M. le président. Madame Pasquet, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Je maintiens mon amendement, qui nous permet de revenir sur une décision injuste.
Ce projet de loi se donne pour ambition, tout du moins affichée, d’ouvrir des droits nouveaux aux salariés. En toute cohérence, il serait donc indispensable de revenir sur cette taxe et de permettre aux assurés de retrouver des droits qu’ils ont aujourd’hui perdus.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Avec cet amendement, le groupe communiste républicain et citoyen met le groupe socialiste devant ses responsabilités.
Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que, lorsque nous avions instauré la première taxe sur les contrats responsables, vous y étiez tous opposés ! Je trouve logique que le groupe communiste républicain et citoyen dépose cet amendement, mais nous laissons aux sénateurs de la même tendance le soin de régler cette question entre eux… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Le groupe UMP ne participera donc pas à ce scrutin.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 169 :
Nombre de votants | 209 |
Nombre de suffrages exprimés | 194 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 98 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 3, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article ainsi rédigé :
I. – L’article 995 du code général des impôts est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° Les contrats d’assurance maladie complémentaire couvrant les ressortissants du régime étudiant de sécurité sociale, si ces garanties respectent les conditions définies à l’article L. 871-1 du code précité. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des II et III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous souhaitons aborder ici la question importante de l’état de santé des étudiants qui, vous le savez, se dégrade dans notre pays.
D’après les principales conclusions d’une enquête menée par La mutuelle des étudiants et la Mutualité française auprès de plus de 8 000 étudiants et publiée en mai 2012, sont en cause le renoncement aux soins pour un étudiant sur trois et l’absence de médecin traitant pour près d’un étudiant sur cinq. Toujours selon cette étude, les étudiants subissent de plein fouet les reculs de l’assurance maladie et se reportent sur les soins de premier recours, faute de complémentaire santé.
Ainsi, depuis de nombreuses années, la situation sanitaire et sociale des étudiants se dégrade.
Pourtant, avec le passage de 3,5 % à 7 % du taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance, l’ensemble des taxes pesant sur les organismes complémentaires santé atteint aujourd’hui 13,27 % du montant des cotisations, dont 6,27 % au titre de la taxe CMU.
Ces taxes pèsent de la même manière sur l’ensemble des adhérents des organismes complémentaires, même lorsque ceux-ci sont déjà fragiles sur un plan sanitaire et social et alors même que l’accès à une couverture complémentaire constitue aujourd’hui un préalable à l’accès durable au système de soins.
Notre amendement vise, vous l’aurez compris, à contribuer à remédier à la situation en exonérant de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance régie par l’article 991 du code général des impôts, les contrats de complémentaire santé souscrits par les personnes ressortissant au régime étudiant de sécurité sociale.
Cette exonération serait limitée aux seuls contrats responsables régis par l’article 871-1 du code de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend à exonérer de la taxe sur les contrats d’assurance les contrats de complémentaire santé des étudiants.
Comme pour l’amendement n° 2, il s’agit d’une question qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Là aussi, un amendement similaire avait été déposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. L’amendement n° 3 est hors champ de l’ANI.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. J’indique aux auteurs de l’amendement qu’ils peuvent se référer à un excellent rapport sur la sécurité sociale et la santé des étudiants signé par Ronan Kerdraon et par moi-même. Ils verront que les choses ne sont pas si simples !
Notre rapport a été fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, et a été amplement repris par la presse. Il serait bon de commencer par se référer aux travaux de notre assemblée sur la question… (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est facile de balayer d’un revers de main des situations auxquelles nous sommes tout de même régulièrement confrontés !
Outre les aspects que j’ai déjà évoqués, l’étude que je viens de citer révèle une forte dépendance familiale des étudiants : pour 73 % d’entre eux, la famille reste la première source de revenus ; 27 % seulement perçoivent une bourse, attribuée sur des critères sociaux, mais plus du quart sont contraints d’exercer une activité rémunérée en plus de leurs études, afin de subvenir à leurs besoins.
Ainsi, les étudiants ont de plus en plus de mal à faire face aux dépenses de santé courantes – médecine généraliste, gynécologie, notamment – et 92 % pratiquent l'automédication, ce qui devrait nous alerter.
