M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Françoise Cartron, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. La commission estime que cette motion tendant à opposer la question préalable n’a pas lieu d’être.

M. Vincent Peillon, ministre. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote au nom du groupe socialiste.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, une motion tendant à opposer la question préalable a pour objet de démontrer que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Dès lors, je ne peux qu’être grandement surpris.

En effet, en relisant attentivement les propos que les membres du groupe UMP ont tenus en commission, je n’y ai vu aucune trace d’élément qui pourrait laisser penser que des motifs d’inconstitutionnalité figurent dans ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Au contraire, dans son intervention en commission, M. Legendre a reconnu que « le présent texte [comportait] des éléments importants », même s’il a ensuite ajouté : « Mais sans plus... »

Pour être tout à fait complet sur ce point, mes chers collègues, je vous rappelle que, dans le long processus de préparation et d’élaboration de ce projet de loi, ni le secrétariat général du Gouvernement ni le Conseil d’État n’ont, à aucun moment, soulevé des problèmes d’inconstitutionnalité.

Peut-être pensez-vous, alors, qu’il n’y a pas lieu à délibérer… Mais, dans ce cas, pourquoi avoir déposé des amendements de fond sur des points essentiels afin, dites-vous, de contribuer à l’amélioration de notre système éducatif ?

Je n’ai donc entendu dans vos propos ni la moindre référence à des motifs d’inconstitutionnalité ni un argumentaire fondé sur des motifs sérieux qui empêcherait notre débat en séance publique au sujet d’un texte tant attendu par tous les acteurs du monde éducatif.

Le projet de loi, ne vous en déplaise, contient des mesures nouvelles innovantes et nécessaires, qu’il s’agisse de la création de 60 000 postes sur cinq ans, de la priorité donnée au primaire, du dispositif « plus de maîtres que de classes », de l’institution d’une vraie formation pour les enseignants, de la scolarisation des tout-petits, de l’enseignement des langues étrangères dès le cours préparatoire, ou encore du développement du numérique, de l’enseignement professionnel, de la morale laïque, etc.

Je n’ose imaginer que les sénateurs du groupe UMP, qui nous demandent de voter cette motion, soient opposés à toutes ces mesures vitales pour notre école !

Il ne faut pas renvoyer à plus tard ces avancées indispensables pour le renouveau de l’école de la République. Cela signifie qu’il faut examiner maintenant ce projet de loi et l’adopter sans tarder.

Pour toutes ces raisons, les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste voteront contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote au nom du groupe CRC.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’école a été particulièrement mise à mal lors du dernier quinquennat. Elle en sort exsangue, affaiblie, notamment par la RGPP et la suppression de près de 80 000 postes en cinq ans !

La réduction des moyens n’est pas le seul coup qui a été porté à l’école. Elle s’est accompagnée d’une succession de réformes libérales, dont la loi Fillon de 2005 n’a été que le prélude, avec la création d’un socle de connaissances et de compétences conçu comme un minimum pour des élèves en difficulté et fondé, en vertu d’une conception utilitariste, sur des compétences visant l’employabilité.

Cette loi a également mis fin au collège unique en créant la possibilité de parcours scolaires individualisés.

L’objectif de mixité sociale, qui consacre des moyens à la réussite de tous les élèves, a été abandonné pour passer à celui de « mixité des élites », qui concentre les moyens sur quelques « très bons » parmi les plus défavorisés. C’est ce que révèle, par exemple, la dichotomie entre les établissements CLAIR – collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite –, les établissements de réinsertion scolaire fondés sur un socle minimal de connaissances et de compétences pour les élèves en difficulté, et les internats d’excellence, qui individualisent le mérite.

La suppression de la carte scolaire n’a fait que renforcer la « ghettoïsation » des établissements, dénoncée à juste titre par la Cours des comptes.

L’âge de l’instruction obligatoire a été insidieusement remis en cause, ouvrant la voie à la pré-professionnalisation dès quatorze ans, par des dispositifs d’initiation précoce à l’apprentissage.

