M. le président. L'amendement n° 147 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Férat et MM. Dubois, J. Boyer, Marseille, Deneux, Amoudry et Tandonnet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 793 bis du code général des impôts, le montant : « 101 897 euros » est remplacé par le montant : « 250 000 euros ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 5 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’article 5 a été réservé jusqu’à la fin de la première partie du projet de loi de finances rectificative.
Article 6
I. – L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « 1er janvier de l’année d’imposition » sont remplacés par les mots : « 1er décembre de l’année précédant celle d’imposition » ;
2° À la fin du V, le taux : « 0,1 % » est remplacé par le taux : « 0,2 % ».
II. – 1. Le 1° du I s’applique aux sociétés dont les titres font l’objet de transactions réalisées à compter du 1er janvier 2013.
2. Le 2° du même I s’applique aux acquisitions réalisées à compter du 1er août 2012.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l'article.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après plusieurs années de tergiversations sur le bien-fondé de la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières, ou TTF, le précédent président de la République, Nicolas Sarkozy, a fait adopter une telle taxe dans la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.
Dans le présent projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement propose de renforcer cette taxe, qui doit s’appliquer à compter du 1er août prochain. Je vous rappelle qu’elle porte seulement sur les actions des sociétés dont la capitalisation boursière est supérieure à 1 milliard d’euros.
Mais cette petite TTF marque une première étape. Son instauration a donné une impulsion très forte dans un dossier pour lequel le précédent président de la République s’était de longue date mobilisé. (Conciliabules prolongés sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mes chers collègues, j’ai le sentiment que le résultat du scrutin précédent crée une certaine confusion…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous avons créé une accélération !
M. le président. Poursuivez, ma chère collègue, il n’y a aucune confusion.
Mme Fabienne Keller. La confusion n’est pas sur nos travées, monsieur le président, elle est sur ceux de la majorité !
M. Alain Gournac. Vous réglerez cela tout à l’heure ! (Exclamations et rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. On va vous faire marron quand même !
M. le président. Madame Keller, veuillez poursuivre.
Mme Fabienne Keller. Chers collègues de la majorité, l’article 4 a été supprimé et nous nous en réjouissons !
Le président François Hollande, lundi dernier, lors d’un sommet mondial sur le sida à Washington, a annoncé l’affectation d’une partie du produit de la TTF aux objectifs millénaires pour le développement dans le domaine de la santé, c’est-à-dire à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Messieurs les ministres, au moment où vous nous proposez le doublement du taux de la taxe, rien n’est prévu pour flécher cette nouvelle ressource vers les objectifs auxquels, pourtant, le Président de la République a annoncé qu’elle serait en partie affectée.
Pour justifier le doublement du taux, vous n’invoquez que des éléments très généraux. Bref, la TTF va tomber dans les ressources générales, comme une taxe ordinaire.
Que deviennent alors les déclarations de principe très généreuses du Président de la République ? Comment expliquez-vous l’écart, à deux jours d’intervalle, entre ses déclarations à l’échelle mondiale et leur mise en œuvre concrète ?
Messieurs les ministres, je serais heureuse si vous pouviez nous confirmer que le doublement du taux de la TTF servira à alimenter le fonds de solidarité que M. Chirac avait créé pour récolter le produit de la taxe sur les billets d’avion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite, à l’occasion de l’examen de l’article 6, présenter quelques remarques au sujet de la taxe sur les transactions financières.
Cette taxe, dont je rappelle qu’elle a été créée par la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est au fond une copie, pâle, d’une taxe britannique : la stamp duty.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la taxe prévue par le gouvernement précédent à l’article 235 ter ZD du code général des impôts est moins ambitieuse que le droit de timbre britannique. En effet, son taux est de 0,1 %, alors que celui de la taxe britannique est de 0,5 %. Pourtant, il n’y a pas plus libéraux que les Britanniques et la City !
Chers amis de l’opposition qui utilisez cet argument, je constate que ce taux élevé n’a pas eu pour conséquence de faire fuir la finance de la City britannique…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ne peut pas dire qu’elle fuie, en effet !
M. Richard Yung. Une autre différence majeure est que le dispositif français s’applique aux seules actions de sociétés françaises dont la capitalisation boursière est supérieure à 1 milliard d’euros, une limitation qui n’existe pas au Royaume-Uni. Donc, les socialistes, ce sont les Anglais !
Partant, le droit de timbre britannique rapporte environ 3,5 milliards d’euros par an, alors que la taxe française, si elle était maintenue dans sa version adoptée au printemps dernier, rapporterait seulement 1 milliard d’euros.
