M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’objet de notre proposition de loi ni sur tous les arguments que j’ai énoncés devant vous le 15 octobre dernier. Je reprendrai cependant quelques éléments démontrant que la motion tendant à opposer la question préalable est irrecevable pour les sénateurs du groupe du RDSE, tous signataires de cette proposition de loi.
Vous avancez le fait que nous remettons profondément en cause la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Je ne peux pas vous laisser dire cela ! Nous revenons juste sur l’une de ses dispositions, pour autoriser, sous certaines conditions, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
Notre excellent collègue Jacques Mézard a repris chaque point.
L’aspect juridique, tout d’abord, du passage d’un régime d’interdiction assorti de dérogations à un régime d’autorisation strictement encadrée.
Les points de vue éthiques, philosophiques ou religieux, ensuite, ne constituent pas un grand bouleversement, puisque des protocoles de recherche sont déjà mis en œuvre et que les embryons non utilisés – j’enfonce le clou ! – seront détruits.
Le point de vue scientifique, enfin : devons-nous rester entre deux portes à hésiter, oserons-nous ouvrir celle de l’avancée scientifique ? Nous avons des éléments probants qui nous indiquent la voie à suivre. Je songe à de nombreux rapports, en particulier à celui de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont la qualité ne saurait être mise en cause.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’ensemble des sénateurs du RDSE votera contre la motion tendant à opposer la question préalable présentée par M. de Legge, qui nous paraît totalement infondée. Et je puis vous dire que c’est une décision réfléchie qui n’a rien à voir avec l’heure tardive, car il me semble que, au Sénat, nous avons des habitudes de travail efficaces quelle que soit l’heure, le jour ou la nuit ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Philippe Bas. Ça se discute !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les soutiens de la motion tendant à opposer la question préalable considèrent que la modification de la loi relative à la bioéthique proposée aujourd’hui nécessite la convocation d’un débat public sous forme d’états généraux. L’article de loi invoqué précise également que, en l’absence de toute réforme, des états généraux doivent être convoqués tous les cinq ans. Les derniers ayant eu lieu en 2009, les prochains devraient se dérouler en 2014, soit très prochainement, monsieur Revet !
La question a été largement débattue lors des états généraux de 2009. Qu’ont dit les citoyens présents lors des forums régionaux ? Que le régime actuel était « ambigu » et « compliqué ». Et qu’ont conclu les débats entre citoyens et chercheurs ? Que la loi était « inadaptée » ! Que l’on confondait la « recherche » en tant que telle avec ses finalités pratiques éventuelles. Voilà ce qui ressort du dernier débat public, monsieur Revet.
Il est apparu lors des débats qu’il s’agissait « d’aborder la question de l’encadrement de la recherche sur l’embryon selon une perspective différente, au moins pour une raison essentielle : il s’agit de recherche et non, à proprement parler, de pratique biomédicale ». Autrement dit, on ne peut continuer à vouloir s’appuyer sur les applications éventuelles d’une recherche pour savoir si on peut les autoriser ou non.
Un consensus s’est dégagé, dans ces débats régionaux, pour affirmer que la finalité thérapeutique ne peut tenir lieu de condition d’autorisation pour la recherche. Il a été conclu, lors des débats citoyens, qu’il s’agirait davantage de « distinguer les conditions d’autorisation de la recherche scientifique des conditions d’autorisation encadrant leurs applications éventuelles ».
Par ailleurs, les citoyens ayant participé aux débats ont clairement souligné qu’il s’agissait d’embryons n’entrant pas dans un projet parental. Pour illustrer ce point, je reprends ici les propos retenus lors du débat de Marseille : « Il leur est apparu, en revanche, que des embryons voués à la destruction en l’absence de projet parental pouvaient être utilisés, sous certaines conditions, à des fins de recherche. »
Je pourrais vous citer encore quelques exemples, mes chers collègues, mais il est tard et, visiblement, tout le monde souhaite débattre rapidement ; aussi passerai-je directement à ma conclusion. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Nous n’avons pas dit cela : nous avons au contraire déploré l’absence de débat !
