M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat et M. Hervé Maurey applaudissent également.)
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 26 février dernier, les députés, à une très courte majorité,…
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … ont adopté le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Le texte qui nous parvient de l’Assemblée nationale est très proche du projet initial du Gouvernement que le Sénat avait rejeté en première lecture – M. le ministre s’en souvient probablement… –, faute de pouvoir dégager une majorité sur l’un de ses aspects essentiels : la création de binômes pour l’élection des nouveaux conseillers départementaux.
Assurer une parité absolue sans renoncer au scrutin majoritaire : pour résoudre cette quadrature du cercle, monsieur le ministre, vous avez imaginé une formule bancale, baroque et inconnue sur la planète. En matière de modes de scrutin, on croyait avoir tout essayé. On se trompait : il y aura maintenant le système Valls ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une manière d’entrer dans l’histoire !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes, mais il n’empêche que nos concitoyens n’y comprennent strictement rien ! Le fait est que ce système aboutit vite à des contradictions : par exemple, il ne sera pas possible d’organiser une élection afin de pourvoir un siège définitivement vacant, puisqu’il faudrait la réserver à un homme ou à une femme.
En outre, alors que le Gouvernement prétend maintenir le caractère de proximité du conseiller général, la représentation des territoires ruraux, à laquelle nous sommes nombreux à être très attachés, sur toutes les travées,…
M. Alain Fouché. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. … va disparaître presque complètement.
M. Alain Fouché. Totalement !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans des cantons beaucoup plus vastes, on élira désormais deux élus dont la solidarité ne durera que le temps de l’élection. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Pas du tout !
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr que si ! (Protestations sur les mêmes travées.) Chers collègues de la majorité, vous verrez quand vous aurez à désigner vos candidats ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Gérard Miquel. Ne vous inquiétez pas pour nous !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes, la configuration démographique des départements n’est pas homogène ; mais si l’on applique le seul critère démographique, même avec un correctif de 20 %, il y aura de nombreux départements dans lesquels la très grande majorité des élus ne représenteront plus que les grandes villes…
M. Alain Fouché. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. … ou les métropoles, le secteur rural et périurbain étant abandonné.
M. Alain Fouché. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Voyez les élections régionales : le scrutin de liste favorise à l’évidence les représentants des secteurs urbains, quand ce n’est pas ceux des appareils politiques locaux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Hervé Maurey et Christian Namy applaudissent également.)
Que n’a-t-on pas entendu sur les défauts du conseiller territorial ! M. le ministre l’a de nouveau critiqué cet après-midi. Pourtant, cette réforme était à mes yeux une tentative courageuse pour simplifier l’enchevêtrement des compétences et des responsabilités des départements et des régions.
M. Louis Nègre. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. J’assume le fait de l’avoir votée.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous, nous assumons le fait de l’avoir combattue !
M. Jean-Jacques Hyest. Chers collègues de la majorité, vous qui l’avez combattue, attendez de voir dans quel guêpier vous vous engagez ! De nombreux élus vont s’apercevoir que la solution proposée par le Gouvernement n’est pas la bonne.
M. Didier Guillaume. C’est la meilleure !
M. Jean-Jacques Hyest. Si elle était si merveilleuse, pourquoi ne l’appliquerait-on pas aussi aux députés ?
M. Gérard Longuet. Évidemment !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Chiche !
M. Jean-Jacques Hyest. L’innovation serait intéressante, mais je pense que personne ne s’y risquera !
M. Jean-Jacques Hyest. Reste que l’Assemblée nationale a voté cette mesure et la votera de nouveau en deuxième lecture ; le réalisme nous contraint donc d’essayer d’en limiter les défauts.
M. Henri de Raincourt. C’est difficile !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour cela, le plus important est d’augmenter la marge actuellement fixée à 20 %, afin d’améliorer la représentation des territoires.
Certes, on peut nous objecter l’avis rendu par le Conseil d’État sur cette question. Comme d’habitude, son avis ne nous est pas communiqué, mais on finit toujours par y avoir accès – c’est ainsi ! La norme sur laquelle le Conseil d’État se fonde a été fixée par le Conseil constitutionnel pour le découpage des circonscriptions législatives. Or il nous semble que l’alignement sur les élections législatives n’est pas un impératif absolu : s’agissant de gestionnaires locaux des départements, l’élection doit certes se tenir sur une base essentiellement démographique, mais sans négliger la représentation des territoires.
