M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord exprimer la satisfaction, nullement politique, mais purement technique, de constater que notre assemblée a été à la hauteur de sa tâche.
J’ai certes été, le plus souvent, en désaccord avec M. le rapporteur général, mais l’on peut dire qu’il a agi avec doigté et efficacité, et qu’il a excellé dans ses fonctions.
Monsieur le ministre, même si, sur le fond, je n’ai pas été satisfait de toutes vos réponses, vous avez été incontestablement à notre écoute.
Quant aux différents groupes, ils ont joué leur rôle, sous la houlette bienveillante de la présidence, et avec le concours de nos vaillants collaborateurs.
Il faut dire que l’examen de ce texte sur la BPI les 10 et 11 décembre était pour le moins inattendu. Il résulte d’une modification de notre ordre du jour décidée par la conférence des présidents à la suite du rejet de la première partie du projet de loi de finances. Ce rejet a permis de libérer quelques plages dans l’agenda parlementaire, lesquelles ont été mises à la disposition du Gouvernement par les groupes parlementaires du Sénat.
De ce point de vue, nous avons fait œuvre commune et, d’une certaine manière, monsieur le ministre, vous devrez à nos collègues du groupe CRC et l’examen et le vote de ce texte cette semaine : non seulement, grâce à eux, l’ordre du jour s’est trouvé allégé, mais aussi, je le suppose – ou plutôt je le crains –, ils vont vous apporter leurs voix, cette fois-ci.
Nous verrons donc la BPI se déployer, et nous en reparlerons peut-être même dès les prochains jours, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. En effet, si je ne m’abuse, la BPI est appelée à jouer un certain rôle dans la mise en œuvre du crédit d’impôt dont les entreprises bénéficieraient à partir du début de l’année prochaine. Il reste à savoir dans quelles conditions, et pour quel coût d’intervention.
En tout état de cause, mes chers collègues, la commission a travaillé comme elle s’efforce de le faire habituellement.
Au Sénat de trancher à présent !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Le véritable problème que nous avons à résoudre, monsieur le ministre, est celui de la croissance, de la recréation d’emplois et de la lutte contre le chômage. Nous savons bien que c’est d’abord de compétitivité qu’il s’agit ; le financement des entreprises vient en second. C’est parce que les conditions de la compétitivité sont réunies que l’on peut assurer ce financement. Il est vain de financer des entreprises qui ne répondent pas aux exigences de compétitivité. De cela, nous aurons l’occasion de parler à nouveau lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Les sénateurs de l’UDI-UC ont entamé cette discussion avec beaucoup de bienveillance, comme l’attestent les propos de notre porte-parole, Aymeri de Montesquiou, dans la discussion générale. Je dois vous avouer pourtant que nous avons été déçus. Monsieur le ministre, vous avez eu recours à la loi, dans sa majesté. Mais pour quoi ? OSEO existe et fonctionne dans des conditions satisfaisantes que chacun reconnaît, avec des instances régionalisées. Quant aux participations et au financement du capital des PME, ils sont assurés par CDC Entreprises avec ses délégations régionales.
Si le propos de ce texte est la coordination, cela relève de la gouvernance et non nécessairement de la loi.
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Jean Arthuis. Je pense donc que la valeur ajoutée de la loi n’est pas ici démontrée.
Alors, bien sûr, on imagine cette banque publique comme une sorte de corne d’abondance.
M. Philippe Marini. Ah oui !
M. Jean Arthuis. Mais d’où viendra son capital social ? Je n’ai pas vu dans la loi de finances initiale l’inscription de crédits pour abonder le capital de la BPI. On fera donc ce que l’on a déjà fait pour le Fonds stratégique d’investissement. Et je ne saurais ici être suspect d’esprit partisan si j’indique que les conditions que l’on fait à la BPI me font penser à celles qui ont présidé à la constitution du FSI : comme on n’a pas d’argent, la Caisse des dépôts et consignations et l’État apporteront chacun des participations, sans toutefois que cela crée des liquidités pour assurer la mission de financement des entreprises.