Concernant le bien-être psychique des étudiants, la situation n'est pas plus réjouissante puisque 38 % d’entre eux déclarent avoir éprouvé un « sentiment constant de tristesse et de déprime » au cours de l'année écoulée, 12 % affirmant même avoir eu des pensées suicidaires.
Un tiers des étudiants a déjà renoncé à des soins ! Et ce renoncement concerne surtout les soins lourds mais – comme pour le reste de la population – avec un déplacement vers les soins courants.
De plus, les étudiants sont concentrés dans des villes où les dépassements d'honoraires sont plutôt plus importants que dans le reste du territoire.
Vous l’aurez compris, notre amendement visait à apporter un éclairage particulier sur cette situation qui, je crois, appelle un règlement urgent.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Le rapport d’information que ma collègue Catherine Procaccia et moi-même avons commis met en évidence ce problème. Il va même au-delà, car les préconisations que nous avons formulées dans ce cadre sont destinées au Gouvernement comme aux parlementaires en vue de l’élaboration d’un véritable plan de santé pour les étudiants.
Nous avons interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises et, encore récemment, le cabinet de la ministre des affaires sociales. Selon ce dernier, un certain nombre de ces propositions pourraient être incluses dans un plan de santé publique qui comprendrait à la fois un volet pour la santé des jeunes et un volet destiné aux étudiants.
On s’oriente donc dans la bonne direction, même si la situation que vous décrivez, chère collègue, correspond à une réalité à laquelle nous avons été confrontés et que différents rapports mettent en lumière – l’Observatoire de la vie étudiante, par exemple, en a fait état.
Il me semble néanmoins que le texte que nous examinons n’est pas forcément le bon support pour apporter une réponse au problème. Je rejoins tout à fait, à cet égard, notre rapporteur quand il renvoie au projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est dans ce cadre que nous-mêmes, au groupe socialiste, avions déposé un amendement sur le sujet – cet amendement avait été retiré, car il ne correspondait pas au projet du Gouvernement, dans l’attente du plan de santé pour les étudiants.
Ainsi, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Le problème que nous évoquons est tellement grave que les amendements proposés ne sont absolument pas à la hauteur de l’enjeu. Le sujet a été bien exposé dans le rapport d’information du Sénat, mais je voudrais, à cet instant, appeler à nouveau l’attention du Gouvernement sur ce problème de l’assurance maladie des étudiants.
Le Gouvernement doit prendre, au plus vite, des mesures pour réorganiser complètement cette assurance. J’ignore s’il faut, de même, supprimer aussi rapidement que possible les mutuelles qui en ont la charge, mais force est de constater qu’il est quasi impossible, pour un étudiant, de se faire rembourses dans des délais décents, voire de se faire rembourser tout court… Et , pour obtenir une carte vitale par l’intermédiaire d’une mutuelle étudiant, il faut attendre des mois et c’est un véritable parcours du combattant. Il en est de même pour la moindre feuille de soins envoyée à l’une quelconque de ces mutuelles.
La situation ne peut pas durer.
Ce n’est pas une question de taxe, c’est un problème d’organisation de la couverture d’assurance maladie. Faut-il que les étudiants rentrent dans le régime général de la sécurité sociale ? Je l’ignore, n’étant pas spécialiste en la matière, mais je souligne, comme beaucoup d’entre vous, qu’il est urgent de faire évoluer le dispositif.
En attendant, nous voterons contre cet amendement, qui ne résoudrait rien s’il était adopté. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi n° … du … relative à la sécurisation de l'emploi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les coûts et les conséquences d’une mesure permettant à tous les étudiants de bénéficier, de droit, d’une aide au paiement d’une assurance complémentaire santé mentionnée à l’article L. 863-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’amendement que nous vous proposons tend à étudier la possibilité d'étendre l'aide au paiement d'une assurance complémentaire aux étudiants.
Le présent élargissement de l’accès aux complémentaires santé est, de notre point de vue, insuffisant pour répondre aux nécessités de la jeunesse étudiante, qui ne doit pas être oubliée.
Qu'en est-il, en effet, des possibilités d'accès des étudiants à la santé ? Ils forment une population toujours plus nombreuse, mais aussi toujours plus nombreuse à renoncer aux soins pour payer ses études.
