M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 170 :
Nombre de votants | 210 |
Nombre de suffrages exprimés | 207 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er
I. – A. – Avant le 1er juin 2013, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels engagent une négociation, afin de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident au moins aussi favorable que la couverture minimale mentionnée au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture avant le 1er janvier 2016.
La négociation porte notamment sur :
1° La définition du contenu et du niveau des garanties ainsi que la répartition de la charge des cotisations entre employeur et salariés ;
2° Les modalités de choix de l’assureur. La négociation examine en particulier les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent retenir le ou les organismes assureurs de leur choix, sans méconnaître les objectifs de couverture effective de l’ensemble des salariés des entreprises de la branche et d’accès universel à la santé ;
3° Le cas échéant, les modalités selon lesquelles des contributions peuvent être affectées au financement de l’objectif de solidarité, notamment pour l’action sociale et la constitution de droits non contributifs ;
4° Les cas dans lesquels la situation particulière de certains salariés peut justifier des dispenses d’affiliation à l’initiative du salarié ;
5° Le délai, au moins égal à dix-huit mois à compter de l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord et expirant au plus tard le 1er janvier 2016, laissé aux entreprises pour se conformer aux nouvelles obligations conventionnelles ;
6° Le cas échéant, les adaptations dont fait l’objet la couverture des salariés relevant du régime local d’assurance maladie complémentaire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle défini à l’article L. 325-1 du code de la sécurité sociale, en raison de la couverture garantie par ce régime.
B. – À compter du 1er juillet 2014 et jusqu’au 1er janvier 2016, dans les entreprises où a été désigné un délégué syndical et qui ne sont pas couvertes selon l’une des modalités mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale par une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident au moins aussi favorable que la couverture minimale mentionnée au II de l’article L. 911-7 du même code et applicable au plus tard le 1er janvier 2016, l’employeur engage une négociation sur ce thème.
Cette négociation se déroule dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail et au deuxième alinéa de l’article L. 2242-11 du même chapitre.
II. – Le titre Ier du livre IX du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est complété par des articles L. 911-7 et L. 911-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 911-7. – I. – Les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident déterminée selon l’une des modalités mentionnées à l’article L. 911-1 dans des conditions au moins aussi favorables que celles mentionnées au II du présent article sont tenues de faire bénéficier leurs salariés de cette couverture minimale par décision unilatérale de l’employeur, dans le respect de l’article 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. Les salariés concernés sont informés de cette décision.
« II. – La couverture minimale mentionnée au I comprend la prise en charge totale ou partielle des dépenses suivantes :
« 1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 322-2 pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;
« 2° Le forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 ;
« 3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dento-faciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement.
« Un décret détermine le niveau de prise en charge de ces dépenses ainsi que la liste des dispositifs médicaux mentionnés au 3° entrant dans le champ de cette couverture. Il fixe les catégories de salariés pouvant être dispensés, à leur initiative, de l’obligation d’affiliation eu égard à la nature ou aux caractéristiques de leur contrat de travail ou au fait qu’ils disposent par ailleurs d’une couverture complémentaire. Il précise les adaptations dont fait l’objet la couverture des salariés relevant du régime local d’assurance maladie complémentaire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle défini à l’article L. 325-1, en raison de la couverture garantie par ce régime.
« Les contrats conclus en vue d’assurer cette couverture minimale sont conformes aux conditions prévues à l’article L. 871-1 du présent code et au 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts.
« L’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette couverture.
« Art. L. 911-8. – Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, selon les conditions suivantes :
« 1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers et arrondie au nombre supérieur, et sans pouvoir excéder douze mois ;
« 2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;
« 3° Les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise ;
« 4° Le maintien des garanties ne peut conduire l’ancien salarié à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage qu’il aurait perçues au titre de la même période ;
« 5° L’ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;
« 6° L’employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail.
