M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il me semble que l’amendement n° 45 rectifié bis est de toute façon sans objet.
En effet, si nous supprimons dans l’article 15 du projet de loi organique la seconde phrase de l’alinéa 2 « Il ne peut publier d’opinion dissidente », le Haut Conseil ne pourra pas publier d’opinion dissidente puisque l’alinéa suivant dispose qu’« il ne peut […] publier d’avis dans d’autres cas ou sur d’autres sujets que ceux prévus par la présente loi organique ».
Autrement dit, si les auteurs de l’amendement voulaient vraiment que la publication d’opinions dissidentes soit possible, il faudrait qu’ils proposent cette formulation : « Il peut publier des opinions dissidentes ». Si cette disposition n’est pas introduite, le Haut Conseil ne pourra pas publier d’opinions dissidentes, même si nous supprimons la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article 15.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, qu’attendons-nous de ce Haut Conseil ? Qu’il donne un avis circonstancié après un délibéré.
Ce délibéré sera naturellement secret, comme c’est la tradition dans notre pays.
L’avis du Haut Conseil résultera de ce délibéré, non de la juxtaposition d’opinions forcément différentes. Autrement dit, c’est la synthèse d’opinions respectables dans leurs différences qui donnera l’avis du Haut Conseil.
Je crois qu’il ne s’agit pas d’un organe académique, au sein duquel on pourrait défendre des thèses contradictoires et en discuter à l’infini comme dans un colloque.
Le Haut Conseil donnera un avis après délibéré, sans opinion dissidente. Il doit y avoir l’avis du Haut Conseil, pas l’avis de chacun des membres du Haut Conseil.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article additionnel après l’article 15
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le président du Haut Conseil des finances publiques gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Ces crédits sont regroupés au sein d’une dotation spécifique de la mission « Pouvoirs publics ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Dans la mesure où le Haut Conseil des finances publiques, dont nous devons veiller à assurer l’indépendance pleine et entière, sera présidé par le Premier président de la Cour des comptes et lié à cette juridiction, je me suis interrogé sur le moyen de garantir son autonomie budgétaire.
C’est la raison pour laquelle je propose que les crédits permettant au Haut Conseil d’accomplir ses missions fassent l’objet d’une dotation spécifique au sein de la mission « Pouvoirs publics ».
Ce dispositif montrerait que le Haut Conseil se situe à la place la plus élevée dans la hiérarchie de nos institutions.
En outre, il éviterait des problèmes budgétaires internes à la Cour des comptes ou des décisions de gestion que la Cour des comptes serait susceptible de prendre pour sauvegarder ses propres missions au détriment, le cas échéant, des moyens de travail du Haut Conseil.
Monsieur le ministre, je serais heureux que vous puissiez me rassurer sur l’indépendance matérielle et fonctionnelle du Haut Conseil des finances publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il est évident que l’amendement n° 18 vise à garantir l’indépendance du Haut Conseil des finances publiques.
Son auteur considère que cette indépendance serait plus grande si les crédits du Haut Conseil faisaient partie de la mission « Pouvoirs publics ».
On peut bien sûr comprendre cette préoccupation. J’observe toutefois que de nombreuses institutions, dont certaines sont même citées dans la Constitution, comme le Conseil supérieur de la magistrature, n’ont pas leurs crédits au sein de la mission « Pouvoirs publics ».
Comme on le voit pour les autorités administratives indépendantes – le CSA, la CNIL, etc. –, l’autonomie financière n’est pas une condition de l’indépendance.
Monsieur le ministre, il s'agit là d’une question non pas de fond, mais d’organisation budgétaire, sur laquelle vous nous donnerez certainement votre sentiment. Avant de se prononcer, la commission des finances souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement sur ce problème qui, je le répète, relève de l’architecture budgétaire et non du fonctionnement du Haut Conseil.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les autorités administratives indépendantes – je n’évoque pas le cas de juridictions comme le Conseil constitutionnel – ne disposent pas d’un budget identifié au sein de la mission « Pouvoirs publics ». Il n'y a aucune raison pour que le Haut Conseil en ait un. Toutefois, – je veux rassurer le Sénat sur ce point – comme toutes les autres autorités, il sera soumis à la JPE, la justification au premier euro.
Monsieur le président de la commission des finances, je crois qu’il n'y a pas de raison de distinguer le Haut Conseil des autres autorités administratives, même si tel n’est pas le statut que vous auriez aimé lui donner.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission avait considéré qu’il fallait recueillir l’avis du Gouvernement sur cette question, qui est d’architecture budgétaire. Dès lors qu’il n’est pas favorable à l’amendement, elle se rallie à cette position.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 15. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Bravo !
