Pour la mener à bien, nous partons du primaire, afin d’envisager l’articulation du parcours scolaire, et nous définissons un cadre d’action qui touche aussi bien aux moyens, humains, financiers et matériels, qu’au rôle intrinsèque de l’école.
Depuis des dizaines d’années, notre système éducatif souffre parce que personne n’a osé le faire évoluer globalement pour l’adapter aux besoins ; les premiers touchés ont été les élèves !
Avec l’article 3 A, nous entendons affirmer les grands principes et les missions de l’éducation. Nous souhaitons une école qui donne la même chance à tous les enfants, à chaque élève, qu’il vive en métropole ou en outre-mer, qu’il soit fils ou fille d’ouvrier ou de cadre. L’école doit permettre de pallier les difficultés et de combler les inégalités.
Nous disons oui à cette école dont le premier mérite sera de faire en sorte que, sur la ligne de départ de la vie, les chances de nos enfants soient aussi égales que possible. Oui, aussi, à cette école dont un autre mérite consistera à combattre l’inégalité que Jules Ferry jugeait la plus redoutable : celle de l’éducation. Oui à cette école qui accueille tous les enfants, quelles que soient leurs origines sociales, géographiques ou religieuses. Oui à cette école qui, véritable creuset d’intégration, contribue à faire la République. La République a fait l’école, l’école fera la République !
M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. Roland Courteau. Oui, enfin, à cette école, la meilleure de toute, celle qui apprendra le respect, en particulier le respect de la différence, la tolérance.
Aller à l’école, ce n’est pas seulement apprendre les matières scolaires enseignées. L’école doit former des enfants pour en faire les hommes et les femmes de demain, des citoyens conscients de leurs droits et, surtout, de leurs devoirs, des hommes et des femmes qui ne se résignent pas à n’être que des consommateurs de droits et de prestations. Cette école développera le sens critique et la liberté de conscience. Elle promouvra les valeurs qui nous rassemblent et que nous sommes fiers de porter : l’école publique, l’école de la République, l’école laïque.
Demain, nos enfants devront être mieux formés, mieux armés que leurs aînés ne l’ont été pour affronter l’avenir. En effet, le concurrent n’habitera plus la commune ou le département voisin, mais quelque part de l’autre côté de l’Atlantique ou sur les rives du Pacifique. C’est aussi cela, la mondialisation, avec son cortège de progrès, certes, mais aussi de dérives.
En conclusion, je souhaite rappeler les principales dispositions de l’article 23 de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Ces dispositions, adoptées sur mon initiative, prévoient que des séances d’information doivent être organisées dans tous les établissements scolaires et à tous les stades de la scolarité, consacrées à « l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple ».
Elles ont leur importance car, si nous voulons éradiquer à terme la violence à l’égard des femmes, il faut, dès le plus jeune âge, insister sur l’égalité entre les garçons et les filles ainsi que sur les notions de respect. Bref, il faut lutter dès le plus jeune âge contre les préjugés sexistes. Aussi, il serait souhaitable que ces dispositions fassent l’objet d’instructions précises auprès des établissements scolaires, afin que, tout simplement, la loi du 9 juillet 2010 soit enfin appliquée !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. La commission, suivant une proposition de Mme la rapporteur, a souhaité réintroduire dans le projet de loi un article auquel le Gouvernement avait renoncé. En modifiant le premier article du code de l’éducation – j’ai entendu dire tout à l’heure que ce qui ne ressort pas du rapport d’orientation est d’une lecture un peu complexe, mais ainsi le veut la codification actuelle –, cet article met en valeur les grands principes qui doivent nous guider dans notre entreprise de refondation de l’école.
L’article en question n’avait pas été réintroduit par l’Assemblée nationale parce qu’il s’agit d’une tâche un peu ardue. Je veux donc saluer le travail de la commission, qui donne plus de sens au présent projet de loi.
En effet, l’article 3 A réaffirme d’abord notre volonté de réduire le poids des déterminismes sociaux sur la réussite scolaire et, par voie de conséquence, de favoriser la mixité sociale au sein de nos établissements.
Il réaffirme aussi – idée qui vous est chère, sur laquelle vous venez d’insister – le principe fondamental selon lequel chaque élève est capable de réussir sa scolarité. Effectivement, tous les élèves ont la capacité d’apprendre et de progresser dès lors qu’on leur en donne les moyens et l’envie.
L’école doit veiller à l’inclusion de tous, sans distinction d’origine, de milieu social, de condition de santé.
Faisant écho aux propos que vous avez tenus dans la discussion générale, cet article insiste sur le rôle des parents et de l’ensemble de la communauté éducative, sur l’importance de la coopération au sein même de cette communauté comme entre les élèves C’est d’ailleurs ce que réaffirmera à la rentrée la charte de la laïcité.
Enfin, cet article donne à l’école pour mission de transmettre aux élèves un noyau essentiel de valeurs fondamentales, à savoir, madame Laborde, le respect de la liberté de conscience, de l’égale dignité des êtres humains et, bien entendu, de la laïcité. Ces trois valeurs constituent une base à la reconnaissance des autres valeurs de la République.
Le très difficile travail d’écriture législative accompli par la commission est une grande réussite pour la Haute Assemblée. Très humblement, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue le travail que vous avez réussi à conduire ensemble.