M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. En suivant les débats de l'Assemblée nationale, j'ai été extrêmement dérangé par le fait que les prises de parole sur cet article visaient en fait non pas à parler du département de Mayotte, faute sans doute de connaissance de celui-ci, mais uniquement à réaffirmer un rejet épidermique du projet de loi.
Laissez-moi vous parler de cette île qui m'est très chère. Il y a encore quelques années, à Mayotte, la laïcité ne s'appliquait pas tout à fait comme sur le reste du territoire français. Le statut personnel coutumier spécifique de cette île, où l'islam est fortement majoritaire, autorisait la polygamie en droit ou, pour être plus exact, la loi attachait des effets juridiques à l'union polygame.
Néanmoins, comme vous le savez tous, lors du référendum de mars 2009, plus de 95 % des électeurs mahorais ont souhaité que leur île devienne le cent-unième département français. Ce choix nécessitait donc de renoncer à certaines pratiques contraires aux principes républicains que nous voulions désormais faire nôtres, ou de les adapter. L'accession à la départementalisation a eu pour conséquence que désormais les nouvelles unions polygames n’emportent plus d’effets juridiques.
En effet, si la polygamie a été abolie, pour l'avenir, à compter du 1er janvier 2005, il subsiste de fait des ménages polygames, même s'il ne peut plus s’en créer de nouveaux depuis cette date. L'article 21 du projet de loi tient compte de cet état de fait et permet de préserver le dispositif spécifique d'allocation des prestations familiales s’appliquant à Mayotte, au bénéfice des femmes vivant toujours au sein de foyers polygames. Il permet également de prévenir tout conflit au sein des couples de même sexe, en édictant une règle identique à celle en vigueur en métropole. La désignation de l'allocataire se fera d'un commun accord par les deux membres du couple.
Ainsi, le Gouvernement démontre une nouvelle fois sa volonté de consolider le processus de départementalisation.
En cas de désaccord, l’article 21 prévoit que l'allocataire sera celui qui aura le premier demandé à l’être. Il ne s'agira pas, comme j'ai pu le lire ici ou là, d'une course de vitesse : les allocations profitent en définitive à l'ensemble du foyer, et non pas à celui des membres du couple qui aura couru le plus vite ! Si le désaccord entre les époux est tel qu'il n'y a plus de conciliation possible et qu'il emporte le divorce, alors un juge interviendra pour arbitrer la situation.
L'amendement n° 51 rectifié bis, qui tend à prévoir que la désignation sera faite par une décision de justice, n'est pas sérieux. Son adoption alourdirait inutilement le dispositif de délivrance des allocations familiales.
Enfin, certains lient mariage homosexuel et polygamie : soyons sérieux, ne mélangeons pas tout ! Je rappellerai simplement que la polygamie n’a rien à voir avec ce dont nous sommes en train de débattre, sauf à considérer que les couples de personnes de même sexe pourront également constituer des foyers polygames. Le droit français considère que le couple s'entend de l'union de deux personnes de sexes opposés ou, bientôt, de même sexe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Je peux comprendre la partie de l'intervention de notre collègue Thani Mohamed Soilihi relative au premier des deux amendements défendus par M. Gélard, celui qui tend à supprimer l'article 21. En effet, la suppression de cet article signifierait que ne s’appliquerait pas à Mayotte le régime des allocations familiales.
Si je ne soutiens pas ce premier amendement, j’aimerais en revanche appeler à la réflexion sur le second.
Que, en cas de désaccord, l’allocataire des prestations familiales soit celui qui en aura fait la demande en premier pose un problème de fond. Partout sur le territoire national, il doit revenir aux tribunaux de trancher sans drame ce type de différends. Je ne comprends donc pas le rejet par le Gouvernement et la commission de l’amendement n° 51 rectifié bis.