« Les dispositions du présent article sont applicables dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail. »
2° L’article L. 912-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques en application du premier alinéa du présent article ou lorsqu’ils recommandent, sans valeur contraignante, aux entreprises d’adhérer pour les risques dont ils organisent la couverture à un ou plusieurs organismes, il est procédé à une mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats, qui doivent notamment intégrer et préciser les éléments suivants : publicité préalable obligatoire, fixation des modalités garantissant un consentement éclairé des partenaires sociaux lors de la désignation ou de la recommandation, règles en matière de conflit d’intérêts et détermination des modalités de suivi du régime en cours de contrat, et selon des modalités prévues par décret. Cette mise en concurrence est également effectuée lors de chaque réexamen. »
II bis (nouveau). – Avant la dernière phrase du I de l’article L. 325-1 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, il peut compléter une ou plusieurs de ses prestations pour qu’elles soient au plus égales aux garanties minimales prévues au II de l’article L. 911-7. »
II ter (nouveau). – Le sixième alinéa de l’article L. 761-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, il peut compléter une ou plusieurs de ses prestations pour qu’elles soient au plus égales aux garanties minimales prévues au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale. »
III. – Le titre Ier de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques est ainsi modifié :
1° Les articles 2 et 5 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable au titre des anciens salariés garantis en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Le 1° de l’article 4 est ainsi modifié :
a) Sont ajoutés les mots : « ou, le cas échéant, avant l’expiration de la période durant laquelle ils bénéficient à titre temporaire du maintien de ces garanties en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’organisme doit avoir adressé la proposition de maintien de la couverture à ces anciens salariés au plus tard dans le délai d’un mois à compter de la date de la cessation du contrat de travail ; »
3° Le 2° du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’organisme doit avoir adressé la proposition de maintien de la couverture à ces personnes dans le délai d’un mois à compter du décès. »
IV. – À compter du 1er juillet 2014, le livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du titre IV est ainsi rédigé : « Protection sociale complémentaire des salariés » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2242-11, le mot : « maladie » est remplacé par les mots : « et, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, d’un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident » ;
3° Après le mot : « prévoyance », la fin du 14° du II de l’article L. 2261-22 est ainsi rédigée : « ou à un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale ; ».
V. – Avant le 1er janvier 2016, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels engagent une négociation en vue de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de prévoyance au niveau de leur branche ou de leur entreprise d’accéder à une telle couverture.
VI. – (Supprimé)
VII. – L’article L. 113-3 du code des assurances est ainsi modifié :
a) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la souscription d’un contrat résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, l’assureur ne peut faire usage des dispositions du présent article relatives à la suspension de la garantie et à la résiliation du contrat. » ;
b) (nouveau) Au dernier alinéa, la référence : « des alinéas 2 à 4 » est remplacée par la référence : « des deuxième à cinquième alinéas ».
VIII. – Après le mot : « interprofessionnel », la fin de la première phrase du III de l’article L. 221-8 du code de la mutualité est supprimée.
IX. – L’article L. 322-2-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Après les mots : « code monétaire et financier », sont insérés les mots : « , en particulier la mise en œuvre d’une action sociale, » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle se traduit par des réalisations sociales collectives, l’action sociale mentionnée au premier alinéa doit être confiée à une ou plusieurs personnes morales distinctes de l’assureur. »
X (nouveau). – Le I de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
XI (nouveau). – L’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale entre en vigueur :
1° Au titre des garanties liées aux risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, à compter du 1er juin 2014 ;
2° Au titre des garanties liées au risque décès ou aux risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, à compter du 1er juin 2015.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’article 1er, qui fut au cœur de nos débats en commission et des auditions, cristallise des exigences et des revendications souvent contradictoires.
Je voudrais d’abord rappeler quelques statistiques qui éclairent les choix faits par les partenaires sociaux : 33 % des quelque 400 000 personnes dépourvues de couverture complémentaire santé déclarent renoncer à des soins pour raisons financières, contre 15 % de celles qui sont couvertes. Ces chiffres expliquent à eux seuls toute l’importance du dispositif de l’article 1er.
