M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien parti…
M. Jean-Léonce Dupont. Lors de la première lecture du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, bon nombre de parlementaires ont dénoncé un texte élaboré à partir de calculs politiciens…
M. Henri de Raincourt. C’est vrai !
M. Jean-Léonce Dupont. … visant à limiter d’éventuelles déroutes électorales lors des prochaines élections locales, mais qui sera destructeur pour l’équilibre entre les territoires urbains et les territoires ruraux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
À l’aune d’un objectif aussi nettement affiché, à peine neuf mois après l’élection en question, permettez-moi de renouveler ces interrogations et ces inquiétudes quant à la conception de l’intérêt général du Gouvernement, qui fait croire aux élus à une grande consultation-concertation sur une réforme territoriale, mais qui présente au Parlement des projets de loi répondant aux intérêts d’un seul parti.
Mme Jacqueline Gourault. De deux !
M. Jean-Léonce Dupont. S’agissant du fond du texte examiné aujourd’hui, je comprends la nécessité de tenir compte des évolutions démographiques et donc de réduire l’écart de population entre les cantons, car la carte cantonale de certains départements – ce n’est pas le cas du Calvados – n’a pas été revue depuis fort longtemps.
Je reconnais aussi que le changement de dénomination de l’institution et des élus, respectivement en conseil départemental et en conseiller départemental, sera plus explicite pour nos concitoyens.
Mme Françoise Férat. C’est sûr !
M. Jean-Léonce Dupont. J’approuve également le principe du renouvellement complet du futur conseil départemental tous les six ans, mais je suis particulièrement inquiet des conséquences du redécoupage de la carte électorale tel qu’envisagé par le Gouvernement et du mode de scrutin retenu.
Un sénateur du groupe UMP. Il a raison !
M. Jean-Léonce Dupont. L’article 2 du projet de loi prévoit un nouveau mode de scrutin aux élections cantonales, bientôt départementales : les candidats se présenteront en binôme, un homme-une femme (Une femme-un homme ! sur plusieurs travées.), une femme-un homme, bien sûr,…
Mme Françoise Férat. C’est mieux !
M. Jean-Léonce Dupont. … au scrutin majoritaire à deux tours, dans un canton redécoupé.
Je dois admettre que le mode de scrutin proposé est créatif, mais d’une créativité similaire à celle qui fut à l’origine des 35 heures, celle que personne ne nous envie, celle que personne ne copie. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jackie Pierre. Bravo !
M. Jean-Léonce Dupont. Même notre rapporteur soulignait dans son rapport de première lecture que ce « nouveau mode de scrutin binominal ne dispose d’aucun équivalent dans les scrutins électoraux applicables dans d’autres pays ».
Mes inquiétudes quant à cette réforme portent non pas sur l’affichage d’une nouvelle exception française, mais sur les conséquences du système envisagé.
Sous couvert d’améliorer la parité des élus départementaux, un binôme mixte, solidaire pendant la campagne électorale, puis indépendant une fois élu, a été imaginé. J’ai les plus vives interrogations quant au fonctionnement, à l’entente efficace dans la durée pour le canton et sa population de ce fameux couple imposé.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une vision pessimiste !
M. Jean-Léonce Dupont. Je formule plutôt des craintes quant au développement d’une compétition entre eux.
M. Jean-Jacques Mirassou. Une émulation !
M. Jean-Léonce Dupont. Plus graves seront les ruptures et fractures entre les territoires.
Jusqu’à présent, un fragile équilibre existait entre la représentation de la population, avec les élections législatives et régionales, et la représentation des territoires, avec les cantonales et les sénatoriales. Si, demain, on applique le nouveau mode de scrutin avec le redécoupage annoncé de la carte cantonale, c’est inévitablement un basculement qui va s’opérer, avec un affaiblissement important de la représentation des territoires ruraux…
M. François Patriat. C’est faux ! Il fallait prendre en compte la démographie !
M. Jean-Léonce Dupont. … et le travail du futur conseiller départemental, entre celui qui représentera un quartier d’une ville et celui qui représentera entre soixante et cent communes rurales. (M. Claude Domeizel s’exclame.) Il lui faudra du courage, ne serait-ce que pour participer aux différents repas des anciens !