J’ai une seconde critique à formuler, concernant cette fois la présence d’élus politiques dans le conseil d’administration, qui n’est pas forcément un gage de bonne gestion… Dois-je vous rappeler, chers collègues, que Dexia a eu le privilège de compter dans son conseil d’administration des élus politiques ? Je ne suis pas sûr qu’ils aient contribué à redresser le navire au moment où il était en péril !
Je crois que la présence d’élus politiques dans le conseil d’administration d’une banque constitue une source de vrais conflits d’intérêts. C’est une formule que l’on a tort de choisir.
M. Martial Bourquin. Mais vous en vouliez plus !
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, vous nous avez dit tout à l'heure que les entreprises auraient une créance sur l’État. C’est l’objet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Autrement dit, les entreprises vont bénéficier, en 2013, d’un allègement de charges sociales de 20 milliards d’euros, mais elles vont devoir d’abord financer elles-mêmes cet allègement. L’État nous présentera ensuite une exécution budgétaire sans avouer l’existence d’un déficit supplémentaire de 20 milliards d’euros.
Alors, oui, les entreprises auront bien une créance sur l’État, monsieur le ministre, mais je ne crois pas que l’État ait prévu d’enregistrer une dette envers les entreprises. Autrement dit, les entreprises vont préfinancer cet allègement de charges sociales, et j’ai compris que la BPI allait servir à couvrir cette nécessité de financement.
Monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, la BPI va donc servir à financer le budget de l’État (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), puisque les entreprises feront l’avance et que ce besoin de financement sera couvert par la Banque publique d’investissement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas sérieux !
M. Jean Arthuis. Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que notre groupe, dans sa majorité, votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour gagner l’énorme défi du retour de la compétitivité, nos entreprises n’ont jamais eu autant besoin de financement, tant pour leurs fonds propres, leur trésorerie, que pour leurs investissements.
Vous présentez aujourd’hui la BPI comme une solution majeure face à cette nécessité de redressement, voire, avez-vous dit avec un peu d’emphase, comme le « porte-avions de la croissance future ».
Cette métaphore signale bien ce qu’est réellement ce projet : beaucoup de communication autour d’un objet mal identifié… Il n’a même pas le statut d’une banque, mais il va altérer la réussite économique, manifeste pour les projets innovants, d’OSEO, qui reçoit pourtant des louanges de tous bords ; il va de même ébranler la solidité d’une institution, la Caisse des dépôts et consignations, qui devra assurer en définitive l’essentiel des financements à haut risque, c’est-à-dire ceux qui seront délaissés par les marchés, mais soutenus par la démagogie !
M. Jean-Jacques Mirassou. Arrêtez de nous faire croire que tout allait bien avant !
M. Francis Delattre. OSEO, le FSI et CDC Entreprises ont fait leurs preuves sur leurs créneaux d’intervention. Les regrouper, en prenant prétexte d’un pilotage plus efficace, dans un ensemble alourdi par une gouvernance à multiples étages, épaulé par un conseil national d’orientation et des comités régionaux d’orientation pléthoriques, privera ces trois entités de deux qualités essentielles, leur bonne identification des besoins de financement des entreprises et leur réactivité.
Ni en commission ni en séance nous n’avons obtenu d’explications sérieuses sur les choix qui ont présidé à la constitution d’une structure faîtière, l’établissement public à caractère industriel et commercial BPI-Groupe : cela risque de dégrader les conditions de refinancement d’OSEO, devenu filiale d’un ensemble complexe. Monsieur le ministre, contrairement aux intentions affichées, vous introduisez à ce niveau une faiblesse opérationnelle.
Pour produire l’illusion de cocher une case sur la liste des engagements électoraux du Président de la République, vous vous privez de la qualité de la signature d’OSEO et de son accès au marché mondial des organismes prêteurs.
Monsieur le ministre, en sus d’un bon équipage, un porte-avions a besoin d’un cap. Or, aujourd’hui, plusieurs boussoles pointent dans différentes directions, c’est le moins que l’on puisse dire.
Qu’on en juge.
Première boussole, le projet de loi de finances pour 2013 interdit la déductibilité des intérêts d’emprunts des entreprises pour relancer leurs investissements. Où est la cohérence avec le présent projet de loi, alors que le niveau d’investissements de nos entreprises est le plus bas jamais constaté ?