Je vous signale que cette position, adoptée par la commission des lois à deux reprises, vaudrait même si la question du binôme n’était pas posée. En effet, la carte cantonale devait en tout état de cause faire l’objet d’une refonte pour corriger les disparités créées par les mutations démographiques au fil des décennies et même des siècles.
Nous désapprouvons le report des élections régionales, qui ne répond selon nous à aucun motif d’intérêt général. On a dit que le fait d’organiser les cantonales en même temps que les régionales donnerait plus de poids à ces scrutins. Mais croit-on vraiment qu’on clarifie le débat en mêlant les deux ? Le fait s’est déjà produit, avec ce résultat : on n’a plus parlé du tout des départements. Si c’est l’un des buts qu’on poursuit, on va finir par y arriver !
M. Alain Fouché. C’est une vraie sottise !
M. David Assouline. On ne vous comprend pas ! Soyez plus clair !
M. Jean-Jacques Hyest. Quelle raison aussi a-t-on de ramener à 10 % des inscrits le seuil de maintien au second tour, sauf à vouloir susciter de nombreuses triangulaires ? Sur cette question comme sur la précédente, nous verrons quel accueil sera réservé à nos amendements, étant donné que la commission des lois, en première comme en deuxième lecture, a persisté dans sa volonté d’éviter les triangulaires.
Sur le volet communal, diminuer le nombre de conseillers municipaux pour les communes de moins de cent habitants, comme le Sénat l’a prévu en première lecture, peut paraître pertinent, même si ce n’est pas non plus indispensable. Le fait est que, dans des communes de trente habitants, il n’est pas si facile de trouver neuf personnes ! Sans compter que le nombre d’habitants n’est pas le nombre d’électeurs : les premiers peuvent être quatre-vingts et les seconds seulement cinquante.
En revanche, l’extension de cette diminution à toutes les communes de moins de 3 500 habitants, alors que la décision inverse a été prise voilà quelques années, a suscité de nombreuses réserves parmi les élus locaux. La commission des lois a jugé préférable de ne rien changer dans ce domaine.
Concernant le seuil pour l’application du scrutin de liste à l’élection des conseillers municipaux, des points de vue extrêmement différents ont été exprimés, ce que l’on peut tout à fait comprendre. Même si nous souhaitons toujours fixer ce seuil à 1 500 habitants – nous défendrons un amendement en ce sens –, il faut rappeler que l’Association des maires de France s’est ralliée au seuil de 1 000 habitants, ce qui conforte le résultat de la consultation des élus lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat. Monsieur le président, vous conviendrez qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main l’opinion exprimée par une majorité d’élus à cette occasion !
MM. Gérard Larcher et Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Si les états généraux de la démocratie territoriale n’ont servi à rien, qu’on nous le dise ! Je pense donc que je serai soutenu par le président du Sénat sur ce point.
Mes chers collègues, je vous rappelle que si nous avons voté le projet de loi organique en première lecture, c’est justement en raison de l’abaissement de ce seuil à 1 000 habitants.
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Permettez-moi d’aborder pour finir un autre aspect important du débat : je sens poindre, ne serait-ce que dans l’expression de « conseiller communautaire », un mouvement récurrent visant à effacer progressivement la commune au profit de l’intercommunalité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Éric Doligé. C’est ce qu’ils veulent !
M. Jean-Jacques Hyest. Ou plutôt au profit d’une supra-communalité prônée par quelques experts, qui ne se rendent pas compte de la richesse que représente la démocratie locale avec ses 36 000 maires et ses 500 000 élus bénévoles. J’observe d’ailleurs que les mêmes souhaitent aussi l’effacement du département. Nous aurons l’occasion de discuter de ces questions lors de l’examen du projet de loi de décentralisation qu’on nous promet. Je prévois que les débats ne seront pas tristes !
