M. Charles Revet. Il est même très léger !
M. Jean Desessard. Comme je privilégie le consensus, je me range aux côtés de ceux qui sont en faveur de la présente proposition de loi et accepte donc de retirer mon amendement, monsieur le président.
M. Alain Richard. Vous avez raison !
Mme Isabelle Pasquet. C’est dommage !
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec quelques autres membres du groupe UMP, je voterai en faveur de la présente proposition de loi.
Je voudrais revenir sur l’ensemble des débats qui ont eu lieu ce soir, le 15 octobre dernier et en 2011.
En 2007, j’ai rédigé un rapport d’étape sur l’application de la loi relative à la bioéthique adoptée en 2004. Nous avons alors constaté que les dispositions de ce texte étaient loin d’être appliquées, en particulier celles qui concernent les recherches sur les cellules souches embryonnaires, pour lesquelles les décrets d’application n’ont été publiés que très tardivement.
En 2011, j’étais rapporteur de la loi relative à la bioéthique. À l’époque, le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale ne souhaitaient pas que ce texte soit révisable tous les cinq ans, prétextant que, une fois votée, ses grands principes ne pouvaient plus être modifiés. Seuls quelques points de détail, comme les nanotechnologies, par exemple, pouvaient l’être.
C’est bien le Sénat, contre l’avis de l’Assemblée nationale, qui a imposé un vote de révision, devant se tenir cinq ans après l’adoption de 2011. À l’époque, le rapporteur de la loi au Palais-Bourbon avait indiqué en commission mixte paritaire que les dispositions en question n’étaient pas de nature organique et qu’une loi ordinaire pouvait défaire ce qu’un autre texte de même niveau avait fait. Il donnait alors une partie de la réponse à la question de la clause des cinq ans, soulevée tout à l’heure par M. de Legge.
De plus, je tiens à dire que cette clause concernait l’ensemble de la loi de bioéthique, et non seulement des points particuliers en son sein. Cet élément a été confirmé par le ministre Xavier Bertrand, lors de la dernière séance du Sénat sur ce sujet en 2011, au moment du vote définitif.
On peut donc, si on le souhaite, comme c’est le cas du groupe RDSE, modifier la loi sans outrepasser la clause des cinq ans, puisqu’on ne modifie pas l’intégralité de la loi.
Je souhaite également revenir sur les recherches portant sur les IPS, ou cellules pluripotentes induites, et les cellules souches embryonnaires. Sans répéter tout ce qu’a déjà dit le rapporteur, je souhaite simplement indiquer que les IPS sont des cellules souches adultes génétiquement modifiées par des produits cancérigènes. On ne sait pas encore ce qu’elles donneront lorsqu’elles feront l’objet d’applications importantes au cours de traitements. Toutefois, on ne sait pas non plus ce que peuvent donner des cellules souches embryonnaires. Certaines d’entre elles peuvent également, en effet, être à l’origine de cancers. Le travail actuellement mené est un travail de recherche. Nous n’en sommes pas encore au stade de l’application thérapeutique pure.
Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, les laboratoires qui mènent actuellement des recherches sur les cellules souches embryonnaires conduisent également, dans le même temps et dans les mêmes endroits, des recherches sur les cellules pluripotentes induites, les IPS. Pour l’instant, donc, il n’y a pas d’orientation en faveur des unes ou des autres. C’est en fonction des résultats de ces recherches qu’il sera possible de décider lesquelles sont les meilleures ; pour l’instant, on ne le sait pas, même si les unes sont véritablement totipotentes, quand les autres ne sont que pluripotentes.
La loi de 2011, dont j’ai été le rapporteur au Sénat, avait mis en place une interdiction temporaire des recherches sur les cellules souches embryonnaires. Au moment du vote définitif, j’ai dit au ministre que je ne la voterai pas, parce qu’elle représentait, à mon sens, une régression par rapport à la loi de 2004. En effet, elle interdisait la recherche sur toutes les cellules souches, et non plus seulement sur les cellules souches embryonnaires. Des exceptions à cette règle étaient prévues, qui prenaient la forme de conditions à l’autorisation de mener des recherches.