Dans sa forme actuelle, la taxe française est en retrait par rapport au dispositif conçu par la Commission européenne. En effet, alors que la proposition de directive prévoit un champ d’application large, la taxe française ne vise que les transactions portant sur des actions, avec la limitation que j’ai indiquée. Son assiette n’inclut ni les obligations ni les produits dérivés. Quant aux taux d’imposition, ils sont tous les deux fixés à 0,1 %.
En prévoyant le doublement du taux de cette taxe pour le porter à 0,2 %, l’article 6 vise à le rendre identique au taux réel de la taxe proposée par la Commission européenne.
Il est une différence, toutefois, à savoir que la charge financière pèsera exclusivement sur l’acheteur, alors qu’elle devrait être répartie à parité entre l’acheteur et le vendeur.
Le Gouvernement a fait le choix de ne pas modifier, dans l’état actuel des choses, l’assiette de cette taxe. C’est une question dont nous pourrons rediscuter lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, d’autant plus que la taxe européenne sera adoptée dans le cadre d’une coopération renforcée, avec sans doute un champ d’application beaucoup plus large.
J’ajoute que, d’après les déclarations que M. Fabius a faites hier, c’est-à-dire tout récemment – et je réponds ainsi à Mme Keller –, il est envisagé que 10 % des recettes de cette taxe soient consacrées au développement.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons évidemment le doublement du taux de la taxe.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dois avouer que cet article 6 m’étonne quelque peu.
Vous proposez, messieurs les ministres délégués, le doublement du taux de la taxe sur les transactions financières lancée par Nicolas Sarkozy et mise en place par le gouvernement Fillon dans la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, qui devait entrer en vigueur le 1er août prochain.
Je constate avec surprise, mais avec une grande satisfaction, que la nouvelle majorité a changé son fusil d’épaule… En effet, chers collègues de la majorité, vous n’aviez pas voté pour cette mesure au printemps dernier ! (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Alain Gournac. Ils perdent la mémoire !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous l’aviez même fortement critiquée lors des débats parlementaires, en visant notamment son assiette et en dénonçant ce que vous appeliez une opération électoraliste.
Voilà que les élections passées, vous changez d’avis ! L’assiette de la taxe semble désormais vous convenir. Il faut croire que l’opération électoraliste était plutôt de votre côté…
Vous n’aviez pas voté notre projet car vous n’assumiez pas politiquement que Nicolas Sarkozy soit l’initiateur d’une taxe que, pourtant, vous appeliez de vos vœux tout autant que nous.
Pour leur part, les sénateurs du groupe UMP restent constants et cohérents avec eux-mêmes. Ils maintiennent leur position du mois de mars, favorable à un taux de 0,1 %.
En conséquence, nous voterons contre le doublement de ce taux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, sur l’article.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, je serai bref car ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx vient de rappeler fort brillamment et fort opportunément la genèse de la taxe sur les transactions financières.
Dans une de mes vies antérieures, suffisamment récente pour que je m’en souvienne encore quelque peu, l’instauration d’une taxe sur les transactions financières était apparue comme une nécessité absolue.
Mais la nécessité absolue sera désormais d’avoir une discussion de fond – je conçois néanmoins bien que ce n’est ni le lieu ni le moment – au sujet de l’affectation du produit de cette taxe.
Cette initiative, lorsqu’elle a été prise par le président Nicolas Sarkozy, l’année dernière – et elle a en effet été critiquée –, avait en quelque sorte pour but d’amorcer un mouvement, d’accélérer la discussion aux niveaux européen et mondial sur l’affectation de ces nouvelles recettes.
En effet, il est absolument fondamental que le produit de cette taxe ne soit pas exclusivement réservé aux nécessités budgétaires, c’est-à-dire au comblement des déficits : il ne faut surtout pas manquer l’occasion historique de l’utiliser, pour une part non négligeable, au service du développement d’un certain nombre de pays.
Alors que l’aide publique au développement représente aujourd’hui 180 milliards de dollars par an, nous savons que les besoins nouveaux qui se font jour nécessiteront que nous y consacrions dans les années à venir 300 milliards de dollars.
L’enjeu est absolument considérable pour la paix, mais aussi pour la sécurité. En effet, si nous ne parvenons pas à mettre en œuvre dans les pays ayant besoin de cette aide une politique de développement audacieuse et efficace, nous verrons se multiplier les manifestations contre la pénurie alimentaire et les difficultés qu’un certain nombre de pays ont connues assez récemment.
En outre, il y aura des répercussions tout à fait négatives sur les mouvements migratoires – point n’est besoin d’insister.