Cette population n'est pas à exclure de cette discussion sur la sécurisation de l'emploi, car si l’on oublie en effet, dans ce texte, que plus d'un étudiant sur trois complète ses ressources par une activité rémunérée, on oublie également que plus de 600 000 de ces étudiants sont boursiers – bien souvent à l'échelon maximal –, ce qui prouve qu’ils sont précisément victimes de cette crise qui frappe le peuple.
Pour beaucoup d'entre eux, le quotidien, c'est la précarité. Ainsi, selon la LMDE – La Mutuelle des étudiants –, plus de la moitié des étudiants vivent avec moins de 400 euros par mois. Quatre cents euros pour vivre ! Cela fait 400 euros pour se loger, pour manger, pour s'instruire, pour se divertir ! Et combien d'euros reste-t-il pour se soigner ?
Pourtant, nous savons que la santé est un droit pour tous et toutes. Il n'y a pas d'âge qui soit épargné par les nécessités sanitaires. Par exemple, les soins optiques participent évidemment à la réussite d'un étudiant, tout comme les soins dentaires, dont le défaut peut en revanche peser durablement sur la vie du futur salarié.
Ces étudiants qui, pour beaucoup, sont aussi salariés, ont droit à la solidarité nationale. Mais si la couverture complémentaire peut avoir des effets bénéfiques, elle est trop onéreuse pour les étudiants. Toujours selon la LMDE, 29 % d’entre eux ont déjà renoncé à des soins pour des raisons financières.
Nous devons corriger les effets néfastes du désengagement progressif de la sécurité sociale publique concernant la couverture médicale.
Quel message adressons-nous à notre jeunesse, en lui faisant comprendre que se soigner est désormais un luxe ?
Quel message adressons-nous à notre jeunesse en lui disant qu'elle doit choisir entre santé et logement ou entre santé et études ?
Pourquoi s'étonner, dès lors, du nombre croissant de ces jeunes qui quittent notre pays ?
Nous considérons que la solidarité nationale, que nous devons à notre peuple, implique que les étudiants puissent, eux aussi, bénéficier d'une aide à l'assurance complémentaire santé.
Il n'est plus acceptable que la France – cinquième puissance économique du monde – délaisse toujours plus ses jeunes au mépris de la logique la plus élémentaire. En effet, la croissance future se fera grâce à ces jeunes, bien formés et en bonne santé.
Il y va de l'avancement de la société vers la justice et l'équité. C'est le sens de cet amendement.
M. Philippe Dallier. Parlez-nous du rapport !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’enjeu, tel qu’il est décrit par nos collègues, mérite que nous partagions l’intérêt qu’ils lui portent. Toutefois, l’accord dont ce projet de loi est la traduction ne concerne pas les étudiants, mais seulement les salariés.
Pour cette raison, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je dirais, comme le rapporteur, qu’il s’agit d’un sujet extrêmement important. Je pense d’ailleurs qu’il ne faut pas se limiter à la seule question des étudiants et qu’il convient de poser ici, plus généralement, la question des jeunes…
Mme Isabelle Pasquet. Tout à fait !
M. Michel Sapin, ministre. … qui ne sont pas salariés et rencontrent en particulier des problèmes de couverture complémentaire.
Ce sujet a été abordé par le Président de la République au congrès de la Mutualité, où il s’est engagé sur la couverture complémentaire pour tous au 1er janvier 2017 – on en reparlera peut-être lors de la discussion de l’article 1er. Il faut réfléchir aux conditions de cette couverture.
De nombreux travaux ont déjà été conduits et nous sommes maintenant dans une phase opérationnelle. Je pense qu’un rapport supplémentaire n’apporterait pas plus à la connaissance – vous en avez d’ailleurs apporté la preuve, madame Pasquet – de la situation parfois déplorable de ces jeunes.
Nous sommes donc dans l’action et nous vous formulerons une proposition globale au profit de l’ensemble de ceux qui, aujourd'hui, ne bénéficient pas de cette complémentaire santé.
C’est pourquoi je ne peux pas être favorable à votre amendement, madame Pasquet.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Il s’agit d’un rapport, alors parlez-nous du rapport !
Mme Isabelle Pasquet. Parfaitement, monsieur Dallier, l’amendement tend à demander un rapport,…
M. Philippe Dallier. Vous ne l’avez pas dit !
Mme Isabelle Pasquet. … ce qui nous permet aussi d’évoquer la condition des étudiants et de la jeunesse en général, c’est-à-dire de ceux qui sont les travailleurs de demain – du moins je l’espère, pour eux et pour nous, pour leur avenir et pour le nôtre.
