Mme Esther Sittler. Le présent article, qui traite du nom de l’enfant, est intéressant, car il illustre l’impréparation qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi dans son ensemble…
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Esther Sittler. … et les risques non mesurés que celui-ci fait peser sur le mariage et la famille.
On nous dit que le mariage pour tous n’entraînera pas de transformations de l’institution du mariage telle qu’elle existe aujourd’hui. Or, force est de le constater, nos collègues députés ont remarqué que la règle actuelle consistant à donner à l’enfant le nom du père ne sera nullement applicable aux couples de même sexe. Ils ont donc proposé de changer cette règle pour tous, portant ainsi atteinte au mariage.
Consciente de cette difficulté, la commission des lois nous propose à présent un double système,…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est faux !
Mme Esther Sittler. … à savoir : on maintient la règle en vigueur pour les couples hétérosexuels et on établit un autre dispositif pour les couples homosexuels.
Même si la majorité gouvernementale tente de s’en défendre, c’est bien un mariage à deux têtes que l’on nous propose ici.
Cela prouve que l’institution du mariage n’est nullement adaptée à la distinction entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, car leurs situations ne sont pas équivalentes.
C’est pourquoi il m’est impossible de voter une telle disposition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Chers collègues de la majorité, vous conviendrez sans doute avec moi que l’enfant participe, en principe, d’un projet parental et familial. Par conséquent, on peut déjà former le vœu que toutes les dispositions dont nous venons de débattre ne se traduisent pas trop souvent dans les faits, mais restent au contraire exceptionnelles.
J’avoue que j’ai du mal à comprendre que la transmission du nom puisse susciter des conflits au moment même où l’enfant entre dans la famille.
En outre, j’avoue que ce débat fait écho en moi à l’annonce du Président de la République appelant, il y a quelques jours, à un « choc de simplification ».
M. Alain Gournac. Ah !
M. Dominique de Legge. Je ne vois pas en quoi le présent texte répond à ce souhait de simplification. J’ai plutôt le sentiment que nous allons dans le sens inverse.
Par ailleurs, nos débats montrent que, contrairement à ce qui a été affirmé, ce texte n’est pas neutre pour les familles hétérosexuelles, loin s’en faut !
Au terme de cette discussion, après tout ce que j’ai entendu et avant ce que vous vous apprêtez sans doute à voter, je tiens à souligner que, si accepter le nom revient à reconnaître l’autre, le mode de transmission du nom de famille que vous prônez montre pour le moins que votre conception de la famille n’est pas tout à fait la même que la nôtre.
M. Bruno Sido. Elle en est même très éloignée !
M. Dominique de Legge. Madame la ministre chargée de la famille, on voit bien que vous avez du mal à « nommer » clairement la famille et à dire ce qu’elle est pour vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Amen !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. David Assouline. La droite freine !
M. François Rebsamen. Il n’y a pas d’accord possible avec vous, chers collègues de l’opposition ! Je m’en souviendrai !
M. David Assouline. Vous n’êtes pas fiables !
M. Gérard Cornu. Cela ne surprendra sans doute personne, comme beaucoup de mes collègues, je considère que cette disposition, qui consiste à rendre expresse la déclaration d’attribution du nom du père, faute de quoi, les noms des deux parents seront transmis à leurs enfants, porte atteinte à la lisibilité généalogique qui permet à chacun de s’inscrire dans une histoire familiale cohérente. Mon collègue Dominique de Legge l’a très justement souligné, comme simplification, on ne fait pas mieux !
Cette modification fragilisera la présomption de paternité puisqu’elle entraînera une importante généralisation des noms doubles.
Avec un tel dispositif, nous obligeons les parents à procéder, de génération en génération, à un choix permanent alors que les familles sont, pour la plupart, déjà dépassées par les nombreuses démarches administratives qui font suite à la naissance de leurs enfants.
À mes yeux, il s’agit d’une atteinte non négligeable au droit de chacun d’accéder à ses origines. C’est tout simplement scandaleux !