M. Jean Desessard. Ah bon ! J’avais mal compris, alors ! (Sourires.)
Bref, ces questions ont tout de même été longuement discutées. Je ne siège pas depuis très longtemps au Sénat, monsieur Revet. Pourtant, ce débat a déjà eu lieu à maintes reprises.
M. Charles Revet. Il faut une deuxième loi !
M. Marc Daunis. La loi n’est pas immuable.
M. Jean Desessard. Nous sommes précisément réunis ce soir pour changer la loi, monsieur Revet !
Tout cela pour dire que, si les conclusions des états généraux avaient été davantage prises en compte, nous ne débattrions pas ce soir de cette proposition de loi, pour la simple raison que le passage d’un régime d’interdiction avec dérogation à un régime d’autorisation encadrée aurait déjà eu lieu depuis longtemps.
Donc, vous l’aurez compris, mes chers collègues, dans sa majorité, le groupe écologiste votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1 rectifiée bis, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 57 :
Nombre de votants | 305 |
Nombre de suffrages exprimés | 281 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 141 |
Pour l’adoption | 87 |
Contre | 194 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
L’article L. 2151-5 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-5. – I. – Aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d’un embryon humain ne peut être autorisé que si :
« 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 2° La recherche, le cas échéant à caractère fondamental, s’inscrit dans une finalité médicale ;
« 3° Il est impossible, en l’état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ;
« 4° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
« II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. À l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté.
« III. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis du conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, dans un délai d’un mois et conjointement, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. L’agence diligente des inspections comprenant un ou des experts n’ayant aucun lien avec l’équipe de recherche dans les conditions fixées à l’article L. 1418-2.
« IV. – Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
« V. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Mézard et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
, le cas échéant à caractère fondamental,
par les mots :
, fondamentale ou appliquée,
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. La proposition de loi prévoit quatre conditions cumulatives pour obtenir une autorisation de recherche. L’une de ces conditions exige que la recherche ait une finalité médicale.
Notre amendement vise, en premier lieu, à supprimer les mots « le cas échéant », qui risquaient d’être sujets à interprétation.
Il tend, en second lieu, à préciser que la finalité médicale peut être poursuivie par la recherche fondamentale ou par la recherche appliquée, les deux étant complémentaires. En effet, la recherche appliquée se nourrit de la recherche fondamentale, et la recherche fondamentale ne peut progresser sans s’appuyer sur les progrès de la recherche appliquée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision, les termes « le cas échéant » pouvant effectivement prêter à confusion. Les quatre conditions que nous avons inscrites dans le texte sont impératives pour que le projet puisse être accepté.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Comme notre collègue Guy Fischer l’avait dit le 15 octobre dernier, alors que débutait la discussion générale, le groupe CRC votera en faveur de cette proposition de loi portant sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
En effet, la rédaction retenue par les auteurs de cette proposition de loi, très proche de celle qui a été adoptée par notre assemblée lors de l’examen de la loi relative à la bioéthique, nous semble être un compromis réussi entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable.
Le régime d’autorisation encadrée que la commission des affaires sociales – la droite était alors majoritaire – avait défendu contre l’avis du Gouvernement, et qui nous est proposé ici, apporte toutes les garanties requises pour que les errements ou les abus que nous refusons toutes et tous ne puissent se produire.
Je dois avouer que, dans un premier temps, nous nous sommes interrogés sur la portée de cet amendement et ses conséquences.
La recherche appliquée est généralement destinée à la commercialisation in fine des fruits de la recherche fondamentale. Elle est souvent réalisée par des structures privées commerciales, à la différence de la recherche fondamentale, dont l’utilité immédiate n’est finalement qu’un apport de connaissances indispensable pour que la recherche appliquée avance.
À l’inverse, les chercheurs des établissements publics, qui se consacrent principalement à la recherche fondamentale, attestent eux-mêmes que celle-ci progresse grâce aux découvertes et aux avancées de la recherche appliquée.
Certes, les différences entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée sont importantes. Comme le précisait récemment Pierre Joliot, professeur honoraire au Collège de France, ancien titulaire de la chaire de bioénergétique cellulaire : « Dans la pratique de la recherche fondamentale, le chercheur doit être prêt à exploiter tout résultat inattendu en infléchissant à tout moment le programme qu’il s’était fixé. La pratique de la recherche appliquée impose au contraire de s’inscrire dans une finalité définie à l’avance ».
Pour autant, nos concitoyens ne comprendraient pas que la recherche fondamentale sur l’embryon ouvre des pistes concrètes de lutte contre certaines maladies et que, par impossibilité de poursuivre ces recherches de manière appliquée, les scientifiques ne puissent jamais passer du stade de la découverte à celui du traitement.
Une question reste en suspens, celle de la nature des opérateurs de cette recherche appliquée. Ceux qui craignent que la mise en œuvre de cet article ne débouche demain sur une commercialisation des fruits de cette recherche par des firmes privées devraient plutôt s’inquiéter du fait que la recherche appliquée est majoritairement investie par des fonds privés.
Ils devraient, comme nous le faisons, se mobiliser pour que soit constitué un pôle public de la recherche et de l’industrie du médicament. Les découvertes de la recherche fondamentale débouchant sur une recherche appliquée puis sur une commercialisation devraient être obtenues dans un cadre public, seul garant de l’intérêt général.
Nous souhaiterions toutefois avoir une précision : sera-t-il possible de breveter les innovations obtenues en recherche appliquée grâce à la recherche fondamentale sur l’embryon, ou bien, comme nous le craignons, la règle de la non-brevetabilité du vivant s’appliquera-t-elle ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mes chers collègues, je dois dire que je ne comprends pas l’intérêt de cet amendement. Il n’est en effet pas nécessaire de qualifier la recherche de fondamentale ou d’appliquée pour que des recherches puissent être autorisées. Il suffit de parler de recherche en général.
Cet amendement est strictement inutile d’un point de vue juridique, de même d'ailleurs que le texte initialement adopté par la commission, lequel prévoit que cette recherche peut être « le cas échant à caractère fondamental ».
Ce qui m’étonne le plus, c’est que les partisans de cette évolution législative disent refuser l’obscurantisme ; par parenthèse, je remercie ceux qui ont employé ce terme du respect dont ils ont fait preuve vis-à-vis des opposants à ce texte… (Sourires sur les travées de l'UMP.) Ils ont justifié à plusieurs reprises lors de la discussion générale ou en défendant la motion l’évolution du texte par la nécessité d’accomplir des progrès scientifiques susceptibles d’éradiquer les maladies les plus graves auxquelles la médecine est aujourd'hui confrontée. Or, désormais, il suffira simplement que la recherche s’inscrive dans une finalité médicale pour être autorisée. Autant dire que toutes les recherches seront autorisées, car toutes auront une finalité médicale !
Nous discutons de savoir s’il est utile de préciser que cette recherche médicale peut être fondamentale ou appliquée. La vérité, c’est que le basculement d’un régime d’interdiction avec dérogation à un régime où aucune recherche ne peut être entreprise si elle n’est pas autorisée – d’un point de vue juridique, cela revient pratiquement au même – constitue moins une avancée que le fait d’autoriser la recherche dès lors que celle-ci s’inscrit simplement dans une finalité médicale, et non plus parce qu’elle est nécessaire pour réaliser un progrès thérapeutique majeur.
Une telle modification ouvre plus de possibilités de recherches et représente un changement très important. De mon point de vue, c’est tout à fait regrettable.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Le terme « impossibilité » employé à l’alinéa 5 ne nous paraît pas compatible avec l’essence même de la recherche. Il impose en effet de manière catégorique une comparaison entre les recherches envisagées sur les cellules souches et d’autres formes de recherches, essentiellement celles qui utilisent des cellules adultes ou induites.
Tel qu’il est formulé, cet alinéa est très restrictif pour les chercheurs, car il signifie qu’une recherche ne pourra être menée à partir d’embryons ou de cellules souches embryonnaires que s’il est « impossible […] de mener une recherche similaire », quels que soient les résultats et l’efficacité attendus de cette méthode et ceux qui sont espérés de la recherche sur des embryons. Les recherches liées au screening à visée pharmaceutique ou à la modélisation des pathologies pourraient se heurter à cet alinéa. D’où la nouvelle rédaction que je suggère.
La proposition du Gouvernement a le mérite d’être davantage conforme à la nature et à l’essence même de la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Cet amendement vise à adopter une formulation plus adaptée à la réalité de la recherche, telle qu’elle est conduite par les équipes de chercheurs, qui mènent de front les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et les protocoles sur les IPS.
Nous l’avons souligné à maintes reprises, l’opposition entre les deux types de recherche n’est pas pertinente. La recherche fondamentale et la recherche appliquée demeureront complémentaires jusqu’à ce que, un jour peut-être, une cellule IPS ait les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires humaines. Nous pourrons alors cesser les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Monsieur Bas, j’ai écouté votre explication de vote sur l’amendement n° 2 et je dois dire que je ne vous comprends pas. Voudriez-vous que l’on supprime également la notion de « finalité médicale » ?
M. Philippe Bas. C’est le contraire !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Ce serait ouvrir la porte à tout et n’importe quoi, par exemple au clonage. Or c’est précisément ce que nous voulons éviter.
Je suis surpris que, en tant qu’ancien membre du Conseil d’État, vous ne mesuriez pas l’imbroglio juridique que pose le texte de juillet 2011. Je rappelle en effet que de nombreux recours ont été déposés, car ce texte n’est pas suffisamment précis.
Je pense que nombre de ceux qui sont favorables à la présente proposition de loi le sont parce qu’ils espèrent que l’on arrivera un jour à lutter contre certaines maladies et parce qu’ils pensent que c’est en autorisant la recherche qu’un traitement pourra être trouvé. Nous devons donc favoriser la recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, dans un but médical.
MM. Jean-Pierre Plancade et Jacques Mézard. Très bien !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 2.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas en caricaturant nos positions respectives que nous ferons progresser le débat.
Sans doute me suis-je mal exprimé à l’instant. Je voulais simplement dire que le texte voté en 2011 était fondé sur la notion de progrès médical majeur. Or la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui fait disparaître le mot « majeur », ce qui m’inquiète. Aussi, je me garderais bien de proposer également la suppression de la notion de « finalité médicale ». Je dis tout simplement que la plupart des projets, pour ne pas dire la totalité d’entre eux, qui seront présentés par des équipes de recherche médicale à l’Agence de la biomédecine auront une finalité médicale. Cette condition ne sera pas difficile à remplir !
Toutefois, restons-en là sur ce point. Je suis heureux que vous m’ayez offert la possibilité de préciser ma pensée, puisque, manifestement, celle-ci a été mal comprise.
Par ailleurs, l’amendement n° 4 du Gouvernement est strictement inutile. Il n’y a aucune différence entre les énoncés « il est impossible de mener une recherche » et « une recherche ne peut être menée ».
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Ango Ela, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La recherche ne pourra débuter que dans un délai de trois mois après cet accord.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’Agence de la biomédecine assume depuis sa création en 2005 les procédures de dérogation et l’encadrement des recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. La proposition de loi confirme le rôle de l’Agence de la biomédecine et rappelle les conditions fondamentales devant être respectées pour engager un projet de recherche.
L’une de ces conditions concerne l’obtention des embryons, qu’ils soient ensuite utilisés directement ou qu’on en extraie des cellules souches.
L’accord préalable du couple, ou du membre survivant du couple, est indispensable afin de pouvoir utiliser dans le cadre de la recherche des embryons surnuméraires issus d’une fécondation in vitro. L’alinéa 7 prévoit que le couple, ou le membre du couple survivant, doit être informé de l’ensemble des solutions de rechange à l’utilisation par la recherche et que, une fois son accord donné, ce dernier doit être confirmé à l’issue d’un délai de rétractation de trois mois.
Il nous semble que cette procédure fait peser sur le couple, ou le membre du couple survivant, une responsabilité démesurée concernant le devenir des embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental. La décision de ne pas poursuivre de projet parental est déjà lourde en soi.
S’il est indispensable de permettre au couple de se rétracter, en imposant notamment un délai minimum de trois mois avant tout début de recherche, demander une confirmation est en revanche un processus à la fois lourd et inadapté, qui place les personnes concernées dans une situation de pression et d’incertitude trop forte. Est-il indispensable de faire ressasser cette question par le couple ? La responsabilité doit être assumée collectivement. Les balises étant posées, il est inutile d’alourdir la procédure.
Notre amendement vise donc à supprimer la confirmation du consentement à l’issue du délai de réflexion, mais non le délai de rétractation de trois mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. La commission n’a pas examiné l’amendement rectifié de M. Jean Desessard, lequel tend à supprimer l’obligation pour le couple ayant fait don à la recherche d’un embryon sain de confirmer son choix à l’issu d’un délai de réflexion de trois mois. Il vise également à prévoir que la recherche ne peut commencer moins de trois mois après le don, le couple ayant la possibilité de se rétracter à tout moment. Dans les faits, le couple aurait ainsi la garantie que sa rétractation interviendra avant la destruction de l’embryon. Il s'agit donc d’un allègement des procédures.
La commission, je le répète, n’a pas eu connaissance de cet amendement rectifié. À titre personnel, je crains cependant que cette mesure ne soit pas comprise et qu’elle ne soit perçue, à tort sans doute, comme une limite à l’expression de choix du couple.
La proposition de loi repose sur un équilibre entre liberté de la recherche et prise en compte de la nature spécifique de l’embryon humain et des cellules qui en sont issues.
Le couple est le seul qui soit fondé à décider de l’avenir de l’embryon conçu par assistance médicale à la procréation. Lui demander de confirmer son choix quand il a fait le don d’un embryon sain à la science, mais non quand il le livre à la destruction pure et simple peut paraître illogique, mais, en pratique, cette procédure apparaît comme une garantie protégeant aussi les chercheurs contre tout contentieux ultérieur, sans entraver inutilement leurs travaux.
Je souhaite donc que M. Desessard s’en tienne au texte de la proposition de loi et je le prie de bien vouloir retirer son amendement, auquel je suis, à titre personnel, défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Monsieur Desessard, j’ai pris connaissance assez tardivement de votre amendement, mais j’ai attentivement écouté vos arguments, auxquels je suis sensible.
La demande de confirmation du consentement trois mois après le don me paraît un élément essentiel de la démarche éthique effectuée auprès des personnes dont sont issus les embryons et de la transparence nécessaire en pareil cas. Il me paraît donc préférable de conserver la rédaction en vigueur, qui prévoit également les exceptions à la règle de confirmation du consentement dans les cas où les embryons ne peuvent pas être pas transférés, car ils sont porteurs d’une anomalie biologique ou génétique grave.
À mon sens, il conviendrait plutôt de privilégier, en la matière, le partage des responsabilités et la nécessaire transparence.
Pour cette raison, et même si j’ai bien compris le sens de votre amendement, monsieur Desessard, je vous demande de bien vouloir le retirer. Dans le cas contraire, le Gouvernement se verrait contraint d’émettre un avis qui ne pourrait être favorable.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je suis satisfait que M. le rapporteur et Mme la ministre aient bien compris le sens de mon amendement. Je les en remercie ! (Sourires.)
Selon moi, demander à un couple qui a déjà donné son accord de le confirmer trois mois plus tard pose problème. Il a la possibilité de se rétracter dans le même délai ! Une fois que les trois mois sont passés, les recherches peuvent débuter. Demander au couple de confirmer son accord revient à mettre en doute, de façon insistante, sa volonté et sa certitude en la matière. Il s’agit, pour moi, d’une démarche inutile, qui peut en outre faire naître un sentiment de culpabilité. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.
Cela dit, l’enthousiasme que ma proposition suscite ce soir est pour le moins modéré… (Sourires.)