Je profite donc de cette explication de vote pour en rajouter (M. Philippe Dallier s’esclaffe), pour revenir sur la condition des étudiants et, plus largement, sur celle de notre jeunesse.
La réalité, c'est que la crise touche nos jeunes de toutes les manières possibles : chômage de masse avec 25 % de demandeurs d'emplois parmi eux, difficultés de plus en plus grandes à trouver un emploi stable après les études...
L'âge moyen du premier CDI n'a cessé d'augmenter, passant de vingt-trois à vingt-sept ans, voire plus, selon certaines estimations. Cette difficulté est renforcée, évidemment, par l'utilisation massive de la jeunesse comme variable d'ajustement lui offrant des contrats courts, des stages – souvent non conventionnés ni rémunérés – et de l’intérim.
Oui, notre jeunesse est de plus en plus confrontée à un mur, celui de l'emploi. Les jeunes ne peuvent plus accepter – ils ont raison ! – de ne pas voir leur formation, leurs compétences, leurs expériences reconnues. La crise qui les atteint se double donc d'une crise de confiance.
Une crise de confiance que nous retrouvons dans les chiffres d'expatriation des jeunes diplômés. Pour l'année 2013, le quota de visas vacances-travail pour le Canada a été écoulé en moins d'une semaine, alors que, deux ans auparavant, il avait fallu un mois…
Cet exil massif de toute une jeunesse formée en France, mais qui ne trouve plus d'avenir dans notre pays, doit nous interpeller. Alors que la plupart de ces jeunes sont fiers d'avoir été élevés à l'école de la République, ils ne trouvent plus ici la possibilité d'exprimer leur potentiel.
Quelle est la raison de cet appel du large ? Eh bien la raison, nous la connaissons tous sur ces travées : nous n'avons plus rien à offrir à ces jeunes. Pourquoi ? Là aussi, nous le savons : la situation des étudiants, économique, sociale et sanitaire, ne cesse de se dégrader.
Elle se dégrade avec le coût des études qui enfle, notamment en raison des frais réclamés par certaines universités. Cette hausse est notamment consécutive à la réforme portée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, qui a asséché les finances de certaines universités et permis la création, à leurs côtés, d'universités privées ou d'écoles privées dont le seul objectif est la vente d'un diplôme et d'un réseau.
Le coût des études augmente également en raison des difficultés d'accès au logement étudiant. À cet égard, je ne peux que rappeler ici, mes chers collègues, les objectifs du plan Anciaux, qui n'ont jamais été atteints : sur les 50 000 logements nouveaux prévus entre 2004 et 2014, seuls 23 000 ont été construits.
Mais ce qui nous inquiète, mes chers collègues, c'est que cette situation est susceptible d'empirer. Le flou actuel autour de la modification des aides au logement étudiant n'aide pas, en effet, à rassurer les étudiants qui en bénéficient.
Il en va de même des revalorisations des bourses étudiantes, voire de l'instauration d'une allocation d'autonomie, tant réclamées par les associations étudiantes. Elles devraient au moins compenser le plafonnement de la demi-part fiscale.
La jeunesse, qu'elle soit étudiante ou non, a vu sa précarité se généraliser. Elle est la première victime, avec les plus âgés, de la crise économique et sociale que traverse notre pays.
Certes, le Gouvernement a annoncé des mesures et créé le contrat de génération. C’est une réponse nécessaire, bien qu'insuffisante, à la crise de confiance profonde que traverse notre jeunesse et à laquelle nous devons remédier.
Mes chers collègues, cette crise de confiance est gravissime. Elle est générale. Elle est partagée.
Cette crise explique aujourd'hui la situation sanitaire des étudiants, car les premières dépenses dans lesquelles on coupe, lorsqu'on est étudiant, sont bien celles qui concernent la santé : elle devient une dépense de trop, un luxe pour ceux qui n'ont que quelques centaines d'euros pour vivre. Quatre cents euros pour la moitié d'entre eux, nous l'avons déjà dit, c'est trop peu et c'est inacceptable. Pas en 2013 ! Pas en France !