Deuxième boussole, la fiscalisation à 20 % du forfait social se traduit par un « perdant-perdant », perdant pour les salariés, perdant pour les fonds propres des entreprises. Où est la cohérence avec le diagnostic contenu dans le rapport Gallois, qui déplore la faiblesse chronique en fonds propres des PME et des PMI ?
Mme Christiane Demontès. Mais qu’avez-vous fait, vous ?...
M. Francis Delattre. Enfin, troisième et dernière boussole, le projet de loi de finances rectificative prévoit un dispositif de crédit d’impôt et fait miroiter aux entreprises une créance fiscale sur l’État en 2013 assortie d’un règlement en 2014 dont nous ignorons l’essentiel des modalités. Quelle lisibilité cela offre-t-il aux entreprises à la veille d’un premier trimestre 2013 unanimement redouté ?
M. Claude Bérit-Débat. C’est affligeant !
M. Francis Delattre. Et que dire encore – nous devons en parler, ici, au Sénat - de la panne sèche des prêts aux collectivités territoriales, de l’ordre de 10 milliards d’euros, avec pour unique réponse des palinodies sans fin autour de Dexia et de La Banque postale ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. À qui la faute ?
M. Jean-Vincent Placé. C’est votre héritage !
M. Jean-Jacques Mirassou. Un peu de mémoire !
M. Michel Vergoz. Oui, un peu de mémoire !
M. Richard Yung. Dexia, c’est vous !
M. Francis Delattre. Les conséquences de cette situation se font déjà gravement sentir sur les activités de tout le secteur du bâtiment et des travaux publics, avec les milliers de licenciements que l’on peut redouter.
La principale interrogation, enfin, concerne l’ « avènement » - ne sommes-nous pas à la veille de Noël ? -, des 42 milliards de crédits d’intervention annoncés et leur répartition. Nous aurons donc un guichet unique mais deux actionnaires : comment et quand leurs fonds propres seront-ils libérés, et sur quels crédits ? Sur ces sujets, on déborde de bonnes intentions, mais il faudra bien satisfaire aux ratios prudentiels dont toute banque a besoin !
En réalité, plusieurs mois seront nécessaires encore pour que la BPI soit efficace. L’annonce, à Noël, d’un « porte-avions de la croissance » pour 2013…
M. Jean-Jacques Mirassou. Un porte-avions vaut mieux qu’un sous-marin !
M. Francis Delattre. … paraîtra bien dérisoire à celles et ceux de nos concitoyens qui souffrent quotidiennement des affres de la crise que, par vos choix, vos atermoiements et vos faux-semblants, vous contribuez à aggraver, dans ce dossier comme dans beaucoup d’autres.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce qui est excessif est dérisoire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je suis bien triste d’intervenir après notre collègue Francis Delattre, bien triste d’avoir dû entendre une telle explication de vote sur un texte aussi sérieux, et de la part d’un parlementaire qui a soutenu le gouvernement précédent !
Or qui, sinon ce gouvernement-là, nous a plongés dans les affres de la crise, du chômage et de la désindustrialisation, monsieur Delattre ? (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) En dix ans, nous avons perdu 800 000 emplois industriels - nous en avions 4 millions, il en reste 3,2 millions. Et 350 000 ont été détruits ces cinq dernières années. Certes, ce n’est pas la faute de ce seul gouvernement (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), mais il n’était tout de même pas complètement innocent ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.)
J’aurais donc aimé entendre dans vos propos, mais également dans ceux pourtant plus nuancés de Jean Arthuis, l’écho d’une mobilisation de la représentation parlementaire rassemblée autour de cette belle initiative du Gouvernement, cette BPI dont nous avons tant besoin et depuis si longtemps, et qui unifie l’ensemble des structures d’investissement (M. Jean Arthuis proteste.).
Monsieur Arthuis, cela, vous ne l’avez pas fait, vous vous êtes contenté de saupoudrage ! OSEO est efficace, certes, mais qu’en est-il du FSI ? Pouvez-vous sérieusement affirmer que, de temps en temps, il ne servait pas à des opérations menées par le pouvoir pour favoriser tel ou tel obscur investissement au bénéfice de ses amis ? C’est cela, la réalité !