La présente proposition de loi s’inspire du texte que j’avais élaboré avec la commission des affaires sociales au moment de l’examen de la loi relative à la bioéthique de 2011. Celui-ci avait été voté par la commission des affaires sociales du Sénat et par le Sénat lui-même, mais il fut « retoqué », malheureusement, par l’Assemblée nationale.
C’est un texte que j’ai beaucoup de plaisir à retrouver, comme nombre de mes collègues. Nous voterons donc la présente proposition de loi avec conviction. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP, ainsi que sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Au terme de l’examen de la présente proposition de loi, pouvons-nous dire que nous avons délibéré de façon précipitée, pour ne pas dire bâclée, comme cela a été affirmé encore ce soir ? Assurément non !
L’examen de cette proposition de loi nous a permis de poursuivre et d’approfondir une réflexion engagée voilà près de vingt ans.
Cette question avait été au cœur de la loi de bioéthique de 1994, qui avait prohibé la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines.
Lors de la première révision de cette loi, en 2004, le législateur avait décidé de maintenir l’interdiction de ce type de recherche. Toutefois, il avait pris soin de mettre en place un moratoire de cinq ans, avec possibilité de dérogation.
Les dérogations étaient accordées dès lors que ces recherches étaient susceptibles d’amener à des progrès majeurs en matière de recherche fondamentale ou en matière thérapeutique, ce qui n’était d’ailleurs guère aisé à démontrer.
Une deuxième révision de la loi de bioéthique est intervenue en 2011. Elle avait été préparée par une large concertation, par la remise de plusieurs rapports, notamment celui qui avait été rédigé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, par l’organisation des états généraux de la bioéthique et par la constitution d’une commission spéciale, dont les débats ont été denses.
Le texte adopté l’an dernier par le Parlement a confirmé le principe d’interdiction, mais il a surtout institué un régime dérogatoire pérenne, preuve d’une reconnaissance largement partagée, bien au-delà du monde scientifique, de l’importance des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
Depuis vingt ans, étape après étape, le législateur s’est donc efforcé, en prenant en compte les progrès de la connaissance, de faire évoluer la loi pour permettre à la recherche de répondre aux enjeux de l’avenir.
C’est ce travail que nous venons de poursuivre aujourd’hui, pour lever les dernières ambiguïtés que la loi de 2011 avait maintenues, en substituant à ce principe d’interdiction avec dérogation un principe d’autorisation strictement encadré.
Les sénateurs du groupe socialiste n’ignorent pas que, dans le cas de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, le débat scientifique se double d’un débat éthique.
Dans une République laïque, il n’appartient pas au législateur de juger des appartenances philosophiques ou religieuses. Son rôle, en revanche, est de mettre à la disposition des scientifiques le cadre légal qui leur est nécessaire pour déployer leurs recherches.
Personne ne conteste que les cellules souches embryonnaires humaines présentent une singularité qui tient à leur nature même, puisqu’il s’agit de cellules issues d’embryons humains, conçus lors d’une fécondation in vitro, dans le cadre d’une procréation médicale assistée.
Pour autant, il n’y a pas lieu de conférer un statut de « personne humaine » à un embryon qui ne s’inscrit pas dans un projet parental, puisque, conformément à l’article L. 2141-4 du code de la santé publique, les embryons surnuméraires ont vocation à être détruits après cinq ans de congélation, si les membres du couple ont renoncé à leur projet parental.
Dès lors, la question est tranchée de fait, et en débattre plus à fond n’a pas de raison d’être, d’autant que nous délibérerons en nous portant garants de deux principes intangibles : le respect de la dignité de la personne humaine et l’interdiction de toute marchandisation.
Il revient en effet au législateur de fixer, pour les chercheurs, les limites à ne pas dépasser et les obligations à respecter, pour éviter toute dérive.
