Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Carle
Secrétaires :
M. Jean Boyer, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
2. Convention fiscale avec la République de Panama. – Rejet, en nouvelle lecture, d'un projet de loi en procédure d’examen simplifié
Rejet de l’article unique du projet de loi.
3. Quatrième loi de finances rectificative pour 2011. – Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
Discussion générale : M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.
MM. Yvon Collin, Philippe Dallier, Mme Marie-France Beaufils.
MM. François Marc, vice-président de la commission des finances ; le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de la commission. – Mme la rapporteure générale, MM. le secrétaire d'État, Francis Delattre, Gérard Miquel. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.
4. Droits, protection et information des consommateurs. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 2 (suite)
Amendement n° 44 rectifié (précédemment réservé) de Mme Mireille Schurch. – MM. le président, Philippe Dallier, Mmes Évelyne Didier, Marie-France Beaufils, MM. Daniel Dubois, Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Daniel Raoul, président de la commission de l'économie ; Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Jacques Mézard. – Rejet, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 45 rectifié (précédemment réservé) de Mme Mireille Schurch. – Mme Évelyne Didier. – Retrait.
MM. Gérard Cornu, Claude Jeannerot.
Amendement n° 9 rectifié de M. Gérard Cornu. – MM. Gérard Cornu, Alain Fauconnier, rapporteur de la commission de l’économie ; le ministre, Thierry Repentin, Francis Delattre, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
Mme Virginie Klès, MM. Philippe Dallier, Jacques Mézard, Daniel Dubois. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 9 rectifié.
Amendements identiques nos 49 de Mme Mireille Schurch et 206 de M. Joël Labbé. – Mme Mireille Schurch, MM. Joël Labbé, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement n° 206 ; rejet de l’amendement n° 49.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 2 bis AA
Amendement n° 202 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 96 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois ; MM. le secrétaire d'État, le président de la commission, Michel Bécot, Jacques Mézard. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 2 bis
Amendement n° 94 rectifié bis de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur, le secrétaire d'État, Gérard Cornu, Mme Nathalie Goulet, M. Michel Bécot. – Rejet.
Amendement n° 91 de M. Gérard Cornu. – MM. Gérard Cornu, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 116 de M. Gérard Cornu. – MM. Gérard Cornu, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 143 rectifié de M. Michel Teston et 197 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – M. Michel Teston, Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 38 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 195 rectifié de M. Jacques Mézard. - Mme Anne-Marie Escoffier.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Gérard Cornu, Michel Teston, Daniel Dubois, Gilbert Roger. – Adoption des amendements nos 143 rectifié et 197 rectifié bis, les amendements nos 38 et 195 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 156 de M. Hervé Maurey. – MM. Daniel Dubois, le rapporteur, le secrétaire d'État, Gérard Cornu. – Adoption.
Amendement n° 214 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 118 rectifié de M. Pierre Hérisson. – Mme Élisabeth Lamure, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 117 rectifié de M. Pierre Hérisson. – Mme Élisabeth Lamure, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, le président de la commission, Gérard Cornu, Mme Nathalie Goulet, M. Claude Bérit-Débat, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Samia Ghali, Mireille Schurch, M. Marc Laménie. – Rejet.
Amendement n° 93 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 115 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur, le secrétaire d’État, Gérard Cornu. – Retrait.
Amendement n° 142 rectifié bis de M. Yannick Vaugrenard. – MM. Yannick Vaugrenard, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Amendements identiques nos 39 de Mme Mireille Schurch et 155 de M. Hervé Maurey. – Mme Mireille Schurch, M. Daniel Dubois.
Amendement n° 148 rectifié de M. Michel Teston. – M. Claude Bérit-Débat.
Amendement n° 149 rectifié de M. Michel Teston. – M. Claude Bérit-Débat.
MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Daniel Dubois. – Rejet des deux amendements identiques nos 39 et 155 ; adoption des amendements nos 148 rectifié et 149 rectifié.
Amendement n° 150 rectifié de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Amendement n° 215 de la commission et sous-amendement n° 144 rectifié bis de M. Michel Teston. – MM. le président de la commission, Michel Teston.
Amendement n° 120 rectifié de M. Pierre Hérisson. – Mme Élisabeth Lamure.
MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption du sous-amendement n° 144 rectifié bis et de l’amendement n° 215 modifié, l’amendement n° 120 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° 180 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Gérard Cornu. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 147 rectifié ter de M. Michel Teston. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, le secrétaire d’État, Roland Courteau, Gérard Cornu. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel après l'article 3 bis
Amendement n° 128 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
5. Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
Suspension et reprise de la séance
6. Nominations de membres de deux commissions mixtes paritaires
7. Droits, protection et information des consommateurs. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 50 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier.
Amendement n° 165 de M. Daniel Dubois. – M. Daniel Dubois.
MM. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission de l’économie ; Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. – Retrait de l’amendement n° 165 ; adoption de l’amendement n° 50.
Amendement n° 105 rectifié ter de M. Thierry Repentin. – MM Claude Bérit-Débat, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Amendement n° 104 rectifié ter de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° 55 rectifié de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Mmes Laurence Rossignol, Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 133 rectifié de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.
Amendement n° 174 rectifié de M. Philippe Kaltenbach. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d’État, Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 51 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier.
Amendement n° 52 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier.
MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait de l’amendement n° 51 ; adoption de l’amendement n° 52.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 4 bis
Amendement n° 56 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
MM. Roland Courteau, Gérard Cornu.
Amendements identiques nos 8 rectifié de M. Gérard Cornu et 166 de M. Daniel Dubois. – MM. Gérard Cornu, Daniel Dubois, le rapporteur, le secrétaire d’État, Claude Bérit-Débat, Roland Courteau, Joël Labbé. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements identiques.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 4 ter
Amendement n° 107 rectifié quater de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 53 rectifié bis de Mme Évelyne Didier. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 54 rectifié de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 193 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 194 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d’État, le président de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 145 rectifié bis de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.
Amendement n° 40 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch. – Retrait.
Amendement n° 42 rectifié de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 5
Amendement n° 41 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 119 rectifié de M. Pierre Hérisson. – MM. Pierre Hérisson, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 5 bis A
Amendement n° 151 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, le président de la commission, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM Gérard Cornu, Daniel Dubois. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 153 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 126 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, le secrétaire d’État., le président de la commission. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Convention fiscale avec la République de Panama
Rejet, en nouvelle lecture, d'un projet de loi en procédure d’examen simplifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (projet n° 215, rapport n° 216).
Pour l’examen de ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (ensemble un protocole), signée à Panama, le 30 juin 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je rappelle que la commission des finances, qui s’est réunie ce matin, n’a pas adopté ce texte et en recommande le rejet par le Sénat.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi n'est pas adopté.)
3
Quatrième loi de finances rectificative pour 2011
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2011 (projet n° 218, rapport n° 219).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif budgétaire marque une étape essentielle dans notre effort de réduction des déficits, un effort qui a commencé en 2010 et qui se poursuivra jusqu’en 2016. Année après année, la France avance ainsi sur son chemin de désendettement et honore scrupuleusement ses engagements.
Ces engagements, vous les connaissez : en 2011, nous ramènerons notre déficit public à 5,7 % de la richesse nationale, puis à 4,5 % en 2012. Grâce à ce texte ainsi qu’aux décisions prises par le Gouvernement tout au long des derniers mois, la France sera au rendez-vous.
Elle le sera en 2011, avec un déficit budgétaire de l’État réduit de 36 % en l’espace d’une seule année, une baisse qui témoigne de la constance et de la réactivité du Gouvernement.
Elle témoigne de sa constance, car cette amélioration du solde de l’État est le fruit de la stratégie qui est au cœur de notre politique budgétaire depuis trois ans. Cette stratégie, vous le savez, se résume très simplement : priorité absolue est donnée aux économies en dépenses.
Le budget pour 2011 prévoyait ainsi le gel en valeur des dépenses de l’État, hors dettes et pensions, ce qui était déjà une mesure sans précédent. Non seulement nous avons respecté cette norme extrêmement exigeante, mais nous avons fait mieux, en réalisant 200 millions d’euros d’économies par rapport à ce plafond. Dès 2011, les dépenses de l’État baisseront donc en valeur et nous aurons ainsi pris un an d’avance sur le calendrier que nous nous étions fixé.
Je veux y voir, et j’espère que vous y verrez également, le signe du sérieux et de la détermination de ce Gouvernement. Loin de prendre prétexte des circonstances pour relâcher nos efforts de maîtrise des dépenses, nous les avons poursuivis et accentués, malgré le changement brutal de conjoncture et les imprévus qui émaillent toute exécution.
Si nous tenons nos engagements, c’est aussi à notre réactivité que nous le devrons. Face à une conjoncture marquée par une grande incertitude, nous avons, dès le 24 août dernier, pris une première série de mesures, qui ont été adoptées par le Parlement au début du mois de septembre.
Conjuguées à notre effort de maîtrise des dépenses de l’État, ce sont ces mesures qui, malgré une croissance plus faible que prévu, nous permettent de ramener le déficit public à 5,7 % de la richesse nationale en 2011. Cette année a notamment été consacrée à l’accroissement de l’effort de réduction de la dépense publique. Notez combien cette orientation tranche avec la culture de la dépense publique habituelle dans notre pays et va à rebours de l’échappatoire du déficit et de la dette, si souvent retenue par les gouvernements, de droite comme de gauche.
En 2012, nous serons au rendez-vous, comme nous l’avons été en 2011, grâce au plan de retour à l’équilibre présenté le 7 novembre dernier, dont le dernier volet figure dans le présent texte.
Ce collectif s’inscrit en effet dans la continuité des projets de budget de l’État et de la sécurité sociale : pris ensemble, les textes financiers forment un tout cohérent, car ils sont fondés sur une seule et même stratégie.
Cette stratégie repose sur deux piliers.
J’ai déjà évoqué le premier pilier : la poursuite de notre effort d’économies dans l’ensemble de la sphère publique.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une baisse sans précédent de 1,5 milliard d’euros des dépenses de l’État. Quant à la loi de financement de la sécurité sociale, elle a fixé l’objectif national de progression des dépenses d’assurance maladie à un niveau historiquement bas de 2,5 %.
Le deuxième pilier est le recours à des prélèvements ciblés, dans un double esprit d’équité et de préservation de la croissance.
Le ralentissement de l’activité mondiale a aujourd’hui un impact direct sur l’économie française. Mais, je tiens à le redire, nos fondamentaux sont solides et les réponses extrêmement fortes apportées par la zone euro sont de nature à ramener la confiance. Pour que le rebond soit possible, nous devons plus que jamais préserver notre potentiel de croissance.
Soutenir la croissance aujourd’hui, c’est limiter au strict nécessaire les efforts demandés aux Français et aux entreprises, en faisant d’abord peser la contribution à la réduction des déficits sur l’État et sur les administrations, nationales et locales. Ce n’est pas multiplier les nouveaux impôts sans cohérence ni vision d’ensemble, des impôts qui viendraient casser tous les ressorts de l’activité économique, qu’il s’agisse de l’investissement des entreprises ou de la consommation. Chacun sait que, notamment dans notre pays, l’un des moteurs essentiels de la croissance est la consommation.
C’est pourquoi le Gouvernement ne peut en aucun cas faire siens les choix du Sénat, qui a préféré créer ou modifier 42 taxes lors de l’examen du budget, avec, à la clé, un choc fiscal de 32 milliards d’euros. La Haute Assemblée l’a ainsi démontré : tous ceux qui refusent de donner la priorité aux économies condamnent le pays à une cure d’austérité fiscale dont la croissance et le pouvoir d’achat ne se relèveront pas.
Le deuxième principe de notre politique, c’est la répartition équitable des efforts. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé un plan national d’efforts partagés.
L’équité exige que les ménages les plus aisés et les plus grandes entreprises contribuent plus à l’effort supplémentaire de réduction des déficits : ce sont ces dernières qui acquitteront la plus grande partie des 5,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires prévus par ce collectif. Je pense, évidemment, à la majoration exceptionnelle de 5 % de l’impôt sur les sociétés qui, vous le savez parfaitement, pèsera sur les seules entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. Elle ne concernera donc ni les PME ni les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, qui sont les plus exposées au ralentissement de l’économie, mais représentent, en même temps, une de nos principales chances en termes de croissance dans les mois qui viennent.
C’est la raison pour laquelle, avec les 250 correspondants ETI que j’ai nommés dans l’ensemble des territoires, j’ai identifié deux milles « pépites » de croissance : mille PME susceptibles de devenir des ETI et mille « ETI de croissance », elles-mêmes susceptibles de grandir. En effet, dans une crise telle que celle que nous vivons aujourd’hui, nous devons être aux côtés des entreprises qui connaissent des difficultés, des entreprises qui souffrent, mais aussi de celles qui peuvent tirer la croissance vers le haut et créer des emplois.
Pour aider les entreprises qui souffrent, nous avons institué, sous l’impulsion du Président de la République, un dispositif placé sous la responsabilité de René Ricol, qui était médiateur du crédit au moment du pic de la crise, en 2009, et qui coordonne désormais l’ensemble des dispositifs financiers destinés aux investissements d’avenir, comme OSEO ou le Fonds stratégique d’investissement, le FSI.
Par ailleurs, j’effectue trois déplacements par semaine sur l’ensemble du territoire…
Mme Nathalie Goulet. Nous vous suivons !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Nous aussi !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Certains d’entre vous suivent, en effet. Vous pourrez vous en faire l’écho tout à l'heure…
Donc, quand je me déplace dans vos territoires, je rencontre en permanence des acteurs économiques qui ont besoin de notre aide tant pour l’obtention de crédits que pour régler les problèmes administratifs complexes qui se posent à eux. J’ai donc été amené à créer un numéro d’urgence « soutien TPE-PME », le 0810 00 12 10, qui permet aux entrepreneurs, pour un problème de crédit, d’entrer immédiatement en contact avec les services du médiateur du crédit ou, pour un problème de blocage administratif, avec le correspondant PME. Ces correspondants, que j’ai nommés il y a quelques mois dans chaque département, ont dû faire un stage en entreprise – cette disposition a fait un peu de bruit à l’époque ! –, stage que j’ai estimé nécessaire dans la mesure où – et ce n’est pas faire injure à l’administration que de dire cela – les fonctionnaires ne connaissent pas l’entreprise de l’intérieur. J’ai d’ailleurs pris depuis la décision d’étendre ces stages à tous les fonctionnaires des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui, sur vos territoires, sont au contact des acteurs économiques.
C’est la raison pour laquelle j’ai écrit à chacun de vous ; j’ai d’ailleurs reçu de nombreuses réponses, de la majorité comme de l’opposition, du président du Sénat, du président du groupe socialiste… Mes chers amis, je vous le répète, nous devons les uns et les autres, être aux côtés des acteurs économiques, dans cette période où ils attendent non pas des réponses de droite ou de gauche, mais le soutien de l’ensemble des élus de la nation et du Gouvernement, au plus près des réalités qu’ils vivent.
Je tiens à redire que la moitié du produit de la majoration que j’évoquais à l’instant sera acquittée par les sociétés au chiffre d’affaires supérieur à 2,5 milliards d’euros. Voilà une preuve de la volonté d’équité qui a animé François Fillon, François Baroin et Valérie Pécresse, sous l’impulsion du Président de la République.
Les efforts que nous demandons aux Français seront, eux aussi, équitablement répartis. J’en veux pour preuve la hausse du prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus du capital, ou bien encore le gel jusqu’en 2013 des barèmes de l’impôt sur le revenu, de l’impôt de solidarité sur la fortune et des droits de donation et succession. Ces mesures pèseront en effet, pour l’essentiel, sur les ménages les plus aisés…
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Pas du tout ! C’est faux !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je sais que, lors du précédent débat, certains d’entre vous ont proposé d’autres solutions. J’insiste sur le fait que, si nous décidons, alors que ces impôts sont progressifs, de geler les barèmes, c’est parce que nous faisons le choix de répartir équitablement l’effort. Ces mesures pèseront donc, pour l’essentiel, sur les ménages les plus aisés et, en particulier, sur les Français qui ont les plus gros patrimoines. Dire l’inverse n’est pas dire la vérité !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est tout le contraire, nous l’avons démontré !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. J’ai entendu vos démonstrations, mais ce n’est pas parce que l’on répète cent fois la même chose qu’elle devient la vérité pour autant !
M. Jean-Pierre Caffet. Prenez-en de la graine, monsieur le secrétaire d’État !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je ne doute pas que vous ne vous lassiez pas de répéter votre prétendue démonstration, …
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vous qui vous répétez !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … mais, en vérité, les efforts que nous imposons seront équitablement répartis.
J’observe d’ailleurs que l’ensemble des organismes internationaux, qu’il s’agisse du FMI ou de l’OCDE, ont reconnu que les efforts demandés préservaient la croissance dans notre pays.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est pour cela que nous sommes en récession !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Il est important de le souligner au moment où, chacun le sait, tous les pays de l’Union européenne et particulièrement de la zone euro vivent des moments difficiles et où nous traversons une crise mondiale.
