M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui sont positives, sauf la dernière. Le cognac, c’est vrai, connaît actuellement un niveau d’expéditions record. C’est une bonne chose pour la région. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord avec vous. Toutefois, cela se fait malgré les difficultés rencontrées sur le terrain par les commerçants.
Les questions que je viens de soulever sont récurrentes, mais elles sont tellement importantes pour notre viticulture. Je vous remercie donc à nouveau de votre réponse concise et de votre soutien.
avenir de l’hôpital bégin après rénovation
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1625, adressée à M. le ministre de la défense.
Mme Catherine Procaccia. En 2002, l’hôpital d’instruction des armées, ou HIA, Bégin, situé sur les communes de Saint-Mandé et de Vincennes, avait été menacé de fermeture après l’avis défavorable de la commission civile de sécurité, émis en raison de problèmes relatifs à la mise aux normes incendie et à la modernisation des services.
Depuis 2006, l’établissement a fait l’objet d’une gigantesque rénovation avec la mise en service d’un nouveau bâtiment ultramoderne de 25 000 mètres carrés, répartis sur six niveaux. Il offre désormais une nouvelle capacité d’accueil de 360 lits, dans le respect, qui plus est, des lois du Grenelle de l’environnement. Nous sommes tous très fiers de cet hôpital.
Reconnu comme l’un des pivots de l’offre de soins dans le Val-de-Marne, l’hôpital a largement prouvé son efficacité non seulement dans le cadre des missions militaires prioritaires, mais également en tant que service public de proximité. L’HIA Bégin est en effet intégré dans l’ensemble hospitalier militaire parisien et dans l’organisation régionale des soins développée par l’agence régionale de santé, ou ARS, d’Île-de-France. Il est même l’un des trois hôpitaux du Val-de-Marne agréés pour poursuivre la prise en charge chirurgicale en nuit profonde.
L’HIA, contrairement à d’autres hôpitaux militaires, a su s’intégrer dans l’offre de soins du département et a fait ses preuves en matière de recrutement de personnels de santé non militaires, ce qui est une exception.
Malgré l’importance des investissements réalisés, qui permettaient aux élus de ne plus s’interroger sur l’avenir de cet établissement, le personnel et les professionnels de santé du Val-de-Marne sont inquiets. L’hôpital serait en effet de nouveau menacé, cette fois pour des raisons budgétaires.
Monsieur le ministre délégué, les personnels de l’hôpital ainsi que les professionnels de santé du Val-de-Marne qui m’ont contactée aimeraient connaître l’avenir à moyen terme – à l’horizon de 2018 ou 2020 – de l’hôpital. Je tiens surtout à appeler votre attention sur les conséquences de l’incertitude actuelle : les professionnels de santé, civils ou militaires, envisagent déjà de quitter l’hôpital à court terme, faute d’informations précises sur leur avenir. Ces départs pourraient venir fragiliser l’offre de soins et la situation des patients, civils ou militaires, qui y sont suivis.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de la défense, actuellement en déplacement en Afghanistan.
Votre question a le mérite de replacer la problématique de l’hôpital militaire Bégin dans le cadre plus large de l’évolution du service de santé des armées. Ce service interarmées est une composante majeure du soutien opérationnel des forces armées, dont l’excellence est reconnue par tous, notamment par nos alliés. Vous l’avez rappelé, cette excellence est le fruit du professionnalisme des personnels de santé – médecins et infirmiers, pour ne citer qu’eux –, mais surtout du dévouement des femmes et des hommes qui ont choisi de servir la nation en son sein.
Le ministre de la défense a pu se rendre compte de l’excellence de ce service lors de la visite aux blessés qu’il a effectuée dès le lendemain de sa prise de fonction, ainsi que lors de ses déplacements en Afghanistan, en particulier à l’hôpital militaire de Kaia.
La politique hospitalière du service de santé des armées se situe à l’intersection de deux politiques publiques majeures, ayant chacune leurs exigences et leurs logiques propres : la politique de défense et la politique de santé publique.
Concernant la politique de défense, un grand chantier va être lancé prochainement, avec la rédaction d’un nouveau Livre blanc, dont les conclusions sont attendues pour la fin de cette année. La commission chargée de l’élaborer est d’ailleurs en train de se mettre en place. Les travaux de ce Livre blanc vont évidemment nourrir la réflexion de la politique hospitalière du service de santé des armées.
Mais cette politique devra aussi s’enrichir des débats concernant les évolutions en matière de santé publique : l’organisation de l’offre de soins par les agences régionales de santé, l’application des normes techniques sanitaires ou les modes de financement de l’hôpital public, notamment.
Ainsi, le modèle du service de santé des armées de demain, et donc son format hospitalier futur, sera le fruit d’une réflexion approfondie et sereine ayant pour objet d’assurer en tout premier lieu le soutien médical de nos forces armées, en tenant compte de l’excellence de l’ensemble de ses établissements, que j’ai eu l’occasion de rappeler.
Pour toutes ces raisons, il serait prématuré de vous donner ce matin de quelconques indications concernant l’avenir de Bégin ou d’un autre établissement du service de santé des armées, car rien n’est encore arrêté. Nous sommes totalement investis dans ce débat autour du Livre blanc, qui est en train de s’ouvrir.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Votre réponse, monsieur le ministre délégué, ne va malheureusement pas apaiser l’inquiétude des personnels de Bégin.
Vous invoquez une réflexion approfondie et sereine sur l’avenir du service de santé des armées. En attendant qu’elle porte ses fruits, sachez que les personnels civils, qui concourent à l’excellence de ce service, risquent de quitter l’hôpital. Il en va de même pour certains personnels militaires, qui ont déjà demandé leur mutation. Résultat, on va aboutir à une aberration : un hôpital, dans lequel on a investi des millions pour sa rénovation et dont le travail est reconnu par tous, va manquer de personnel !
Je tiens à vous dire que non seulement les personnels civils et militaires, mais aussi les anciens combattants tiennent à leur hôpital et ils ne comprendraient pas que de nouveaux choix soient faits, soit dit en passant au détriment du Val-de-Marne, ce qui ne serait pas la première fois en matière de santé.
J’ai évidemment contacté l’ARS. Je sais qu’elle intègre totalement l’hôpital Bégin dans son offre de soins et dans sa définition du territoire de santé.
Je vais maintenant contacter tous les élus du Val-de-Marne, quelle que soit leur tendance politique. Je puis vous assurer que nous allons tous être derrière Bégin. Les élus du Val-de-Marne savent se mobiliser ! Nous ne voulons pas laisser partir les personnels de cet hôpital. Nous ne voulons pas apprendre dans un an ou un an et demi la fermeture de cet établissement qui a connu des travaux de rénovation considérables !
Je le sais, monsieur le ministre délégué, cette question n’est pas directement de votre ressort. Reste que l’absence de réponse m’inquiète, tout comme elle inquiétera beaucoup les personnels, qui s’interrogent sur leur avenir.
6
Nomination de membres d’organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Louis Nègre pour siéger en qualité de membre titulaire et M. Michel Teston pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Conseil supérieur des transports terrestres et de l’intermodalité, créé en application du décret n° 2012-253 du 21 février 2012 ;
- MM. Rémy Pointereau et Roland Ries pour siéger en qualité de membres titulaires et MM. Louis Nègre et Jean-Jacques Filleul pour siéger en qualité de membres suppléants au sein du Haut Comité de la qualité de service dans les transports, créé en application des décrets nos 2012-211 du 14 février 2012 et 2012-216 du 15 février 2012.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011
Adoption définitive d’un projet de loi en procédure accélérée
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 (projet n° 655, rapport n° 658).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient de présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2011. Apurant les comptes d’une gestion financière conduite par la majorité présidentielle précédente, ce texte permet au gouvernement de Jean-Marc Ayrault de prendre acte de la situation financière dont il hérite.
Je tiens à m’arrêter brièvement sur quelques-uns des traits majeurs de cet instantané de nos finances, en lien avec les travaux, remarquables d’exhaustivité et d’indépendance, qu’a menés la Cour des comptes à la demande du Premier ministre. Par la suite, Benoît Hamon, qui me relaiera au cours de l’après-midi pour le débat sur l’orientation des finances publiques, reviendra sur nos priorités et sur les moyens que nous entendons mettre en œuvre pour assainir nos comptes.
Le projet de loi de règlement des comptes brosse malheureusement un tableau plutôt sombre de notre situation économique et budgétaire. J’en suis conscient, le Sénat offre un espace de discussion sur les causes et les responsabilités de cette situation : chacun peut s’emparer du débat, telle est même la définition de notre action commune.
Pour ma part, je souhaite avant tout m’en tenir aux faits, c'est-à-dire à une présentation et à une mise en perspective chronologique et géographique de nos principaux indicateurs financiers.
Le règlement des comptes est un point de départ, une base sur laquelle nous pouvons fonder notre réflexion pour proposer, dans un second temps, les inflexions budgétaires nécessaires, tout d’abord dans le cadre du projet de loi de finances rectificative – le Gouvernement reviendra prochainement, à ce titre, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs – et ensuite, à l’automne, dans celui du projet de loi de finances pour 2013.
Pour l’heure, je me contenterai de quelques constats.
Premièrement, nous héritons d’un stock de dette absolument considérable. L’an dernier, la dette publique a poursuivi sa progression, qui s’apparente à une course folle, pour s’établir à plus de 1 700 milliards d’euros, somme qui représente tout de même 86 % du PIB. Au sein de la Haute Assemblée, nul n’ignore que toutes les théories économiques s’accordent sur le diagnostic suivant : dès lors que la dette publique atteint – et nous y sommes presque ! – 90 % du PIB, la croissance est minée à la fois profondément – de l’ordre d’un point – et durablement – ce peut être pour dix ans, si l’on n’y remédie pas.
Globalement, notre dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros au cours du quinquennat précédent. On m’opposera que cette évolution résulte d’une longue dérive, de déséquilibres anciens et par définition accumulés, puisque notre dette s’élève aujourd’hui à 1 700 milliards d’euros. Peut-être ! Toutefois, pour ma part, je retiens que cela ne la rend pas plus acceptable, bien au contraire.
De fait, la dette constitue un impôt différé dans le temps, qui fait peser sur les générations futures les risques et les errances économiques des différents pouvoirs. De surcroît, elle restreint considérablement nos marges de manœuvre : 50 milliards d’euros consacrés au service de la dette, ce sont autant de capacités en moins pour financer notre modèle social, nos politiques de relance de la croissance, bref les grandes actions publiques que les Français attendent de l’État, quel que soit le gouvernement en place.
Nous avons donc la responsabilité de maîtriser la progression de l’endettement national. Lors du débat sur l’orientation des finances publiques, le Gouvernement précisera comment il compte y parvenir. Enfin, Jérôme Cahuzac et moi-même reviendrons devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour présenter le projet de loi de finances rectificative, qui constitue la première correction nécessaire. J’évoquerai ce sujet dans quelques instants.
Deuxièmement, le déficit public s’élève encore à plus de 90 milliards d’euros en 2011. Pis, sans l’action correctrice que nous entreprenons, il aurait dérivé vers des montants représentant 5 % du PIB en 2012. Ce taux n’aurait donc été porté que de 5,2 % à 5 % en un an, si une action volontaire complémentaire n’avait pas été décidée.
On pourrait mener une longue discussion – au demeurant, je ne suis pas certain qu’elle se révélerait très fructueuse – quant au jugement qu’il convient de porter sur ce bilan. Évidemment, comme le souligne la Cour des comptes, le déficit public a été réduit de 1,9 point l’an dernier. Néanmoins, la moitié de cette baisse relevait de phénomènes exceptionnels ou conjoncturels, aux effets très spécifiques, d’une ampleur inhabituelle, dont on ne peut escompter la répétition.
Je le répète, 5,2 % du PIB, cela représente une amélioration par rapport au niveau absolument exceptionnel et inacceptable de 2009, année au cours de laquelle le déficit avait atteint 7,5 % du PIB. Toutefois, ce taux reste deux fois supérieur à celui qui permettrait de stabiliser la dette, objectif que nous visons et que nous atteindrons à compter de 2014 ; nous y sommes contraints !
Certes, ce taux de 5,2 % est inférieur aux prévisions figurant dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2010. Mais, dans l’absolu, il reste très élevé. En vérité, la diminution de 1,9 point de PIB en 2011 est comparable à l’effort accompli en moyenne au sein de l’Union européenne au cours de la même période. Au demeurant, chacun en est conscient dans cet hémicycle, notre déficit reste largement supérieur à celui de notre principal concurrent et partenaire : l’Allemagne. De fait, celle-ci a su réduire son déficit public à 1 %.
Je le précise à l’intention de ceux qui s’interrogent sur notre appartenance à la zone euro ou sur l’impact de la crise au sein de l’Union européenne, nous subissons la même crise, nous utilisons la même monnaie que l’Allemagne, et notre déficit est cinq fois plus élevé que celui de cette dernière. Il y a donc matière à s’interroger sur notre performance économique.
La crise n’explique pas tout : le taux d’endettement que je viens d’évoquer résulte principalement de l’accumulation de déficits structurels élevés avant 2007, endettement que la dernière mandature a très fortement creusé, tout particulièrement en 2008 et 2009.
En d’autres termes, je souhaite dresser le constat suivant, sans la moindre intention polémique, soyez-en assurés : l’ancienne majorité a pour ainsi dire apporté sa « touche personnelle » à la dégradation de la dette française. Quelle que soit l’interprétation que l’on tire des évolutions que je viens d’évoquer, il convient de réduire le déficit à un taux soutenable, et partant bien inférieur à son niveau actuel. Chacun en conviendra au sein de la Haute Assemblée : c’est bel et bien une nécessité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Pierre Moscovici, ministre. Troisièmement, et enfin, nous héritons d’une situation plus dégradée qu’annoncé.
Au vu de la situation financière de 2011, pour être en mesure de respecter nos engagements européens à la fin de cette année, il aurait fallu procéder à des ajustements accentués au cours du premier semestre. Nous avons évoqué ce sujet devant la commission des finances du Sénat : comme l’a clairement démontré la Cour des comptes, nous devrons compter, en 2012, avec une surévaluation des recettes à hauteur de 7,1 milliards d’euros et des risques sur la dépense de l’État pour un montant de l’ordre de 2 milliards d’euros.
Sans renoncer ni à nos objectifs en matière de trajectoire budgétaire ni à notre programme réformiste, voilà l’équation complexe qu’il nous faut résoudre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, au titre duquel je reviendrai devant vous.
Corollaires de cette obligation, le sérieux de notre méthode, d’une part, la sincérité des comptes et des prévisions financières, de l’autre, constituent les deux piliers d’une démarche que je souhaite rigoureuse et cohérente. À l’avenir, nous devrons être en mesure de présenter des prévisions économiques suffisamment étayées et documentées, pour limiter des écarts souvent embarrassants et rarement justifiés. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien, c’est lassant de voir arriver, en cours d’année, des rectifications budgétaires nécessitant autant de collectifs qui s’insèrent entre le schéma initial et son exécution effective. Chacun en conviendra sans doute dans cet hémicycle : grâce à cette nouvelle méthode, les politiques publiques gagneront en lisibilité et en crédibilité.
J’achèverai ainsi cet aperçu, qui n’a pas vocation à être exhaustif, du projet de loi de règlement des comptes et du contexte financier dans lequel nous sommes placés.
Il est possible et même indispensable qu’un débat s’engage sur les responsabilités qui ont conduit à cette situation ; c’est l’essence de la démocratie. Toutefois, à mes yeux, ce débat ne doit pas occulter le véritable enjeu budgétaire, le seul qui compte aujourd’hui, en vérité, celui du rythme et des moyens permettant de restaurer, demain, nos finances publiques.
Pour ce qui concerne le rythme à adopter, le constat est clair : il doit être soutenu. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement présentera un collectif budgétaire ramenant le déficit de 5 % à 4,5 %. C’est la raison pour laquelle ce taux sera porté à 3 % du PIB en 2014. C’est la raison pour laquelle nous présenterons un projet de loi de programmation des finances publiques qui nous permettra d’atteindre l’équilibre en 2017. Nous devrons procéder à cet effort de réduction des déficits et de désendettement de manière continue, tout au long de la mandature qui est en train de s’ouvrir.
Pour ce qui concerne les moyens à mettre en œuvre, la délibération politique sera la règle. Quoi qu’il en soit, les choix de la nouvelle majorité ne seront pas ceux de l’ancienne. Oui, nous voulons redresser nos comptes publics. Nous voulons redresser notre pays. Mais nous voulons le faire dans la justice, en mettant à contribution ceux qui ont davantage de moyens que les autres et ceux qui, peut-être, ont été plus favorisés au cours des cinq années écoulées. Tel sera l’objet du débat d’orientation qui se déroulera plus tard, cette après-midi, et au cours duquel le Gouvernement détaillera la manière dont il travaillera avec les deux assemblées, notamment avec le Sénat, pour restaurer la crédibilité budgétaire du pays et mettre en œuvre une politique différente.
Faisons un peu de sémantique : ce ne sera pas une politique d’austérité, qui se résumerait à une politique de renoncement, affaissant l’État et bridant la consommation. Ce ne sera pas une politique de rigueur, au sens où s’opérerait un tournant, car toutes les mesures que nous adopterons ont été annoncées, prévues, présentées devant les Français au cours de la campagne électorale.
M. Philippe Dallier. Comme l’augmentation de la CSG !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je vous reconnais bien là, monsieur le sénateur : nous avons déjà débattu de ce sujet, et nous y reviendrons.
Ce sera une politique que je qualifie de sérieuse et de juste : de fait, c’est le sérieux de gauche que nous vous proposons de mettre en œuvre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Claude Bérit-Débat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous livrer aujourd’hui à trois exercices : le premier est formel, juridique et découle de l’application de l’article 41 de la loi organique relative aux lois de finances puisque, tant que la loi de règlement relative à l’exercice 2011 ne sera pas adoptée, le projet de loi de finances pour 2013 ne pourra pas être mis en discussion. Je vous invite donc par avance, mes chers collègues, à adopter le projet de loi qui vous est soumis, faute de quoi le Gouvernement ne pourrait pas présenter son budget, ce qui serait évidemment une catastrophe pour notre pays.
Au demeurant, le vote en faveur du texte ne vaut pas approbation de la politique budgétaire conduite en 2011. Ce sera notre deuxième exercice de ce jour : analyser la gestion de la précédente majorité. Il est important d’établir un diagnostic avant de construire une stratégie pour l’avenir.
Enfin, nous nous livrerons en soirée au troisième exercice, c’est-à-dire, à la lumière de l’exercice 2011, à l’examen des orientations budgétaires pour les années à venir.
Que dire de l’année 2011 ?
Au sein de la commission des finances, nous avons depuis longtemps le souci de resituer l’exécution du budget de l’État, sur laquelle porte le projet de loi de règlement, dans le cadre plus vaste des finances publiques dans leur ensemble.
En effet, ce qui compte à la fois du point de vue du droit communautaire et du point de vue des observateurs extérieurs, ce sont non pas les performances budgétaires du seul État mais celles de la France, collectivités territoriales et sécurité sociale comprises.
De ce point de vue, on peut tirer plusieurs enseignements de l’exécution 2011.
Le fait qui vient à l’esprit en premier est le niveau du déficit : 5,2 points de PIB alors que la prévision était de 5,7 points, la moitié de l’amélioration du solde étant due aux administrations sociales.
Cette bonne performance – saluons-la ! – s’explique en partie – pour 0,8 point de PIB – par des phénomènes exceptionnels : l’arrêt du plan de relance, les modalités de prise en compte des investissements militaires en comptabilité nationale et les moindres décaissements au titre des investissements d’avenir.
Mais je voudrais surtout relever les raisons qui ont permis la relative bonne tenue de la croissance en 2011, qui a été – rappelons-le – de 1,7 %. C’est la variation des stocks qui a permis cette croissance forte au premier trimestre. Aux trois trimestres suivants, la croissance a été quasiment nulle. Il ne faut, par conséquent, pas sous-estimer la gravité de la crise économique que nous traversons.
Pour finir avec ces remarques introductives sur le cadrage général, je voudrais exprimer un souhait, Monsieur le ministre. L’exécution du budget de l’État doit être analysée dans le cadre global de l’évolution des finances publiques. Cela implique, en même temps que nous analysons le projet de loi de règlement, de regarder comment a été exécuté le programme de stabilité. Le Gouvernement nous a transmis la semaine dernière le bilan qu’il doit réaliser chaque année. Mais ces éléments – reconnaissons-le – ne sont pas suffisants car les programmes de stabilité eux-mêmes ne sont pas assez précis puisqu’ils ne ventilent pas les objectifs de dépenses et de recettes par catégorie d’administrations publiques. Par conséquent, en exécution, il ne nous est pas possible de savoir d’où viennent les dérapages ou les bonnes surprises. Comme nous attachons beaucoup d’importance à cette question, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que la commission des finances est à votre disposition pour approfondir ce sujet et, si besoin était, pour préciser ses attentes.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un enjeu très important !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Merci, monsieur le président.
Concernant l’exécution du budget de l’État en 2011, je voudrais formuler quelques observations.
La première est que la crise et les réponses qui lui ont été apportées ont considérablement désorganisé les finances publiques et en particulier leur lisibilité. Les données doivent en permanence être retraitées pour refléter la réalité.
Ainsi, en apparence, les dépenses de l’État baissent, mais, si l’on neutralise l’effet du grand emprunt, elles augmentent.
En apparence, les recettes augmentent de 29 milliards d’euros, mais en réalité – une fois démontée la tuyauterie installée pour permettre la réforme de la taxe professionnelle – on s’aperçoit qu’elles sont stables par rapport à 2010 – à 255 milliards d’euros – et que leur progression spontanée est même en retrait de 3,3 milliards d’euros par rapport aux prévisions.
Quant au déficit, il s’établit à 90 milliards d’euros et enregistre une amélioration spectaculaire de près de 60 milliards d’euros, qui doit être ramenée à seulement 14 milliards d’euros une fois pris en compte les effets du grand emprunt, qui a creusé de 35 milliards d’euros le déficit en 2010 pour majorer d’autant ou presque les ressources de trésorerie de l’État. Si l’on y ajoute la réforme de la taxe professionnelle et la fin du plan de relance, on a l’explication complète.
Conclusion : même si 2011 a marqué les dix ans du vote de la loi organique relative aux lois de finances, il n’est pas certain que l’on ait beaucoup progressé en matière de lisibilité des comptes publics…
Ma deuxième observation porte sur l’évolution des dépenses.
Je réserverai d’ailleurs l’analyse des recettes pour mon intervention dans le débat suivant, car c’est en appréciant les recettes au niveau consolidé et pas seulement à celui de l’État que l’on se rend le mieux compte du contraste entre le discours « anti-impôt » que tenait le précédent gouvernement et l’ampleur des hausses de prélèvements obligatoires qu’il a fait voter en 2011.
Le même contraste, par symétrie, s’observe en matière de dépenses. Le gouvernement précédent ne cessait de rappeler son souhait de maîtriser, voire de réduire les dépenses de l’État. Son candidat à la présidence de la République avait même retenu, dans son programme électoral, une trajectoire de retour à l’équilibre reposant à 80 % sur les efforts en dépense.
À la lumière de l’exécution 2011, on se rend compte du décalage entre la rhétorique et la pratique.
Vous le savez, l’État s’est doté de deux normes de dépense transversales. La première vise à stabiliser en volume le montant de l’ensemble constitué des dépenses de l’État et des prélèvements sur recettes. En loi de finances pour 2011, le Gouvernement affichait l’ambition non seulement de respecter cette norme de stabilité, mais d’aller plus loin en faisant reculer les dépenses de 0,2 % en volume, en les plafonnant à 357 milliards d’euros. Ce volontarisme n’a pas complètement payé, puisque les dépenses relevant de cette norme se sont finalement élevées à 357,4 milliards d’euros.
Le dépassement aurait pu être encore plus important si l’on n’avait pas recouru à des contorsions budgétaires, comme celle qui a consisté à attribuer à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, par le biais d’un fonds de concours, 400 millions d’euros qui auraient dû relever de la norme de dépense...
La seconde norme de dépense, celle qui stabilise en valeur les dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions, est également dépassée.
Si l’on s’intéresse maintenant aux différentes missions qui composent le budget de l’État, on s’aperçoit que vingt sur trente ne respectent pas les plafonds fixés par la loi de programmation 2009-2011.
Si l’on s’intéresse, enfin, à l’évolution des dépenses en fonction de leur nature, et en particulier aux règles dont l’État s’est doté pour piloter l’évolution des dépenses de fonctionnement et d’intervention, il apparaît que l’objectif d’une réduction de leur montant n’a pas été atteint.
Prenons d’abord les dépenses de fonctionnement. Elles sont stables par rapport à 2010, à 46,2 milliards d’euros, alors que la loi de finances prévoyait qu’elles diminueraient et s’établiraient à 43,6 milliards d’euros. Elles ont donc dérapé de 2,6 milliards d’euros, constatés sur les missions « Défense », « Culture » et « Écologie ».
Il faut aussi relever, au sein des dépenses de fonctionnement, que les subventions pour charges de service public représentent désormais plus de la moitié des dépenses de fonctionnement, ce qui illustre le poids croissant des opérateurs dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Prenons maintenant les dépenses d’intervention, dont les unes – les dépenses de guichet – devaient être stabilisées tandis que les autres – les dépenses discrétionnaires – devaient être réduites.
On constate en exécution que les services comptables de l’État ne savent pas distinguer les unes des autres. Je me permets de le relever car je sais que le nouveau gouvernement souhaite conserver cette distinction pour l’avenir. Saura-t-on faire en 2012 ce qui n’était pas possible en 2011 ? On peut, monsieur le ministre, le souhaiter.
Du point de vue de la maîtrise des dépenses, les chiffres étaient plus encourageants puisque l’on constate une diminution de plus de 14 %. Mais cette fois encore, après correction, on s’aperçoit que la baisse résulte exclusivement des phénomènes comptables et des effets des investissements d’avenir et du plan de relance.
Cela étant, il est un poste de dépenses plus dynamique que les dépenses d’intervention, je veux parler de la charge de la dette, dont le montant a augmenté en 2011 de 14,3 % et, avec 46,3 milliards d’euros, a dépassé celui des dépenses d’intervention, et ce alors même que les taux sont restés très bas. Il s’agit d’une matière hautement inflammable, qui explique pourquoi il est vital que la crise de la zone euro ne s’étende jamais à la France.
J’en viens maintenant aux dépenses de personnel.
En 2011, les effectifs ont été réduits de 31 278 équivalents temps plein travaillés. De 2003 à 2012, plus de 183 000 emplois de fonctionnaires auront été détruits au total.