Nous voulons donc une vraie banque publique d’investissement, avec des critères, avec des orientations, avec une stratégie ! (Protestations sur les travées de l'UDI-UC. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je suis donc satisfait que nous allions dans cette direction, y compris sur la transition écologique et énergétique. Ces 42 milliards d’euros – et même 72 milliards d’euros -, ne seront peut-être pas encore suffisants, mais nous payons encore vos errances, vos erreurs, votre endettement et votre déficit.
Nous allons, nous, dégager des marges de manœuvre, remettre de l’argent pour investir dans les territoires ruraux, dans les banlieues défavorisées, dans les territoires ultramarins. Nous n’avons pas besoin de concéder des avantages faramineux aux seules grandes entreprises multinationales ni de nous concentrer sur les TPE, qui sont destinataires d’autres mesures. Nous devons aider les PME et les PMI innovantes qui, dans de nombreux secteurs - le numérique, la santé et l’environnement, les énergies renouvelables -, pourraient développer des milliers d’emplois, bien au-delà de leurs 250 salariés. Voilà les beaux chantiers qui sont devant nous !
Alors que se mobilisent le Gouvernement, les régions, les chambres de commerce, tout le monde en somme, vous gâchez ce moment d’unité nationale par une attitude extrêmement politicienne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
Je voudrais également dire quelques mots pour remercier le ministre et le rapporteur général de la qualité des débats. Depuis que je suis élu, je ne manque jamais l’occasion de saluer la haute tenue de nos échanges et l’expertise de nos collègues de tous bords, comme celle de notre collègue Philippe Marini, président de la commission des finances.
J’ai fait la déplorable expérience encore récemment du manque d’écoute dont souffre la représentation nationale, y compris au plus haut niveau de l’État. Aujourd’hui, je suis très satisfait de l’écoute du Gouvernement, qui a repris des amendements importants, venant de toutes les travées : ceux du CRC sur la relation avec la Banque européenne d’investissement ; celui de la droite sur la représentation parlementaire, à laquelle nous sommes attachés, ou encore les amendements relatifs à l’outre-mer ou aux zones rurales. Je me réjouis particulièrement que les amendements que j’ai proposés sur la transition écologique et énergétique aient été adoptés.
Permettez-moi deux boutades en guise de conclusion, d’abord pour inviter M. le ministre à proposer à quelques-uns de ses collègues une formation sur la revalorisation du rôle du Parlement ainsi que l’attention et l’écoute qu’il faut lui prêter avant, pendant et après l’examen d’un texte, bref, tout au long du processus législatif !
M. Albéric de Montgolfier. Et les ordonnances ?
M. Jean-Vincent Placé. Ensuite, une métaphore plus écologique. J’ai beaucoup aimé certaines des images qui ont été utilisées, mais celle du porte-avions me laisse un peu froid. Je parlerai plutôt d’une caravelle…
M. Albéric de Montgolfier. Va-t-elle atterrir à Notre-Dame-des-Landes ?
M. Jean-Vincent Placé. … par référence à celle qui a emmené un grand explorateur vers le Nouveau Monde, même si celles et ceux qui connaissent l’histoire savent que seules la Pinta et la Niña étaient des caravelles, la Santa Maria étant, elle, une caraque. (Sourires.)
Voilà le beau destin que je souhaite à la BPI ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Cette loi produit-elle un outil technique concret ? Oui ! Avons-nous nourri les débats de propos techniques ? Certains en ont tenu, sans aucun doute. Mais cette loi n’est-elle que technique ? Certainement pas ! Mes chers collègues, nous posons un acte politique très fort en prenant une décision économique qui sert les entreprises, les territoires et l’emploi, parce qu’elle accorde une place prépondérante à l’export, l’innovation et la transition écologique.
