M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.
M. Marcel Rainaud. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je comprends que la réflexion sur ce sujet n’est pas encore totalement finalisée et qu’un grand débat nous attend.
Je voudrais simplement insister sur la situation dans laquelle se trouvent les bailleurs sociaux et les fédérations du bâtiment, qui lancent d’ailleurs une campagne nationale de revendication contre le relèvement du taux de TVA applicable. Ces acteurs sont suspendus aux arbitrages du ministre du budget. Ils veulent bien participer à la mise en œuvre de la politique que vous définissez, sachant que le logement est vertueux, qu’il relance l’économie, crée des emplois et fait naître les conditions de la cohésion sociale, mais il faut que les arbitrages le leur permettent.
Nous faisons tous le même constat : des millions de Français attendent de nous que nous prenions les bonnes décisions. Je resterai particulièrement attentif à l’évolution de ce débat, mais je suis sûr, madame la ministre, qu’il ira dans le bon sens !
contrôles de sécurité de francs-bords sur les bateaux de pêche effectués par des sociétés privées
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 90, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger à nouveau sur la question de la visite annuelle de sécurité sur les bateaux de pêche. Nous en avons déjà débattu, une première fois lors d’une rencontre à votre cabinet, le 10 juillet dernier, à laquelle participait M. Jean Bizet, puis à l’occasion du débat que nous avons eu au Sénat sur la politique européenne de la pêche.
Cette visite annuelle de sécurité est indispensable et personne n’en conteste le principe. Cependant, un décret du 30 janvier 2012 a disposé qu’elle serait effectuée non plus par l’administration maritime, mais par des sociétés privées agréées par votre ministère. Or ces sociétés privées se font naturellement rémunérer et le coût de leur prestation est assez élevé : il représente, pour beaucoup d’artisans pêcheurs, le produit d’une journée de pêche !
Je forme le souhait, relayant en cela l’attente profonde des pêcheurs, qui sont confrontés, vous le savez, à de grandes difficultés économiques, que ce décret soit abrogé. Vous m’avez déjà objecté qu’il avait été pris par l’ancien gouvernement ; cela ne m’avait pas échappé, monsieur le ministre ! (Sourires.) Vous savez fort bien défaire ce que l’ancien gouvernement a fait lorsque cela vous semble nécessaire. En l’occurrence, j’estime pour ma part que tel est le cas, et j’attends de vous que vous sachiez améliorer ce que vos prédécesseurs ont pu faire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Les obligations réglementaires des navires de pêche en matière de visites de sécurité revêtent un caractère particulièrement important. Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, j’avais demandé à mon cabinet de vous recevoir, l’été dernier, avec votre collègue Jean Bizet et le président du Comité local des pêches maritimes, M. André Piraud, pour échanger sur ce sujet.
La réglementation a récemment évolué et, depuis octobre 2012, les visites périodiques de sécurité intègrent une évaluation du risque qui permet d’adapter, de la façon la plus pertinente possible, la durée du permis de navigation. Ce dispositif permet de concentrer les efforts de contrôle sur les navires les plus vulnérables ou sur ceux en ayant le plus besoin.
Des opérations de police en mer sont menées en parallèle afin de compléter ce dispositif de contrôle de sécurité des navires.
Enfin, des contrôles de la coque des navires, appelés communément visites de franc-bord, sont régulièrement réalisées, soit par des sociétés de classification, soit par les centres de sécurité des navires.
Je m’en suis assuré, l’ensemble de ces dispositions permet à la France de répondre à ses obligations aussi bien internationales que communautaires, tout en proposant aux administrés un niveau élevé de contrôle de la sécurité des navires.
Une mission d’évaluation de la Cour des comptes, qui a fait grand bruit, a été conduite entre octobre 2010 et avril 2012, période pendant laquelle les services du ministère étaient en train de mener un lourd travail de transposition du troisième paquet « Erika III » de mesures législatives en matière de sécurité maritime.
