M. Jean Arthuis. C’est vrai.
M. Jean-Pierre Plancade. Je tiens naturellement à féliciter mon collègue du RDSE Yvon Collin pour son excellent rapport sur ce texte réalisé au nom de la commission des finances. Tout à l’heure, il a été question des Collin et Colin ou de « Col[l]in au carré ». Pour ma part, je parlerai même de « Col[l]in au cube » ! (Sourires.)
M. André Gattolin. Bravo !
M. Jean-Pierre Plancade. Je remercie Bruno Retailleau, qui a tenu des propos à la fois forts et pertinents, notamment en nous invitant à nous méfier des copier-coller fiscaux. Il nous faudra certainement faire preuve d’inventivité et nous montrer plus productifs.
Yves Rome a tout à fait raison d’évoquer la fracture territoriale. Je tiens à le féliciter pour ses propos. Souvenons-nous que, dans les années soixante, les départements ont apporté l’électricité jusque dans les cours de ferme.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Plancade. À nous de mener le même chantier pour le numérique.
M. Yvon Collin, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Quant à Claude Domeizel, il a eu, au nom de la commission de la culture, des mots absolument formidables. Force est de reconnaître que nos collègues de la commission des finances, qui s’expriment naturellement en experts, ont parfois tendance à occulter les enjeux culturels. Mon cher collègue, il était donc bon de rappeler cette dimension du sujet, qui plus est dans les termes que vous avez choisis.
M. David Assouline. C’est l’exception culturelle !
M. Jean-Pierre Plancade. Le numérique est parfois considéré comme une menace. Les rapporteurs de la mission d’expertise lancée par le Gouvernement en juillet dernier, MM. Pierre Collin et Nicolas Colin, qui viennent de remettre leur rapport, parlent à cet égard d’une « économie numérique vorace » qui « s’attaquera » demain à tous les secteurs. C’est bien vrai !
Certes, le numérique bouscule complètement notre système d’imposition et constitue un véritable défi pour notre droit fiscal, qui est totalement inadapté aux spécificités de la netéconomie. Mais il est en même temps porteur de croissance et d’emplois : à ce titre, il constitue bien une chance.
Il n’en reste pas moins que les stratégies fiscales des entreprises de ce secteur, et plus particulièrement des Big Four, également désignés par l’acronyme GAFA, ont totalement remis en cause les conditions de perception qui prévalaient jusqu’à présent pour des prélèvements comme l’impôt sur les sociétés ou la TVA.
Les stratégies déployées par ces grandes sociétés pour échapper à l’impôt, ou du moins pour en réduire considérablement le montant, sont d’une grande variété : localisation des sièges sociaux dans des pays à fiscalité basse – eBay en Suisse, Amazon au Luxembourg, Google en Irlande –, utilisation des prix de transfert, versements de royalties sur la propriété intellectuelle, etc. Ces méthodes sont choquantes, surtout au regard des bénéfices dégagés par ces mêmes sociétés.
Ainsi, Google qui vient de publier un chiffre d’affaires en hausse de 32 %, dépassant les 50 milliards de dollars, soit environ 37 milliards d’euros, paierait 5 millions d’euros d’impôt sur les sociétés.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. Exact !
M. Jean-Pierre Plancade. Ces chiffres ne sont pas surprenants lorsqu’on connaît la stratégie d’optimisation fiscale de cette entreprise, qui commence à Dublin pour se terminer aux Bermudes. M. Arthuis a exposé ce mécanisme avec grand soin et je l’en remercie.
Si l’on retrouve, en examinant la situation de ces entreprises, des pratiques classiques d’évasion et d’optimisation fiscales, communes à d’autres secteurs de l’économie, les enjeux et les difficultés sont démultipliés dans le cas de l’économie numérique, notamment à cause de la dématérialisation.
Notre droit fiscal doit donc développer d’urgence de nouveaux instruments pour appréhender l’économie numérique, qui lui échappe totalement à l’heure actuelle. C’est tout l’enjeu de la proposition de loi de Philippe Marini. Je le répète, ce texte a le mérite d’exister. Toutefois, comme l’a souligné Yvon Collin, il risque de ne pas atteindre son objectif. Il pourrait même, dans certains cas, avoir des effets contraires aux buts visés.