Ainsi, dans le Calvados, pour atteindre uniformément la moyenne départementale requise, les cantons redécoupés devront réunir trois ou quatre cantons ruraux actuels.
Un sénateur du groupe UMP. Absolument !
M. Henri de Raincourt. Sacrilège !
M. Jean-Léonce Dupont. C’est le rôle de péréquation du conseil général dans l’aménagement du territoire qui sera mis à mal. Vous le savez tous, mes chers collègues, le conseil général est le premier partenaire des communes et des communautés de communes ; il est également présent dans chaque canton auprès des très petites entreprises et du monde agricole.
Nos territoires ne constituent pas seulement un nombre équivalent d’individus et de familles ; ce sont des espaces de vie avec leur histoire, leur géographie, leurs spécificités, leurs activités différenciées, qu’elles soient économiques ou liées à la préservation de la ruralité et de l’environnement.
Ils constituent également un maillage de villes et de villages où les problèmes et les projets de développement ne peuvent se réduire à une simple approche arithmétique.
C’est pourquoi, afin de maintenir une représentation optimale des territoires, sans retenir comme unique critère une approche arithmétique, je suis partisan, comme mon collègue Hervé Maurey, dont j’ai cosigné les amendements qu’il a déposés à cette fin, d’un mode scrutin mixte combinant le recours au scrutin majoritaire dans les zones rurales et l’instauration d’un scrutin proportionnel à un tour, avec prime majoritaire dans les zones urbaines.
M. Gérard Longuet. Parfait !
M. Alain Fouché. Très bonne formule !
M. François Patriat. Magouille !
M. Jean-Léonce Dupont. Un tel dispositif, combiné avec un redécoupage des cantons qui respecterait autant que possible les périmètres des intercommunalités afin d’assurer une cohérence territoriale, garantirait le respect des territoires ruraux et la juste représentation des territoires urbains.
En outre, il assurerait la nécessaire émergence de majorités stables au sein des assemblées départementales et le respect de la parité.
À défaut de retenir un tel mode de scrutin mixte, ce texte, tel que l’ont adopté les députés, je dois le reconnaître, contient, s’agissant du volet départemental, deux avancées significatives qui traduisent une évolution dans la prise en compte de la cohérence territoriale.
Premièrement, le nouvel article 1er bis, voté sur l’initiative du groupe UDI de l’Assemblée nationale, précise dans le code général des collectivités territoriales que le conseil général « représente la population et les territoires qui le composent ». Est ainsi réaffirmé le rôle du département comme garant de la solidarité sociale et de la solidarité territoriale. J’en conclus que tout projet de redécoupage devra prendre en compte non seulement la démographie, mais également la représentation des territoires du département. Je me réjouis que la commission des lois propose d’adopter cette disposition sans modification.
Deuxièmement, à l’article 23, relatif aux principes encadrant la procédure de remodelage de la carte cantonale, les députés ont élargi les dérogations possibles afin qu’il puisse être tenu compte de « considérations géographiques […], de répartition de la population sur le territoire, d’aménagement du territoire ou par d’autres impératifs d’intérêt général ».
J’espère que le Sénat poursuivra en ce sens, prenant mieux en compte les zones à faible densité de population, mais également la cohérence territoriale.
L’ancrage territorial des élus au sein de leur circonscription, à l’origine d’un lien de proximité entre ces derniers et leurs électeurs, est ainsi moins mis à mal que dans le projet de loi initial.
Au final, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je demeure opposé à ce texte, lourd de conséquences pour les territoires, et je désapprouve les calculs politiciens qui sous-tendent actuellement les textes modifiant le droit électoral (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) : redécoupage de la carte électorale, modification du mode de scrutin cantonal à un an des élections (M. Yves Krattinger s’exclame.), modification du calendrier électoral, abaissement du seuil de maintien au second tour des binômes, multipliant ainsi les risques de triangulaires, modification à venir du mode de scrutin sénatorial,…
M. Rémy Pointereau. Tripatouillages !
M. Jean-Léonce Dupont. … autant d’éléments qui me font craindre que les seules motivations du Gouvernement sont électoralistes et non liées à l’intérêt général et à un meilleur fonctionnement de notre démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte relatif à l’élection des conseillers départementaux et municipaux et des conseillers communautaires nous revient de l’Assemblée nationale, un peu comme une rose dont la tige serait plus chargée d’épines que le texte initial du Gouvernement. (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Joli !