Les partenaires sociaux ont choisi d’inscrire celui-ci dans l’accord national interprofessionnel : il s’agit donc d’un nouveau droit, dont bénéficieront principalement les salariés des petites entreprises, les non-cadres et les titulaires d’emplois précaires.
M. le ministre l’a rappelé tout à l'heure, la mise en place de ce dispositif est concomitante à la réforme engagée par le Gouvernement en vue de généraliser, à l’horizon 2017, une couverture complémentaire de qualité. Je rappelle que le Gouvernement a commandé un rapport sur ce sujet au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
En cet instant, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur un point particulier, afin que l’information puisse être complètement partagée : le texte du projet de loi n’étant pas explicite sur ce sujet, pourriez-vous nous confirmer ici que, comme la lecture du code de la sécurité sociale et du code rural semble le laisser à penser, les entreprises agricoles seront également soumises à l’obligation de fournir à leurs salariés une couverture complémentaire santé ?
Je voudrais revenir sur les réactions auxquelles a donné lieu la présentation de cet article 1er au gré des auditions et de nos rencontres avec les représentants des différentes forces vives de nos territoires.
Il faut noter que les études disponibles montrent clairement les avantages des contrats collectifs : ces derniers offrent en moyenne plus de garanties que les contrats individuels et sont moins chers. Les résultats financiers des contrats collectifs sont systématiquement inférieurs à ceux des contrats individuels, même en soustrayant les frais commerciaux de démarchage.
J’en viens maintenant à la clause de désignation, qui a été source de dissensions entre nous. Nous avons tous reçu, dans nos boîtes aux lettres et dans nos boîtes mail, de nombreux courriers à ce sujet. Une lecture approfondie de l’article 1er fait apparaître un point majeur, à l’origine de nombreux malentendus : toute liberté est laissée aux partenaires sociaux pour gérer la prévoyance et la couverture santé comme ils le souhaitent. Dans cette perspective, ils ont le choix entre trois possibilités : laisser aux entreprises le soin de choisir l’assureur, formuler une recommandation ou procéder à une désignation. Dans l’esprit, les termes de l’accord sont donc pleinement respectés ; ce sont bien les partenaires sociaux qui décident, et eux seuls.
Je voudrais également préciser que la clause de désignation n’est pas un outil de contrainte : elle est au contraire au service des partenaires, en ce qu’elle permettra une réelle mutualisation, à un niveau évidemment plus large que celui de la seule entreprise, induisant une diminution des coûts. Elle permettra en outre la mise en place d’actions sociales collectives, de politiques de prévention et de santé publique, ainsi qu’un partage du fardeau lorsqu’une entreprise ne paie plus ses cotisations, ce qui constitue, soit dit au passage, une protection essentielle pour les salariés.
Mes chers collègues, je veux insister sur le fait que ce projet de loi n’apporte à cet égard aucun changement par rapport au droit existant, si ce n’est – cela devrait pleinement rassurer une partie de notre assemblée – qu’il renforce drastiquement les conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats. Autrement dit, au début du processus, tous les candidats potentiels seront sur la même ligne. Est ainsi imposée une mise en concurrence, en cas tant de recommandation que de désignation, qui a encore été renforcée par l’Assemblée nationale. Je le dis avec force, avec ces nouvelles modalités tendant à assurer l’impartialité, nous éviterons les abus qui ont pu être constatés ici ou là.
Je rappelle enfin, pour lever tout malentendu, que la clause de désignation, créée à l’origine sans base législative par les partenaires sociaux, a été jugée parfaitement licite par toutes les juridictions qui en ont été saisies ces dernières années : l’Autorité de la concurrence – lisez bien son dernier avis, en date du 29 mars dernier –, le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne.
