M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Puisqu’il s’agit de supprimer un article, la commission des finances émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article additionnel après l'article 13
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des comptes provisoires des administrations publiques de l’année close dès leur transmission à la Commission européenne. Le Haut Conseil rend un avis sur ces informations au regard du programme de stabilité.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Les procédures de déficit excessif s’appliquent, notamment concernant les sanctions, au regard des comptes exécutés et non des comptes prévisionnels. C’est pourquoi il est indispensable que le Haut Conseil rende un avis sur ceux-ci si nous voulons qu’il remplisse les missions qui lui sont confiées.
J’ajoute que cet amendement est plus précis que l’article 16, qui ne prévoit de surveillance qu’au regard des orientations pluriannuelles et non de l’exécution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, elle ne pourra qu’y être défavorable.
S’il poursuit un objectif tout à fait légitime, cet amendement pourrait être source de confusion.
Tout d’abord, il concerne l’exécution des programmes de stabilité et non des lois de programmation, qui sont le sujet sur lequel nous travaillons. Multiplier les rapports relatifs à l’exécution des programmations différentes risque de rendre les programmations illisibles.
Ensuite, il concerne, semble-t-il, l’exécution en solde effectif. Or, nous sommes appelés à travailler en solde structurel. C’est l’un de nos grands sujets de débat et, si l’on multiplie les concepts, on risque d’introduire de la confusion.
Enfin, si l’on comprend bien, l’exécution concernée serait celle du programme de stabilité en vigueur l’année précédente. On peut donc en déduire qu’elle ne porterait que sur une seule année. Les programmes de stabilité, on le sait, sont désormais publiés en avril. Faudrait-il dès lors prendre pour référence le programme de stabilité en vigueur de janvier à avril ou celui de mai à décembre ?
Bref, si l’on adoptait une telle disposition, un certain nombre d’imprécisions apparaîtraient assez vite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 58 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Le problème reste le même, mais je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
Article 13 bis (nouveau)
Le Gouvernement transmet au Haut Conseil des finances publiques les autres projets de documents publics devant être adressés à une institution de l’Union européenne et comprenant ou reposant sur des prévisions macroéconomiques. Le Haut Conseil peut rendre un avis public sur ces prévisions. – (Adopté.)
Article 14
(Non modifié)
Le Haut Conseil des finances publiques peut procéder à l’audition des représentants de l’ensemble des administrations compétentes dans le domaine des finances publiques, de la statistique et de la prévision économique.
Il peut faire appel à des organismes ou des personnalités extérieurs à l’administration.
Le Gouvernement répond aux demandes d’information que lui adresse le Haut Conseil dans le cadre de la préparation de ses avis.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement clôt, pour l’essentiel, la série d’amendements que nous avons déposés pour nous opposer au Haut Conseil des finances publiques. Je renouvelle ici l’exercice en formulant quelques remarques simples à propos du recours éventuel du Haut Conseil aux services d’organismes ou de personnalités extérieurs à l’administration.
On peut évidemment se poser la question de savoir pourquoi il existe une telle défiance a priori à l’encontre des fonctionnaires de l’INSEE et à ceux de la direction du Trésor notamment, dont l’indépendance est, je le rappelle, statutairement consubstantielle à leur mode de recrutement.
Un fonctionnaire est certes soumis à l’obligation de réserve – cela me donne l’occasion de répondre à nos collègues du groupe écologiste –, mais il jouit, par son statut, d’une neutralité et d’une objectivité qui ne se discutent même pas. Or tel n’est pas le cas des « experts » que le Haut Conseil serait éventuellement amené à consulter.
D’ailleurs, cette situation pose un certain nombre de problèmes déontologiques.
Ainsi, au regard de la période au cours de laquelle intervient le Haut Conseil dans le processus de rédaction et de confection de la loi, c'est-à-dire, en pratique, bien avant le dépôt du projet de loi de finances, se pose le problème de la qualité de l’information qui peut être transmise par le Haut Conseil aux experts qu’il interroge. Ceux-ci devraient au moins être soumis au principe du secret des consultations, pour éviter que des informations d’une certaine importance ne « fuitent », comme on dit, de ces consultations.
