Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les éclaircissements de M. Gélard sont bienvenus, après les explications très embrumées de M. Bas (Exclamations sur les travées de l'UMP.), qui d’habitude est plus clair.
L’article 1er bis B a été introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, afin de répondre à l’une des demandes – elles n’ont pas toutes été honorées – de l’Association des maires de France.
Un tel dispositif avait déjà été adopté par le Sénat à l’occasion de la discussion de la loi de finances, puis lors de l’examen d’un texte relatif à la répartition des contentieux. Le garde des sceaux de l’époque, M. Michel Mercier, y était très favorable. Je crois me souvenir qu’il avait été adopté à l’unanimité, mais le Conseil constitutionnel l’avait effectivement censuré, jugeant qu’il s’agissait d’un cavalier. Il nous est aujourd’hui opportunément proposé de l’inscrire dans ce projet de loi, où il a toute sa place, cher Gérard Longuet, précisément parce qu’il peut permettre d’éviter des conflits frontaux entre certains maires et de futurs mariés de même sexe. Ceux-ci, sachant que le maire de telle commune s’est prononcé contre le mariage homosexuel, pourront faire célébrer leur union ailleurs dans des conditions légales.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L'amendement n° 85 rectifié bis de M. Gélard s’inscrit dans la lignée de ceux qui avaient été défendus, à l’article 1er, par M. Revet ou M. Leleux, et que nous avions appelés, en commission, les amendements « Adam et Ève », car ils se fondent sur l’idée que le mariage doit reposer sur l’altérité sexuelle.
Le présent amendement vise à priver les couples de personnes de même sexe de la possibilité ouverte par l’article 1er bis B. Or, si nous l’adoptions, cela créerait une inégalité de traitement entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, ce qui serait inconstitutionnel.
Par conséquent, monsieur Gélard, je vous suggère de retirer votre amendement. Le texte qui a été voté par l’Assemblée nationale répond à une demande de l’Association des maires de France et je rappelle encore une fois que le Sénat a déjà adopté à deux reprises une telle disposition dans le passé.
Si vous ne retirez pas cet amendement, monsieur Gélard, l’avis de la commission sera défavorable. Je souligne dès à présent que, s’il n’est pas adopté, l’amendement n° 86 rectifié bis deviendra sans objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis le début de ces débats, j’observe une transmission d’argumentaires, bien compréhensible, entre le groupe UMP de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. Cependant, même dans les dispositifs les mieux huilés, il peut arriver que des grippages se produisent… Ainsi, il vous a échappé que l’article 1er bis B avait été introduit à l’Assemblée nationale par le biais de l’adoption d’un amendement déposé par vos homologues de l’UMP et sous-amendé par le Gouvernement.
L’amendement « Pélissard » visait à la fois les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. Le Gouvernement l’a sous-amendé en précisant que le lieu de célébration relèverait du « choix des époux », afin d’éviter qu’il ne puisse être interprété comme ouvrant à certains maires la possibilité de ne pas se soumettre à la loi républicaine. Il s’agissait d’écarter toute ambiguïté : un maire ne pourra pas inviter un couple à aller se marier ailleurs que dans sa commune.
Dans la mesure où nos concitoyens sont moins sédentaires aujourd'hui qu’ils ne l’étaient autrefois, cette disposition permettra d’ailleurs de répondre à une demande émanant déjà des couples hétérosexuels.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 85 rectifié bis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Monsieur Gélard, l’amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard. Par fidélité au point de vue que nous avons défendu tout au long de la discussion de ce texte, je ne peux pas retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je voudrais dire le trouble dans lequel me plongent cet amendement et cette discussion.
La présentation de l’article par Philippe Bas a retenu toute mon attention. J’étais vraiment très attaché, madame la garde des sceaux, au principe de l’instauration d’une forme de clause de conscience pour les maires. Il me semble que, très légitimement, certains élus vont exprimer une réticence, voire une opposition, à célébrer des mariages entre personnes de même sexe. Dès lors qu’il existe une souplesse permettant à ces personnes de choisir la commune où leur mariage sera célébré, cela pourrait être de nature à éviter des crispations, voire à inciter certaines communes à se spécialiser dans la célébration de certains types de mariages ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela pourrait être, à la limite, un argument promotionnel, voire touristique ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est plus que limite !
