compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaire :

Mme Michelle Demessine.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à deux missions communes d'information

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement, créée sur l’initiative du groupe écologiste en application de son droit de tirage, et de la mission commune d’information sur la filière « viande » en France et en Europe – pour ce qui concerne l’élevage, l’abattage et la distribution –, créée sur l’initiative du groupe UDI-UC, en application de son droit de tirage.

M. le président. En application de l’article 8, alinéas 3 à 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans un délai d’une heure.

3

 
 
 

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modification du calendrier électoral

Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral (projet n° 389 rectifié, texte de la commission n° 406 rectifié, rapport n° 404), ainsi que du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux (projet de loi n° 388 rectifié, texte de la commission n° 405 rectifié, rapport n° 404).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux mois de cela, il neigeait déjà (Sourires.),…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il neige chaque fois que vous venez. Il faut éclaircir ce mystère ! (Nouveaux sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. … j’étais venu devant vous afin de marquer le début d’une étape importante pour nos institutions : celle de l’approfondissement et de la modernisation de la démocratie dans nos territoires.

Aujourd’hui, je vous retrouve évidemment avec beaucoup de plaisir. Il s’agit là d’une étape qu’il nous appartient de franchir dans un esprit de dialogue et, autant que faire se peut, dans un esprit de consensus.

Aujourd’hui, je soumets de nouveau ces deux projets de loi à votre examen.

Aujourd’hui, une question se pose à tous les groupes, je dis bien « à tous les groupes » : cette deuxième lecture permettra-t-elle au Sénat de participer à la définition de nouvelles règles pour les élections locales ?

En première lecture, nous avons eu de longs échanges, mais ce fut, finalement, un rendez-vous manqué.

M. Manuel Valls, ministre. Or, à mon sens, on ne saurait manquer un rendez-vous avec la démocratie, tout particulièrement avec la démocratie locale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre responsabilité – pour ce qui me concerne, j’en assume pleinement ma part – est grande. Ne feignons pas, en effet, d’ignorer le doute qui s’est emparé de nos concitoyens.

Ce constat vaut non seulement pour la France mais aussi pour l’Europe entière : nous assistons à une crise du système représentatif, qui conduit les électeurs à ne plus croire dans la capacité de leurs représentants à entendre leurs attentes et à répondre à leurs préoccupations. Je l’affirme avec gravité : dans les temps actuels, marqués par les difficultés, nous avons, plus que jamais, le devoir impérieux de renforcer nos institutions et de restaurer pleinement la confiance. Celle-ci est essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie. Elle est capitale pour prémunir celle-ci contre les poussées populistes qui, toujours, se sont alimentées de ses faiblesses.

Être élu du peuple est une belle mission, qui a son lot d’exigences. Être élu du peuple – vous tous, ici, en êtes le témoignage – c’est assumer une part de ce qu’est notre présent et de ce que sera notre avenir.

Les élus, chacun dans leurs différentes responsabilités, sont l’expression de la volonté générale. Ils sont la vitalité de notre démocratie. Pour autant, vous le savez, des voix s’élèvent parfois pour les mettre en cause, pour affirmer aussi qu’ils sont trop nombreux ou qu’ils « coûtent cher ».

Comment peut-on refuser de répliquer à ces critiques ? La meilleure des réponses est toujours de consolider ce lien précieux qui unit les citoyens à leurs représentants. C’est précisément le but que visent ces deux projets de loi.

Je l’ai souligné il y a quelques instants, nous avons manqué notre premier rendez-vous ; je vous propose donc de tout faire pour réussir le second. C’est en tout cas dans cet état d’esprit que j’aborde la discussion de ces deux textes, sur la base de la rédaction adoptée en commission des lois, qui a apporté de nombreuses modifications jusqu’à ces dernières heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et même ces dernières minutes.

M. Manuel Valls, ministre. Nos débats d’aujourd’hui s’inscrivent dans un processus global dont il me semble utile de rappeler les grandes étapes.

C’est au Sénat qu’il y a plus d’un an a été adoptée une proposition de loi abrogeant le conseiller territorial.

C’est également au sein de cette assemblée qu’en octobre dernier, sur votre initiative, monsieur le président du Sénat, ont été organisés les états généraux de la démocratie territoriale. À l’issue d’une consultation large et de débats approfondis, le Président de la République a fixé les quatre grands principes qui doivent guider la prochaine étape de la décentralisation : confiance, clarté, cohérence et démocratie.

Cette démocratie vit dans nos territoires, dans les régions, les départements et les communes. Au rythme des lois de décentralisation et des transferts de compétences qui se sont succédé depuis trente ans, une véritable culture de la démocratie locale s’est progressivement affirmée. Celle-ci est faite de dialogue, de concertation, et de proximité. Elle s’appuie sur des élus locaux – au rang desquels vous figurez également, mesdames, messieurs les sénateurs –,…

M. Jacques Mézard. Ça, c’est vrai.

M. Manuel Valls, ministre. … qui ont à cœur de servir leur collectivité, de mettre en mouvement les territoires dont ils ont la charge.