J’ajoute, madame la rapporteure générale, qu’il est tout de même paradoxal que le Sénat rejette le gel du barème de l’impôt sur le revenu, alors même que ce gel en renforce de facto la progressivité.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. C’est n’importe quoi !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je vous rappelle que les 10 % de foyers les plus aisés acquittent près des trois quarts de son produit : ce sont donc eux, pour l’essentiel, qui seront concernés par cette mesure, dont les effets resteront par définition limités pour les classes moyennes. À impôt progressif, effets progressifs ! Si la nouvelle majorité sénatoriale en vient à remettre en cause la progressivité de l’impôt (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), j’avoue que j’y perds mon latin !
Depuis le premier jour de cette crise, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a tenu un discours de vérité, à la différence de tous ceux qui prétendent réduire les déficits sans que quiconque ait à faire le moindre effort.
Mme Marie-France Beaufils. Personne n’a jamais proposé cela !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Malheureusement, dans les temps que nous vivons, l’approche d’échéances électorales importantes conduit un certain nombre d’hommes et de femmes politiques – je ne vise personne en particulier – …
M. Ronan Kerdraon. Bien sûr que non !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … à prétendre pouvoir réduire les déficits publics sans demander aucun effort aux Français. Je me demande pourquoi ceux qui détiennent aujourd’hui cette solution miracle ne l’ont pas mise en œuvre pendant toutes les années qui nous ont conduits à la situation où nous sommes,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … nous obligeant à rattraper trente ans de laxisme en matière de dépense publique ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Chacun devra donc assumer sa part de l’effort demandé. C’est pourquoi nous avons veillé à protéger les foyers plus fragiles.
Ainsi, la création d’un nouveau taux de TVA à 7 % n’aura aucun impact sur le prix des produits de première nécessité, qui resteront imposés à 5,5 %. J’ai bien entendu les reproches qui nous étaient adressés de créer ainsi un taux supplémentaire de TVA, mais je crois que, dans la période que nous vivons, nous devons protéger le pouvoir d’achat, notamment celui des plus modestes. Notre devoir était donc de veiller à ce que les produits de première nécessité restent imposés à 5,5 % : ni l’alimentation, ni l’énergie, ni les cantines scolaires, ni les biens et services destinés aux personnes handicapées ne seront concernés par le nouveau taux à 7 %, que nous créons dans le cadre de notre convergence fiscale avec l’Allemagne.
Cette convergence, vous avez choisi de la refuser ; libre à vous ! Mais je me dois de vous le dire, en vous engageant dans la voie de l’isolement en Europe – avec les 35 heures, la France avait déjà donné l’exemple de l’isolement –, en combattant la convergence budgétaire et fiscale, vous prenez la responsabilité d’affaiblir la France, vous prenez le risque de semer la division au moment même où les différents pays de la zone euro, quelle que soit la couleur politique de leurs dirigeants, se rassemblent et s’unissent pour faire front contre la crise.
Faire front, c’est d’abord poursuivre notre effort national de redressement des finances publiques. Parce que nul ne doit pouvoir s’exonérer de cet effort, ce collectif budgétaire raffermit encore les armes dont dispose notre police fiscale, avec un objectif : continuer à resserrer l’étau sur les grands fraudeurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. Sur ce point, je me réjouis que nous ayons pu, pour l’essentiel, tomber d’accord. Le rassemblement de la droite et de la gauche, au Sénat, pour lutter contre la fraude est une bonne nouvelle !
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France livre aujourd’hui une bataille : celle de la crédibilité. Cette bataille est tout à la fois européenne et nationale. Nous agissons à tous les niveaux.
Tout d’abord, à l’échelle de la zone euro, ont été prises des décisions historiques lors du sommet des 9 et 10 décembre, au cours duquel chacun a pu constater la mobilisation totale du Président de la République, dont beaucoup d’entre vous connaissent le courage.
La crise de confiance actuelle frappant l’ensemble des États de la zone euro, notre devoir consistait à apporter des réponses communes. Grâce à l’engagement personnel du Président de la République française et de la Chancelière allemande, des réponses extrêmement fortes nous ont tous réunis.
Mais nul ne doit s’y tromper, mesdames, messieurs les sénateurs, la convergence européenne vient compléter et renforcer notre action nationale ; elle ne vient pas s’y substituer. Rien ne pourra nous dispenser de notre effort de réduction des déficits, et nous avons le devoir de le poursuivre au rythme prévu.
Parce que ce collectif budgétaire démontre, une nouvelle fois, la détermination de la France à tenir ses engagements sans peser sur la croissance, le Gouvernement vous demande à nouveau de l’adopter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier de la qualité des débats de première lecture et de vous inviter, sur la question si essentielle pour notre pays de la réduction de la dépense publique, à vous rassembler pour envoyer le signal attendu par nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois dire que j’ai été très surprise d’entendre hier, à cette tribune, non seulement Mme la ministre du budget, mais aussi l’orateur du groupe UMP déplorer l’attitude de la majorité sénatoriale qui serait hostile par principe à toute idée ou analyse qui ne viendrait pas de ses rangs. Je me suis demandé si nous avions bien participé à la même discussion budgétaire et, quand j’entends M. le secrétaire d’État, je me demande de quoi nous parlons !
Le projet de loi de finances pour 2012 étant maintenant derrière nous, attardons-nous sur l’objet de la présente discussion, à savoir le projet de loi de finances rectificative pour 2011.
L’Assemblée nationale nous avait transmis un texte de 76 articles. Nous en avons adopté les deux tiers, chers collègues de l’opposition sénatoriale, c’est-à-dire 49 sur 76, sans modification : je ne pense pas que l’on puisse y voir la marque d’un Sénat hostile à toute idée qui n’émanerait pas de lui ! Nous y avons ajouté 35 articles additionnels, dont beaucoup sont issus d’amendements du groupe UMP. C’est sans doute encore un exemple d’étroitesse d’esprit de ma part, mais je pense qu’il doit y avoir erreur sur la personne… ou plutôt sur le groupe majoritaire !
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, nous avons tellement de points de désaccord avec le Gouvernement que nous n’éprouvons pas le besoin d’en créer d’artificiels.
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lorsque nous sommes d’accord, pourquoi craindrions-nous de le dire ? Pour notre part, nous croyons au dialogue républicain, nous l’avons maintes fois prouvé tout au long de cet exercice budgétaire.
Qu’a voté l’Assemblée nationale et, en particulier, qu’a-t-elle fait des apports du Sénat ?
L’Assemblée nationale a, en premier lieu, retenu la plupart des articles issus d’amendements présentés par l’opposition sénatoriale et acceptés par la majorité du Sénat. Il y a cependant quelques exceptions, la plus importante étant le rejet de l’article 16 bis C.
Le Sénat avait adopté à l’unanimité un amendement de M. Cambon, sénateur UMP du Val-de-Marne, sous-amendé par le groupe socialiste, instaurant une contribution de solidarité pour l’accès à l’eau et à l’assainissement. On me dit que les débats, qui se sont terminés hier à minuit, ont donné lieu à un certain « cafouillage » de la part du Gouvernement. Je garde l’espoir que cette mesure voie le jour prochainement, car la position du Gouvernement semble avoir évolué depuis l’avis défavorable donné au Sénat. Il importait, je vous le rappelle, que cette contribution de solidarité pour l’accès à l’eau des moins favorisés de nos concitoyens puisse être prise avant la tenue du Forum mondial de l’eau, à Marseille, au mois de mars 2012. Je déplore que le Gouvernement n’ait pas saisi la perche que lui tendait le Sénat.
M. Michel Delebarre. Absolument !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En deuxième lieu, l’Assemblée nationale a supprimé l’essentiel des dispositifs insérés à l’initiative de la majorité sénatoriale. S’agissant des mesures relevant de la mise en œuvre du plan Fillon II, ce n’est pas une surprise puisque nos conceptions de politique fiscale sont radicalement opposées. Cependant, la frontière entre le clivage politique et le parti pris de refus systématique des initiatives du Sénat est malheureusement parfois difficile à apprécier.
C’est ainsi que le Sénat avait voté, à l’initiative du groupe socialiste et contre l’avis du Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2012, la suppression du taux réduit de TVA sur les produits phytosanitaires dont la nocivité est prouvée. La mesure n’a pas été reprise dans le texte définitif. Cependant, l’Assemblée nationale a adopté hier, sur proposition du Gouvernement, la même mesure que celle que le Sénat avait adoptée en loi de finances par la voie d’un amendement de Mme Rossignol et du groupe socialiste-EELV, portant la TVA sur ces produits à 19,6 %. Comprenne qui pourra ! Le sectarisme n’est peut-être pas du côté où on prétend qu’il est…
M. Ronan Kerdraon. Ni l’étroitesse d’esprit !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En troisième lieu, quelques initiatives de la majorité sénatoriale ont été reprises par le texte final, même si le Gouvernement a parfois cherché à s’y opposer.
Il en est ainsi de l’article 21 bis C prévoyant le recouvrement des reliquats de redevance sur les consommations d’eau dans les DOM et leur versement aux offices de l’eau dans les DOM, qui résulte d’une initiative de Serge Larcher et du groupe socialiste-EELV.
À l’article 16, les pertes de bases au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, l’un des sept impôts substitutif à la taxe professionnelle, ne seront pas compensées, comme nous l’avions voulu, mais un rapport permettra d’étudier l’évolution de l’assiette de cet impôt. Si cette dernière n’étai pas réévaluée régulièrement, elle rendrait cet impôt peu dynamique, ce qui pénaliserait les collectivités locales.
Le rapporteur général de l’Assemble nationale a su faire preuve de persuasion à l’égard du Gouvernement, ce dont je le remercie, et le convaincre de s’en tenir à la rédaction du Sénat sur l’article 17 quater relatif au service « PATRIM Usagers ». La vie privée de nos concitoyens en sera mieux protégée et des dérives possibles évitées.
Nous devons retenir que les votes de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture traduisent une nouvelle fois la méfiance de la majorité gouvernementale envers les collectivités territoriales.
Au Sénat, nous avions unanimement voté l’amendement de M. Pintat prévoyant un rapport sur les conséquences d’une transformation en établissement public du nouveau compte d’affectation spéciale hérité du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE. L’obligation de dépôt de ce rapport a été supprimée par l’Assemblée nationale. Les votes unanimes et motivés du Sénat – M. Pintat est président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies – ne comptent donc pas !
Le Sénat avait également adopté à l’unanimité l’amendement de M. Collomb, sous-amendé par M. Ferrant et plusieurs collègues de l’UMP et de l’Union centriste, visant à offrir aux collectivités la possibilité d’adapter les tarifs de la taxe de séjour. Cette nouvelle marge de manœuvre a été supprimée, à la demande du Gouvernement. Je remercie la commission des finances de l’Assemblée nationale et son rapporteur général, M. Carrez, d’avoir soutenu notre proposition.
Nous avions protégé le dispositif de la taxe locale sur la publicité extérieure contre les premières tentatives de mitage de ce nouvel impôt local : l’Assemblée nationale l’a accepté.
Nous avions souhaité évaluer les conséquences sur les collectivités territoriales de la mise en œuvre simultanée de la réforme des taxes d’urbanisme et de celle de la redevance d’archéologie préventive. L’Assemblée nationale ne l’a pas jugé utile.
Nous avions souhaité compenser les communes qui assurent les frais de gestion des régies de recettes d’amendes de police, puisque le Gouvernement souhaite une modification de la loi pour leur transférer cette compétence. Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas partagé notre opinion.
Je retire de cette nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le sentiment que la poursuite de la navette ne permettrait pas au Sénat de mieux faire prévaloir ses vues. Dans ces conditions, et puisque nos positions sont, sur l’essentiel de la politique fiscale et budgétaire, inconciliables avec celles du Gouvernement et de sa majorité, la commission des finances a décidé ce matin de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.
L’inutilité de la poursuite du débat peut se résumer en quatre points.
Premièrement, les évolutions du déficit de 2011 par rapport à celui de 2010 s’expliquent essentiellement par des facteurs exceptionnels, notamment parce que les dépenses d’avenir sont sorties du budget. Nous l’avons démontré chiffres à l’appui.
Deuxièmement, avec ce collectif, le Gouvernement nous demande une fois encore de prendre acte des sous-budgétisations de la loi de finances initiale.
Troisièmement, si l’Assemblée nationale a repris beaucoup d’amendements du Sénat, elle a remis en cause des dispositions protectrices de la libre administration des collectivités territoriales et ne l’a pas suivi dans son souhait de mieux lutter contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. Nous accordions une grande importance à ce dernier point.
En tout état de cause, enfin, le Sénat ne saurait souscrire aux dispositions du collectif budgétaire qui mettent en œuvre le plan Fillon II et qui se traduisent par un alourdissement de la fiscalité des ménages, qu’il s’agisse de la consommation ou du travail, sans souci de la justice et de la progressivité de notre système fiscal.
S’agissant de la mesure de relèvement du taux réduit de TVA, la discussion à l’Assemblée nationale a de nouveau montré la gêne du Gouvernement et de sa majorité à l’égard de cette mesure : non seulement moins de la moitié de l’assiette taxée aujourd’hui à 5,5 % sera portée à 7 %, mais de nouvelles dérogations ont encore été décidées par les députés.
La meilleure solution aurait consisté à se rallier aux propositions du Sénat en matière de fiscalité du patrimoine. Je n’y reviens pas, mais nous savons qu’il y a là un gisement de recettes que nous avons chiffré, dans le projet de loi de finances pour 2012, à environ 11 milliards d’euros pour la première année d’exercice.
Pour finir, je voudrais dire au Gouvernement, que j’entends employer depuis hier l’argument selon lequel le budget de 2012 permettrait d’avancer sur le chemin du désendettement, que cette affirmation n’est pas exacte. Atteindre un déficit de 5,7 % du produit intérieur brut en 2011 et de 4,5 % en 2012 permettrait seulement d’avancer « vers », et non pas « sur », le chemin du désendettement. Selon la programmation du Gouvernement, en effet, c’est seulement à compter de 2013 que le ratio dette-PIB devrait commencer à décroître.
Ce n’est pas en affirmant des choses fausses que nous parviendrons à être crédibles aux yeux des observateurs ou de nos partenaires européens. Nous nous mettons en difficulté en annonçant des trajectoires qui ne sont pas réalistes.
Nous allons clore cette session budgétaire, mes chers collègues, mais pour combien de temps ? Nous entrerons, au début du mois de janvier, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « semestre européen », au cours duquel les États européens élaborent leurs prévisions et leurs programmations budgétaires nationales, en principe dans un esprit de concertation entre gouvernements et parlements.
Cette année, la discussion du futur accord intergouvernemental et des nouvelles propositions de règlement de la Commission va s’insérer dans cette séquence.
N’injurions pas l’avenir, certes, mais je dois dire que je suis inquiète à l’idée que les Européens se divisent, entre États et au sein des différentes nations, sur des questions de procédure et de règles budgétaires alors que la zone euro inspire de moins en moins confiance et que la conjoncture économique se dégrade. L’essentiel est là. Nous ne sommes pas crédibles sur nos dettes et nos déficits si nous ne le sommes pas sur notre objectif de croissance. Le sentiment de décalage entre les enjeux et les solutions apportées s’accroît.
Pour ce qui nous concerne, en France, le semestre européen va coïncider avec la campagne présidentielle. Le Parlement aura cessé ses travaux lorsque le Gouvernement lui transmettra, avant le 15 avril prochain, le projet de programme de stabilité, sur lequel il devrait pourtant se prononcer par un vote. C’est entre les deux tours de l’élection présidentielle que le programme de stabilité devra être adressé par la France à la Commission européenne ! J’attire vote attention sur le rôle que la Haute Assemblée, qui n’est pas renouvelable, va tenir dans cette période.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec la question préalable, vous éliminez toute discussion !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Une chose est certaine, la crise ne s’arrêtera pas pendant la campagne présidentielle…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pas grâce à vous, ça c’est sûr !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … et il est à parier que la différence se fera sur les questions économiques.
M. Alain Gournac. On verra !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La question qui intéresse nos compatriotes – la seule qui vaille, à vrai dire – est celle des solutions à trouver pour renouer avec la croissance, qui est la grande oubliée des sommets européens qui se sont multipliés.
Sur le terrain de la croissance, la majorité sortante a fait la preuve de son incompétence. (Vives protestations sur les travées de l’UMP.) Nos compatriotes sauront en tirer les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, personne ici, en tout cas du côté gauche de l’hémicycle, ne se fait d’illusions quant à l’issue de nos travaux, car le terminus de la navette, chacun le sait, se trouve au Palais Bourbon : nos institutions sont ainsi faites ! Au demeurant, cela ne retire rien à la qualité et à la pertinence de nos débats, d’autant qu’il en reste toujours quelque chose.
M. Roland Courteau. Heureusement !
M. Yvon Collin. En première lecture, le Sénat a tout de même adopté quarante-neuf articles conformes ; ce n’est pas rien !
J’ajouterai que nous partageons tous, quels que soient nos engagements, mes chers collègues, la même volonté de maîtriser nos finances publiques. Et comment pourrait-il en être autrement ? Notre pays est directement dans le viseur des agences de notation ! Si l’on est fondé à s’interroger sur le crédit excessif qui est accordé à ces agences – celles-là mêmes qui, ne l’oublions pas, avaient certifié des produits toxiques à la veille de la crise des subprimes –, force est de constater qu’elles exercent une pression à laquelle il est actuellement difficile pour un pays de se soustraire.