M. Yves Krattinger. C’est vous qui vouliez effacer les départements ! L’avez-vous oublié ?
M. Jean-Jacques Hyest. Au contraire, nous avions opté pour le département en faisant de la région une sorte d’« interdépartementalité » !
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Chers collègues de la majorité, si vous n’avez pas compris notre projet, c’est bien dommage ! (M. Yves Krattinger s’exclame.)
M. Bruno Sido. Et c’est grave !
M. Jean-Jacques Hyest. Comme en première lecture, notre groupe soutient l’article 20 du projet de loi dans sa rédaction proposée par la commission des lois, qui ménage une certaine souplesse pour la désignation des délégués des communes dans les intercommunalités. Cette question est également très importante.
M. David Assouline. On ne comprend rien !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, nous sommes soucieux de la responsabilité du Sénat comme représentant des collectivités locales, mais nous ne pouvons pas renoncer à notre opposition au dispositif qui forme le cœur de votre projet de loi. Toutefois, le groupe UMP aura à cœur de signaler les points sur lesquels nous pouvons parvenir à un consensus.
M. David Assouline. C’est fromage et dessert !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Assouline, je vous prie de ne pas être insultant, sans quoi je serai forcé d’être beaucoup plus désagréable ! Écoutez donc un peu les autres ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas naïfs au point de croire que le Gouvernement n’a aucune intention électoraliste.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous verrons bien, à l’issue de nos débats, si la position du Sénat sera confortée sur certains points ; ce serait, de toute façon, un bénéfice pour la démocratie locale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Vincent Eblé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce projet de loi, je commençais mon intervention générale en notant le délai très court dont nous avions disposé pour l’étudier.
Nous débutions en effet nos débats avant même que la commission des lois n’ait pu étudier les amendements déposés. Dans le cadre de la deuxième lecture, la situation ne s’est pas franchement améliorée !
Les amendements en commission ont dû être déposés avant même que le texte ne soit adopté par l’Assemblée nationale, donc avant même que celui-ci ne soit officiellement transmis à notre Haute Assemblée. Par ailleurs, la commission des lois du Sénat a terminé l’examen des amendements dits « extérieurs » voilà simplement deux heures !
Le président du groupe majoritaire déclarait il y a peu à la presse qu’il était temps que les parlementaires soient respectés par le Gouvernement. Pourtant, il s’agit là de conditions d’examen pour le moins limites au regard du droit.
M. Alain Fouché. Ah !
Mme Éliane Assassi. Certes, monsieur le ministre, nous avons bien compris que vous vouliez aller vite, mais sans vraiment prendre le temps d’écouter celles et ceux qui, à l’instar des élus de mon groupe, sont pourtant animés, sur de tels sujets, d’un esprit constructif,…
M. Jean-Claude Lenoir. Comme nous !
Mme Éliane Assassi. … comme je l’ai rappelé très précisément au cours de la première lecture.
À l’époque, je vous avais également dit, sur un certain nombre d’articles, notre accord. Nous n’avons pas changé d’avis. Pour ce qui concerne nos points de désaccord, nous avions fait des propositions. Au final, nous nous étions abstenus sur ce texte, afin, disions-nous, de permettre au dialogue de se nouer dans le cadre de la navette. Or, force est de le constater aujourd’hui, il n’en a rien été.
Comme nous sommes têtus,…
M. Louis Nègre. Ce n’est pas une qualité !
Mme Éliane Assassi. … nous restons disponibles, dans l’espoir qu’un accord puisse intervenir, en particulier, sur le mode de scrutin des futurs conseillers départementaux.
Sur ce point, vous connaissez notre attachement de principe au scrutin proportionnel, qui est le seul permettant une représentation démocratique, respectueuse des différents courants de pensées qui traversent notre République. Aussi rappelions-nous de cette tribune, voilà à peine un mois, qu’il s’agissait même d’un principe traditionnellement soutenu par l’ensemble de la gauche. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Quel n’a pas été notre étonnement de vous entendre dire, monsieur le ministre, au cours de nos débats, que ce mode de scrutin ne faisait pas partie de la culture de la gauche, alors même qu’il en est fait usage dans deux scrutins locaux sur trois et, dans certains départements, pour l’élection des sénateurs.