Le sujet n’est pas ici celui du mariage entre personnes de même sexe ou de l’adoption : il s’agit de mesures de portée générale au regard d’un dispositif juridique de droit commun. Je suis choqué que notre droit puisse prévoir que les prestations familiales soient accordées à celui qui demande le premier à en être l’allocataire. Je crois sincèrement, mes chers collègues, qu’il serait raisonnable d’adopter l’amendement n° 51 rectifié bis, d’autant, monsieur Thani Mohamed Soilihi, qu’il me semble aller dans le sens d’une unification du droit sur l’ensemble du territoire de la République.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié bis.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Chapitre IV
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES
Article 22
(Non modifié)
Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l’égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil. Il peut faire l’objet d’une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. À compter de la date de transcription, il produit effet à l’égard des tiers.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je veux souligner l’importance de cet article 22, ayant été confronté, en tant que sénateur des Français établis hors de France, à plusieurs cas difficiles.
Je me rappelle, par exemple, du cas d’un Français qui a été déchu, en 2008, de la nationalité française, pour s’être marié aux Pays-Bas avec un Néerlandais, en acquérant de ce fait la nationalité néerlandaise. S'il avait épousé une Néerlandaise, il aurait pu conserver sa nationalité française. La France a préféré la lui retirer plutôt que de le considérer comme marié à un homme, violant par la même occasion la convention qui la lie aux Pays-Bas.
C’est peut-être un cas extrême, mais il n’est pas complètement isolé : les mariages de personnes de même sexe conclus à l'étranger en toute légalité, soit entre deux personnes de nationalité française, soit entre un ressortissant français et une personne d’une autre nationalité, ne sont pas reconnus en France et ne produisent donc pas d’effets.
Pourtant, le droit international privé oblige la France à reconnaître les mariages homosexuels célébrés à l'étranger entre deux étrangers dont la loi personnelle le permet. Nous sommes donc dans une situation ubuesque – si l’on peut dire – où les couples homosexuels étrangers mariés à l'étranger sont reconnus par la France et, par conséquent, sont mieux protégés par le droit français que les couples homosexuels français ou binationaux mariés à l'étranger. Comprenne qui pourra !
Devant cette injustice, j'avais déposé, en novembre 2008, une proposition de loi tendant à permettre la reconnaissance des unions conclues dans un autre État de l'Union européenne pour tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Le Sénat ne m’a pas suivi et, depuis, rien n'a bougé… jusqu'à aujourd'hui, puisque nous allons enfin donner aux couples de personnes de même sexe la possibilité de se marier.
Je défendrai, pour ma part, cet article 22, qui permettra aux mariages de couples homosexuels français et binationaux célébrés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la présente loi d'être reconnus en France, sous réserve, bien entendu, d'avoir été conclus dans le respect des conditions de validité requises en France.
Certains députés de l’opposition ont reproché à cet article d'instituer une sorte d’amnistie pour les couples de personnes de même sexe s'étant mariés à l'étranger dans le passé. Mais une telle critique est dénuée de tout fondement : il n'est pas question d'amnistier qui que ce soit, car, à l’époque, ces personnes n’ont pas contrevenu à une législation, puisqu’elles se sont mariées à l'étranger sous l’empire d’une loi étrangère le permettant.
Étant donné que les conditions de validité d'un mariage s'apprécient le jour de la célébration, les mariages célébrés à l'étranger avant l’entrée en vigueur de la loi, bien que tout à fait légaux et devenus conformes à notre code civil, ne seront toujours pas reconnus. Il faudrait donc que les couples concernés divorcent pour se remarier ! Vous en conviendrez, ce n’est pas une solution particulièrement facile, ni élégante…
Il s'agit donc de permettre une ratification de ces mariages conclus à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 53 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L'amendement n° 186 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Marseille, Delahaye, Arthuis, J. Boyer, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Je suis déjà intervenu sur ce sujet lors de l’examen d’articles précédents.
Le dispositif de cet article 22 constitue une violation manifeste de l’article 2 du code civil, qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, a valeur constitutionnelle et pose un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En d’autres termes, nous sommes ici face à une irrégularité majeure au regard de la Constitution.