La France a ainsi montré qu’elle était résolue à faire face aux enjeux en termes de sauvegarde de la vie humaine en mer. Les services du ministère chargés de la sécurité maritime sont pleinement impliqués dans la réalisation des objectifs fixés dans ce domaine.
La sécurité maritime et, plus précisément, la sécurité des navires est une mission fondamentale dont l’État souhaite conserver la maîtrise, en assumant pleinement ses responsabilités d’État du pavillon. Aujourd’hui, la France est un des rares pays européens à avoir conservé cette compétence de contrôle du pavillon sans avoir recours systématiquement à la délégation aux sociétés de classification.
La persévérance des services chargés du contrôle de la sécurité des navires nous place dans le peloton de tête des pays à vocation maritime. La réalité des chiffres en témoigne : le nombre de vies humaines perdues par accident ou événement de mer est en diminution constante sur les navires professionnels battant pavillon français – vingt-quatre décès ont été enregistrés en 2009, neuf en 2011 –, le classement du pavillon français dans le mémorandum de Paris est excellent, puisqu’il se situe parmi les cinq premiers de la liste « blanche ».
Pour conclure, je souhaite insister sur la nécessité de disposer d’une administration maritime puissante. Il importe que nous respections nos engagements internationaux, ce qui n’était pas le cas avant que soit pris le décret de janvier 2012.
Nous devons en outre pouvoir concentrer l’action des services de l’État sur les navires les plus vulnérables, ceux de moins de douze mètres, par exemple, et redéployer les moyens de l’administration maritime.
Je suis sensible à votre remarque sur l’importance des missions régaliennes de l’État, monsieur le sénateur. J’attache le plus grand prix à ce qu’il n’y ait pas d’abandon dans ce domaine, comme on peut en constater dans d’autres pays, y compris pour le contrôle des sociétés de classification. Notre pays doit assumer sa légitime ambition maritime.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Il y a un point sur lequel nous sommes évidemment d’accord : la sécurité de nos navires, en particulier de nos bateaux de pêche, est un élément fondamental. Nous ne pouvons pas baisser la garde dans ce domaine.
Le rappel assez long que vous venez de faire sur les dispositions prises en la matière, y compris au travers de ce décret de janvier 2012, est certes utile, mais vous conviendrez qu’il ne répond pas à la question précise que je vous posais : oui ou non, allons-nous pouvoir rétablir un contrôle directement exercé par l’administration maritime, et non pas délégué à ces sociétés de classification dont les prestations sont coûteuses pour nos artisans pêcheurs ? Ceux-ci supportent des charges élevées et ont un revenu limité.
Je transmettrai bien évidemment votre réponse aux artisans pêcheurs, mais je peux vous dire à l’avance qu’elle ne règle pas le problème très précis que j’évoquais.
transports en commun parisiens
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, auteur de la question n° 96, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, en 2012, 36 % des trains de la ligne B du RER étaient considérés comme irréguliers par l’association d’usagers SaDur : c’était un nouveau record !
La qualité du service des transports en commun parisiens est un véritable cauchemar au quotidien : incidents en tout genre, prix toujours en hausse, sentiment d’insécurité croissant, propreté qui laisse à désirer… Le Parisien a recensé 142 incidents en 2009, 272 en 2010, 324 en 2011. Je ne parle ici que des incidents, monsieur le ministre, et non des mouvements sociaux, qui, on le sait, ne sont pas rares !
Le diagnostic n’a pas été pris en compte. Sur cette période, on a mesuré un accroissement de 1 700 000 du nombre d’usagers, tandis que la durée de vie moyenne du matériel roulant a été estimée par la Cour des comptes à vingt-six ans, sachant qu’elle ne peut excéder trente ans dans ce type d’activité.
Je sais que vous êtes un élu local attaché au bon fonctionnement des transports de sa région, monsieur le ministre. Dans ce domaine, les Parisiens ont malheureusement l’habitude d’être maltraités.