Enfin, entre autres réformes dramatiques, celle de la formation des enseignants, mise en place dans l’urgence, sans concertation ni réflexion, a eu des conséquences désastreuses pour les enseignants, pour les élèves et, partant, pour tout le système éducatif.

Enseigner est un métier qui s’apprend, mais désormais il s’apprend mal.

L’obligation imposée aux enseignants de disposer d’un master au lieu d’une licence, sans l’accompagnement d’une réflexion audacieuse articulant le disciplinaire et le professionnel, est loin d’avoir renforcé leur qualification. Elle a, au contraire, placé les futurs enseignants dans une grande difficulté.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais l’ensemble de ces dispositifs mis en place durant les années passées a contribué à créer un système scolaire à deux vitesses.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les études internationales pointent le creusement des inégalités scolaires en France, pays où l’impact socio-économique sur la performance des élèves est particulièrement élevé.

Alors que l’école doit faire réussir chacun, être fondée sur l’idée que tous les élèves sont capables d’apprendre, elle n’est aujourd’hui qu’un vecteur de reproduction des inégalités sociales, qui nourrissent les inégalités scolaires.

C’est l’école de la République qui est mise en échec, et plus que jamais, elle doit, selon nous, être repensée. Une réforme de l’école est donc nécessaire.

La question qui se pose aujourd’hui n’est pas celle de la légitimité d’une réforme de l’école ; elle est celle de son contenu et de sa capacité de réellement changer l’école.

Le projet de loi relatif à la refondation de l’école avance des priorités qui sont aussi les nôtres : l’arrêt de la RGPP et la programmation de moyens dont la mise en place est devenue urgente.

En outre, ce texte affirme la priorité donnée au primaire, particulièrement mal doté dans notre pays, pointe l’enjeu de la scolarisation précoce en maternelle, remet en chantier la formation des enseignants ou encore tente de renouer avec le collège unique. Nous partageons ces idées.

Cependant, nous l’avons dit lors de la discussion générale, le projet de loi ne remplit pas toujours les objectifs qui lui sont assignés et y font défaut certaines dispositions indispensables à une véritable rupture avec les politiques précédentes.

Le travail parlementaire nous offre donc l’occasion d’enrichir ce texte et de contribuer à porter celui-ci au niveau de l’ambition d’une refondation.

À travers nos amendements, nous formulerons des propositions et demanderons qu’on revienne sur des dispositions qui sont en contradiction avec l’objectif affiché. Je pense, entre autres, à la nouvelle définition du socle commun, ou encore à la réaffirmation nécessaire du rôle de l’État dans l’élaboration de la carte des formations professionnelles, désormais confiée à la région.

Ce n’est qu’au terme de ce travail que nous pourrons juger de la qualité et de la pertinence de ce texte, pas avant !

Nous voterons donc contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote au nom du groupe écologiste.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne doutons pas de l’intérêt que porte l’opposition sénatoriale à la question de l’éducation en général et de l’école en particulier. Mais il nous est apparu que le dépôt de cette motion permettait surtout à notre collègue Sophie Primas de développer un peu plus longuement son point de vue, sans doute dans un souci de respect de la parité et de la parole de chacun…

Bien entendu, nous estimons que les arguments qu’elle a développés ne sont pas recevables.

Qui n’a pas de vision pour son école n’a pas de vision de la société. C’est pourquoi, tout en réaffirmant tout notre intérêt pour la question de l’école, qui est un sujet politique structurant d’importance majeure, nous ne pourrons en aucun cas voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote au nom du groupe UDI-UC.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différents dictionnaires définissent le terme « refondation » comme une reconstruction sur des bases et des valeurs nouvelles, ou encore comme une rénovation majeure et complète.

La refondation est donc un acte d’ampleur, un acte fondateur, bref, un acte innovant.

Or rien de tout cela ne nous est proposé dans le projet de loi qui nous est soumis.

Françoise Férat et moi-même avons auditionné un nombre très important de personnes, entendu beaucoup de propositions qui reflétaient des attentes vraiment très fortes.