À mon avis, on aurait pu recourir à d’autres solutions, mais la rétroactivité de la loi telle que prévue par l’article 22 est manifestement contraire à notre État de droit et fera donc, en tout état de cause, l’objet d’une sanction.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 186 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Il est défendu.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 rectifié bis et 186 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 234 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc, Retailleau, B. Fournier et Dufaut, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le mariage entre personnes du même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est nul et non avenu. Il ne peut lui être accordé aucun effet ni rétroactif, ni pour l’avenir.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Dans le droit fil des propos que vient de tenir M. Gélard, cet amendement tend à éviter la validation rétroactive des mariages homosexuels célébrés dans l’illégalité.
J’ai compris que certains s’indignaient que des maires puissent envisager de refuser de célébrer des mariages entre des personnes de même sexe, par fidélité à leurs convictions les plus profondes. On leur dénie le droit d’exercer leur liberté de conscience et on les accuse de s’apprêter à ne pas respecter les lois de la République. Or voilà que, avec l’article 22, on voudrait légaliser les agissements passés de maires qui, dans un esprit de provocation, ont défié les lois de la République en mariant deux personnes de même sexe. Étrange conception de la justice !
Rappelons ici que la Cour de cassation a bien sûr annulé les prétendus mariages prononcés par des élus locaux qui ont cru bon, sans doute par conviction et peut-être aussi pour s’offrir une promotion médiatique à bon compte, d’unir des couples homosexuels quand la législation ne le permettait pas.
La rédaction proposée pour l’article 22 instaure une sorte de prime à l’illégalité, qui viendrait récompenser des comportements d’élus violant les lois qu’ils sont supposés faire respecter. Cela créerait un précédent et donnerait à penser que les provocations sont, tôt ou tard, couvertes de manière rétroactive.
En outre, la validation rétroactive d’unions homosexuelles poserait de graves problèmes au regard des droits nés entre-temps, le cas des mariés de Bègles remontant, par exemple, à 2004.
Je propose donc une nouvelle rédaction garantissant la sécurité juridique ainsi que la force de la loi, tout en rappelant aux élus ce que signifie l’État de droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne reprendrai pas les excellentes explications de Richard Yung, qui connaît mieux la matière que moi. Je préciserai simplement à MM. Darniche et Gélard qu’il s’agit non pas, avec l’article 22, de valider rétroactivement des mariages célébrés illégalement, en contravention avec le droit français alors en vigueur, mais de faire en sorte que des mariages célébrés en toute légalité à l’étranger puissent produire des effets en France. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas, puisque le mariage n’est pas ouvert aux couples de personnes de même sexe. Il ne s’agit pas de valider a posteriori des mariages de couples homosexuels qui auraient été célébrés en France. D’ores et déjà, de nombreux mariages célébrés à l’étranger produisent des effets dans notre pays, notamment en matière patrimoniale.
La commission des lois est donc défavorable à l’amendement de M. Darniche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si l’amendement était adopté, nos ressortissants devraient, dans certains cas, divorcer puis se remarier après l’entrée en vigueur de la loi pour que leur mariage soit reconnu en France et opposable aux tiers.
Prenons l’exemple d’un Français et d’un Belge qui se seraient mariés l’an dernier en Belgique. Aujourd'hui, le Français est considéré comme célibataire, puisque le présent texte n’est pas encore entré en vigueur, mais le Belge est considéré comme marié, puisque son mariage est valide au regard de sa loi personnelle. À défaut d’adoption de l’article 22, ce couple devrait se remarier après l’entrée en vigueur de la loi après avoir divorcé en Belgique, le ressortissant belge n’étant pas célibataire au regard de sa loi personnelle.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
M. le président. Je rappelle que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 22 ont été réservés jusqu’après l’article 23.
Article 23
Les articles 1er à 4 et 22 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 55 rectifié bis, présenté par M. Frogier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Malheureusement, je ne suis encore jamais allé en Polynésie, mais je vais tout de même défendre cet amendement en l’absence de M. Frogier !