Depuis la fin de la guerre, l’État exerce un monopole. Nous vivons dans la seule région de France où cette particularité perdure. Ce système est unique en Europe, voire au monde : pas moins de quatre sociétés d’État gèrent la ligne B du RER, dont le fonctionnement est défaillant.
J’ajoute que, lors de l’élaboration du dernier rapport, le maire de Paris n’a même pas été auditionné. Il n’a pas été impliqué dans le développement de la société du Grand Paris. Seuls deux adjoints ont été consultés.
Cette société a été constituée sur l’initiative du Président Sarkozy pour essayer de résoudre, dans l’urgence, les problèmes de transports parisiens. La voie choisie ne paraît pas la plus efficace puisque, encore une fois, le monopole public a été retenu. Pour autant, elle avait le mérite de fixer un objectif clair.
Monsieur le ministre, il semblerait que le gouvernement auquel vous appartenez hésite. Il n’a pas affecté le milliard d’euros nécessaire au budget pour 2013, comme cela était prévu. Le 3 janvier, le Premier ministre a annoncé qu’il rendrait un arbitrage sur un certain nombre de dispositions. Mais pendant ce temps-là, les Parisiens attendent…
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question étant dense, je vais répondre à vos interrogations qui concernent mon domaine de compétence.
Vous semblez regretter le monopole d’État. Vous le constaterez cependant, au fil de ma réponse, le système peut avoir des conséquences heureuses et conduire à une prise en charge efficace. C’est en tout cas ce à quoi je m’emploie depuis maintenant quelques mois.
Cela étant, vous en conviendrez, en la matière, le passif est ancien. Il ne peut donc être imputé à ce gouvernement, lequel, depuis sa constitution, s’attache à réorienter la politique des transports pour la rendre plus efficace. Nous sommes très attachés à ce que vous considérez être un droit pour les Parisiens et les Franciliens, c'est-à-dire la qualité et la régularité du service. Je vous l’accorde volontiers : le transport du quotidien doit effectivement être une priorité.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale organise demain une table ronde sur les transports en Île-de-France avec les présidents de la SNCF, de la RATP, de RFF, la direction générale du STIF et l’association des usagers des transports d’Île-de-France, ce dont je me félicite. Je vous précise que j’ai eu hier un entretien avec les présidents de la SNCF et de RFF.
Je veux le souligner, les dysfonctionnements que vous avez évoqués peuvent être d’origine tout à fait différente. Les causes, multiples, ne tiennent pas nécessairement à des défaillances matérielles. Quoi qu’il en soit, j’ai demandé aux dirigeants de la RATP, de la SNCF et de RFF d’avoir comme préoccupation de limiter au maximum les conséquences des dysfonctionnements. À cette fin, je développe également des relations avec le syndicat des transports d’Île-de-France, qui rassemble la région et les départements et qui est l’autorité organisatrice des transports franciliens.
Les nouveaux contrats conclus entre le STIF et les deux entreprises publiques RATP et SNCF, portant sur la période 2012-2015, signés au printemps 2012, sont marqués par un renforcement des exigences du STIF, notamment en matière de qualité de service et de suivi des programmes d’investissement. Sachez que le niveau d’exigence dans la réalisation de l’offre a été fortement relevé. L’accent a notamment été mis sur la ponctualité et la régularité ; un système de bonus-malus renforcé a été instauré pour les deux entreprises. Je partage les objectifs affichés par le STIF.
Vous critiquez aussi le retard pris dans le renouvellement du matériel roulant. Cofinancé à parité par le STIF et les entreprises, un programme de rénovation portant sur les 119 rames de la ligne B du RER, soit la totalité du parc, est en cours et s’achèvera en 2014.
Par ailleurs, du point de vue de l’infrastructure, des travaux de modernisation, financés par l’État et la région, sont en cours sur la ligne B au nord. Ce projet, qui sera mis en service en 2013, a pour objet général d’améliorer les conditions de transport des voyageurs. Les travaux permettront au RER B de circuler sur deux voies qui lui seront exclusivement dédiées, améliorant ainsi la ponctualité. La desserte sera simplifiée et renforcée et deviendra omnibus. Aux heures de pointe, un train partira toutes les trois minutes de la gare du Nord pour desservir alternativement l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle et Mitry-Claye.
