Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Maurice Antiste. C’est pourquoi je soutiendrai et voterai ce projet de loi issu des travaux de la commission créant deux infractions distinctes : le harcèlement par répétition et le harcèlement par chantage sexuel, sanctionné d’une peine plus sévère.
Ce texte, que nous allons sans plus tarder enrichir de quelques amendements, a le mérite d’être juste et efficace pour les dizaines de milliers de personnes qui sont chaque année touchées par les violences sexistes. Il sera inattaquable sur le plan juridique.
Je tiens donc à saluer le travail du Gouvernement, qui, dès le lendemain de sa nomination, s’est attelé à la rédaction d’un projet de loi après avoir engagé plusieurs entretiens et consultations avec les associations de défense du droit des femmes et les professionnels de la justice. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les sénateurs qui ont pris part à ce débat de très haute tenue, et relevé une convergence de vues sur le texte issu des travaux de la commission des lois. Je voudrais maintenant répondre à chacun.
Voilà quelques semaines que nous travaillons ensemble et je tiens à vous remercier de la qualité de votre réflexion. Le Gouvernement, qui a dû œuvrer dans l’urgence, à peine nommé, a fait son miel de vos contributions.
Je voudrais saluer, en particulier, la grande valeur du travail accompli par la présidente de la Délégation aux droits des femmes et par les rapporteurs, avec qui nos échanges ont d’emblée été tout à fait fructueux.
Je rends également hommage à l’implication personnelle de M. le président de la commission des lois, qui a su apporter une touche toute particulière à la préparation de ce débat.
Nous sommes à l’évidence tous animés par la volonté de produire une bonne et belle loi, qui certes ne compensera pas les souffrances psychologiques et les préjudices financiers subis par les victimes en raison du vide juridique brutalement survenu, mais qui représentera une œuvre législative utile pour l’avenir.
Mme Jouanno a regretté que le Gouvernement ait présenté un projet de loi. Sur ce point, des éléments de réponse ont déjà été apportés, notamment par M. Kaltenbach. Le dépôt de ce texte est la preuve de l’engagement du Gouvernement sur ce sujet et de sa mobilisation pour assurer le « service après-vote », au travers notamment de la rédaction de la circulaire d’application de la loi et de l’appréciation de la mise en œuvre de celle-ci.
Dans le même esprit, j’ai demandé par circulaire aux parquets de me faire remonter les réquisitions et les décisions. À ce propos, je souligne, pour répondre à une observation qui m’a été faite, qu’il s’agit d’éléments techniques et juridiques, et non pas personnels. Je suis en mesure de vous dire que, sur 130 procédures, 50 ont fait l’objet d’une requalification, soit environ 40 % du total.
M. Alain Gournac. C’est bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les parquets ont fait du mieux possible en la matière. Évidemment, la situation est frustrante pour les personnes dont les plaintes n’ont pas été requalifiées, mais l’action publique n’est donc pas éteinte dans tous les cas.
M. Pillet a estimé que prévoir des sanctions moins lourdes que pour les atteintes aux biens risquait de porter atteinte à la dignité des victimes. S’il y a un problème de cohérence dans notre code pénal, monsieur le sénateur, c’est parce que, ces dernières années, l’adoption d’une profusion de lois souvent circonstancielles a abouti à pénaliser plus fortement les atteintes aux biens. Ce fut le cas, en particulier, en mars 2011, avec l’inscription, à l’article 311-5 du code pénal, d’une peine de sept ans d’emprisonnement pour sanctionner des vols commis dans des locaux contenant des fonds.
Par ailleurs, depuis juillet 2008, l’article 311-4-2 du code pénal dispose que le vol est puni de sept ans d’emprisonnement, au lieu de trois ans auparavant, lorsqu’il porte sur un objet classé.
Vous posez un vrai problème, celui de la cohérence des quanta de peines applicables aux délits ou aux crimes prévus par le code pénal, et, plus généralement, de l’échelle des valeurs dans la société. N’est-il pas plus grave de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes que de s’en prendre aux biens ? Un grand désordre règne aujourd’hui dans le code pénal en matière d’échelle des peines. Nous avons paré au plus pressé en veillant à la cohérence des peines encourues pour les infractions à caractère sexuel.
Il est exact, monsieur Anziani, que des viols ou des agressions sexuelles ont pu être requalifiés en harcèlement sexuel, et que le fait d’élargir le champ de cette dernière incrimination fait ressurgir la crainte de telles requalifications.
Je vous ferai une première réponse de principe : il convient de faire confiance aux magistrats, qui apprécieront les situations. Cela étant, il est vrai que l’on correctionnalise certaines affaires, en raison de la longueur des délais de traitement.
M. Jean-Jacques Hyest. En matière de viols, par exemple…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est tout à fait exact !
Nous devons donc faire un travail de fond, afin que les juridictions puissent fonctionner dans des conditions normales et n’en soient pas réduites à des pis-aller, car transformer des crimes en délits revient à atténuer la gravité des faits commis. Dans ce domaine, il nous faut agir très rapidement.
Il appartient certes aux magistrats d’apprécier les situations, mais, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, la circulaire générale d’application de la loi indiquera très précisément que l’élargissement du champ de l’incrimination de harcèlement sexuel ne saurait conduire à une atténuation et à une requalification des agressions sexuelles et des viols.
En ce qui concerne le cas des mineurs de 15 à 18 ans, dans l’hypothèse où l’amendement qui sera examiné tout à l’heure ne serait pas adopté, la circulaire pourra également inciter à ce que l’abus d’autorité soit volontiers retenu comme caractère aggravant dans les réquisitions. Cela étant, je ne veux pas préjuger du vote du Sénat !
J’ai relancé, voilà une dizaine de jours, le numéro d’urgence « 08victimes », qui avait été quelque peu délaissé ces derniers temps. Or ce numéro d’urgence, lorsqu’il est bien géré, rend un service de qualité pour les victimes de harcèlement sexuel. Il convient simplement d’assurer la pérennisation de son financement.
Pour l’essentiel, les autres points qui ont été abordés sont liés aux articles et aux amendements ; je répondrai donc plus précisément lors de l’examen de ces derniers.
Je tiens à vous remercier encore une fois très chaleureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de votre travail. En cette circonstance, j’éprouve très fortement et profondément le sentiment que nous faisons œuvre utile, grâce à votre action déterminée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai brève car, à l’instar de Mme la garde des sceaux, je répondrai lors de la discussion des articles sur les points qui font l’objet d’amendements.
Je tiens à saluer la qualité de ce débat et à remercier l’ensemble des intervenants de leur engagement unanime pour améliorer ce texte.
Je remercie en particulier Mme Gonthier-Maurin d’avoir rappelé un certain nombre d’éléments essentiels. La création d’un observatoire des violences faites aux femmes nous semble, à nous aussi, importante.
Mme Gonthier-Maurin et Mme Benbassa ont insisté sur la nécessité de renforcer le dispositif de sanctions à l’université : nous sommes d’accord avec elles. Ce sujet fera l’objet d’un travail commun avec ma collègue Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur ; nous y reviendrons.
La médecine du travail doit effectivement être associée à l’indispensable action de prévention, de détection des cas de harcèlement sexuel et de soutien aux victimes.
Vous souhaiteriez en outre que le milieu du sport soit sensibilisé à cette problématique. Sachez que ma collègue Valérie Fourneyron, ministre des sports, s’y attache.
Il convient de garder à l’esprit que la campagne de sensibilisation et de communication sur le harcèlement sexuel que nous entendons lancer à l’automne sera très large et touchera aussi l’université et les milieux sportifs.
J’ai apprécié, madame Dini, vos propos. Étant du même département, nous savons bien, vous et moi, ce qui a été à l’origine de cette fameuse question prioritaire de constitutionnalité !
Comme vous l’avez dit, la prévention et la lutte contre le harcèlement commencent dès le plus jeune âge. Le combat contre les stéréotypes sera, bien sûr, l’une des priorités de mon ministère, dont je souligne qu’il est de plein exercice. En outre, dans chaque ministère et dans chaque administration, un haut fonctionnaire est désormais chargé du dossier de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette mesure décidée par le Gouvernement revêt une importance toute particulière s’agissant de l’éducation nationale, car elle me permettra d’organiser avec mon collègue Vincent Peillon la lutte contre les stéréotypes dès le plus jeune âge.
Vous avez également évoqué le cas des élus. Il s’agit d’une question importante, sur laquelle nous aurons sans doute l’occasion de revenir ultérieurement. Comme vous le savez, des circonstances aggravantes sont prévues, ainsi que des peines complémentaires, telles que la privation du droit de vote ou l’inéligibilité. Il appartiendra aux magistrats d’apprécier au cas par cas.
Madame Benbassa, je vous remercie pour votre témoignage, plus qu’éloquent, sur les instances disciplinaires. Il est vrai que, parfois, on a le sentiment que le droit y est ignoré. C’est là un sujet important, dont le Gouvernement va s’emparer. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, j’y travaillerai en particulier avec ma collègue Geneviève Fioraso.
Monsieur Courteau, je tiens à saluer le travail que vous accomplissez depuis longtemps déjà. Vous aussi avez souhaité la création d’un observatoire des violences faites aux femmes. Cette idée semble décidément faire l’unanimité, ce qui me conforte dans mon intention de mettre en place une telle instance !
Vous avez rapporté le témoignage d’une femme détruite tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. De telles situations doivent nous inciter à tous nous mobiliser. Je crois que le texte que nous sommes en train de bâtir ensemble apportera une réponse à la hauteur des enjeux.
Mme Assassi a rappelé que le harcèlement sexuel est une atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes et souligné la nécessité de le réprimer y compris en l’absence d’intention d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Le présent texte marque, à cet égard, un véritable progrès.
Vous appelez de vos vœux une loi efficace pour les victimes. C’est également notre objectif. Outre que l’on n’a jamais autant parlé du harcèlement sexuel que depuis le 4 mai dernier, ce qui a contribué à libérer la parole de nombreuses victimes, la décision du Conseil constitutionnel nous donne au moins l’occasion d’élaborer un texte qui sera, je l’espère, de bien meilleure qualité que la loi abrogée.
Madame Meunier, vous aussi avez rappelé que le harcèlement sexuel est une manifestation d’une société fondée sur l’inégalité entre les femmes et les hommes. Nous sommes d’accord ! Pour cette raison, toutes les questions liées aux droits des femmes et à l’égalité entre les sexes doivent être envisagées globalement : un travail d’ensemble est à accomplir pour déconstruire un certain nombre de codes et de clichés. J’espère, madame la sénatrice, que vous nous y aiderez.
Vous avez dit également, à très juste titre, que la loi ne fait pas tout. C’est pourquoi nous l’accompagnerons d’un effort de communication et de lutte contre les représentations, ainsi que d’approfondissement de la connaissance des phénomènes de violence. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Monsieur Bourquin, vous avez souligné avec raison l’importance du rôle des collectivités territoriales dans le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cela m’offre l’occasion de répéter devant la Haute Assemblée, représentante des collectivités territoriales, que l’action pour l’égalité entre les sexes doit être menée par tous. Il existe une véritable complémentarité entre la politique conduite à l’échelon national et les expérimentations mises en place par les collectivités territoriales, qui souvent méritent d’être généralisées.
Mme Jouanno, comme Mme Meunier, a soulevé la question des transsexuels. Nous l’aborderons lors de la discussion des articles, mais je tiens d’ores et déjà à souligner qu’elle est prise en compte dans les textes actuels. Cela étant, nous avons sûrement à le faire davantage savoir.
Mme Jouanno a mentionné son rapport sur l’hypersexualisation des enfants. Qu’elle sache que je l’ai bien lu et qu’il alimentera évidemment la réflexion interministérielle sur les représentations dès le plus jeune âge qu’il me tient à cœur de conduire, notamment avec l’administration de l’éducation nationale.
Monsieur Kaltenbach, je vous remercie de l’appréciation positive que vous avez portée sur le texte. Vous avez eu raison de souligner qu’une loi doit être accompagnée d’actions structurelles. C’est bien ainsi que nous comptons agir.
Monsieur Pillet, je suis d’accord avec vous : nous aboutissons à un texte équilibré, grâce au travail des commissions et de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Madame Klès, monsieur Antiste, sachez que je suis très sensible à votre engagement dans le temps. Vous avez rappelé à juste titre que l’élaboration de la loi du 9 juillet 2010 fut une occasion manquée : en discutant un amendement à une heure tardive et en petit comité, on peut faire beaucoup de bêtises… S’agissant aujourd’hui du harcèlement, demain des violences faites aux femmes, nous devons continuer à construire et à renforcer notre droit, pour mieux protéger les victimes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. –Mme Muguette Dini et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
7
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 11 juillet 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-276 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Demande d'avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et conformément aux termes de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, M. le Premier ministre, par lettre en date du 11 juillet 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission de la Haute Assemblée compétente en matière d’activités financières sur le projet de nomination de M. Gérard Rameix en tant que président de l’Autorité des marchés financiers.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des finances.
Acte est donné de cette communication.
9
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d'un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d’Afghanistan, déposé sur le bureau de notre assemblée.
10
Harcèlement sexuel
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
Article additionnel avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Assassi, Borvo Cohen-Seat et David, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2012, un rapport sur la création d’un Observatoire national des violences envers les femmes ayant pour mission de réaliser les études nécessaires au pilotage et à l’évaluation des politiques publiques, de constituer une plateforme de collaboration entre les différents acteurs engagés dans la lutte contre ces violences et d’être le correspondant naturel des observatoires présents aux différents échelons territoriaux.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La deuxième recommandation de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a été adoptée à l’unanimité, vise à demander la création d’un observatoire national des violences envers les femmes.
Cette structure aurait pour mission de réaliser les études nécessaires au pilotage et à l’évaluation des politiques publiques et de constituer une plate-forme de collaboration entre les différents acteurs engagés dans la lutte contre ces violences. Elle pourrait en outre constituer le correspondant naturel d’observatoires locaux, tel l’observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, qui effectue un remarquable travail de terrain, dont il faut s’inspirer.
Lors d’un déplacement auquel m’avait convié le président du Sénat, à l’occasion de la journée du 8 mars, j’ai pu assister à la célébration du dixième anniversaire de l’observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Cet établissement pionnier, animé par Ernestine Ronai, a démontré son utilité, au point que d’autres collectivités envisagent de se doter de structures du même type. C’est le cas de la région d’Île-de-France, qui en a voté le principe.
Lors d’une table ronde organisée par la Délégation aux droits des femmes le 11 janvier dernier, les membres de cette dernière avaient été très attentifs à la suggestion, formulée par Mme Ronai, de créer un réseau national d’observatoires travaillant en partenariat avec les délégations régionales aux droits des femmes. L’idée d’une telle mise en synergie, dès l’échelon local, en vue de déployer tout un réseau d’acteurs mobilisés pour faire reculer les violences subies par les femmes, est tout à fait stimulante.
Le principe de la mise en place de cet observatoire avait été évoqué lors de la discussion de la loi de 2010 ; il avait finalement été décidé qu’un rapport sur ce sujet serait remis au Parlement avant le 31 décembre 2010. En définitive, il ne l’a été qu’en février dernier, à la veille de la discussion de la proposition de résolution de notre collègue Roland Courteau relative à l’application de la loi de 2010.
Ce rapport succinct a écarté sans argumenter la création d’un tel observatoire et préconisé de confier le suivi statistique des violences envers les femmes à l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, sans préciser de quels moyens celui-ci serait doté à cette fin.
Au cours de votre audition du 26 juin 2012, vous nous avez indiqué, madame la ministre des droits des femmes, que vous étiez, à titre personnel, favorable à la création d’une telle instance. J’ignore dans quelle mesure il vous sera possible de nous préciser dès maintenant l’état de la réflexion du Gouvernement sur ce que pourraient être sa composition, son organisation et ses missions. Aussi demandons-nous, au travers du présent amendement, que ces éléments fassent l’objet d’un rapport à remettre par le Gouvernement au Parlement avant la fin de l’année 2012.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a émis ce matin un avis défavorable. Nous ne sommes pas opposés, sur le fond, à la création d’un tel observatoire, mais nous remarquons que celui-ci peut être institué sans recourir à la loi.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Alain Anziani, rapporteur. Une telle mesure pourra être prise par Mme la ministre si elle le souhaite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame Gonthier-Maurin, la création d’un observatoire national des violences envers les femmes me tient à cœur. J’ai eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, en particulier lors de mon audition par la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Depuis ma prise de fonctions, j’ai pu prendre conscience du dénuement dans lequel nous nous trouvons en matière de données statistiques et de la nécessité de mieux coordonner nos actions pour répondre aux attentes des victimes.
L’idée de créer une telle instance se trouvait déjà dans le rapport de la mission préalable à l’adoption de la loi du 9 juillet 2010, rédigé par les députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy. Vous l’avez rappelé, l’article 29 de cette loi avait prévu la remise d’un rapport au Parlement à la fin de l’année 2010, mais ce document n’a pas été déposé en temps utile par le précédent gouvernement. En outre, les projets en cours dans les services, tels que je les ai trouvés en prenant mes fonctions, rejetaient la création de cet observatoire. Sachez, madame la sénatrice, que la position du présent gouvernement est différente : mon intention, conformément aux engagements pris par le Président de la République, est de le mettre en place, car cela correspond à un véritable besoin, comme vous le soulignez.
Il s’agit tout d'abord d’un besoin de connaissance des phénomènes de violences faites aux femmes. En effet, il ne faut pas s’y tromper : l’absence de données est coupable, car elle entretient le tabou, en particulier sur les violences conjugales, qui sont inacceptables, et empêche de guider l’action publique utilement. Par conséquent, comme je vous l’ai indiqué, j’avancerai sur cette question des études et des recherches relatives aux violences faites aux femmes.
Il s’agit ensuite d’un besoin de coordination de l’action publique, celle de l’État, bien sûr, mais aussi celle des collectivités territoriales. À cet égard, vous avez évoqué à juste titre l’initiative très riche qui a été prise par la Seine-Saint-Denis. Je partage l’idée que cet observatoire doit faire davantage que simplement collecter des données : il doit être aussi une plate-forme d’action, respectant bien sûr le dynamisme des territoires et s’appuyant parfois même sur eux.
Le Gouvernement, sachez-le, s’engage à mettre en place une telle instance. Il le fera par le biais d’un texte qui abordera de façon plus large l’ensemble des violences faites aux femmes et qui traitera en particulier des améliorations à apporter à la loi du 9 juillet 2010. Je travaille d'ores et déjà au bilan de cette loi et du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, afin d’être prête à l’automne prochain.
Il faut simplifier et revoir ce plan, dont les actions me semblent quelque peu dispersées. Nous prendrons le temps de la concertation avec les collectivités territoriales, pour articuler notre dispositif avec les observatoires locaux. Si vous l’acceptez, j’associerai les membres de la délégation que vous présidez à cette réflexion.
Considérant qu’un texte de loi vaut mieux qu’un rapport, je vous invite, madame Gonthier-Maurin, à retirer cet amendement.
Mme la présidente. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, je me félicite de votre écoute et de l’attention que vous avez accordée à la recommandation adoptée à l'unanimité par la Délégation aux droits des femmes.
Je constate que nous sommes d'accord sur la nécessité de créer un tel observatoire, afin de pouvoir disposer de données utiles à l’évaluation de l’étendue d’un fléau aujourd’hui largement sous-estimé, parce que méconnu.
Par ailleurs, je note que nous partageons les mêmes conceptions quant aux missions de cette instance : nous entendons qu’elle ne se borne pas à collecter des données, mais qu’elle contribue à la mise en place d’une synergie entre acteurs locaux, départementaux, régionaux et nationaux.
Compte tenu de l’engagement très fort que vous avez pris, j’accepte de retirer cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 11 est retiré.
Article 1er
Le paragraphe 4 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complété par un article 222-33 ainsi rétabli :
« Art. 222-33. – I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant.
« II. – Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
« III. – Les faits visés au I et au II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
« Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque les faits sont commis :
« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur de quinze ans ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.