M. Alain Fouché. Mitterrand l’a mis en place en 1986 !
Mme Éliane Assassi. Aussi sommes-nous heureux de vous avoir entendu rappeler devant l’Assemblée nationale l’attachement de la gauche à ce mode de scrutin. Il n’en demeure pas moins qu’il est difficile de vous suivre. Pour ma part, je regarde, j’écoute, mais surtout j’entends : j’ai bel et bien entendu. Donc, il ne reste plus qu’à mettre en place ce type de scrutin.
Dans une récente étude réalisée auprès des délégués intercommunaux, le soutien à ce mode de scrutin est bien plus important que celui qui peut s’exprimer en faveur du binôme que vous continuez pourtant à soutenir. Nos débats en première lecture ont montré que le nombre de défenseurs de la proportionnelle progressait, et ce jusque dans cet hémicycle. En effet, de nombreux amendements de gauche, comme de droite d’ailleurs, visaient à mettre en œuvre, sous différentes formes, ce mode de scrutin.
M. Christophe Béchu. Oui !
Mme Éliane Assassi. Si nous avions comptabilisé alors le total des sénatrices et sénateurs favorables à une forme de proportionnelle, il n’est pas sûr qu’ils n’aient pas été majoritaires au Sénat. Certes, les différents modes de scrutin proposés divergeaient en de nombreux points. Il nous semble toutefois que les parlementaires et les citoyens sont prêts à prendre en compte ce mode de représentation. Il eût alors été courageux, monsieur le ministre, d’affronter les interrogations légitimes et les opinions contraires, en proposant, pour les conseillers départementaux, un mode de scrutin respectant le pluralisme et la parité, binôme républicain dont les deux éléments sont indissociables et auquel nous sommes très attachés.
À ce propos, qu’il me soit permis ici de relever un argument souvent utilisé contre ce mode de scrutin, qui met en avant son prétendu manque de lien avec les territoires et les citoyens. Si, lors des élections municipales, chaque liste fait son possible pour que tous les quartiers et les territoires qui composent une commune soient représentés par ses candidats, une liste départementale aura l’impérieuse nécessité, chacun le sait bien, de faire de même, si elle souhaite réunir un nombre important d’électeurs. Selon moi, l’on peut faire confiance au débat électoral pour mettre à l’index les listes qui ne respecteraient pas ce principe.
Enfin, si des élus n’arrivaient pas à enraciner leur action dans un territoire, leur réélection serait difficile. Aussi, la représentation des territoires est possible, nous semble-t-il, avec le scrutin proportionnel.
Qui plus est, notre proposition de repli visait à maintenir un rattachement local. En effet, en instaurant une proportionnelle corrective, elle permettait d’attribuer des sièges à des sensibilités n’ayant pas obtenu, dans les cantons, une juste représentation (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) et de rééquilibrer les écarts en termes de parité. Finalement, pour instaurer la proportionnelle ou en introduire une dose, il aurait fallu que le Gouvernement le souhaite. Telle n’est pas, à l’évidence, votre volonté, monsieur le ministre. Vous avez préféré vous donner l’objectif de renforcer le bipartisme dans la vie politique. Nous le regrettons, d’autant que, s’il est vrai que le binôme que vous proposez de créer assurera une indéniable parité – vous savez combien mon groupe est attaché à ce principe –, il n’en demeure pas moins que cette solution fera reculer le pluralisme, tout en ne permettant pas une réelle représentation des territoires.
En effet, avec le double mouvement de la réforme nécessaire du périmètre des cantons, que nous soutenons, et du projet de binôme regroupant deux cantons en un, les cantons seront dorénavant d’une taille telle que l’on ne pourra plus parler de proximité ni de lien véritable avec des territoires de vie identifiés et reconnus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Une telle situation sera particulièrement ressentie dans les territoires ruraux. Peu à peu, les deux conseillers territoriaux d’un même canton s’éloigneront de leurs électeurs,…
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. … dans une immense circonscription électorale regroupant parfois plusieurs dizaines de communes.
Aussi, nous vous demandons une nouvelle fois, monsieur le ministre, de revoir votre proposition, qui ferait du scrutin départemental un anachronisme démocratique dans notre pays.
