M. Philippe Bas. Très juste !
Mme Caroline Cayeux. Combien de fois ai-je entendu mes concitoyens me dire : « Mais enfin, vous êtes parlementaire, vous êtes maire et présidente d’une communauté d’agglomération, ce doit être la belle vie pour vous ! » La plupart de nos concitoyens, voyant que nous exerçons plusieurs fonctions, ne songent pas une seconde que nous ne percevons finalement qu’une seule vraie rémunération.
C’est la réalité que vit concrètement l’élu local : une méconnaissance de son rôle et beaucoup de fantasmes quant aux indemnités qu’il perçoit.
Mes chers collègues, il reste donc encore bien des étapes à franchir, même si nous avons progressé, pour arriver à un vrai statut de l’élu local, permettant de sécuriser les élus quand ils se lancent dans la vie locale et quand ils la quittent, que ce soit par choix ou par nécessité, mais également de rendre la fonction et les rétributions correspondantes plus transparentes, donc de démystifier le sujet.
À titre personnel, je regrette que cette proposition de loi ne s’apparente pas davantage à une véritable réforme du statut de l’élu, qui ferait évoluer notre pays vers une démocratie moderne.
Malgré ces quelques réserves, vous l’aurez compris, je voterai ce texte, qui apporte des garanties supplémentaires aux élus locaux et qui marque des avancées certaines. J’en profite pour saluer l’excellent travail de notre rapporteur, Bernard Saugey. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Parlement a voté deux lois majeures, l’une en 1992 et l’autre en 2002, pour reconnaître des garanties aux élus.
Mais ces dispositions semblent de moins en moins suffisantes face aux contraintes que représente l’exercice d’un mandat électif durant le parcours professionnel et citoyen d’un Français.
En effet, et chacun d’entre nous le sait bien, le bonheur d’être élu par ses concitoyens est un privilège que nous nous devons d’honorer en mettant toute notre énergie au service de nos administrés.
Pour autant, il ne faut pas oublier que les élus sont, malgré tout, des citoyens comme les autres. Ils ou elles ont des familles à charge, des crédits à rembourser, des enfants dont il faut financer les études et des inquiétudes pour l’avenir.
Aujourd'hui, bien plus que par le passé, un citoyen qui souhaite s’investir dans sa collectivité en tant qu’élu prend un grand risque, tant professionnel que financier, non seulement pour lui, mais également pour sa famille.
Auparavant, il était facile de se mettre au service de sa collectivité pour quelques années, puis de revenir dans le monde professionnel ; c’était même valorisant eu égard aux compétences acquises. Mais, désormais, en période de grave crise économique, le fait de quitter un emploi stable constitue à la fois un réel déchirement et un vrai pari sur l’avenir. C’est la raison pour laquelle nombre des candidats potentiels se désistent.
C’est aussi pour cela que seuls les ressortissants de quelques catégories socioprofessionnelles peuvent aujourd'hui se permettre d’envisager sereinement un investissement à temps complet ou partiel dans des fonctions d’élu local. Je pense aux retraités, aux salariés de très grandes entreprises et, plus encore, aux fonctionnaires, qui peuvent bénéficier sur leur demande d’une mise en disponibilité de plein droit durant la durée de leur mandat, aux termes d’un décret du 13 janvier 1986. Et s’ils ne souhaitent pas se représenter ou ne sont pas réélus par la suite, ils peuvent sans difficulté rejoindre leur corps d’origine.
Il n’est pas aisé d’obtenir des chiffres précis sur la répartition socioprofessionnelle des élus locaux. Mais l’exemple national qu’est le Sénat, émanation des élus locaux et assemblée représentative des élus locaux puisque la plupart d’entre nous le sont également, révèle une tendance. Avant le dernier renouvellement de notre assemblée, le 25 septembre 2011, près de 41 % des sénateurs étaient issus du secteur public alors que, selon l’INSEE, les fonctionnaires représentaient en moyenne 18,57 % des actifs. Or, depuis le dernier renouvellement, les sénateurs issus du fonctionnariat représentent près de 43 % de notre effectif total.