Avec cet amendement, nous proposons d’envoyer un message, un signal, ni plus ni moins. Il est grand temps que la République montre à ses jeunes qu’ils ne sont pas abandonnés. Ils doivent enfin savoir que la solidarité nationale s'adresse également à eux et qu'ils ont leur place dans la France de demain. La solidarité n'est pas qu'un vain mot, elle doit pouvoir trouver son expression dans les faits.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus tout à l’heure sont tout à fait justes. Un certain nombre de rapports existent : le rapport Nauche de 1999, le rapport Wauquiez de 2006, celui que Catherine Procaccia et moi-même avons signé…
Par conséquent, tout le monde connaît la situation et les problèmes que peuvent rencontrer les étudiants : l’accès à la santé, mais aussi, plus largement, l’accès au logement ou l’obligation de trouver un travail pour subvenir à leurs besoins et poursuivre leurs études.
Je fais très largement confiance au Gouvernement et au Président de la République, qui a annoncé des orientations claires et précises, rappelées par M le ministre précédemment.
C’est pourquoi le groupe socialiste, confiant dans ces engagements, votera contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre préliminaire du code du travail devient le chapitre liminaire.
II. - Avant le chapitre liminaire du même code, il est rétabli un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« Utilité sociale et collective des entreprises
« Art. L1A. - L’activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu’elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien être des producteurs, la sécurité de l’emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l’environnement. Les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts qui priment toute autre considération. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par notre amendement, nous souhaitons rappeler quelques principes qui doivent selon nous guider l’activité économique.
D’une part, la politique économique du Gouvernement devrait se donner pour objectif le bien-être de l’ensemble des travailleurs. C’est l’un des premiers éléments de notre amendement.
On constate aujourd’hui un mal-être croissant au travail. Le travail n’est plus un épanouissement, il devient un lieu de stress pour les femmes et les hommes, et cela pour plusieurs raisons.
Les salariés constatent de plus en plus un décalage entre leurs missions et les moyens qui sont mis à leur disposition pour les accomplir ; c’est vrai dans le privé comme dans le public. Il y a également une dégradation des conditions de travail, ce qui fragilise l’ensemble des salariés.
Le recours aux contrats à durée déterminée et au temps partiel, la multiplication pour les jeunes des stages en lieu et place de véritables embauches, toutes ces pratiques ont des conséquences très inquiétantes sur la santé des salariés. Beaucoup d’entre elles, beaucoup d’entre eux acceptent en silence cette violence économique pour conserver un emploi leur permettant de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.
Cette question du mal-être ne doit pas être négligée et nous souhaitons le réaffirmer ici, car le projet de loi que nous examinons légalise la précarisation des conditions de travail. Nous souhaitons nous inscrire dans le préventif ; nous aimerions construire avec l’ensemble des forces de gauche une société dans laquelle le bien-être des personnes soit un objectif premier.
D’autre part, nous souhaitons réaffirmer par notre amendement que la sécurité de l’emploi et la formation doivent être au cœur des politiques économiques.
Le projet de loi ne permettra pas d’accéder à ces objectifs. En effet, en faisant comme si les employeurs et les employés étaient dans une situation d’égalité, alors même que les seconds sont dépendants des premiers, les auteurs du projet de loi font le jeu du MEDEF.
Certains politiques ont la mémoire courte. Le MEDEF, avec Xavier Bertrand, avait imposé la « rupture conventionnelle », dont la caractéristique principale est de n’avoir pas besoin de motif : le consentement formel de l’employé suffit. Or, depuis l’accord de janvier 2008, et la loi d’août 2008, il y a eu un million de ruptures conventionnelles et pas de relance de l’emploi ! C’est la preuve que, lorsque la rupture du contrat est facilitée, lorsque les salariés sont la variable d’ajustement, la sécurité de l’emploi passe à la trappe !
Nous vous demandons donc de voter cet amendement au nom de l’ensemble des femmes et des hommes qui travaillent et de celles et ceux qui sont en recherche d’emploi, parce qu’elles sont, ils sont l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Par cet amendement, vous souhaitez définir les finalités de l’activité économique des entreprises autour des notions de bien-être des producteurs, de sécurité de l’emploi, de satisfaction des besoins des citoyens, de préservation de l’environnement.