Les Français ont manifesté massivement à ce sujet. Ils restent particulièrement attachés au nom de famille, et c’est probablement la raison pour laquelle ils n’ont eu que très rarement recours au dispositif permettant, depuis 2002, de transmettre un nom double à son enfant.
Nous ne comprenons pas pourquoi cette disposition qui ne concerne que les couples de personnes de même sexe serait applicable à tous les couples mariés.
Je conçois qu’il soit impossible de sortir de l’impasse du défaut de choix lorsqu’il s’agit de couples de personnes de même sexe, mais est-ce une raison pour imposer un dispositif qui ne concerne que ces couples à toutes les familles françaises ?
Mme la ministre chargée de la famille nous dit qu’il s’agit de mettre tout le monde sur un pied d’égalité. L’égalité, encore et toujours… Néanmoins, je lui rappelle qu’il ne s’agit pas d’égalité puisque les parents ont bel et bien le choix. Si les couples homosexuels veulent transmettre un nom en particulier, ils le peuvent.
Certes, on ne doit pas laisser les textes créer des zones d’ombre. Toutefois, dans ce cas, peut-être pourrions-nous profiter de la navette pour améliorer le dispositif en prévoyant une règle particulière pour les couples de personnes de même sexe ?
Très honnêtement, nous ne pouvons pas maintenir cet article en l’état, car nous allons assister à la disparition progressive – par erreur ou par dépit – de la transmission du patronyme qui constitue aujourd’hui la réalisation concrète de la présomption de paternité.
Ainsi, nous aurions préféré que le dispositif actuellement en vigueur reste applicable, non pas par convenance par rapport à un sexe en particulier ou par rapport à un type d’union, mais parce que la transmission du nom paternel permet aujourd’hui – et depuis plusieurs siècles ! – d’établir une généalogie claire et lisible, en consacrant concrètement, pour tous les pères de famille, la présomption de paternité. À ce titre, je rappelle que le lien paternel est beaucoup plus difficile à établir que celui qui noue la mère à l’enfant.
La naissance d’un enfant étant un moment fort dans la vie de chaque parent, je demande au Gouvernement de ne pas « assommer » les familles en alourdissant encore les procédures administratives.
La suppression de cette disposition évitera par ailleurs des coûts administratifs importants. Vous imaginez bien que l’ensemble des documents administratifs ne sont pas adaptés à un tel dispositif ! Avec cette mesure, il va donc falloir les modifier un à un. Est-ce là la simplification que M. le Président de la République appelle de ses vœux ?...
M. Alain Gournac. Le « choc »…
M. Gérard Cornu. Quel serait le coût pour l’administration, qui a déjà bien du mal à faire face à la rigueur de la crise ? En somme, on veut tout et son contraire !
Ainsi, parce que cette réforme porte atteinte à la famille et parce qu’elle est illisible et coûteuse, nous ne pouvons pas l’adopter en l’état. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. L’article 2 du projet de loi tend à réécrire l’article 311-21 du code civil, lequel précise les règles de dévolution du nom de famille. Je dois dire que je ne comprends pas l’obsession du progrès et de la modernité en matière d’attribution du nom de famille dont semble souffrir la majorité !
L’article 311-21 du code civil prévoit que les couples qui ne font pas de déclaration conjointe, ce qui constitue la majorité des cas, verront leur enfant prendre le nom du père. Cela n’empêche pas les parents de donner à leur enfant le nom de la mère ou les deux noms.
Dans l’état actuel de sa rédaction, cet article n’impose rien à personne ! Il est parfaitement en adéquation avec la réalité de notre pays et les pratiques majoritaires qui y ont cours. Donner par défaut le nom du père, ce n’est pas passer en force, ce n’est pas méconnaître la société, ce n’est pas contraindre les Français à adopter un comportement qu’ils réprouvent, puisqu’ils y adhèrent massivement !
Vous vous en rendrez compte en mettant en application ces mauvaises dispositions ! Les Français ne comprendront pas immédiatement le changement, et il est très possible qu’il y ait de nombreuses demandes de correction après leur adoption.
