M. Dominique de Legge. Je remercie tous ceux qui ont soutenu l’amendement que j’ai présenté ou qui l’ont trouvé sympathique. En fait, il est plus que cela : il est porteur d’une espérance !
J’ai été frappé, lors de la discussion générale et en écoutant les interventions précédentes, que beaucoup aient expliqué que l’article 11 de la Constitution n’aurait finalement pas tellement d’occasions de s’appliquer.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est sûr !
M. Dominique de Legge. Par conséquent, je m’étonne que cet amendement, qui donnera corps à cet article…
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Dominique de Legge. … en permettant cette expression populaire, puisse être considéré par certains comme dangereux.
Je souligne une fois de plus que l’article 11 porte bien sur l’organisation des pouvoirs publics. Par conséquent, cet amendement est tout à fait recevable.
J’ai entendu ce qu’a dit Mme la garde des sceaux au nom du Gouvernement, et je l’en remercie, mais, pour ma part, je préfère tenir que courir. Pourquoi reporter à demain ce qui peut être fait aujourd’hui ? Sans compter que, ce qui l’emportera sans doute lors du scrutin public, ce sera moins le débat d’aujourd’hui que d’autres logiques, y compris pour le groupe UMP.
Madame la garde des sceaux, je peux vous citer les déclarations d’un certain nombre de Bretons éminents, à commencer par Jean-Yves Le Drian et Marylise Lebranchu, ministres de ce gouvernement, sur cette question, et je souhaite qu’elles leur soient rappelées.
La situation est claire : le conseil régional s’est prononcé favorablement à l’unanimité sur cette question. Il reste maintenant à organiser une consultation des habitants. C’est à l’État qu’il appartient de décider s’il veut ou non engager cette consultation. Le Gouvernement a eu aujourd’hui l’occasion de faire connaître sa position en la matière. J’ai entendu qu’il fallait attendre un autre texte. Nous ne manquerons pas de rappeler à ce moment-là l’engagement que vous avez pris aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Ne réduisons pas le débat à une opposition entre la Bretagne historique et la République jacobine. Tel n’est pas le sujet !
La question qui se pose aujourd’hui, Hugues Portelli l’a bien dit, est de savoir quel type de démocratie nous voulons : une démocratie exclusivement représentative ou une démocratie qui admet un peu d’expression directe ? Voyez ce qui s’est passé le week-end dernier dans un pays voisin ! Cela devrait nous inciter à évoluer.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. François Zocchetto. La démocratie représentative est en crise en Europe. Continuons comme nous le faisons aujourd’hui et nous aurons des résultats comme ceux que nous observons chez nos voisins. Personnellement, je ne le souhaite pas. Si nous voulons conforter notre système de démocratie représentative, donc le rôle des parlementaires, nous devons admettre qu’une expression directe puisse s’exprimer de façon évidemment encadrée.
Je trouve paradoxal que ceux – nombreux – qui sont favorables au projet de loi réduisent finalement ce texte à peu de choses en disant que cette procédure existe mais qu’il ne faut surtout pas l’utiliser.
J’appartiens à un département qui a été rattaché quasiment de force, disons-le, à la région des Pays-de-la Loire. Même si ce n’est pas le sujet qui nous occupe ce matin, je ne peux manquer de vous livrer mon expérience.
Le conseil général, qui avait été consulté, avait souhaité le rattachement à une autre région, en l’occurrence la Bretagne. À l’époque, malheureusement, on ne pouvait pas demander l’avis de la population. Je dis bien « malheureusement », car, depuis des années, nous subissons cette situation. Dans la mesure où un seul département est concerné, cela ne met pas notre pays en danger, mais c’est un exemple de contrainte qui ne doit pas pouvoir être encouragé.
L’argument juridique avancé par les grands spécialistes qui se sont exprimés tout à l’heure est à prendre en considération, car nous sommes dans un État de droit, mais je note une divergence d’interprétation entre nous. Il appartiendra donc au Conseil constitutionnel de trancher.
En dépit de ce doute juridique, je suis prêt à passer outre aujourd’hui, car se manifeste vraiment une volonté d’expression directe, qui ne préjuge pas du tout le résultat de la consultation. Il est nécessaire de faire respirer notre démocratie représentative. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement qui a été présenté par Dominique de Legge. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – MM. Dominique de Legge et Hugues Portelli applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié nonies et 4 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 58 |
Contre | 258 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Hélène Lipietz. Oh là là !