Loin de moi l’idée de stigmatiser un secteur professionnel, d’autant que, ancien professeur d’université, j’en ai moi-même fait partie. Il reste qu’une telle évolution est emblématique et traduit la diminution du nombre d’élus issus du secteur privé.
Je suis inquiet quant au risque qui pèse sur la représentation politique des Français pour l’avenir. On peut craindre de ne plus trouver de volontaires pour se présenter aux élections locales, sinon parmi les retraités et, pour ce qui est des actifs, parmi les fonctionnaires ou les salariés de très grandes entreprises. Comment une assemblée locale pourra-t-elle être représentative si la quasi-totalité de ses membres proviennent des mêmes secteurs d’activité ?
En ces temps de crise, nous ne pouvons pas nous passer de personnes compétentes et motivées qui souhaiteraient se présenter à des fonctions électives, mais qui y renoncent de peur de ne pas retrouver de travail par la suite.
Il est nécessaire que les assemblées élues soient vraiment représentatives de la population, tant par âge que par sexe ou par catégorie socioprofessionnelle.
À cette fin, nous devons sécuriser le parcours de l’élu – c’est ce que l’on appelle le statut – pour permettre à toutes les forces vives de la nation de s’investir dans la représentation locale et nationale.
La présente proposition de loi nous permet de faire un pas dans la bonne direction, mais le parcours risque d’être encore long ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je me félicite de la qualité des propos qui ont été tenus au cours de ce débat. Je salue tout particulièrement les interventions de MM. Jean-Claude Peyronnet et Philippe Dallier, qui ont remis un rapport sur l’exercice des mandats locaux et connaissent parfaitement le sujet.
Nombre d’intervenants ont exprimé des désaccords ponctuels et annoncé le dépôt d’amendements sur les sujets concernés. Je préfère donc attendre la discussion des articles pour leur apporter des éléments de réponse précis.
À ce stade, je souhaite simplement formuler une observation sur l’expression « statut de l’élu ». En effet, et il faudra que nous y réfléchissions tout au long de nos débats, qui dit « statut » dit aussi « protection ». C’est d’ailleurs l’objet de ce texte, qui fait suite à d’autres. Mais, outre la protection, il faut aussi envisager une forme de « contrat » pour définir les missions de l’élu local. C’est sur ce point qu’il y a des difficultés. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Quoi qu’il en soit, je n’ai pas d’états d’âme à ce sujet : il me paraît important que nos élus disposent d’un statut. Et même si le terme n’est peut-être pas adapté juridiquement, il l’est politiquement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je sollicite une suspension de séance d’une vingtaine minutes, afin que les membres de la commission des lois puissent se réunir pour examiner les amendements du Gouvernement.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Collombat, Mézard, Barbier, Fortassin, Hue, Plancade, Requier et Tropeano.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'intitulé du chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Statut de l'élu municipal »
II. - L'intitulé du chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du même code est ainsi rédigé :
« Statut de l'élu départemental »
III. - L'intitulé du chapitre V du titre III du livre Ier de la quatrième partie du même code est ainsi rédigé :
« Statut de l'élu régional »
IV. - L'intitulé de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du même code est ainsi rédigé :
« Statut du délégué intercommunal »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié bis.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous présentons plusieurs amendements avant l’article 1er.
Il s’agit, ici, d’inscrire dans le texte – j’allais dire dans le marbre de la loi ! – l’idée d’un statut de l’élu en modifiant le code général des collectivités territoriales.
On me dira qu’il s’agit d’une démarche symbolique. Précisément ! L’élu remplit une fonction civique qui est aussi politique. Le pouvoir qu’il détient trouve son fondement dans le mandat que les citoyens lui confient pour agir en leur nom, dans le sens de l’intérêt général, et pas en son nom propre, pour créer de la plus-value ou faire des bénéfices. Et cela change tout, notamment quant à la responsabilité pénale, dont nous parlerons dans quelques instants.