C’est pourquoi je me réjouis d’avoir entendu le ministre des affaires étrangères évoquer enfin cette question, dont on n’avait pas beaucoup entendu parler jusqu’à maintenant.
Simplement, nous ne devons à mon avis pas nous enfermer dès aujourd’hui dans des idées préconçues. Il nous faut être suffisamment avertis de tous les aspects de cette question, finalement assez complexe, pour avoir un débat global sur notre politique d’aide publique au développement.
Et cette discussion ne doit pas se cantonner au niveau français ! Elle doit avoir lieu d’abord à l’échelon européen, puis à l’échelon mondial.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, il faut que nous ayons, au moins au départ, une vision commune.
L’instauration de cette taxe en France vise en quelque sorte à montrer l’exemple, pour faire avancer un peu cette noble cause.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Même si je comprends que M. le ministre délégué au budget se soit absenté – peut-être devait-il traiter des suites d’un précédent scrutin… –, je souhaite interroger le Gouvernement et dire ma conviction que, dans ce débat, c’est non pas le taux, mais l’assiette qui est essentielle.
Nous le savons, nous avons été contraints de lancer cette initiative dans des conditions un peu particulières – elles ont été rappelées – et avec une assiette étroite, à savoir les seules transactions sur actions.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comme Richard Yung, notamment, l’a souligné, la réflexion européenne, dont on nous dit qu’elle devrait pouvoir avancer assez rapidement, porte sur une assiette beaucoup plus large. Celle-ci englobe, en particulier, les transactions sur les produits dérivés, qui concernent des volumes bien plus considérables, transactions sur la régulation desquelles nous pouvons sans doute accomplir quelques progrès. Peut-être l’un des mérites d’une future taxe européenne sera-t-il d’aller dans le sens de plus de transparence et de régulation sur les marchés de produits dérivés.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement, à l’échelon européen, de cette future directive ? Vous semble-t-il possible de réunir les conditions nécessaires, en d’autres termes de convaincre les autres États membres de l’Union ? Ce débat n’est-il pas en quelque sorte un théâtre d’ombres, et la TTF une fiction que l’on agite ? Les intérêts propres de la place de Londres, puisque ceux-ci sont en cause, nous le savons, ne sont-ils pas tels que l’adoption d’un texte européen serait vouée à l’échec ? Pouvez-vous nous dire comment se présentent les positions des uns et des autres et s’il est vraiment réaliste d’espérer aboutir dans les prochains mois, comme nous le souhaitons bien entendu tous ici ?
Dans ces conditions, est-il vraiment si urgent de doubler le taux sur cette assiette étroite, c'est-à-dire de prendre le risque de pénaliser le marché des actions sur la place de Paris ? Celle-ci pourrait par ailleurs être mise à mal par d’autres mesures, susceptibles de dégrader sa compétitivité ; je pense en particulier aux dispositions prévues à l’article 5, dont l’examen a été réservé, qui, comme nous le verrons tout à l'heure, créent une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, c'est-à-dire une taxation supplémentaire forfaitaire des dividendes de 3 %.
Ces mesures ne peuvent que créer un handicap pour des émissions de fonds propres sur le marché, pour la réussite d’augmentations de capital, au moment où – on ne cesse de nous le dire – le financement bancaire, le crédit est soumis à des limitations du fait de l’évolution des normes comptables internationales et de la mise en place du système de Bâle III, que nous n’avons sans doute pas analysé de façon assez lucide.
Dans ce contexte, je le répète, est-il vraiment si urgent de doubler le taux sur une assiette réduite aux seules actions, sur le segment de marché qui est sans doute le plus directement connecté à l’économie réelle, aux investissements des entreprises, et qui est par ailleurs le mieux régulé, le plus transparent, celui dont les rouages sont les plus précis ?
Monsieur le ministre, de deux choses l’une : soit l’on croit en l’aboutissement réaliste dans les mois qui viennent du texte européen – il faudrait que vous nous disiez où l’on en est des négociations, des approches préparatoires –, soit l’on n’y croit pas. Dans la première hypothèse, je ne pense pas qu’il soit de bonne politique de doubler aujourd'hui le taux de la taxe sur les transactions financières et je me demande même si le produit que vous affichez n’est pas légèrement optimiste.