Ces finalités, nous les partageons tous, mais elles n’entrent pas strictement dans le cadre juridique du texte qui nous est proposé. Pour cette raison, et pour cette raison seulement, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement tend à poser un certain nombre de grands principes, d’ordre plus constitutionnel que législatif. Nous en trouvons d'ailleurs quelques éléments dans la Constitution, en tout cas dans le préambule de la Constitution de 1946.
Donc, cet amendement n’a pas sa place dans un ensemble de dispositions codifiées comme le code du travail. Pour cette seule raison juridique, je ne suis pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Cet amendement n’est pas directement rattaché au texte, mais il en est très proche, car il est plus qu’important de rééquilibrer dans la loi l’application des principes fondamentaux que sont la liberté d’entreprendre, d’une part, et le droit pour chacun d’obtenir un emploi, d’autre part, en précisant les finalités de l’activité économique.
La multiplication des licenciements spéculatifs, abusifs, boursiers, nous rappelle chaque jour la réalité sociale écrasante que connaissent les salariés qui ont travaillé toute une partie de leur vie dans des entreprises et qui se voient remerciés du jour au lendemain. Je pense ici – mais pas seulement, car la liste serait trop longue – aux salariés de Michelin, Total, Alstom, Danone, Renault, Goodyear, PSA Peugeot Citroën, Sanofi, ArcelorMittal ; la liste est longue !
Nous souhaitons, pour notre part, rappeler avec insistance l’utilité sociale et collective des entreprises.
Le Conseil constitutionnel – M. le ministre y a fait référence – a reconnu que la liberté d’entreprendre mais également le droit à l’emploi sont deux principes à valeur constitutionnelle.
Le droit au travail a également été proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, de 1948, en ces termes : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » Ce droit est également garanti par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, en son article 6, texte que la France a précisément approuvé et dont elle doit tenir compte, nous semble-t-il, dans son ordre juridique interne.
De même, la Constitution de 1946 pose que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », droit qui est d’ailleurs repris dans la Constitution de 1958 fondant les bases de la Ve République.
La loi doit donc non seulement respecter les règles internationales, mais aussi ne pas entrer en contradiction avec les règles émanant du corpus constitutionnel. Or, depuis la décision dite « Liberté d’association » du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel a procédé à une extension du domaine constitutionnel, puisque s’ajoutent désormais aux articles du texte de la Constitution de 1958 stricto sensu les dix-sept articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen votée par l’Assemblée constituante le 26 août 1789, ainsi que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui proclame les principes politiques, économiques et sociaux considérés comme « particulièrement nécessaires à notre temps ».
Il est vrai que le Conseil constitutionnel donne la primauté à la liberté d’entreprendre, et nous le regrettons, en préférant toujours un dispositif libéral à un dispositif social. Ainsi, dans sa décision du 12 janvier 2002, il censure la nouvelle définition du licenciement économique, considérant qu’elle porte une atteinte manifestement excessive à la liberté d’entreprendre.
A contrario, il ne censure pas, au nom du cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, pour atteinte excessive au droit de chacun d’obtenir un emploi, la liberté donnée à l’employeur de licencier, à tout moment, pendant deux ans et sans motif, un jeune de moins de vingt-cinq ans recruté par un contrat première embauche.
Enfin, dans sa décision du 6 août 2009, le Conseil refuse d’accorder une valeur constitutionnelle au principe de repos dominical en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il reconnaît toutefois, dans cette même décision, la valeur constitutionnelle du principe de repos hebdomadaire.
Le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui s’inscrit dans cette tendance, ce que nous déplorons. Il méconnaît, selon nous, trop fortement ce droit à l’emploi, sans pour autant assurer une relance de l’emploi. C’est d’ailleurs en substance ce que disait l’un des membres du bureau exécutif du MEDEF, M. Patrick Bernasconi, qui, devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, se réjouissait de toutes les avancées du texte pour le patronat, tout en ne garantissant pas que celui-ci serait efficace pour créer des emplois !
Et c’est bien là tout l’enjeu : pourquoi demander aux salariés tous ces sacrifices, pourquoi renoncer à leurs droits élémentaires au travail et à la formation, pourquoi oublier leur bien-être, si les salariés restent livrés aux appétits financiers de patrons peu scrupuleux ?
Cet amendement, qui a pour objet de rappeler les principaux objectifs de l’activité économique, nous semble donc plus nécessaire que jamais !