Au surplus, par miracle, cet amendement échappe au couperet de l’article 40 !
Quoi qu’il en soit, nous tenons beaucoup à la reconnaissance d’un statut de l’élu.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 40.
M. Ronan Dantec. Je n’ai rien à ajouter aux propos de notre collègue qui vient de défendre un amendement identique, sinon pour dire, puisqu’il a évoqué l’application de l’article 40 de la Constitution, que nous avons quelques interrogations à ce sujet.
D’abord, je voudrais savoir si nous pourrons nous exprimer sur les amendements qui ont été déclarés irrecevables ou si cette irrecevabilité interdit d’évoquer les sujets qu’ils abordent.
Ensuite, je m’étonne que l’article 40 soit invoqué sur des plafonnements de taux maximaux inscrits dans la loi. Mais c’est là un débat théorique que nous aurons sans doute à un autre moment…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à modifier, pour chaque niveau de collectivités – communes, départements, régions, EPCI – l’intitulé du chapitre contenant les « garanties accordées aux titulaires de mandats », pour y substituer celui de « statut de l’élu ».
La portée de ces amendements est essentiellement symbolique, comme l’a fort bien souligné Pierre-Yves Collombat.
Cependant, avant de procéder à un tel changement, ne conviendrait-il pas de recenser l’ensemble des dispositions correspondantes, de manière à viser des références aux garanties contenues dans d’autres textes ? Je pense au code de la sécurité sociale, au code pénal, etc. Ce travail permettrait d’élaborer un cadre plus complet.
Pour l’instant, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’approuve l’exposé des motifs de l’amendement n° 2 rectifié bis.
Il serait courageux d’inscrire dans la loi un statut de l’élu, mais il faudrait prendre d’autres dispositions. Là, il s’agit de diverses protections, de retour au travail, de sécurité sociale, voire de retraite, mais pas des conditions d’exercice de la fonction : il n’est pas question de contrat, d’heures travaillées, d’heures de présence, de jours, etc.
J’approuve cet amendement sur le principe, mais je ne peux émettre un avis favorable aujourd’hui. Néanmoins, et je m’y engage, je demanderai à mon administration de travailler sur l’idée de statut de l’élu et de voir tout ce qui serait nécessaire pour créer un tel statut.
Sur différentes travées, certains d’entre vous ont souligné à juste titre que l’on parle parfois de conditions d’exercice pour éviter un débat, non pas de fond, mais en quelque sorte « de presse ». Les auteurs de la proposition de loi ont eu raison de chercher, avec le rapporteur, à améliorer un texte existant sur les conditions d’exercice du mandat.
Je m’engage à explorer toutes les pistes pour définir un statut, y compris en termes de fonctions, de manière de travailler, d’heures de présence, etc.
Il est toujours difficile d’être défavorable à un amendement tout en étant favorable à son principe. C’est là une illustration de la position délicate que j’aurai à exprimer à de nombreuses reprises au cours de la soirée.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux qu’apprécier l’ouverture d’esprit de Mme la ministre. Néanmoins, on me répond encore une fois qu’il est trop tôt, que ce n’est pas le moment, qu’il faut réfléchir davantage, etc. J’ai l’habitude !
C’est un problème de sémantique, mais la sémantique emporte tout !
Actuellement, le code général des collectivités territoriales traite des conditions matérielles d’exercice du mandat, mais rien n’empêchera par la suite d’améliorer le dispositif – j’y reviendrai dans un instant–, notamment en matière de responsabilité en général et de responsabilité pénale en particulier.