Il convient également de distinguer la recherche, qui doit toujours être libre, de l’usage de ses résultats, qui peut être réglementé.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette proposition de loi autorisant, sous certaines conditions, la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, afin que de nouveaux champs d’exploration scientifique, aujourd’hui fermés, puissent enfin être ouverts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Je voulais tout d’abord saluer la qualité du débat auquel nous venons de participer. Il a été empreint du même respect que celui qui avait prévalu lors de l’examen du texte relatif à la bioéthique de 2011.
En ce qui me concerne, pour les raisons qu’a exposées Alain Milon, je voterai ce texte. Je crois que la recherche sur les cellules souches embryonnaires est encore porteuse d’espoirs, pour les chercheurs comme pour les patients. Elle mérite donc d’être poursuivie, dans des conditions favorables aux chercheurs. Le présent texte offre des garanties pour empêcher les abus, grâce à la mise en place d’un véritable encadrement des recherches menées sur des embryons voués, cela a été dit, à la destruction.
Ce texte me semble équilibré. La recherche mérite d’être encouragée. Il ne faut pas faire montre de suspicion permanente envers la recherche. Les médecins chercheurs sont des gens responsables, qui connaissent les limites à ne pas franchir et font preuve d’une véritable éthique.
Voilà pourquoi je voterai en faveur de ce texte. (M. Alain Milon applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Je reviendrai brièvement sur les raisons de mon adhésion à la présente proposition de loi, que j’avais longuement développées lors de la discussion générale du 15 octobre dernier.
L’embryon dont nous parlons, en quoi consiste-t-il ? Il s’agit d’un amas de seize cellules pluripotentes de moins de cinq jours. Comme nombre de nos collègues l’ont rappelé, ces embryons sont issus des procréations médicalement assistées.
La question se pose : que fait-on des 150 000 embryons surnuméraires qui sont actuellement en stock ? Les parents, à qui la décision appartient, ont quatre possibilités : ils peuvent essayer d’avoir un enfant, ou plusieurs, avec les embryons qui leur appartiennent, faire don de leurs embryons à des couples stériles, consentir à leur destruction ou accepter qu’ils servent à la recherche. Cette décision doit être prise dans les cinq ans.
Puisque les embryons formés ne sont jamais tous implantés, il est évident que plus les procréations médicalement assistées sont nombreuses, plus les embryons surnuméraires le sont aussi. Or une grande partie des 150 000 embryons surnuméraires ne sont ni réimplantés, ni donnés, ni utilisés pour la recherche : ils sont voués à la destruction.
Lors de la discussion générale, j’ai décrit la manière dont on procède à cette destruction et j’ai eu l’impression que beaucoup de mes collègues étaient choqués de découvrir cette réalité ; je n’en reparlerai donc pas ce soir. Reste qu’il s’agit bien d’une destruction. Dans ces conditions, pourquoi ne pourrait-on pas, avant leur destruction, pratiquer des recherches sur les embryons ? Qu’on s’y oppose est réellement incompréhensible à mes yeux !
En outre, comme mon collègue Milon l’a expliqué beaucoup mieux que je ne saurais le faire, cette recherche est nécessaire pour apporter des réponses sur le développement de la vie, pour modéliser les maladies génétiques et pour permettre à notre médecine d’avancer.
La présente proposition de loi a, de notre point de vue, le mérite de mettre fin à une hypocrisie : celle qui consiste à laisser croire que la recherche sur l’embryon serait interdite en France, alors qu’elle est en réalité autorisée – entre 2004 et 2012, soixante-quatre protocoles de recherche sur l’embryon ont été autorisés. Grâce à ce texte, nos chercheurs pourront travailler à armes égales avec leurs collègues étrangers. De plus, ses termes sont suffisamment clairs en ce qui concerne l’encadrement de la recherche pour apaiser toutes les inquiétudes au sujet d’éventuelles dérives.
Telles sont les raisons pour lesquelles, avec certains des membres du groupe UDI-UC, je voterai la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Je voterai cette proposition de loi, dont je me félicite qu’elle recueille un soutien sur toutes les travées, et je pense que son adoption marquera un grand jour pour la science.
La science est l’art du doute ; la technique, c’est la certitude. En détruisant les embryons surnuméraires, on a la certitude de leur ôter la vie. Si l’on doute, on doit leur laisser la vie, parce qu’ils sont porteurs d’avenir.