Nos concitoyens sont particulièrement attachés à cette culture de la démocratie locale. En effet, ils savent combien elle les a rapprochés de la décision publique, combien elle leur a permis de mieux faire entendre leur voix.

La démocratie locale a constitué une avancée majeure pour notre République, et, dans cette conquête démocratique, le département a occupé une place importante.

M. Manuel Valls, ministre. Ce rôle historique des conseils généraux renvoie aux acquis mêmes de la Révolution française et de la IIIe République.

M. Manuel Valls, ministre. Ce constat pose, à lui seul, le degré d’exigence que nous devons avoir pour la démocratie locale dans nos départements. Ces derniers incarnent, mieux que tous les autres niveaux de collectivités, la diversité de nos territoires, urbains, périurbains ou ruraux, montagnards, littoraux ou insulaires, en métropole ou dans les outre-mer.

M. Jean-Jacques Hyest. Et en plaine ?

M. Manuel Valls, ministre. Il convient de prolonger fidèlement cet héritage, à l’opposé de la réforme de 2010.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je n’ai pas la prétention de vous convaincre.

M. Bruno Sido. Sait-on jamais ?

M. Manuel Valls, ministre. Je souligne toutefois que la réforme instaurant le conseiller territorial confondait deux échelons, le département et la région,…

M. Manuel Valls, ministre. … qui n’ont ni les mêmes logiques de fonctionnement ni les mêmes perspectives d’action. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la vérité !

M. Manuel Valls, ministre. Cette réforme introduisait, par ce biais, une confusion en matière de compétences. Or la démocratie locale a besoin de transparence. C’est là sa force ; c’est ce qui fait toute sa pertinence.

Approfondir la démocratie locale, c’est accroître l’information du citoyen. C’est mieux l’associer aux processus de décision. C’est concevoir la démocratie comme un lien permanent entre les électeurs et leurs élus, et non pas comme une succession de rencontres ponctuelles, au rythme des scrutins. C’est faire de l’échange régulier avec les citoyens un élément de la vitalité démocratique. Sur ce sujet, je ne vous apprends rien.

Or le conseiller territorial éloignait le représentant de son territoire.

M. Alain Dufaut. Tu parles !

M. Manuel Valls, ministre. Il imposait une distance entre l’élu et les citoyens, c’est-à-dire entre l’élu et la société dont celui-ci est censé porter les aspirations. Par ailleurs, le mode de scrutin était très défavorable à la parité et représentait, à cet égard, une régression par rapport au scrutin régional.

En conséquence, l’abrogation du conseiller territorial était une nécessité. (M. Bruno Sido sourit.) Cependant, rien ne sert d’abroger sans proposer. En matière de démocratie, on ne peut se contenter d’un simple retour en arrière : la seule voie possible, c’est l’approfondissement.

De fait, qui peut penser que l’on puisse, dans la France d’aujourd’hui, élire des conseillers généraux sur la base d’une carte qui, pour les deux tiers, remonte à 1801 ? (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Comment refuser d’admettre que la répartition démographique de la population française a, en deux siècles, profondément évolué ?

Cet enjeu est fondamental car il renvoie au principe démocratique et constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Quelle est l’égalité lorsque le rapport entre les cantons le moins peuplé et le plus peuplé d’un même département peut atteindre 1 à 47 ?

M. Manuel Valls, ministre. Quelle est l’égalité quand, dans dix-huit départements, ce rapport excède 1 à 20 et quand, dans quatre-vingt-huit départements – soit la presque totalité ! – il dépasse 1 à 5 ?

Nous ne pouvons plus accepter de telles inégalités qui conduisent à ce que les voix de certains électeurs pèsent moins que celles d’autres citoyens. En conséquence, un redécoupage global de la carte cantonale s’impose.

Remodeler n’est jamais chose aisée, paraît-il, et la seule solution est d’avoir recours à de grands principes, appliqués uniformément. Aussi avons-nous fait le choix d’une règle simple : l’écart entre la population d’un canton donné et la moyenne départementale ne pourra excéder 20 %.

Un sénateur du groupe UMP. Ce n’est pas assez !

M. Manuel Valls, ministre. Ce chiffre ne relève pas du hasard, il est celui que le Conseil constitutionnel retient pour le redécoupage des circonscriptions législatives. C’est d’ailleurs pourquoi le Conseil d’État a préconisé de le choisir dans l’avis qu’il m’a rendu parallèlement à l’élaboration de ce projet de loi.

Nous avons discuté de ce sujet en première lecture et je ne doute pas que cela sera encore le cas. Si le scrutin binominal est accepté par le Sénat, la discussion pourra ensuite, bien entendu, porter sur cette question. Cela ne se produira pas dans le cas contraire.

M. Jean-Claude Lenoir. Tiens donc ! C’est du chantage !

M. Manuel Valls, ministre. Non, c’est de la cohérence !

Qui peut penser, également, que dans la France d’aujourd’hui on puisse encore concevoir un mode de scrutin départemental qui ne serait pas paritaire ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Manuel Valls, ministre. La parité a progressé partout. Dans les municipalités, dans les régions, au gouvernement.

M. Jackie Pierre. Au Sénat !

M. Manuel Valls, ministre. Au Parlement également, même s’il reste des progrès à faire ! Dans ce mouvement d’ensemble, les départements font figure d’exception. Cela, mesdames, messieurs les sénateurs, ne pouvait plus durer.

C’est pourquoi, dans chaque canton, seront élus, solidairement, deux candidats de sexe différent. (M. Jackie Pierre s’exclame.) La parité sera donc assurée. C’est là une exigence démocratique qui transformera profondément les assemblées départementales et leur permettra d’être à l’image de la société.

Vous le savez, la parité des assemblées ne se traduit pas nécessairement dans leur exécutif : 95 % des présidents et 85 % des vice-présidents des actuels conseils généraux sont des hommes. Ce texte prévoit donc d’étendre l’obligation de parité, comme c’est le cas pour les régions, à l’exécutif départemental.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Qui peut accepter que, dans la France d’aujourd’hui, qui a enfin réussi la « révolution » de l’intercommunalité, les responsables de ces structures, aux compétences et aux responsabilités croissantes, ne soient pas élus directement par les électeurs ?

Pour nombre de nos concitoyens, l’échelon intercommunal est une réalité dont ils ont pleinement conscience. Ils savent très bien, pour le vivre quotidiennement, que c’est à ce niveau que se prennent aujourd’hui des décisions dans de nombreux domaines : la voirie, les infrastructures, les transports. Et demain, plus encore, notamment en matière de développement économique ou de formation.

Cette réalité des politiques publiques doit devenir une réalité démocratique. C’est là l’objectif du système de fléchage prévu par ce projet de loi. Il s’agira d’identifier, sur la même liste que celle de l’élection municipale, celles et ceux qui seront appelés à siéger au conseil de l’intercommunalité. Ce système permet de préserver l’échelon municipal, une exigence que je fais mienne, et notamment la figure du maire à laquelle les Français sont légitimement attachés – c’est l’échelon de proximité par excellence – tout en offrant une plus grande lisibilité aux électeurs.

Qui peut accepter, enfin, que, dans la France d’aujourd’hui, on laisse encore s’appliquer, dans bien des communes, le jeu parfois étonnant du raturage et du panachage ?

Pour éviter cela, ce projet de loi prévoit d’abaisser le seuil à partir duquel les élections municipales sont organisées au scrutin de liste proportionnel. Le Gouvernement avait proposé le seuil de 1 000 habitants ; le Sénat l’avait approuvé. L’Assemblée nationale a retenu celui de 500 habitants (M. Alain Dufaut s’exclame.), qui ferait que 93 % de la population voteraient avec ce mode de scrutin pour les élections municipales. Un mode de scrutin qui, par ailleurs, garantit la parité.

Égalité devant le suffrage, parité, démocratisation de l’intercommunalité, tels sont les objectifs auxquels entend répondre ce projet de loi. Nous pouvons encore débattre des solutions préconisées, dans ces domaines, par les uns et les autres, mais nous ne devons dévier en aucun cas des grandes orientations fixées par le Président de la République.

Nous avons là l’opportunité de donner une impulsion nouvelle, forte et cohérente. Au moment de reprendre nos débats, je veux vous dire, en toute franchise, quel est l’état d’esprit du Gouvernement.

Nous avons une ambition pour la démocratie locale, mais nous savons aussi qu’une réforme est d’autant plus efficace qu’elle se fait dans un climat de sérénité et qu’elle s’appuie sur une assise qui soit la plus large possible.

Un sénateur du groupe UMP. Comme au Sénat !

M. Manuel Valls, ministre. Comme tout texte, celui-ci mérite sans doute d’être enrichi sur de nombreux points et peut-être corrigé sur d’autres. C’est tout le sens du travail parlementaire.

Le Gouvernement est donc prêt à un certain nombre de débats et de compromis, mais ne se compromettra pas. (MM. Louis Nègre et Bruno Retailleau sourient.) J’ai dressé un constat et esquissé des pistes. J’en tire des conclusions précises, mais aussi des exigences que je rappellerai tout au long de nos futures discussions.

Comme le Sénat, l’Assemblée nationale a fourni un travail important. Mais elle a approuvé le texte. Sur de nombreux points, elle l’a enrichi et y a introduit des avancées notables. Je pense, par exemple, aux critères qui doivent présider au futur redécoupage et garantir une bonne représentation de la diversité de nos territoires, ce qui était au cœur d’un certain nombre de nos discussions en première lecture. Ce texte – celui qui a été transmis à votre assemblée – est donc satisfaisant pour le Gouvernement.

Les travaux de votre commission des lois ont permis d’aboutir, jusqu’à il y a quelques minutes, à l’adoption d’un texte : celui que nous examinons aujourd’hui. À bien des égards, il s’éloigne des travaux de l’Assemblée nationale.

Un sénateur du groupe UMP. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Mais je tiens à vous dire une fois encore ma volonté de mener un dialogue constructif avec l’ensemble des groupes du Sénat afin de déboucher sur un texte qui vous engage, je tiens à insister sur ce point, et qui permette au Sénat, à votre assemblée, à vous qui représentez les collectivités locales d’apporter votre contribution à cette réforme.