Ainsi, les deux impositions que la proposition de loi tend à créer – la taxe sur la publicité en ligne et la taxe sur les services de commerce électronique, la TASCOE –, plutôt que de renforcer la neutralité de la taxation par rapport à la technologie et l’équité fiscale entre opérateurs français et étrangers, risqueraient de peser essentiellement sur les acteurs nationaux et, partant, de les pénaliser.
Quant au volet non fiscal de la proposition de loi – l’obligation de déclaration d’activité par les entreprises de services en ligne au-delà de certains seuils d’activité –, il pose des difficultés pratiques de mise en œuvre, également soulignées par les différents rapporteurs.
Enfin, Mme la ministre l’a annoncé, le Gouvernement explore actuellement différentes pistes pour adapter notre système fiscal à l’économie numérique et parvenir à rétablir la justice en faisant contribuer les grandes entreprises de ce marché que sont les GAFA sans pénaliser les petits acteurs français ou européens, qui ont besoin de se développer. Je la remercie, à cet égard, des propos équilibrés et prospectifs qu’elle a tenus.
Bien sûr, la globalisation, associée à la dématérialisation – caractéristique de l’économie numérique –, rend nécessaires des solutions à l’échelle européenne et internationale. Nous pouvons d’ailleurs espérer des avancées en ce sens avec la saisine récente de l’OCDE par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sur le projet BEPS, pour lutter contre l’érosion des bases d’imposition et les transferts de bénéfices. La préparation de propositions sur ce sujet, dans la perspective du prochain G20, va également dans ce sens.
Toutefois, les possibles avancées au niveau international n’empêcheront pas, comme pour la taxe sur les transactions financières, la France d’être éventuellement conduite à mettre en place, dans un premier temps au niveau national, un certain nombre de mesures qui serviront ensuite d’exemple et de base pour une réflexion internationale sur la fiscalité numérique.
Dans cette perspective, le groupe du RDSE souscrit à l’analyse du rapporteur et votera donc la motion de renvoi à la commission qu’il a déposée, afin de permettre au Gouvernement de présenter prochainement des propositions concrètes qui viendront, je n’en doute pas, enrichir, améliorer et compléter celles de notre collègue Philippe Marini. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Philippe Marini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi s’inscrit dans une démarche et une réflexion engagées depuis 2009 par son auteur, au sein de la commission des finances. Naturellement, notre groupe tient à saluer la persévérance de Philippe Marini et la qualité de son travail, ainsi que celle des travaux que la Haute Assemblée consacre aujourd’hui à ce sujet sensible et complexe.
Le présent texte se fonde sur le constat suivant : les quatre grandes multinationales de services en ligne et de commerce électronique surnommées GAFA, installées en Irlande ou au Luxembourg, échappent à presque toute taxation de leurs bénéfices en France. Pour ces entreprises, l’optimisation fiscale est simple : elle revient avant tout à ignorer toute dimension territoriale de l’impôt. Cette pratique est d’autant plus regrettable qu’une partie non négligeable de leurs bénéfices mondiaux, qui atteignent des records, sont réalisés en Europe, notamment en France.
Normalement, à de nouvelles assiettes qui, au demeurant, en vident d’autres, correspondent de nouvelles taxations. Chaque année, Google réalise 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires à travers le monde et 10 milliards d’euros de bénéfices. Or cette entreprise n’acquitte en France qu’un montant marginal d’imposition !
Au surplus, ces chiffres traduisent une position dominante, avec les abus qui en découlent, et cela a des conséquences logiques sur le marché. Ainsi, l’été dernier, le changement de l’algorithme Google a subitement provoqué l’éviction de quelques PME, notamment françaises, d’internet.
M. Philippe Marini. Très juste !
M. Francis Delattre. La taxation de ces bénéfices pourrait rapporter près d’un demi-milliard d’euros au budget de la France, ce qui n’est pas anodin !
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui entend ouvrir des pistes qui permettraient d’assujettir fiscalement les GAFA en France.
Sous l’impulsion du président de la commission des finances, un amendement avait déjà été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2011. Cette disposition instaurait un dispositif dit « taxe Google », visant simplement à taxer la publicité en ligne. La taxe Google, qui devait entrer en vigueur le 1er juillet 2011, a été abrogée dans le collectif budgétaire discuté au mois de juin de la même année, car elle semblait mal calibrée pour atteindre sa cible. Faute de seuil, elle aurait du reste touché quelques PME françaises.