L’article 23, relatif à l’applicabilité outre-mer du texte, nous donne l’occasion de rappeler, grâce à nos territoires d’outre-mer, qu’à situations différentes, il peut y avoir traitements différents.
Cet amendement de suppression de l’article 23 est de coordination avec les suppressions d’articles précédemment demandées concernant la métropole et les collectivités régies par l’identité législative, mais il permet en outre d’aborder l’épineux sujet de la discrimination.
Outre-mer plus encore qu’ailleurs, ce projet de loi ne fait pas l’unanimité, pour ne pas dire qu’il fait l’objet de vives critiques. C'est la raison pour laquelle M. Frogier et les membres de notre groupe demandent la suppression de l’article 23.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Frogier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
I. – Supprimer les mots :
et en Polynésie française
II. – En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L'article 14-1 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité est applicable en Polynésie française.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à étendre l’application des dispositions relatives au PACS à la Polynésie française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements. Nous pensons que la loi doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la République, y compris en Polynésie française.
En outre, mes chers collègues, l’application des dispositions relatives au PACS ne nécessite aucune mesure législative. On constate que l’Assemblée territoriale de Polynésie n’a pris aucune disposition visant à rendre applicable le PACS sur son territoire. Il lui appartient de le faire si elle le juge bon.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les explications de M. le rapporteur sont très claires : le Gouvernement est lui aussi défavorable aux deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l'amendement n° 55 rectifié bis.
M. Bruno Sido. La Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont des territoires d’outre-mer régis chacun par un statut différent, n’ayant rien à voir avec le régime de la métropole.
Les assemblées délibérantes de ces territoires ont-elles été consultées ? Je pense qu’elles devraient l’être afin de vérifier que l’on ne bousculera pas les habitudes de vie des populations, même si je sais que, par exemple, les Polynésiens portent, de longue date, un regard particulier sur les homosexuels…
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Je voudrais relever que certains de nos collègues ont employé un vocabulaire désuet !
La République française ne compte plus de territoires d’outre-mer, mais des départements et des collectivités d’outre-mer. Quant au mot « métropole », ayez l’obligeance, mes chers collègues, de le rayer de votre vocabulaire concernant les départements et les collectivités d’outre-mer : la métropole se définit par rapport à des colonies, or il n’en existe plus depuis 1946 ! Je vous invite donc à employer les termes appropriés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec l’examen des articles proprement dits du projet de loi.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance d’un quart d’heure.
M. le président. Je vous accorde dix minutes. (Rires.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 11 avril 2013, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.
Acte est donné de cette communication.
8
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 avril 2013.
9
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er, précédemment réservés.
Articles additionnels après l'article 1er (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Longuet et Laufoaulu, Mme Lamure, MM. Lecerf, Cointat, de Legge, del Picchia, Delattre et du Luart, Mme Duchêne, MM. Charon, Cambon, Bizet, Doligé et Fleming, Mme Giudicelli et MM. Magras, Paul, Pillet, Vial et de Montgolfier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 433-21 du code pénal est abrogé.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Avant de présenter cet amendement, je ne peux résister au plaisir de me réjouir de la décision du Conseil constitutionnel sur la taxe énergétique. Le Conseil a en effet validé les arguments qui avaient motivé la saisine du groupe UMP, en censurant les dispositions que nous jugions contraires au principe d’égalité devant la loi.
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On devrait nous écouter un peu plus !
M. Hugues Portelli. L’amendement n° 76 rectifié bis vise à abroger une disposition très ancienne, qui remonte au décret du 20-25 septembre 1792 créant l’état civil. Nous étions alors dans une période complexe s'agissant des relations entre l’Église catholique et l’État français.
Ainsi, tout ministre d’un culte qui procède « de manière habituelle » aux cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l’acte de mariage civil est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois et d’une amende.
Aujourd'hui, cette disposition n’a plus guère de signification : d'une part, elle n’est pas connue ; d'autre part, elle n’est pas respectée. Les ministres du culte de certaines religions célèbrent des mariages religieux sans se demander à quel jour et à quelle heure a eu lieu le mariage civil. Par conséquent, de notre point de vue, cette disposition a un caractère purement discriminatoire, dans la mesure où elle ne concerne pas toutes les religions. En outre, il est très difficile de vérifier qu’elle est bien respectée, parce qu’il faudrait s’en assurer mariage par mariage. Enfin, le texte comporte une ambiguïté, du fait de la présence de l’expression « de manière habituelle ». Cela signifie que, pour qu’un ministre du culte soit sanctionné, il faudrait qu’il contrevienne à la loi de manière systématique.
À notre sens, cette disposition est surannée et obsolète ; en pratique, elle n’est même plus en vigueur. Nous demandons donc qu’elle soit abrogée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a émis un avis défavorable.
Depuis la Révolution, c’est le mariage civil et non le mariage religieux qui produit des effets civils dans notre pays, contrairement à ce qui se passe dans certains pays d’Europe du Nord, par exemple. Si nous votions cet amendement, les ministres du culte pourraient tenir des registres d’état civil. Il arrive parfois, dans certaines communes – le cas s’est d'ailleurs présenté dans la mienne –, que le mariage religieux soit célébré avant le mariage civil, mais ce mariage religieux ne produit aucun effet de droit. Je pense qu’il faut nous en tenir à la législation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement.
Dans notre société laïque, un acte religieux ne peut produire des effets de droit, tant entre les époux qu’à l’égard des tiers.
Il n’est absolument pas opportun, à l’occasion du débat sur le mariage pour tous, d’en ouvrir un autre sur la laïcité de nos institutions et sur la séparation des Églises et de l’État.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. L’amendement de M. Portelli ne vise pas à substituer le mariage religieux au mariage civil. Ce dernier garde tous ses effets civils, tandis que le premier n’en a aucun. Les deux sont complètement indépendants.
Je ne vois pas pourquoi il faudrait maintenir des dispositions pénales qui ne sont plus applicables ni appliquées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Pour avoir participé d’un bout à l’autre à la réforme du code pénal, je peux vous dire que, après nous être fortement interrogés, nous avions supprimé cette incrimination. Toutefois, le Gouvernement nous avait mis en garde sur les risques de conclusions de mariages polygames qu’entraînerait cette suppression. Il avait donc été décidé de la conserver.
Je rappelle que le maire, lorsqu’il procède à un mariage, délivre un certificat. Le prêtre, le rabbin ou le pasteur font donc attention, car ils connaissent le dispositif. Par ailleurs, je souligne que le texte du code pénal fait référence au caractère habituel, c’est-à-dire que le ministre du culte ne tombe pas sous le coup de la loi s’il agit de manière exceptionnelle ou occasionnelle.
Mes chers collègues, c’est une survivance d’une l’époque où il fallait imposer le mariage civil en mettant une forte pression sur ceux qui n’admettaient pas cette forme de cérémonie, devenue républicaine au bout de deux siècles…
Je voterai donc l’amendement de notre collègue Portelli.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Les considérations religieuses n’ont pas leur place ici, dans un texte sur le mariage civil entre couples de personnes même sexe ; elles relèvent de l’intime de chacun, et l’État n’a pas à s’en mêler.
L’amendement défendu par M. Portelli semble rationnel. Toutefois, la loi doit d’abord protéger la société. À cet égard, je me rappelle que Mme Jouanno, lors de la discussion générale, avait évoqué la polygamie comme une atteinte à la dignité.
Nous voyons bien quel serait le risque de l’abandon de cette disposition du code pénal, qui protège, qui rend la société meilleure, en adéquation avec ses valeurs. Par conséquent, malgré l’absolue rationalité de cet amendement, son adoption serait de nature à retirer une protection contre cette indignité qu’est la polygamie.