M. Philippe Marini. Merci pour le Haut Conseil !
Chapitre III
DISPOSITIONS RELATIVES AU MÉCANISME DE CORRECTION
Article 16
I. – En vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi de règlement. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts lors de l’examen de la loi de règlement par chaque assemblée. Il présente les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée.
II. – Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.
III. – Le Gouvernement tient compte d’un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
Un rapport annexé au prochain projet de loi de finances de l’année et au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année analyse les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 5° de l’article 2.
L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné à l’article 10 comporte une appréciation de ces mesures de correction et, le cas échéant, de ces différences.
IV (nouveau). – A. – Le Gouvernement peut demander au Haut Conseil des finances publiques de constater si les conditions mentionnées par l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité pour la définition des circonstances exceptionnelles sont réunies.
Le Haut Conseil répond sans délai, par un avis motivé et rendu public.
B. – L’article liminaire du premier projet de loi de finances, autre que la loi de règlement des comptes, suivant la publication de cet avis, peut déclarer une situation de circonstances exceptionnelles.
C. – Lorsque les circonstances exceptionnelles ont disparu, le Gouvernement dépose un projet de loi de programmation des finances publiques en cohérence avec les obligations européennes de la France, au plus tard lors du dépôt du prochain projet de loi de finances.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Avec cet article 16, nous examinons la question du mécanisme de correction automatique qui se mettra en place dès lors que la France se trouvera – passez-moi l’expression, mes chers collègues – « en dehors des clous » s'agissant de la trajectoire de ses comptes publics. Il s'agit là, nous dit-on, de traduire nos engagements européens, ceux-ci se révélant supérieurs à toute considération de politique économique et budgétaire intérieure.
Le dispositif est connu et identifié : il s'agit de donner sens à la loi de règlement en faisant du rapport du Haut Conseil annexé à ce texte le juge de paix, l’élément de mesure, j’allais dire le maître étalon, du respect éventuel de l’objectif de moyen terme des écarts de trajectoire causés par la conjoncture – nous nous perdrons demain en conjectures sur la conjoncture ! –, et des mesures correctrices devant être prises pour remédier aux décalages les plus marquants avec le solde structurel.
Il est d'ailleurs indiqué, au cas où cela nous aurait échappé, que le Gouvernement sera en quelque sorte mis en demeure de prendre les mesures correctrices dès le premier texte de nature budgétaire qu’il pourra présenter.
Nous avons donc une situation dans laquelle le Haut Conseil jouera un tout autre rôle que celui qui consiste à émettre un avis sur les lois de finances : il préemptera en amont les orientations budgétaires profondes que le Gouvernement sera amené à prendre en fonction de l’exécution budgétaire. Or cela, nous sommes désolés de le rappeler, c’est, en principe et de A à Z, le travail des parlementaires !
C’est bien pour cette raison, aussi, que nous ne pouvons que proposer la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
En vue du dépôt du projet de loi de règlement
par les mots :
Avant le 15 juin de chaque année
II. - Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le débat prévu à l’article 48 de la loi organique n° 2001–692 du 1er août 2001 précitée et à l’article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale est obligatoire. Dans le rapport mentionné aux deux articles précités, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts et présente les mesures de correction envisagées.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner au Haut Conseil la possibilité de disposer du projet de loi de règlement et du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale pour émettre son avis sur les écarts importants entre l’exécution de l’année écoulée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
La commission des comptes rend son rapport entre le 15 avril et le 15 juin chaque année.
Le dispositif proposé aujourd’hui fait du projet de loi de règlement le support des discussions sur la constatation d’un éventuel écart par rapport aux orientations pluriannuelles des finances publiques. Or ce texte, qui arrête les comptes du seul État, conformément à la Constitution et à la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, n’est pas le bon vecteur. Mieux vaut viser le débat d’orientation des finances publiques, qui est, par nature, consolidé et couvre l’ensemble des administrations publiques.
Afin de permettre au Parlement tout entier de se saisir de cet avis, il est proposé, en cas d’écart important, que le débat d’orientation des finances publiques soit obligatoire. Dans le rapport préparatoire à cette discussion, le Gouvernement exposerait les raisons de ces écarts et présenterait les mesures de correction envisagées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les dispositions de cet amendement, dont la logique est convaincante, posent deux difficultés, et non des moindres.
Tout d'abord, apparaît un problème de principe : les transformations de la gouvernance des finances publiques conduisent effectivement à faire évoluer la loi de règlement vers une loi de règlement de l’exécution de la programmation « toutes APU », c'est-à-dire concernant toutes les administrations publiques. Tel est d'ailleurs le sens de l’article 6 bis, que nous avons adopté et qui crée un article liminaire dans les lois de règlement.