Nous avons bien étudié, comme vous tous, mes chers collègues, le texte du Gouvernement. Nous nous sommes rendues sur le terrain en notre qualité d’élues locales et restons en contact permanent avec les parents d’élèves, les enseignants, la communauté éducative.

Au final, nous avons été déçues par le texte qui nous est proposé, par son caractère peu normatif, peu inventif, sauf peut-être dans la polémique politique inutile. À cet égard, je vous renvoie à certains passages du rapport annexe qui sont tout de même assez surprenants. Jamais je n’avais vu cela dans un texte de loi !

Ce projet de loi n’est pas un texte d’ampleur parce que, s’il aborde certains fondements comme la priorité à l’école primaire, que nous approuvons, il ne traite pas l’ensemble de ces principes fondateurs dont notre école a besoin. Aucune mesure sur le statut des professeurs ou celui des directeurs d’écoles, rien sur l’organisation de leur travail !

Ce texte n’envisage pas l’école à l’aune de sa gestion, jugée défaillante dans le rapport de la Cour des comptes.

Il n’appréhende pas non plus la réforme des rythmes scolaires dans sa globalité et sa complexité. On était en droit d’attendre des échanges sur la notion des temps annuels, des temps hebdomadaires et des temps quotidiens des élèves, dans la suite des réflexions menées dans le cadre de la conférence nationale sur les rythmes scolaires.

On aurait pu attendre aussi des nuances selon les cycles et les âges. Va-t-on imposer le même rythme à des petits bouts de choux de maternelle qu’aux élèves du primaire ? Certainement pas. Or cela n’a pas été étudié. Et l’on n’a pas non plus procédé à l’évaluation financière d’une telle réforme pour pouvoir l’appliquer de manière efficace.

Ce projet de loi n’est pas un texte fondateur et, si on le regarde de près, c’est même un texte destructeur. (M. Jacques-Bernard Magner s’exclame.)

Sur le socle commun, le projet de loi revient sur la définition longuement débattue en 2005.

Vous nous proposez de nous dessaisir, nous législateur, de notre capacité à définir ce socle. Il n’est pas, comme vous le pensez, l’objectif à atteindre pour les élèves ; c’est bien, pour chacun d’entre eux, le préalable à acquérir pour construire son parcours de réussite dans la vie.

Enfin, le présent texte condamne des dispositifs intéressants tels que les internats d’excellence ou encore l’aide personnalisée, alors que certaines évaluations très positives viennent d’être publiées.

Sur l’apprentissage, vous nous proposez également d’abroger les textes en vigueur, alors qu’ils permettent aux élèves qui empruntent cette voie de choisir leur orientation et non de la subir.

Bref, ce projet de loi opère un « détricotage » en bonne et due forme, au lieu d’apporter l’amélioration qui est effectivement nécessaire. Je rappelle que les centristes n’ont jamais tu leurs critiques quand certaines mesures, telles que la suppression des RASED – réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – ou la mise en place de la semaine de quatre jours sans étude sérieuse préalable, leur paraissaient malvenues. Mais toute amélioration doit reposer sur une continuité républicaine et la reconnaissance objective des mesures précédentes qui méritent encore, avec la temporalité que requiert l’éducation, un examen attentif.

Ce texte n’est pas innovant, car il reprend d’anciennes solutions. La création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation laisse entrevoir le retour des anciens IUFM, avec tous leurs défauts. J’espère me tromper, mais je crains que la formation des enseignants ne soit pas améliorée avec une ancienne recette.

Ce texte n’est pas innovant, car il laisse de côté les collectivités territoriales, pourtant acteurs majeurs de l’éducation. Les élus ne sont pas seulement des payeurs, ils doivent aussi être des codécideurs et mieux s’impliquer afin d’assurer une véritable intégration des élèves dans la vie de la cité ; tel est bien, aussi, le rôle de l’école !

Enfin, ce texte se veut ambitieux, mais, monsieur le ministre, il laisse de côté le plus grand enjeu pour notre école : la lutte contre l’illettrisme. Si le Premier ministre a fait de cette lutte la cause nationale de l’année 2013, force est de constater que l’ensemble des mesures proposées sont insatisfaisantes.