Toutes les autres élections locales permettent une répartition proportionnelle des sièges au sein de leur assemblée. L’élection des sénateurs se fait dans certains départements à la proportionnelle. Il me semble d’ailleurs que vous soutiendrez prochainement un projet de loi visant à élargir encore ce mode de scrutin sénatorial.
Enfin, à la suite de la commission Jospin, vous vous apprêtez à présenter devant nous un texte tendant à introduire une part de proportionnelle pour l’élection des députés. (M. François Patriat s’entretient avec M. le ministre.) Monsieur Patriat, je ne savais pas que l’hémicycle servait aussi, pour les parlementaires, à se faire entendre personnellement par les ministres et leurs cabinets !
M. Henri de Raincourt. Il faut défendre les intérêts de la Bourgogne ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Je ne suis pas sûre que, si je faisais la même chose – mais cela ne m’arrivera jamais –, vous ne m’en voudriez pas !
M. Didier Guillaume. Il n’est pas comme ça ! (Nouveaux sourires.)
Mme Éliane Assassi. Dans ce contexte, dans ce mouvement, pourrions-nous dire, que vous allez initier en faveur de la proportionnelle, votre rigidité sur la question du scrutin départemental paraît inexplicable. Il vous faudra cependant vous en expliquer devant les élus locaux et les électeurs. Nous ne sommes pas sûrs qu’ils soient prêts à entendre des arguments finalement contradictoires.
L’autre point de désaccord concerne, vous le savez, le nouveau mode d’élection des délégués communautaires. Mettant en œuvre les préconisations du comité Balladur contenues dans la loi du 16 décembre 2010 décidée par Nicolas Sarkozy, votre proposition installe une rupture, qui ne fera que s’élargir, entre les communes et les intercommunalités. Certes, ce seront non plus les conseils municipaux qui seront représentés au sein des assemblées délibérantes des intercommunalités, mais des conseillers élus au suffrage universel, appelés à gérer ces structures en toute indépendance, sans tenir compte des élus communaux devant lesquels ils n’auront plus de comptes à rendre.
Ce mode de scrutin est présenté comme une avancée démocratique, car il donne la parole directement au peuple. En fait, c’est un détournement démocratique, car il vise à faire disparaître la commune, qui est la structure démocratique de base de notre République. Par ailleurs, il met à mal, à terme, nos départements, par la place toujours plus grande que les intercommunalités sont appelées à prendre, en élargissant leurs territoires et leurs compétences. Dans l’expression même de notre réalité politique locale, nous sommes passés de la commune au bloc communal. Demain, par un même glissement sémantique, celui-ci deviendra un bloc local intégrant les départements. D’ailleurs, tel est déjà le cas avec les métropoles façon 2010,…
M. Louis Nègre. Mais non, les communes se portent bien dans la métropole !
Mme Éliane Assassi. … et cela le sera encore plus avec la future – quand ? – loi de décentralisation que le Gouvernement prépare.
En outre, vous l’avez reconnu devant nous et rappelé à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, ce mode de scrutin n’est qu’une étape vers une élection totalement indépendante. Vous en fixez même le terme à 2020. Ce faisant, chacun le sait, vous programmez à ce terme l’extinction des communes telles que nous les connaissons aujourd’hui.
M. Éric Doligé. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Leur avenir sera de devenir un cadre administratif de base, un secteur d’une entité bien plus large. Il faut d’ailleurs reconnaître, sur ce point, la clarté de vos propositions et votre honnêteté.
Dans votre projet de décentralisation, pour qualifier la relation entre les communes et les intercommunalités, vous ne parlez plus de coopération, vous parlez bel et bien d’intégration. Ainsi, au lieu de nos 36 000 communes aux pouvoirs étendus, nous aurons 2 500 collectivités territoriales de remplacement, qui les auront finalement totalement intégrées.
Certains parlementaires de votre majorité sont même favorables à une accélération de ce mouvement. Nous aurons d’ailleurs à examiner un amendement de nos collègues écologistes allant en ce sens. Nous nous souvenons également que le président M. Jean-Pierre Sueur avait défendu un amendement de même type au cours de nos débats sur la réforme de 2010. C’est dire le désaccord que nous avons, entre nous, au sein de la gauche !