Ensuite, se pose une difficulté politique : la revalorisation de la loi de règlement constitue l’un des axes importants mis en avant par l’Assemblée nationale. Au Sénat, nous avons toujours considéré que la loi de règlement n’intéressait personne, précisément parce qu’elle ne porte que sur l’État et n’aborde pas la programmation de l’ensemble des administrations publiques. L’initiative prise par MM. Carrez et Eckert au Palais-Bourbon nous a semblé répondre à cette préoccupation, que nous avions exprimée à maintes reprises, et nous avons donc considéré qu’elle était tout à fait utile.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je reprendrai l’argumentation de M. le rapporteur général, parce que je la crois bonne.
Monsieur Daudigny, je comprends votre souci, qui est tout à fait légitime et respectable, de revaloriser l’examen des finances sociales. Toutefois, un consensus s’est dégagé pour que ce débat ait lieu lors de la discussion de la loi de règlement, dont c’est là, sinon le rôle majeur, du moins l’une des fonctions les plus importantes.
Il est vrai, comme vous le signalez, que la loi de règlement arrête les seuls comptes de l’État, mais celle-ci contient un article liminaire qui vise l’ensemble des administrations publiques. De même, l’avis du Haut Conseil portera sur la totalité des administrations publiques et se fondera sur les comptes provisoires publiés par l’INSEE à la fin du mois de mars. Avec ces informations et les dispositions adoptées pour la loi de règlement, vous avez en réalité satisfaction, me semble-t-il.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. Si tel n’était pas le cas, il serait préférable que le Sénat le rejette, pour ne pas compliquer inutilement l’examen des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. J’ai écouté l’argumentation du rapporteur général et de M. le ministre, mais je ne suis pas totalement convaincu...
La loi de règlement n’est pas à ce jour, me semble-t-il, une loi de règlement des comptes publics. Elle est encore un texte partiel, et elle le restera à moins que la Constitution ne soit modifiée. Le projet de loi de règlement prononce donc bien l’arrêté des comptes de l’État, et non de ceux de la sécurité sociale.
Il me semble bien que c’est le débat d’orientation des finances publiques qui devrait être le cadre de la mise en œuvre du mécanisme de correction, car il est consolidé et couvre les trois administrations publiques, à savoir l’État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.
Toutefois, compte tenu de la position exprimée par M. le ministre et M. le rapporteur général, et dans une perspective d’apaisement de ce débat, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 72, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, telle qu’elle résulte de la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Le présent amendement est non plus de fond, mais de précision, dès lors que M. Arthuis a retiré l'amendement n° 65, ce qui était d'ailleurs tout à fait logique puisque ce dernier était un amendement de coordination avec une disposition qu’il avait présentée à l’article 9.
Nous avons eu tout à l'heure un débat de fond entre deux visions du Haut Conseil : celle de M. Arthuis, qui voulait donner à cette instance la possibilité de définir les règles selon lesquelles elle évaluerait la trajectoire des finances publiques du Gouvernement, ratifiée par le Parlement, et celle du rapporteur général et du président de la commission des finances, éclairés par les explications que le ministre avait données sur la manière dont il entendait nouer le dialogue avec le Haut Conseil.
Dès lors que le Sénat a tranché entre ces deux visions, en retenant celle qui est commune au rapporteur général, au président de la commission des finances et au ministre, on voit mal sur quelles hypothèses pourrait être évaluée la trajectoire des finances publiques, sinon sur celles que le Gouvernement a lui-même retenues en amont, c'est-à-dire lors de l’élaboration de ce cadre.
J'ajoute que si tel n’était pas le cas, nous serions confrontés à un problème majeur : il y aurait une modification des règles du jeu entre, d'une part, l’élaboration, la fixation et le vote d’une trajectoire politique, et, d'autre part, le moment où l’on évalue celle-ci. C’est un peu comme si, lors d’un concours, un candidat se voyait attribuer la note zéro à une épreuve de mathématiques au motif que le correcteur a changé l’énoncé du problème au moment où il a corrigé la copie. Il y aurait de quoi être particulièrement surpris !
M. Roger Karoutchi. On n’a jamais vu un gouvernement faire une chose pareille !
M. Jean-Pierre Caffet. En effet, mon cher collègue. (Sourires.) Mais si cela arrivait, il y aurait de quoi concevoir une certaine amertume.
Cet amendement est donc désormais de précision, de bon sens. Il vise tout simplement à spécifier que les règles suivies par le Haut Conseil pour évaluer la trajectoire des finances publiques reposent sur les hypothèses figurant initialement dans la loi de programmation.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Pour ce calcul, le Haut Conseil utilise la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques ou, s’il a exprimé un avis défavorable à son sujet dans l’avis prévu à l’article 9, celle qu’il a annoncée à cette occasion. Dans le cas de la loi de programmation des finances publiques en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi organique, la trajectoire de produit intérieur brut potentiel prise en compte par le Haut Conseil est celle figurant dans le rapport annexé à cette même loi.
Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 72 ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour la commission des finances, les dispositions proposées ici vont dans le bon sens.
