Un sénateur du groupe socialiste. Voilà un modèle !
M. Serge Dassault. … comme le font la plupart des pays.
Il faut corriger l’erreur qu’a constituée l’instauration du collège unique et rendre au certificat d’étude et au brevet leur valeur de sélection. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est important, mais vous le ne faites pas.
Il faut rétablir les sanctions, les récompenses et les prix et ne pas supprimer les notes, ce qui serait une ânerie. Il faut supprimer le collège unique et le socle commun de connaissances et de compétences, qui ne conviennent pas à tous les jeunes, certains préférant apprendre un métier. Il faut créer deux filières de collège, comme en Allemagne, l’une pour former à des métiers, dont on a bien besoin, l’autre pour préparer au bachot et aux études supérieures.
Il faudrait également former, après sélection, et ce dès la quatrième, les jeunes à l’apprentissage des métiers, valoriser les métiers manuels et l’alternance dès quatorze ans, et non à quinze ans.
Il vaudrait mieux produire des artisans, des boulangers, des cuisiniers, des bouchers, qui sont très utiles dans les communes, au lieu d’inculquer à des jeunes qui n’en ont rien à faire un socle commun de connaissances et de compétences.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un tel discours est scandaleux !
M. Serge Dassault. Enfin, sachez que de nombreux élèves de seconde et de première commencent à douter de leur avenir en France, car il leur paraît incertain, et pour des raisons fiscales. En outre, ils s’orientent vers les universités étrangères, au Royaume-Uni et au Canada, pour la poursuite de leurs études. C’est grave, car ces jeunes cerveaux qui vont nous quitter pour apprendre ailleurs, qui représentent tout notre potentiel de développement économique et de croissance futurs, ne reviendront jamais. Et ce n’est pas le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis et la politique fiscale du Gouvernement qui permettront d’endiguer la perte dramatique de notre potentiel futur.
Monsieur le ministre, dans l’intérêt de tous, pour que votre projet de refondation de l’école soit une réussite et pour économiser beaucoup d’argent, vous n’avez qu’à refaire ce qui se faisait avant 1976. Ce sera très bien. Et n’oubliez pas la formation professionnelle ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous l’avez rappelé encore récemment, monsieur le ministre, « L’école est la France de demain ». C’est bien cette vision d’espérance qu’a souhaité donner le Président de la République en plaçant la jeunesse et l’éducation au cœur de son action et en affirmant sa volonté de rendre à l’école de la République sa place prioritaire, qu’elle a perdue depuis de nombreuses années.
Je ne reviendrai pas sur les objectifs et les enjeux du texte, déjà développés par mes collègues et parfaitement soulignés par Mme la rapporteur, Françoise Cartron. J’évoquerai simplement un sujet qui me tient à cœur : l’enseignement obligatoire d’une langue vivante dès le CP.
On nous répète à l’envi que les Français sont mauvais en langues étrangères. Les derniers résultats de l’European survey on language competences le confirment. Nous sommes face à un problème préoccupant, mais surtout face à un formidable défi.
L’apprentissage des langues étrangères non seulement est essentiel aujourd’hui pour l’insertion professionnelle de la jeunesse, mais il constitue un outil important pour l’ouverture à l’altérité par l’appréhension d’une culture et d’un système de pensée différents.
Ce n’est pas aux deux millions de nos concitoyens qui résident à l’étranger que nous l’apprendrons : la maîtrise d’une autre langue, voire le plurilinguisme, constitue un indéniable enrichissement personnel et collectif. À cet égard, je me félicite de l’adoption en commission d’un amendement visant à valoriser le plurilinguisme à l’école et à favoriser ainsi la préservation de la diversité linguistique, donc, par ricochet, la francophonie.
M. Jacques Legendre. C’est vrai.
Mme Claudine Lepage. Dans ce cadre, et concernant la disposition adoptée par l’Assemblée nationale visant à favoriser les langues des pays avec lesquels se déploie une coopération régionale, la clause de réciprocité imposée aux pays partenaires est également bienvenue.
Toutefois, la mise en œuvre de cette politique nécessite des moyens importants, notamment en termes de ressources humaines. Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, la formation initiale et continue en langues des enseignants du premier degré doit être repensée.
Au-delà, les échanges d’enseignants seraient très profitables. Le programme de mobilité internationale Jules Verne est un outil privilégié pour satisfaire cette demande : il ouvre aux enseignants titulaires du premier et du second degré la possibilité d’exercer dans un établissement étranger pendant une année, une durée que certains établissements, satisfaits du système, jugent d’ailleurs trop courte. Cette mobilité est de surcroît encouragée par l’alinéa 218 du rapport annexé présentant les objectifs de la politique d’éducation.