La crise des dettes souveraines oblige donc la France à s’engager rapidement sur la voie d’une réduction de ses déficits publics.
Tel est d’ailleurs l’objet de ce projet de loi de finances rectificative, le quatrième de l’année. Cette boulimie budgétaire illustre bien les difficultés que connaît notre pays pour restaurer un climat de confiance. Elle montre également, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement n’a pas pris assez tôt la mesure, dans sa politique économique et fiscale, du danger qui nous guettait. Plus exactement, sa politique budgétaire s’est enlisée en raison d’une succession de dispositifs qualifiés, à juste titre, par notre collègue rapporteure générale d’« inefficaces et injustes ». Nous avons eu l’occasion de le démontrer ici même à plusieurs reprises lors de nos débats, lesquels ont d’ailleurs toujours été constructifs et intéressants.
Une nouvelle fois, le projet de loi de finances rectificative, tel qu’il résulte des travaux de nos collègues députés, ne trace pas, selon nous, la meilleure des voies pour écarter le risque d’une crise auto-réalisatrice. En outre, il n’épargne pas la rigueur à nos concitoyens les plus fragiles.
Certes, ce collectif budgétaire affiche une « gestion rigoureuse » des dépenses, respectant la double norme en la matière : « zéro volume » et « zéro valeur ». Cela ne saurait toutefois masquer l’augmentation de 1,4 milliard d’euros des dépenses nettes par rapport à la loi de finances initiale, traduisant une hausse de 1 milliard d’euros de la charge de la dette, laquelle progresse ainsi de 5,9 milliards d’euros par rapport à 2010, et un accroissement de 0,4 milliard d’euros des crédits de personnel.
Si le gel en valeur des dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions est respecté, c’est donc surtout grâce à la réduction des dépenses d’investissement des collectivités locales, une réduction dont nous serions bien mal avisés, ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, de nous réjouir.
Mes chers collègues, nous sommes nombreux à l’avoir déploré : la forte diminution de l’investissement local liée à la crise se traduit par une baisse des prélèvements sur recettes, en particulier de celui qui alimente le FCTVA. Certes, l’effort de maîtrise doit toucher tous les comptes publics, mais les investissements des collectivités territoriales constituent aussi un des moteurs essentiels – pour ne pas dire « le » moteur – de la croissance.
En outre, je remarque que l’État ne s’applique pas à lui-même les injonctions en matière de croissance des dépenses de personnels qu’il adresse régulièrement aux collectivités territoriales, jugées trop dépensières par le Gouvernement, puisqu’il s’autorise en 2011 un dérapage de 0,4 milliard d’euros des crédits du titre II.
On pourrait également être tenté de féliciter le Gouvernement pour la réduction du déficit budgétaire, lequel s’établit à 99,4 milliards d’euros en octobre 2011, soit un recul de plus de 33 milliards d’euros en un an. Mais, derrière l’habillage, monsieur le secrétaire d’État, il y a la réalité des chiffres. Or ceux-ci révèlent que cette diminution est surtout due à des facteurs exceptionnels tels que la non-reconduction des dépenses liées aux « investissements d’avenir » ou au « grand emprunt », ainsi qu’à la baisse des prélèvements sur recettes résultant de la fin du surcoût engendré par la réforme de la taxe professionnelle.
Enfin, ce collectif est l’un des trois textes dans lesquels sont intégrées les mesures issues du deuxième plan de rigueur. Le Gouvernement a insisté à maintes reprises sur le fait que ces mesures pèseraient principalement sur les dépenses. Ce collectif budgétaire entretient effectivement cette illusion en utilisant l’« artifice de l’horizon 2016 ». En effet, si l’on prend seulement en compte les années 2011-2012, la réduction du déficit repose majoritairement sur les recettes.
On attend donc toujours les arbitrages en termes de réduction des dépenses. Pour le moment, ceux-ci se résument essentiellement à la sacro-sainte révision générale des politiques publiques. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, nous regrettons cette orientation.
Mes chers collègues, compte tenu de ces observations, la très grande majorité des membres du groupe RDSE votera la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre collègue rapporteure générale. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous voici de nouveau appelés à discuter du collectif budgétaire de fin d’année, six jours à peine après son adoption en première lecture, au lendemain de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et de la nouvelle lecture du projet de loi de finances au Sénat.
L’habituel marathon budgétaire a été particulièrement intense cette année, d’autant qu’il s’est doublé d’un chassé-croisé plutôt inédit des textes budgétaires.
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
L’Assemblée nationale est revenue hier sur la plupart des dispositions votées par la majorité de gauche au Sénat, soit pour réintroduire les articles supprimés, soit pour supprimer certaines dispositions introduites, contre l’avis du Gouvernement et malgré l’opposition du groupe UMP, par la Haute Assemblée.
Notons néanmoins que, concernant le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, et le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, la position unanime du Sénat n’a pas été remise en cause, ce dont nous nous félicitons. Le renforcement de la part des représentants des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration du FACÉ, qui est passée d’un tiers à deux cinquièmes des sièges, et l’encadrement par la loi des modalités d’action du Fonds constituent d’incontestables avancées.
Les députés ont cependant, plutôt à juste raison, rejeté la proposition de réaliser un rapport sur la transformation de ce Fonds en compte d’affectation spéciale, une telle transformation ayant justement pour vocation d’apporter au Parlement toutes les garanties nécessaires et rendant obligatoire la publication d’un rapport annuel de performance.
Les députés ont par ailleurs rétabli l’augmentation du taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 %, laquelle avait été supprimée par la majorité de gauche du Sénat.
Le présent collectif budgétaire a encore été l’occasion pour la gauche sénatoriale, comme ce fut le cas avec le projet de loi de finances pour 2012, de détricoter une grande partie des mesures emblématiques proposées par le Gouvernement. Le relèvement du taux réduit de TVA, qui est l’une des mesures les plus importantes du plan de retour à l’équilibre des finances publiques présenté courageusement par François Fillon le 7 novembre dernier, devrait pourtant rapporter la bagatelle de 1,8 milliard d’euros au budget de l’État…
Les sénateurs de gauche choisissent donc la facilité plutôt que la responsabilité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean Bizet. Eh oui !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Dallier. Ainsi, au-delà de la TVA, le Sénat a voté la semaine dernière le projet de loi de finances rectificative après l’avoir expurgé de la plupart des autres mesures issues du deuxième plan Fillon.
Jamais à un paradoxe près, la gauche accuse la majorité de construire le budget sur des hypothèses de croissance « fantaisistes »,…
M. Ronan Kerdraon. Oui !
M. Philippe Dallier. … tout en entravant l’action du Gouvernement visant à anticiper le ralentissement de la croissance mondiale !
La gauche accuse le Gouvernement de mener une « politique d’austérité » tout en votant 32 milliards d’euros de taxes supplémentaires en deux mois… (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
M. Jean Bizet. Allez comprendre !
M. Philippe Dallier. Cherchez l’erreur ! Imaginez les conséquences de cette décision ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Si l’on suivait la gauche, il faudrait parler non plus d’austérité, mais de récession programmée.
Le plan Fillon II permet un effort dosé, sans peser sur la croissance. L’objectif est bien d’adapter la contribution de chacun en fonction de ses capacités, de préserver les plus fragiles et de laisser des marges de manœuvre aux entreprises.
Le groupe UMP approuve les modifications apportées par l’Assemblée nationale concernant l’augmentation du taux réduit de TVA.
Ainsi, sur l’initiative de notre collègue député François Scellier, le taux de 5,5 % a été maintenu en faveur de l’ensemble des opérations de logement social, de construction et de rénovation, à la condition que ces opérations aient obtenu une autorisation de l’État avant le 1er janvier 2012 ou, dans le cas où une telle autorisation ne serait pas prévue, qu’un avant-contrat de vente ait été signé, une demande de permis de construire déposée ou un acompte versé avant cette même date.
De même, pour les travaux dans les logements, le taux réduit de 5,5 % est maintenu quand un devis a été établi avant le 20 décembre 2011 et le paiement encaissé.
Le groupe UMP approuve également le délai de trois mois laissé aux libraires pour s’organiser avant le passage à 7 % du taux de TVA sur les livres.
Enfin, nous approuvons la suppression par les députés de la mesure réintroduite par la gauche sénatoriale dans le projet de loi de finances rectificative – elle l’avait déjà introduite dans le projet de loi de finances – et mettant fin à la défiscalisation des heures supplémentaires. Sans refaire tout le débat sur ce sujet, je rappellerai simplement que ce sont 9 millions de salariés, dont le salaire mensuel moyen s’élève à 1 500 euros, qui bénéficient de ces heures supplémentaires et gagnent ainsi 460 euros de plus par an. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Dallier. C’est bien du pouvoir d’achat supplémentaire pour les ouvriers, les employés, les enseignants. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Ces catégories ne sont pas les plus aisées, contrairement à ce que vous laissez parfois entendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, ne vous en déplaise, chers collègues de la majorité sénatoriale, le nombre d’heures supplémentaires est en hausse.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est un effet d’aubaine !
M. Philippe Dallier. C’est bien la preuve que les salariés et les entreprises ont adopté ce dispositif. (Interjections véhémentes sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Contrairement à ce que vous pensez, le travail n’est pas un gâteau que l’on partage en parts égales : l’emploi ne se décrète pas ! (Hourvari sur les mêmes travées.)
Lorsque j’entends nos chers collègues du nouveau groupe EELV nous proposer de passer maintenant aux 32 heures,…
M. Alain Gournac. Ah ! Et pourquoi pas 22 ?
M. Philippe Dallier. … les bras m’en tombent !
Mme Renée Nicoux. Que font les Allemands ?
M. Philippe Dallier. Si les 35 heures avaient permis de créer des emplois, cela se saurait ! Et si les 32 heures doivent créer des emplois, autant passer tout de suite aux 25 heures : on réglera ainsi le problème du chômage !
M. Gilbert Roger. Vous, vous êtes plus forts pour la caricature que pour la lutte contre le chômage !
M. Philippe Dallier. À la vérité, avec les 35 heures, on a tiré le niveau de vie des Français et les finances publiques vers le bas, sans remplir la promesse de l’emploi pour tous. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Renée Nicoux. Et où en est-on des promesses de la droite sur l’emploi ?
M. Philippe Dallier. La défiscalisation des heures supplémentaires permet d’assouplir la logique sclérosante des 35 heures.
MM. Jean Bizet et Bruno Sido. Très bien !
M. Philippe Dallier. Le groupe UMP tient également à rappeler une nouvelle fois que ce collectif budgétaire témoigne du respect des engagements pris par le Gouvernement en matière de réduction des déficits publics.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Philippe Dallier. En 2011, le déficit budgétaire de l’État diminue de plus d’un tiers et, pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État hors dette et pensions baissent en valeur. Ça, c’est une vraie nouveauté, mais vous oubliez d’en parler, chers collègues !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est surtout un artifice !
M. Philippe Dallier. L’objectif initial de gel en valeur des dépenses de l’État est ainsi dépassé : dès 2011, les dépenses sont réduites de plus de 200 millions d’euros et les économies réalisées affectées au désendettement de l’État.
Engagements tenus, réactivité face à la crise : voilà pourquoi le groupe UMP est favorable au présent projet de loi de finances rectificative pour 2011. En conséquence, il votera contre la motion tendant à opposer la question préalable et à rejeter le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la commission mixte paritaire ait abouti à un désaccord n’est finalement rien de moins que logique. La discussion du texte initial, la semaine dernière, et l’issue des débats sur le projet de loi de finances pour 2012 ont déjà montré les désaccords et les divergences d’appréciation existant entre les deux assemblées sur les lois budgétaires.
Le projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd'hui soumis présente les caractéristiques habituelles d’un collectif de fin d’année : c’est l’occasion d’adopter des mesures de dernière minute, insuffisamment mûres pour pouvoir être incluses dans un autre texte financier, d’ouvrir des crédits pour les dépenses dites « de guichet », lesquelles sont régulièrement sous-évaluées en loi de finances initiale – il faudra d’ailleurs un jour se demander pourquoi on ne parvient pas à les évaluer correctement –, d’annuler des crédits dits « de la réserve de précaution », mais, comme souvent, au-delà des ouvertures nettes de crédits votées par le Parlement.
Ce collectif est également l’occasion d’économies de constatation, dont il n’y a pas lieu de particulièrement se réjouir, surtout lorsqu’elles résultent de la diminution de l’investissement des collectivités territoriales : l’écart serait de près de 10 %, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Yvon Collin. Cela témoigne d’ailleurs des difficultés rencontrées par les collectivités.
Plus fondamental est le débat sur les remèdes déclinés dans ce collectif budgétaire pour réduire le déficit public et, par voie de conséquence, la dette publique.
Quel constat peut-on faire à la fin de notre marathon budgétaire ?
La réduction de la dette publique n’est pas forcément à l’ordre du jour : en effet, la situation de 2012 laisse perdurer un déficit de fonctionnement, produit du poids, parfaitement excessif selon nous, de la dépense fiscale et surtout des abandons de recettes.
Que fait le Gouvernement pour réduire le déficit, alors que la situation économique globale, marquée par une récession qui devrait durer au moins deux trimestres, se dégrade ? Il s’attaque à l’un des moteurs de la croissance : la consommation des ménages.
L’augmentation du taux réduit de TVA sur un certain nombre de produits, de biens ou de travaux, pour un rendement attendu d’environ 2 milliards d’euros, représente l'équivalent de l’allégement de l’ISF que vous avez décidé en 2011. Or cette mesure contribuera clairement à réduire la consommation.
Quant au gel du barème de l’impôt sur le revenu, dont la discussion a montré, avec force exemples, qu’il frappait d’abord les contribuables les plus modestes, il suscitera probablement une sorte d’épargne de précaution de la part des contribuables se situant à la limite des différents plafonds de l’impôt.
Surtout, l’imposition effective de plusieurs dizaines de milliers de contribuables mettra aussi en cause l’exercice de certains droits connexes, à commencer par le plafonnement des impositions locales, ainsi que les conditions d’attribution des aides personnelles au logement. Au vu du poids que représente la part consacrée au logement par les foyers à revenu modeste, il apparaît que la cible qui sera touchée est particulièrement mal choisie.
Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé la proposition présentée par notre collègue Christian Cambon, sous-amendée par notre groupe et le groupe socialiste-EELV, puis approuvée unanimement par le Sénat, qui mettait en place les moyens rendant effectif l’accès à l’eau. La France va aborder le Forum mondial de l’eau, à Marseille, dans de bonnes conditions…
La taxation temporaire des entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires au titre de l’impôt sur les sociétés nous a, quant à elle, été présentée comme une mesure de justice, visant à protéger les PME. Évidemment ! Les ménages étant déjà fortement mis à contribution par le Gouvernement, il aurait été difficile de ne pas solliciter, ne fût-ce qu’un peu, les entreprises !
Le Gouvernement et sa majorité devraient envisager de ne pas demander plus d’efforts aux ménages, car ils ont déjà largement payé la facture du déficit, notamment via la hausse de la fiscalité et la mise à mal des services publics. Le présent collectif, tout comme la loi de finances initiale pour 2012, accentue ces choix politiques.
L’accompagnement des PME appelle d’autres réponses que celles que vous apportez. Si l’on veut vraiment que la France redevienne un pays producteur de ce qu’elle consomme, à moins que j’interprète mal le nouveau credo que je vous ai entendu proclamer ce matin à la radio, monsieur le secrétaire d'État,…
M. Bruno Sido. Non, c’est bien ça !
Mme Marie-France Beaufils. … une démarche bien différente de celle que vous proposez me semble devoir être suivie.
Les petites et moyennes entreprises éprouvent aujourd'hui des difficultés pour obtenir auprès des établissements bancaires les moyens financiers indispensables à leur activité et à leur développement. De très petites entreprises et des artisans voient assez souvent la taxe professionnelle laisser place à une contribution économique territoriale plus élevée, alors qu’ils sont déjà les premiers à ressentir la baisse de la consommation des ménages.
Il est grand temps de remettre les choses à l’endroit. Nous sommes arrivés au bout d’un cycle économique, largement guidé par la dérégulation, le laisser-faire, la libéralisation de la circulation des capitaux, la financiarisation des activités économiques. Il faut en sortir !
Vingt-cinq ans de libéralisme sans obstacles majeurs ont conduit à des déficits toujours plus lourds et à une dette publique de moins en moins maîtrisée. Toute politique budgétaire nouvelle appelle une rupture avec ces pratiques du passé, ce mode de gestion publique qui fait supporter le risque et les coûts sociaux de l’économie de marché par les finances publiques, en privatisant de manière exclusive les bénéfices que l’on peut en tirer.
Le passage au crible de l’ensemble de la dépense fiscale et des dépenses publiques motivées par l’« aide aux entreprises » – expression fourre-tout recouvrant des acceptions fort différentes –, dont l’efficacité n’est pas toujours démontrée, est une nécessité.