Un second amendement de Philippe Marini fut adopté par la commission des finances dans le projet de loi de finances pour 2011. Il proposait une taxe sur l’achat des services de commerce électronique, dite TASCOE, s’inspirant de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM. Il s’agissait d’un prélèvement de 0,5 % sur le montant des dépenses engagées pour l’achat de biens ou services effectué au moyen d’une communication électronique.
Cet amendement fut retiré en séance à la suite de l’engagement du gouvernement de l’époque d’engager une réflexion globale. Nous y sommes !
C’est dans un contexte où étaient dépassées les frontières partisanes que le nouveau gouvernement a confié à un conseiller d’État et à un inspecteur des finances une mission d’expertise sur la fiscalité numérique ; leur rapport a été publié le 18 janvier dernier.
Ce rapport cerne parfaitement les enjeux du numérique et indique que nous ne sommes qu’au début d’une véritable révolution, qui sera facteur de transformation de toute l’économie. Il préconise donc une fiscalité neutre et équitable. À cette fin, il ouvre de nouvelles pistes de fiscalisation, notamment par une taxation qui serait fonction du comportement des acteurs numériques, plus précisément de leur manière de collecter les données et de les utiliser. C’est ce que les économistes et vous-même, cher Bruno Retailleau, appelez l’« externalité positive ».
Dans cette optique d’avancée de la réflexion sur la fiscalité numérique, Philippe Marini a déposé sa proposition de loi suggérant la mise en place d’une taxe s’inspirant notamment des dispositifs de taxation de la publicité en ligne, mais bénéficiant d’un meilleur calibrage.
Cette nouvelle taxe sur la publicité en ligne viserait ainsi désormais non plus les annonceurs mais les régies de publicité, établies en France comme à l’étranger, et introduirait un dispositif de seuils : un taux de 0,5 % s’appliquerait à partir de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, taux qui passerait à 1 % au-delà de 250 millions d’euros.
Cette taxe pourrait ainsi s’appliquer au milliard d’euros de chiffre d’affaires dégagé sur le marché français par Google, dont les commerciaux distribuant la publicité dans notre pays sont basés en Irlande.
La TASCOE, quant à elle, s’appliquerait au vendeur professionnel au consommateur final et non plus, comme le prévoyait le dispositif envisagé dans le projet de loi de finances pour 2011, aux activités de commerce électronique entre professionnels.
S’il apparaît que le rendement de la taxe sur la publicité devrait être symbolique, se situant autour de 20 millions d’euros, la TASCOE pourrait procurer 200 millions d’euros de recettes en 2013 et 300 millions en 2015.
Dans les deux cas, les redevables de ces taxes, qu’ils soient basés en France ou à l’étranger, seraient soumis à une obligation de déclaration d’activité. Il s’agit de s’inspirer du modèle procédural de l’agrément accordé aux sites de paris en ligne, tout en respectant les principes de non-discrimination et de proportionnalité.
La proposition de loi prévoit également d’étendre aux acteurs étrangers de l’internet établis en France et à l’étranger la taxe actuelle sur la fourniture de vidéogrammes à la demande, afin de rétablir une forme d’équité fiscale.
Sur proposition de son excellent rapporteur, Yvon Collin, la commission des finances a voté à l’unanimité, le 23 janvier dernier, une motion de renvoi en commission. Le groupe UMP se rallie à cette position et votera cette motion afin de permettre à la proposition de loi de notre collègue de prospérer. Nous comptons sur tous les acteurs ici présents pour que les différentes inspirations qui ont guidé sa démarche figurent dans le texte final.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée devant la commission des finances à ce que vos services poursuivent ce chantier, de manière à aboutir cet été à un texte inscrivant la démarche de la France dans le cadre des travaux mis en œuvre actuellement par l’OCDE et l’Union européenne.
À titre personnel, je crois beaucoup à l’instrument mis en place par l’OCDE. Lors des auditions menées dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évaporation fiscale, ou plus exactement sur l’évasion des capitaux, nos interlocuteurs de l’OCDE nous sont apparus parfaitement au fait des sujets qui nous préoccupent. L’OCDE a déjà obtenu d’une trentaine de pays, dont les plus importants, qu’ils procèdent entre eux, sous son contrôle, à des échanges d’informations fiscales. C’est par ces échanges d’informations, plutôt que par des conventions, que nous pourrons régler le problème, au moins en partie.
