compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances rectificative pour 2012
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 687, rapport n° 689, avis nos 690 et 691).
Nous poursuivons la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 4.
Article 4
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 776 A et à l’article 776 ter, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quinze » ;
B. – Le dernier alinéa de l’article 777 est supprimé ;
C. – L’article 779 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, le montant : « 159 325 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;
2° Le VI est abrogé ;
D. – Au deuxième alinéa de l’article 784, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « quinze » ;
E. – Le V de l’article 788 est abrogé ;
F. – Le dernier alinéa des articles 790 B, 790 D, 790 E et 790 F est supprimé ;
G. – L’article 790 G est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « quinze » ;
2° Le V est abrogé ;
H. – L’article 793 bis est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « devant notaire » sont supprimés et le mot : « six » est remplacé par le mot : « quinze ».
II. – Le III de l’article 7 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.
III. – 1. Les A, 1° du C, D, 1° du G, 2° du H du I et le II s’appliquent, selon le cas, aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter de la date de publication de la présente loi.
2. Les B, 2° du C, E, F, 2° du G et 1° du H du I s’appliquent à compter du 1er janvier 2013.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le plafond d’exonération des droits de succession va donc passer de 159 325 euros tous les dix ans à 100 000 euros tous les quinze ans, par enfant et par parent.
Une telle mesure va pénaliser les Français appartenant aux classes moyennes et dont le patrimoine est modeste, car elle ne tient notamment pas compte du renchérissement de l’immobilier.
A contrario de la gauche, nous, à droite, souhaitons permettre à une génération de tenter de vivre un peu mieux que la précédente. Avec le dispositif d’exonération actuel, les parents des classes moyennes ayant travaillé toute une vie peuvent transmettre à leurs enfants le fruit de leur travail et leur donner la possibilité de démarrer dans la vie avec un peu plus de soutien que ce qu’eux-mêmes ont connu.
Par ailleurs, je tiens à faire remarquer que l’étude d’impact sur cet article 4, comme pour nombre d’autres articles du projet de loi, est totalement défaillante dans la mesure où l’estimation de la recette attendue est surévaluée.
Les notaires vous le diront, mes chers collègues, depuis des mois, plusieurs milliers de personnes ont fait des donations, anticipant la date fatidique du 4 juillet. Non seulement il n’y aura pas le surcroît de recettes attendu, mais celles-ci vont dès à présent chuter. Monsieur le ministre, pourquoi n’a-t-il pas été tenu compte de ce phénomène dans l’étude d’impact ?
Pour toutes ces raisons, notre groupe proposera la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l’article.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le dire Marie-Hélène Des Esgaulx, cet article ramène de 159 325 euros à 100 000 euros le montant de l’abattement applicable aux donations qui s’effectuent en ligne directe.
Hier soir, nous nous sommes intéressés aux grosses fortunes, en examinant, assez tardivement, la question du retour à l’ancien barème de l’ISF. Ce matin, nous ne sommes plus du tout dans ce cas de figure puisque c’est de patrimoines moyens qu’il s’agit ici. J’en veux tout simplement pour preuve les montants concernés.
Selon les statistiques officielles de la chambre des notaires de Paris, 100 000 euros correspondent, en moyenne, à 12 mètres carrés dans la capitale, à 18 mètres carrés en Île-de-France et à 42 mètres carrés ailleurs dans notre pays. Vous le voyez, nous sommes loin des gros patrimoines dont nous parlions hier soir !
À l’avenir, cela aura une conséquence toute simple : la baisse de l’abattement, méconnaissant la réalité du marché de l’immobilier, va contribuer à alourdir la fiscalité sur les patrimoines moyens, qui se situent actuellement au-dessous du seuil de taxation ; les droits de mutation à titre gratuit devraient concerner non plus 5 % des successions, comme actuellement, mais 12 %. Ce ne sont donc pas les milliardaires qui sont visés !
Un autre point mérite d’être noté s’agissant des donations : il s’agit de la prolongation à quinze ans du délai de rappel, qui paraît excessive, d’autant que, je le rappelle, celui-ci était déjà passé de six ans à dix ans. Or il importe de favoriser la transmission intergénérationnelle des patrimoines.
À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que, selon la dernière étude de l’INSEE sur les revenus et le patrimoine des ménages, parue en juillet 2011, plus des trois quarts des ménages ayant reçu un patrimoine sont âgés de plus de cinquante ans. À l’évidence, le délai de quinze ans paraît bien excessif.
Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que la fiscalité devient confiscatoire sur les patrimoines, y compris sur les patrimoines moyens, l’abaissement à 100 000 euros de l’abattement sur les donations en ligne directe ne peut être accepté. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre cet article 4.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 104 est présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L’amendement n° 141 rectifié est présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, Dubois, J. Boyer, Marseille, Tandonnet, Capo-Canellas et Roche, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry et Détraigne, Mme Férat et les membres du groupe de l’Union Centriste et Républicaine.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 104.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les allégements de droits de mutation à titre gratuit consentis par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, permettent aux Français les plus modestes de transmettre le fruit d’une vie de travail à leurs enfants.
Par le présent amendement, nous proposons de supprimer l’article 4, qui augmente les droits applicables aux successions et réduit l’avantage fiscal sur les donations en ligne directe, sans tenir compte, notamment, du renchérissement de l’immobilier.
Une telle mesure est à l’opposé de notre attachement à la revalorisation du travail et de nature à réduire le pouvoir d’achat des classes moyennes.
M. le président. L’amendement n° 141 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 104 ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer l’article 4, qui procède à plusieurs aménagements des droits de mutation à titre gratuit. J’y suis bien entendu défavorable au nom de la commission, car une telle suppression serait contraire au principe de redressement des comptes publics dans la justice.
L’article 4 ne fait d’ailleurs que revenir sur les excès de la loi TEPA, laquelle, on le sait, n’a bénéficié qu’à une minorité de gens aisés, pour un coût budgétaire maximal. Les mesures proposées sont équilibrées et respectent le principe de justice fiscale, en faisant contribuer les plus fortunés de nos concitoyens.
J’apporterai deux précisions utiles.
D’une part, l’exonération complète au profit du conjoint survivant est maintenue, tout comme celle en faveur des personnes handicapées.
D’autre part, compte tenu du dispositif proposé, 90 % des successions resteraient exemptées de droits, contre 95 % avec la loi TEPA. À l’évidence, les 10 % restants de successions ne concernent pas les classes moyennes et correspondent, de fait, aux déciles supérieurs de patrimoine. Je rappelle, à cet égard, que le patrimoine moyen, dans notre pays, est de 220 000 euros, et le patrimoine médian, de 113 500 euros.
Avec un abattement de 100 000 euros applicable tous les quinze ans par parent et par enfant, le calcul est rapide : 10 % des familles seulement, soit une minorité extrêmement réduite, auront, en réalité à supporter des droits de succession.
À mon sens, monsieur le ministre, mes chers collègues, les choses sont claires. Il est opportun de revenir partiellement sur le dispositif en vigueur, d’autant que la loi TEPA avait multiplié par trois ledit abattement, en le portant de 50 000 à 150 000 euros. Avec un seuil ramené à 100 000 euros, comme il est proposé ici, le dispositif reste donc encore plutôt favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’est évidemment pas favorable à l’amendement n° 104, mais je voudrais profiter de cette intervention pour réfuter l’argument que développe l’opposition, argument selon lequel la mesure proposée par le Gouvernement aboutirait à taxer les classes moyennes.
Il faut tout de même nous entendre sur ce que recouvre ce vocable de « classes moyennes » et sur les Français qui sont concernés. Cela a déjà été dit, et M. le rapporteur général l’a encore évoqué à l’instant, entre 88 % et 90 % des successions seront toujours exonérées. La frange restante de 10 % à ne pas l’être ne correspond donc pas exactement à l’idée que nous nous faisons des classes moyennes.
Je veux juste porter à votre connaissance les données suivantes, fournies par l’INSEE, sur le patrimoine des Français. En France, aujourd’hui, le patrimoine médian – seuil par rapport auquel la moitié d’une population concernée se situe au-dessus, l’autre, au-dessous – d’un ouvrier qualifié s’élève à 28 800 euros, celui de l’ensemble des ménages français, à 113 500 euros. Même en prenant en compte le patrimoine moyen, l’analyse reste valable puisque celui de l’ensemble des ménages français se situe à 229 300 euros.
Avec la mesure proposée par le Gouvernement, les parents d’une famille de deux enfants pourront continuer à transmettre 400 000 euros tous les quinze ans. À l’évidence, cela ne concerne donc pas les classes moyennes, qui continueront à être exonérées des droits de succession !