M. Philippe Marini. Peut-être est-ce l’un des points sur lesquels notre collègue Philippe Bas aurait pu insister s’il avait bénéficié d’un temps de parole un peu plus long.
Quoi qu’il en soit, la souplesse de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne me paraît pas malvenue. À titre tout à fait personnel – pardonnez-moi, monsieur Gélard, de me singulariser quelque peu ! –, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 86 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À l'article 165, les mots : « l'un des époux » sont remplacés par les mots : « le futur mari ou la future femme, ou l'un de leurs parents, ».
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 281, présenté par M. J. P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou l'un des parents des époux
par les mots :
, ou l'un de leurs parents,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 281 ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui améliore le texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis B, modifié.
M. Gérard Longuet. Explication de vote ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Le vote a commencé !
(L'article 1er bis B est adopté.)
Article 1er bis CA (nouveau)
Après les mots : « des articles 212 », la fin du premier alinéa de l’article 75 du code civil est ainsi rédigée : « et 213, du premier alinéa des articles 214 et 215, et de l’article 371-1 du présent code. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. Je vais faire tout mon possible pour être plus clair, comme me l’a demandé M. le rapporteur, afin d’être mieux compris.
M. Jean-Marc Todeschini. Ça va être lumineux !
M. Philippe Bas. Je voudrais commencer par me réjouir, car l’article 1er bis CA apporte des éléments rédactionnels utiles.
En effet, l’article 75 du code civil fait référence à deux alinéas de l’article 213 du même code. Or un coup d’œil rapide à ce dernier article nous permet de constater qu’il n’en contient qu’un seul. Supprimer le renvoi aux deux alinéas est un apport rédactionnel sur lequel il n’y a pas lieu, à l’évidence, de s’attarder, mais dont il faut relever l’utilité.
En réalité, l’objet principal de l’article 1er bis CA est de supprimer la lecture de l’article 220 du code civil lors de la cérémonie civile du mariage. Un large accord existe, me semble-t-il, sur ce point. (M. Patrice Gélard opine.)
Tous les maires constatent à quel point il est déplaisant pour les futurs époux, ainsi que pour leurs familles, d’entendre évoquer les dettes qu’ils pourraient être amenés à faire et les conséquences qu’elles pourraient emporter, y compris d’ailleurs du fait de l’intervention du juge aux affaires familiales. Cette lecture a un côté quelque peu menaçant qui n’est pas tout à fait dans le ton d’une cérémonie de mariage, dont on peut s’attendre la plupart du temps à ce qu’elle revête un caractère heureux.
J’aimerais revenir sur l’obligation de procéder dans tous les cas à la lecture de l’article 213, qui fait état de la solidarité dont doivent faire preuve les époux à l’égard de leurs enfants. C'est l’occasion de rappeler les doutes qui sont les miens et ceux de la quasi-totalité des membres de mon groupe sur les conditions dans lesquelles sera établie la filiation des enfants élevés dans le foyer de couples de personnes de même sexe.
Je tiens à redire ici notre opposition très ferme à la solution trouvée pour répondre aux difficultés rencontrées par les familles homoparentales, à savoir le jugement d’adoption, que ce soit pour l’adoption conjointe d’un enfant qui aurait été abandonné, et qui serait donc adoptable, ou pour l’adoption de l’enfant déjà né d’un des deux conjoints.
Dans les deux cas, des difficultés se posent.
Avec l’adoption conjointe – perspective à laquelle les Français sont d’ailleurs très réticents –, on ne donne pas à l’enfant, qui souffre déjà d’un abandon au tout début de sa vie de ses parents naturels, un père ou une mère ou un père et une mère, formules qui lui permettraient de reconstituer un modèle familial reposant sur l’altérité sexuelle, à l’origine de toute vie. On lui désigne un couple que l’on peut certes supposer et espérer aimant et doté de toutes les qualités éducatives nécessaires, mais qu’il ne pourra identifier de manière vraisemblable comme ses parents. Cela rend la greffe de l’adoption plus compliquée à prendre.