Je ne doute pas que nous aurons un débat sur ces questions, mais je souhaitais, à titre liminaire, exposer dans quel cadre j’ai travaillé sur l’article 1er en préparant mon rapport.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je voudrais répondre tout de suite à la question précise que m’a posée M. le rapporteur.
Le dispositif de ce projet de loi a vocation à s’appliquer à l’ensemble des salariés, donc notamment à ceux du secteur agricole, en l’absence de dispositions spécifiques dans le code rural. Les représentants de la profession, en particulier la FNSEA, le savent très bien, ce point ayant été clarifié lors d’une réunion tenue en ma présence dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective, le 18 février dernier.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi marque un tournant en termes de méthode, avec cette innovation majeure que constitue l’engagement d’une négociation avant l’élaboration de la loi. L’accord national interprofessionnel confirme la détermination du Gouvernement à changer les pratiques et les habitudes, en instaurant le dialogue comme un préalable à la loi.
Le Président de la République avait souhaité que les forces vives de la nation soient mobilisées afin de trouver des solutions nouvelles pour l’emploi. Signé par une majorité d’organisations syndicales et patronales, l’ANI, que transcrit ce projet de loi, est le fruit d’une concertation, d’une négociation et affiche un équilibre global dans la bataille pour l’emploi et contre la précarité.
À travers l’article 1er, nous retrouvons le chemin vertueux et nécessaire de la généralisation de l’accès aux soins pour tous.
En effet, cet article prévoit à la fois la généralisation de la couverture complémentaire collective santé pour les salariés du privé et l’amélioration de la portabilité des couvertures santé et prévoyance des demandeurs d’emploi, y compris pour le secteur agricole, ce qui constitue une avancée.
Tout ce qui conduit à mieux protéger les salariés est un progrès dont nous devons nous féliciter. Que chaque personne, dans notre pays, puisse accéder aux soins dont elle a besoin, que personne n’ait à renoncer à se faire soigner par manque de moyens, voilà un objectif majeur vers lequel nous devons tendre. Ce projet de loi représente un premier pas vers une généralisation effective de la couverture complémentaire santé. Par la suite, il nous faudra étendre l’application de ce principe à d’autres catégories de la population, notamment aux jeunes qui restent encore aujourd’hui en dehors du système. Des engagements ont été pris en ce sens et des rapports ont été produits sur ce sujet.
Je souhaiterais également que nous demeurions vigilants sur certains points spécifiques découlant de cette généralisation : je pense en particulier à la clause de désignation, aux appels d’offres et à la question des ayants droit.
Malgré tout, je tiens à le redire, cet article constitue une avancée. À partir de 2016, toute entreprise, quelle que soit sa taille, devra permettre à ses salariés de bénéficier d’une couverture santé collective de qualité, conforme à la définition des contrats solidaires et responsables.
Tout cela se fera sur la base de négociations qui débuteront dès le 1er juin 2013 et ce sont 400 000 personnes qui bénéficieront de ce système. Disons-le tout net, c’est là du très bon travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, sur l'article.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la généralisation de la couverture santé complémentaire à tous les salariés constitue une avancée incontestable ; personne n’en disconvient.
C’est sa mise en œuvre, telle que prévue par le présent projet de loi, qui suscite des interrogations, et plus précisément la possibilité ouverte aux branches de « désigner », et non pas seulement de « recommander », un organisme complémentaire auquel toutes les entreprises de la branche devront recourir, y compris celles ayant déjà mis en place une couverture complémentaire : c’est la fameuse clause de désignation, dont vient de parler M. le rapporteur.
Il ne fait pas de doute que, sur ce point, le projet de loi est en parfaite contradiction avec l’accord national interprofessionnel, dont l’article 1er est très explicite : « Les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. Toutefois, ils pourront, s’ils le souhaitent, recommander […]. » Recommander, et non désigner : on ne peut être plus clair. Le terme « désignation » ne figure, au sein de l’ANI, que dans une note de bas de page relative aux seules branches ayant déjà désigné leur organisme complémentaire ; rien de plus.