Dans la continuité de ces actions, le STIF a lancé les travaux d’élaboration du schéma directeur de la ligne B du RER au sud, afin d’améliorer la qualité de service, de consolider l’exploitation. L’État appuiera ce projet. Il est aussi indispensable, comme pour les lignes C et D, qu’une action globale soit mise en œuvre en termes tant d’exploitation que d’investissement, afin d’améliorer le fonctionnement de cette ligne.
Actuellement – tel était l’objet de notre rencontre d’hier –, en lien avec la région et le STIF, le Gouvernement réfléchit aux moyens d’accélérer l’investissement dans les trains du quotidien en Île-de-France.
Pour ce qui concerne la gestion de la ligne B du RER, le STIF incite les entreprises à poursuivre leur action pour en unifier l’exploitation. La relève en gare du Nord a ainsi été supprimée. Dans la continuité de cette opération, la RATP et la SNCF vont mettre en place cet été un centre de commandement unique de la ligne. De la même manière, j’ai demandé qu’une réflexion soit lancée sur la ligne A du RER.
S’agissant de la société du Grand Paris, vous en connaissez les limites : elle a vocation non pas à gérer une ligne, mais à construire le réseau de métro automatique. En l’occurrence, Cécile Duflot et moi-même ne sommes pas dans l’indécision. Nous essayons de hiérarchiser les interventions et les investissements qui sont utiles au voyage et au transport du quotidien pour les Franciliens et les Parisiens.
La polémique relative au milliard d’euros n’a pas lieu d’être puisque, comme les comptes le précisent bien, cette somme ne sera nécessaire qu’à l’horizon de 2014, voire même de 2015. Elle sera donc provisionnée au moment opportun. L’important, c’est à la fois de mobiliser rapidement tous les moyens requis pour des réalisations, des aménagements ponctuels mais utiles et de faire avancer le schéma du Grand Paris.
Monsieur le sénateur, vous auriez pu interroger sur ce point Cécile Duflot, qui est précisément chargée du dossier du Grand Paris. Cela étant, pour ce qui concerne le volet transport, nous travaillons de concert. Sachez bien que, conformément à l’engagement du Président de la République, le transport du quotidien, sa régularité, son efficacité sont, pour nous, des préoccupations majeures.
Vous avez souligné que, en tant que ministre chargé des transports, j’étais attentif à la qualité du service dans ma région. J’en conviens, mais je porte une même attention à cette question dans toutes les régions, et particulièrement en Île-de-France, laquelle, on le sait, doit disposer d’un service public de qualité en raison de l’intensité du trafic. Je m’y attache et je suis heureux de pouvoir compter sur votre mobilisation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je vous le concède bien volontiers, vous n’êtes pas responsable de l’état catastrophique des transports en Île-de-France. Vous venez seulement de prendre vos fonctions. Je suis donc ravi d’avoir pu vous sensibiliser à la situation spécifique de cette région.
Votre réponse est certes fournie, mais c’est celle du STIF, et nous la connaissons, nous, élus parisiens ! M. Huchon est à la tête de la région Île-de-France et préside le STIF depuis deux mandats, mais rien ne change. On nous dit qu’on va améliorer la qualité du service, rénover le matériel, mais selon le bilan réalisé par la Cour des comptes, celui-ci a été mis en service voilà vingt-six ans !
Pour ce qui concerne le Grand Paris, provisionner le milliard d’euros prévu ne constituerait pas un problème, cette somme n’étant pas nécessaire tout de suite. Mais les Parisiens, eux, paient d’ores et déjà, dès cette année, la taxe spéciale d’équipement, soit plus de 10 euros par foyer. C’est la réalité ! Pourquoi le Gouvernement ne leur rend-il pas cet argent ?