Vous constaterez ainsi que les Français sont attachés à la transmission à l’enfant du nom du père, non pour montrer la supériorité du père sur la mère, ou sa plus grande autorité, mais simplement pour marquer la filiation. Cessez donc de voir de la domination masculine là où il n’y en a pas, et c’est une femme qui vous le dit !
Par ailleurs, cette pratique est culturelle et elle peut donc varier d’un pays à l’autre.
En tant que femme, je pense qu’il est un peu ridicule, au regard de nos coutumes, de lier le système de dévolution du nom de famille au statut des femmes. C’est en effet sans rapport avec l’objectif, légitime, d’amélioration de la condition féminine. C’est pourquoi je ne voterai pas l’article 2 du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. En 2005, nous avons connu une évolution, peut-être même une révolution, puisque c’est cette année-là que les pères ont perdu le « privilège » de transmettre automatiquement leur nom à leurs enfants.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? C’est un vaste débat, dans lequel je me garderai bien de porter un jugement de valeur en chaussant les lunettes de la modernité. Nous sommes bien souvent trop durs avec nos ancêtres !
Je veux dire cependant que cette réforme n’enlève rien à la possibilité pour chacun de faire perdurer son nom patronymique, mais, avec un choix de seize noms dès la deuxième génération et un choix exponentiel pour les suivantes, les arbres généalogiques pourront rapidement ressembler à des usines à gaz !
Sans être un spécialiste de la question, il m’apparaît que l’objectif pourrait être de placer sur un pied d’égalité les couples mariés et les concubins. Comme on ne parle plus que d’égalité, je ne dois pas être loin du compte !
Pourtant, il faut constater le peu de succès de la réforme de 1985 qui a permis de donner comme nom d’usage non transmissible celui des deux parents accolés.
Près de vingt ans après, l’INSEE nous révélait que seulement 7 % des couples avaient choisi cette possibilité. Et aujourd’hui encore la très grande majorité des femmes, soit près de 90 %, abandonnent leur nom de jeune fille pour celui de leur époux. Elles ne semblent pourtant pas sur le point de protester dans la rue, ou alors sur des sujets qui déplairaient sans doute à notre rapporteur !
Chacun trouvera ses raisons pour justifier la protection du nom patronymique.
Pour les psychanalystes, dans la lignée du très célèbre Totem et Tabou, le nom du père est présumé être un garant contre l’inceste. Les filles portent le nom de celui qui n’a pas le droit de les toucher : leur père ou leur frère.
Pour Lacan, le nom du père est le symbole de l’altérité. La mère donne la vie, le père donne le nom et, ce faisant, il reconnaît cet enfant comme le sien. Voilà d’ailleurs encore un exemple de la complémentarité entre l’homme et la femme !
La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval dira quant à elle ceci : « Lors du vote de la loi, en 2002, j’étais plutôt pour que la mère puisse donner son nom à l’enfant. Je pensais qu’il y avait un intérêt à sortir de cette éternelle dichotomie : le symbolique pour le père et le charnel pour la mère. Aujourd’hui, je serais plus nuancée. Non, les sexes ne sont pas égaux en matière de procréation. La tradition patrilinéaire est peut-être ringarde mais, quoi que l’on y fasse, les femmes portent les enfants et pas les hommes. En attendant le jour où l’on mettra au monde des enfants sans l’utérus de leur mère, il est important que l’enfant garde le nom de son père, justement à cause de cette inégalité fondamentale. Alors que tous les repères familiaux explosent, le nom reste l’un des éléments forts de paternité. Celle-ci étant de plus en plus fragile, il faut conserver ce repère-là parce que nous vivons dans une société qui en a énormément besoin. »
L’importance du symbole est si grande qu’aujourd’hui encore moins de 5 % des femmes non mariées n’attribuent pas à leur enfant le nom du père ; dans le cas contraire, neuf fois sur dix elles ne le font pas parce que le père ne reconnaît pas l’enfant.
Nous ne sommes pas psychanalystes – en tout cas pas moi ! –, mais nous pouvons adhérer à cette analyse.
Plus largement, la généralisation des noms doubles telle qu’elle est organisée par le présent dispositif va affaiblir la présomption de paternité.