Demain, les scientifiques de notre pays, qui possède l’une des plus belles recherches fondamentales du monde, seront heureux de notre vote de ce soir ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. À plusieurs reprises, nous n’avons pas réussi à faire évoluer la législation sur la bioéthique pour permettre la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines. Lors de différents débats, le Sénat a déjà exprimé son souhait de voir ces recherches autorisées. Il est donc cohérent que nous soutenions de nouveau cette évolution.
L’illisibilité de notre législation conduit à des situations ubuesques qui retardent par trop les projets de recherche.
Je le rappelle, si, en 2011, la révision des lois de bioéthique a élargi le champ des dérogations à la recherche fondamentale, elle a, dans le même temps, imposé trois contraintes qui, au bout du compte, limitent grandement les possibilités d’utiliser les embryons et les cellules souches embryonnaires : la pertinence scientifique du projet de recherche, l’intérêt médical majeur des progrès attendus et la non-comparabilité.
Toutefois, ces contraintes peuvent être détournées de leur objectif d’encadrement et de garantie par les ennemis, si l’on peut dire, des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Le fait est que, aujourd’hui, elles sont davantage un prétexte pour ralentir, empêcher ou remettre en cause des recherches engagées.
En particulier, la condition de la non-comparabilité a conduit à des procès intentés contre l’Agence de la biomédecine. Mes chers collègues, ces situations extrêmes devraient pouvoir être évitées : que l’agence chargée de superviser les recherches soit obligée de justifier devant un tribunal administratif les dérogations qu’elle a accordées, alors même que tout le monde reconnaît que celles-ci sont difficiles à obtenir, c’est tout de même ridicule !
Ces situations existent parce que l’obligation de prouver que les recherches « ne peuvent être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques » est devenue l’arme ultime de certains opposants. En effet, les recours formés par certains organismes opposés à la recherche scientifique contre des dérogations accordées par l’Agence de la biomédecine prennent souvent prétexte de cette condition.
Or les recours provoquent le gel des projets de recherche, avec pour conséquence un ralentissement des travaux et des partenariats financiers qui deviennent caducs. Sans compter qu’une jurisprudence s’installe, puisque certains des organismes hostiles aux recherches ont obtenu gain de cause.
Comme je l’ai déjà souligné, il est quasiment impossible pour les équipes de recherche, sur les plans technique et financier, de réaliser toutes les études possibles et imaginables sur d’autres lignées cellulaires, alors qu’on sait que ces recherches n’aboutiront pas. En plus, quand on connaît la situation du monde de la recherche en France, la précarité de ses statuts et l’insuffisance de ses moyens, on comprend que les laboratoires soient découragés !
Il est donc grand temps de clarifier la situation en autorisant les recherches et en précisant les conditions d’encadrement, ainsi que les prérogatives et les obligations de transparence du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine. C’est la seule manière de sortir par le haut de la situation actuelle, qui est illisible et contre-productive.
C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi avec la majorité de mes collègues du groupe écologiste, dont les autres membres s’abstiendront.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Il me semble que cette proposition de loi ne produira pas les effets que ses partisans annoncent.
La première modification que ce texte introduit consiste à substituer un régime prévoyant qu’aucune recherche ne peut être entreprise sans autorisation au régime actuel qui interdit la recherche sauf dérogation. Je ne crois pas que ce changement soit juridiquement substantiel.
S’il s’agit simplement de renforcer la sécurité juridique des autorisations de recherche, je crois que cet objectif ne sera pas atteint. En effet, dans le régime que le Sénat s’apprête à adopter comme dans celui qui a été mis en place en 2011, ce qui compte, c’est le respect des conditions auxquelles ces autorisations sont soumises. Or nous savons bien que la plupart des projets de recherche soumis à l’Agence de la biomédecine sont autorisés – soixante-quatre bénéficient actuellement d’une autorisation.
Si donc je comprends l’inquiétude d’un certain nombre d’équipes dont l’autorisation de recherche a été contestée devant la justice administrative, je ne veux pas qu’on les laisse croire que cette proposition de loi leur apportera le moindre supplément de sécurité.
Puisqu’il n’est pas question d’une meilleure sécurité juridique, il faut comprendre que l’intention de ceux qui veulent changer le régime est purement symbolique : il s’agit d’affirmer que les recherches sont autorisées, alors que loi actuelle les interdit. Je comprends qu’on puisse débattre d’une telle modification ; du reste, un certain nombre de travaux préparatoires à la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique prévoyaient une formule comparable. Mais ne prêtons pas à ce changement plus d’effets qu’il ne pourra en avoir !
La seconde modification apportée par cette proposition de loi me paraît beaucoup plus grave : il s’agit de l’abandon pur et simple, dans la deuxième condition posée à l’autorisation des recherches, de la notion de « progrès médical majeur ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qu’est-ce qu’un « progrès médical majeur » ?
M. Michel Berson. Que signifie « majeur » ?
M. Philippe Bas. La disparition de l’adjectif « majeur » va conduire à un élargissement du champ des recherches permises, puisqu’il suffira dorénavant, pour qu’une recherche soit autorisée, d’invoquer une finalité médicale, que son effet prévisible soit important pour guérir des maladies incurables ou qu’il ne le soit pas.
Je suis inquiet que nous baissions ainsi la garde en matière d’exigences posées à l’autorisation des recherches. Et ceux qui partagent mon point de vue sont non pas obscurantistes, mais soucieux de concilier l’exigence fondamentale du progrès médical, pour guérir un certain nombre de maladies incurables, avec celle de la protection de l’embryon, lequel n’est pas un matériau comme les autres, auquel le législateur pourrait se dispenser d’accorder une protection.
Pour toutes ces raisons, avec la majorité des membres du groupe UMP, je voterai contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Mes collègues et moi ne nous faisions guère d’illusion sur le sort de notre motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi ; d’ailleurs, nous ne nous en faisons pas davantage sur l’issue du scrutin qui aura lieu dans quelques instants.
Pour autant, la motion que nous avons déposée a eu un mérite : celui de démontrer que, les uns et les autres, nous n’avons rien à perdre à un débat, mais au contraire tout à y gagner !
De ce point de vue, je me réjouis que le débat ait pu, en partie, avoir lieu ce soir. Je crains que, si nous n’avions pas déposé une motion opposant la question préalable à la proposition de loi, le Sénat ne soit rapidement passé au vote, ce dont les sénateurs, quelle que soit leur opinion, ne seraient pas véritablement sortis grandis. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
J’ai entendu, dans les propos des uns et des autres, des appréciations très différentes sur la portée de la proposition de loi. M. le rapporteur, dans la discussion générale, a estimé que la disposition proposée était « centrale ». Ce soir, au contraire, les partisans de la proposition de loi, sur quelques travées qu’ils siègent, nous ont expliqué qu’il s’agissait d’une modification mineure – on a même parlé de « détail ».
M. Jean Desessard. C’est entre les deux !
M. Dominique de Legge. Monsieur Desessard, voilà une vision bien centriste ! (Sourires.)
De deux choses l’une : soit cette disposition est mineure, soit elle est majeure.
Je maintiens que, dans la mesure où cette proposition de loi, qui va sans doute être adoptée, ne revient pas sur l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, il eût été souhaitable qu’un débat préalable soit organisé, ce qui aurait permis de lever cette ambiguïté.
La motion que j’ai défendue était en quelque sorte une motion d’appel en prévision de futurs débats, notamment en ce qui concerne le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, on nous annonce un débat sur la procréation médicalement assistée. Aura-t-il lieu lors de l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous ? Prendra-t-il la forme d’une réforme de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique ? Considérera-t-on que les changements envisagés en matière de procréation médicalement assistée touchent à des dispositions centrales de la législation bioéthique, ou qu’il s’agit de modifications mineures, voire de détail ?
Avec un certain nombre de mes collègues, je persiste à penser que, sur toutes ces questions de bioéthique, nous avons besoin, au-delà de l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011, d’un débat de fond, ouvert. On ne peut pas voter de telles dispositions à la va-vite. Or c’est ce qui se serait produit si nous n’avions pas provoqué un débat ce soir.
Pour ma part, avec nombre de mes collègues du groupe UMP, je voterai contre la présente proposition de loi, non seulement parce que nous y sommes hostiles sur le fond, mais aussi parce que nous voulons signifier très clairement que nous voulons des débats de fond lorsqu’on touche à l’éthique et aux problèmes de société ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je le rappelais tout à l’heure à propos de la motion de procédure présentée par Dominique de Legge, je voterai avec certains de mes collègues de l’UDI-UC contre ce texte, parce qu’il modifie la loi de 2011 un an seulement après son adoption, parce que la loi de 2011 était le fruit d’un large consensus démocratique et parce qu’il s’agit d’une modification majeure qui, a contrario, n’a pas fait l’objet d’une nouvelle concertation suffisante, pour ne pas dire que celle-ci a été inexistante !
Ce vote participe donc d’une véritable insécurité et instabilité juridique, d’autant que c’est aussi le cas du sujet débattu. Il ne s’agit pas, en effet, d’un sujet politique. Comme l’indique le nom de la loi sur laquelle on veut revenir, il s’agit d’un sujet éthique.
Avec la présente proposition, vous entendez renverser le principe de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Toutefois, celle-ci n’est pas la loi d’une majorité politique. Elle est le fruit d’une large réflexion et d’un consensus défini à la suite des états généraux de la bioéthique, puis d’un long débat au Parlement et d’un compromis qui transcende largement les clivages partisans.
La question de la recherche sur l’embryon, en particulier, a fait l’objet d’une maturation au fil de débats nourris. Rappelez-vous ! Le texte finalement adopté est l’aboutissement d’un dialogue fécond entre les deux chambres du Parlement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la question n’a pas été tranchée en commission mixte paritaire. Le Sénat a débattu, réfléchi et finalement, en seconde lecture, s’est rangé aux raisons de l’Assemblée nationale, contre l’avis de sa commission, pour le maintien du principe de l’interdiction. Ce choix n’a rien d’arbitraire. C’est un choix éclairé, un véritable modus vivendi, car il est à la fois éthique et scientifique.
L’éthique commandait de ne pas ouvrir la boîte de Pandore en autorisant, par principe, la recherche sur l’embryon, c’est-à-dire en faisant de la vie humaine matière à expérimentation. L’éthique commandait le maintien de l’interdiction assortie d’exceptions.
La science ne réclame pas le contraire ! Les informations scientifiques portées à notre connaissance en juillet 2011 renforçaient déjà ce choix éthique. Elles indiquaient que, pour faire avancer la recherche, il n’y a plus aucune nécessité d’expérimenter sur l’embryon.
C’est bien pour avoir découvert une solution de rechange à l’utilisation des cellules souches embryonnaires que les professeurs John Gurdon et Shinya Yamanaka viennent de se voir décerner le prix Nobel de médecine de 2012.
Ainsi, avec la présente proposition de loi, vous entendez rayer d’un trait de plume, sans aucune consultation préalable, un aspect fondamental de la loi du 7 juillet 2011 qui, elle, avait été précédée d’un large débat public et avait fait l’objet d’un consensus parlementaire transpartisan, de surcroît tout récent et légitimé à la fois par l’éthique et par la science.
J’ai beaucoup de respect pour ce débat, qui est important et qui a nécessité une grande implication personnelle de chacun d’entre nous. Toutefois, franchement, comme je l’ai dit à mes collègues du RDSE, je regrette, quand il s’agit d’un débat faisant appel non pas aux idées politiques, mais à l’éthique personnelle, qu’on revienne sur une mesure très importante à l’occasion d’un changement de rapport politique. Je le regrette profondément.
Ce n’est pas à l’honneur du Sénat, ni du groupe RDSE, même s’il avait raison. Sans le partager, je respecte le combat des membres de ce groupe, mais je trouve que la méthode n’est pas très correcte. C’est la raison pour laquelle certains de mes collègues du groupe UDI-UC et moi-même voterons contre ce texte. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)