M. Henri de Raincourt. C’est le parti socialiste !
M. Jacques Mézard. Ce n’est point une surprise : à l’activisme des députés, s’est ajouté, et cela nous concerne, le fait que le Sénat, en ne votant pas l’article 2 – nous, nous l’avions voté –, avait pris le risque d’écarter un débat qui avait tout son sens dans la Haute Assemblée,…
Mme Françoise Laborde. Exactement !
M. Jacques Mézard. … à laquelle, faut-il le rappeler, l’article 24 de la Constitution donne mission – et c’est encore vrai pour le moment – de représenter les collectivités territoriales.
Mme Françoise Laborde. Exact !
M. Jacques Mézard. On ne peut reprocher au ministre de l’intérieur d’avoir initié un projet de loi relatif aux élections départementales et municipales ; c’était une obligation. Premièrement, le conseiller territorial avait été créé par la loi et la nouvelle majorité s’était engagée à le supprimer, d’ailleurs avec le soulagement implicite de nombre d’élus de l’ancienne majorité (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) ; deuxièmement, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel indiquaient fermement que les déséquilibres démographiques entre cantons devaient être impérativement modifiés.
L’enterrement du conseiller territorial fut célébré dans la joie ; la naissance du conseiller départemental est vécue dans l’inquiétude et l’incompréhension…
M. Bruno Sido. Dans la douleur !
M. Jacques Mézard. … dues à l’arrivée inopinée de deux faux jumeaux de sexe opposé.
M. Alain Dufaut. Très bien !
M. Jacques Mézard. Il fallait donc imaginer et construire un nouveau dispositif en respectant des équilibres démographiques, tout en tenant compte de la réalité et de la diversité des territoires et en intégrant l’objectif de parité. Très simplement, cela ressemble un peu à la quadrature du cercle !
La solution la plus simple, celle qui aurait créé le moins de remous et qui aurait eu notre préférence, eût été, en conservant le système électoral actuel, de remodeler les cantons pour remédier aux déséquilibres démographiques. (Bien évidemment ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. J’entends votre objection : cela ne résoudrait pas la question de la parité, laquelle n’évoluerait que lentement malgré la mise en place des remplaçants des conseillers généraux. C’est une objection recevable, même si la recherche mathématique et systématique de la parité aboutit parfois à des solutions peu raisonnables.
M. Rémy Pointereau. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. On vient de vivre la séquence du binôme dans la présidence des groupes parlementaires – avec l’issue que l’on connaît – ; à quand le binôme à la présidence de la République ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Hervé Maurey, Jean Boyer et Gilbert Barbier applaudissent également.)
La solution de l’élection départementale à la proportionnelle avait été envisagée ; vous l’avez écartée, monsieur le ministre, et nous vous en remercions, car si la proportionnelle permet de résoudre positivement la question de la parité, elle présente des défauts considérables à nos yeux, le premier étant de couper le lien entre l’élu et le territoire, lien qui, selon nous, est un élément essentiel de la vie démocratique.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Jacques Mézard. Le système est bien sûr désiré ardemment par les militants et les professionnels de la politique, les futurs élus étant choisis dans les sections des partis dans des conditions que l’on connaît trop. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
De fait, avec un tel système, les électeurs choisiraient la tête de liste, futur président du conseil départemental, mais pas les suivants de liste. Vous en avez un exemple pratique avec les conseils régionaux : les électeurs connaissent et choisissent le président du conseil régional,…
M. Rémy Pointereau. Voilà !
M. Jacques Mézard. … mais dans les départements ils ignorent totalement le nom et même l’existence des conseillers régionaux.
M. Rémy Pointereau. Effectivement !
M. Jacques Mézard. Certes, les exécutifs fonctionnent avec une majorité stable, mais est-ce une bonne illustration de la représentation démocratique ?