Plus encore, elle va complexifier l’établissement de la généalogie de chacun et faire de la recherche de nos origines une véritable course d’obstacles.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’aurais préféré que le dispositif en vigueur reste applicable. En disant cela, je ne crois pas me ranger du côté d’une société patriarcale ! Nous savons tous que plus personne ne raisonne ainsi, sauf quelques fanatiques.
M. Bertrand Auban. Ce sont vous, les fanatiques !
M. François-Noël Buffet. Si je souhaite que les règles de la transmission du nom privilégient le nom du père, c’est pour que l’on ait encore les moyens d’établir une généalogie claire et lisible, en consacrant concrètement, pour tous les pères de familles, la présomption de paternité. Le lien paternel est en effet beaucoup plus difficile à établir, évidemment, que celui de la mère avec son enfant !
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, entendez ces propos, qui ne sont pas polémiques… (Au banc du Gouvernement, Mme la garde des sceaux s’entretient avec M. Jean-Pierre Caffet.)
M. Jean-Marc Todeschini. Oh non !
M. Marc Daunis. Non, non, ils sont éclairés, intelligents et mesurés ! (Sourires.)
M. François-Noël Buffet. Mais je vois que vous êtes occupée à autre chose, madame la garde des sceaux…
M. Jean-Marc Todeschini. Temps de parole épuisé !
M. François Rebsamen. Monsieur le président, le temps est écoulé !
M. François-Noël Buffet. Merci, madame la garde des sceaux, pour l’attention que vous portez aux parlementaires !
M. François Rebsamen. C’est fini le blabla !
M. Jean-Marc Todeschini. Terminé !
M. François-Noël Buffet. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’attirer votre attention, dans d’autres circonstances, sur un sujet qui viendra en discussion dans quelques semaines et à propos duquel ni vous ni votre cabinet n’avez pas davantage daigné répondre !
M. François Rebsamen. Le temps est dépassé, monsieur le président !
M. François-Noël Buffet. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de ne pas m’avoir écouté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. Madame la garde des sceaux, vous ne m’écoutez pas, mais je tiens néanmoins à dire que nous nous trouvons dans une situation absolument caricaturale.
L’état d’impréparation du texte qui nous est proposé apparaît à tous. J’en veux pour seule preuve que la loi devient bavarde,…
M. Marc Daunis. Vous aussi !
M. Bruno Sido. … ce qui est toujours très mauvais signe.
M. le rapporteur n’était lui-même pas très satisfait de son amendement, pas plus que ne l’était du sien M. Gélard, qui, lui, a retiré le sien et qui n’y est de surcroît pour rien. Ce n’est pas son texte : il a juste essayé de sauver les meubles, avant de s’apercevoir qu’il ne pouvait rien !
Il est inconcevable, sur un sujet aussi important que la transmission du nom et les lignées familiales, de présenter un texte rédigé sur un coin de table, et décidé avant d’avoir été réfléchi !
Le gouvernement actuel ne sait que tout compliquer et tout emmêler, gratuitement de surcroît ; c’est flagrant sur de nombreux sujets, mais je veux en rester à celui qui nous occupe. Dans ces conditions, on ne doit pas s’étonner que nos concitoyens soient désorientés, protestent et se trouvent finalement poussés vers les extrêmes.
Rédigé dans la précipitation, ce texte est idéologique. Il ébranle ce temple de la loi qu’est le code civil, qui ne ressemblera plus à rien. Ce n’est pas faire une déclaration politique que d’affirmer qu’il est impossible de le voter cet article 2 qui met la pagaille partout ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
M. François Rebsamen. Chers collègues de l’opposition, nous vous écoutons avec calme, tranquillité, quiétude…
M. Jean-Claude Lenoir. Et la garde des sceaux avec indifférence !
M. François Rebsamen. … lire les fiches que l’on vous distribue (Oh ! sur les travées de l'UMP.) et qui, au gré de ce que l’on vous a écrit, vous font varier dans vos interventions, sur un mode tantôt tranquille, tantôt agressif.
M. Bruno Sido. Personne ne nous écrit de fiches !
M. François Rebsamen. Sentez-vous parfois le poids du ridicule de vos interventions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C’est vous qui êtes ridicules !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel mépris !