Les pouvoirs publics, en premier lieu l’école, doivent non seulement prendre la mesure du problème, mais aussi et surtout mettre tout en œuvre pour faire reculer ce phénomène gravissime qu’est l’illettrisme. En effet, la mission première de l’école est de faire en sorte que nos enfants sachent lire et écrire.

Il y a urgence, certes, mais il s’agit d’agir dans le bon ordre, et non de manière bâclée, comme fut bâclé, je tiens à le dire, notre travail d’hier matin en commission : nous n’avons pas eu la possibilité de discuter réellement des amendements.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de cette question préalable déposée par nos collègues du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 165, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 228 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

(M. Didier Guillaume remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

vice-président

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République
Article 1er et rapport annexé

M. le président. Je suis saisi, par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n°166.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (n° 569, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Colette Mélot, pour la motion.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi parce que nous estimons que les conditions d’un examen attentif et rigoureux de ce texte n’ont pas été réunies.

Au lendemain de l’examen de textes importants, qui nous ont particulièrement mobilisés ― mariage pour tous, sécurisation de l’emploi ―, nous n’avons pas disposé d’un délai raisonnable pour étudier ce texte, en raison d’un calendrier particulièrement contraint. (M. David Assouline s’exclame.)

Les dates de dépôt des amendements, puis d’examen des amendements et du rapport de Mme Cartron, ont été fixées sans aucun égard pour notre travail ni pour le sien.

Ainsi, le délai limite de dépôt de nos amendements en commission a été fixé le jour de notre retour après l’interruption parlementaire de deux semaines, c'est-à-dire le lundi 13 mai, à midi,…

M. David Assouline. À votre demande !

Mme Colette Mélot. … ce qui a rendu particulièrement difficiles le travail et les échanges au sein des groupes. Notre rapporteur n’a eu ensuite que l’après-midi du 13 mai et la matinée du 14 pour examiner nos amendements, au nombre de 426 !

Eu égard à l’importance du travail en commission depuis la révision constitutionnelle de 2008, notamment à travers le poids nouveau qui est donné au texte qui y est adopté, il est plus que regrettable que cette étape se soit déroulée dans ces conditions.

Nous avons disposé ensuite d’un délai extrêmement court pour prendre connaissance du rapport de Mme Cartron – deux jours et demi –, ce qui, vous l’admettrez, n’est pas de nature à éclairer le débat, notamment pour les sénateurs qui ne sont pas membres de la commission. Cela est également peu respectueux du travail du rapporteur, qui n’a pas pu être exploité comme il aurait dû l’être.

II a fallu étudier ses propositions et, en réponse, présenter de nouveau des amendements en seulement deux jours et demi, le jour de la Pentecôte empêchant de respecter le délai traditionnel de dépôt la veille de l’examen du texte.

Ce parcours précipité débouche finalement sur un examen nocturne des propositions de nos différents groupes politiques ! Tout cela n’est ni sérieux ni respectueux du travail parlementaire, surtout à propos d’un texte qui affiche l’ambition de refonder l’école de la République.

La seconde justification de cette motion de renvoi en commission tient à la nécessité de poursuivre l’élaboration de ce texte, que nous estimons incomplet.

II ne s’agit pas, de notre part, d’un simple positionnement politique.

M. David Assouline. Non, il n’est pas politique, il est politicien !

Mme Colette Mélot. II s’agit de dénoncer le manque d’ambition de ce projet de loi, annoncé à tort comme un texte d’envergure. Car, monsieur le ministre, nous considérons que votre texte ne s’attaque qu’à la partie émergée de l’iceberg.

M. David Assouline. Et vous, vous vous êtes attaqués à la profondeur !

Mme Colette Mélot. Ce texte, que vous annoncez avec fracas comme celui de la refondation de l’école de la République, fait l’impasse sur de nombreux sujets : la maternelle n’est traitée qu’à propos de la question de la scolarisation à deux ans et le secondaire n’est quasiment pas abordé.