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, il s’agit – et j’insiste sur ce point – d’une mesure d’équité, de justice. Le rendement de cette nouvelle contribution contribuera à améliorer les comptes publics. C’est une mesure de redressement, qui devrait à mon sens tous nous rassembler. Ne vous focaliser donc pas sur des argumentaires qui ne visent qu’à effrayer les classes moyennes alors que ces dernières ne sont, en l’occurrence, absolument pas concernées.
M. Albéric de Montgolfier. Pensez à l’équivalence en mètres carrés, monsieur le ministre !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ou alors, c’est que vous avez une conception des classes moyennes qui ne correspond pas du tout à la réalité de la vie quotidienne des Français. Les vraies classes moyennes, auxquelles appartiennent celles et ceux qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie, continueront à être exonérées des droits de succession. En tout cas, objectivement, au regard de la situation telle qu’elle est, vos arguments peinent à convaincre. Voilà pourquoi j’invite les auteurs de l’amendement à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. J’avais déposé un amendement identique à l’amendement n° 104, car nous devrons à mon avis revoir le barème des droits de succession.
Lorsque le Gouvernement nous présentera un projet de loi tendant à assurer un financement solidaire de la dépendance, il nous faudra bien trouver de nouvelles recettes. Certains seront alors tentés d’adopter un dispositif identique à celui qui est prévu pour l’aide sociale, avec une reprise sur l’actif successoral. Je n’y serai pas favorable, pour ma part, car il s’agit là, en quelque sorte, d’une double peine : Alzheimer plus reprise sur l’actif successoral !
Il serait donc préférable, selon moi, que la solidarité s’exprime par un effort sur les droits de succession. Or si vous préemptez d’ores et déjà ce potentiel de recettes, que ferez-vous lorsque viendra l’heure de financer la dépendance ?
Pour cette raison, je voterai l’amendement présenté par notre collègue Jean-Claude Gaudin.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que vous souhaitiez le rétablissement d’un certain nombre de dispositions antérieures. En effet, au travers des projets de loi qu’elle nous présente, la gauche passe pour l’instant son temps à laisser entendre que tout allait pour le mieux auparavant. Or, à l’époque qu’elle invoque, l’exonération des frais de succession était certes moindre, mais elle ne s’étendait pas sur quinze ans !
J’ai fait le calcul : ce n’est guère avant l’âge de 62 ou 63 ans, c’est-à-dire celui de la retraite, qu’un salarié peut faire une donation à ses enfants.
M. Jean-Louis Carrère. Si, on peut avant !
Mme Catherine Procaccia. Les personnes qui, comme moi, ont été salariées toute leur vie et disposent d’un patrimoine moyen ne peuvent le transmettre alors qu’elles sont encore en activité, puisqu’elles doivent encore payer leur appartement, pour l’acquisition duquel elles se sont endettées pour trente ans !
M. Alain Gournac. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. On ne parle pas des mêmes salariés !
Mme Catherine Procaccia. Ces personnes ne peuvent le faire qu’à l’âge de la retraite, vers 62 ou 63 ans. Et encore leur faut-il avoir suffisamment économisé pour faire face à une diminution de 50 % de leur revenu !
Et à supposer que l’on ait réussi à faire une donation à cet âge-là, on ne pourra transmettre à nouveau son patrimoine que quinze ans plus tard, à 77 ans, soit à un âge auquel, si l’on n’est pas encore dépendant, on vit éventuellement en maison de retraite. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
M. Philippe Dallier. Vous allez nous saper le moral ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Cette disposition pose donc un véritable problème de transmission du patrimoine à des personnes qui ont travaillé toute leur vie !
Vous avez évoqué le patrimoine moyen des Français. Ce que je sais, pour ma part, c’est que plus de 50 % des Français disposent d’un patrimoine immobilier. Et vous voulez les empêcher de le transmettre !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Ce texte aura au moins prouvé une chose : nous avons un problème de définition des classes moyennes !
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que cette mesure concernerait finalement très peu de personnes : moins de 10 % des Français.
En tant que maire d’une commune située en plein milieu de la Seine-Saint-Denis, je puis vous dire que, dans ce département, un modeste pavillon de 100 mètres carrés, avec 250 mètres carrés de terrain, vaut de 250 000 à 300 000 euros.
M. Jean-Louis Carrère. Cela baisse !
M. Philippe Dallier. Non, cela ne baisse pas, mon cher collègue ! Je vous invite à faire le tour des agences immobilières...