Or aucune précaution déontologique n’encadre précisément les consultations que pourrait organiser le Haut Conseil ; de la même manière, le projet de loi organique ne semble pas avoir défini les règles de fonctionnement, de publicité des débats ou de simple réserve applicables aux membres du Haut Conseil.
Considérant le mouvement détestable que nous avons connu cette année avec les « ballons d’essai » et les informations diverses divulguées au mois de septembre dernier à propos du projet de loi de finances, il ne nous semble pas utile de courir le risque de voir toute l’année civile marquée, d’une manière ou d’une autre, par des échanges contradictoires sur les hypothèses macroéconomiques et les mesures contenues dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Nous préférons mille fois la transparence d’une loi de programmation à l’utilisation de moyens détournés, aux bruits et aux rumeurs à visée politicienne ou politique.
Tel est le sens de cet amendement de suppression de l’article 14 du projet de loi organique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’article 14 est indispensable à l’économie du dispositif prévu dans ce projet de loi organique. En conséquence, la commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment pour apprécier les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Nous souhaitons un Haut Conseil des finances publiques crédible et indépendant. À cette fin, il importe que cette instance dispose des moyens d’expertise nécessaires ou qu’elle ait la possibilité de les créer ou de les acquérir en commandant des études économiques ou statistiques.
Aussi cet amendement vise-t-il à préciser que le Haut Conseil doit pouvoir s’appuyer sur des compétences extérieures pour procéder notamment…
M. Philippe Marini. Cet adverbe fait réagir le juriste que vous êtes, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.) Il est vrai qu’il s’agit d’une commodité de langage.
Je pensais donc, en particulier, à l’estimation des produits fiscaux prévisionnels, sujet qui est, bien sûr, inhérent au débat budgétaire et que le Haut Conseil aura sans doute à traiter.
En effet, à considérer les écarts – comme nombre de mes collègues, je parle ici d’expérience ! – qui existent entre les estimations réalisées par les services du Gouvernement et celles qui sont faites par des tiers, il serait souhaitable que le Haut Conseil ait les moyens de se forger sa propre opinion sur des sujets dont l’ampleur justifierait des études complémentaires.
J’ai pris l’exemple des produits fiscaux prévisionnels, mais je pourrais en citer d’autres à l’appui de cette demande de précision, car il ne s’agit en fait que de cela ; dès lors que le Gouvernement souhaite – comme c’est, tout au moins je l’espère, le cas – que le Haut Conseil soit véritablement un corps indépendant et crédible, cette demande devrait pouvoir être acceptée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La portée de l’article 14 du projet de loi organique est très large dans la mesure où le Haut Conseil des finances publiques peut « faire appel à des organismes ou personnalités extérieurs à l’administration ».
Dès lors, il pourra solliciter des prestataires extérieurs chaque fois qu’il le jugera utile pour l’exercice de ses missions, cela sans qu’il soit besoin de dresser une liste limitative de ces prestataires.
S’il s’agit uniquement de préciser que, pour exprimer des avis indépendants, le Haut Conseil pourra faire appel à une information indépendante, le compte rendu de nos débats attestera que nous partageons cette préoccupation.
Mais peut-être serait-il utile de l’inscrire dans la loi, comme le prévoit l’amendement de notre collègue Philippe Marini ? Si le Gouvernement juge cette proposition opportune, nous nous rallierons à sa position.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui introduit le merveilleux adverbe « notamment », bien utile au législateur comme au juriste ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article additionnel après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme M. André, MM. Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement sont informés par le Gouvernement, à chaque examen d’un projet de loi de finances, des engagements financiers publics significatifs nouvellement souscrits n’ayant pas d’implication immédiate sur le déficit structurel, au sens de l’article 5 de la présente loi organique.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Par cet amendement, nous voulons nous assurer que le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement seront informés par le Gouvernement, à chaque examen d’un projet de loi de finances, des engagements financiers publics significatifs nouvellement souscrits n’ayant pas, a priori, d’implications immédiates sur le déficit structurel.