Dans la construction de cet accord, certains points sont fondamentaux pour le Gouvernement. Tout d’abord, le mode de scrutin binominal. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Dommage !

M. Jean-Claude Lenoir. Ça commence bien !

M. Manuel Valls, ministre. C’est la substance de la réforme que je vous propose d’accomplir. C’est aussi le seul moyen, car je n’en ai pas entendu d’autre,…

Un sénateur du groupe UMP. Si !

M. Manuel Valls, ministre. … de concilier les deux exigences de parité et d’ancrage territorial.

M. Joël Labbé. Il y a la proportionnelle, aussi !

M. Manuel Valls, ministre. Non ! La proportionnelle ne permet pas l’ancrage territorial, et le retour en arrière ne permet pas la parité ! (Exactement ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Chiron. Et voilà !

M. Manuel Valls, ministre. Nous sommes maintenant en deuxième lecture, chacun connaît les arguments. Si l’on veut et la parité et l’ancrage territorial, il faut voter, et je le dis à la majorité comme à l’opposition, pour le scrutin binominal ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Alain Fouché. Et la suppression des cantons ruraux, qu’en faites-vous ?

Mme Éliane Assassi. Et si on veut le pluralisme ?

M. Manuel Valls, ministre. Madame la présidente, le pluralisme, c’est le choix des électeurs. Le scrutin majoritaire à deux tours n’empêche pas le pluralisme, ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat.

Quant à la parité, elle est possible…

Mme Éliane Assassi. Ne me faites pas la leçon sur la parité !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne fais aucune leçon, je ne me le permettrais pas, madame la présidente.

Mme Éliane Assassi. Surtout pas vous !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous en prie, madame la présidente ! J’ai dit que je voulais entamer ce débat dans le meilleur état d’esprit.

Mme Éliane Assassi. Alors il faut écouter !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous écoute avec la plus grande attention, mais le Gouvernement n’acceptera pas la proportionnelle pour les départements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Roche applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Et le Gouvernement a raison,…

M. Bruno Retailleau. Sur ce point, oui, il a raison !

M. Didier Guillaume. … il n’y a pas d’autre solution !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous rappelle, madame la présidente, que votre organisation politique anime deux départements qu’elle a gagnés au scrutin départemental. Pas de faux débats entre nous, il n’empêche donc pas la représentation des forces politiques !

M. Didier Guillaume. Au contraire !

M. Manuel Valls, ministre. Le département tel que nous le concevons, tel que je l’ai décrit, est représentatif de nos territoires et de leur diversité, et a donc besoin d’élus ancrés dans cette réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. Et dans le même temps, nous voulons cette parité.

L’élection par fléchage des délégués communautaires est également un point essentiel. Je suis très sensible aux propositions concernant Marseille et Lyon. C’est en posant les bases d’une démocratie intercommunale aboutie que nous pourrons envisager l’avenir de ces territoires.

Enfin, la modification du calendrier électoral est un troisième élément fondamental. Il s’agit de garantir une meilleure participation aux élections locales, et, par la concomitance des élections régionales et départementales, de créer – en tout cas, nous l’espérons – des dynamiques communes à ces échelons territoriaux.

Sur ces quelques points, le Gouvernement restera vigilant à ce que le texte ne soit pas dénaturé. Nous veillerons également à ce que ce texte reste compatible en tout point avec la jurisprudence constitutionnelle. Il y va de la pérennité de cette réforme comme de notre crédibilité à tous. J’ai donc déposé, au nom du Gouvernement, un certain nombre d’amendements au texte de votre commission. Mais, comme vous le constatez, le champ des débats reste très large et je suis très sensible à toutes les propositions constructives qui permettront, par exemple, de garantir une bonne représentation de nos territoires ruraux.

M. Alain Fouché. Il faut y être très attentif !

M. Manuel Valls, ministre. N’en doutez pas un seul instant !

M. Alain Fouché. Il ne faut pas que les villes soient majoritairement représentées ! Vous, les socialistes, êtes-vous d’accord avec cela ?... (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Je vous connais !

M. Manuel Valls, ministre. Tous les débats que nous avons eus en première lecture, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, nous ont permis d’avancer sur ce sujet. Nous sommes bien conscients que la taille des cantons, la représentation d’un certain nombre de territoires nécessitent des critères. Le Sénat y avait travaillé, l’Assemblée nationale également. Si chacun s’engage en faveur du scrutin binominal, nous pourrons, je crois, avancer intelligemment sans nous mettre en difficulté par rapport à la jurisprudence constitutionnelle.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien du chantage !

M. Manuel Valls, ministre. Vous connaissez ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, les données de notre débat, et je vous invite très poliment à vous inscrire dans une perspective de dialogue. (M. Bruno Sido sourit.) Mais pour que cet exercice de franchise soit fructueux, chacun doit s’y livrer, chacun doit dire clairement ce qu’il veut et présenter son projet pour nos collectivités.

M. Jean-Claude Lenoir. Donnant-donnant !

M. Manuel Valls, ministre. Chacun doit également, en toute transparence, expliciter les évolutions possibles. Il ne servirait à rien qu’une seule partie fasse des compromis.