Dans l’autre cas, qui concerne les couples de femmes, il s’agit de faire adopter par l’une des conjointes l’enfant de son épouse. Là se pose le problème de la reconnaissance des effets juridiques de l’assistance médicale à la procréation, où qu’elle ait eu lieu d’ailleurs. Si cette assistance médicale à la procréation a eu lieu à l’étranger, comme c'est couramment le cas, on aboutira à une situation où l’épouse de la mère deviendra la seconde mère de l’enfant. Il est cependant difficile de faire croire à un enfant qu’il a deux mères ! Dans la plupart des cas, les couples de femmes ne disent d’ailleurs pas à leurs enfants qu’ils ont deux mères, et elles ont bien raison.
Mme la présidente. Il vous faut conclure.
M. Philippe Bas. Mais, alors, comment peut-on être juridiquement parent en n’étant ni père ni mère ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C'est fini !
M. Philippe Bas. La lecture de l’article 213 du code civil lors de la cérémonie de mariage d’un couple de personnes de même sexe fera apparaître en un instant (Stop ! sur les travées du groupe socialiste.) toutes ces questions qui, même si elles sont réglées dans la loi, resteront irrésolues dans le cœur des couples. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. C’est un bonheur d’intervenir après Philippe Bas (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), dont les éclairages sur l’article n’ont fait que renforcer, et non dissiper – une fois n’est pas coutume ! –, mes inquiétudes.
Autant je peux comprendre qu’on ne lise pas en totalité l’article 220 du code civil, qui est long et lourd, autant il me paraît utile de rappeler au moment où un couple se forme pour l’éternité…
Mme Cécile Cukierman. Seul l’avenir le dira !
M. Gérard Longuet. … les obligations respectives des époux. Ne pas le faire reviendrait à conclure une sorte de vente abusive ! Si l’on ne mettait pas chacun des conjoints face à ses responsabilités devant le maire, officier de l’état civil, on trahirait assurément l’obligation de mutualisation des dettes dont le principe est posé par l’article 220 du code civil.
Toutefois, c'est non pas sur cet article que je souhaite interroger Mme le garde des sceaux, mais sur les articles 212 et 213. J’aimerais être certain d’avoir bien compris à la fois le travail du rapporteur et la volonté du Gouvernement. Je souhaite que ces deux articles soient parfaitement connus, car ils risquent de donner lieu à une jurisprudence extrêmement riche et intéressante s’ils étaient méconnus des époux.
L’article 212 distingue en effet dans les obligations mutuelles la fidélité et le respect. Pour moi qui suis marié depuis presque un demi-siècle, les deux me semblaient former un tout ! En réalité, les auteurs du code civil ont tenu à faire cette distinction, car, à une époque où la procréation était moins maîtrisée, la fidélité était indispensable. Elle démontrait que « pater is est quem nuptiae demonstrant ».
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oh là là !
M. Charles Revet. Écoutez-le !
M. Gérard Longuet. S’il n’y a pas de fidélité, particulièrement de l’épouse, il est évident que la présomption de paternité ne peut que tomber.
Le respect est tout autre chose : il consiste à ne pas mettre son conjoint dans une situation grotesque. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la merveilleuse tirade du boulanger de Pagnol, qui s’adresse à la chatte Pomponette. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Le théâtre et le cinéma nous ont familiarisés avec le récit des déboires sentimentaux de ce boulanger, bien connus de tout le village. En l’espèce, c'est le manque de respect qui est en cause et non la fidélité.
Le maire devra donc appeler l’attention des conjoints sur le fait qu’ils doivent faire preuve à la fois de fidélité et de respect.