Accroître les recettes publiques est une obligation pour relancer l’activité. Il est temps de réhabiliter l’impôt progressif sur le revenu et d’en accroître le rendement. C’était le sens des propositions qu’avait faites la majorité sénatoriale en première lecture de la loi de finances pour 2012.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. Il s’agissait par là non seulement de réduire les déficits, mais d’abord d’accroître l’activité en décourageant la financiarisation et en facilitant les réinvestissements, et de faire face à la dépense publique, indispensable au maintien et au développement des services publics dont notre pays a besoin.
Le débat est ouvert et le restera au moins jusqu’au printemps prochain. Espérons qu’il donnera naissance à une nouvelle conception de la croissance, plus respectueuse des équilibres sociaux et environnementaux. Car ce sont bien les électeurs qui, en dernière instance, arbitreront cette confrontation d’idées.
En attendant, nous voterons en faveur de la motion présentée par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, vice-président de la commission des finances.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade de la discussion, mais les propos de M. le secrétaire d'État me conduisent à formuler quelques commentaires.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je suis très heureux de vous donner cette possibilité ! (Sourires.)
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Je suis d’autant plus enclin à le faire qu’ils s’inscrivent dans la même ligne que ceux qui nous ont été tenus ici hier par Mme Pécresse, ministre du budget.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Nous qui avons travaillé pendant six semaines sur le projet de budget ne pouvons que regretter l’approche manichéenne adoptée par le Gouvernement. (Protestations sur les travées de l’UMP.) À vous écouter, elle et vous, monsieur le secrétaire d'État, on a le sentiment que, dans ce débat, s’opposent la vertu et la médiocrité, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, le Gouvernement, ou la droite, et les autres !
M. Alain Gournac. Mais c’est vrai !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. La gauche, à travers ses propositions, ne se livre pas à un exercice de style « baroque », comme l’a affirmé hier Mme Pécresse. Cette caricature me semble tout à fait regrettable dans l’exercice du débat parlementaire. Il est en outre inacceptable d’avancer, comme elle l’a fait hier à plusieurs reprises, et comme vous venez de le faire à votre tour, monsieur le secrétaire d'État, qu’une seule politique est possible aujourd'hui en France.
Au contraire, notre conception de la politique nous pousse à envisager plusieurs voies. Nous respectons tout à fait celle qui a été empruntée ces dernières années, mais ne pouvons que voir à quel échec elle a conduit : en cinq ans, la dette de la France a augmenté de 500 milliards d’euros ! Est-ce là le « quinquennat d’avance » dont on nous a parlé hier ?
M. Roland Courteau. Oui, ce doit être ça !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Si c’est le cas, nous avons raison de ne pas vouloir suivre cette voie !
J’en viens au présent projet de loi de finances rectificative.
La centaine d’amendements que nous avons adoptés, qui ont malheureusement été pour nombre d’entre eux refusés par les députés, avaient vocation à répondre à trois exigences principales.
J’exclus d’emblée la question du désendettement, car nous nous sommes déjà longuement expliqués sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2012, qui nous a permis de dégager 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Vous nous dites que la vocation de la gauche est de créer des taxes, toujours des taxes… En vérité, monsieur le secrétaire d'État, je crois plutôt que nous avons fait le travail à votre place (MM. Jackie Pierre et Alain Gournac s’esclaffent.), en trouvant des recettes qui respectent le principe d’une plus grande équité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut oser le dire !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Le désendettement est une contrainte qui s’impose malheureusement à tous. Les recettes que nous avons trouvées montrent que nous y prenons notre part.
Trois exigences, donc, ont guidé nos propositions.
La première est de faire en sorte que le pouvoir d’achat des plus fragiles de nos concitoyens soit préservé. Sur ce point, les différences entre les propositions du Gouvernement et les nôtres sont particulièrement significatives.
Différents économistes ont récemment observé que le décrochage de la croissance française au cours de l’année 2011, en particulier au deuxième trimestre, est provenu de la baisse de la consommation des ménages les plus modestes. Nos concitoyens dont le revenu se situe entre 0,5 et 1,5 SMIC – ils représentent quelque 30 % de la population – sont les plus affectés par toutes les mesures qui créent de l’inquiétude face à l’avenir et qui induisent déjà une perte de pouvoir d’achat à court terme.
C’est pourquoi nous avons souhaité ne pas vous suivre, en particulier, sur deux mesures contenues dans le présent projet de loi de finances rectificative.
La première mesure consiste dans le relèvement de 5,5 % à 7 % du taux réduit de TVA, car nous avons démontré qu’elle touchait surtout les plus modestes.
La seconde mesure est le gel du barème de l’impôt sur le revenu, car, là encore, nous avons apporté la preuve que, contrairement à ce que vous avanciez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, un ménage situé au plus bas de l’échelle de l’impôt sur le revenu devra s’acquitter d’un impôt majoré de 80 %, tandis qu’un ménage situé en haut de l’échelle ne verra sa contribution augmenter que de 1 % environ. Le gel du barème, loin de servir la progressivité de l’impôt, tend donc à pénaliser les foyers les plus modestes.
Notre deuxième exigence porte sur la fiscalité, qui n’est aujourd'hui ni équitable ni efficace. Les propositions que nous avons faites en la matière n’ont pas été retenues par l’Assemblée nationale, ce qui est regrettable. La fiscalité doit en effet être améliorée et tendre vers un rééquilibrage de la taxation des revenus du travail et du capital.
Notre troisième exigence concerne les PME et les PMI. Il n’a pas dû vous échapper, monsieur le secrétaire d'État, que le tissu des PME était de plus en plus sclérosé. Il semble plus que jamais incapable de répondre aux enjeux du moment, et au premier chef à celui de l’exportation. Vous connaissez les chiffres mieux que nous : le commerce extérieur de la France connaît une véritable déroute. Son déficit, qui était de 51 milliards d’euros l’an passé, atteindra 70 milliards à 75 milliards d’euros cette année, soit une augmentation de 50 % !
M. Michel Bécot. Les 35 heures !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Or nos PME semblent incapables de s’inscrire dans une démarche exportatrice. Ce constat illustre aussi l’incapacité du Gouvernement à « muscler » davantage les PME, son souci ayant beaucoup plus porté sur les grands groupes.
Au regard de cette situation, tous les amendements que nous avons présentés avaient du sens. La politique menée par le Gouvernement, quant à elle, s’est inscrite dans une logique élitiste.
M. Alain Gournac. Non !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Les profiteurs de ce quinquennat sont clairement identifiés. Les voilà, ceux qui ont un « quinquennat d’avance » ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Les contribuables aisés et les grands groupes ont en effet tiré le meilleur parti de la politique développée par le Gouvernement pendant cinq ans.
Il faut sortir de cette logique, promouvoir l’équité, mobiliser le pays en mettant les PME au cœur de son développement, ce qui implique de leur donner les moyens nécessaires, et dégager progressivement une nouvelle orientation de croissance.
Nous ne pouvons donc pas suivre les préconisations du Gouvernement figurant dans le présent projet de loi de finances rectificative. C’est la raison pour laquelle la question préalable, qui sera présentée par la rapporteure générale, est conforme à notre logique : retrouver la croissance et désendetter le pays, bien sûr, mais à travers une politique équilibrée et plus solidaire. C’est notre démarche, et je pense que c’est la bonne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Merci, monsieur Hollande !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs qui viennent de s’exprimer. La force du débat parlementaire est de révéler des clivages profonds, qui témoignent de conceptions politiques foncièrement différentes. Cela ne veut pas dire qu’il y a d’un côté ceux qui savent et de l’autre ceux qui ne savent pas, monsieur Marc ! Cela signifie simplement que nous sommes en désaccord profond sur la politique budgétaire à mener. (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Eh bien, c’est au moins un point d’accord entre nous : le fait que nous soyons en désaccord profond ! (Sourires.)
La discussion générale vient de le montrer, la majorité et l’opposition défendent deux conceptions irréconciliables de la politique budgétaire : la majorité du Sénat persiste à nier la nécessité de réduire la dépense publique quand le Gouvernement sait que la réduction de celle-ci est une priorité absolue.
Mme Marie-France Beaufils. Le problème ne se pose pas en ces termes !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Marc, les Français n’attendent pas que nous nous envoyions des anathèmes ; ils veulent au contraire que nous travaillions ensemble pour trouver des solutions à la crise mondiale que traverse notre pays.
Bien entendu, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, vous n’êtes pas obligés de partager les positions du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Caffet. Encore heureux !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il est parfaitement normal que vous puissiez exprimer vos idées, présenter vos propositions et défendre la logique qui est la vôtre.
Mais, et ce point est essentiel à mes yeux, vous allez dans le sens d’une dérive qui se poursuit malheureusement depuis une trentaine d’années. Les Français ont fini par oublier que l’argent dépensé par l’État était le leur. En effet, et j’ai eu ce débat avec Mme Nicoux, l’argent de l’État, ce sont les impôts que lui versent nos compatriotes.
Dans les circonstances actuelles, prétendre qu’il est possible d’augmenter le nombre de fonctionnaires ou de créer des emplois non pas dans l’entreprise, mais dans le secteur public, c’est faire croire aux Français qu’on peut continuer à dépenser leur argent, donc à creuser les déficits et, au final, à alourdir la dette !
Vous connaissez notre stratégie. Comme vous avez pu le constater lors de l’examen des différents textes financiers dont vous avez été saisis, notre priorité est de réaliser des économies sur les dépenses. Les ouvertures de crédits sont limitées et nous faisons un effort de réduction de ces dépenses.
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne faites rien sur les recettes !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nous n’avons aucune volonté – je le précise devant la Haute Assemblée – de nuire aux collectivités locales ; nous souhaitons simplement maîtriser les concours de l’État.
Il n’est tout de même pas anormal que les collectivités locales participent, au même titre que l’ensemble des administrations de l’État, à l’effort de réduction des dépenses publiques. Au demeurant, il leur est demandé de baisser non pas leurs dépenses d’investissement, mais seulement leurs dépenses de fonctionnement.
M. Marc Massion. Elles le font déjà !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. L’État ne peut pas être le seul à réduire le nombre de fonctionnaires. Cette nécessité s’impose à tous !
J’ai déjà eu l’occasion de souligner que la discussion au Sénat avait parfois été constructive. Des éléments de consensus sont apparus. Nous avons pu trouver des points d’accord sur certaines dispositions, et des mesures proposées par le Gouvernement ont même fait l’objet – Mme la rapporteur générale l’a rappelé tout à l’heure – d’un vote conforme !
Je pense notamment au FACÉ. Nous avons eu de longs débats sur le sujet. Comme vous avez pu le constater, le Gouvernement a soutenu les amendements tendant à renforcer le rôle des collectivités locales dans la gouvernance de fonds.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. D’une manière générale, le Gouvernement s’est montré attentif à l’égard des positions qui ont été défendues sur l’ensemble des travées du Sénat.
Mme Bricq a insisté à juste titre sur la nécessité de faire preuve de crédibilité vis-à-vis de l’Europe, en exprimant la crainte que certains pays ne suivent pas la trajectoire fixée de manière cohérente. Mais, madame la rapporteur générale, la crédibilité repose d’abord sur le respect des engagements que la France a pris en matière de finances publiques ! Et l’effort sans précédent que nous réalisons sur les dépenses publiques permet de limiter au strict nécessaire les efforts sur les recettes.
Là se trouve la grande différence entre nos conceptions budgétaires respectives : vous, vous choisissez de faire porter l’effort sur les recettes, en ponctionnant les entreprises.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oh non, vous n’allez pas recommencer !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Marc, vous avez évoqué les difficultés des PME à exporter. Mais la majorité sénatoriale a augmenté de 50 % la fiscalité sur les entreprises lors de l’examen du projet de loi de finances ! Convenez-en, ce n’est pas en taxant plus les entreprises que vous améliorerez leur compétitivité !
Par ailleurs – le sujet n’a pas été abordé dans le débat, mais je tiens à le mentionner au moment où la Haute Assemblée permet aux sénateurs écologistes de disposer de leur propre groupe parlementaire –, un des éléments les plus forts de la compétitivité de nos entreprises réside dans l’énergie nucléaire ! N’importe quel artisan ou patron de PME vous le confirmera : la faiblesse du coût de l’électricité est l’un des principaux avantages compétitifs de la France !
Je ne souhaite évidemment pas donner de leçon à quiconque ; chacun peut avoir ses propres convictions. Mais j’ai voulu acter – vous avez fait de même dans votre conclusion – nos différences de conception budgétaire.
J’ai souligné tout à l’heure que les produits de première nécessité seraient épargnés par la hausse du taux réduit de TVA, afin de protéger les publics fragiles. D’aucuns nous ont même reproché de maintenir un taux de TVA à 5,5 % et de ne pas avoir tout porté à 7 %, en nous expliquant que notre solution était complexe ! Elle est peut-être complexe, mais nous y tenons, au nom du pouvoir d'achat.
Monsieur Collin, vous avez affirmé que nous ne préservions pas les publics fragiles. Mais le gel du barème de l’impôt sur le revenu frappe d’abord les revenus les plus élevés ; c’est le principe même de la progressivité. Ne cherchez donc pas à démontrer l’indémontrable par des calculs fondés sur des hausses peut-être importantes en pourcentage, mais très faibles en volume. Ce serait tout de même un comble que vous remettiez en cause la progressivité !
D’ailleurs, un foyer sur deux n’acquitte pas l’impôt sur le revenu, et 70 % du produit de ce prélèvement est supporté par 10 % seulement des personnes qui y sont assujetties.
Je voudrais remercier M. Dallier des propos qu’il a tenus. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Renée Nicoux. Quelle surprise !
M. Jacky Le Menn. Il l’a bien mérité ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Il a été très bon !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Comme il l’a rappelé à juste titre, nous avons su, avec l’Assemblée nationale, adapter l’entrée en vigueur de la réforme de la TVA pour les libraires, ainsi que pour les constructions de logements sociaux ou les travaux de rénovation.
Nous aurions aimé pouvoir le faire ici, mais la suppression du dispositif par le Sénat a empêché tout débat. J’avais moi-même évoqué les dispositifs spécifiques que nous envisagions de mettre en place, notamment pour les libraires.
Je suis également d'accord avec vous sur les heures supplémentaires, monsieur Dallier.
Mme Renée Nicoux. Bien sûr…
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. L’opposition devra un jour assumer ses choix. La suppression du régime des heures supplémentaires représenterait une perte d’environ 400 euros pour près de 9 millions de salariés !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à aller à la rencontre d’artisans ou de patrons de PME dans vos départements. Demandez-leur ce qui se produirait en cas de disparition du dispositif.
M. Martial Bourquin. On embauchera !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Interrogez donc les ouvriers des départements dans lesquels je me suis rendu, comme ceux de la Creuse, terre d’élection de Mme Nicoux.
Les artisans ont besoin de ce système, et les ouvriers aussi, ne serait-ce que pour leur pouvoir d'achat.
M. Gilbert Roger. Taxez Mme Bettencourt !
M. Martial Bourquin. Quand il y a 4 millions de chômeurs, un tel régime est absurde !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je vous rejoins sur un point, madame Beaufils : nous avons effectivement mis à contribution les foyers les plus aisés.
Mme Marie-France Beaufils. Mais je n’ai jamais dit cela !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous avez dit qu’il fallait les mettre à contribution. Et je vous réponds que nous sommes d'accord puisque c’est ce que nous avons fait.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je pense à la hausse sur les prélèvements sociaux, à la contribution sur les hauts revenus, à la réforme des plus-values immobilières ou au rapprochement entre fiscalité du capital et fiscalité du travail, avec la hausse du prélèvement forfaitaire libératoire.
Au total, les foyers les plus aisés sont mis à contribution à hauteur de plus de 2,5 milliards d’euros.
Je vous pose la question : qui a mis en place un système de plafonnement des niches fiscales ? J’étais député lorsque j’ai défendu cette idée au côté de Pierre Méhaignerie. Le dispositif a même été renforcé depuis.
Permettez-moi de souligner que, avant que ce gouvernement ne soit en place, l’addition des niches fiscales existantes permettait – et personne, pas même une majorité de gauche, n’avait remis cela en cause – à certains parmi les plus favorisés d’échapper complètement à l’impôt, remettant ainsi totalement en cause sa progressivité.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Certains continuent de recevoir un chèque de trop-perçu...
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je vous remercie donc, madame Beaufils, de m’avoir permis de rappeler ce que nous avons fait en matière de fiscalité.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Vous avez aussi fait le bouclier fiscal !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il est un point sur lequel je souhaite donner acte au Sénat,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À la majorité de gauche du Sénat !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … notamment à la commission des finances. Il y a eu des débats constructifs et des votes conformes sur plusieurs sujets, par exemple sur le tourisme. Il est même arrivé que les paroles entendues sur les travées de la gauche sénatoriale soient plus sensées et réalistes que certains des propos tenus…
M. Richard Yung. Par la droite ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … à l’Assemblée nationale, par la gauche comme par droite.
Mais la crédibilité des positions que vous avez défendues lors de l’examen des différentes lois de finances est entachée, car il y a une lacune majeure. Vous avez clairement montré que, malgré tout ce qui s’est passé dans notre pays au fil des années, vous ne faites toujours pas de la baisse des dépenses publiques une priorité.