Comme l’a souligné Jean-Pierre Caffet, il s'agit d’un amendement de précision, que je qualifierai même, pour bien caractériser l’œuvre législative du Sénat, d’amendement de bon sens.
À ce titre, la commission des finances demande au Sénat de l’adopter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Mes chers collègues, les écologistes ne sont pas favorables à cet amendement. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.) Le solde structurel présente l’avantage, par rapport au solde effectif, de prendre en compte la conjoncture. Toutefois, il introduit une difficulté : il repose par nature sur des hypothèses et son estimation pour une même année s’affine à mesure que le temps passe et que les données concernant le cycle économique en cours s’accumulent.
Comme différentes lois de finances, de règlement et de programmation peuvent comporter des mentions du solde structurel d’une même année, mais établies à des époques différentes, la comparaison de ces différentes lois, sur laquelle repose le déclenchement du mécanisme de correction, n’est pas évidente.
Cet amendement tend à résoudre le problème par la manière forte, en figeant à jamais l’hypothèse de PIB potentiel pour une année donnée, telle qu’elle apparaît dans la loi de programmation. Peu importe ce qui pourra se passer ensuite !
Cette démarche nous semble tout d’abord heurter le bon sens,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Non, elle est de bon sens.
M. André Gattolin. … en ce qu’elle interdit par principe de considérer les données les plus à jour pour éclairer les problèmes qui se posent au Haut Conseil.
À cet égard, nous ne sommes probablement déjà plus dans le cadre de la « sincérité » évoquée à l’article 5 bis de ce projet de loi organique, que nous avons adopté et aux termes duquel cette notion « s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Il ne faudrait pas que le Conseil constitutionnel trouve à redire à cet amendement en matière de sincérité !
On peut même se demander sur quelle base se fera le dialogue avec la Commission européenne, qui réévalue quant à elle tous les ans, sinon plus souvent, ses estimations. Or, je le rappelle, après l’adoption de l’amendement n° 70 rectifié de M. Caffet, nous faisons désormais référence à ces évaluations de la Commission européenne à l’article 8 bis du projet de loi organique.
Ensuite, cette démarche nous semble contradictoire avec le sens même du concept de solde structurel, qui vise à prendre en compte la conjoncture. La méthode ici proposée procède en effet à l’inverse, puisqu’elle fait abstraction de la conjoncture postérieure au vote de la loi de programmation...
L’exposé des motifs de l’amendement indique que le fait de ne pas figer l’hypothèse de PIB potentiel de la loi de programmation pourrait aboutir soit à un contournement de la règle et à un effort minoré, soit au déclenchement abusif de la correction. C’est vrai, mais l’argument est parfaitement symétrique !
En effet, admettons que l’on fige l’hypothèse de la loi de programmation, comme le suggèrent les auteurs de cet amendement. Si la conjoncture s’améliore, cela veut dire que l’effort ayant été demandé en programmation est donc finalement sous-estimé, ce qui revient tout autant à contourner la règle, car la réévaluation a très bien pu intervenir après la loi de programmation, mais avant l’élaboration du projet de loi finances de l’année concernée. Si la conjoncture se détériore, cela signifie, à l’inverse, que l’effort demandé en loi de programmation est surévalué par rapport à une dégradation du contexte qui n’est paradoxalement pas prise en compte dans le solde structurel, que cet effort risque donc de ne pas être réalisé et, finalement, on aboutit là aussi au déclenchement abusif de la correction.
Nous pensons vraiment qu’il ne s’agit pas là de la bonne méthode. À nos yeux, la loi organique doit non pas imposer le choix de l’hypothèse de référence, mais simplement demander la transparence sur la manière dont le Gouvernement et le Haut Conseil appréhendent, à chaque fois, cette difficulté de comparaison, revers de la médaille du concept de solde structurel.
C’est précisément tout l’intérêt de se doter d’une institution à la fois indépendante et consultative que de lui permettre de contrôler une cohérence ne coulant pas de source. S’il s’agit de tout figer par avance, sans prendre en compte la conjoncture ni seulement considérer les données à jour, s’il s’agit de faire de simples comparaisons arithmétiques, alors, la question de l’intérêt du Haut Conseil vient à se poser !
Parce que la disposition qui nous est proposée au travers de l’amendement n° 72 pose un problème de sincérité, parce qu’elle est contradictoire avec le sens même du solde structurel et, enfin et surtout, parce qu’elle ne permet pas d’aboutir aux objectifs qui lui sont assignés, le groupe écologiste sera forcé de voter contre.
M. le président. L'amendement n° 53 rectifié bis, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans son avis, le Haut Conseil indique si la prise en compte de la réactualisation des différentes hypothèses ayant permis l'estimation du solde structurel de l'année considérée aurait produit des écarts sensiblement différents.
La parole est à M. André Gattolin.