M. Manuel Valls, ministre. Un accord, cela se construit ensemble.

M. Didier Guillaume. Absolument !

M. Manuel Valls, ministre. Vous l’avez compris, le Gouvernement y est prêt ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui de nouveau saisi des deux projets de loi relatifs à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Le projet de loi, je le rappelle, a été rejeté le 18 janvier dernier tandis que le projet de loi organique a été adopté à l’unanimité. Le scrutin binominal départemental n’est pas parvenu à réunir une majorité d’adhésion. C’était hier ! (M. Alain Dufaut sourit.) C’est un moment de l’histoire.

M. Jean-Claude Lenoir. Quel ton funèbre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. Mais nous sommes ici pour continuer à écrire cette histoire.

Le 26 février dernier, l’Assemblée nationale a voté ces deux projets de loi en en conservant l’architecture générale et en les enrichissant de nombreuses dispositions nouvelles.

Je rappellerai rapidement les travaux du Sénat en première lecture.

Le 19 décembre dernier, notre commission a adopté un certain nombre d’améliorations rédactionnelles ainsi que quelques innovations comme celle, très importante, qu’a proposée notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui renverse le principe traditionnel d’acquisition de l’élection en cas d’égalité des suffrages. Désormais, celle-ci serait acquise au plus jeune.

En séance publique, le Sénat a supprimé l’article 2 relatif au mode de scrutin binominal, ce qui a conduit, par cohérence, à rejeter les articles 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 qui proposaient les coordinations nécessaires dans le code électoral à ce mode de scrutin.

Toutefois, avant le rejet global du présent projet de loi, notre Haute Assemblée a adopté le changement d’appellation du conseil général et l’abrogation du conseiller territorial – articles 1er et 25 –, le renouvellement intégral des conseils départementaux tous les six ans – article 4 –, ainsi que la procédure applicable lorsque le nombre de conseillers départementaux non domiciliés dans le département est supérieur au quart de l’effectif du conseil départemental – article 7.

S’agissant du remodelage de la carte cantonale, le Sénat a également supprimé les articles 3 et 23 en raison des inquiétudes exprimées sur la représentation des territoires faiblement peuplés et leur prise en compte dans les politiques départementales. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement, adopté à l’unanimité par le Sénat, qui proposait d’élargir les dérogations aux principes de remodelage de la carte cantonale. Aux dérogations géographiques étaient ajoutés les dérogations démographiques, d’équilibre d’aménagement du territoire, ainsi que le nombre de communes. Ces dérogations auraient été fixées par un décret en Conseil d’État.

Le Sénat a complété le dispositif proposé pour réformer le régime électoral municipal afin d’en préserver la cohérence et de faciliter la vie municipale.

Tout d’abord, pour ce qui concerne l’application du scrutin proportionnel, il s’en est tenu au seuil de 1 000 habitants, raisonnable au regard des conséquences induites par l’élargissement de ce mode de scrutin pour les communes concernées et de l’objectif de parité.

Ensuite, les modalités de candidature et de vote dans les communes de moins de 1 000 habitants ont été complétées sur deux points : d’une part, pour préciser les modalités de publicité des candidatures, que la commission des lois avait rendu obligatoires ; d’autre part, pour interdire à un candidat de l’être dans plus d’une circonscription électorale. En conséquence du principe de l’obligation de candidature, alors que les bulletins de vote incomplets et le panachage ont été maintenus dans les communes de moins de 1 000 habitants, les noms de non-candidats qui y seraient portés ne seraient pas décomptés lors du dépouillement du scrutin.

Sur l’initiative de la commission des lois, le Sénat a complété le projet de loi organique pour aligner le mandat municipal pris en compte au titre de la limitation du cumul des mandats sur le seuil de 1 000 habitants, par référence au critère objectif du seuil du changement de mode de scrutin.

Enfin, pour répondre aux difficultés de candidature, la commission des lois a diminué de deux unités l’effectif des conseils municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. Le Sénat, en séance publique, a étendu cette mesure à d’autres catégories de communes ; nous serons amenés à revenir sur ce sujet.

S’agissant du fléchage, le Sénat a souhaité offrir aux collectivités le moyen de mieux coordonner responsabilités communales et intercommunales, en assouplissant le dispositif gouvernemental du « stockage » en tête de liste des candidats fléchés pour le conseil de l’intercommunalité. L’objectif est de concilier, d’une part, la liberté du choix des candidatures fléchées selon des modalités clairement déterminées et, d’autre part, la sincérité du scrutin. C’est pourquoi, dans les communes de 1 000 habitants et plus, la Haute Assemblée a limité la faculté de « flécher » à une partie de la liste seulement. Monsieur le ministre, nous n’avons pas fini de débattre (M. le ministre opine.), y compris du fléchage.

La vacance de siège, pour quelque cause que ce soit, serait pourvue par le suivant de liste.

Afin de conforter la légitimité démocratique des conseils communautaires qui seront élus demain au suffrage universel direct, les candidats qui figureront sur la liste des candidats au conseil municipal apparaîtront aussi séparément sur le bulletin de vote dans l’ordre de leur présentation.

En outre, le Sénat a réglé le cas de la section électorale qui, par le jeu de la répartition des sièges attribués à la commune entre les sections ou secteurs municipaux à la proportionnelle de leur population, ne se verrait attribuer aucun délégué au sein de l’intercommunalité : afin de permettre la participation des électeurs au choix des délégués communautaires, l’élection du ou des délégués s’effectuerait alors pour l’ensemble de la commune comme s’il n’y avait pas de sectionnement.

Je conclurai ce bref rappel de nos travaux en première lecture en mentionnant l’adoption d’une nouvelle dérogation aux critères démographiques de création d’une communauté d’agglomération.

L’Assemblée nationale a retenu l’architecture générale de la réforme des scrutins locaux, laquelle a été prolongée par diverses mesures qui ne sont pas toutes de nature électorale.

Elle a adopté l’ensemble des dispositions relatives au nouveau mode de scrutin des conseillers départementaux ainsi que l’abrogation du conseiller territorial. Elle a apporté plusieurs améliorations rédactionnelles, dont certaines avaient été proposées et adoptées par notre commission des lois ou par le Sénat.

Parmi celles-ci, citons l’article 1er bis, qui réaffirme le rôle du département comme garant de la solidarité sociale et de la solidarité territoriale.

Quant à l’article 5 bis, il allonge le délai interdisant à certains responsables de services départementaux de se présenter aux élections départementales s’ils n’ont pas, au préalable, abandonné leurs fonctions au sein de ce département au moins un an auparavant.

De même, en vertu de l’article 6 bis, tout conseiller départemental qui se serait présenté et serait élu dans un autre canton lors d’une élection partielle serait déclaré démissionnaire d’office par le préfet de département de son mandat en cours, ce qui lui permettrait de conserver son nouveau mandat.

L’article 7 bis dispose, en revanche, que tout candidat qui se présenterait simultanément dans plusieurs cantons, en dépit de l’interdiction posée à l’article 8, qui dispose que « nul ne peut être candidat dans plus d’un canton », perdrait de plein droit ses mandats de conseiller départemental. Le candidat ainsi élu serait déclaré démissionnaire d’office de l’ensemble de ses mandats par le préfet de département.

L’article 8 étend désormais à l’ensemble des cantons la déclaration, pour les binômes de candidats, d’un mandataire financier, aujourd’hui réservé aux seuls cantons de plus de 9 000 habitants.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté, tout en les précisant, les dispositions relatives au remodelage de la carte cantonale.

Ainsi, elle a repris l’amendement que le Gouvernement avait déposé à l’article 3, en séance publique au Sénat, selon lequel, d’une part, le nombre de cantons dans lesquels seraient élus les futurs conseillers départementaux serait égal à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l’unité supérieure impaire et, d’autre part, le nombre de cantons dans les départements de plus de 500 000 habitants ne pourrait être inférieur à quinze. Le nombre des conseillers départementaux à Mayotte a été relevé à 26 pour tenir compte de cette règle de calcul du nombre de cantons impair – article 2 bis du projet de loi organique. La combinaison de ces deux articles permet le maintien de 52 cantons supplémentaires par rapport aux dispositions initiales du projet de loi. (M. Jackie Pierre s’exclame.)

S’agissant des principes encadrant la procédure de remodelage de la carte cantonale, l’Assemblée nationale a repris, dans son esprit, l’amendement que j’avais déposé au nom de notre commission et qui avait été adopté à l’unanimité par le Sénat. Ainsi, les dérogations concerneraient, outre des considérations géographiques et tout autre motif d’intérêt général, des considérations démographiques et d’aménagement du territoire. Ces dérogations ont été complétées afin de préciser les dérogations géographiques pour tenir compte de la superficie, du relief et de l’insularité, et de prendre en compte le nombre de communes pour éviter la constitution de cantons trop étendus.

L’Assemblée nationale a complété le dispositif consacré au régime électoral municipal ; certaines des dispositions nouvelles ont été à l’initiative du Sénat.

À l’article 16, l’Assemblée nationale a étendu le scrutin proportionnel aux communes de 500 habitants. Toutefois, le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, le député Pascal Popelin, a rappelé que les avis étaient très partagés sur le niveau démographique à retenir, mais que, en tout état de cause, un consensus se dégageait pour l’abaisser.

En outre, s’inscrivant dans la voie ouverte par le Sénat, l’Assemblée nationale a généralisé l’obligation de déclarer sa candidature à toutes les communes, quel que soit le mode de scrutin applicable. Elle a, en conséquence, modifié le régime encadrant l’élection municipale dans les communes relevant du scrutin majoritaire et a adapté la situation d’une personne élue le même jour dans plusieurs communes, laquelle serait déchue de plein droit de l’ensemble de ses mandats municipaux. Elle a précisé les mesures de publicité des candidatures. L’article 25 bis réintègre le contentieux municipal dans le droit commun, à l’instar de l’article 10 pour les élections départementales, en supprimant l’exception spécifique au principe de l’effet suspensif de l’appel au Conseil d’État.

Enfin, l’article 18 bis diminue de deux unités l’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, en conservant parallèlement le même nombre d’électeurs sénatoriaux que celui qui est aujourd’hui en vigueur. Les députés ont donc largement poursuivi la voie ouverte par le Sénat.

L’Assemblée nationale a ajusté le volet intercommunal.

Elle a, tout d’abord, qualifié les membres des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre de « conseiller intercommunal », une appellation qui lui paraît plus conforme à leur nouveau régime de désignation au suffrage universel direct.

L’Assemblée nationale a, ensuite, organisé les conséquences de la suppression, de la dissolution ou de l’annulation de l’élection d’un conseil municipal sur la composition et le fonctionnement de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre auquel appartient la commune concernée en prorogeant le mandat de ses délégués jusqu’à l’élection suivante. L’inéligibilité d’un ou de plusieurs candidats, dans le cadre du scrutin proportionnel municipal, n’entraînerait l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles, alors remplacés par leurs suivants de liste n’exerçant pas de mandat intercommunal.

Les modalités d’attribution des sièges aux sections électorales de moins de 1 000 habitants qui correspond à une commune associée « Marcellin » ou à une commune déléguée, créée en application de la loi de 2010, ont été remaniées au profit du maire délégué, puis des conseillers municipaux de la section dans l’ordre décroissant du nombre de suffrages obtenus. Par ailleurs, au cas où, par le jeu du scrutin proportionnel, une section n’obtiendrait aucun siège, les sections électorales de la commune seraient supprimées. Cependant, dans les communes de plus de 500 habitants, le territoire de chacune d’entre elles serait alors institué en commune déléguée soumise au régime rénové des communes nouvelles, créé par la loi du 16 décembre 2010.

Sur chacun de ces points, je ne peux pas affirmer que la Haute Assemblée suivra la position de l'Assemblée nationale.

Le tableau de la municipalité, aujourd’hui de nature réglementaire, est légalisé en raison de son intervention dans l’attribution des sièges de conseillers communautaires. Les inéligibilités frappant le mandat municipal ont été complétées pour y intégrer les emplois de direction au sein des services d’un EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, le régime d’incompatibilité entourant le mandat de conseiller intercommunal a été étendu à l’exercice d’un emploi salarié au sein de l’EPCI ou de ses communes membres.

Enfin, de nouvelles retouches aux règles de composition des conseils communautaires ont été apportées.

L’article 20 quinquies repousse de deux mois la date limite fixée aux communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération pour parvenir à un accord sur la répartition des sièges au sein du conseil de l’intercommunalité. Le mandat des délégués des EPCI à fiscalité propre qui fusionneront au 1er janvier 2014 est prorogé jusqu’à l’installation de l’organe délibérant de l’intercommunalité issue de la fusion, dans sa composition résultant des élections de mars 2014. Cependant, durant la période transitoire, un exécutif collégial composé des présidents des établissements fusionnés gérerait les affaires courantes et urgentes.

L’article 20 octies prévoit d’élire au suffrage universel direct les membres du comité d’un syndicat d’agglomération nouvelle et de lui étendre les règles entourant la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures ponctuelles qui ne sont pas toutes de nature électorale.

L’article 19 bis opère dans le régime du cumul des députés européens une coordination analogue à celle qui est effectuée pour les parlementaires nationaux à l’article 1er A du projet de loi organique. Il aligne donc le mandat municipal visé par l’incompatibilité sur le nouveau seuil d’application du scrutin municipal proportionnel.

L’article 20 ter, prolongeant en cela l’initiative sénatoriale, modifie le régime de l’écrêtement indemnitaire, en prévoyant le reversement de l’écrêtement au budget de la personne publique au sein de laquelle l’élu concerné exerce le plus récemment un mandat ou une fonction. Ce dispositif a été étendu aux membres des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon par l’article 2 ter du projet de loi organique.

L’article 21 A règle le sort des indemnités attachées aux mandats de l’élu en situation d’incompatibilité pendant la période du droit d’option qui lui est ouvert pour régulariser sa situation. Tant que celle-ci ne sera pas réglée, l’élu ne percevrait aucune indemnité attachée au dernier mandat acquis ou renouvelé.

L’article 21 B « réaffirme le droit », en interdisant le versement des indemnités perçues par les élus aux partis politiques ou aux candidats par le biais de leur collectivité.

L’article 20 septies prévoit une double dérogation aux critères démographiques de création d’une communauté d’agglomération mais, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation du présent projet de loi.

Tout en approuvant différentes innovations votées par les députés, la commission des lois a maintenu la position qu’elle a prise en première lecture sur les principaux fondements du texte, tout en adoptant des modifications substantielles. Elle a aussi supprimé certains ajouts de l’Assemblée nationale, soit parce qu’ils soulèvent des difficultés, soit parce qu’ils excèdent l’objet du présent texte.

Concernant le volet départemental, la commission des lois a adopté, outre des amendements rédactionnels, plusieurs modifications, certaines d’entre elles ayant déjà été votées en première lecture.

Ainsi, à l’article 5, la commission a rétabli le principe selon lequel, en cas d’égalité de suffrages entre deux binômes, l’élection est acquise à celui qui comprend le candidat le plus jeune. Le même critère a été retenu pour l’attribution de sièges en cas d’égalité des suffrages au scrutin majoritaire.

La commission a abrogé, à l’article 7, l’article L. 209 du code électoral relatif à la domiciliation des conseillers départementaux et à ses conséquences lorsque les conseillers non domiciliés dans un département représentent plus du quart des membres du conseil. Elle a également adopté le principe selon lequel seuls les deux binômes de candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second tour lors des élections départementales. Mais, sur ce point également, les choses ont évolué.

De même, à l’article 9, la commission a prévu l’organisation d’une élection partielle en cas de vacance d’un siège de conseiller départemental dans un canton.

S’agissant de l’article 23, la commission a introduit plusieurs modifications.

Tout d’abord, elle a élargi le deuxième critère régissant le remodelage de la carte cantonale : toute commune dont la population serait inférieure au dixième de la population moyenne des cantons du département ne pourrait être répartie entre plusieurs cantons.

Ensuite, elle a relevé l’écart entre la population d’un canton et la population moyenne des cantons du même département de 20 % à 30 %.

Enfin, elle a précisé les dérogations aux principes régissant le redécoupage de la carte cantonale, qui seraient définies par un décret en Conseil d’État.

Sur le volet communal, la commission des lois a rétabli le seuil de 1 000 habitants pour l’application du scrutin municipal proportionnel, qui lui paraît l’étiage le mieux ajusté au regard de la diversité et des spécificités communales.

Sur le volet intercommunal, la commission des lois a choisi de donner aux membres des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre le nom de « conseillers communautaires » ; il lui paraît refléter mieux la nature de ces établissements qui sont des « coopératives de projets », selon l’expression pertinente du père de la loi du 12 juillet 1999, notre collègue Jean-Pierre Chevènement.

Par ailleurs, la commission des lois a supprimé le lien de dépendance, introduit par les députés, entre le mandat municipal ou d’arrondissement et le sort du mandat intercommunal.

Elle a également rétabli l’assouplissement des modalités du fléchage sur les listes des candidats au conseil communautaire dans les communes de 1 000 habitants et plus.

En matière de sectionnement électoral, elle a confirmé le mécanisme voté par le Sénat en première lecture : dans le cas où une section électorale ne se verrait attribuer aucun siège à l’intercommunalité, l’élection des conseillers communautaires serait organisée sur l’ensemble du périmètre communal, comme s’il n’y avait pas de sections, afin de respecter le principe de l’égalité des suffrages.

En outre, la commission des lois a simplifié, dans les communes régies par le scrutin majoritaire, le régime des vacances au conseil de l’intercommunalité : celles-ci seront pourvues dans l’ordre du tableau de la municipalité, quel que soit leur motif. Elle a décidé que l’exécutif d’un EPCI à fiscalité propre résultant de la fusion d’établissements au 1er janvier 2014 serait confié, durant la période transitoire s’étendant jusqu’à l’élection de son organe délibérant au mois de mars suivant, au plus âgé des présidents des EPCI ayant fusionné ; du reste, c’est ce que le code général des collectivités territoriales prévoit pour le droit commun des fusions.

La commission des lois a maintenu le dispositif en vigueur pour régler la composition de l’organe délibérant des EPCI à fiscalité propre entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux en cas de fusion ou d’extension de leur périmètre. Elle a écarté l’extension du régime de composition et de désignation des EPCI à fiscalité propre aux syndicats d’agglomération nouvelle ; ceux-ci, en effet, sont des structures de gestion d’une opération d’urbanisme, appelées à disparaître à l’achèvement des travaux d’aménagement.

La commission des lois a supprimé la dérogation expérimentale aux critères démographiques pour la création d’une communauté d’agglomération, en considérant que cette disposition excédait l’objet du projet de loi. Elle a supprimé également l’application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, soit parce que la législation relative à l’intercommunalité ne s’y applique pas, soit parce qu’elle prévoit des spécificités.

Enfin, la commission des lois a fixé l’entrée en vigueur de la réforme de l’écrêtement indemnitaire à la date du renouvellement de la collectivité concernée, afin de faciliter la mise en œuvre du nouveau dispositif.

Mes chers collègues, la réforme soumise à notre examen en deuxième lecture renforcera la légitimité des élus. Les innovations qu’elle comporte, dont je ne mésestime pas l’ampleur, permettront d’adapter la loi aux évolutions de la gestion locale et d’accroître la diversité dans la composition des assemblées délibérantes. C’est dans cet esprit que la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu’elle a établi pour le projet de loi organique et pour le projet de loi.

Monsieur le ministre, comme le président Jean-Pierre Sueur et moi-même, la plupart des membres de la commission des lois souhaitent apporter leur pierre à l’édification de la loi. Sans rien renier de nos convictions profondes et sans les sous-estimer, nous avons souhaité travailler avec une volonté constructive certaine. Il convient aujourd’hui de franchir une dernière étape ; elle peut être essentielle pour le Sénat dans son rôle de représentant des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault ainsi que MM. Jean-René Lecerf et René-Paul Savary applaudissent également.)