Monsieur le ministre, il s’agit là de la première grande loi économique du gouvernement auquel vous appartenez. Ce texte est tout à la fois un signal précurseur adressé au système bancaire et la marque de la reconnaissance de la proximité et de la prépondérance des territoires en lien avec les entreprises, avec tous ceux qui les font vivre et qui créent une dynamique sur le terrain.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, au regard de la crise et de l’impasse économique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, il y a urgence : la BPI verra le jour le 1er janvier 2013. De même, la loi de décentralisation, cette grande loi de décentralisation que nous appelons de nos vœux, est attendue dans les six premiers mois de l’année prochaine. Quel sera son contenu ? Nous verrons ce que nous ferons ici des propositions que vous avancerez, monsieur le ministre, mais, quoi qu’il en soit, j’espère que cette loi accentuera le mouvement en faveur du développement économique et territorial confié, avec tous les moyens adéquats, aux régions, chefs de file.
Permettez-moi, à mon tour, de saluer la qualité de nos débats et de remercier le rapporteur général, ainsi que le ministre, pour son écoute.
En conclusion, je vais vous révéler la position du groupe RDSE : dans son immense majorité (Sourires.), à une exception près, notre groupe votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain.
M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la Banque publique d’investissement s’inscrit dans le cadre d’une politique très claire.
Tout d’abord, il s’agit de lutter contre le déficit pour le ramener à des proportions acceptables afin d’avancer de nouveau et de rassurer tous ceux qui doivent être rassurés. Dans un esprit de justice, il convient de créer des impôts qui portent à la fois sur les familles capables de les supporter et sur les entreprises qui placent leurs bénéfices dans des dividendes plutôt que dans les investissements et les créations d’emplois.
Ensuite, il nous faut aborder la question sérieuse de la compétitivité de nos entreprises et de notre industrie.
Pour faire suite au rapport Gallois, vous instaurez, monsieur le ministre, un crédit d’impôt, assorti de conditions, destiné aux entreprises qui joueront le jeu afin de leur permettre d’être plus compétitives face à la concurrence et d’être ainsi en mesure de redonner de la croissance à notre pays. Cette mesure doit évidemment être financée ; il nous faut prendre nos responsabilités, mais nous aurons l’occasion d’en discuter.
Enfin, vous nous présentez le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement, qui sera suivi d’un projet de loi sur la réglementation des activités bancaires. Cette question est essentielle eu égard au fait que les banques ont été renflouées alors même qu’elles nous avaient entraînés dans les dérives que nous savons. À cet égard, nous devons remercier le Gouvernement, et plus particulièrement le ministre de l’économie et des finances, de s’attaquer rapidement et sérieusement à ces dossiers.
Que ressort-il des débats que nous pouvons avoir avec nos concitoyens hors de nos enceintes ? L’ensemble des Français souhaitent que la croissance revienne, et qu’elle soit durable, et ils sont bien conscients que rien ne sera plus comme avant. Ils veulent que des emplois soient créés pour faire baisser le chômage. Cet espoir et cet objectif mériteraient une adhésion plus grande à certains projets, tels que la création de la BPI, plutôt qu’une simple posture d’opposition systématique, surtout après les dix années que nous avons connues.
À propos de posture, vous avez cité hier soir, monsieur le ministre, des répliques du célèbre film La Grande Illusion. Or nous avons plutôt assisté ces dix dernières années à La Grande Désillusion. « Travailler plus pour gagner plus » ? Quand ils voient le résultat,…
M. Alain Néri. Eh oui !
M. Jean Germain. … la majorité des Français et une grande partie de ceux qui avaient voté pour la majorité de l’époque sont extrêmement désillusionnées. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)
Aujourd'hui, de quoi s’agit-il ? La BPI ne va pas, d’un coup de baguette magique, sauver toutes les entreprises. Il s’agit de reconquérir la compétitivité, en créant un outil de nature à permettre aux chefs d’entreprise et aux entrepreneurs des PME, des ETI et des TPE qui peinent à se financer de retrouver, de façon simple, un outil de croissance durable.
Pour ce faire, des dispositifs éparpillés sont placés sous un pilotage unique, avec de nouveaux fonds et de nouvelles ressources, grâce notamment à l’épargne réglementée ; mais nous y reviendrons dans des débats futurs.
Ce projet de loi donne en outre toute leur place aux représentants des régions et des salariés, avec la création d’un conseil d’administration qui assure la parité en son sein, ainsi qu’aux collectivités territoriales, avec l’instauration des comités régionaux d’orientation.