Or la clause de désignation introduite par le Gouvernement dans la transcription de l’accord pose problème.
D’abord, sur un plan éthique, la désignation risque de conduire à une reconfiguration brutale, et non souhaitable, de l’offre de couverture complémentaire santé dans notre pays.
On le sait, la désignation favorisera considérablement les instituts de prévoyance, les IP, au détriment des mutuelles et des sociétés d’assurance. Aujourd’hui, sur cinquante et une branches ayant eu recours à la désignation d’un organisme complémentaire, quarante-trois ont désigné un institut de prévoyance. Pourquoi ? Parce que les IP fonctionnent de manière paritaire, suivant le principe de démocratie sociale. En l’occurrence, c’est aux organisations gérant les IP qu’il reviendra de désigner l’opérateur : il y aura un évident conflit d’intérêts, les partenaires sociaux étant à la fois juges et parties.
La question est donc non pas de défendre telle ou telle catégorie d’opérateurs contre telle ou telle autre, mais de légiférer pour assurer la transparence. Le financement des organisations patronales et syndicales doit, lui aussi, être transparent. C’est d’ailleurs le thème du rapport remis voilà quelques mois par le député Nicolas Perruchot.
Ensuite, sur un plan juridique, la désignation, telle qu’organisée par le projet de loi, méconnaît selon nous les règles du droit de la concurrence.
L’avis de l’Autorité de la concurrence le confirme sans aucune ambiguïté : la liberté de choix des employeurs n’est pas totalement exclue par le projet, certes, mais le champ de cette liberté « est limité par la combinaison de deux dispositions ».
En effet, l’article 1er pose la création d’un nouvel article L. 911-7 dans le code de la sécurité sociale « en vertu duquel l’employeur est tenu de mettre en place, par décision unilatérale, une couverture minimale en matière de complémentaire santé, dès lors que, préalablement au 1er janvier 2016, les salariés n’en bénéficient pas par accord de branche ou d’entreprise.
« Par ailleurs, l’article 1er, I. – A, du présent projet de loi impose aux entreprises liées par une convention de branche ou par des accords professionnels d’engager, à compter du 1er juin 2013, une négociation afin de permettre aux salariés qui n’en bénéficient pas d’accéder à une convention collective à adhésion obligatoire en matière de complémentaire santé avant le 1er juin 2016. Ainsi, il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que l’employeur ne pourra être amené à choisir librement l’organisme d’assurance qu’à défaut de convention ou d’accord de branche préalable. […] Le maintien des clauses de désignation par le présent projet de loi constitue une préoccupation de concurrence. »
Voilà ce que souligne l’avis émis par l’Autorité de la concurrence.
Ces dispositions défavorisent donc le soutien à une diversité de l’offre propre à promouvoir la qualité du service et à exercer une pression à la baisse sur les prix.
En outre, à nos yeux, la désignation est une aberration économique. Elle ne profitera ni aux salariés, dont les cotisations sont susceptibles d’augmenter, ni aux entreprises, qui vont subir un renchérissement de leurs coûts, et donc une perte de compétitivité. On peut craindre la destruction de nombreux emplois sur tout le territoire dans les secteurs des mutuelles et des assurances, en particulier chez les agents généraux, qui risquent d’être les premiers pénalisés.
Par ailleurs, la clause de désignation entraînera des effets pervers pour les non-salariés qui souscriront une complémentaire santé. Les premiers à en pâtir seront, sans nul doute, les retraités et futurs retraités. En effet, priver les mutuelles et les sociétés d’assurance des cotisations de personnes faiblement consommatrices de soins, en ne leur laissant, du fait de leur maillage territorial plus dense que celui des institutions de prévoyance, que la gestion du risque santé d’une population fortement consommatrice, entraînera une augmentation des primes d’assurance des non-salariés, et particulièrement des retraités, ce qui contribuera à précariser davantage la situation de nos aînés.