Hier soir, Jérôme Cahuzac, dont je comprenais bien les arguments, évoquait certaines mesures prises par la précédente majorité, dont il a rappelé que l’évaluation était un peu optimiste, notamment s'agissant de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune menée à l’été 2011. M. Cahuzac affirmait que nous avions fait apparaître des recettes dont nous savions l’estimation optimiste. Sans doute n’en étions-nous pas aussi rigoureusement sûrs à l’époque que nous le sommes aujourd'hui, après les faits… Toutefois, ne risquez-vous pas, monsieur le ministre, de commettre la même erreur, ou plus exactement de pécher, comme cela a pu nous arriver, par excès d’optimisme quant au rendement affiché d’une mesure ?
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, sur l’article.
M. Alain Richard. J’apprécie intensément l’ambiance de chambre de réflexion qui règne au Sénat ce matin. En particulier, je trouve rafraîchissante l’évolution qu’a connue depuis trois ou six mois la réflexion d’un certain nombre de nos collègues de la nouvelle minorité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Une forte minorité !
M. Francis Delattre. Une minorité décisive !
M. Jean Arthuis. Il n'y a pas de groupe majoritaire.
M. Alain Richard. Mes chers collègues, notre assemblée peut rester une chambre de réflexion pendant encore un instant !
Monsieur de Raincourt, j’ai trouvé vos arguments très convaincants, mais je vous rappelle que nous avons posé à votre collègue M. Leonetti, il y a quatre mois, la question de l’utilisation des produits de la taxe sur les transactions financières. La position du gouvernement auquel vous apparteniez alors était que, bien sûr, ces recettes serviraient à remplacer une part de la contribution française à l’Union européenne. Il s'agissait d’un jeu à somme nulle qui, dans les intentions affichées par le gouvernement de l’époque, n’apportait pas un centime à la lutte contre la pauvreté.
J’en viens aux réflexions toujours pénétrantes du président de la commission des finances sur l’évolution de la taxe sur les transactions financières. Celui-ci estime qu’il serait encore mieux d’attendre que la décision soit entièrement européenne, et je comprends tout à fait sa position. Je rappelle que le Président de la République et la chancelière allemande ont déjà obtenu l’engagement de neuf États européens, ce qui constitue un exploit. Imaginer trouver un accord à vingt-sept est une façon, certes brillante et imaginative, de proposer l’enterrement pur et simple de ce projet.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Alain Richard. Il est tout à fait légitime et judicieux d’approfondir la réflexion sur ce que devrait être l’assiette optimale de cette taxe, me semble-t-il. Néanmoins, en tirer la conclusion qu’il ne faut pas procéder aujourd'hui à une décision de taux représente une évolution assez marquée de la position prise exactement sur le même sujet par la précédente majorité, il y a cinq mois, lors du dernier collectif.
En effet, alors que l’on savait l’assiette insatisfaisante et que l’on ne disposait d’aucun accord européen – bref, alors que les conditions étaient les plus mauvaises –, la majorité gouvernementale de l’époque fut ravie d’instaurer cette taxe.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le ravissement était relatif.
M. Alain Richard. Certes, mais la décision a objectivement été prise. Je suis donc heureux que la fonction de chambre de réflexion du Sénat profite en particulier à nos collègues de l’UMP !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. À l'occasion du débat sur cette taxe relative aux transactions financières, je rappellerai simplement le remarquable travail effectué sous l’égide de Philippe Dominati et Éric Bocquet dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.
Cette commission vient de déposer son rapport. J’attire l’attention de M. le ministre sur la proposition n° 54 de cet excellent travail – je le souligne d’autant plus volontiers que j’y ai participé activement ! (Sourires.) –, car l’adoption d’une taxe sur les transactions financières y figure, avec les motivations suivantes : « Comme votre rapporteur l’a analysé plus haut, la taxe sur les transactions financières permettrait de freiner la mobilité excessive du capital qui nourrit l’évasion fiscale. La décision de recourir à la coopération renforcée pour instaurer enfin cette taxe dans au moins neuf des États membres de l’UE doit rapidement être prise ».
Je crois donc que les membres de notre commission d’enquête voteront avec entrain et enthousiasme les dispositions visant à renforcer cette taxation sur les transactions financières.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.
M. Philippe Bas. J’aurais aimé pouvoir voter la présente disposition, car, c’est vrai, cette récente taxe sur les transactions financières est un instrument utile, qui dédie une ressource nouvelle à la lutte contre la misère dans les pays en développement.
Je veux rappeler d'ailleurs que la recherche de financements innovants pour le développement remonte à plusieurs années déjà, puisqu’elle a donné lieu au rapport Landau en 2004 et au vote, sur l’initiative de Jacques Chirac, de la loi créant la taxe sur les billets d’avion. Ce sont donc les initiatives successives des présidents de la République Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy – il est honnête de le rappeler – qui ont permis de créer ces nouveaux instruments. Je suis heureux de constater que, après les avoir refusés il y a cinq mois, la majorité sénatoriale et, maintenant, le Gouvernement de la République s’y rallient, en voulant même les amplifier.