Bien sûr, on pourrait me faire valoir que ce texte est un petit pas transitoire, un préalable à la création du statut de l’élu promis par le Président de la République, à la suite des états généraux ; je pourrais alors me résoudre à attendre un peu : cela fait tellement longtemps qu’on attend, on peut patienter encore quelques jours ! Cependant, comme j’ai l’impression qu’il ne se passera rien d’ici à la fin du quinquennat, cela risque d’être un peu long ! (Sourires sur diverses travées.)
Un sénateur du groupe socialiste. Il faudra un second quinquennat !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 40.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Dallier et Lefèvre.
L'amendement n° 43 rectifié est présenté par MM. Collombat, Mézard, Barbier, Fortassin, Hue, Plancade, Requier et Tropeano.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l'amendement n° 18 rectifié.
M. Philippe Dallier. Mes chers collègues, il s'agit ici de nouveau de la question de la gratuité, car l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales que nous proposons d’abroger précise que les fonctions électives sont gratuites. Cet amendement, dont je doute qu’il connaisse un sort favorable, a pour objet de rouvrir le débat sur ce sujet, de manière que, un beau jour, nous sortions de l’ambiguïté.
En effet, cette formule, à mon sens, ne veut plus rien dire du tout. Lorsque certains de nos concitoyens lisent que les fonctions électives sont gratuites, ils ont du mal, et on peut les comprendre, à admettre que les élus sont indemnisés, que l’on se préoccupe de leur retraite et de leur couverture maladie. Tout cela n’a pas beaucoup de sens. Je vous ai dit ce que j’en pensais dans la discussion générale.
D'ailleurs, à la suite de mon intervention, j’ai reçu deux tweets – Tweeter est désormais un moyen assez usuel pour communiquer, même entre les parlementaires et ceux qui les écoutent –, dont j’aimerais vous faire part. (M. Philippe Dallier se saisit de son téléphone portable.) Alors que je parlais de la gratuité, j’ai reçu un premier tweet disant : « Cela doit être fait bénévolement » – admettons ! –, puis un second affirmant : « Le cumul des mandats, on s’en fiche, c’est le cumul des revenus qui est intolérable ». (Exclamations.) On voit bien dans quelle ambiance notre discussion se déroule !
Mme Cécile Cukierman. En même temps, s’il n’y a pas de cumul des mandats, il n’y a pas de cumul des revenus !
M. Philippe Dallier. Malheureusement, c’est ce que l’on entend, même si les journalistes et ceux qui évoquent ces sujets dans les médias en parlent rarement. Telle est l’ambiance qui entoure notre débat.
Tant que nous resterons dans l’ambiguïté, nous prêterons donc le flanc à ce genre de critique. Je crois que, un jour, il faudra avoir le courage d’affirmer que les fonctions électives ne sont plus gratuites. Peut-être faut-il faire des élus des agents publics, comme cela avait été proposé jadis. Je ne sais pas vraiment quelle est la bonne formule, mais je suis convaincu qu’il faut sortir de cette ambigüité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 43 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour faire suite aux propos de Philippe Dallier, je me contenterai de rappeler la citation que j’ai donnée tout à l’heure de Jean et Camille de Maillard : « On n’est plus citoyen que pour s’abstenir d’agir – et, évidemment, tweeter (Sourires.) – à moins de vouloir assumer une responsabilité dont on devient l’infamant débiteur ». Mes chers collègues, nous sommes les infamants débiteurs de nos responsabilités !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Il faut tout de même rappeler que les Français savent désormais à l’euro près ce que gagnent leurs élus. La plus grande transparence est aujourd'hui de mise, me semble-t-il !
Pour en venir à ces deux amendements identiques, le principe dont ont parlé nos collègues ne correspond plus aujourd'hui au régime qui s’est progressivement constitué au bénéfice des élus, c’est vrai. Toutefois, la suppression proposée, qui l’a déjà été à plusieurs reprises, a toujours été repoussée afin d’éviter de nous engager dans la voie d’une professionnalisation des élus.