Mme Marie-France Beaufils. Le problème, ce ne sont pas les dépenses ; c’est l’insuffisance des recettes !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nos compatriotes, eux, ont bien compris que l’argent de l’État était celui de leurs impôts. Sans réduction des dépenses publiques, il ne sera possible ni aux entreprises ni aux citoyens de tirer notre pays vers le haut, de stimuler la croissance et de créer des emplois ! (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que le rétablissement du solde budgétaire affiché par le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011 résulte essentiellement d’économies de constatation ou de la non-reconduction d’opérations exceptionnelles ayant marqué l’exercice 2010 ;
Considérant que les ouvertures de crédits demandées en fin d’exercice, tant en collectif budgétaire que par décret d’avance, confirment la persistance de sous-budgétisations en loi de finances initiale ;
Considérant qu’un nombre significatif d’articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées et que plusieurs initiatives du Sénat ont été retenues par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ;
Considérant toutefois que l’Assemblée nationale n’a pas conservé certaines dispositions introduites par le Sénat dans le but de préserver la libre administration des collectivités territoriales ;
Considérant que les mesures dites « de redressement » contenues dans le projet de loi ne sauraient être approuvées, dans la mesure où elles consistent principalement à alourdir la fiscalité de la consommation et des revenus du travail, sans améliorer la justice et la progressivité de notre système fiscal ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme la rapporteure générale, auteur de la motion.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois avoir suffisamment exposé les raisons qui justifient le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable lors de la discussion générale. Je souhaite donc que le Sénat l’adopte.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, je ne crois pas trop m’avancer en supposant que le Gouvernement demande le rejet de cette motion…
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En effet, monsieur le président, et je crois m’être, moi aussi, déjà amplement expliqué sur les raisons de cette position.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. La lecture rapide de ses considérants est suffisamment édifiante pour justifier pleinement notre position.
Le premier considérant consiste à enfoncer des portes ouvertes ! Il est fait référence aux « économies de constatation » : il est tout de même normal que des constatations soient faites une fois que le budget est adopté. ! Il est également fait mention de la « non-reconduction d’opérations exceptionnelles » : comme il s’agit du plan de relance 2009-2010, il était logique que les opérations ne fussent pas reconduites en 2011 !
Le deuxième considérant porte sur les ouvertures de crédits et les sous-budgétisations de la loi de finances initiale. Mais, là encore, c’est quelque chose de tout à fait habituel puisque les lois de finances initiales sont fondées sur des prévisions.
Le troisième considérant est un peu plus intéressant puisqu’il souligne, même si c’est surtout pour déplorer que ce n’ait pas été systématiquement le cas, que nous avons tout de même voté un nombre significatif de dispositions dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, celle-ci ayant en outre conservé plusieurs de celles qui avaient été introduites par le Sénat. Je souligne au passage que c’est notamment grâce au rapporteur général de l’Assemblée nationale que, sur un certain nombre de points, la position du Sénat a pu prévaloir, ce dont nous nous félicitons.
Le quatrième considérant porte sur le fait que l’Assemblée nationale n’a pas conservé les dispositions préservant la « libre administration des collectivités territoriales ».
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vrai !
M. Francis Delattre. Vous reconnaîtrez, madame Bricq, que c’est là une vraie tarte à la crème !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous n’aimez pas la crème ?
M. Francis Delattre. Peut-être cela vise-t-il les 200 millions d’euros qui se sont promenés entre vos propositions et les nôtres…
J’en profite pour réaffirmer très clairement que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort collectif tendant à remettre nos finances en ordre.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Donnez l’exemple !
M. Francis Delattre. Peut-être est-ce une allusion à la péréquation horizontale.
Effectivement, c’est une atteinte incontestable à la libre administration des collectivités territoriales. Mais nous sommes ici quelques-uns à penser qu’il serait préférable que cette péréquation s’opère à l’échelon régional. Or, dans les régions que vous gérez, force est de constater que vous faites preuve d’une grande abstinence en matière de péréquation horizontale ! (Sourires, exclamations et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Ils sont démasqués !
M. Francis Delattre. Nous devons avoir le courage de mettre en place de vraies régions sur le modèle des Länder allemands, puisque l’Allemagne est désormais le modèle, donne la ligne directrice. Les Länder, c’est autre chose que nos régions !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’Île-de-France est la première région d’Europe !
M. Francis Delattre. Il faudrait constituer neuf ou dix régions : alors, la péréquation horizontale aurait un sens. Du reste, je ne connais qu’une seule Normandie, de même qu’il n’y a qu’une seule Bretagne ! De telles régions pourraient mettre en place une péréquation horizontale un peu moins stupide que celle qui est prévue et qui fera payer les banlieues ouvrières pour le secteur rural.
Le cinquième considérant est le plus intéressant. Vous expliquez que le projet de loi alourdit la fiscalité de la consommation et des revenus du travail. Or le relèvement du taux réduit de TVA – les Allemands n’ont pas fait autre chose, entre nous soit dit ! – rapportera tout de même 1,8 milliard d’euros et portera essentiellement sur les travaux. Qui peut croire qu’une TVA portée de 5,5 % à 7 % fera renoncer quiconque à des travaux ? En tout cas, dans mon département, personne ne m’a dit qu’un tel relèvement était déraisonnable. Mais mes interlocuteurs sont peut-être plus raisonnables que nous !
Vous déplorez également que le texte n’améliore pas la progressivité de notre système fiscal. Nous aurions aimé que votre « laboratoire » produise quelques chiffres sur votre projet de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG !
Mme Marie-France Beaufils. On l’a proposé en loi de finances initiale et vous l’avez refusé !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Il fallait voter !
M. Francis Delattre. Sur la base de ces éléments, nous aurions pu engager un vrai dialogue.
Vous affirmez régulièrement que nous sommes contre la progressivité. C’est faux ! D’ailleurs, elle est engagée. Le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale ne vous a-t-il pas dit, madame Bricq, qu’il était d’accord pour entamer une véritable réforme allant vers la progressivité et l’alignement de la fiscalité, qu’il s’agisse des revenus du travail ou de ceux du capital ? Il a néanmoins souligné qu’il fallait, pour des raisons techniques, ce que vous avez parfaitement compris, ménager un certain nombre d’échéances.
En vérité, toutes les mesures auxquelles vous vous opposez tendent à améliorer la compétitivité de notre économie, seule à même de produire de la croissance, vous le savez parfaitement. Vous avez beaucoup parlé d’alléger la fiscalité sur les PMI sans jamais nous proposer une seule mesure concrète. Or les 8 milliards d’euros d’économie de la taxe professionnelle profiteront non aux grands groupes, comme vous l’affirmez, monsieur Marc, mais à presque toutes les PMI de ce pays. C’est avec ces entreprises industrielles-là que se fera la réindustrialisation de la France, et non avec les grands groupes, qui déploient des stratégies mondiales et s’implantent d’abord là où se trouve le marché.
L’industrie automobile anglaise, après de longues années au point mort, redémarre grâce à des chaînes de PMI qui fabriquent certes de petits véhicules, mais des véhicules tout de même ! Il y a donc des pistes à explorer.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Francis Delattre. Nous serons en vacances dans trente secondes, monsieur le président : je peux bien parler quelques secondes de plus ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Martial Bourquin. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de plus d’une minute !
M. Francis Delattre. Je suis donc abasourdi devant cette polémique autour de la taxe professionnelle. Le dispositif aidera à lutter contre les délocalisations et les 8 milliards d’euros profiteront à l’activité présente sur notre territoire. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Vous avez l’air d’être gênés par mon propos. (Rires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Caffet. Nous ne sommes pas gênés, nous trouvons seulement que vous parlez depuis trop longtemps !
M. Francis Delattre. Il est vrai que la réforme de la taxe professionnelle a été engagée par le gouvernement Jospin, qui a eu la bonne idée d’enlever les salaires de l’assiette de cette taxe ; nous n’avons fait qu’enlever la part « investissements » ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Martial Bourquin. Deux minutes !
M. Francis Delattre. La vraie philosophie de cette question préalable est de supprimer du projet de loi de finances rectificative pour 2011 tout ce qui concourt à une meilleure compétitivité de notre économie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Après avoir entendu les arguments avancés par M. le secrétaire d’État au sujet des collectivités locales, confortés par ceux de M. Delattre sur la péréquation, j’ai décidé de m’exprimer au nom du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues de la minorité sénatoriale, mais de la majorité présidentielle, je souhaite revenir quelques instants, sans jeter d’anathème ni sombrer dans la caricature, sur les mesures qui sont été prises durant le quinquennat qui va bientôt s’achever.
Le sacro-saint bouclier fiscal, qui nous avait été présenté comme une mesure essentielle afin de relancer la croissance, la TVA sur la restauration, la suppression de l’ISF pour certains assujettis, l’exonération sur les droits de succession, l’exonération des heures supplémentaires sont autant de mesures qui n’ont pas relancé la croissance, mais qui ont accentué le déficit de 500 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, au cours de ce débat, nous vous avons entendu revenir sur la question des 35 heures. La majorité à laquelle vous appartenez gouverne depuis dix ans : si les 35 heures étaient si mauvaises, pourquoi ne les a-t-elle pas supprimées ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Quand on est convaincu qu’une mesure est mauvaise, on abroge la loi ou on rapporte le dispositif : c’est simple ! Or vous ne l’avez pas fait. Allez-vous nous reprocher les 35 heures pendant vingt-cinq ans ? (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Tant qu’elles feront sentir leurs effets néfastes !
M. Gérard Miquel. Vous n’avez pas su rétablir la confiance des investisseurs et vous avez perdu celle des Français.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Gérard Miquel. Aujourd’hui, nos concitoyens considèrent que le principe républicain d’égalité n’est plus respecté. L’injustice fiscale ne fait que croître !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Voilà !
M. Gérard Miquel. Vous faites payer le prix fort de vos erreurs aux classes moyennes et aux petits revenus.
Par ailleurs, en répétant sans cesse que les collectivités locales doivent participer à l’effort indispensable en cette période de crise, vous donnez l’impression qu’elles n’y contribuent pas et qu’elles gèrent mal l’argent public. Or, au titre de la décentralisation, vous leur avez transféré un grand nombre de compétences. Nous sommes profondément décentralisateurs, mais nous voulons que les compensations soient à la hauteur des dépenses engagées, surtout quand il s’agit de gérer des compétences sociales.
Nous avons récemment assisté à un transfert vers les départements de la compétence en matière de prestations destinées aux personnes affectées par un handicap, sujet très sensible dans notre pays. Or la compensation de ce transfert est très loin d’être à la hauteur des besoins, alors même que les conseils généraux sont confrontés à des situations financières insupportables. Et ils ne peuvent évidemment pas augmenter les impôts locaux quand nos concitoyens se débattent déjà dans les pires difficultés, d’autant que les bases de la fiscalité locale sont devenues très injustes et appellent une vraie réforme.
Tout cela signifie que des chantiers importants nous attendent, qui demandent des décisions fortes et non des mesures de bricolage comme celles qui sont mises en œuvre au fil des différentes lois de finances.
Mes chers collègues, pour conclure, je citerai quelques chiffres : les prélèvements obligatoires sont passés entre 2010 et 2012 de 45,5 à 42,8 points de PIB, soit une baisse de 2,7 points, tandis que les dépenses publiques ont décru seulement de 0,4 point durant la même période.
Alors, ne nous dites pas que les choses vont mieux grâce aux mesures que vous avez prises ! Elles vont plus mal parce que vos réformes sont inadaptées à la situation de crise que nous traversons et tendent à en accentuer les effets !
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste-EELV votera la motion tendant à opposer la question préalable, d’autant que vous n’avez accepté aucune des propositions que nous avons faites pour améliorer ce projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est rejeté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
4
Droits, protection et information des consommateurs
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (projet n° 12, texte de la commission n° 176, rapport n° 175 et avis n° 158).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Mesures visant à instaurer plus de concurrence sectorielle au service des consommateurs dans divers secteurs de la consommation courante
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier, à deux amendements portant article additionnel après l’article 2, précédemment réservés.
Articles additionnels après l’article 2 (suite)
M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 613-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-3-1. – Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être sursis à toute mesure d’expulsion lorsque la personne visée par cette procédure a fait une demande au titre de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et est dans l’attente d’une réponse de la commission départementale de médiation.
« Lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle ait obtenu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »
Cet amendement a été présenté hier.
L’avis de la commission est favorable et l’avis du Gouvernement est défavorable.
Je rappelle que notre collègue M. Philippe Dallier a invoqué l’article 40 de la Constitution à l’encontre de l’amendement n° 44 rectifié et, indirectement, à l’encontre de l’amendement n° 45 rectifié, ce qui a entraîné la réserve de ces deux amendements.
Monsieur Dallier, pouvez-vous nous indiquer maintenant la position de la commission des finances quant à la recevabilité de ces deux amendements ?
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, je souhaite tout d’abord apporter une précision, que me paraît appeler ce qui figure dans le procès-verbal de la séance d’hier sur ce point du débat.
Lorsque j’ai pris la parole, j’ai dit que j’assurais la permanence de la commission des finances pour cette semaine, mais il apparaît, à la lecture du compte rendu analytique, que le président de séance n’en était pas informé. C’est d’ailleurs ce qui l’a amené à décider – décision au demeurant fort opportune, car elle nous a donné du temps pour y voir plus clair – de réserver les deux amendements dont nous reprenons maintenant l’examen.
Je voudrais simplement confirmer que je suis bien de permanence pour la commission des finances cette semaine et je pense qu’il serait utile que les présidents de séance soient systématiquement informés du nom des commissaires de permanence.
J’en viens maintenant au fond.
L’amendement n° 44 rectifié vise à ne pas rendre effectives les expulsions confirmées par le tribunal. Or, aux termes du droit actuellement en vigueur, le préfet peut surseoir à la décision d’expulsion : il a deux mois pour décider d’accorder ou non le concours de la force publique, et s’il ne le fait pas, l’État doit indemniser le propriétaire.
En présentant son amendement, Mme Didier a fait état des propositions d’un certain nombre d’associations et elle a ensuite expliqué qu’il fallait empêcher l’expulsion, mais que l’État devait continuer à indemniser le propriétaire. Cela a été dit à plusieurs reprises et, pour en avoir discuté avec certains de nos collègues, je sais que l’intention de l’auteur de l’amendement a bien été comprise ainsi.
Toutefois, la commission des finances, lorsqu’elle a examiné cet amendement en a eu une interprétation différente, qui était aussi l’interprétation du ministre. Selon cette interprétation, il n’y aura plus d’indemnisation du propriétaire. Voilà pourquoi la commission des finances a considéré qu’il n’y aurait pas aggravation de la charge publique.
Si j’ai réagi hier en invoquant l’article 40, c’est parce que, au cours du débat, Mme Didier a explicitement souhaité qu’il y ait indemnisation…
Mme Évelyne Didier. Non ! (Marques d’acquiescement sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Dallier. Alors, vous allez le préciser et les choses seront réglées !
Moi, j’avais compris, comme d’autres, que vous souhaitiez que l’indemnisation du propriétaire reste effective, ce qui entraînerait nécessairement une aggravation de la charge publique. Dès lors, l’article 40 s’appliquerait à l’évidence.
Donc, de deux choses l’une : soit vous maintenez votre amendement en l’état, et il n’y a plus d’indemnisation des propriétaires ; soit vous souhaitez que l’indemnisation persiste, mais cela doit être précisé dans votre amendement, qui, du même coup, deviendra irrecevable au titre de l’article 40.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. M. Dallier nous a hier fait son petit numéro… (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Mme Évelyne Didier. Mais si !
M. Philippe Dallier. Si vous retiriez ce terme, ce ne serait pas plus mal !
M. le président. Laissez notre collègue s’exprimer, monsieur Dallier !
Mme Évelyne Didier. Il y a deux M. Dallier dans cette salle !
M. Philippe Dallier. Un seul suffit !
Mme Évelyne Didier. Amplement ! Je suis entièrement d’accord avec vous sur ce point ! (Sourires.)
Il y a ce que j’ai dit en présentant mon amendement et il y a ce que j’ai sans doute expliqué ensuite. Or vous vous êtes fondé sur l’amendement. Ne cherchez donc pas maintenant à justifier votre analyse en prétendant vous appuyer sur ce que j’aurais dit ensuite ! (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Monsieur Dallier, permettez-moi de relire ce qui figure dans le deuxième alinéa du texte présenté par l’amendement : « Lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé […] ». Cela signifie, comme vous l’avez expliqué à l’instant, que, à partir du moment où l’on ne demandera pas le concours de la force publique il n’y aura aucune nécessité d’indemniser le propriétaire. Par conséquent, l’argument qui a été avancé pour justifier l’application de l’article 40 n’était pas fondé.
Je confirme bien que ce sont les termes que nous défendrons et, si j’ai pu avoir quelque parole malheureuse qui vous a induit en erreur, je le regrette infiniment.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame Didier, ici, je ne fais pas de numéro : j’essaie simplement de tenir mon rôle de parlementaire afin que nous puissions comprendre les intentions des auteurs des amendements et nous déterminer sur ceux-ci en toute connaissance de cause.