M. Jean-Vincent Placé. L’ordre règne !
M. le président. L’article 3 ter demeure supprimé.
M. Jean-Pierre Michel. Bravo ! Vive la République !
Article 3 quater (nouveau)
Le livre VI ter du code électoral, tel qu’il résulte de l’article 1er A, est complété par un titre II ainsi rédigé :
« TITRE II
« ORGANISATION DU RÉFÉRENDUM
« CHAPITRE IER
« Dispositions générales
« Art. L. 558-44. – Le corps électoral, appelé à se prononcer sur le projet ou la proposition de loi soumis au référendum, décide à la majorité des suffrages exprimés.
« Art. L. 558-45. – Il est mis à la disposition des électeurs deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc dont l’un porte la réponse "oui" et l’autre la réponse "non".
« Art. L. 558-46. – Les dispositions suivantes sont applicables aux consultations régies par le présent titre :
« 1° Les chapitres Ier, II, V, VI et VII du titre Ier du Livre Ier, à l’exception des articles L. 52-3, L. 56, L. 57, L. 65 (troisième et dernier alinéas), L. 85-1, L. 88-1, L. 95 et L. 113-1 (1° à 5° des I et II) ;
« 2° Les articles L. 386 et L. 390-1 ;
« 3° Les articles L. 451, L. 477, L. 504 et L. 531.
« Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "parti ou groupement habilité à participer à la campagne" au lieu de : "candidat" ou "liste de candidats".
« CHAPITRE II
« Recensement des votes
« Art. L. 558-47. – Dans chaque département, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, il est institué une commission de recensement siégeant au chef-lieu et comprenant trois magistrats, dont son président, désignés par le premier président de la cour d’appel ou, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, par le président du tribunal supérieur d’appel.
« Aux îles Wallis et Futuna, le président de la juridiction d’appel peut, si le nombre des magistrats du siège est insuffisant, désigner, sur proposition du représentant de l’État, des fonctionnaires en qualité de membres de la commission prévue au premier alinéa du présent article.
« Art. L. 558-48. – La commission de recensement est chargée :
« - de recenser les résultats constatés au niveau de chaque commune,
« - de trancher les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins et de procéder aux rectifications nécessaires, sans préjudice du pouvoir d’appréciation du Conseil constitutionnel.
« Art. L. 558-49. – Au plus tard le lendemain du scrutin, à minuit, la commission de recensement adresse au Conseil constitutionnel les résultats du recensement et le procès-verbal auquel sont joints, le cas échéant, les procès-verbaux portant mention des réclamations des électeurs.
« Le recensement général des votes est effectué par le Conseil constitutionnel. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Remplacer les mots :
en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna
par les mots :
chaque collectivité d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie
II. – Alinéa 16
Après les mots :
Aux îles Wallis et Futuna,
insérer les mots :
à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin,
III. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
et, aux îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, au niveau de la collectivité d'outre-mer
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Cet amendement vise à instituer une commission de recensement dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et à étendre à ces deux collectivités la faculté ouverte pour Wallis-et-Futuna de désigner des fonctionnaires comme membres de la commission de recensement du fait de l'éloignement de la juridiction d'appel.
Il tend en outre à prévoir un recensement des résultats au niveau, non pas de la commune, mais de la collectivité d'outre-mer pour Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui ne connaissent pas de découpage communal sur leur territoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable, puisque cet amendement tient compte de la diversité des organisations territoriales dans les outre-mer et améliore la mise en œuvre des référendums dans ces territoires.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 quater, modifié.
(L'article 3 quater est adopté.)
Article 4
La présente loi entre en vigueur le même jour que la loi organique n° … du … portant application de l’article 11 de la Constitution.
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions cribles thématiques
compétitivité
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la compétitivité.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct par Public Sénat, ainsi que par France 3, et qu’il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, la compétitivité de nos entreprises est devenue une question récurrente. Cependant, elle est le plus souvent instrumentalisée, servant de prétexte à tous ceux, responsables du MEDEF en tête, qui souhaitent imposer d’importants reculs en matière de droits des salariés.