L’ensemble de ces éléments me paraissent aujourd'hui pertinents, mais l’existence de cette disposition, qui est symbolique, je le répète, n’a pas interdit au législateur d’adopter un ensemble de mesures destinées à faciliter le mandat local.
La commission a donc très nettement émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les principes et les mots du droit sont parfois délicats à manier, et il faut y être très attentif.
Le principe de gratuité, parce que la fonction n’est pas encadrée – j’en parlais tout à l'heure à propos du statut – par un nombre d’heures travaillées, des pauses, des heures de sortie, des jours de congés, etc., nous permet, en particulier pour ceux qui n’ont pas d’indemnités ou en ont très peu – il ne faut pas les oublier – de créer des indemnités et des régimes indemnitaires, notamment pour les délégués, de couvrir des frais de déplacement, de rembourser des avances, par exemple. Une kyrielle de dispositions est liée à ce principe de droit qu’est la gratuité.
Il faudrait revoir le principe de gratuité qui ouvre, par exemple pour les responsables associatifs, pour des élus syndicaux, pour un certain nombre de personnes qui exercent d’autres types de fonction, des droits compte tenu de la gratuité des exercices. Soyons donc attentifs à cette règle de droit !
Si, dans l’élaboration du code, nous devons respecter le droit, en revanche rien n’empêche que, dans notre discours, nous parlions d’élus rémunérés et d’autres qui ne le sont pas, ainsi que de plafonnement, comme l’a dit Mme Cayeux tout à l’heure, y compris pour le cumul des exécutifs locaux.
Ce sont des sujets qu’il nous faudra évoquer – M. Collombat en a parlé –, mais le principe de gratuité ouvre des possibilités dont vous regretteriez la disparition, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je soutiens la position du rapporteur et m’inscris en faux contre les propos de nos collègues, en particulier de M. Collombat, dont je connais depuis longtemps le sens aigu de l’ironie : ils peuvent certes répéter à l’envi qu’il n’y a rien dans ce texte, qu’il ne contient pas le statut mirifique attendu. Pour ma part, je veux soutenir ici le point de vue contraire.
J’ai moi-même présenté une loi, non pas en 1991 mais en 1992, qui permettait d’importantes avancées. Si la présente proposition de loi est votée et si sont retenus les amendements qui ont été adoptés par la commission, cela fera douze mesures concrètes supplémentaires au bénéfice des élus locaux de ce pays.
M. Yves Daudigny. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certains diront que, parce que ce texte ne va pas assez loin, il ne vaut rien. Mais on peut dire cela de manière récurrente à propos de presque toutes choses.
Le texte que vous proposez d’abroger date de 1831. Il s’inscrit dans une tradition ancienne, antérieure à la IIIe et même à la IIe République, en vertu de laquelle on considère que l’exercice des mandats locaux ne donne pas lieu à un salaire. Ceux-ci sont assurés de manière civique et gratuite, et l’indemnité est une compensation.
Il y a là un principe républicain fondamental, que je défends ici, de même que je soutiens que les dispositions que nous sommes en train d’adopter, avec l’aide de tous – les amendements qui ont été retenus par la commission et les articles de la proposition de loi émanent de tous les groupes – constituent des avancées.
Certes, on peut toujours faire preuve d’ironie et mépriser les avancées. Pour ma part, je suis de ceux qui se réjouiront que l’on fasse de tels pas en avant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président de la commission des lois, je sais que vous avez une grande capacité à vous réjouir. Il y a douze mesures dans ce texte, très bien ! Pourquoi pas une treizième ? Seriez-vous superstitieux ? (Sourires.)
Ce principe remonte à 1831. Toutefois, vous vous apprêtez à changer des principes qui remontent à beaucoup plus loin. Cet argument ne tient pas, cela n’est pas sérieux !