Je vous renvoie au compte rendu analytique de la séance d’hier : en présentant votre amendement, effectivement, vous avez fait référence aux propositions sur lesquelles vous vous êtes appuyée pour élaborer votre amendement et à l’interdiction des expulsions, « tout en indemnisant les propriétaires ». Donc, je n’ai pas réagi sans savoir de quoi il retournait : vous avez commencé votre intervention en disant cela, et voilà ce qui pose problème.
Si l’intention du groupe CRC est bien d’en rester là – on ne procède pas à l’expulsion, l’administration ne peut pas être mise en cause et le propriétaire ne peut pas réclamer d’indemnisation –, tout le monde est informé et chacun peut effectivement voter en connaissance de cause ; dans ce cas, l’article 40 ne s’applique pas.
M. le président. Monsieur Dallier, si j’ai bien compris, vous nous confirmez que l’article 40 ne s’applique pas et que seul le texte de l’amendement doit être pris en compte.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, les débats apportent aussi un éclairage lorsque se pose ensuite un problème d’interprétation. J’ai souligné que c’était le cas avec cet amendement.
Si Mme Didier nous confirme que, si son amendement est adopté, il n’y aura plus d’indemnisation des propriétaires,…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Non, ce n’est pas cela !
M. Philippe Dallier. … l’article 40 ne s’applique pas.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. S’il n’y a plus d’indemnisation, c’est très grave !
M. le président. L’article 40 ne s’appliquant pas, nous en revenons aux explications de vote sur l’amendement n° 44 rectifié.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’ai rappelé hier, en présentant cet amendement, que le comité de suivi de la loi sur le droit au logement opposable, le DALO, exhortait l’État à ne pas rester hors la loi.
Il y a quelques semaines, le comité présentait de nouvelles conclusions accablantes, parlant même de « crise humanitaire ». J’ai dit qu’il était urgent d’agir et de faire droit aux préconisations du comité de suivi afin que cesse cette situation paradoxale, car la non-mise en œuvre d’un droit reconnu n’est pas acceptable.
J’ai rappelé aussi que le comité de suivi de la loi DALO avait demandé à l’État d’organiser sa propre cohérence par rapport à quatre principes.
Le premier principe a été énoncé très clairement lors de la défense de cet amendement, mais j’y insiste puisque, semble-t-il, cela n’a pas été bien entendu : toute personne faisant l’objet d’un jugement d’expulsion doit être informée par le préfet de la possibilité de déposer un recours au titre du DALO ; il n’y a rien là qui puisse vous gêner.
Deuxièmement, lorsqu’une personne a déposé un tel recours, la décision d’accorder le concours de la force publique doit être suspendue, dans l’attente de celle de la commission de médiation ; rien encore qui puisse vous gêner.
Troisièmement, lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle ait reçu une offre de logement adaptée à ses besoins ; il n’y a, là encore, rien qui justifie que soit invoqué l’article 40.
Quatrièmement, et je le souligne, même si cet élément n’apparaît pas dans cet amendement, le refus de concours de la force publique doit donner effectivement lieu à indemnisation du propriétaire. Or, justement, dans l’amendement, nous demandons qu’il ne puisse pas, dans ce cas, être recouru à la force publique. Le concours de la force public ne peut donc plus être refusé ! C’est parfaitement clair !
Il y a peut-être eu de votre part une interprétation, à un moment donné, monsieur Dallier, mais si vous aviez bien lu l’amendement (M. Philippe Dallier s’exclame.) et bien écouté mes arguments, il n’y aurait pas eu le moindre problème.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Normalement, la loi DALO permet que, en cas de décision d’expulsion, la personne qui risque de se trouver sans toit puisse justement bénéficier d’une proposition de relogement.
Or, aujourd'hui, beaucoup de gens sont expulsés après intervention de la force publique sans qu’aucune solution de relogement leur ait été proposée. Et l’on sait que toute personne qui a perdu son toit est en outre privée des repères susceptibles de l’aider à mener une vie normale.
Nous constatons par ailleurs qu’un certain nombre de ces personnes se retrouvent dans des lieux normalement requis pour l’hébergement de familles qui sont en attente d’une reconnaissance de statut, tel que celui de demandeur d’asile. Il y a ainsi une chaîne de conséquences très lourdes à gérer, notamment le fait que des demandeurs d’asile vivent aujourd'hui dans des conditions totalement inacceptables.
La disposition que nous proposons doit permettre, au contraire, que les places d’hébergement destinées à des personnes se trouvant dans des situations de fragilité soient utilisées comme elles le devraient parce que la loi DALO aura été véritablement mise en œuvre.
Notre proposition ne vise qu’à rendre effective la loi DALO : elle ne se traduira donc pas par des dépenses supplémentaires pour l’État. Il s’agit de faire en sorte que des dispositions soient prises en amont de la situation de fragilité dans laquelle se trouvent des familles.
Dans les secteurs où se posent fréquemment des difficultés de relogement pour des personnes en situation précaire – et l’on sait le poids que représente, aujourd'hui, le logement dans le budget des familles –, il est indispensable que cette loi DALO soit véritablement appliquée.
Les dispositions contenues dans les amendements nos 44 rectifié et 45 rectifié sont destinées à faire en sorte que les familles puissent enfin vivre dans de meilleures conditions.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Hier soir, monsieur le secrétaire d'État, j’ai effectivement précisé qu’à titre personnel je soutiendrai ces amendements. Vous vous êtes alors vous-même étonné que j’aie pu adopter une telle position, la considérant comme quelque peu antinomique avec le discours que j’avais tenu précédemment.
Je rappellerai donc, pour ceux qui n’étaient pas présents à ce moment-là, la teneur de mes propos.
J’ai ainsi souligné la nécessité de faire appel à l’argent privé pour nous donner les moyens de construire, demain, du logement locatif conventionné : cette contrainte s’imposera à toutes les personnes, quelles qu’elles soient, appelées à être aux responsabilités dans ce domaine. En parallèle, c’est vrai, j’ai indiqué que, pour ma part, je voterai ces deux amendements proposés par le groupe CRC.
Ces deux points de vue, loin d’être antinomiques, sont tout à fait complémentaires.
D’un côté, je défends l’efficacité économique : oui, il faut faire en sorte que de l’argent privé aille à la construction de logements locatifs. C'est la raison pour laquelle j’ai invité notre collègue socialiste à ne pas trop brider les droits des propriétaires, car il ne faudrait pas déséquilibrer les rapports entre bailleurs et preneurs au profit de ces derniers. Il convient de favoriser l’efficacité économique et la libre entreprise, car nous aurons toujours besoin de bailleurs privés qui ont envie d’investir.
De l’autre, on peut être favorable à cette dynamique tout en ayant soin d’exprimer une réelle solidarité envers les personnes les plus fragiles. Or toutes les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui pour appliquer le DALO, que nous avons pourtant voté.
Finalement, qu’est-ce qui est fait, sur le terrain, pour accompagner les publics éligibles au DALO ? Les préfectures et les organismes HLM doivent tout bonnement se débrouiller seuls. Dans un certain nombre de cas, on en arrive à reloger des familles dans des secteurs difficiles ayant bénéficié du soutien de l’ANRU, alors que la logique serait de mener en la matière des politiques beaucoup plus équilibrées. Autrement dit, on a parfois l’impression de marcher sur la tête !
Permettez-moi de le dire, il est complètement incohérent qu’une personne ayant déposé une demande au titre du DALO puisse être expulsée de son logement, car c’est à l’État, ensuite, de se débrouiller pour lui trouver un autre toit.
En revanche, et je rejoins ce qu’a dit M. Dallier, dès lors que le locataire n’est plus expulsable, le propriétaire privé doit pouvoir continuer à être payé ou indemnisé.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas le cas !
M. Daniel Dubois. Sinon, c’est lui qui supportera tout le poids du dispositif proposé, ce que je ne peux naturellement pas accepter. Ou alors, il faudrait trouver un système qui concilie les intérêts du locataire et ceux du propriétaire.
Monsieur le secrétaire d'État, voilà tout simplement ce que je voulais dire. Je le répète, les positions que je défends ne sont aucunement antinomiques ; j’y vois, au contraire, une grande complémentarité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Dans sa décision du 30 septembre 2011 relative à une question prioritaire de constitutionalité, le Conseil constitutionnel indique bien que le droit au logement ne permet pas de méconnaître le droit de propriété et précise que le respect de celui-ci peut justifier évidemment l’expulsion d’occupants sans titre.
Je le redis, le dispositif proposé au travers de ces amendements est anticonstitutionnel. (Mme Laurence Rossignol proteste.)
Monsieur Dubois, je partage totalement vos propos, que j’ai écoutés avec attention. Mais je veux insister sur l’effet immédiat qu’aurait l’adoption de l’amendement n° 45 rectifié, dont je rappelle les termes : « Les personnes éprouvant des difficultés particulières, au regard de leur patrimoine, de l’insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence ne peuvent faire l’objet d’une procédure d’expulsion sans relogement. » À partir du moment où celles-ci ont la garantie d’être maintenues dans les lieux, la conséquence est évidente : ce dispositif va dissuader l'ensemble des propriétaires d’accueillir des locataires en difficulté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qui se passe déjà !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela étant, je souscris à votre argumentation : il importe effectivement de poser des conditions à la fois aux investisseurs, afin de les inciter à construire des logements, et aux propriétaires bailleurs, car ceux-ci ne doivent plus pouvoir refuser d’accueillir des locataires en difficultés financières.
Je vous mets au défi de trouver un seul propriétaire prêt à accepter le dispositif proposé et à louer son logement à une personne fragile financièrement. Si jamais vous y arrivez, n’hésitez pas à me le présenter, car il mérite une médaille !
C’est uniquement sur ce point précis que je considère votre raisonnement comme antinomique. Je comprends, bien sûr, que l’on puisse défendre à la fois le DALO, le droit de propriété et la construction de logements locatifs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le secrétaire d’État, sans revenir sur le débat qui nous a occupés hier soir – nous l’avons vu, la nuit porte conseil ! –, je souhaite faire un certain nombre d’observations, en réponse notamment aux remarques que vous venez de formuler.
Le droit de propriété est, en effet, un droit à valeur constitutionnelle, comme l’a souligné encore récemment le Conseil constitutionnel, et ce parce qu’il figure non pas dans la Constitution, mais à l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui est un texte à valeur constitutionnelle.
Pour autant, le droit au logement a également valeur constitutionnelle. En 1995, le Conseil constitutionnel a ainsi indiqué que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Je rappelle en outre que le droit au logement a été consacré par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite loi Besson.
La question qui se pose à nous est donc celle de la conciliation de ces deux droits ou objectifs à valeur constitutionnelle.
De notre point de vue, le dispositif qui nous est proposé au travers l’amendement n° 44 rectifié ne remet pas globalement en cause le droit de propriété, pas plus qu’il ne le dénature,…
M. Philippe Dallier. Mais si !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. … même s’il y porte effectivement atteinte.
On rejoint là la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel indique, dans une décision en date du 7 octobre 2011, à propos de la possibilité d’inclure dans un lotissement une parcelle détachée d’une propriété : « Considérant [que] les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet d’entraîner la privation du droit de propriété ; que, dès lors, elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article XVII de la Déclaration de 1789. » Dans cette même décision, le Conseil précise : « En l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte [que] les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. »
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit au logement, objectif à valeur constitutionnelle, institué par le législateur, constitue bien à nos yeux un motif d’intérêt général suffisant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Nous voterons l’amendement n° 44 rectifié. Dans votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes allé bien au-delà du contenu même du dispositif proposé. Vous avez cherché à nous inquiéter en développant un argumentaire alarmiste, laissant à penser que les propriétaires seraient contraints d’affronter des hordes de locataires fuyant leurs responsabilités !
Faut-il le rappeler, nos collègues du groupe CRC ne visent, par cet amendement, que les personnes ayant été reconnues comme prioritaires par une commission au titre du DALO, et non l’ensemble des ménages de France qui feraient face à des difficultés de paiement du loyer.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, sachons, dans ce débat, raison garder !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. En politique comme dans les relations entre propriétaires et locataires, rien n’est jamais tout blanc ni tout noir : il n’y a pas les bons, d’un côté, les mauvais, de l’autre !
Dans cet hémicycle, je trouve que l’on a trop souvent caricaturé le débat, les uns considérant les propriétaires comme d’irréductibles voyous, les autres ne voyant dans les locataires que des profiteurs du système.
M. Roland Courteau. Pour notre part, nous n’avons rien dit de tel !
M. Thierry Repentin. Braye n’est plus là ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Dallier. J’invite chacune et chacun d’entre nous à faire un effort d’introspection !
Que je sache, c’est bien la gauche qui a voté le texte permettant au propriétaire ayant obtenu une décision de justice qui n’était pas mise en œuvre par le préfet d’être indemnisé par l’État.
M. Philippe Dallier. Mais vous y revenez, mes chers collègues !
Mme Marie-France Beaufils. Pour des cas particuliers !
M. Philippe Dallier. Qui fera les frais de l’amendement n° 44 rectifié, s’il est adopté ? Le propriétaire louant à des personnes éligibles au DALO !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. Mais non !
M. Philippe Dallier. Mais si !
M. Gérard Cornu. Forcément !
M. Philippe Dallier. Celui-ci ne sera plus indemnisé !
Voilà ce qui va se passer, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, et je ne comprends donc pas votre attitude dans ce débat. D’un côté, vous jouez avec les bons sentiments, c’est votre droit ; de l’autre, vous entérinez le fait que ledit propriétaire, qui n’a pas à savoir si son locataire relève ou non du DALO, sera privé de la possibilité d’être indemnisé par l’État.
Vous sombrez dans le manichéisme en vous apprêtant à prendre une décision qui aura de lourdes conséquences si jamais elle est mise en œuvre !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Dallier, comment pouvez-vous tenir de tels propos ? Tout propriétaire qui se verra contraint par une décision du préfet de maintenir un locataire en place, parce que l’État n’aura pas été encore en situation de lui trouver un nouveau logement au titre du DALO, ne pourra, en aucune façon, être spolié.
M. Philippe Dallier. C’est pour cela que l’article 40 de la Constitution doit s’appliquer !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout ! Laissez-moi aller au bout de mon raisonnement et ne racontez pas n’importe quoi ! À l’évidence, un propriétaire tenu par le préfet de laisser son locataire dans les lieux doit être dédommagé selon les termes de la loi.
M. Philippe Dallier. Eh bien non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’en viens maintenant à la question de l'article 40 de la Constitution, qui se pose en ces termes : le mécanisme proposé conduit-il à créer une charge nouvelle ?
M. Philippe Dallier. Il aura pour conséquence d’aggraver la dépense publique !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La réponse est non, et ce pour une raison simple : en l’état actuel de la législation, l’État est obligé de payer à partir du moment où il décide de maintenir une personne dans son logement.
Or il ne vous aura pas échappé que, dans leur amendement, nos collègues du groupe CRC précisent bien qu’il s’agit d’un mécanisme de dernier recours. En aucune façon le préfet n’est contraint d’inscrire une charge supplémentaire, puisque la première étape consiste, pour lui, à définir de quelle manière sera relogée la personne concernée.
Sortons, un instant, du cadre juridique et intéressons-nous, plus globalement, à l’aspect financier. Le non-respect du DALO par l’État entraîne une dépense publique. Par conséquent, la solution la moins coûteuse, c’est de traiter les problèmes en amont et de veiller à éviter des dépassements de dépenses sans relogement en contrepartie.
Je ne peux donc pas laisser dire que les propriétaires seront fragilisés.
M. Philippe Dallier. Ils le seront !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas possible, monsieur Dallier !
M. Philippe Dallier. Mais si, madame !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas parce que l’amendement n° 44 rectifié sera adopté que les dispositions législatives existantes seront en quoi que ce soit bafouées !
L'article 40 de la Constitution ne peut s’appliquer puisque la proposition qui nous est faite n’emporte pas création d’une charge nouvelle. Elle induit simplement la possibilité d’une utilisation différente des dépenses existantes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je me suis expliqué, hier soir, sur le fond du problème. Si je ne partage pas les observations de M. Dallier sur l'article 40 de la Constitution, je maintiens, en revanche, au nom de mon groupe, la position que j’ai déjà exposée sur l’amendement.
Il y a, dans la Constitution, un principe relatif au droit de propriété. J’entends les arguments qui ont été développés et il est parfaitement légitime, sur le plan social et humain, de s’intéresser à ceux, nombreux, qui sont dans des situations de détresse en matière de logement.
Mais cela suppose de prendre d’autres dispositions législatives que celles qui nous sont proposées par le biais de cet amendement, dont l’objet est double : surseoir à toute mesure d’expulsion dès qu’une demande est déposée au titre de la loi DALO ; interdire le concours de la force publique aussitôt qu’une personne est reconnue prioritaire par la commission DALO.
Certes, je comprends parfaitement le message qui est adressé à nos concitoyens, mais je doute que ce ne puisse être autre chose qu’un message. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la loi en elle-même ne se contente-t-elle pas d’adresser uniquement des messages ?
À quoi bon recourir à ce type de procédures sachant qu’elles n’auront malheureusement aucun effet sur le terrain ? En effet, je le maintiens, nous sommes face à un principe constitutionnel, le respect du droit de propriété.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 163 |
Contre | 168 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 611-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes éprouvant des difficultés particulières, au regard de leur patrimoine, de l’insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence ne peuvent faire l’objet d’une procédure d’expulsion sans relogement. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Afin que nous ne perdions pas de temps, je le retire, monsieur le président.
M. André Ferrand. Cela part d’un bon sentiment ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
Article 2 bis AA (nouveau)
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :
1° L’article 17 est ainsi modifié :
a) Le a est ainsi rédigé :
« a) Le loyer des logements vacants ou faisant l'objet d'une première location est fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables dans les conditions définies à l'article 19.
« En cas de non-respect par le bailleur des dispositions de l'article 19, le locataire dispose, sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours, d'un délai de six mois pour contester le montant du loyer auprès de la commission de conciliation.
« À défaut d'accord constaté par la commission, le juge, saisi par l'une ou l'autre des parties, fixe le loyer. » ;
b) Le b est abrogé ;
2° Le premier alinéa de l'article 18 est ainsi rédigé :
« Dans les zones géographiques où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximal d'évolution des loyers des contrats renouvelés définis au c de l'article 17 ainsi que le niveau des loyers des logements vacants ou faisant l'objet d'une première location définis au a du même article. Dans ce dernier cas, le niveau de loyer ne peut être inférieur à 80 % du loyer moyen constaté pour des logements de caractéristiques comparables par les observatoires de loyers visés à l’article 16. »
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l'article.
M. Gérard Cornu. Cet article, inséré dans le projet de loi sur l’initiative du rapporteur, vise à encadrer les prix des loyers.
Les prix des biens et services sont libres depuis l’ordonnance du 1er décembre 1986 et déterminés par le jeu normal de la concurrence.
Le code de commerce a, certes, prévu une possibilité dérogatoire d’encadrement réglementaire des prix en cas de situation de monopole. Tel n’est pas le cas ici.
En aggravant la pénurie de logements, un régime de plafonnement des prix pour les primo-locations aurait un certain nombre d’effets néfastes pour le consommateur.
Il aurait, d’abord, pour effet de revenir sur le principe de libre fixation des loyers entre les parties pour les logements vacants ou des logements qu’ils souhaitent mettre en première location. Il aurait, ensuite, pour conséquence de diminuer les incitations à remettre des logements en location, alors qu’il faudrait, au contraire, accroître l’offre pour faire baisser les prix. Il aurait, enfin, pour résultat de diminuer les investissements des bailleurs privés dans la rénovation des logements.
Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article précise que le niveau des loyers des logements faisant l’objet d’une première location, dans les zones de situation anormale du marché locatif, ne peut pas « être inférieur à 80 % du loyer moyen constaté pour des logements de caractéristiques comparables par les observatoires de loyers visés à l’article 16 ».
Cela impliquerait, a contrario, que le loyer issu du calcul d’évolution pourrait donc être inférieur au niveau du marché. Dans ces conditions, les propriétaires n’auraient réellement aucun intérêt à investir !
La seule réponse pertinente à la hausse des loyers est de relancer la construction à grande échelle dans les zones les plus tendues.
La réponse aux enjeux de la hausse de loyers s’inscrit non dans une réglementation trop contraignante et source de multiples contentieux entre locataires et bailleurs, mais dans la recherche de solutions pragmatiques.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe UMP demandera la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, sur l’article.
M. Claude Jeannerot. Vous n’en serez pas étonnés, la tonalité de mon intervention sera très différente de celle de M. Cornu !
L’article 2 bis AA du projet de loi a pour finalité de permettre de contenir la hausse continue des loyers observée depuis plus de dix ans.
Chacun sait ici que, pour beaucoup de nos concitoyens, la stagnation, voire la baisse de leur niveau de vie depuis de longues années, est en bonne partie liée au coût du logement. Les sommes qui lui sont consacrées ont plus que doublé en dix ans !
Pourtant, les loyers sont déjà en partie régulés. C’est d’ailleurs ce qui explique que, même si leur augmentation est trop élevée, elle reste deux fois moins rapide que celle des prix de l’immobilier à l’achat. Elle demeure, néanmoins, très importante. Ainsi, dans le parc locatif privé, qui accueille 24 % des ménages, un locataire ne peut pas subir, au cours d’un bail, une augmentation supérieure à l’indice de référence de loyers, qui est lui-même basé sur l’indice des prix à la consommation.
Au contraire, lors du renouvellement du bail d’un locataire, tous les trois ans, le loyer peut être réévalué si le propriétaire prouve qu’il était sous-évalué par rapport au niveau des loyers dans le voisinage.
Cependant, cette régulation demeure insuffisante pour enrayer les difficultés d’accès aux logements. Jugez-en : d’après les observations faites, les hausses lors des relocations ont été de 5,7 % par an depuis 1998, avec des pointes à 7 % certaines années, soit, en dix ans, près de 60 % d’augmentation des loyers à la relocation à Paris, contre 40 % en province !
Ces chiffres ont de quoi interloquer lorsque l’on sait qu’un bailleur privé change de locataire en moyenne tous les quatre ans.
Ces hausses de loyer rendent illusoire le droit au logement, pourtant consacré par l’article 1er de la loi de 1989.
Les jeunes ménages sont les plus touchés par ce phénomène. En effet, souvent locataires, ils ont tendance à déménager fréquemment au démarrage de leur vie professionnelle.
Le manque de fluidité du marché de la location est l’un des effets pervers de cette situation.
C’est ainsi que nombre de ménages hésitent à changer de logement, bien que celui-ci soit devenu inadapté par sa taille ou sa localisation, tout cela parce qu’ils redoutent d’être pénalisés financièrement.
Les loyers des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location seront fixés « par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ». Cette disposition va dans le bon sens, mes chers collègues.
D’ailleurs, un tel dispositif, connu sous le nom de « miroir des loyers », existe en Allemagne, où il a fait la preuve de son succès. En tout cas, contrairement à ce qui a été dit et à ce que craignent certains membres de l’opposition sénatoriale, il n’a pas découragé les investissements dans l’immobilier locatif ni entraîné une dégradation des logements. Au contraire ! Le parc locatif privé allemand représente 52 % du parc total en Allemagne, contre 24 % en France.
Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir trouver un toit qui réponde à leurs besoins et à leurs moyens. L’encadrement raisonné, raisonnable et équilibré des loyers me paraît représenter une réponse nécessaire pour faire face à une situation dans laquelle le coût du logement est devenu inabordable pour beaucoup, insupportable pour les catégories moyennes et de plus en plus difficile pour les classes moyennes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Ce moment est important. On voit bien les clivages politiques entre la majorité sénatoriale et l’opposition. De plus, au sein de la majorité sénatoriale peuvent s’exprimer des différences, comme on l’a vu lors du scrutin public précédent.
Je voudrais rappeler à l’ensemble de nos collègues ici présents la teneur de cet article. C’est vraiment très important ! Et c’est la raison pour laquelle nous voulons le supprimer.
Cet article dispose que « le loyer des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location » – je dis bien : « une première location » – « est fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables [...] ».
Il est donc porté atteinte à la propriété privée, à la libre gestion de cette dernière dans la mesure où un propriétaire ne pourra plus fixer son loyer comme il le souhaite.
Et « en cas de non-respect par le bailleur des dispositions de l’article 19, le locataire dispose, sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours, d’un délai de six mois pour contester le montant du loyer auprès de la commission de conciliation ».
Et cela ne suffisait pas ! On en rajoute encore ! « À défaut d’accord constaté par la commission, le juge, saisi par l’une ou l’autre des parties, fixe le loyer. » !
L’article 2 bis AA est donc loin d’être anodin.
Il faut se réveiller ! Cet article n’est pas réaliste et produira l’effet inverse de celui qui est recherché. Mettez-vous à la place des propriétaires ! Ils ne feront plus de travaux dans les logements et investiront ailleurs.
Croyez-vous vraiment qu’un propriétaire qui reçoit 800 euros de loyer par mois et auquel on annonce qu’il n’en percevra plus que 700 continuera à faire des travaux dans le logement qu’il loue ? (Non ! sur les travées de l’UMP.) Non, il le revendra et investira son argent ailleurs ! Cette disposition aura des conséquences catastrophiques.
M. Claude Bérit-Débat. Démagogie !
M. Gérard Cornu. Dans ce domaine, vous êtes en dehors de la réalité ! (Ce n’est pas vrai ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Vous serez ensuite les premiers à vous plaindre que l’on ne construit plus et que le nombre de logements locatifs régresse ; d’ailleurs on n’en trouvera plus que dans le secteur social.
La France, c’est l’un de ses atouts, compte encore des bailleurs privés dans le secteur locatif. Cet article va complètement les décourager. J’en appelle à votre bon sens ! Encore une fois, réveillez-vous ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le rapport entre les salaires et les loyers !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission a inséré dans le texte, sur mon initiative, l’article 2 bis AA, qui renforce l’encadrement de l’évolution des loyers.
Cet amendement de suppression ne me surprend pas, car cette disposition, je le sais, est loin de satisfaire la minorité sénatoriale.
M. Francis Delattre. Oh !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cependant, je souhaite faire les remarques suivantes.
Cette disposition vise à apporter une réponse à la flambée des loyers dans notre pays, plus particulièrement dans les zones tendues. Les loyers augmentent ainsi sensiblement à la relocation : en 2010, ils se sont ainsi appréciés de près de 9 % à Paris, de 5,4 % en proche banlieue et de près de 2 % en province, ce dernier chiffre étant d’ailleurs trompeur puisqu’il ne différencie pas les zones tendues des zones non tendues. Il s’agit d’une réponse souple et adaptée aux réalités locales.
Il est ainsi prévu, aux alinéas 2 à 7, que les loyers des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location doivent être fixés par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage. Il s’agit donc bien de limiter l’augmentation des loyers en tenant compte de la réalité locale.
Les alinéas 8 et 9 prévoient un encadrement spécifique dans les zones tendues. Les auteurs de cet amendement considèrent qu’il s’agit d’une disposition archaïque.
M. Francis Delattre. Idéologique !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je souhaite faire deux remarques à ce propos.
Quelles solutions alternatives nos collègues proposent-ils afin de limiter l’augmentation des loyers ? Leur flambée actuelle montre que se contenter de faire confiance au marché n’est pas responsable.
Par ailleurs, le dispositif mis en place par cet article s’inspire du dispositif existant pour l’évolution des loyers au renouvellement du bail, qui figure au c de l’article 17 de la loi de 1989. Ce dispositif a porté ses fruits puisque l’évolution des loyers au renouvellement de bail est très limitée, de l’ordre de 0,5 %. Est-ce à dire que le dispositif actuel, qui semble fonctionner, est archaïque ?
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Je suis d’accord avec M. Cornu : cet amendement illustre en effet un certain clivage entre nous, et nous l’assumons totalement.
Si cet article a rencontré un tel écho dans cet hémicycle et ailleurs, c’est parce qu’il symbolise notre volonté de mettre en place une politique équilibrée, visant à garantir à tous nos concitoyens, quels que soient leurs revenus, la possibilité de se loger. Personne n’ignore ici, en effet, que les loyers augmentent beaucoup plus vite que le coût de la vie et les revenus des Français.
Aujourd’hui, dans les petites annonces, des studios parisiens sont proposés à la location à 700 ou 800 euros. Est-ce normal ?
M. Gérard Cornu. Paris n’est pas la France !
M. Thierry Repentin. C’est le cas, aussi, dans d’autres zones tendues. J’ai lu ce matin qu’un studio de 30 mètres carrés, à Annecy – une commune que nous connaissons bien, le président de séance et moi-même ! – se louait 800 euros.
Cet article, inséré par la commission sur l’initiative du rapporteur, est tout à fait juste et équilibré.
Il est juste, car il ne spolie personne. Je récuse en effet votre exemple, monsieur Cornu. Vous avez dit que, si cet article était adopté, un propriétaire percevant un loyer de 800 euros pourrait se voir privé, du jour au lendemain, de 100 euros. C’est faux !
La fixation de loyers de référence – les loyers ne devront pas dépasser, par exemple, 80 % de ce plafond – ne s’appliquera en effet qu’aux logements vacants, et donc remis sur le marché, ou à ceux qui seront proposés pour la première fois à la location. Les loyers d’ores et déjà perçus ne sont pas visés.
L’article prévoit simplement, en cas de changement de locataire, de plafonner l’augmentation du loyer. Une telle disposition a d’ores et déjà été en vigueur entre 1989 et 1997, sous plusieurs gouvernements successifs, de droite comme de gauche ; ceux que vous souteniez, à l’époque, ne l’ont pas remise en cause.
De superbes graphiques reproduits dans le rapport montrent l’évolution des loyers dans la période précédant 1997, lorsque ce dispositif était en place, puis dans la période postérieure : après 1997, les loyers à la relocation ont explosé, comme par magie. Cela ne vous interpelle pas ?
En revanche, des locataires demeurés dans leur logement du parc privé et qui entretenaient une relation normale avec leur propriétaire ont vu leur loyer progresser régulièrement, en fonction de l’évolution de l’indice de référence des loyers, l’IRL. Leur propriétaire n’a pas vendu pour autant leur appartement, au motif qu’il ne leur rapporterait pas suffisamment !
Cessez de dire que, avec ce type d’article, nous montrons du doigt tous les propriétaires en les taxant d’être des profiteurs. Nous ne visons que les situations anormales.
Cet article a aussi le mérite de prendre en compte les spécificités des territoires. Il dispose que le loyer des logements faisant l’objet d’une première location ou des logements vacants remis sur le marché sera fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage, dans le bassin de vie.
Il n’est pas normal, selon nous, que les loyers, au cours des dix dernières années, aient augmenté de 23 % dans le secteur locatif social, de 43 % dans le secteur privé, et de 90 %, pour les relocations. On ne peut continuer ainsi, sauf à considérer qu’il est légitime de priver de logement une partie de la jeunesse issue des classes moyennes et populaires.
Nous vous proposons simplement de revenir à des dispositions qui ont fait leurs preuves dans le passé, afin de remettre de l’ordre, en temps de crise, dans un marché aujourd’hui totalement dérégulé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. J’ai écouté avec attention, hier, notre collègue aux étranges lucarnes. Il avait pris la parole juste auprès des personnes chargées de la campagne de M. Hollande...
L’article que le Sénat examine aujourd’hui, nous l’avons bien compris, est l’une des premières pierres de la campagne présidentielle du candidat socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je suis moi-même élu dans une zone dite « tendue ». En région parisienne, où construit-on ? Sûrement pas à Paris !
Mme Nathalie Goulet. Ni à Neuilly !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, on construit à Paris beaucoup plus qu’à Neuilly !
M. Francis Delattre. Certes, ma chère collègue, mais le maire de cette ville est M. Fromentin...
Dans les départements limitrophes de Paris, nous construisons !
Hier, après notre collègue aux étranges lucarnes, est intervenu un véritable expert, qui recommandait quant à lui de construire, car c’est la seule vraie réforme utile pour résoudre les problèmes de pénurie de logements et de flambée des prix.
Construisez-vous, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, dans les grandes métropoles que vous dirigez ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Claude Bérit-Débat. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Lorsque l’on contrôle toutes les régions, plus de 50 % des grandes villes et 60 % des conseils généraux, il est légitime de s’interroger sur sa responsabilité en matière de construction de logements. (Protestations sur les mêmes travées.)
Selon vous, les problèmes ont commencé, comme par hasard, en 2007. Je dirai plutôt que la pénurie de logements est apparue dans les années 2005-2006. D’après vous, quelle en est la raison ?
Vous souvenez-vous, mes chers collègues de gauche, du nombre de logements sociaux construits par le dernier gouvernement que vous ayez soutenu ? Il en construisait 40 000 par an ! Pour notre part, nous en sommes à 120 000. Cessez donc de nous donner des leçons !
Loin de nous l’idée de vous faire la leçon à notre tour. Nous tenons seulement à vous appeler au réalisme et au bon sens.
Vous feriez mieux de réfléchir au moyen de mieux contrôler le foncier dans nos villes, en région parisienne par exemple. Voilà un vrai sujet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et vous, que faites-vous ?
M. Francis Delattre. Il y avait des instruments pour cela : un compte spécial du Trésor, un système de revolving favorisant les opportunités foncières, l’Agence foncière et technique de la région parisienne, l’AFTRP, qui intervenait en cas de besoin.
Nous avons construit les villes nouvelles – je le rappelle devant de l’une de leurs représentantes – et géré leurs milliers d’hectares. Nous avons su, aussi, maîtriser les principaux massifs fonciers. Pourquoi avez-vous abandonné cette politique foncière ?
Vous m’objecterez que nous aurions pu, depuis dix ans, reprendre cette action. Or il est très compliqué de relancer une politique foncière à partir de zéro. Il faut du temps non seulement pour construire, mais aussi pour maîtriser le foncier !
Par ailleurs, s’agissant de votre aparté sur les petites surfaces parisiennes scandaleusement chères, notamment celles qui sont louées aux étudiants, j’ai du mal à comprendre votre logique, mon cher collègue.