M. David Assouline. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

Mme Colette Mélot. Or les grandes lois sur l’école ont toujours couvert l’ensemble du système éducatif.

En guise de refondation, le projet de loi annule consciencieusement les dispositions adoptées sous les législatures précédentes, comme l’a indiqué mon collègue Jacques Legendre et comme vient de le rappeler Catherine Morin-Desailly.

Il remet en effet en cause le socle commun de connaissances et de compétences en le fixant par décret et en multipliant les matières enseignées.

M. David Assouline. Voilà une intervention 100 % de mauvaise foi !

Mme Colette Mélot. Il rétablit également le collège unique dans toute sa rigueur, alors même qu’il faut à l’évidence diversifier les voies et adopter d’autres méthodes pour les élèves en risque de décrochage scolaire.

Il remplace le Haut Conseil de l’éducation par deux organismes dont plus de la moitié des membres seront nommés par le Gouvernement.

Il organise le financement de la réforme des rythmes scolaires sans concertation préalable.

Quelles sont vos autres propositions ?

Vous mettez l’accent sur l’enseignement artistique, l’accès à la culture, l’éducation civique et morale, l’apprentissage des langues, l’approche des nouvelles technologies. De fait, dans votre projet de loi, tout sera prioritaire. Mais quand tout est prioritaire, c’est qu’il n’y a plus de priorité !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est pour cela que vous voulez y ajouter le secondaire !

Mme Colette Mélot. Lorsqu’on ajoute à cela une rédaction inutilement bavarde et un rapport annexé rempli de déclarations de principe et de lieux communs, on peut considérer que le projet de loi ne traite pas de l’ensemble de notre système éducatif et n’accomplit pas la grande réforme annoncée.

Pour nous, la clef de la refondation de l’école, c’est l’apprentissage du socle fondamental, surtout de la lecture et de l’écriture. C’est parce que ce socle aura été assimilé qu’un effort pourra être accompli en termes d’éducation civique, d’initiation à l’art ou aux langues étrangères. Nous vous demandons donc de revoir vos propositions à la lumière de cet objectif.

Parce que les conditions élémentaires d’un examen approfondi de ce projet de loi n’ont pas été réunies et que celui-ci, dans sa version actuelle, ne participe en rien à la refondation de l’école que vous annonciez, nous souhaitons que ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République fasse l’objet d’un nouvel examen par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission, contre la motion.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame Mélot, monsieur Legendre vous avez bien raison : l’école mérite tout notre temps et toute notre attention. Or c’est précisément ce qui a guidé le travail de la commission.

Vous demandez un renvoi à la commission en arguant du temps nécessaire à l’étude d’un sujet si important et vous affirmez que, le rapport ayant été présenté le 14 mai, nous avons dû débattre le 21, après avoir été obligés de déposer les amendements le 17 au soir.

Je sais, monsieur Legendre, que comparaison ne vaut pas raison, mais je me souviens que, dans des circonstances voisines, sous votre présidence, à propos d’un texte important, déclaré d’urgence, concernant l’audiovisuel public, un rapport nous fut présenté le 6 janvier, après une interruption des travaux de quinze jours, pour un débat dans l’hémicycle… le 7 janvier (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.).

Et ce texte fut, de surcroît, appliqué pour partie avant le vote du Sénat ! (Mêmes mouvements.)

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Les lois de la relativité semblent s’être appliquées à votre indignation !

M. Vincent Peillon, ministre. Et cela fait plusieurs fois !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Vous appelez de vos vœux une refondation de l’école, que vous voulez, comme nous tous, ambitieuse et exhaustive.

Je m’abstiendrai d’un commentaire fâcheux, mais que ne l’avez-vous faite ? J’en appellerai plutôt au bon sens : il y a un début à tout, et s’attacher d’abord à requalifier l’école primaire est fondamental. Réparer les dégâts, aussi, est une urgence.

Trois circonstances pourraient toutefois nous conduire à vous suivre.

Nous aurions eu trop peu de temps pour appréhender les intentions du gouvernement… Mais ce n’est pas le cas.

Le travail de la commission aurait été insuffisant… Mais ce n’est pas le cas.