M. François Rebsamen. Je souhaite simplement en appeler à votre conscience de parlementaire, pour laquelle j’ai un profond respect. Vous pourrez reprendre la parole pour me répondre, et gagner ainsi encore quelques minutes, mais cela ne changera rien à notre détermination.
Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Catherine Troendle. Ni à la nôtre !
M. François Rebsamen. Nous allons vous écouter sereinement débiter les propos que l’on vous écrit et vous regarder, les uns et les autres, vous distribuer des papiers !
Mon intervention, dans ces circonstances, avait pour but de dire aux membres de mon groupe combien je suis fier de leur patience,…
M. Charles Revet. Et de leur conviction ?...
M. François Rebsamen. … de leur détermination,…
M. Jean-Pierre Caffet. Et de leur présence !
M. Gérard Longuet. Les muets du sérail !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne grandit pas le Sénat !
M. François Rebsamen. J’ai pour habitude, chers collègues de l’opposition, de ne pas interrompre quelqu’un qui s’exprime, ce qui vous est manifestement difficile ! Vous n’êtes même pas capables d’écouter un seul orateur de notre groupe. Son président vous parle : vous pourriez au moins avoir la politesse de l’écouter ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Laissez parler l’opposition !
M. Bertrand Auban. Vous avez été battus !
M. François Rebsamen. Voilà ce que je voulais vous dire, mais je n’en ai pas fini ! Je vais moi aussi prendre encore un peu de temps, car cela me fait du bien de m’adresser à vous, pour mes collègues et pour moi-même.
Vous répétez inlassablement les mêmes arguments,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous aussi !
M. François Rebsamen. … arguments auxquels Mmes les ministres vous ont déjà répondu, mais, je l’ai dit, nous sommes sereins et déterminés, et nous allons continuer à vous entendre.
Chers collègues de la majorité, je le sais, cette intervention va nous faire perdre quelques minutes, et je m’en excuse,…
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas grave !
M. François Rebsamen. … mais je la fais en votre nom, parce que, si je connais votre détermination, je sais aussi la lassitude qui parfois peut vous prendre à entendre les mêmes arguments encore et encore.
M. Alain Gournac. Mais vous ne les écoutez pas !
M. François Rebsamen. Si vous souhaitiez vraiment faire avancer le débat parlementaire, nous irions au fond des choses, mais c’est impossible, car vous répétez des arguments en boucle jusqu’à vous contredire !
M. Gérard Longuet. Si nos orateurs se répètent, c’est qu’ils ne se contredisent pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous, vous ne défendez rien !
M. Alain Gournac. Vous avez bâillonné les membres de votre groupe !
M. François Rebsamen. Parfois, nous vous entendons buter – ne m’en voulez pas – sur les mots lorsque vous lisez les feuillets qui vous sont distribués. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Protestations sur les travées de l'UMP.) Continuez donc, nous vous écoutons, et, en répondant à cette intervention, vous pourrez d’ailleurs gagner encore quelques instants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Longuet. Je répondrai au président Rebsamen en tant qu’ancien président du groupe UMP.
Son intervention est l’expression d’une mauvaise foi insigne qui n’honore pas sa naturelle et légendaire courtoisie. Elle nous surprend.
Je comprends, chers collègues de la majorité, que vous soyez exaspérés d’entendre inlassablement cette vérité qui vient de notre histoire et de notre peuple ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. On a connu ça avant vous !
M. Gérard Longuet. Chacun des sénateurs ici présents aura à cœur de l’exprimer, et il sait qu’il aura la fierté d’en rendre compte devant ses mandataires.
M. Bertrand Auban. Vous êtes nuls !
M. Gérard Longuet. Votre silence, en revanche, est éloquent, car vous n’avez pas l’intention de défendre un texte dont vous savez qu’il est contraire aux convictions profondes de notre peuple. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Bonnefoy. Non seulement nous le défendons, mais nous allons le voter !
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 2 (suite)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.