Il y a malheureusement un point faible dans la disposition qui nous est proposée : comme notre excellent collègue Henri de Raincourt l’a rappelé tout à l'heure, l’affectation à l’aide au développement du produit du doublement de cette taxe, que nous avons créée il y a quelques mois, n’est pas certaine. Pour ma part, je ne pourrai donner mon soutien à cette mesure sans que des garanties juridiques sérieuses soient apportées au préalable, pour faire en sorte que le produit de cette taxe n’aille pas simplement s’ajouter aux ressources créées par ce collectif ou par la loi de finances initiale afin de diminuer les déficits publics, et soit bien directement consacré à l’aide au développement.
Tel n’est pas le cas, malheureusement, et c'est pourquoi je ne peux soutenir cette disposition, à mon grand regret.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 164 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand et Collombat, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZD. – I. – L’ensemble des transactions financières, englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes, sont soumises à une taxe assise sur leur montant brut.
« II. – Le taux de la taxe est fixé à 0,05 %.
« III. – La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier, les entreprises d’investissement visées à l’article L. 531-4 du même code et par les personnes physiques ou morales visées à l’article L. 524-1 du même code. Elle n’est pas due par la Banque de France et par le Trésor public.
« IV. – La taxe est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l’article 125 A du présent code. »
II. - Le présent article entre en vigueur à compter du 1er août 2012.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Mes chers collègues, je ne doute pas que cet amendement recevra le soutien de la majorité et d’une bonne partie des membres de l’opposition, puisqu’il vise à mettre en œuvre une disposition proposée par la majorité sénatoriale et adoptée avec des voix venues de tous les groupes politiques, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2012.
À cette occasion, le Sénat avait adopté un amendement de notre excellente rapporteure générale de l’époque visant à instituer une taxe assise sur « l’ensemble des transactions financières », contrairement – faut-il le rappeler ? – au dispositif qui fut retenu ultérieurement sous la précédente législature, à la demande et sur instruction du dernier gouvernement Fillon.
Le dispositif de cette « taxe Sarkozy sur les transactions financières », si je puis me permettre de la nommer ainsi, ne porte que sur les acquisitions d’actions : il est donc bien moins ambitieux – chacun a pu le constater – que celui qu’avait adopté la majorité sénatoriale quelques mois plus tôt.
Permettez-moi, au passage, de souligner l’incohérence du discours du précédent gouvernement à ce sujet : ses membres n’ont eu de cesse de nous dire, lorsque nous défendions ici même, en novembre 2011, sur la proposition du groupe du RDSE, une taxe française sur les transactions financières, qu’il était impossible de mettre en place une telle imposition à l’échelon national. Or ils ont fini par entendre nos arguments, semble-t-il, puisqu’ils les reprennent à leur compte, quelques mois plus tard, pour défendre leur version de la taxe sur les transactions financières, qui est d'ailleurs a minima.
Le premier de ces arguments tenait à la nécessité de « montrer l’exemple » pour ainsi donner une impulsion et être suivis par nos partenaires européens.
Malheureusement, c’est le mauvais exemple que le précédent gouvernement a choisi de montrer en instaurant cette taxe, une taxe au rabais non seulement par rapport aux propositions de notre assemblée, mais aussi au regard de celles de la Commission européenne.
Comme on pouvait le craindre, et le risque est en train de se concrétiser, les autres États européens, notamment les plus réticents, semblent se satisfaire de cette taxe a minima qui leur évite un dispositif plus ambitieux, celui que nous appelons de nos vœux, seul à même de nous permettre de lutter efficacement contre la spéculation financière, dont nous connaissons tous les effets dévastateurs.
Pour que nous ne restions pas impuissants face à l’instabilité des marchés, je vous invite, mes chers collègues, à voter le présent amendement, qui vise à remplacer la taxe sur les transactions financières actuelle par un dispositif plus ambitieux, à l’assiette plus large, au taux plus faible, tel qu’il avait été adopté par le Sénat à deux reprises, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 – le projet de loi de finances initial - et du premier projet de loi de finances rectificative pour 2012.
C’est cette version qui donnera le bon exemple à suivre à nos partenaires européens et enverra le bon signal à l’ensemble de nos concitoyens.
Je compte d’autant plus sur votre soutien, mes chers collègues, que, hier, j’ai noté que M. le ministre chargé du budget, dans sa réponse à mon intervention dans la discussion générale, a reconnu la nécessité d’une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse.