M. Gérard Longuet. Non « diminués » !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En 2011, le taux de non-remplacement des départs en retraite s’est établi à 49,8 % – ce qui est conforme à l’objectif annoncé –, le record étant atteint par le ministère de la défense avec 83 % de départs non remplacés.
Malgré ces suppressions, il faut être conscient que les dépenses de personnel ont continué d’augmenter. Elles se sont élevées à 117,7 milliards d’euros, en hausse de 1,7 % par rapport à 2010 à périmètre constant.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, la fonction publique n’a pas été maltraitée !
M. Gérard Longuet. C’est gentil de le rappeler !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais ce qu’il faut retenir, encore une fois, c’est l’incapacité du gouvernement précédent à tenir ses objectifs,…
M. Gérard Longuet. C’était notre volonté : moins de fonctionnaires, mieux payés !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … puisque les dépenses constatées en exécution sont supérieures de 600 millions d’euros au montant inscrit en loi de finances initiale. Ce constat n’étonnera pas les rapporteurs spéciaux de la mission « Défense », qui savaient d’avance que les dépenses de personnel avaient été sous-évaluées de 341 millions d’euros.
Au sein des dépenses de personnel, i1 faut souligner que les dépenses de pensions sont toujours dynamiques, avec une augmentation de 4,7 %.
Il est un sujet auquel on aurait voulu s’intéresser mais pour lequel les données ne seront pas disponibles, nous dit-on, avant le projet de loi de finances pour 2013 : il s’agit des dépenses fiscales, un sujet qui nous est cher, monsieur le président.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait, il le reste !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je serais curieux de comprendre pourquoi il n’est pas possible de connaître au mois de juillet, au moins, le coût qu’ont représenté, l’année précédente, les niches fiscales les plus coûteuses.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On verra pour l’année prochaine…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour préparer le projet de loi de finances pour 2013, il n’aurait pas été inutile non plus de dresser un bilan du dispositif de « rabot » qui figurait dans la loi de finances pour 2011. Espérons que nous pourrons en savoir plus bientôt !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était un bon instrument !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens à ma troisième série de remarques : le résultat de toutes ces évolutions, c’est une dette de l’État dont le montant s’accroît de 84 milliards d’euros en 2011, pour s’établir à 1 313 milliards d’euros, tandis que la dette globale des administrations publiques s’élève à 1 717 milliards d’euros. En 2002, le montant de la dette de l’État était près de deux fois inférieur puisqu’il s’établissait à 746 milliards d’euros. C’est dire le chemin malheureusement parcouru depuis cette année 2002 et c’est dire les efforts qui nous attendent pour l’avenir.
En quatrième et dernière remarque, je voudrais évoquer le bilan et le hors bilan de l’État, en me limitant à deux aspects.
D’abord, la France vient d’être lourdement condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’un contentieux relatif à la fiscalité des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, les OPCVM, non résidents. La commission des finances a étudié cette question de près. La Cour des comptes nous apprend que le risque avait été provisionné, à hauteur de 3,3 milliards d’euros.
Cela montre que les services de la direction générale des finances publiques font bien leur travail. Pour 2011, le document annexé au projet de loi de règlement retrace 10 milliards d’euros de provisions pour litiges.
Je comprends, monsieur le ministre, que, s’agissant d’affaires en cours, le compte général de l’État ne détaille pas les contentieux qui donnent lieu à provisions. Il n’en reste pas moins qu’il nous faut travailler ensemble pour que les parlementaires soient mieux sensibilisés à ces risques.
Enfin, je veux revenir sur un sujet qui nous avait préoccupés l’année dernière : l’absence de recensement des garanties accordées par l’État, qu’il s’agisse des montants en cause ou des risques associés. Le ministre du budget François Baroin nous avait assuré en commission que la situation allait s’améliorer. Le secrétaire d’État Pierre Lellouche nous l’avait confirmé en séance. Or, cette année, la Cour des comptes s’alarme à son tour dans son rapport.
Nous reprendrons ce débat lors de la discussion des articles. En effet, pour marquer le coup, la commission a adopté, sur ce point, un amendement qui a vocation à nous permettre d’engager un débat approfondi sur ce sujet, dont l’importance est croissante.
Il faut se souvenir que nous avons adopté, en 2011, quatre lois de finances rectificatives. Les deux premières, celle de juillet et celle de septembre, comportaient des dispositions importantes en matière de garanties accordées par la France au Fonds européen de stabilité financière, tandis que la troisième, celle d’octobre, accordait la garantie de l’État aux émissions du groupe Dexia.
En 2011, la solidarité européenne majore de 0,7 point de PIB la dette publique, notamment par le jeu des dettes garanties. En 2012, ce sera 2,4 points de PIB, et près de 3 points en 2013.
Nous sommes donc dans une zone où le hors bilan et le budget se rejoignent, et il nous serait précieux d’y voir plus clair.
Pour conclure, monsieur le président, je confirme que la commission des finances invite le Sénat à adopter le projet de loi de règlement et le compte de gestion pour l’année 2011, mais que, dans sa majorité, elle appelle le Gouvernement à conduire une politique budgétaire différente de celle dont je viens de rappeler les grandes lignes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà eu le privilège de voir passer un certain nombre de lois de règlement. Mais celle-ci est originale car, au cours de l’examen du projet de loi en commission des finances, le 11 juillet dernier, pas moins de dix-neuf commissaires se sont exprimés, ce qui montre que les temps ont changé et que l’on s’intéresse de façon beaucoup plus approfondie qu’avant à la réalité de nos finances publiques. Cela montre aussi qu’une première loi de règlement dans une nouvelle législature est une base importante pour étayer nos raisonnements et construire les débats à venir.
Au cours de cet examen par la commission des finances, nous avons pu, dans toute la mesure du possible, nous livrer à des constats techniques. Nous ne sommes pas encore dans le domaine des choix à opérer, que nous aborderons dans le courant de l’après-midi, ou ce soir, à l’occasion du débat sur les orientations des finances publiques.
M. le rapporteur général, dont je salue ici la première intervention en séance publique dans le cadre de ses nouvelles fonctions, s’est livré, dans l’ensemble, à des analyses honnêtes. Et, s’il n’avait pas prononcé la toute dernière phrase de son intervention, je l’aurais applaudi bien volontiers ! (Sourires.)
M. Francis Delattre. Comme quoi, il faut se méfier ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. In cauda venenum !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais toutefois vous inviter à réfléchir sur deux points principaux, mes chers collègues.
Tout d’abord, le bilan de la gestion 2011 apparaît incontestablement positif.
Pour justifier ce jugement, je ne peux que me référer aux propos qu’a tenus l’excellent Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lorsqu’il est venu nous présenter, le 30 mai dernier, son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire de l’État et l’acte de certification des comptes 2011.
Il constatait, premièrement, que, si « l’amélioration du solde budgétaire est réelle et incontestable, le niveau du déficit demeure cependant très élevé ».
Il déclarait aussi : « La trajectoire de réduction du déficit a été respectée, mais ce résultat repose sur des bases fragiles car l’effort a porté avant tout sur les recettes, alors que les grandes masses de dépenses de l’État ont été stabilisées en 2011, ce qui n’en constitue pas moins un effort notable. »
Dans le langage tout de réserve des magistrats de la Cour des comptes, ces mots équivalent, me semble-t-il, à un véritable compliment, presque à une marque d’enthousiasme !
M. Gérard Longuet. Un satisfecit !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. M. le rapporteur général – c’est de bonne guerre – met en avant le caractère particulier de l’amélioration du solde budgétaire de 2011, dû il est vrai pour une large part à la fin du train de dépenses exceptionnelles engendrées, en 2009-2010, par le plan de relance, les investissements d’avenir et le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle. L’amélioration structurelle du solde de l’État ne serait ainsi que de 14 milliards d’euros, et non de 58 milliards. Dont acte. Toutefois, compte tenu du passé, des habitudes et des performances de toutes les gestions antérieures, l’effort est loin d’être négligeable.
Surtout, il me semble que l’on doit insister sur la volonté du précédent gouvernement de tenir coûte que coûte son objectif de redressement des finances publiques, y compris, mes chers collègues, en année électorale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Cela, le Premier président Migaud ne l’a pas dit, mais avouez, mes chers collègues, qu’il est certainement plus facile d’être rigoureux en début de mandat que de le demeurer jusqu’à la fin de son mandat, au moment où il faut se représenter devant les électrices et les électeurs.
M. Roland Courteau. C’est vous qui le dites !
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous parlez en connaissance de cause ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne pouvez nier l’évidence, mes chers collègues !
D’une part, la loi de programmation des finances publiques de décembre 2010 a été scrupuleusement respectée pour l’élaboration du budget voté en loi de finances initiale pour 2011.