Enfin, ce projet pour l’école aurait un caractère peu urgent… Mais ce n’est pas le cas non plus.

Je vais m’attacher à vous rappeler des faits qui battent en brèche vos motivations.

Le projet du Gouvernement est connu du Parlement depuis janvier 2013. Dans sa forme modifiée par l’Assemblée nationale, il l’est du Sénat depuis le 20 mars, cela fait donc deux mois. Je salue d’ailleurs le fait qu’il ne soit pas débattu en procédure accélérée, mais soit soumis à la navette, conformément à un bon fonctionnement démocratique.

S’agissant de l’organisation de nos travaux, la commission s’est adaptée à l’inscription du texte juste après l’interruption des travaux en séance publique, que tous les groupes de notre bureau, dont vous êtes membres, madame Mélot, monsieur Legendre, ont fait le choix de ne pas perturber par des réunions de commission. Nous nous sommes concertés en bureau le 10 avril au sujet du calendrier d’examen. Chacun a pu exprimer ses préoccupations, et une majorité des groupes a souhaité disposer de davantage de temps avant la présentation du rapport plutôt qu’après. Le 17 avril, la conférence des présidents a validé cette proposition.

Il reste que, dans un souci de prise en compte des contraintes de chacun et conformément à la longue tradition de convivialité qui préside à la conduite des travaux de la commission, et que vous avez entretenue, monsieur Legendre, j’ai pris deux engagements : mettre à disposition le montage du texte sans délai, dès huit heures du matin, alors que la réunion de la commission s’était achevée la veille à vingt-deux heures trente…

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … et, sur demande de l’opposition, reporter d’une demi-journée, de midi à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements fixé au vendredi 17 mai, de manière à faciliter le travail des groupes avant le week-end de la Pentecôte.

Permettez-moi de vous signaler au passage que Mme la rapporteur a mis en application une décision autrefois portée par l’opposition : elle a travaillé le lundi de la Pentecôte !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Les débats en commission ont montré que chacun avait eu tout loisir de faire valoir son point de vue et que, au-delà des clivages politiques, une approche constructive restait possible sur de nombreuses dispositions du projet de loi et du rapport annexé.

Une véritable discussion générale, d’une durée d’une heure, a précédé l’élaboration du texte de la commission, et ce sont les groupes UMP et UDI-UC qui se sont exprimés le plus longuement, ce qui est du reste normal.

Sur les 138 amendements adoptés, un chiffre significatif, 18 l’ont été sur l’initiative ou avec l’accord du groupe UMP. J’ajoute que17 des amendements adoptés émanaient du groupe UDI-UC, 15 du groupe CRC, 14 du groupe écologiste et 8 du groupe socialiste. Voilà qui atteste la qualité des échanges !

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avec tous les outils dont elle dispose, a-t-elle bien travaillé le sujet de l’école ?

Sur le fond, je veux vous prouver le sérieux du travail des membres de la commission et le sens de l’anticipation dont ils ont su faire preuve.

Avant l’examen du projet de loi, deux missions d’information, qui ont fait l’objet de longs mois de travaux internes, ont concerné la carte scolaire et l’évolution du métier d’enseignant. Elles ont chacune associé un président ou une présidente issu du groupe UMP, Pierre Martin et vous-même, madame Mélot, ainsi qu’un rapporteur du groupe socialiste, Françoise Cartron, et un du groupe CRC, Brigitte Gonthier-Maurin. Elles ont rendu leurs conclusions à la fin juin 2012.

Depuis, la commission a installé un groupe de travail sur le prérecrutement des enseignants, animé par Jacques-Bernard Magner, dont les conclusions ont été présentées en commission le 20 février dernier.

Le 25 mars, M. Vincent Peillon détaillait devant la commission le contenu de son projet, précisant les orientations qu’il avait évoquées le 9 juillet avec Mme Pau-Langevin.

La commission s’est aussi mobilisée sur le terrain, en février dernier, pour ce qui concerne la formation des encadrants, la lutte contre le décrochage, la réussite des filières professionnelles.