Quant à l’article 213, il évoque l’éducation des enfants. Encore faut-il qu’il y en ait ! La procréation non maîtrisée plaçait les couples devant l’incertitude de l’enfant, qui pouvait être une heureuse félicité ou provoquer des déceptions. La procréation maîtrisée, elle, pose problème aux couples qui, après s’être formés, découvrent en définitive qu’ils n’ont pas le même désir d’enfant au même moment. C'est un sujet que nous connaissons depuis trente ou quarante ans.
Mme Cécile Cukierman. Depuis des siècles même !
M. Gérard Longuet. Dans le cas de l’absence d’altérité, la décision d’avoir des enfants les conduira à devoir suivre un véritable chemin de croix. Tous ceux qui s’intéressent à la grave question des procédures d’adoption en savent quelque chose.
Accepter de suivre ensemble ce cheminement représente un effort particulier sur lequel des couples qui n’avaient pas envisagé la complexité de la procédure risquent de se briser.
Mme Cécile Cukierman. Il y en a qui se brisent pour moins que cela !
M. Gérard Longuet. L’article 213 sera-t-il opposable à ces mariés sans altérité qui n’ont d’autre espoir pour élever un enfant que de parcourir le cheminement complexe de l’adoption ? J’évoque l’adoption puisque, avec le projet de loi, elle est ouverte à tous les couples mariés.
Il faut rappeler que l’article 213 ne met pas les couples de personnes de même sexe dans la même situation que les couples hétérosexuels. Ces derniers ont une probabilité plus élevée de pouvoir éduquer des enfants, ceux-ci pouvant arriver naturellement, même si cette certitude n’est, hélas ! pas totale.
Les articles 212 et 213 ne sont donc pas des survivances d’un passé révolu. Ils soulèvent au contraire des questions de fond sur la durabilité et la construction de la vie conjugale, fût-elle homosexuelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cette discussion montre bien la difficulté d’application de la réforme constitutionnelle. L’article 1er bis CA a été introduit dans le projet de loi par un amendement du rapporteur adopté en commission. Il ne devrait donc pas faire l’objet d’un débat en séance et pourtant, nous le voyons bien, il mérite d’être discuté, comme nous le faisons.
L’article 1er bis CA est la reprise intégrale d’une disposition qui avait été votée au Sénat, à l’unanimité me semble-t-il, lors de l’examen de la proposition de loi de M. Doligé sur la simplification des normes, et qui reprenait une suggestion de M. Gélard. L'Assemblée nationale ayant estimé que cette mesure était un cavalier législatif, elle l’avait rejetée.
La commission a trouvé tout à fait opportun de reprendre la disposition dans le présent projet de loi, ce qui a recueilli l’assentiment de tous, et notamment des associations de maires.
En revanche, je précise que les articles 212 et 213 devront bien évidemment toujours être lus intégralement par le maire lors des différents mariages qu’il aura à faire si ce projet de loi est adopté.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même s’il n’a fait l’objet d’aucun amendement, cet article soulève des questions qui viennent d’être précisément formulées. Le Gouvernement reprend à son compte l’argumentaire développé par M. le rapporteur.
Monsieur Longuet, vous avez fait un développement…
M. Jean-Marc Todeschini. Un monologue !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … pour nous faire bien comprendre la différence entre la fidélité et le respect.
M. Gérard Longuet. Exact !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La fidélité est bien évidemment liée à la présomption de paternité. Je l’ai dit, cette dernière est intégralement maintenue. D’éminents juristes estiment d’ailleurs que la présomption de paternité permet de préserver « la paix des familles ».
Nous savons que la législation sur l’adultère est très différente selon que l’adultère est le fait de l’homme ou celui de la femme. C'est un clin d’œil que j’adresse à M. Gournac, qui semblait choqué que je dise que le mariage avait été pendant longtemps une institution de propriété. On alliait d’abord des patrimoines…
M. Gérard Longuet. Quand il y en avait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais cela a eu une grande influence sur le droit. Les futurs époux passaient d’ailleurs d’abord chez le notaire.
Par la suite, le mariage est légalement devenu une institution de domination.
Vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, la femme ne disposait pas de son salaire jusqu’en 1907. À partir de cette date, le grand progrès a été de la laisser disposer de son salaire, mais à condition de le consacrer aux frais du ménage, le mari étant autorisé à saisir la justice s’il estimait qu’elle ne le faisait pas suffisamment. Si cela n’est pas de la domination, qu’est-ce que c’est ? Et je pourrais citer d’autres exemples !
Le respect, c’est un autre sujet. Vous vous souvenez, monsieur Longuet, des débats sur la loi de 2006, qui a introduit l’obligation de respect mutuel. À l’époque, les débats parlementaires ont surtout porté sur la lutte contre les violences au sein du couple. Cette prescription de respect visait à rappeler au mari en particulier – même si la loi désigne d’une façon générale les époux – qu’il ne doit pas donner de coups.
Cela étant, je suis d’accord avec l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, qui, comme la plupart des maires, considèrent que la lecture de l’article 220 du code civil est malvenue. Elle casse tout le lyrisme et la poésie de l’instant : ce n’est pas le moment de rappeler à l’un et à l’autre qu’ils seront tenus par les dettes de l’époux.
J’espère avoir fourni les éclaircissements demandés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Gérard Longuet. Merci !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis CA.
(L'article 1er bis CA est adopté.)
Article 1er bis C
(Non modifié)
À l’article 165 du code civil, les mots : « célébré publiquement devant » sont remplacés par les mots : « prononcé lors d’une célébration publique et républicaine par ».
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. J’avais songé un instant à vous épargner cette intervention. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mais il se trouve qu’elle porte sur un article particulièrement important. Toutefois, je m’efforcerai d’être bref, si tant est que la complexité de ces dispositions me le permette.
M. Jean-Marc Todeschini. Alors, c’est fichu !
M. Philippe Bas. Il ne faut pas mettre le mot « républicain » à toutes les sauces. Le mot « républicain » et le mot « civil » ne sont pas synonymes. Quand vous parlez d’une cérémonie républicaine, vous devriez faire référence à des cérémonies patriotiques, qui permettent d’honorer la République.
Je récuse l’idée qu’un mariage soit une cérémonie républicaine : c’est une cérémonie civile. D’ailleurs, on ne demande pas aux époux s’ils sont eux-mêmes républicains. Nous espérons qu’ils le seront, car c’est le vœu qu’on peut former pour tout citoyen de notre République.
Cette confusion, qui consiste à amalgamer cérémonie républicaine et droits des citoyens, nous entraîne vers des dérives au regard de nos valeurs fondamentales, car il y a les droits de l’homme et il y a les droits du citoyen. Le mariage est un droit fondamental de l’homme au sens d’être humain, et non un droit du citoyen. Sauf à dire que seuls les gens mariés auront le droit de vote, alors ce sera un droit du citoyen…
Prenons garde à ne pas utiliser le mot « républicain » ou « républicaine » dans un sens qui le rendrait inapproprié et prêterait à confusion. On a déjà bien assez de mal à défendre les valeurs de la République qu’il vaut mieux éviter de les galvauder.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Cet article est important puisque son dispositif va s’insérer dans le chapitre du code civil intitulé Des formalités relatives à la célébration du mariage. Vous souhaitez ajouter l’adjectif « républicain » dans l’article du code civil disposant que le mariage sera célébré publiquement devant l’officier de l’état civil. À la suite de ce que vient de dire mon collègue Philippe Bas, je veux faire deux remarques.
La première est de forme : qu’est-ce qu’une célébration républicaine ? La question concerne les nombreux maires et adjoints ainsi que, désormais, les conseillers municipaux, qui sont des officiers de l’état civil.
Quels sont les attributs d’une célébration républicaine ? Un jour est-il approprié ? Existe-t-il une décoration qui serait plus républicaine qu’une autre ? Existe-t-il, de même, une mode vestimentaire qui serait plus républicaine qu’une autre ? J’aimerais, mesdames les ministres, que vous puissiez nous éclairer sur ces éléments qui permettront de caractériser une célébration républicaine.
Une célébration publique, chacun sait ce que c’est : symboliquement, ce sont les portes ouvertes de la mairie ou du lieu public où se déroule le mariage. Désormais, quelles sont les caractéristiques de cette célébration ?
J’en viens à ma seconde remarque.
Je pense qu’il y a des mots – je rejoins ici Philippe Bas – qu’on utilise à proportion qu’on les vide de sens. Rappeler le caractère républicain, c’est peut-être chercher à faire oublier que le nouveau mariage que vous êtes en train d’instituer pour tous a bien peu de choses à voir avec un mariage républicain. En effet, il se fonde sur une conception qui confond le droit à l’égalité et l’égalité des droits. Vous connaissez – nos grands ordres juridictionnels l’ont rappelé constamment par leur jurisprudence – la source républicaine de l’égalité. Or vous vous en éloignez !
Le régime républicain est celui de la séparation, de toutes les séparations : de l’Église et de l’État, des pouvoirs, de la vie publique et de la vie privée. Or que nous proposez-vous avec ce mariage, qui est bien peu républicain ? Dès lors qu’un sentiment naît, ce sentiment, qui relève de l’ordre de l’intime, de la sphère privée, devrait s’imposer à la sphère publique et donc être reconnu et célébré par un mariage républicain. Conception bien peu républicaine d’un sentiment qui fait loi, alors qu’une loi devrait être autre chose que la consécration de l’ordre intime, de la sphère privée.
La République n’est pas un self-service normatif. Nous le répétons, ce n’est pas parce que des revendications sociales se font jour que le droit – comme fonctionnerait la loi de l’offre et de la demande – doit être prévu et conçu comme un bien de consommation. Ce n’est pas parce que tel ou tel groupe demande un droit qu’on doit lui accorder. Ce n’est pas la conception que nous avons de la République.
Telles sont les raisons pour lesquelles cet ajout et cette répétition du terme « républicain » me paraissent suspects, comme s’il s’agissait de s’excuser de motifs qui, eux, sont bien peu républicains. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet article, issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, introduit à l’article 165 du code civil l’affirmation du caractère républicain du mariage.
Monsieur le rapporteur, vous rappelez vous-même, pour mieux accréditer ce caractère, que, depuis la Révolution française, les époux sont mariés « au nom de la loi ». Nous sommes heureux que vous en conveniez, mais permettez-moi de souligner qu’il est assez cocasse – ou, plutôt, attristant – que votre groupe insiste pour inclure le caractère républicain dans un texte qui s’acharne, article après article, à dénaturer cette institution fondée sur l’altérité des sexes et reconnue comme telle, depuis 1804, par les lois de la République.
Le mariage républicain, dans ce projet de loi, est donc réduit à une coquille vide et il ne suffit pas, pour qu’il soit républicain, de le décréter. Il ne le sera plus puisque le principe fondamental qui s’y attachait – l’union d’un homme et d’une femme – et qui le consacrait en tant qu’institution de la République n’existera plus.
On peut également s’interroger sur le travestissement du sens des termes « mariage », « couple » et « parents ». Il est question de mariage, de couples, de parents homosexuels ou de même sexe. Voilà des termes contradictoires, qui ne peuvent s’accorder. Ce sont des oxymores !
En droit, sans doute plus qu’en d’autres domaines, le choix des mots est exigeant. Cette alliance de mots contradictoires répond à la volonté des auteurs du texte d’introduire – je serais ironiquement tentée de préciser « à notre insu » – l’idéologie du genre, ou gender, dans notre droit. Ces efforts de dissimulation du but recherché permettent également aux auteurs du texte d’atténuer, aux yeux de l’opinion, les effets que le projet de loi va produire.
Assurément, ce texte a été construit sur des subterfuges. Nous ne nous y sommes pas laissés prendre, mais le procédé est quand même antidémocratique.
Le peuple de France et le Parlement sont bafoués ! Évidemment, je voterai contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)