M. Éric Doligé. On l’a remarqué !
Mme Éliane Assassi. Mais sur ce point, vous êtes assuré de recueillir un vote très largement majoritaire dans notre assemblée, puisque les sénateurs centristes et les sénateurs de droite sont favorables à cette mesure, qui vise à prolonger la loi de 2010. À cet égard, on ne peut leur reprocher un manque de cohérence. (Merci ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
Pour notre part, nous continuons à demander l’abrogation de la loi de 2010 de M. Sarkozy.
M. Louis Nègre. Erreur !
Mme Éliane Assassi. Certes, nous sommes bien seuls dans cet hémicycle à défendre une telle proposition,…
M. Gérard Larcher. Absolument !
Mme Éliane Assassi. … mais nous savons que notre avis est partagé par un très grand nombre d’élus locaux. C’est souvent sur cette base, chacun s’en souvient, que le basculement à gauche du Sénat s’est produit. D’ailleurs, cette position a été confirmée par les états généraux de la démocratie territoriale que notre assemblée a organisés. N’oublions pas le résultat du questionnaire auquel 20 000 élus ont répondu.
Sur la question du fléchage, ils étaient une large majorité à demander que l’élection des délégués communautaires continue de se faire dans chaque conseil municipal.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Aussi, si nous avions soutenu cette initiative, c’était non seulement pour écouter les élus, mais surtout pour que ceux-ci soient entendus. Or, sur cette question, le Sénat s’apprête à rester sourd à leur demande. Pas nous !
Enfin, je terminerai mon intervention en réaffirmant notre attachement à l’abaissement du seuil installant le mode de scrutin de liste aux élections municipales. C’est aussi ce que demandaient les élus locaux dans ce questionnaire. Si nous sommes favorables à ce type d’élection dans toutes les communes, nous sommes également prêts à soutenir toutes les avancées permettant d’augmenter le nombre de communes qui y seraient assujetties.
Nous nous souvenons que le seuil de 500 habitants, que nous proposions, avait failli être adopté en première lecture. L’Assemblée nationale a retenu ce chiffre, mais la commission des lois du Sénat a décidé d’en revenir au chiffre de 1 000.
Alors que de très nombreuses voix s’élèvent en faveur d’un abaissement de seuil significatif,…
M. Jean-Jacques Hyest. Pas celle des élus locaux !
Mme Éliane Assassi. … pourquoi cette frilosité de la chambre représentant des collectivités locales ? Pourquoi n’entend-elle pas cet appel à la fin du tir aux pigeons qu’est devenu le mode d’élection dans les plus petites communes, qui ne fait que décourager bon nombre d’élus et raréfier les candidats potentiels aux fonctions électives locales ?
Nous espérons que, dans sa grande sagesse, le Sénat rétablira le texte adopté par l’Assemblée nationale. C’est sur cette note d’optimisme que je conclurai mon propos.
Toujours est-il, monsieur le ministre, que nous ne soutiendrons pas votre texte, sauf coup de théâtre (Ah ! sur les travées de l’UMP.) : d’une part, nos désaccords sont profonds sur deux points essentiels de ce projet de loi et, d’autre part, notre abstention d’ouverture au dialogue, en première lecture, n’a pas été suivie d’effet. J’ai ouvert non seulement les portes, y compris celle de la cave, mais aussi les fenêtres…
M. Jean-Jacques Mirassou. Et la cheminée !
Mme Éliane Assassi. Visiblement, cela n’a pas été suivi d’effet. C’est pourquoi nous ne pouvons que voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC – Mme Corinne Bouchoux et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
M. Henri de Raincourt. Cela ne changera rien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un hebdomadaire de cette semaine titre un bref article : « Les Hollandais ne pensent qu’à ça ». (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Les soutiens de François Hollande préparent déjà son second mandat. (Même mouvement.)
Quelque trois cents personnes, dont une dizaine de ministres, se sont réunies à l’Assemblée nationale dans ce but et un député socialiste d’expliquer que « l’objectif est clair, c’est la réélection de François Hollande en 2017 ».