Le vrai problème, c’est qu’il faut rompre avec une hypocrisie – je crois que c’est Philippe Dallier qui a utilisé le mot tout à l’heure –, car, mystérieusement, ce principe ne concerne que les élus communaux. Pour autant que je sache, dans le CGCT, il ne s’applique ni aux élus départementaux ni aux élus régionaux. (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.) Là, on trouve cela normal ! De plus, la gratuité ne concerne que les petites communes, parce que, dans les grandes collectivités, elle ne pose pas de difficulté.
Dès lors, pourquoi ne pas lever ce verrou ? Cela ne changerait rien aux conditions effectives, qu’il s’agisse du montant des indemnités ou des contreparties. Lever ce verrou permettrait d’aller véritablement plus loin et de se débarrasser de cette clause qui remonte à 1831, une époque où, comme je le disais tout à l’heure, les fonctions électives étaient essentiellement décoratives – beaucoup de gens étaient alors nommés – et permettaient de justifier les décorations dont on gratifiait les notables locaux.
Nous ne sommes plus du tout dans cette configuration, surtout depuis 1982. Il faut tout de même être un peu cohérent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ajoute que 300 000 élus en France, soit près de 60 % d’entre eux, ne reçoivent aucune indemnité. Le principe de gratuité permet à toutes les collectivités territoriales de rembourser aux élus leurs dépenses, notamment, pour certains, les frais de garde d’enfants, de couvrir entièrement les sommes qu’ils engagent pour la collectivité.
M. François Grosdidier. Ce n’est pas l’avis des préfets !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En supprimant pour ces 300 000 élus le principe de gratuité, vous leur enlevez la possibilité d’être indemnisés et remboursés de leurs frais. Il s'agit d’un véritable problème.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je n’accepte pas, Pierre-Yves Collombat, que vous disiez que mon argumentation n’a aucun sens. (Exclamations sur diverses travées.)
Je tiens à être précis sur ce principe de la gratuité, qui a existé sous plusieurs républiques et même avant. Comme l’a souligné Mme la ministre, il y a beaucoup de sens à maintenir ce principe dans notre loi par respect pour les élus locaux.
Sur les 550 000 élus de France, sans doute près de 450 000 ne touchent aucune indemnité. Ces « hussards noirs de la République », pour reprendre une formule de Charles Péguy, se dévouent inlassablement et se battent tous les jours pour faire vivre nos communes. Ils connaissent chaque route, chaque chemin, chaque maison, chaque commerce, chaque entreprise ; ils connaissent la réalité, et la moindre des choses est de maintenir le principe en vertu duquel ils exercent leur mandat gratuitement. Je le dis avec gravité, car je pense que l’on ne peut pas tout traiter sur le mode de l’ironie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Ce serait à mon sens une erreur de supprimer le principe de gratuité. En effet, cela impliquerait – vous l’avez dit, madame la ministre – de salarier les élus pour atténuer le poids des frais.
Le principe de gratuité permet les indemnisations. D'ailleurs, je regrette que vous ayez employé l’expression d’« élu rémunéré », qui fait référence à un salaire, car je ne souhaite pas que l’on s’engage dans cette voie, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’avoue mon étonnement. On parle de professionnalisation, de salaire, qu’il faut éviter dans les fonctions électives, de gratuité et d’action volontaire. Une distinction est nécessaire. Les sapeurs-pompiers volontaires, par exemple, ont des possibilités d’indemnisation ; leur action n’est ni gratuite ni bénévole.
Ce qui m’étonne surtout, madame la ministre, c’est que, à l’occasion de l’examen, voilà quelques semaines, du projet de loi de finances pour 2013, il a été prévu que les élus, donc les collectivités, seraient, au-delà d’une certaine rémunération, assujettis aux cotisations pour les risques liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Cette mesure a pour seul but de ponctionner les collectivités locales. Par exemple, elle va coûter 400 000 euros au département de la Marne ! Et on continue à parler de gratuité.
D’un côté, on impose aux collectivités de nouvelles cotisations et, de l’autre, on soutient que les élus exercent leurs fonctions gratuitement. Il y a là une véritable contradiction !