Quand ils parlent d’améliorer la compétitivité du travail, ils proposent en fait de réduire le coût du travail et le niveau de protection sociale, ainsi que de transférer vers les salariés, voire vers les retraités, certaines dépenses qui font aujourd’hui l’objet d’un financement socialisé et qui mettent donc les entreprises à contribution. Certains réclament une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, d’autres une augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG.
L’accord national interprofessionnel minoritaire que le Gouvernement s’apprête à transposer s’inscrit malheureusement dans cette démarche, puisqu’il prévoit la possibilité d’imposer aux salariés des réductions de salaires et une plus grande flexibilité, de limiter l’accès aux prud’hommes ou encore de remplacer le contrat de travail à durée indéterminée, le CDI, par le CDI intermittent. Ce sont à chaque fois les mêmes recettes ; ce sont toujours aux salariés que l’on demande de faire des efforts.
Pourtant, madame la ministre, ce ne sont pas les salaires qui grèvent la compétitivité de nos entreprises. À titre d’exemple, le taux de change de l’euro pèse plus lourd que le coût du travail. L’industrie française paie aujourd’hui son manque d’investissement dans la recherche et développement : son effort est inférieur d’un demi-point de PIB à celui de l’Allemagne. À cela s’ajoute naturellement le poids du capital. La distribution des dividendes est progressivement passée de 19 % à 28 % du profit des sociétés non financières. Il existe donc une « préférence pour les actionnaires », ce qui devrait nous amener à nous interroger sur l’effet réel qu’aurait une baisse du coût du travail sur l’effort d’innovation.
Ma question est donc simple : le Gouvernement entend-il prendre des mesures courageuses, notamment alléger les charges financières des entreprises, qui sont deux fois plus lourdes que les cotisations sociales versées par ces dernières, ce qui signifie qu’elles pèsent deux fois plus que le coût du travail sur la compétitivité des entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur Watrin, vous rappelez à juste titre que la compétitivité n’est pas uniquement une question de coût et repose sur un ensemble de paramètres.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité présenter un pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui comportait, à côté de mesures relatives au coût du travail, dont le crédit d’impôt compétitivité-emploi, trente-quatre autres mesures concernant la compétitivité hors prix. Cela montre bien la volonté du Gouvernement de s’attaquer à tous les déterminants de la compétitivité, et non pas seulement au coût du travail.
Vous avez mentionné l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Conformément aux engagements de la feuille de route sociale du mois de juillet dernier, le Gouvernement a négocié avec les partenaires sociaux un accord qui, je le crois, présente un caractère historique. C’est sans doute l’accord le plus important pour notre marché du travail depuis plus de trente ans.
La situation macroéconomique est très compliquée, et nous devions donc prendre des mesures visant à relancer la croissance et à faciliter la réactivité des entreprises, mais aussi à sécuriser les parcours professionnels et à accroître la protection dans l’emploi de nos concitoyens. J’estime que nous avons atteint ces objectifs.
Cet accord agit tout d'abord en faveur de l’emploi, puisqu’il mobilise des leviers structurels afin de faciliter le maintien dans l’emploi, ce qui est extrêmement important en cette période d’augmentation du chômage. Des outils permettent de favoriser la mobilité interne et externe des salariés, de simplifier et d’unifier le dispositif de chômage partiel, ainsi que de conclure des accords majoritaires de maintien de l’emploi. Les entreprises et les représentants du personnel disposeront donc de davantage de leviers pour préserver l’emploi, au lieu de privilégier les licenciements. Cela me semble important pour nos concitoyens.
L’accord apporte aussi des éléments de sécurisation juridique pour les entreprises. Nous devons également aborder cet aspect, car il ne faut pas opposer les entreprises aux salariés. Ce sont les entreprises qui créent de l’emploi et de la valeur.
L’accord ne se limite pas aux enjeux quantitatifs : il porte également sur la qualité de l’emploi et le recul de la précarité. Il prévoit de renforcer les droits des salariés quels que soient leur statut et la nature de leur contrat de travail, d’inciter les entreprises à recourir au CDI plutôt qu’au CDD via la modulation des cotisations et d’améliorer la situation des salariés à temps partiel.
Vous le savez, aujourd'hui les salariés les moins protégés sont ceux qui travaillent dans de très petites entreprises, des TPE, ou de petites et moyennes entreprises, des PME. Ce sont ces salariés qui bénéficieront en premier lieu des mesures que je viens d’évoquer.
Enfin, l’accord ouvre des droits individuels et collectifs nouveaux aux salariés, ce qui me paraît très important. Cet accord concerne des sujets extrêmement concrets pour les salariés, puisqu’il renforce leurs droits tout au long de leur carrière. S'agissant des droits individuels, je pense notamment au droit à la protection sociale, à la généralisation de l’accès collectif à la complémentaire santé et au système de droits rechargeables.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Je termine, monsieur le président. Pour ce qui est des droits collectifs, les salariés seront davantage associés à la stratégie des entreprises.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.
M. Dominique Watrin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Vous avez souligné que la situation macroéconomique de notre pays était compliquée. Je ne le conteste évidemment pas, mais je tiens à préciser que ce n’est pas la crise économique pour tout le monde ! Les dividendes versés aux actionnaires des groupes du CAC 40 sont restés quasiment stables ces cinq dernières années, s’établissant à un niveau compris entre 35 et 40 milliards d'euros. Les ajustements et les sacrifices sont toujours demandés aux mêmes, c'est-à-dire aux salariés, voire aux retraités.
Vous avez répondu à mes remarques sur l’accord de flexibilisation de l’emploi du 11 janvier dernier. Je souhaite cependant attirer votre attention sur un point fondamental. Vous avez affirmé qu’il s’agissait d’un accord majoritaire. Non, c’est un accord minoritaire, puisque les signataires – CFDT, CFTC et CGC – n’ont récolté que 38 % des voix lors des dernières élections prud’homales et 28 % des voix lors des récentes élections organisées dans les TPE, les très petites entreprises.
Sur cette question également, nous avons des choses à dire. Nous en reparlerons dans le cadre du débat à venir, mais je réaffirme dès maintenant qu’il n’est pas logique que l’on consente à des reculs sociaux, ni que l’on demande toujours aux salariés de faire tous les sacrifices.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si nous organisons aujourd’hui un débat sur la compétitivité, c’est évidemment parce que celle-ci soulève des difficultés. La concurrence internationale, le dumping social et environnemental et la hausse des prix des matières premières sont des réalités incontestables. Faut-il pour autant réduire les salaires, renoncer aux acquis sociaux des Français et renier parfois les enjeux environnementaux ? Comme Dominique Watrin, j’estime que non. Je refuse ce dogme qui consiste à s’aligner vers le bas, au profit d’une économie déshumanisée et déconnectée du réel.
Je m’y oppose d’autant plus que d’autres voies sont possibles pour relancer l’activité économique tout en respectant les objectifs du développement soutenable ; c’est d'ailleurs l’intérêt de notre débat que d’examiner ces autres voies. Si nous voulons réellement sortir des schémas du passé, innover et même nous réinventer, c’est tout à fait possible. Je vous propose par exemple de réfléchir au développement de l’économie circulaire.
L’objectif de l’économie circulaire est, comme vous le savez, madame la ministre, d’optimiser les flux d’énergie et de matières pour utiliser efficacement le minimum de ressources et réduire la production de déchets. Le Conseil économique social et environnemental, le CESE, définit l’économie circulaire comme un concept qui englobe la réduction de déchets en amont par l’éco-conception des produits, le réemploi, enfin le recyclage, mais aussi l’économie de fonctionnalité, qui consiste à remplacer la vente de produits par la vente de services ou la location.
D’après l’ONU, 60 % des services rendus aux hommes par la nature sont en déclin. Notre modèle économique actuel, linéaire et productiviste, est clairement incompatible avec les caractéristiques de notre planète et l’urgence écologique.
Les entreprises elles-mêmes, particulièrement les plus innovantes dans notre pays, auraient intérêt à développer ces formes d’économie verte pour être à nouveau compétitives, plutôt que de courir après des compétitivités du passé ; on voit d'ailleurs le peu de résultats qu’obtiennent, malgré leurs discours de matamore, ceux qui poursuivent dans cette voie… Les entreprises dégageraient ainsi des gains importants sur le coût des matières premières et l’approvisionnement des matériaux. Renault, Ecopal, Michelin, Xerox et d’autres encore commencent à relever ce défi.
Par ailleurs, ces nouvelles formes d’économie créent des emplois non délocalisables dans le recyclage, la maintenance, la recherche et développement, l’après-vente ou encore le service des achats. L’Allemagne, la Chine et le Japon, dont on vante régulièrement la compétitivité, l’ont bien compris et se sont engagés dans cette voie d’avenir. Un Institut de l’économie circulaire a été fondé récemment par le député écologiste François-Michel Lambert.
Ma question est donc très simple : le Gouvernement souhaite-t-il développer l’économie circulaire et l’économie de fonctionnalité dans notre pays ? Quelle sera à cet égard l’action gouvernementale dans les mois à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, oui, le Gouvernement – notamment le ministère du redressement productif, que je représente aujourd'hui dans cet hémicycle – est très attaché au développement du concept d’économie circulaire. En effet, comme vous l’avez souligné, la raréfaction des matières premières non renouvelables nous invite à repenser nos modèles économiques, afin de les rendre plus rentables et plus vertueux.
De quelle manière allons-nous procéder ? De premières indications ont été données par la feuille de route pour la transition écologique, qui envisage la mobilisation de plusieurs leviers fiscaux. On peut citer par exemple l’augmentation des taxes sur l’incinération et le stockage pour favoriser la valorisation des déchets ; le ministère du redressement productif soutiendra bien entendu cette mesure.
Il faut savoir que, avec seulement deux sites de traitement en France, notre capacité de traitement des déchets d’ameublement est insuffisante pour répondre à l’obligation réglementaire de recycler à partir de 2015 quelque 45 % des deux millions de tonnes mises sur le marché chaque année. La France est également en deçà de ses objectifs en matière de véhicules hors d’usage.
Le ministère du redressement productif veut développer nos capacités de valorisation de ces sous-produits. Pour ce faire, il est nécessaire – en tant que ministre déléguée chargée de l’innovation, je suis bien placée pour le savoir – que des moyens importants soient consacrés à la recherche et développement. Le programme d’investissements d’avenir prévoit notamment 250 millions d'euros en 2013 pour développer l’économie circulaire.
Le deuxième point important est la sécurisation des débouchés. Celle-ci est fondamentale pour assurer aux acteurs une visibilité suffisante sur leurs investissements et réduire leur dépendance aux fluctuations des prix des matières premières. Ce dispositif s’organisera évidemment en partenariat avec les acteurs concernés au sein des filières et entre filières, les déchets des uns pouvant devenir les matières premières des autres.
Ces principes doivent être formalisés dans le contrat de filière qu’ont demandé conjointement Arnaud Montebourg et Delphine Batho à l’issue du dernier comité de filière stratégique des éco-industries, le 27 novembre dernier.
Nous voulons donc consolider les filières existantes, mais aussi innover et déployer de nouveaux modèles d’organisation. Plusieurs actions du ministère du redressement productif sont lancées pour favoriser l’économie circulaire.
Je vous en cite quelques-unes : le lancement d’un pacte « économie circulaire » avec les professionnels du recyclage, lequel suppose des engagements réciproques gagnant-gagnant ; l’introduction dans la commande publique de critères favorisant l’utilisation de matières recyclées ; la lutte contre les filières illégales ; la structuration et le développement de filières de démantèlement des matériels de transport, quels qu’ils soient, pour recréer de l’industrie et de l’emploi en France ; enfin, une réflexion pour réduire le rythme de renouvellement des biens d’équipement, notamment les terminaux mobiles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour la réplique. Mon cher collègue, je ne vous laisse que trente secondes, car vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, vous savez être à la fois sévère et juste, et je soutiens votre action à cet égard. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Trente secondes, cela suffit bien pour tourner en rond !
M. Jean-Vincent Placé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très complète, qui montre que le Gouvernement est très sensible à cette question, ce dont je ne doutais pas d'ailleurs. Je ne peux que l’inciter à poursuivre dans les voies que vous avez indiquées, c’est-à-dire à sensibiliser les consommateurs et à promouvoir davantage les projets d’éco-conception.
Vous l’avez dit très honnêtement, l’Europe est bien plus en avance que la France sur le sujet. Soutenir la recherche et développement, regrouper les acteurs du recyclage pour en faire une filière compétitive, réaliser des études prospectives pour identifier les potentiels industriels et les solutions innovantes sont autant d’enjeux majeurs pour notre économie.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis satisfait d’avoir pu discuter de ces questions dans cet hémicycle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)