Paris est maltraité ! Vous protégez en partie les grandes sociétés nationales en cause. Or, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous reconnaissiez que le système engoncé, bloqué, méritait d’être rénové.
Pourquoi confier à la société du Grand Paris le soin de s’occuper de la construction du métro automatique, d’établir un budget d’un montant de plus ou moins 10 milliards d’euros – tel est d’ores et déjà le dépassement du budget initial prévu –, alors que la RATP pendant ce temps manque de moyens ? Simplifiez ! Donnez mission à la RATP, société nationale dont 98 % de l’activité est régionale, de terminer ce réseau également régional. Autorisez l’exploitation de lignes de bus par des compagnies privées, ce qui allégera le fardeau de la RATP. Il ne faut pas être spécialiste en la matière pour savoir que, dans la France entière, dans l’Europe entière, dans le monde entier, les lignes de bus ne sont pas monopole d’État.
Telles sont les deux idées que je voulais vous soumettre, à vous, ministre chargé des transports.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Exercice par les élus locaux de leur mandat
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, présentée par Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 120, texte de la commission n° 281, rapport n° 280).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Gourault, coauteur de la proposition de loi.
Mme Jacqueline Gourault, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons eu hier une discussion très intéressante et très constructive sur la proposition de loi visant à créer un conseil national d’évaluation des normes, que Jean-Pierre Sueur et moi-même avions déposée. Le débat a été serein, et je tiens à en remercier tous nos collègues qui y ont participé, ainsi que le rapporteur du texte, Alain Richard, qui a su faire preuve, comme à l’accoutumée, de beaucoup de doigté et de compétence. J’espère que nous examinerons la présente proposition de loi dans le même esprit.
Les deux propositions de loi font suite aux états généraux de la démocratie territoriale. Le président du Sénat nous a en effet confié, à Jean-Pierre Sueur, en tant que président de la commission des lois, et à moi-même, en tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, la mission de travailler sur ces questions.
Nous savons tous, puisque nous sommes, pour la plupart d’entre nous, des élus locaux, qu’il y a des améliorations à apporter au statut de l’élu local. Certes, il existe déjà des garanties, mais elles sont insuffisantes. En témoignent plusieurs rapports faits au nom de la délégation que je préside, notamment ceux rédigés l’an dernier par Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet, sur le statut de l’élu, et par Antoine Lefèvre, sur la formation des responsables locaux. Je me limite à l’année 2012, mais on pourrait remonter plus loin, car cela fait longtemps que le sujet nous préoccupe.
Je tiens à mentionner également la proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, rédigée par Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx, qui contenait un certain nombre d’éléments intéressants ; elle avait été votée à l’unanimité au Sénat, mais n’avait malheureusement pas prospéré à l’Assemblée nationale.
Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue une synthèse des différents éléments mis en avant dans ces rapports et dans cette proposition de loi. Nous ne faisons rien de révolutionnaire, nous apportons seulement une pierre à l’édifice du statut de l’élu.
Certains pensent que nous n’allons pas assez loin. J’aurais tendance à leur répondre : chi va piano va sano…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Chi va sano va lontano !
Mme Jacqueline Gourault. … et tout changement qui va dans le bon sens doit être adopté.
Ces critiques contiennent une question sous-jacente : la fonction d’élu est-elle un métier ? C’est là qu’est le nœud du problème. Il est clair que la proposition de loi n’opère pas de révolution dans la tradition française du bénévolat des élus locaux. Le principe du bénévolat est même inscrit dans le code général des collectivités territoriales. Plusieurs de nos collègues avaient d'ailleurs présenté des amendements pour supprimer la gratuité des fonctions d’élu local, dans la mesure où celles-ci peuvent être exercées dans de grandes collectivités territoriales.
Je comprends bien cette demande. Le statut des élus locaux est pris en tenaille entre le principe du bénévolat et la nécessité où se trouvent certains élus d’êtres disponibles à plein temps pour exercer leur fonction.
M. Luc Carvounas. Sans compter la lourdeur des dossiers !
Mme Jacqueline Gourault. Nous ne sommes pas loin, ici, du problème du cumul des mandats.
Cela étant, dans la structuration actuelle de notre pays, qui compte 36 000 communes, je ne vois pas comment on pourrait professionnaliser la fonction d’élu. En effet, 36 000 communes, cela signifie des centaines de milliers de conseillers municipaux travaillant bénévolement dans des communes de toutes tailles. C'est la raison pour laquelle, dans notre proposition de loi, nous avons écarté l’idée d’une carrière professionnelle de l’élu et conservé le principe du bénévolat. Je rappelle toutefois que ce principe n’exclut pas les indemnités de fonction, qui permettent de dédommager les élus.
Je n’entrerai pas dans le détail de la proposition de loi, car notre rapporteur le fera. Je tiens cependant à dire que, selon moi, quand on aborde le droit d’absence, le droit à la suspension du contrat de travail, l’allongement de l’allocation différentielle de fin de mandat, quand on protège les élus, quand on facilite l’indemnisation des maires des petites communes, quand on unifie le cadre intercommunal, quand on encourage la formation des élus, on fait beaucoup de choses pour la démocratie locale et on va dans le bon sens.
Reste que le débat ne sera pas clos par l’adoption de cette proposition de loi. Nous n’avons pas la prétention, Jean-Pierre Sueur et moi-même, de tout régler, mais nous voulons faciliter l’exercice des mandats locaux, en particulier pour les salariés du secteur privé, car il existe actuellement une grande inégalité entre ces salariés et les fonctionnaires.
J’espère que cette proposition de loi sera, comme celle d’hier, adoptée à l’unanimité, ou presque puisqu’il n’y avait eu qu’une seule abstention. (Applaudissements sur plusieurs travées.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est, comme celle que nous avons examinée hier, issue des états généraux de la démocratie territoriale, qui ont été organisés par le Sénat sur l’initiative de son président et qui ont rassemblé de nombreux élus dans la quasi-totalité des départements de France et à l’échelle nationale.
Comme l’a excellemment dit Jacqueline Gourault, avec laquelle j’ai élaboré cette proposition de loi, il s'agit de faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Le terme « faciliter » est important. Cela fait si longtemps que nous entendons tous parler du « véritable » statut des élus, comme si l’on pensait qu’un jour, ou plutôt un soir, qui serait un Grand Soir (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.), apparaîtrait soudainement l’authentique statut des élus.
L’histoire ne fonctionne pas ainsi, mes chers collègues ; vous le savez tous.
M. Pierre-Yves Collombat. Peut-être qu’il en ira différemment quand ce sera l’heure du changement !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Collombat, je voudrais vous rappeler que, il y a plus de vingt ans, en 1992, j’ai eu l’occasion de présenter, en ma qualité de secrétaire d’État aux collectivités locales, un premier projet de loi relatif aux mandats locaux.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. On m’avait alors dit qu’un statut de l’élu local était enfin créé. J’avais répondu qu’il ne s’agissait pas encore d’un statut, mais seulement de quelques pas.
M. Pierre-Yves Collombat. Rendez-vous dans vingt ans, alors !
M. Jean-Pierre Sueur. Ces quelques pas n’étaient pas négligeables, monsieur Collombat. Pour la première fois, la nécessité d’une formation des élus locaux était prise en compte. J’avais même plaidé pour que cette formation fût assurée par les universités ou les groupements d’établissements publics d’enseignement, les GRETA, mais je m’étais heurté à beaucoup d’élus qui pensaient qu’il était préférable qu’elle fût effectuée par des organismes que nos différentes formations politiques n’ont pas manqué de créer.
Dans ce même projet de loi, a été instaurée pour la première fois une retraite pour les élus. Pour ma part, j’avais plaidé, mais je me suis retrouvé en position minoritaire – cela peut arriver, monsieur Doligé –,…