Le prochain G20 sera également l’occasion d’avancer sur ce dossier.
Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour respecter les engagements que vous avez pris.
S’agissant de l’assujettissement des GAFA à la TVA, nous partageons l’avis de notre collègue Jean Arthuis, qui y voit le socle principal de la fiscalité à leur appliquer, mais cela ne vaudra qu’à partir de 2015, c'est-à-dire quand la TVA, au sein de l’Union européenne, sera facturée dans le pays du consommateur.
Le groupe UMP soutient donc la démarche de la présente proposition de loi, non seulement parce que les recettes fiscales escomptées seront particulièrement bienvenues au regard de la situation de nos finances publiques, mais aussi au nom du principe de neutralité et d’équité fiscale.
Ce type de débats fait honneur à la Haute Assemblée. La seule réserve que nous pouvons exprimer concerne le ciblage de la future taxe, qu’il faudra préciser afin de ne pas pénaliser les PME françaises.
Nous considérons cette proposition de loi comme un rendez-vous d’étape avant des décisions concrètes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative à la fiscalité numérique, déposée par le président de la commission des finances.
Nous auditionnions la semaine dernière, en commission, MM. Nicolas Colin et Pierre Collin, auteurs du rapport de la mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique, commandé par le Gouvernement. L’actualité du sujet est donc évidente.
Ces experts ont insisté sur l’importance fiscale et économique de cette question ainsi que sur l’impact de la révolution numérique, que nous n’avions pas perçu aussi précisément. Le président Marini, quant à lui, signale le fait depuis au moins trois ans – ce fut notamment le cas dans le rapport parlementaire publié en juin dernier. Il a donc été précurseur sur ce sujet, je lui en donne volontiers acte.
De son côté, en nommant une ministre dont l’expertise en ce domaine est indéniable et qui est, de surcroit, complètement vouée au sujet de l’économie numérique, le Président de la République a montré qu’il avait bien pris la mesure des actions stratégiques à mener dans ce domaine.
Dès le 12 juillet 2012, une mission d’expertise a donc été mise en place afin de « dégager des propositions en matière de localisation et d’imposition des bénéfices, du chiffre d’affaires, ou, éventuellement, sur d’autres assiettes taxables de l’activité numérique ».
L’action du Gouvernement à l’échelon national a trouvé un prolongement international lorsque, en novembre dernier, la France s’est associée à la saisine de l’OCDE sur la question de la territorialité des activités numériques. La Commission européenne a également été saisie afin de définir une approche européenne de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales dans le domaine de l’économie numérique. Cette question est donc aujourd’hui l’objet d’un intérêt général en Europe.
De la même manière, un consensus existe dans notre assemblée pour agir dans cette direction.
Sur le plan économique, la proposition de loi met en évidence la captation des marges des entreprises de production par les entreprises de services de l’économie numérique. Les propos de la ministre vont également dans ce sens.
Sur le plan fiscal, ces entreprises numériques se distinguent par un faible niveau d’imposition. Mettant en œuvre une stratégie d’optimisation, elles échappent à l’impôt dans les pays où elles réalisent leurs affaires et dégagent des bénéfices considérables et en perpétuelle expansion. Le quotidien Le Monde a publié hier un article très éclairant à ce sujet, qui concernait Amazon.
Dans un souci d’équité fiscale, y compris à l’égard de nos propres entreprises, cela doit être combattu.
Toutefois, les rapporteurs soulignent combien il est difficile d’appréhender l’activité de ces entreprises pour définir précisément les bases d’imposition, tant la nature de cette activité est atypique en regard de ce qui existe.
Le rapport sur l’économie numérique précise d’ailleurs que « le droit fiscal, tant national qu’international, peine à s’adapter à la révolution numérique ». Dès lors, notre réponse doit prendre toutes les précautions et s’assurer du contexte européen. En un mot, nous devons agir sans précipitation, mais avec détermination et méthode, afin de garantir la sécurité du résultat, qui ne devra donner lieu à aucune espèce de contestation.
La proposition de loi et le rapport poursuivent donc un but identique, mais envisagent, il est vrai, des moyens différents. Le rapport préconise une fiscalité liée à l’exploitation des données issues du suivi des utilisateurs sur le territoire national. Ses auteurs estiment qu’à terme, d’ailleurs, l’impôt sur les sociétés serait l’outil le plus adapté, pourvu que l’on parvienne à ajuster précisément la notion d’établissement stable aux spécificités de l’économie numérique.
La proposition de loi, quant à elle, envisage deux taxes : l’une sur le commerce en ligne, l’autre sur la publicité en ligne, ainsi que l’extension aux opérateurs étrangers de la taxe relative à la vidéo à la demande. Ces réponses sont donc de nature différente.
Le Gouvernement a commandé un rapport sur l’économie numérique. Il a commencé à l’étudier et à réfléchir aux propositions qui vont en découler. Dès lors, il importe de lui laisser un délai raisonnable pour se prononcer. Nous devons également tenir compte des discussions engagées au niveau international et, en particulier, des observations qui seront formulées par le G20 « finances » sur la base d’un premier rapport de l’OCDE.
Mme la ministre s’est engagée avec clarté et netteté à ce que la fiscalité numérique soit un objectif prioritaire pour le Gouvernement. C’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je me rallie à la proposition du rapporteur d’adopter une motion de renvoi en commission de ce texte. Il s’agit, tout en saluant le travail accompli par notre collègue Philippe Marini, de ménager au Parlement comme au Gouvernement le temps nécessaire pour étudier des solutions, notamment celle d’une taxation de la collecte et de l’exploitation des données, cela dans le souci de la sécurité juridique de la démarche.
Telle est la position, qui me semble équilibrée, à laquelle est parvenu le groupe socialiste.
M. le président. La suite de la discussion de la proposition de loi est renvoyée à la séance du 28 février 2013.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Questions cribles thématiques
commerce extérieur
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le commerce extérieur.
Je rappelle que l’auteur de la question et la ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Ce débat étant retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat, ainsi que sur France 3, il importe que chacun respecte son temps de parole.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, l’augmentation, totalement antiéconomique, des impôts et des charges, en entraînant mécaniquement une augmentation des coûts, pèse lourdement sur la compétitivité des entreprises et aggrave la situation dont le Gouvernement a hérité.
De plus, en diminuant les marges des entreprises, elle conduit souvent celles-ci à renoncer à prendre le risque d’investir dans une recherche de clients extérieurs.
Dans ces conditions, je crains que notre déficit commercial ne s’aggrave encore.
Quels appuis financiers et fiscaux le Gouvernement met-il en œuvre pour inciter et aider les entreprises à exporter ? Quelles sont les aides pratiquées par nos concurrents européens ? Je vous pose cette seconde question, madame le ministre, parce que les difficultés d’accès à l’information ne nous permettent pas d’évaluer le contexte concurrentiel dans l’Union européenne.
Vous avez raison de cibler un nombre limité de pays, car tous les produits français ne sont pas exportables sur tous les terrains. Votre méthode s’apparente au laser beaming du Japon, mais quelle est votre ligne directrice ?
Par exemple, j’ai constaté que le Kazakhstan ne figurait pas parmi les pays cibles du secteur prioritaire « mieux vivre en ville », alors que ce thème a précisément été choisi pour l’exposition universelle d’Astana en 2017.
Les soldats de l’An II qui se battaient contre l’Europe entière avaient au moins pour eux leur enthousiasme ; dans la guerre économique mondiale, la France envoie des soldats démoralisés se battre contre le monde entier ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Vaugrenard. Comment pouvez-vous dire cela ? C’est honteux !
M. Aymeri de Montesquiou. Quelle politique fiscale incitative comptez-vous mettre en œuvre pour doper nos exportations ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Monsieur de Montesquiou, vous avez raison de vous préoccuper des politiques menées à l’étranger : vous faites ainsi du benchmarking, comme l’on dit en bon français ! Le fait que nous soyons dans une compétition mondiale rend d’autant plus nécessaire que nous connaissions la manière dont agissent nos concurrents.
C’est la raison pour laquelle j’ai confié à Mme Claude Revel une mission sur notre stratégie en matière de normes européennes et internationales. Mme Revel m’a remis son rapport ce matin et j’en tiens des exemplaires à votre disposition, réservant ainsi au Sénat la primeur de sa communication.
Nous nous faisons trop souvent imposer des normes parce que nous ne sommes pas suffisamment présents dans les lieux où elles sont définies : il nous faut occuper les sièges qui nous y sont réservés dès le début du processus, pour peser sur l’élaboration des normes en Europe et dans le monde.
Vous m’avez interrogé sur ma stratégie, en vous appuyant sur l’exemple du Kazakhstan, un pays que vous connaissez bien.
Le Kazakhstan fait partie des quarante-sept pays que j’ai identifiés comme porteurs de 80 % de la demande mondiale dans les dix prochaines années. Mon travail consiste à organiser pour chacun de ces pays une offre commerciale performante afin d’atteindre les objectifs précis que le Premier ministre m’a fixés, notamment celui de rétablir l’équilibre de notre balance commerciale hors énergie d’ici à la fin du quinquennat.
S’agissant du Kazakhstan, une commission mixte pour la coopération économique se réunira le 7 mars prochain : nous aurons ainsi un échange complet avec les représentants de ce pays au sujet des domaines dans lesquels nous pouvons travailler ensemble. Je pense aux produits de la famille « mieux vivre en ville », qui sont particulièrement performants : notre offre de qualité autour de la ville durable est en phase avec la demande mondiale, y compris celle du Kazakhstan. Agir ainsi, c’est faire preuve d’anticipation par rapport à nos concurrents ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame le ministre, je vous félicite d’avoir commandé ce rapport qui sera très précieux. (Mme la ministre du commerce extérieur fait passer un exemplaire du rapport à l’orateur.) Merci beaucoup, madame le ministre !
Je suis très heureux que le Kazakhstan n’ait pas échappé à votre sagacité. Toujours est-il que, dans les listes que j’ai consultées, ce pays ne figure pas parmi les pays cibles au titre de « mieux vivre en ville ». Or, je le répète, la ville d’Astana a été choisie pour accueillir en 2017 une exposition internationale sur ce thème. Le Kazakhstan doit donc être ajouté à cette liste, d’autant que c’est un pays plein d’avenir. Je suis certain que les produits français, de très haute qualité, y trouveront leur place, ainsi que beaucoup d’entreprises françaises.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que notre balance commerciale soit indéfiniment déficitaire n’est pas une fatalité.
Pour revenir à l’équilibre hors énergie d’ici à cinq ans, alors que notre déficit s’est élevé à 70 milliards d’euros l’an dernier, nous avons besoin d’une politique volontariste. C’est cette politique que vous conduisez, madame la ministre, grâce à une stratégie de reconquête qui s’appuie sur les forces de notre tissu industriel et sur nos entreprises les plus innovantes.
Dans cette perspective, vous avez récemment conclu un partenariat avec les régions, qui se sont engagées à mettre en place, dès le premier trimestre de l’année 2013, des plans régionaux pour l’internationalisation des entreprises, les PRIE, dont elles seront les chefs de file. Il s’agit de mettre en place des guichets uniques et des actions unifiées au service des entreprises, afin notamment de faire progresser de 10 000 en trois ans le nombre des PME et des ETI exportatrices.
Reste que ces plans ne seront efficaces que si nous parvenons à nous doter d’une organisation institutionnelle préservant le lien de proximité si nécessaire dans ce domaine. Des initiatives existent déjà en matière de détection, d’information, de diagnostic et d’aide logistique à l’export. Comment s’inscriront-elles dans les futurs PRIE ?
Pour ne prendre qu’un exemple, je signale qu’une convention régionale de l’export a été conclue en 2011 en Aquitaine, où la chambre de commerce et d’industrie régionale – CCIR – a institué un guichet unique de l’export régional et finance déjà certaines actions. Les premiers résultats de ce dispositif sont encourageants. Nous devons donc éviter la redondance institutionnelle et préserver le savoir-faire et l’expérience déjà acquis.
Madame la ministre, je soutiens sans réserve vos mesures et je suis d’accord avec vous sur le rôle moteur que doivent jouer les régions. Je souhaiterais seulement savoir de quelle manière vous entendez articuler les futurs PRIE avec les initiatives qui existent déjà. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)