M. Gérard Larcher. Il a été dit que nous étions « abreuvés » de papiers ! Si nous sommes si diserts, c’est parce que la question du nom n’est pas légère. Sans remonter aux textes les plus anciens – M. le président de la commission des lois s’est référé à un dictionnaire datant de la fin du XVIIe siècle ! –, vous me permettrez de revenir sur l’étymologie du mot.
Le nomen, c’est celui que je reconnais, qui a une identité et qui est un être unique. C’est donc bien au niveau de l’enfant, être unique par excellence, que le nom doit être reconnu !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est le cognomen !
M. Gérard Larcher. Cet être unique est inscrit dans notre société depuis le Xe siècle, avec le retour du droit romain et de la présomption de paternité. Il est clair, à nos yeux, que le nom induit la filiation au travers de la paternité, mais, paradoxalement, il protège aussi la mère et le régime matrimonial qui s’est constitué autour du nom transmis. Il protège donc la mère et le père.
Nous ne sommes pas ringards…
Mme Dominique Gillot. Ah si !
M. Gérard Larcher. … parce que nous pensons que l’enfant est sans doute aujourd'hui plus qu’hier exposé à des risques. Voilà pourquoi ce débat n’est pas futile.
Mme Nathalie Goulet. Exactement !
Mme Éliane Assassi. Selon vous !
M. Gérard Larcher. Il est même essentiel dans la mesure où ces valeurs de la société font sans doute la différence entre certains d’entre vous et nous-mêmes. Pardonnez-moi, mais cette question mérite véritablement que nous nous y attardions.
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Catherine Morin-Desailly. Exactement !
M. Gérard Larcher. Je rappelle que l’unicité, y compris dans le livre de la Genèse, fonde la reconnaissance d’une identité, et donc du respect dû à chaque individu, par-delà sa situation, son âge ou son handicap. C’est ce principe que je veux défendre ce soir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Éliane Assassi. C’est surréaliste !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a parlé sans papier !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. Bertrand Auban. Encore avec une fiche !
M. André Reichardt. J’invite le président Rebsamen et les membres de son groupe à venir constater que le document que je tiens à la main est manuscrit et qu’il ne m’a pas été remis par qui que ce soit !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est une exception !
M. André Reichardt. Je tiens à dire que la problématique du nom est bien symptomatique, comme l’a dit notre collègue Gérard Larcher, de l’imbroglio créé par ce projet de loi sur le mariage homosexuel.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. André Reichardt. Mmes les ministres nous ont expliqué tout au long du débat que l’extension du mariage aux couples homosexuels conduisait en fait à un approfondissement, à une confortation de la famille. Drôle de famille dont les différents membres pourront porter, dès la deuxième génération, jusqu’à seize noms, selon la volonté des uns et des autres !
M. Gérard Cornu. Oh ! là ! là !
M. André Reichardt. Dans ces conditions, où est la famille ?
La transmission du patronyme était récemment encore un élément fondamental de la cellule familiale,…
Mme Éliane Assassi. Réactionnaire !
M. André Reichardt. … elle-même fondatrice de notre société. Même si la situation a évolué, fallait-il aller aussi loin dans l’innovation, dans la révolution, dans le changement de civilisation que vous avez évoqué, madame la garde des sceaux ?
La vérité, c’est que votre projet de loi est mauvais. S’il eût fallu un simple exemple de la destruction de la société que ce texte porte en germes, l’article 2 l’illustrerait à souhait. Nous allons donc voter contre cet article ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Cécile Cukierman. Comme c’est surprenant !
M. Bertrand Auban. C’est nul !
M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
M. Bertrand Auban. Il vient d’arriver !
M. René Beaumont. Monsieur le président du groupe socialiste, en vous écoutant, je me demandais de quel côté se situait le ridicule. Après avoir entendu les interventions de MM. Longuet et Larcher, je le sais : il est du vôtre ! Mais, rassurez-vous, le ridicule ne tue pas !
M. David Assouline. Ça vole haut !
Mme Cécile Cukierman. Ça, c’est politique !
M. René Beaumont. J’en viens maintenant au sujet qui nous occupe.
Au début de la discussion, je n’avais pas conscience des bouleversements qu’allait entraîner ce texte.