M. Alain Fouché. Non !
M. Jacques Mézard. Je n’en rajouterai pas une couche avec les circonscriptions des députés européens, caricature s’il en est de l’expression démocratique et de la confiscation du pouvoir par des apparatchiks de quelques partis que l’on ne revoit jamais dans les circonscriptions après l’élection.
M. Rémy Pointereau. Exactement !
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, la proportionnelle aurait pu être retenue uniquement dans les zones très urbanisées.
Un sénateur du groupe UMP. Bravo !
M. Jacques Mézard. Il y a bien, pour l’élection sénatoriale, deux modes de scrutin différents, à étiage flottant selon le pouvoir en place. Vous auriez pu conserver le scrutin actuel hors zones urbaines, mais en fait cela avait un inconvénient politique pour le parti majoritaire. En général, on préfère partager le bien des autres plutôt que le sien. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Après avoir éliminé le système actuel et la proportionnelle départementale, il fallait trouver un autre dispositif : le binôme s’est imposé soudainement, présenté comme le moins mauvais des systèmes, sans d’ailleurs que l’on identifie le vrai père ou la vraie mère dudit système. C’est comme pour le conseiller territorial, cela soulève tellement d’enthousiasme qu’aucun doigt ne se lève pour revendiquer l’idée géniale ! (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)
Ce qui est regrettable, c’est d’avoir considéré, sans une véritable concertation préalable – j’entends par concertation non un aimable entretien d’information, mais une réunion de travail –, que c’était le seul système possible. Notre collègue Pierre-Yves Collombat (Ah ! sur quelques travées de l'UMP.) a démontré par ses propositions sur un scrutin proportionnel calé sur les intercommunalités que l’on pouvait conjuguer représentation du territoire et parité. Cette idée méritait en tout cas d’être étudiée.
Le binôme va passer en force à l’Assemblée nationale. Des voix de députés, grandes et petites, l’ont proclamé dans un garde-à-vous impressionnant, signature de la Ve République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) De ce côté-là, vous avez fait fort pendant longtemps !
M. Bruno Sido. On sait pour quoi on a voté !
M. Jacques Mézard. Le système du binôme n’existe dans aucun autre pays du monde. La France innove, donne l’exemple et à cet instant je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler cette phrase de Jean-François Revel : « Depuis que la France rayonne, je me demande comment le monde entier n’est pas mort d’insolation. » (Sourires.)
Mais puisque le binôme va illuminer notre démocratie, monsieur le ministre, ne soyez pas sourd au message qui remonte de nos territoires, aux petites voix de nos petits territoires trop méconnus dans les visions de l’Île-de-France.
Sur le principe, nous ne sommes toujours pas convaincus de la constitutionnalité du scrutin binominal, de la soustraction au principe de l’individualisation de l’égalité de représentation. Peut-on concevoir une individualisation binominale ?
Nous ne sommes pas davantage convaincus du choix de la procédure réglementaire sur le découpage des cantons,…
M. Bruno Retailleau. Ah !
M. Jacques Mézard. … car il nous semble que, dans la mesure où il s’agit d’une modification générale de circonscriptions électorales, cela relève plutôt de la procédure législative. (M. Bruno Retailleau opine.)
Surtout, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi est ressenti dans nos départements qualifiés de « ruraux » comme un facteur supplémentaire de déséquilibre territorial,…
M. Gérard Bailly. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … de fracture territoriale à l’intérieur même de nos départements. Quand vous ajoutez, couche après couche, les questions de péréquations départementales, lamentablement dévoyées par le vote du 16 décembre de l’Assemblée nationale, les questions de carte scolaire, d’avenir ou non des sous-préfectures,…
M. Alain Fouché. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … de retrait des services de l’État – aggravé par une RGPP aveugle, chers collègues de l’opposition –,…
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Rémy Pointereau. C’est la MAP !
M. Jacques Mézard. … vous devez comprendre, monsieur le ministre, que la création d’immenses cantons ruraux regroupant un nombre considérable de communes, avec la disparition de nombreux chefs-lieux de canton – évidemment, à Paris, on ignore ce qu’est un chef-lieu de canton (M. Robert Tropeano opine.) – qui entraînera des conséquences malgré les propos rassurants figurant dans le rapport, ne peut qu’inquiéter et angoisser nombre d’élus locaux – pas seulement ceux qui vont être euthanasiés par cette loi – et de nos concitoyens.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Jacques Mézard. La France rurale avait peur du conseiller territorial, elle l’exprima par le vote sénatorial de 2011 ; aujourd’hui, elle est inquiète du binôme (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.), elle l’exprimera demain. (Applaudissements sur les mêmes travées. – M. Hervé Maurey applaudit également.) En effet, cette France a constaté l’abandon depuis plusieurs années d’une véritable politique d’aménagement du territoire, la concentration du développement économique autour des métropoles nationales et régionales, l’ajout de la fracture numérique aux autres handicaps dont les déserts de santé. Ne croyez pas, monsieur le ministre, que je m’éloigne du débat ! Je suis bien au cœur du sujet. Ne nous cachons pas derrière des paravents. Oui, le présent gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé, se refuse à dire clairement quel avenir au moins à moyen terme il entend réserver aux départements. Est-ce l’évaporation balladurienne ? Est-ce une recomposition ? Toutes visions, toutes prospectives sont souhaitables, respectables, à condition de les exprimer.
Un sénateur du groupe UMP. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. Certes, le Président de la République a dit faire confiance au Sénat pour réécrire le projet de loi de Mme Lebranchu (Sourires sur les travées de l'UMP.) – les ministres concernés ont dû apprécier ! –, mais voulez-vous faire confiance au Sénat pour réécrire le « projet binôme » et demain le « projet non-cumul » ?
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Jacques Mézard. Nous sommes à votre disposition. (M. Hervé Maurey applaudit.)
Dans cette optique et dans un esprit constructif, il faut, monsieur le ministre, que vous entendiez qu’il n’est pas raisonnable de se cramponner à la règle du plus ou moins 20 % pour la création de nouveaux cantons (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.), que le système de dérogation particulière en fonction des zones de montagne ou littorale, ou autres, serait purement arbitraire, injuste et source de multiples contentieux.
Oui, comme nous l’avons proposé en première lecture, et comme la commission des lois l’a à juste titre accepté, il faut retenir la règle du plus ou moins 30 % qui seule évitera la création de cantons gigantesques sans aucune cohérence, ne permettant plus une représentation efficace et juste des populations concernées.
Oui, un conseiller départemental doit avoir une vision globale de l’action à mener dans son département, mais cette action globale ne peut ni ne doit abandonner les cantons les moins peuplés, où les handicaps géographiques sont les plus lourds.
Un canton au sein d’une grande ville n’a rien à voir avec un canton en zone de montagne. (M. Robert Tropeano opine. – Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. C’est toute la difficulté de l’exercice. Il est des territoires où la suppression d’un canton sur deux aura des conséquences dommageables et je déplore une nouvelle fois que l’utilisation stricte de l’article 40 de la Constitution ait balayé nos amendements relatifs au nombre de cantons.
Je dirai un mot sur le seuil du scrutin pour accéder au second tour de l’élection. Nous avons toujours défendu un seuil assez bas pour préserver l’expression des partis minoritaires. Nous comprenons néanmoins l’attachement de l’UMP au seuil de 12,5 % pour éviter la représentation des extrêmes populistes. En revanche, nous refusons le système voté par la commission réservant le deuxième tour aux deux premiers. Il y en a assez avec l’élection présidentielle. Ne bipolarisons pas à outrance la vie politique locale !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a remis ce principe en cause ce matin.
M. Jacques Mézard. Je ne doutais pas qu’elle le ferait, monsieur le président Sueur. Cela prouve l’évolution de la commission au fil des heures.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elle vous écoute !
M. Jacques Mézard. Quant à l’élection des conseillers municipaux et communautaires, nous avons approuvé l’essentiel des dispositions qui sont proposées, sous réserve de certains amendements. Nous avons beaucoup lutté pour que le seuil d’application du scrutin de liste reste, comme le prévoyait le projet de loi, à 1 000 habitants. Descendre à 500 habitants aurait des inconvénients majeurs, surtout dans la constitution de plusieurs listes. En corollaire, le Sénat avait voté à l’unanimité mon amendement en diminuant le nombre de conseillers municipaux uniquement pour les communes de moins de 100 habitants. Car quel intérêt de diminuer le nombre de conseillers municipaux, ils sont bénévoles, attachés à leurs communes et constituent un élément de lien social irremplaçable ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jacques Mézard. En outre, la représentation dans les intercommunalités par les maires des petites communes qui seront seuls surchargés de travail justifie de ne pas diminuer le nombre de conseillers municipaux.
Enfin, concernant l’élection des délégués communautaires, favorables au fléchage, nous souhaitons la plus grande liberté et la plus grande simplicité dans le dispositif.
Vous le savez, monsieur le ministre, ce texte suscite parmi les sénateurs du RDSE bien des interrogations. Parce que nous sommes viscéralement convaincus de la nécessité du lien direct entre l’élu et le territoire, de l’indispensable représentation non seulement des citoyens mais aussi des territoires, il est des orientations qui nous inquiètent. Notre groupe exprimera vraisemblablement des votes divers en fonction des différentes sensibilités qui s’y expriment librement.
Monsieur le ministre, vous exprimez une conception de la République que nous partageons sur bien des points. Je comprends que le vote du Sénat ne vous satisfasse pas, mais n’écartez pas ce qu’il exprime, non contre votre personne, dont nous apprécions jour après jour l’action et le travail, mais pour une conception de notre République et de son organisation que les réformes doivent non pas fragiliser, mais conforter. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l’UMP. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous apprêtons à vivre un nouveau marathon sénatorial pour la deuxième lecture de ce projet de loi concernant les élections départementales et la désignation des conseillers communautaires !
Ma plus grande espérance – parler d’espoir serait trop terre à terre – est que notre nouveau débat soit plus à la hauteur que le précédent, plus respectueux de nos futures collègues qui feront leur entrée dans nos assemblées départementales.
Elles n’y seront pas des gadgettes, ni une prime, pour le repos de l’élu. Elles n’auront pas à faire leur preuve et les administrations auront toujours le pouvoir que nous, élus, leur laisserons, notamment par notre absentéisme.
Elles seront des politiques, car elles le sont déjà. Elles seront aussi responsables que les hommes du bien-être de la société, après avoir été pendant des siècles les fées du foyer.
Elles auront les défauts des hommes, leurs incompétences, mais aussi leurs qualités et leur pugnacité,…
M. Jean-Michel Baylet. Merci !
Mme Hélène Lipietz. … comme vous et moi !
Bref, j’espère que la honte de nos précédents débats passera aux oubliettes de la toute petite histoire. Reste le regret de n’avoir su faire que le texte présenté à l’Assemblée nationale soit notre texte, c’est-à-dire le texte du Sénat, en lieu et place du texte du Gouvernement.
Certes, nous, les écologistes, avons contribué au rejet du projet de loi par la Haute Assemblée – nous en sommes conscients –, mais ni plus ni moins que les autres groupes.
Avons-nous su nous entendre sur la rénovation de nos institutions ? Avons-nous su trouver le plus petit dénominateur commun possible pour nous retrouver alors que nous sommes si opposés ?
Entre les partisans du conseiller territorial, les adversaires du scrutin binominal, les tenants du tout proportionnel et ceux qui refusent toute proportionnalité, entre les partisans de l’intercommunalité et ceux qu’elle effraie, sans oublier un gouvernement incapable d’entendre même les propositions de forme que je lui présentais, parce qu’elles émanaient d’une écologiste, la précédente discussion n’a pas pu, n’a pas su trouver le chemin du compromis. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Puisse cette nouvelle discussion permettre enfin une véritable écoute de tous les avis ! Elle a déjà bien commencé dès l’étude en commission des lois. Ainsi, nous avons acté le renversement du privilège de l’âge, que l’Assemblée nationale n’avait pas repris.
J’en fus étonnée, car je pensais que l’Assemblée nationale, constituée d’élus plus nombreux, plus jeunes et plus dynamiques (Exclamations sur plusieurs travées.),…