Nous avons déjà évoqué hier l’« asphyxie » qui pourrait compromettre certaines missions de l’État. S’ils devaient devenir très importants, ces engagements constitueraient en effet des facteurs de risque pour l’établissement de la trajectoire des déficits publics à moyen ou long terme.
Cet amendement, qui est complémentaire de celui qui a été adopté à l’article 5, vise donc à assurer au Parlement et au Haut Conseil des finances publiques un suivi annuel de l’ensemble des engagements hors bilan de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme vient de le préciser notre collègue Jean-Yves Leconte, cet amendement est le pendant de l’amendement n° 67 rectifié adopté à l’article 5. Par coordination, nous y sommes donc favorables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 14.
Article 14 bis
Le président du Haut Conseil des finances publiques est entendu à tout moment à la demande des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Conformément à notre position de fond sur le Haut Conseil des finances publiques, nous demandons la suppression de l’article 14 bis du projet de loi organique. Outre l’inutilité de cet outil supplémentaire, une autre considération nous pousse à défendre le présent amendement.
Aux termes de l’article 14 bis, les commissions des finances des deux assemblées peuvent auditionner le président du Haut Conseil, qui ne sera autre, on le sait bien, que le Premier président de la Cour des comptes. Or nous pouvons déjà auditionner cette personnalité quand nous le voulons. Je ne vois donc pas l’utilité de l’auditionner obligatoirement en tant que président du Haut Conseil, sauf à prévoir que l’ensemble des membres du Haut Conseil le seront également.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14 bis.
(L'article 14 bis est adopté.)
Article 15
Le Haut Conseil des finances publiques se réunit sur convocation de son président. Il délibère valablement s’il réunit, outre son président, sept de ses membres, dont deux ont été désignés dans les conditions prévues aux 2° et 3° de l’article 8. Il se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle de son président est prépondérante.
Ses membres sont tenus au secret sur ses délibérations. Il ne peut publier d’opinion dissidente.
Il ne peut délibérer ni publier d’avis dans d’autres cas ou sur d’autres sujets que ceux prévus par la présente loi organique.
Il établit et rend public son règlement intérieur, qui précise les conditions dans lesquelles son président peut déléguer ses attributions.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités du tirage au sort prévu à l’article 8. Il peut préciser les rapports entre le Haut Conseil et le Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet article porte sur la question du règlement intérieur et de la déontologie au sein du Haut Conseil.
Que le secret des délibérations soit inscrit dans la loi est la moindre des choses, attendu que le Haut Conseil, si tant est qu’il existe, prendra très en amont les textes qui lui seront soumis, intervenant même, de fait, à un stade et à un moment où nous serons fort loin de la formule achevée d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Dès lors, on peut s’interroger, comme le font d’ailleurs plusieurs de nos collègues, sur le fait qu’aucune position différente ne soit exprimée par un ou des membres du Haut Conseil sur un texte donné ou sur un avis donné.
À dire vrai, cela ne coûterait pas grand-chose d’inscrire une telle disposition dans la loi, d’autant que nous n’avons strictement aucun doute sur le fait que les membres du Haut Conseil seront des personnes acquises au bien-fondé de la convergence des politiques européennes, c'est-à-dire qu’elles sont en quelque sorte « eurocompatibles ».
Je ne serais de plus pas étonnée que les conditions de nomination des membres du Haut Conseil soient telles qu’elles conduisent à choisir des personnalités, certes qualifiées, mais partageant une pensée économique par trop monocolore…
De surcroît, ce sera le Haut Conseil lui-même qui fixera ses propres règles de fonctionnement. Certes, on peut penser que cela se fera dans un large esprit de compromis, mais la gestion des affaires publiques, la qualité et la qualification de cette institution méritent, je le répète, autre chose qu’un simple accord entre initiés ou experts. Pour notre part, nous estimons que cette responsabilité revient au politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié bis, présenté par MM. Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement revient sur la question de la publication d’opinions dissidentes de membres du Haut Conseil.