D’autre part, et dans un contexte de détérioration de la conjoncture économique que nous connaissons tous, les lois de finances rectificatives ont eu pour objectif de préserver la prévision de déficit fixée à l’origine et de diffuser le message selon lequel la France tient ses engagements de retour à l’équilibre, en restant sur le sentier de la convergence.
C’est pourquoi il nous a fallu adopter, l’an dernier, les lois de finances rectificatives qui ont concrétisé les plans Fillon I et Fillon II de l’été et de l’automne 2011. Ces mesures continuent de produire leurs effets cette année et continueront à en produire les années suivantes.
C’est bien au prix de ces ajustements, pour une part douloureux, que le solde a été tenu, et même amélioré fin 2011. Car le résultat est là, et M. le rapporteur général l’a reconnu : l’exécution 2011 est meilleure que prévu, avec un déficit des administrations publiques de 5,2 % du PIB, au lieu de 5,7 %, ce qui est évidemment de nature à faciliter les étapes suivantes, en particulier celle qui consiste à atteindre le seuil de 4,5 % au 31 décembre 2012, et qui relève désormais de votre responsabilité, monsieur le ministre.
Ainsi, mes chers collègues, sans forcer les choses, je puis dire, me semble-t-il, que le précédent gouvernement a fait preuve d’honnêteté et de courage. Il a donné des assises fortes à la crédibilité de notre pays sur la scène européenne et internationale.
Venons-en, en quelques mots, au débat sur les efforts respectifs en matière de recettes et de dépenses. Votre nouvelle majorité fait observer que nous aurions obtenu ce résultat au prix de recettes plus dynamiques que prévu, alors que notre action sur les dépenses serait restée plus faible, en contradiction avec notre propre discours.
Cette appréciation me semble biaisée.
En effet, du côté des recettes, n’oublions pas que leur niveau est resté, en 2011, inférieur de 12 milliards, en euros courants, à celui atteint avant la crise de 2007. Certes, nous avons dû prendre des mesures pour préserver le rendement des prélèvements obligatoires, mais ces derniers sont encore bien loin de leur niveau d’avant-crise.
Pour ce qui est des dépenses, je citerai de nouveau Didier Migaud. Ce dernier juge en effet que la progression des dépenses du budget général a été spectaculairement ralentie, puisque, à périmètre constant, c’est-à-dire hors plan de relance et investissements d’avenir en 2010, elles sont pratiquement restées stables.
Il estime aussi, en second lieu, que la mise en œuvre des deux normes de dépenses « zéro volume » et « zéro valeur », ainsi que leur respect global, ont joué un rôle majeur dans la maîtrise de la dépense publique.
Il ajoute enfin qu’un tel ralentissement des dépenses dans leur ensemble, dont certaines composantes sont encore très dynamiques, comme la charge de la dette – elle a augmenté de 5,2 milliards d’euros par rapport à 2010 – « constitue un résultat méritoire et qui n’a guère de précédent ».
Dans la phraséologie normée de notre excellente Cour des comptes, il s’agit d’un véritable accès d’enthousiasme, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Il faudrait donc être quelque peu de mauvaise foi pour refuser de saluer la performance !
M. Gérard Longuet. Et même beaucoup !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour autant, on ne peut qu’approuver la Cour lorsqu’elle souligne que l’objectif d’une consolidation budgétaire durable exige que la maîtrise des dépenses publiques soit encore plus résolue sur les champs désignés comme prioritaires par la loi de programmation des finances publiques.
À cet égard, vous vous en souvenez sans doute, monsieur le rapporteur général, la commission a été particulièrement attentive à l’un des graphiques que vous avez projeté sur la gestion de la masse salariale de l’État. Ce tableau révèle que, en dépit de la règle de compensation d’un seul poste sur deux départs à la retraite, la masse salariale de la fonction publique continue de progresser, même si le rythme s’est fortement ralenti.
M. Gérard Longuet. GVT et mesures catégorielles !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est permis d’en déduire que le précédent gouvernement a été beaucoup moins sévère qu’on ne l’a dit et que vous ne le disiez vous-même. Il a fait la part des choses et traité correctement les agents de la fonction publique.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ceux qui restaient !
M. Gérard Longuet. C’était notre objectif : moins de fonctionnaires, mais mieux payés !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous verrons bien si, demain et après-demain, il en va de même compte tenu de la stabilité des effectifs que vous envisagez et par conséquent de la nécessité arithmétique dans laquelle se trouveront tous les ministères autres que ceux qui gèrent la sécurité, la justice et l’éducation de devoir neutraliser, non pas un départ à la retraite sur deux, mais deux sur trois ! Et notre collègue Gérard Longuet est là pour en attester, le ministère de la défense…
M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’y est plus !
M. Gérard Longuet. … n’échappera pas à cette règle d’airain malgré tout ce qui a déjà été fait.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, permettez-moi de formuler une dernière remarque, en complément de celle du rapporteur général.
Il faut réhabiliter et mettre en valeur le bilan des investissements d’avenir.
Dans votre rapport d’information préparatoire au débat d’orientation des finances publiques pour 2013, vous avez écrit, si je ne m’abuse, cher rapporteur général, que l’ancienne majorité « a ignoré la nécessité de soutenir la croissance ». Cette remarque est paradoxale, pour ne pas dire davantage, car vous reconnaissez, dans le même temps, que les dépenses de 2010 ont été gonflées par le plan de relance et, surtout, par les investissements d’avenir.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ils n’avancent pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En outre, cette remarque est excessive. La précédente majorité a soutenu la croissance, à telle enseigne que la France est, avec la Slovaquie, le seul État, dans la zone euro, qui n’ait connu, en 2011, aucun trimestre de récession. C’est une réalité statistique incontestable.
L’année 2011 a été la véritable année du démarrage des investissements d’avenir. Les deux tiers de l’enveloppe de 35 milliards d’euros ont été engagés, soit 23,6 milliards d’euros. Cette situation s’explique par l’achèvement progressif des procédures, nécessairement longues, mais comportant de nombreuses garanties, d’appels à projets.
Les domaines de priorité les plus avancés sont les filières industrielles et les PME, la recherche et l’enseignement supérieur.
En outre, les cofinancements contractualisés atteignent 13,4 milliards d’euros.
Vous le savez, mes chers collègues, la commission des finances a prêté une grande attention aux conditions du déploiement des emprunts contractés pour financer les investissements d’avenir. À ce titre, elle reçoit dès demain le nouveau commissaire général à l’investissement, Louis Gallois.
Je relève d’ailleurs, avec satisfaction, que le Premier ministre a déclaré vouloir s’appuyer sur le Commissariat général à l’investissement…
M. Gérard Longuet. Il a raison !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que le nouveau Gouvernement, dans son rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques, affirme souhaiter « refonder la procédure de décision en matière d’investissement de l’État et des établissements publics et soumettre désormais les projets d’importance à une évaluation socio-économique préalable très poussée et menée de manière indépendante, sous la direction du commissariat général à l’investissement ».
Permettez-moi de me réjouir que le nouveau Gouvernement mette ses pas dans ceux du précédent, qui a créé l’instance susnommée, ainsi que les procédures d’appels à projets, qui a mis en compétition l’appareil de recherche et de technologie, et ce en vue d’accroître le taux de croissance potentielle de notre pays, lequel en a bien besoin. Hommage est ainsi rendu à une procédure qui fera, je l’espère, ses preuves.
En conclusion, je voterai naturellement ce projet de loi de règlement des comptes, qui traduit la réalité d’une gestion que je me suis efforcé de qualifier de manière tout à fait positive. Je le répète, il s’agit d’une base à partir de laquelle nous observerons sans doute, dans le futur, des écarts, mais qui, au moins, nous permettra de construire, dans les semaines et les mois à venir, notre débat démocratique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement des comptes intervient à un moment tout à fait particulier du calendrier politique : c’est un nouveau Gouvernement, soutenu par une nouvelle majorité, qui doit présenter les résultats de gestion de ses prédécesseurs.
On a vu le trouble que cela a jeté en commission des finances puisque, à ma grande surprise, il en est résulté un vote favorable des sénateurs socialistes et une abstention de nombreux membres du groupe UMP. C’est le monde à l’envers!
Permettez-moi de revenir sur les comptes de l’année 2011, avant de formuler quelques observations sur la certification par la Cour des comptes. Enfin, j’aimerais que vous nous précisiez, monsieur le ministre, la voie que vous comptez suivre pour redresser les comptes dans la justice, un objectif que nous partageons bien sûr tous !
Lorsque j’ai pris connaissance des résultats de gestion de l’année 2011 qui nous ont été présentés, ma première réflexion a été de me dire, de façon un peu triviale : « C’est mieux que si c’était pire ! »
D’un côté, il y a ceux qui se réjouissent d’un déficit inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale, soit 5,2 % du PIB. C’est un signal plutôt positif envoyé à nos créanciers.
De l’autre, il y a ceux qui déplorent la situation actuelle et accusent le passé, mais sans montrer le chemin du redressement.
Mes chers collègues, essayons d’y voir un peu plus clair.
Le taux de couverture de la dépense publique par nos recettes est négatif, à hauteur de 28,2 %. Cela signifie tout bonnement que la puissance publique, en général, vit à crédit pendant 3,4 mois de l’année, c'est-à-dire du 20 septembre au 31 décembre. Imaginez un salarié, un ouvrier, un employé ou un cadre qui ne percevrait aucune rémunération durant les trois derniers mois de l’année ! Il ne tiendrait évidemment pas longtemps…
Certes, les objectifs de réduction du déficit ont été meilleurs que ce qui a été annoncé, et c’est bien la première fois depuis 2008 ! Y ont contribué la disparition des dépenses exceptionnelles qui avaient creusé le déficit en 2010 et les recettes d’impôts sur le revenu et sur les sociétés qui ne progresseront peut-être pas tous les ans dans les mêmes proportions : elles ont augmenté respectivement de 5,6 % et de 18 %. Même si de véritables efforts ont été consentis en 2011 pour maîtriser les dépenses et réduire le déficit, il est encore beaucoup trop tôt pour parler d’une amélioration structurelle de notre situation financière.
À ce propos, je voudrais insister sur les frais de personnel de l’État, la prévision de croissance et, bien sûr, l’endettement.
Le précédent gouvernement avait établi un principe de gestion clair : la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C’était l’un des piliers de feu la RGPP, la révision générale des politiques publiques.
Certes, on peut discuter du bilan de cette politique, mais elle avait au moins le mérite d’exister, et je pense, pour ma part, qu’elle allait dans le bon sens. Pourtant, et sans doute à cause de la trop grande générosité du précédent gouvernement dans la redistribution du surplus économisé, ce principe n’a pas permis de réduire les dépenses de personnel, y compris en 2011 : malgré la suppression de 30 000 postes environ, la masse salariale a encore augmenté.
La Cour des comptes n’avait pas manqué de rappeler dans un rapport de décembre 2009 que le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’avait pas entraîné les économies escomptées et qu’il ne serait plus opérationnel après 2016 du fait de l’évolution démographique de la fonction publique.
Aujourd’hui, je suis inquiet d’entendre que le Gouvernement actuel abandonne ce principe et qu’il veuille vouloir stabiliser les effectifs et maintenir le pouvoir d’achat.
Avec ces annonces, il est clair que les dépenses de personnel, notamment avec le fameux GVT, le glissement vieillesse technicité, augmenteront bien plus vite que la croissance et continueront d’alimenter le déficit.
Concernant la croissance, nos prévisions sont presque toujours trop optimistes. Je rappellerai que nous avions prévu en 2011 une croissance de 2 %, qui s’est établie à 1,7 % et, en 2012, une croissance de 1,75 %, qui n’a été que de 0,3 %.
En matière de budget, l’optimisme est à proscrire et la prudence doit prévaloir.
Il nous faut remettre à plat la construction de notre hypothèse de croissance initiale de manière à éviter les corrections à outrance de la prévision. Vous en conviendrez, mes chers collègues, mieux vaut une cagnotte qu’un déficit trop élevé. Aussi, je renouvelle ici ma proposition d’établir la prévision de croissance sur le consensus des économistes, avec moins 0,5 point de PIB, à l’instar de ce qui se fait au Danemark.
Après la nécessaire réduction des dépenses de personnel et l’adoption d’une ligne claire sur les prévisions de croissance, il convient d’adopter un troisième principe : réhabiliter la rigueur !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Il n’y a rien de honteux ou de scandaleux à gérer rigoureusement ses comptes, et le mot « rigueur » n’est pas à mettre sur la liste noire du vocabulaire politique. D’ailleurs, Mme Lebranchu a eu raison de le prononcer.
M. Gérard Le Cam. Faisons donc comme en Grèce !
M. Vincent Delahaye. Nous pourrions ainsi établir une norme ambitieuse de réduction du déficit : pour chaque euro prélevé en plus, un euro de dépense en moins.
La dette publique est un autre souci majeur de nos finances publiques. Elle représente 86 % du PIB, soit l’équivalent de plus de sept années de recettes fiscales à périmètre constant. En dépit de la meilleure tenue, très modeste, de notre déficit public, cette dette a continué de croître de près de 6 % en 2011. Nous ne sommes plus qu’à quatre points du seuil d’alerte, soit 90 % du PIB. Or de nombreux économistes, notamment MM. Reinhart et Rogoff, ont indiqué dans un article publié en 2009 qu’une dette supérieure à 90 % du PIB nuirait radicalement à la croissance économique. Le service de notre dette deviendrait alors vraiment trop lourd et évincerait le financement de nos politiques publiques au profit du seul coût de refinancement de notre dette.