Pendant le débat, le Gouvernement s’est montré ouvert aux nombreux et divers amendements de la majorité – je pense notamment à ceux qui concernent le champ d’intervention de la BPI en zone rurale qu’a proposés notre collègue Jean-Vincent Placé – comme de l’opposition. M. le ministre a répondu à toutes les interrogations légitimes portant sur les conflits d’intérêts. Certains se sont demandé si la BPI serait un nouveau Crédit lyonnais. Sans doute ont-ils oublié quelles étaient leurs responsabilités dans l’affaire Dexia…
Le vote défavorable de l’UMP annoncé hier dès le début de la discussion n’était pas vraiment bienvenu…
M. Philippe Marini. Nous sommes encore libres de nos votes !
M. Jean Germain. … au regard de la situation de notre pays.
M. Philippe Marini. Ah bon ?
M. Francis Delattre. On verra dimanche soir !
M. Philippe Marini. Un seul vote, un seul parti ?...
M. Jean Germain. Enfin, ce projet de loi met la finance au service de la production en rendant à l’État la maîtrise de sa politique industrielle. La création de la BPI est une véritable chance pour notre pays. Aussi, le groupe socialiste l’approuvera totalement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enjeu induit par la création de la BPI dépasse largement, et même très largement, les modifications du calendrier des travaux du Sénat.
Nous voici face à une banque en devenir, qui n’est établissement de crédit que parce que l’une de ses filiales l’est, en l’occurrence OSEO. Elle disposera de fortes contreparties, mais aussi d’une assez faible capacité d’engagements nouveaux – nous avons parlé de 7 milliards d’euros sur l’année civile pour l’ensemble OSEO-FSI-CDC Entreprises, en général, certes, mais en association avec d’autres partenaires, soit ! –, quand bien même elle doit bénéficier, par recyclage, d’une partie de l’épargne défiscalisée.
BPI-Groupe n’est donc pas une banque stricto sensu et ne devrait permettre de répondre, dans un premier temps, que fort partiellement aux attentes de crédits à l’économie, qui se chiffrent en centaines de milliards d’euros et qui, sur tous les segments, seront de toute manière bien peu couverts par l’action de la BPI et de ses filiales.
Pour reprendre l’allusion cinématographique de départ, la règle du jeu est sans doute celle que le secteur bancaire a imposée : la BPI ne doit pas immédiatement devenir l’instrument d’une remise en question intégrale de l’intervention actuelle de nos banques dans l’économie, leur capacité étant plus consacrée aux opérations pour compte propre qu’au financement de l’économie productive.
La grande illusion, ce serait de voir en la BPI le couteau suisse ou la panacée dont ont besoin nos PME et TPE pour faire face à leurs besoins de développement. La BPI n’est, selon nous, que l’amorce de la reconstitution d’un secteur public financier, porteur des valeurs de service public, d’une éthique de financement et de nouveaux critères d’attribution, aussi.
Nous reviendrons, le moment venu, sur l’impact que l’éthique d’intervention posée par le texte doit avoir sur le niveau des intérêts et la qualité des financements accordés aux entreprises.
La création de la BPI n’est donc que la première étape d’un long processus, une sorte de longue marche, dont nous devrons sans doute accélérer le rythme, après avoir procédé aux premières évaluations de son action, en retenant probablement une partie des propositions qui ont été, aujourd’hui encore, mises de côté.
Quelques amendements de notre groupe sont venus améliorer le texte. Nous voterons en faveur de la création de la BPI parce que la situation économique exige que cette banque existe.
Pour filer la métaphore cinématographique de notre collègue Jean Germain, je citerai, à mon tour, le titre de l’un des plus beaux films de Renoir : La Vie est à nous. Cette banque sera ce que nous en ferons, nous, les parlementaires, mais aussi ce qu’en feront les élus locaux, attentifs à leurs territoires, les syndicalistes, engagés dans la défense de l’emploi productif, ainsi que les chefs d’entreprise, soucieux de mener à bien leur action et de donner sens à l’intervention de la BPI. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)