L'objet des avis de cette instance, à savoir les prévisions économiques et le PIB potentiel, est, par définition, sujet à des débats contradictoires complexes. Il serait donc fallacieux, scientifiquement aussi bien que politiquement, de faire mine d'ignorer ce débat, en le réduisant, par défaut, à une position unique. Cela pourrait même faire peser des soupçons sur l'indépendance de l'institution, qui se trouverait incapable d’assumer la complexité intrinsèque de ses débats.
La mention de débats contradictoires, dans un domaine où leur existence est naturelle, n’ôtera rien à la force de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, dont la décision sera légitimée par un vote.
En outre, la préservation du secret des délibérations, que nous ne voulons absolument pas remettre en cause, garantit la liberté d’expression et l’indépendance des membres du Haut Conseil.
Au Parlement, les commissions d’enquête, pourtant parfois sensibles, fonctionnent sur ce mode ; il en va de même de la Cour suprême des États-Unis, qui, lorsqu’elle est critiquée, l’est pour sa puissance et non pour sa faiblesse.
Le Comité de politique monétaire, organe décisionnaire de la Réserve fédérale des États-Unis en charge de la politique monétaire – rien que cela –, procède lui aussi de la sorte, sans que ses décisions soient davantage critiquées que celles d’autres institutions.
En commission des finances, M. le rapporteur général a fait remarquer avec raison que le projet de loi organique, dans sa rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale, ne respectait pas tout à fait l’indépendance du Haut Conseil, dans la mesure où il renvoyait la définition de ses règles de fonctionnement à un futur décret en Conseil d’État.
Le parti a donc été pris, à juste titre, de fixer dans l’article 15 du projet de loi organique les règles essentielles du fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques.
La commission des finances ne s’est pas attardée particulièrement sur la publication des opinions dissidentes qui ne représentait qu’un élément, parmi d’autres, des dispositions proposées.
À la réflexion, l’interdiction de la publication des opinions dissidentes nous est apparue problématique pour les raisons que je viens d’exposer. Aussi avons-nous déposé un amendement visant à autoriser explicitement la publication de ces opinions.
Toutefois, après avoir entendu les arguments du rapporteur général de la commission des finances, nous avons rectifié notre amendement de telle sorte que, s’il était adopté, l’article 15 du projet de loi organique serait muet sur la question des opinions dissidentes : celles-ci ne seraient ni autorisées de façon explicite ni interdites.
Cette solution aurait l’avantage de laisser au Haut Conseil la latitude de décider lui-même ce qui lui paraît plus pertinent pour son propre fonctionnement.
Sans préjuger de votre avis, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, il me semble que nous devrions pouvoir nous accorder sur cette position médiane qui vise à garantir, comme d’autres dispositions que vous avez fait adopter en commission, une meilleure transparence et une meilleure indépendance du Haut Conseil des finances publiques, lequel serait laissé libre de statuer sur ce point de son fonctionnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement touche à un sujet particulièrement sensible.
Il est contraire à l’amendement que la commission des finances a adopté sur mon initiative pour interdire la publication des opinions dissidentes. La commission a adopté cette position parce qu’elle considère que le Haut Conseil ne devant avoir qu’un pouvoir d’influence, il deviendrait inaudible s’il étalait ses divisions.
Les exemples mentionnés à l’appui de l’amendement n° 45 rectifié bis sont peu convaincants à nos yeux.
Dans le cas des commissions d’enquête parlementaires, les opinions dissidentes sont un élément de démocratie.
Quant à la Cour suprême des États-Unis et au Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale, il s’agit d’institutions qui peuvent se permettre de rendre publiques, pour la première, des opinions dissidentes ou, pour la seconde, des minutes parce qu’elles exercent un véritable pouvoir de décision.
Tel ne sera pas le cas du Haut Conseil des finances publiques qui, au contraire, aura besoin de parler d’une seule voix pour acquérir une légitimité et une crédibilité fortes.