En clair, l’impôt finirait par se confondre avec la seule rémunération de nos investisseurs et prêteurs. Dès aujourd’hui, plus de 90 % des recettes fiscales de l’impôt sur le revenu sont littéralement avalées par le paiement du service de la dette.
Cette situation est bien sûr inacceptable. Nous en avons tous conscience, nous devons refuser de laisser une montagne de dettes à nos enfants et petits-enfants. Moralement, c’est impossible à tenir. Que penseront les nouvelles générations, sachant que nous aurons vécu à crédit, au-dessus de nos moyens, en leur laissant en héritage le soin de rembourser nos dettes ?
Face au drame national de la dette publique, il est plus que temps de réagir vivement.
M. Gérard Le Cam. C’est Sarkozy qui l’a augmentée !
M. Vincent Delahaye. M. Arthuis a eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, il n’y a plus de souveraineté possible dans une telle situation financière.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Vincent Delahaye. Or n’est pas si loin le jour où la France se retrouvera contrainte de demander l’assistance de l’Europe au travers du Fonds européen de stabilité financière et bientôt du mécanisme européen de stabilité, le MES. Ce jour-là, ce ne sera plus devant nous, mes chers collègues, que le Gouvernement devra rendre des comptes, mais devant les fonctionnaires de la Commission européenne, de la Banque centrale et du FMI. J’en suis convaincu, aucun de nous, sur quelque travée que nous siégions, de gauche comme de droite, n’a envie de vivre de pareils moments, qui seraient forcément extrêmement douloureux.
L’enchaînement très négatif que nous observons depuis trente ans et qui apparaît très clairement dans ce projet de loi de règlement, avec l’augmentation des dépenses publiques et des déficits, l’explosion de la dette et la croissance permanente des prélèvements obligatoires, doit absolument être stoppé. Ce n’est pas la Cour des comptes qui dira le contraire : elle l’a suffisamment affirmé dans son dernier audit des comptes publics et elle nous offre un outil intéressant, mais encore perfectible : la certification des comptes.
La France est l’un des seuls pays au monde à faire certifier ses comptes par une juridiction indépendante, ce dont on doit se féliciter, même si le chemin n’a été parcouru qu’à moitié.
Depuis la première certification en 2006, belle initiative à saluer – rendons à César ce qui est à César ! –, le nombre de réserves substantielles émises par la Cour a presque diminué de moitié. Cela signifie que des efforts ont été réalisés. Félicitons-nous-en !
Toutefois, il semble, cette année, que les engagements de l’État plafonnent. Le nombre de réserves n’a pas diminué et, surtout, le montant du risque lié à ces réserves est très significatif par rapport au total du budget de l’État. Cela est dû aux incertitudes pesant sur les actifs et les passifs de l’État, qui posent des questions quant à la fiabilité des comptes qui nous sont présentés. Des réserves formulées voilà six ans n’ont toujours pas trouvé réponse ! Je pense notamment aux actifs et passifs du ministère de la défense. Dans le secteur marchand, il serait inimaginable de certifier les comptes d’une entreprise avec autant de réserves sur l’exhaustivité et la sincérité de ceux-ci.
Aussi, je m’interroge sur la méthode employée par la Cour des comptes. Avec autant de réserves substantielles, pourquoi la Cour n’en viendrait-elle pas, un jour, à refuser de certifier nos comptes ?
Ce risque existe, et ce serait alors un signal cataclysmique envoyé à nos partenaires européens comme à nos investisseurs.
Cette séance publique doit donc être l’occasion pour le Gouvernement de réaffirmer sa volonté de poursuivre les efforts en vue de lever progressivement toutes les réserves, de suivre les recommandations de bon sens de la Cour émises en matière de gestion et d’afficher, enfin, quelques principes de saine gestion financière. Or, sur ce point, il y a beaucoup de choses à dire.
Le précédent gouvernement avait au moins quelques principes de gestion, clairement énoncés et totalement revendiqués. Aujourd’hui, j’ai beau chercher, je ne vois pas ceux du nouveau Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En la matière, comme sur d’autres sujets, j’ai l’impression qu’on navigue à vue. (Protestations sur les mêmes travées.) C’est visiblement une pratique appréciée de notre nouveau président de la République...