J’aborderai maintenant la question de l’enseignement français à l’étranger.
Monsieur le ministre, votre ministère n’assure pas de cotutelle sur l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE. C’est pourtant bien elle qui assure les missions de service public relatives à l’éducation en faveur des enfants français résidant hors de nos frontières. Chacun des établissements du réseau a bien reçu une homologation du ministère de l’éducation nationale. Et ce sont 10 000 enseignants titulaires français qui sont actuellement détachés pour des missions d’enseignement à l’étranger. Je suis certaine que nous aurions tous à gagner au développement d’un plus grand partenariat entre le réseau à l’étranger et l’éducation nationale.
Ce réseau de 480 établissements constitue un véritable laboratoire d’idées et d’expériences en matière d’apprentissage des langues, bien sûr, mais pas uniquement. Je rentre d’un déplacement aux États-Unis et je peux témoigner de l’usage fantastique que font les enseignants des nouvelles technologies dans nos établissements homologués. J’ai notamment en mémoire un exercice permettant, grâce à l’utilisation de Twitter et à son nombre limité de caractères, de synthétiser des règles grammaticales. Les riches expériences de ces professeurs français, qui se sont frottés à d’autres cultures, représentent un atout incontestable pour l’éducation nationale, qui doit davantage en tirer profit.
Au regard de ces éléments, la refondation de l’école peut et doit trouver plus nettement sa déclinaison au sein du réseau des établissements français à l’étranger.
En conséquence, je regrette vivement que la mission de concertation et de réflexion actuellement en cours sur l’avenir de notre réseau à l’étranger n’ait pas été intégrée aux travaux ayant abouti à ce projet de loi d’orientation et de programmation.
Un certain nombre de dispositions pourraient pourtant figurer dans ce texte ou, pour le moins, dans le rapport qui y est annexé. Je pense, notamment, à l’équilibre des différentes missions dévolues à l’AEFE, à ses relations avec le ministère de l’éducation nationale, ou encore aux moyens de parvenir à une véritable réussite éducative pour tous au sein d’un réseau, certes d’excellence, mais qui doit se garder de tout élitisme. Tel est l’objet des amendements que je vous proposerai dans la suite de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pur produit de l’éducation nationale, puisque je suis entré à l’école normale d’instituteurs à quatorze ans…
M. Raymond Couderc. … et que j’ai pris ma retraite de professeur d’université voilà dix ans, après avoir enseigné à tous les niveaux, j’aurais pu argumenter sur l’ensemble de ce projet de loi. Cependant, mes collègues du groupe UMP, en particulier Jacques Legendre et Jean-Claude Carle, l’ont très bien fait et, dans le peu de temps qui m’est imparti, je voudrais attirer votre attention sur un aspect particulier, celui des langues régionales.
Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, dans sa rédaction soumise au Parlement par le Gouvernement, ne faisait aucune mention des langues régionales. Cela a créé un grand émoi et une vive inquiétude parmi tous ceux, élus, familles et associations, qui défendent les langues et les cultures régionales.
Dès le mois de février 2013, je vous avais interpellé, par le biais d’une question écrite, monsieur le ministre, en vous rappelant la promesse du Président de la République de ratifier la charte européenne des langues régionales et minoritaires, afin de « définir un cadre légal clair et stable pour toutes les langues régionales ». Aussi, pourquoi ne pas inclure les langues régionales dans ce grand texte sur l’école ?
Contrairement à ce que prétendent certains, l’apprentissage des langues régionales n’entre pas en concurrence avec celui, nécessaire, des langues étrangères. On n’apprend pas une langue régionale à la place d’une langue étrangère ; ce n’est pas une soustraction, c’est au contraire une multiplication, car cet apprentissage élargit les capacités des élèves.
En outre, malgré leur reconnaissance dans la Constitution, la situation des langues régionales est très préoccupante. Elle est même catastrophique pour celles d’entre elles qui n’ont pas la chance d’avoir une part significative de leur aire de diffusion située hors de France. Tel est le cas du breton et de l’occitan, que l’ONU a déclarés « langues en grand danger ».
Notre pays, l’éducation nationale en tête, a la responsabilité, à l’égard des générations futures, de transmettre son patrimoine linguistique et culturel, de défendre la diversité culturelle comme l’on défend la biodiversité. Nous avons le devoir de préserver et de faire vivre cette partie de notre héritage.
Je ne méconnais pas les critiques des jacobins, qui pensent que les langues régionales sont des éléments centrifuges. Ils oublient que le défi, pour la République aujourd’hui, n’est plus d’unifier un pays morcelé pour le fondre dans une destinée commune, comme c’était le cas voilà un siècle et demi. Le défi, aujourd’hui, est de promouvoir la diversité, afin que chacun puisse retrouver, dans le socle commun de la nation française, les racines de son identité.
C’est pourquoi j’ai été rassuré de constater que les députés, puis la commission de la culture du Sénat, ont choisi d’amender ce projet de loi afin d’y inclure la question des langues régionales.
J’ai moi-même choisi de déposer un amendement à l’article 27 bis nouveau afin de supprimer la disposition prévoyant « l’accord [obligatoire] des représentants légaux des élèves ou des élèves eux-mêmes s’ils sont majeurs » pour que « les enseignants du premier et du second degrés [soient] autorisés à recourir aux langues régionales, dès lors qu’ils en tirent profit pour leur enseignement ». J’ai la satisfaction de voir que cette disposition a été modifiée par notre commission de la culture.
J’espère que cette modification sera maintenue lors de l’examen en séance de ce projet de loi, de manière à donner leur place aux langues régionales en tant qu’outils pédagogiques et culturels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Mmes Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laurent-Perrigot.
Mme Françoise Laurent-Perrigot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle satisfaction aujourd’hui d’avoir un projet de loi d’une telle envergure, un texte qui porte l’ambition de transformer notre école et de la replacer au cœur de nos institutions républicaines !
On le constate tous les jours sur le terrain : notre école ne remplit plus ses missions de justice sociale et de réussite éducative pour tous les enfants.
Cette refondation rétablit la situation en réaffirmant les principes d’espoir et de confiance en l’avenir, dont nous avons tous besoin, en intégrant les valeurs d’égalité des chances, de laïcité, de justice sociale. Nous voulons que les enseignants retrouvent l’envie d’enseigner et que les élèves, dès la maternelle, retrouvent le plaisir d’apprendre.
En développant la scolarisation des enfants de moins de trois ans, notamment dans les zones urbaines, rurales et ultramarines défavorisées, l’école maternelle va aider à l’accompagnement des élèves, dès leur plus jeune âge, vers la réussite en luttant contre l’échec scolaire.
La scolarisation des enfants de moins de trois ans est une chance pour l’enfant et sa famille. C’est la toute première étape du parcours scolaire, le moment où l’enfant se construit, s’approprie le langage, apprécie la vie en collectivité.
Bien souvent, les enfants issus de milieux défavorisés n’ont pas accès aux jardins d’éveil, aux crèches ; ils découvrent bien plus tard cette vie en commun. En ouvrant l’école à tous, au plus tôt, les inégalités sociales seront d’autant plus réduites. Il s’agira d’un lieu d’accueil gratuit, mais, surtout, égalitaire.
Avec cette possibilité, la formation dispensée dans ces écoles maternelles va favoriser l’éveil de la personnalité des enfants, en leur permettant d’acquérir tous les mécanismes qui faciliteront leur passage en école élémentaire. Cette notion sera amplifiée avec la création d’un cycle unique comprenant la petite, la moyenne et la grande section. Ainsi, l’enfant sera accueilli dans de bonnes conditions, avec un enseignement englobant un vrai projet éducatif et pédagogique adapté à son âge avec des maîtres qualifiés et formés.
En effet, dans le cadre de cette refondation, les moyens sont prévus, avec le recrutement de 60 000 personnes sur cinq ans, afin d’améliorer significativement les conditions d’encadrement des élèves, qui se sont fortement dégradées au cours de ces dernières années.
Sur ces 60 000 postes, 3 000 sont prévus pour les moins de trois ans, 4 000 pour améliorer l’équité territoriale et 7 000 pour le renforcement de l’encadrement pédagogique. C’est un effort considérable.
Monsieur le ministre, en consacrant autant de créations de postes d’enseignant titulaire du premier degré pour la mise en place de ce dispositif, vous prouvez combien l’amélioration des conditions de prise en charge des élèves au sein de l’école demeure l’une des priorités du Gouvernement. Ce dispositif va permettre d’aider et de mieux accompagner les élèves, de mieux répondre à leurs besoins.
Nous voyons là, monsieur le ministre, votre volonté de donner à l’école les moyens, en mobilisant des ressources importantes, pour une réussite pour tous.
Dans le cadre de cette refondation, vous allez encore plus loin. En effet, vous souhaitez mettre en place un cours d’enseignement moral et civique. Quelle excellente idée !
Jean Jaurès le disait déjà : « Il ne peut y avoir d’enseignement civique sans morale. » (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-François Husson. Il nous manquait, celui-là !
Un sénateur du groupe socialiste. Ne dites pas : « celui-là » !
M. Alain Bertrand. C’était un Tarnais ! Vive le Tarn !
Mme Françoise Laurent-Perrigot. Demain, ce sera une réalité.
Cet enseignement se fera en fonction de l’âge de l’enfant. Au moment où l’enfant découvre la vie collective, on pourra lui inculquer les notions d’apprentissage de la différence, de la tolérance, de l’acceptation de l’autre. Le message évoluera en fonction des cycles scolaires.
Adapté à chaque niveau, cet enseignement privilégiera le vivre-ensemble : mieux se connaître, comprendre et accepter les différences seront les maîtres mots. Dignité, liberté, solidarité, esprit de justice et laïcité ne sont pas des sujets dénués de sens. Sensibiliser les enfants à toutes ces valeurs fait partie intégrante des enjeux de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, vous avez eu le courage de vous lancer dans une refondation ambitieuse, qui va permettre la reconstruction de l’école de la République telle que nous la concevons. C’est avec fierté et enthousiasme que nous soutenons ce projet de refondation de l’école basé sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, trois mots symboliques que nous allons, demain, retrouver sur le fronton des écoles, rappelant ainsi à chaque élève qu’il est l’avenir de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique et politique fragilisé notamment par la crise internationale, le système éducatif français ne fait pas figure d’exception : on constate un affaiblissement de l’école républicaine dans ses missions de transmission des savoirs et d’apprentissage de la citoyenneté et dans son rôle d’ascenseur social.
En effet, les politiques éducatives qui se sont succédé ces dix dernières années ont conduit à la suppression de nombreux postes d’enseignant – 80 000 environ –, à la disparition de la carte scolaire et à la réduction des dépenses publiques en la matière. Ces politiques ont pour conséquences néfastes la progression de l’échec scolaire, le recul dans les classements internationaux, le dénigrement du personnel éducatif, l’aggravation de la violence dans certains établissements et un enseignement professionnel déprécié.
Dans ce contexte, il était primordial de réintroduire la formation initiale des enseignants, dont l’importance se vérifie surtout pour l’outre-mer, où des particularismes socioculturels doivent être compris et intégrés par l’enseignant pour permettre un épanouissement harmonieux de l’enfant.
En effet, enseigner aux enfants en Martinique, par exemple, comporte des différences avec l’enseignement en France métropolitaine et nécessite des aménagements permettant plus d’adaptation à la culture des lieux d’enseignement. Il faut, par conséquent, des enseignants ayant de solides connaissances de tous les déterminants socioculturels et qui soient formés aux problématiques sociolinguistiques et historico-culturelles locales, afin d’assurer de manière optimale les missions qui leur sont confiées auprès des enfants.
C’est d’autant plus vrai en Guyane, où la profession d’enseignant est confrontée à d’importantes contraintes. Ainsi, le français, langue de scolarisation, est parlé uniquement à l’école en certains lieux. L’usage de la langue créole ou amérindienne par les enfants nécessite le recours à un médiateur culturel bilingue. De plus, l’enseignement dans des communes éloignées et isolées accessibles seulement par pirogue n’implique qu’un très faible nombre de titulaires expérimentés, si bien que les affectations dans ces communes concernent des débutants. Dès lors, nombre d’enseignants renégocient leur affectation. C’est pour toutes ces raisons qu’il fallait rétablir la formation initiale et continue des enseignants et, ainsi, revaloriser le métier d’enseignant.
Face à ce constat, nous avons le devoir d’agir urgemment pour éduquer, former la jeunesse et la doter de savoirs indispensables à la maîtrise de son avenir. Il convient d’être attentif également à la qualité des dispositifs d’accueil – équipements pédagogiques notamment – pour réussir la scolarisation des moins de trois ans, prévue par l’article 5 de votre projet de loi, car le fort taux d’implantation de ZEP, de zones d'éducation prioritaire, en Martinique témoigne bien de l’acuité des problèmes de maîtrise de la langue.
C’est ainsi que nous pourrons redonner à l’éducation ses lettres de noblesse. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous remercie de cette réforme aussi ambitieuse que courageuse, dont l’objectif est de s’attaquer aux racines de l’échec scolaire en concentrant les efforts sur le primaire et la réorganisation des savoirs.
Ce projet de loi a le mérite de remettre l’enseignant au cœur même de la refondation de l’école, avec la création de 60 000 postes supplémentaires d’ici à 2017. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre Bordier. Et le rapport de la Cour des comptes ?
M. Maurice Antiste. Oui, 60 000 postes supplémentaires d’ici à 2017 ! (Mme Catherine Tasca et M. Alain Bertrand applaudissent.)
Cela me permet d’aborder la question des agents non titulaires de droit public et de droit privé qui, en Martinique, sont employés au sein des écoles et des établissements.
Vous en conviendrez, monsieur le ministre, cette situation n’est pas normale. Par conséquent, je vous interroge sur les mesures que vous envisagez face à cette problématique. Ne faudrait-il pas permettre la titularisation des enseignants contractuels et offrir aux autres des emplois et des perspectives de carrière, au sein ou en dehors du ministère, via la délivrance d’une certification ou d’un diplôme reconnu, par exemple ?
Cependant, refaire de l’école de la République la garante de l’égalité des droits, quels que soient les origines des élèves ou les moyens de leurs familles, nécessite de comprendre que la France ne constitue pas un territoire homogène au regard de la scolarité. L’inscription des inégalités dans l’espace est un élément supplémentaire de difficulté, car les clivages territoriaux accentuent les inégalités devant l’école.
Il existe ainsi une véritable fracture entre l’outre-mer et l’Hexagone, en termes tant de besoins que de résultats. Certaines collectivités ultramarines ont une population particulièrement jeune, les conditions d’enseignement y sont difficiles – en particulier en Guyane – et les résultats des élèves aux évaluations de fin de scolarité primaire sont dramatiquement insuffisants.
En effet, les taux de réussite des élèves d’outre-mer sont loin de ceux des élèves de métropole. Ainsi, à titre d’exemple, malgré une légère baisse en primaire, les redoublements restent supérieurs à ceux des écoles de l’Hexagone. C’est dans cet esprit que je proposerai deux amendements visant à permettre un suivi personnalisé des élèves, amendements qui recueilleront sans aucun doute votre assentiment, monsieur le ministre. (Sourires.)
Ce problème est d’autant plus important que, souvent, du fait d’une crise économique plus accentuée dans nos territoires, les parents eux-mêmes sont dans des situations sociales et financières très compliquées et ne peuvent assister leurs enfants.
Je pense que ce projet de refondation de l’école est audacieux et qu’il fera grand bien à notre système éducatif malade ! Cependant, il faut, pour cela, se donner les moyens financiers nécessaires, car nous ne pouvons réformer sans moyens. Je pense, notamment, à la réforme des rythmes scolaires et au fonds d’aide qui sera alloué aux communes dans ce cadre.
J’ai pris bonne note de la mise en place d’une enveloppe de 250 millions d’euros pour accompagner les communes et, vu l’ampleur de la crise, je souhaiterais voir ce fonds pérennisé pour un accompagnement sur le long terme, afin de répondre aux enjeux d’égalité territoriale.
En effet, et pour finir, le budget des collectivités, qui assurent déjà le fonctionnement des écoles primaires, sera immédiatement affecté par les conséquences, dans un contexte de restriction budgétaire, de la modification des rythmes scolaires, telles que la mise à disposition de locaux, la gestion de personnels, les activités périscolaires, la restauration, les transports scolaires.
La place éminente reconnue par votre Gouvernement à l’éducation devrait néanmoins susciter un accompagnement soutenu du plan de développement numérique, à la faveur de la suppression des zones blanches et du renouvellement de matériels informatiques devenus obsolètes.
Je salue donc l’ambition du Gouvernement et souhaite pleine réussite à la refondation de l’école ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si « tout se joue avant six ans », si le contexte de la socialisation première de l’enfant et les apprentissages donnés très tôt à ce dernier sont d’une importance capitale, alors, je salue particulièrement l’universalité de l’article 5 votée en commission.
Néanmoins – j’en suis convaincu –, tout n’est pas perdu non plus pour les élèves après six ans. Je salue donc également l’article 8 de ce projet de loi, en regrettant seulement que cette ouverture de la « seconde chance » soit limitée au niveau V de qualification, alors que, on le sait, la réussite professionnelle augmente considérablement lorsque les élèves ont démontré leur capacité de passer du niveau V au niveau IV, c’est-à-dire le baccalauréat.
Ces deux articles portent, à mon sens, des principes et des objectifs clefs du système éducatif que nous refondons aujourd’hui. Et cela vaut davantage encore pour mon département, le plus sinistré de France en matière d’éducation, la Guyane.
Quelques chiffres illustrent ce constat : l’an dernier, le baccalauréat technologique a connu une baisse du taux de réussite de six points. Pour le baccalauréat professionnel, la baisse est de dix-sept points, ce qui creuse l’écart déjà important avec les résultats métropolitains.
En effet, 53 % de la population guyanaise des plus de 15 ans n’est pas diplômée, contre 20 % en métropole, et seuls 14 % de ceux qui ont quitté le système scolaire ont obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur. Les difficultés d’insertion des 15-25 ans du département, dont 55 % souffrent du chômage, sont à mettre en corrélation avec ces parcours éducatifs non aboutis.
Mes chers collègues, permettez que j’insiste encore sur le cas particulier de la Guyane au regard des ambitions nationales affichées dans ce texte.
Mon département ne souffre pas d’un simple écart par rapport à la norme nationale, pas plus qu’on ne relève quelque situation particulière d’échecs dans des zones d’exclusion bien circonscrites. Le système éducatif est globalement sinistré, déconnecté de réalités sociologiques, économiques et culturelles différentes.
Lorsque 50 % de la population générale n’ont pas le français pour langue maternelle, une proportion qui atteint 100 % dans certaines parties du territoire, la question de la maîtrise de la langue française et, donc, de l’accès à la langue d’enseignement exige, à l’évidence, d’être abordée autrement que par la simple mise en cause de la grande diversité linguistique des apprenants.
Cette diversité linguistique, qui traduit aussi la diversité d’origine et de culture des élèves – 80 nationalités, 15 langues parlées – est un défi à l’école dans sa mission d’intégration.
Dès lors, ne devons-nous pas donner un sens particulier au concept de « refondation » de l’école en Guyane ? Au-delà, et surtout, n’est-ce pas un impératif républicain que de décliner les moyens nécessaires pour y mettre en œuvre l’ambition affichée ici ?
Comme dans tous les pays en mal de développement, la question des infrastructures est cruciale en Guyane, où la population scolaire a doublé en dix ans. Les conditions d’un égal accès de tous à l’école passent par la création d’établissements et de classes, ainsi que de postes, et cela dans le premier comme dans le deuxième degré.
En effet, si, chaque année, 5 000 enfants ne trouvent pas place à l’école primaire, les lycées peinent aussi à accueillir les redoublants de la terminale.
Je tiens ainsi à saluer votre action, monsieur le ministre, pour cette rupture que constitue la création des 216 postes d’enseignants de premier et second degré dans l’académie de Guyane.
Toutefois, les marges de progrès restent importantes au niveau des conditions d’accueil et d’hébergement des enseignants affectés dans les territoires isolés ou en difficulté et des conditions de scolarisation : la restauration scolaire et le transport sont encore trop insuffisants pour que les conditions matérielles de réussite des élèves soient pleinement réunies.
Cependant, au-delà des questions matérielles, la refondation de l’école ne sera qu’un mot qui sonne creux sans un changement de posture et des principes d’actions de l’éducation nationale en Guyane. L’exigence d’égalité républicaine ne saurait faire l’économie d’une approche différenciée de l’enseignement dans ce territoire d’exception. C’est même à cette condition qu’un véritable système d’égalité des chances pourra se bâtir en Guyane, à partir des réalités du territoire.
Ainsi, la formation des enseignants exerçant en Guyane doit intégrer le fait multiculturel comme une donnée de base, tout comme de vrais statuts professionnels doivent être élaborés pour les auxiliaires d’enseignement, tels que les médiateurs linguistiques ou culturels favorisant le lien direct entre l’école et l’environnement de l’enfant. Tous les spécialistes reconnaissent, en effet, que la valorisation des langues maternelles constitue le meilleur accès au français, langue de scolarisation
L’enjeu de ces efforts, sociétal autant qu’économique, c'est-à-dire le développement de la Guyane – mais n’est-ce pas vrai pour l’ensemble de notre pays ? – exige aussi bien la cohésion sociale que la formation de sa population. Ce texte est un grand mouvement, dans un sens que je soutiens pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)