Dans la nouvelle version de son amendement, que M. Gattolin vient de présenter, le groupe écologiste propose que la question des opinions dissidentes ne soit pas tranchée dans la loi ; elle le serait par le Haut Conseil des finances publiques lui-même dans son règlement intérieur.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est faire l’autruche !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’adoption de cet amendement conduirait à confier au Haut Conseil une lourde responsabilité.
On perçoit bien qu’en évacuant de la loi la question des opinions dissidentes, on ferait évoluer de manière importante le dispositif proposé par la commission.
La commission des finances était défavorable à la version précédente de l’amendement. Cependant, comme elle n’a pas examiné la version rectifiée, je ne peux émettre qu’un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les exemples donnés par les auteurs de l’amendement et rappelés à l’instant par le rapporteur général sont éclairants, dans la mesure où ils sont empruntés à un système politique qui est tout de même assez radicalement différent du nôtre.
Au demeurant, pourquoi les défenseurs de cet amendement vont-ils chercher des exemples outre-Atlantique, alors qu’ils pourraient en trouver bien plus près du Sénat ? Il est vrai que ceux-là ne vont pas dans leur sens…
A-t-on jamais vu un membre du Conseil constitutionnel faire état d’un quelconque désaccord une fois qu’une décision a été rendue ? Cela ne se fait pas !
Certes, l’autorité du Haut Conseil des finances publiques ne repose pas seulement sur l’absence de publication des opinions dissidentes ; mais elle tient en partie à ce principe et à l’impossibilité de savoir, après qu’une décision aura été prise, qui l’aura approuvée et qui l’aura regrettée ou combattue.
Je ne crois pas que l’autorité du Haut Conseil des finances publiques puisse de quelque manière se diviser, ni que l’on puisse laisser au Haut Conseil la possibilité de décider que son autorité puisse se diviser.
Monsieur Gattolin, le Gouvernement est donc opposé à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur Gattolin, je comprends vos arguments mais la plupart des exemples que vous avez pris dans le système américain sont ceux de juridictions qui prennent des décisions et élaborent une doctrine.
M. Richard Yung. Dans le cas de la Cour suprême des États-Unis, il y a quelque chose de positif à rendre publics les raisonnements qui ont conduit à une décision.
Dans le domaine économique et financier, en revanche, tout est très fragile. Mes chers collègues, imaginons un instant que le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne rende publics ses débats ! Quelle panique ne s’ensuivrait-elle pas sur les marchés financiers ?
Votre souhait, monsieur Gattolin, est légitime ; malheureusement, il serait dangereux de l’exaucer dans le domaine économique et financier, où une trop grande transparence n’est pas souhaitable.
Je me range donc à l’avis du rapporteur général de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je m’apprête, à titre personnel, à voter cet amendement.
En effet, il me semble que laisser le Haut Conseil des finances publiques définir lui-même sa règle du jeu dans son règlement intérieur est la position la plus respectueuse de cette institution.
D’ailleurs, il est tout à fait possible que le Haut Conseil adopte la même ligne de pensée que le ministre et le rapporteur général, en considérant qu’il serait risqué que des opinions dissidentes soient publiquement exprimées ; dans notre culture, c’est même assez vraisemblable – mais peut-être serai-je démenti par la décision du Haut Conseil, si l’amendement n° 45 rectifié bis est adopté.
Cher collègue Richard Yung, je ne crois pas véritablement qu’un avis dissident puisse avoir une incidence sur les marchés financiers ou sur le comportement de tel ou tel agent économique.
S’il ne s’agit que d’expliciter des raisonnements au sein d’un organisme dont le rôle est précisément méthodologique et consultatif, le pluralisme n’est pas nécessairement un handicap.
S’il apparaît que des objections ont été formulées mais qu’une approche majoritaire a nettement prévalu, il n’y a aucune raison que le Haut Conseil soit affaibli ; en tout cas, il n’y a aucun motif d’affaiblissement automatique.
Je vous confie que c’est avec un peu d’hésitation que je voterai cet amendement. Mais je pense qu’il ouvre le jeu et qu’il est respectueux de l’indépendance du corps que nous allons créer.