Le propriétaire d’un tel pavillon, situé en Seine-Saint-Denis, doit-il être considéré comme riche ?
Ce débat me paraît tout de même assez surréaliste ! On y confond, à mon avis, deux situations : celle de nos concitoyens qui ont la possibilité, car leur patrimoine le leur permet, de transmettre plusieurs fois au cours de leur vie un patrimoine d’environ 200 000 ou 250 000 euros, et celle, que vient d’évoquer Catherine Procaccia, des Français qui, disposant de ce seul patrimoine, ne peuvent le transmettre qu’une fois.
Peut-être faudrait-il opérer un distinguo ! Débattre de la période de dix ou quinze ans entre chaque donation, c’est bien sympathique, mais il s’agit surtout de faire la différence entre les Français qui ne donneront qu’une fois dans leur vie et ceux qui pourront le faire plusieurs fois.
Sortons de ce débat sur les classes moyennes, car c’est la plus mauvaise façon d’aborder le sujet qui nous occupe !
Je considère, pour ma part, que l’on ne doit pas classer parmi les 10 % de Français les plus riches ceux de nos concitoyens qui ont réussi à acquérir un logement d’une valeur de 250 000 à 300 000 euros en Île-de-France. Si je devais expliquer le contraire à mes administrés, ils me riraient au nez ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j’exprimerai le même avis que mes collègues, mais d’une autre façon.
Le seuil de 100 000 euros correspond au prix de 12 mètres carrés dans Paris intra muros, ou de 18 mètres carrés environ en Île-de-France « hors Paris », ou encore de 42 mètres carrés hors de l’Île-de-France. Ces évaluations, qui me semblent raisonnables, montrent que les catégories visées par l’article 4 sont bien les classes moyennes, celles-là mêmes qui constituent, au sein de la société, ce grand espace social sans lequel rien ne peut se faire dans notre pays !
M. Francis Delattre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On disait autrefois, à l’époque où le franc était encore en vigueur : « Pour 100 balles, t’as plus rien ! ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et sur certaines travées du RDSE.)
Ce vieux slogan, que l’on a pu lire ces derniers jours dans la presse, la majorité nous en sert une variante. L’argument invoqué, que le président de la commission des finances vient de reprendre, est le suivant : 100 000 euros, on y arrive très vite à Paris !
M. Albéric de Montgolfier. Et même hors de Paris !
Mme Catherine Procaccia. Même dans le Val de Marne !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’article 4, nous dit-on, entraînera donc la taxation de personnes qui hériteront de 10 mètres carrés dans tel ou tel quartier de Paris. Il s’agit là d’une image facile et réductrice !
J’invoquerai, pour le démontrer, deux arguments.
Tout d’abord, on hérite, le plus souvent, de ses deux parents. (Non ! sur les travées de l'UMP.)
M. Albéric de Montgolfier. Plus maintenant !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est assez rare !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, l’abattement s’applique à chaque fois. Enfin, un abattement supplémentaire de 20 % est applicable si le bien immobilier est occupé. Mes chers collègues, je vous renvoie au passage du rapport dans lequel est expliqué comment deux frères ou deux sœurs peuvent hériter d’un appartement de 400 000 euros en totale franchise de droits. Les dispositifs en vigueur le permettent ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. En combien d’années ?
Mme Catherine Procaccia. En trente ans ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’avez-vous contre les frères et sœurs ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Encore ne tient-on pas compte, dans cet exemple, des possibilités de démembrement d’un bien immobilier – elles sont bien connues des notaires et des avocats ! –, qui permettent d’aller encore plus loin pour échapper aux droits de mutation à titre gratuit.
Il faut donc le dire clairement : l’argument de l’opposition, qui ne cesse d’invoquer ce seuil de 100 000 euros, est trompeur !
M. Alain Gournac. Mais réaliste !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est votre texte !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Deuxièmement, on ne peut pas traiter du droit fiscal français en se fondant uniquement sur les prix de l’immobilier dans le VIe arrondissement ou les quartiers chics de Paris, qui sont tout de même très atypiques ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) C’est l’exemple que vous avez invoqué, mes chers collègues : 100 000 euros pour 12 mètres carrés...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour 12 mètres carrés, en moyenne, dans Paris intra muros...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans le bassin d’Arcachon, ce n’est pas mal non plus !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette argumentation suppose une appréciation totalement biaisée de la véritable valeur patrimoniale des biens immobiliers dont disposent nos concitoyens.
Comme je l’ai indiqué précédemment, en conservant ce dispositif, qui concerne seulement 10 % de nos concitoyens, nous pourrons solliciter ceux qui peuvent contribuer le plus. Ce faisant, nous suivons la logique que nous nous sommes fixée, et qui est justifiée dans ce contexte très difficile.
Ce dispositif relatif aux donations, tel qu’il reste en vigueur, est juste dans son principe. C’est la raison pour laquelle il faut rejeter cet amendement de suppression.
M. le président. J’indique d’ores et déjà que j’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 104.
La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je m’étonne que la majorité de gauche soit obligée, sur un texte aussi important, et parce qu’elle est minoritaire, de demander un scrutin public.
Une sénatrice de l’UMP. C’est bien vrai !
M. Alain Gournac. C’est incroyable !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n’y croient pas ! Ils ne sont pas du tout mobilisés !
M. Jean-Louis Carrère. C’est cela, votre explication de vote ? Vous avez une pensée profonde !
Mme Isabelle Debré. Il s’agit tout de même de l’un de vos premiers textes !
Vous me permettrez donc de m’interroger, mes chers collègues : assumez-vous véritablement les mesures que nous sommes en train de voter, comme celles qui sont relatives à la fiscalisation des heures supplémentaires ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Françoise Cartron. Nous les avons votées hier soir !
Mme Isabelle Debré. À bien y regarder, vous demandez très souvent des scrutins publics, et cela provoque déjà des réactions.
Il me semble que le Président de la République avait promis, dans sa proposition n° 34, que la fiscalisation des heures supplémentaires ne s’appliquerait pas aux petites entreprises. Vous ne l’avez pas suivi sur ce point...
M. Jean-Pierre Caffet. Quel rapport avec le scrutin public ?
Mme Isabelle Debré. Ce matin, une fois encore, vous demandez un scrutin public, s’agissant cette fois-ci de l’augmentation des droits applicables aux successions et de l’avantage fiscal applicable aux donations en ligne directe. Je vous le demande, mes chers collègues, assumez-vous véritablement vos actes ?
M. Jean-Pierre Caffet. Totalement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n’y croient pas !
Mme Isabelle Debré. Vous êtes vraiment peu nombreux, ce matin !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 123 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 165 |
Le Sénat a adopté. (Marques de vive satisfaction et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements nos 158 rectifié, 224, 225, 226, 160, 161, 176, 159 rectifié et 31 deviennent sans objet. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Philippe Dallier. Les scrutins publics, ça ne marche plus !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Merci d’avoir demandé un scrutin public !
M. Henri de Raincourt. Ça va aller plus vite !
M. le président. Pour la bonne information du Sénat, je rappelle que l'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Bertrand, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, était ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
quinze
par le mot :
dix
L'amendement n° 224, présenté par MM. Delattre et de Legge, était ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le montant :
100 000 €
par le montant :
140 000 €
L'amendement n° 225, présenté par MM. Delattre et de Legge, était ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le montant :
100 000 €
par le montant :
130 000 €
L'amendement n° 226, présenté par MM. Delattre et de Legge, était ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le montant :
100 000 €
par le montant :
120 000 €
L'amendement n° 160, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Alfonsi, Barbier, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, était ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa
L'amendement n° 161, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Alfonsi, Barbier, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, était ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa
L'amendement n° 176, présenté par MM. Savary et Beaumont, Mme Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et César, Mmes Deroche et Des Esgaulx, M. P. Dominati, Mmes Farreyrol et Lamure, MM. Legendre, Milon, de Montgolfier, del Picchia et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt et Revet et Mmes Sittler et Troendle, était ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 101 897 € » est remplacé par le montant : « 250 000 € ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Mézard, C. Bourquin, Collin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Bertrand, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, était ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
quinze
par le mot :
dix
L'amendement n° 31, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, était ainsi libellé :
I. Après l’alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
I bis. - L’article L. 181 B du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La valeur des biens ayant fait l’objet des donations antérieures dont il est tenu compte pour l’application du troisième alinéa de l’article 793 bis du code général des impôts peut, pour la seule appréciation de la limite mentionnée au deuxième alinéa du même article, être rectifiée. »
II. Alinéa 17
En conséquence, après la référence :
du I
insérer la référence :
, le I bis
Article additionnel après l’article 4