M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il y a dix ans, Google ne faisait pas de bénéfices !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est ici et maintenant que le sujet se présente !
Je serai attentif à votre réponse, madame la ministre. Il me semble que, en la matière, il nous faut avancer concrètement.
Je remercie enfin les différents orateurs, qui ont bien voulu dire que ce débat était utile, même si nous divergeons sur les solutions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable, ainsi que le rappel utile que vous avez fait des enjeux en termes de culture, d’économie et d’aménagement du territoire qui s’attachent à la fiscalité du numérique, vient en amont d’une série d’initiatives gouvernementales.
Le 31 janvier dernier, j’ai eu l’occasion de vous indiquer combien ce sujet importait au Gouvernement, qui entend bien faire de la France un élément moteur des discussions ayant lieu dans le cadre des instances internationales.
Depuis notre dernier débat sur ce texte, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Marini, l’OCDE a présenté lors du G20 de Moscou des 14 et 15 février dernier son plan d’action destiné à lutter contre les phénomènes d’évasion fiscale et d’érosion des bases imposables. Le ministre de l’économie et des finances a rappelé à cette occasion que la France soutenait activement ce plan d’action.
J’y insiste, j’ai usé de toute mon influence auprès du Gouvernement pour que nous portions de manière très proactive à la fois les groupes de travail et la réflexion au sein de l’OCDE, un terrain qui avait été totalement laissé à l’abandon depuis dix ans par les gouvernements précédents.
Vous le savez, ce combat n’est pas gagné d’avance. Au sein du G20 et de l’OCDE, cependant, la France est désormais motrice. Elle copréside aujourd’hui, avec les États-Unis, le groupe de travail sur la modernisation des règles traditionnelles de territorialité, au sein duquel sera revisité le concept d’établissement stable virtuel. La France poussera en ce sens. Je crois que les travaux internationaux en cours fournissent, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, une occasion historique de progresser.
Au sein de l’Union européenne, la France, là encore, s’est voulue très proactive et motrice. Dans un courrier adressé à la Commission européenne, le Gouvernement avait demandé au commissaire Šemeta d’inclure des dispositifs volontaristes ciblant le secteur numérique dans son plan de lutte contre la fraude.
Lors du Conseil Ecofin de janvier dernier, la France a appelé la Commission européenne à faire plus et mieux dans ce domaine, et s’est engagée à lui proposer au cours de l’été prochain des mesures législatives concrètes pour réformer, en Europe, la taxation des entreprises du secteur numérique. L’échéance que nous nous sommes fixée peut sembler quelque peu lointaine, mais elle se justifie par la nouveauté de ce sujet, qui n’est pas aussi simple que M. Marini l’a laissé entendre. Il s’agit là de problématiques extrêmement complexes. Si des solutions simples existaient, je pense que les gouvernements précédents n’auraient pas manqué de les trouver depuis longtemps. Il est en effet très difficile, s’agissant de telles activités, de territorialiser les revenus et les bénéfices.
Plus globalement, le rapport de MM. Colin et Collin irrigue désormais la réflexion en France et dans nombre des États européens. Une mission de concertation a été confiée au Conseil national du numérique, dont la composition, je tiens à le préciser, a été entièrement renouvelée afin, précisément, d’éviter qu’il ne devienne une instance de lobbying ou de représentation d’intérêts catégoriels ou sectoriels. Il est désormais composé non seulement de représentants de l’écosystème numérique, mais également de chercheurs, d’universitaires et d’investisseurs, c’est-à-dire de parties prenantes n’ayant pas forcément intérêt à ce que le débat ne progresse pas, bien au contraire. Tel est bien le sens dans lequel j’ai souhaité renouveler la composition du Conseil national du numérique.
Ma position, dans le dossier de la fiscalité numérique, est qu’il faut rétablir une égalité devant l’impôt, une égalité concurrentielle entre les acteurs aujourd’hui vertueux en termes fiscaux et ceux qui ne le sont pas ou qui sont exemptés de fait d’impôt en vertu des stratégies d’optimisation fiscale qu’ils mettent en place. Notre objectif n’est pas de pénaliser l’économie numérique ou son développement. Nous devons donc, dans le cadre de notre réflexion sur la fiscalité, être très attentifs aux équilibres afin que celle-ci ne constitue pas un frein pour les entreprises innovantes, notamment françaises, et ne les pénalise pas au profit d’acteurs over the top ou multinationaux dont les obligations en matière de TVA et d’impôt sur les sociétés sont très allégées.
Nous devons veiller à établir une équité entre les différents acteurs présents sur les mêmes marchés, quelle que soit leur nationalité, sans qu’il soit ici question de cibler plus particulièrement les Américains ou telle société déterminée.
La mission de concertation confiée au CNN a été mise en place pour tester les différentes hypothèses envisageables, parallèlement au chantier concernant l’imposition des résultats. D’autres hypothèses, qui ne figurent pas toutes dans le rapport de MM. Colin et Collin, ont en effet été envisagées, comme la taxe sur la bande passante ou la taxe sur les clics, qui impliquent un certain nombre de réflexions techniques.
S’agissant de la taxe sur les clics, par exemple, il convient de déterminer les moyens techniques qui peuvent être mis en œuvre sans être trop intrusifs et dans le respect de la protection des données personnelles. Ce travail est extrêmement lourd techniquement, et cela explique le temps que nous prenons pour le mener à bien et pour trouver des solutions. Ces concertations sont actuellement en cours.
M. Claude Domeizel a rappelé, à juste titre, que la prospérité des entreprises du numérique repose en grande partie sur l’exploitation de contenus produits par d’autres. C’est notamment le cas des contenus culturels, mais on pourrait également citer les données personnelles et la publicité ciblée : si quelque chose est gratuit, c’est en général parce que vous êtes le produit !
Vous l’avez dit, monsieur Marini, les contenus culturels ont retenu bien légitimement l’attention de la commission de la culture du Sénat. J’ai d’ailleurs été auditionnée par ses membres le mois dernier – M. Assouline l’a rappelé – pour répondre à leurs interrogations. Nombre de questions se posent en effet en termes de culture et de répartition de la valeur du fait du développement de l’économie numérique dans le secteur culturel.
Je tiens néanmoins à insister sur le caractère général et transversal des problèmes posés par l’économie numérique. L’ensemble des contenus, culturels ou non, participent à la création de valeur des entreprises du numérique, notamment les données personnelles, très minutieusement analysées dans le rapport de MM. Colin et Collin.
Il ne faut pas non plus stigmatiser l’économie numérique.
M. Philippe Marini. Personne ne vous dit le contraire !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. L’affaire Starbucks montre en effet que ces pratiques d’optimisation fiscale et de déplacement des profits sont le fait non pas seulement d’entreprises du secteur numérique, mais également de sociétés multinationales ayant recours aux prix de transfert. Il convient donc de ne pas pointer du doigt, vilipender ou accuser le seul secteur de l’économie numérique, ce secteur porteur de croissance, ce levier pour la création d’emplois et pour l’économie de la connaissance qui sera notre modèle économique de demain.
L’exploitation des contenus culturels n’est que l’un des aspects du problème. Il faut trouver une solution d’ensemble, plutôt que de recourir à un traitement découpé secteur par secteur. À cet égard, je reviendrai ultérieurement sur la question de la presse que vous avez soulevée.
M. Yves Rome a rappelé combien il était important de remédier à la fracture numérique sur le territoire, en mettant en œuvre les engagements présidentiels en matière de déploiement du très haut débit.
Le Président de la République, lors de son déplacement en Auvergne le 20 février dernier, a annoncé le lancement d’un chantier qui représentera plus de 20 milliards d’euros dans les dix prochaines années, et qui associera le secteur privé et le secteur public.
En cette période de responsabilité budgétaire où des efforts sont demandés à la fois à nos concitoyens, aux entreprises et à l’État, l’annonce d’un chantier et d’un engagement financier public d’une telle importance constitue la preuve que ce gouvernement n’hypothèque en rien l’avenir, malgré les difficultés financières, et qu’il s’engage dans des dépenses structurantes pour la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire.
Le séminaire gouvernemental sur le numérique a été l’occasion de dévoiler la feuille de route précise du Gouvernement : cette dernière comporte une trentaine de mesures, mais les ministères en avaient proposé une centaine qui ont été rendues publiques et feront l’objet d’un suivi. Vous pouvez y voir le signe que le Gouvernement répond à votre préoccupation d’une véritable politique menée dans le domaine du numérique, accompagnée d’une vision à moyen terme, qui avait quelque peu fait défaut jusqu’à présent.
M. Jean Arthuis a souligné avec sévérité les responsabilités de l’Union européenne dans la situation de sous-fiscalisation des entreprises du numérique que nous constatons. Je souscris pleinement à l’idée que l’Union européenne doit reprendre des initiatives pour y remédier. Lors du Conseil Ecofin de janvier dernier, la France a annoncé des propositions en vue de procéder à une révision des règles communautaires.
Tout d’abord, nous devons mener à bien, à l’échelle européenne, la réforme de la TVA due sur les services électroniques. Il nous faut impérativement tenir l’échéance du 1er janvier 2015, date à partir de laquelle la TVA sera due dans l’État du consommateur et non plus dans l’État du siège de l’entreprise. La concurrence fiscale par la TVA prendra fin ce jour-là, supprimant ainsi une situation tout à fait inadmissible entre États européens.
Ensuite, il nous reviendra de transposer ce qui a été fait en matière de TVA pour l’appliquer à l’impôt sur les sociétés. Cette voie de l’ACCIS dans laquelle vous nous encouragez à travailler, monsieur Marini, nous allons la suivre avec nos partenaires communautaires. Tel est le sens de l’annonce faite lors du séminaire gouvernemental sur le numérique. L’État d’installation devra reverser aux États où sont établis les utilisateurs une partie de l’impôt sur les sociétés collecté.
Je dirai quelques mots sur la question du représentant fiscal. Monsieur Marini, des éléments de la lettre que vous avez reçue – et j’espère que vous nous communiquerez ce document –, je déduis que cette piste sera difficile à faire prospérer. Sachez que le Gouvernement réfléchit aussi aux moyens de rendre obligatoire pour un certain nombre d'entreprises la présence d’un représentant fiscal légal sur le territoire français. Nous avons également travaillé sur la piste des données personnelles : la manipulation de ces dernières étant une question de souveraineté nationale, un mécanisme de proportionnalité entre la défense de la souveraineté nationale et la présence d’un représentant fiscal pourrait être envisagé. Le principe de l'égalité devant l'impôt pourrait aussi tout à fait justifier ce type de dispositif.
Monsieur le sénateur, nous travaillons avec la Commission européenne pour essayer de trouver un moyen permettant la création d’un représentant fiscal tout en respectant la jurisprudence qui, il est vrai, n’est pas très favorable jusqu'à présent : il n’est qu’à voir ce qui s'est passé avec les sociétés d'assurance en Belgique. Nous devons donc trouver un moyen un peu habile pour arriver à nos fins tout en respectant la jurisprudence.
M. Philippe Marini. Ce n'est pas une si mauvaise idée que cela !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. C'est même une très bonne idée à laquelle je souscris pleinement.
M. Philippe Marini. Il faut la mettre en œuvre !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Enfin, je partage totalement votre sentiment : il n’est pas normal qu’un État européen tolère le versement de redevances depuis son territoire vers les Bermudes ou d'autres paradis fiscaux. La directive Intérêts et redevance doit être remise sur la table, pour mettre bon ordre à ces pratiques en Europe. Il serait assez vexatoire que, en la matière, l’OCDE aille plus vite ou plus loin que l’Union européenne. Il nous faut donc agir sans tarder.
Ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, les centaines de millions d’euros, voire les milliards d'euros à l’échelle européenne, de bases éludées – selon des articles publiés encore ce matin, cela représenterait 10 % du PIB de l’Union Européenne – nous incitent à traiter d’urgence ce sujet de l'évasion ou de l'optimisation fiscale. Vous pouvez compter sur mon engagement : je m'y emploie depuis ma prise de fonctions, et même auparavant, avec la plus grande vigueur – j’ai d’ailleurs contribué à ce que ce sujet soit remis à l'ordre du jour des négociations internationales et européennes –, et je continuerai. Il n’est pas question pour moi de mettre quoi que ce soit sous le tapis.
Je suis donc un peu vexée par les propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur Marini : il s’agit là d’un sujet qui me tient à cœur, que je considère comme extrêmement important, notamment dans une période où nous recherchons des recettes fiscales. Contrairement à mon prédécesseur, je suis totalement impliquée dans ce chantier.
J'en viens au contentieux pour abus de position dominante. Vous avez raison de le souligner, la solution retenue aux États-Unis par la Federal Trade Commission dans le cadre de ses négociations avec Google, pas plus que la voie, plus transactionnelle que contentieuse, qui semble se dégager au sein de l'Union européenne ne me semblent satisfaisantes.
Pour ma part, je militerai au sein du Gouvernement pour que nous puissions soutenir la voie contentieuse, même si c’est la plus longue et la plus laborieuse. Il me semble important que nous nous situions désormais sur le terrain des principes.
M. Philippe Marini. Très bien !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Je souhaite donner un certain nombre de précisions sur l'accord intervenu entre Google et la presse, même si cela dépasse le cadre de cette proposition de loi. Il s'agit bien d'un accord privé.
J’ai évidemment examiné attentivement la loi sur les droits voisins du droit d’auteur pour les éditeurs de presse qui vient d’être votée en Allemagne : elle est extrêmement difficile à mettre en œuvre. En réalité, si ce droit voisin est instauré pour les éditeurs de presse, ni la quotité ni les modalités ne sont définies, et il appartient aux éditeurs de presse de négocier de gré à gré avec les moteurs de recherche la manière dont ces derniers vont les indemniser pour tenir compte de ce droit. Cette loi est déjà extrêmement contestée en Allemagne : elle est peu protectrice et sera vraisemblablement à l'avantage des grandes entreprises comme Bertelsmann, en mesure de négocier avec des acteurs comme Google. Google sera peut-être incité à déréférencer les sites de presse, ainsi qu'il l’a fait au Brésil ou en Belgique.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas du tout sûre que cette loi soit aussi favorable au secteur de la presse, en particulier aux éditeurs de presse, qu’on l’affirme. Il me semble plus prudent de se donner quelques mois pour vérifier la façon dont elle est appliquée en Allemagne. Si les résultats sont positifs, nous pourrons toujours nous en inspirer. Pour l’instant, nous avons obtenu des espèces sonnantes et trébuchantes, alors que les éditeurs allemands, malgré cette loi, attendent encore. Patientons donc quelques mois pour décider quelle solution aura été la plus efficace.
L'accord qui a été trouvé en France entre les éditeurs de presse et Google comporte deux volets. Le premier volet est commercial et destiné à aider les éditeurs à monétiser davantage un site internet grâce à des revenus publicitaires. Le second volet prend la forme d’un fonds de dotation privé qui relève de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise ; cela s’inscrit en quelque sorte dans une démarche de RSE. Ce fonds privé, assez considérable par son montant, ne se substitue en rien aux aides de l'État à la presse. Je rappelle qu'un contentieux du même type, avec les éditeurs de presse, avait éclaté en Belgique ; si les éditeurs de presse belges sont parvenus à un accord commercial, ils n'ont cependant jamais obtenu un fonds destiné à aider les entreprises de presse à moderniser leur modèle économique à l'heure du numérique, donc à mieux valoriser leur contenu, leurs revenus publicitaires, etc.
En résumé, ce fonds constitue une solution privée entre acteurs privés, une action que l’on peut identifier à du mécénat. Il faudra voir comment s’opère la gestion. L’entreprise négocie actuellement avec les représentants de la presse les modalités précises d’allocation des fonds, les types de projets concernés, les cahiers des charges, etc. L’association de la presse d’information politique et générale semble plutôt satisfaite. En tout cas, ce dispositif présente l’avantage d'être concret, ce qui n’est pas le cas des mécanismes plus théoriques qui ont été retenus en Allemagne
Je remercie une fois de plus Philippe Marini de cette proposition de loi, qui a permis de faire avancer le débat sur ce sujet très important auquel je suis, à l'instar de nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, extrêmement sensible. Le Gouvernement soutient néanmoins la motion de renvoi à la commission afin d’avancer plus avant sur ce chantier de la fiscalité du numérique, à l’échelon tant national qu’international.
Vous l'avez compris, cette matière est extrêmement complexe et technique. Il faut donc attendre au moins jusqu'à l'examen du projet de finances pour 2014, puisque c'est bien de fiscalité qu'il s'agit, pour approfondir davantage ces sujets et les traiter le plus efficacement possible dans une optique d'équité et sans compromettre les capacités d'innovation des entreprises du numérique nationales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Joël Bourdin, René Garrec et Philippe Marini applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Collin, au nom de la commission des finances, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable (n° 682 rectifié, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. François Fortassin, en remplacement de M. Yvon Collin, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Yvon Collin, qui ne peut, pour des raisons de santé, vous présenter cette motion de renvoi à la commission. La tâche qu’il m’a demandé d’assumer en le remplaçant aujourd’hui sera d’autant plus aisée que la motion en question a été, je le rappelle, adoptée à l’unanimité par les membres non seulement de la commission des finances, mais aussi des trois commissions saisies pour avis : la commission de la culture, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable.
La discussion de ce texte ayant été suspendue le 31 janvier dernier, permettez-moi de revenir très brièvement sur le contexte de cette motion de procédure.
La discussion générale a très clairement montré que la proposition de loi présentée par notre collègue Philippe Marini posait les bonnes questions, qu’il s’agisse de l’« évaporation » des assiettes fiscales liées à l’économie numérique ou des distorsions de concurrence engendrées par les acteurs de l’internet installés dans des États à fiscalité basse ou nulle.
Ces constats ont été confortés par les conclusions de la mission d’expertise Colin et Collin sur la fiscalité de l’économie numérique. Certes, celle-ci ne s’est pas prononcée en faveur de la taxation de la publicité en ligne ou du commerce électronique. En revanche, elle a posé très sérieusement les fondements théoriques de la nécessité d’appréhender fiscalement ce qu’elle appelle le « travail gratuit » des internautes et l’utilisation commerciale qui en est faite par les acteurs de l’économie numérique.
Les débats ont montré que nous sommes tous convaincus de la nécessité d’agir rapidement : le Parlement, et tout particulièrement le Sénat, le Gouvernement, mais aussi les États du G20 et l’OCDE. À cet égard, la commission des finances a auditionné le 20 février dernier M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, afin qu’il nous présente le projet BEPS, à savoir la lutte contre l’érosion des bases d’imposition et les transferts de bénéfices. Nous avons compris qu’un plan d’action serait présenté au G20 au mois de juin prochain pour lancer la négociation d’une convention fiscale multilatérale dont l’élaboration devrait être plus rapide que la renégociation de l’ensemble des conventions bilatérales existantes.
De son côté, le Gouvernement n’a pas été inactif depuis la suspension de nos travaux. Mme la ministre vient de le rappeler : la feuille de route adoptée le 28 février dernier lors du séminaire gouvernemental sur le numérique prévoit de rétablir notre souveraineté fiscale. Pour cela, le Gouvernement souhaite « pousser à la reconnaissance de l’établissement stable virtuel dans les conventions OCDE ; promouvoir, à l’échelle européenne, la mise en place d’une assiette consolidée d’impôts sur les sociétés [...]. Un guichet unique d’IS pourrait être proposé à nos partenaires […] ; étudier, sur la base de la concertation qui a été demandée au Conseil national du numérique et qui s’achèvera avant l’été, l’opportunité d’introduire des dispositions relatives à la fiscalité du numérique dans le projet de loi de finances pour 2014 ».
Madame la ministre, permettez-moi à ce stade de mon intervention de présenter un point de vue plus personnel sur ce sujet, en particulier sur le problème du financement des infrastructures à très haut débit dans les territoires. Nous le savons bien, les opérateurs n’investissent que là où c’est rentable. Ainsi, dans la région toulousaine, les collectivités locales ne sont pas sollicitées, puisque ce sont les opérateurs qui interviennent ; en revanche, pour obtenir des équipements corrects dans le Larzac, les collectivités locales doivent agir. C'est tout le contraire de la péréquation que nous sommes un certain nombre à défendre ! Aussi, pour remplir l’objectif de la feuille de route gouvernementale, 20 milliards d’euros d’investissements sur dix ans ne suffiront pas : le compte n’y est pas !
Je rappelle que, dans l’après-guerre, pour construire le réseau de distribution électrique, une taxe avait été mise en place, le Fonds d'amortissement des charges d’électrification, ou FACE, qui a permis d'électrifier l'ensemble de notre pays. Pourquoi serions-nous moins ambitieux et moins imaginatifs que nos prédécesseurs et pourquoi ne créerions-nous pas, pour financer le déploiement du réseau sur tout le territoire, un prélèvement sur les abonnements internet, visant en particulier les opérateurs ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Les opérateurs ont déjà été taxés et Bruxelles a annulé cette mesure !
M. François Fortassin, rapporteur. Ils peuvent encore être taxés sur les bénéfices qu'ils réalisent !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ils payent déjà 25 % de plus !
M. François Fortassin, rapporteur. Il s'agit non pas de mettre en place un impôt supplémentaire, mais de savoir si l'on veut un véritable aménagement du territoire ou pas. L'argent public étant rare, il faut trouver des ressources ailleurs.
M. Philippe Marini. Google !
M. Philippe Dallier. Moins il y en a, plus on dépense !