La commission des finances du Sénat a en effet déposé, lors du débat budgétaire, un amendement tendant à supprimer la mesure mise en place par le Gouvernement pour mettre fin au scandale des loyers abusifs des chambres de bonne. Même votre journal préféré, Libération, a consacré une demi-page à ce sujet. Quelle est la cohérence ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. M. Repentin a cité les exemples de Paris et Annecy. Or le présent article ne concerne pas uniquement les zones tendues, mais l’ensemble de la France !
En outre, ces exemples ne sont pas représentatifs de la réalité française en matière locative.
Vous ne comprenez pas, monsieur Repentin, le point de vue de l’investisseur potentiel. Nous avons de la chance, en France, que des personnes souhaitent encore investir dans l’immobilier. Ces investisseurs regardent avant tout le rapport entre le prix d’achat et leur revenu locatif, qui est aujourd’hui de l’ordre de 3 % ou 4 %, et non plus de 5 %, compte tenu du prix de la construction.
Si un investisseur potentiel n’a pas la possibilité de fixer librement son loyer – il serait fou de louer à un prix indécent ; la loi de l’offre et la demande ne le permettrait pas ! –, il va fuir.
M. Thierry Repentin. En Suisse ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Gérard Cornu. Vous allez faire fuir les investisseurs potentiels qui sont prêts à investir dans l’immobilier locatif pour aider leurs compatriotes à se loger ! Voilà ce que vous ne comprenez pas !
Vous vous plaindrez, demain, que l’on ne construise plus de logements et que l’on n’investisse plus dans le secteur privé ! Pensez-vous vraiment que vous réglerez le problème à l’aide des seuls investisseurs institutionnels ?
Vous le savez, c’est la grande force de la France que d’avoir des bailleurs privés. Ne les découragez pas ! Avec cette disposition, ce sera le cas... (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne voterai pas cet amendement. En effet, contrairement à ce qu’a dit la droite, cet article prend en compte les spécificités territoriales.
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous êtes tout de même extraordinaires !
En tant qu’élue parisienne, je vais vous parler de ce que je connais.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Une toute petite partie du territoire !
M. Francis Delattre. Paris, ses musées...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, Paris n’est pas la France, mais, après tout, cet article tend à s’adapter à chaque territoire.
À Paris, le nombre d’appartements privés vacants – je ne parle pas des locaux libérés par les banques, les assurances, etc. – s’élève à plus de 100 000. En fait, ce sont de purs objets spéculatifs, et leurs propriétaires sont beaucoup plus nombreux que ceux qui investissent dans la construction de logements.
D’aucuns me rétorqueront que les personnes à la recherche d’un logement n’ont peut-être pas vocation à s’installer dans de tels appartements, mais telle est la réalité.
Avant même la date prévue par la loi SRU, la ville de Paris parviendra prochainement au seuil de 20 % de logements sociaux publics, et ce grâce à sa majorité d’union de la gauche. Je crois pouvoir dire que nous ne sommes pas étrangers à ce résultat dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Pour ma part, je connais maintes villes dirigées par d’autres majorités qui sont loin d’avoir atteint ce seuil ! Et je constate que vous piétinez tous les jours la loi SRU, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’est pas toujours possible d’atteindre ce seuil !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Appliquer cette loi permettrait de répondre à la demande de logements locatifs.
M. Francis Delattre. Nous, nous l’appliquons, contrairement à vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans de multiples municipalités, qu’elles soient grandes ou petites, que vous dirigez, vous vous refusez à appliquer cette loi !
M. Gérard Cornu. Balayez devant votre porte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous disposez donc bel et bien de moyens pour répondre à la demande de logements locatifs.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pas toujours !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez-vous sur ce point, mes chers collègues ! Vous ne voulez pas construire de logements sociaux et, afin de rémunérer l’investissement, vous désirez que soient pratiqués des loyers très élevés. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas vrai ! Je vais vous expliquer comment cela se passe dans ma commune et quel est le montant des loyers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’en viens aux logements de très petite surface. À Paris, certaines chambres de bonne de moins de 9 mètres carrés sont louées 400 euros par mois. Quel rendement extraordinaire pour ces propriétaires qui investissent dans ces biens !
Savez-vous pourquoi, à nos yeux, il est inadmissible et amoral de se contenter de limiter le montant des loyers pratiqués pour la location de ces chambres ? Tout simplement parce qu’elles ne devraient même pas être sur le marché dans la mesure où elles ne répondent pas aux critères exigés pour une mise en location !
Et vous, que demandez-vous ? Que des chambres de bonne, actuellement louées 400 euros, le soient désormais à 250 euros ! Vous trouvez moral, vous, de proposer à ce tarif des bouges qui ne sont même pas louables compte tenu de leur peu de confort ?
Offrir à la location des deux pièces de 35 mètres carrés pour 1 000 euros par mois – et je ne parle pas du XVIe arrondissement de Paris – vous semble correspondre à un rendement normal du capital ? Mais avec une telle pratique, la spéculation augmente et la bulle spéculative grossit.
À Paris…
M. Gérard Cornu. Toujours Paris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon cher collègue, la remarque que je veux faire s’applique à de nombreuses grandes villes, et pas seulement à Paris !
On construirait encore plus de logements sociaux publics dans ces communes si leurs élus, comme certains de vos amis, ne s’opposaient pas farouchement à la construction de ce type de logements sur des terrains publics, par exemple ceux qu’a libérés la SNCF ou la RATP. Vos amis créent des associations bidon qui intentent procès sur procès, afin de faire juger qu’une telle construction dénaturerait le paysage. Telle est la réalité !
En fait, il faut expliquer quel est le rapport entre prix des loyers et revenus de la population. Ce qui est bon pour les uns est évidemment très mauvais pour les autres… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Idéologie !
(M. Jean-Patrick Courtois remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Certains propos m’ont quelque peu surprise.
Des collègues siégeant à la droite de cet hémicycle soutiennent qu’il faut faire preuve d’un certain suivi dans la réflexion relative à la construction. Mais encore faut-il que les aides du Gouvernement – aides fiscales ou subventions –, quels que soient leurs destinataires – particuliers investisseurs, collectivités, bailleurs sociaux –, cessent de changer chaque année, voire plusieurs fois par an. En effet, comment, dans ces conditions, afficher une réelle volonté de construire ? Tel est, en tout cas, notre désir, qui ne semble pas partagé par l’ensemble des membres de notre assemblée...
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Tout est blanc, tout est noir : nous sommes servis, avec Mme Borvo Cohen-Seat ! Ma chère collègue, vous vous adressez à l’opposition sénatoriale de manière caricaturale. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Permettez-moi de revenir un instant sur l’article 55 de la loi SRU.
Effectivement, un certain nombre de communes – très peu nombreuses, vous le savez –, de toutes tendances politiques, refusent de construire et ne s’en cachent pas. Il faut le dire dans cette enceinte.
M. Jean-Pierre Sueur. Elles ont tort, quelle que soit leur couleur politique !
M. Philippe Dallier. Sur la dernière période triennale, globalement, les villes soumises à l’article 55 de la loi précitée, majoritairement de même sensibilité politique que moi, ont largement satisfait à l’objectif qui leur était assigné.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est faux !
M. Philippe Dallier. J’en conviens, quelques-unes s’y refusent et sont condamnables pour cela.
De grâce, cessez de caricaturer et de vouloir faire croire qu’il y a d’un côté les bons, de l’autre les méchants ! Telle n’est pas la réalité.
J’en viens à la construction de logements sociaux. Certes, on peut débattre de tout, mais les chiffres qui ont été cités, à savoir 40 000 en 2002 et 120 000 à ce jour, sont incontestables. Je comprends bien qu’ils vous ennuient, parce qu’il est facile de critiquer le Gouvernement, l’opposition sénatoriale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces logements sont programmés et ne sont pas encore construits !
M. Philippe Dallier. Ma chère collègue, pourriez-vous au moins avoir la correction de comparer des données comparables ? Ces chiffres sont ceux des logements sociaux annuellement programmés. Bien évidemment, la construction aura lieu ultérieurement. Mais vous ne pouvez pas contester ce résultat.
Oui, monsieur Cornu, je vous le concède, l’augmentation des loyers pose un vrai problème. Il n’est pas normal que le marché pratique les prix que vous avez cités.
À Paris, les loyers atteignent des montants exorbitants, tout comme en Seine-Saint-Denis, où des trois pièces de 45 mètres carrés, dans un état lamentable, sont loués à des prix extravagants. J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle : cette situation est inacceptable.
Comment encadrer peu ou prou les loyers sans tuer l’offre ? Là se situe la véritable difficulté. C’est sur ce point que nous devrions travailler afin d’élaborer des dispositifs permettant à nos concitoyens les plus modestes de trouver une solution adaptée à leurs revenus.
Vous le constatez, nous pouvons souscrire à peu près aux objectifs fixés, mais la question est ensuite de savoir comment les atteindre.
Les solutions que vous préconisez par le biais du présent amendement comme du précédent visent le DALO et présentent des inconvénients. Elles risquent, notamment, de tarir l’offre de logements. In fine, les problèmes demeureraient ; ils seraient même peut-être plus nombreux qu’aujourd'hui.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Enfin du bon sens !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Les termes du débat sont différents de ceux qui nous ont occupés à l’amendement précédent.
Je comprends bien les arguments exposés par M. Dallier. En réalité, il s’agit de permettre à nos concitoyens qui le souhaitent d’habiter dans certaines zones dites « tendues » et de bénéficier d’une offre de logement satisfaisante. Or ce n’est plus le cas à l’heure actuelle.
Quoi qu’il en soit, dans certains secteurs, que la majorité y soit de gauche ou de droite – il ne faut pas se rejeter la responsabilité de ce qui s’est passé –, nos compatriotes ne peuvent pas se loger en raison du montant beaucoup trop élevé des loyers. C'est pourquoi la majorité du groupe RDSE votera contre l’amendement n° 9 rectifié. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je rejoins la position de mes collègues siégeant à la droite de cet hémicycle.
La pire des méthodes pour obtenir une offre plus abondante de logements est de conduire en zigzag. En réalité, cela a été dit tout à l’heure, il faut mener une action continue, réfléchie. L’une des meilleures façons de réguler les loyers est de disposer d’une offre plus abondante sur les territoires tendus. Sur ce point, nous sommes à peu près d’accord.
Évidemment, les fonds privés sont absolument nécessaires, mais encore faut-il que les investisseurs ne bénéficient d’avantages fiscaux que lorsqu’ils ne feront que du logement conventionné.
Reconnaissons que, aujourd'hui, on construit plus de logements sociaux qu’hier. Néanmoins, un effort considérable doit être réalisé pour libérer du foncier et donner aux outils d’urbanisme plus d’efficacité.
Conduire en zigzag, comme vous le proposez, produira des effets secondaires catastrophiques sur l’offre de logements. C'est pourquoi mon groupe soutient le présent amendement.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 175 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 206 est présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :
1° À la seconde phrase du second alinéa de l’article 2, après les mots : « des deux premiers alinéas de l’article 6, », sont insérés les mots : «, de l’article 17 » ;
2° Le a de l’article 17 est ainsi rédigé :
« a) À l’exception du contrat de location passé par un organisme d’habitation à loyer modéré, le contrat de location ne peut prévoir un loyer supérieur au plafond de loyer fixé par un arrêté du représentant de l’État dans la région applicable à ce bien. Cet arrêté est pris après avis du comité régional de l’habitat mentionné à l’article L. 364-1 du code de la construction et de l’habitation.
« Un arrêté du représentant de l’État dans la région détermine chaque année par bassin d’habitat le plafond de loyer mentionné au premier alinéa dans des conditions définies annuellement par un arrêté du ministre chargé du logement.
« L’arrêté du représentant de l’État dans la région fixe, pour chaque bassin d’habitat, un plafond de loyer applicable à des catégories de logements qu’il définit. Il fixe également les taux de modulation maxima de ces plafonds de loyer en fonction :
« - des aides publiques perçues au titre de la construction, de l’acquisition ou de la rénovation de ce bien ;
« - de la performance énergétique du bâtiment ;
« - de l’ancienneté et de la salubrité de ce logement ;
« - de son éloignement d’équipements publics et commerciaux et des zones d’activité. » ;
3° Les b et c du même article sont abrogés.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 49.
Mme Mireille Schurch. Ce sujet est important. Nous n’avons pas la même perception des réalités, monsieur Cornu, c’est certain.
Les politiques menées par le Gouvernement ont conduit à ravaler le logement au rang de simple marchandise, d’objet spéculatif, selon la formule de Nicole Borvo Cohen-Seat.
Nous en voyons aujourd'hui le résultat : une augmentation effrénée du niveau des loyers.
Alors que, dans les années quatre-vingt, le loyer représentait en moyenne 13 % du revenu des ménages, cette part atteint désormais près de 25 %, et même 50 % pour certaines populations, comme les étudiants, les travailleurs précaires ou les retraités. Voilà la réalité !
À cette évolution s’ajoute l’explosion du coût de l’énergie, qui alourdit encore la facture des ménages.
Au niveau national, les prix à la location ont doublé en treize ans. En Île-de-France, les loyers des appartements augmentent de 5 % par an. À Paris, le prix au mètre carré s’établit en moyenne à 20 euros, mais peut dépasser 30 ou 40 euros dans certains arrondissements. Se loger est devenu un parcours du combattant !
La crise du logement étant à son paroxysme, il nous semble urgent et nécessaire de prendre des mesures d’encadrement des loyers. Il s'agit d’une arme efficace pour lutter contre la spéculation dans le parc privé.
L'article 2 bis AA prévoit d’encadrer le loyer des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location. Dans les zones tendues, un décret pourra encadrer l’évolution des loyers des contrats renouvelés, mais également le niveau des loyers des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location. Dans ce dernier cas, le niveau de loyer ne pourra être inférieur à 80 % du loyer moyen constaté pour des logements de caractéristiques comparables par les observatoires de loyers.
Cependant, nous estimons que ce dispositif n’est pas suffisamment ambitieux ; en tout cas, il l’est moins que la proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale le 1er décembre dernier par notre collègue député Pierre Gosnat, votée par l’ensemble de la gauche.
En effet, cette proposition de loi prévoyait que le préfet de région fixerait par arrêté un loyer plafond au mètre carré par bassin d’habitat, en tenant compte d’une série de critères et après consultation du comité régional de l’habitat. À nos yeux, ce dispositif présentait l’avantage majeur de ne pas se contenter d’accompagner une hausse des loyers inéluctable, mais de faire baisser les loyers dans les zones tendues et de les stabiliser sur le reste du territoire.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui nous paraît extrêmement utile en ces temps de crise.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 206.
M. Joël Labbé. Comme nous l’avons fait hier soir pour des amendements du même type, nous retirons celui-ci.
M. le président. L'amendement n° 206 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 49 ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission a inséré, sur mon initiative, l’article 2 bis AA, qui met en place un mécanisme d’encadrement de l’évolution des loyers. L’amendement n° 49 prévoit un dispositif alternatif, mais ce dernier me paraît moins souple que celui qu’a adopté la commission.
Je souhaite toutefois rassurer les auteurs de cet amendement, qui semblent penser que l’encadrement prévu par l’article 2 bis AA ne vise que la relocation. Il n’en est rien, puisque l’encadrement de l’évolution des loyers des logements faisant l’objet d’une première location est évoqué à l’alinéa 4.
En conséquence, je demande aux auteurs de cet amendement de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Schurch, l'amendement n° 49 est-il maintenu ?
Mme Mireille Schurch. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis AA.
(L'article 2 bis AA est adopté.)
Article additionnel après l'article 2 bis AA
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « ou de vendre » sont supprimés ;
2° Le II est abrogé.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à supprimer le congé-vente. Ce dernier permet actuellement aux bailleurs privés de donner congé à leurs locataires six mois avant le renouvellement du bail. Le locataire est certes prioritaire pour acheter le bien, mais encore faut-il qu’il ait les moyens de le faire dans un laps de temps aussi court.
La réalité est plus complexe. Plusieurs dizaines de milliers de congés-vente sont délivrés chaque année, sans que leur nombre soit recensé, puisqu’il suffit d’un simple courrier recommandé du bailleur six mois avant la reconduction du bail.
Surtout, certains congés-vente sont délivrés abusivement, dans le seul but de relouer le bien au prix du marché à un nouveau locataire, le bailleur pouvant arguer, en s’appuyant sur la jurisprudence, qu’il n’a pas réussi à vendre son bien et n’a donc pas d’autre solution que de le remettre en location. La ficelle est énorme, mais elle n’en est pas moins utilisée.
Le congé-vente a longtemps été banni du droit locatif français, car il était considéré – à juste titre – comme une injustice à l’égard des locataires et une mesure spéculative. Il a été rétabli et généralisé dans les rapports locatifs par la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, dite loi Méhaignerie.
Cet amendement vise donc à le supprimer, dans la mesure où rien n’empêche un bailleur de ne pas reconduire un bail s’il souhaite vendre son bien. Il s'agit de mettre fin à une pratique qui aggrave la pénurie de logements et favorise la spéculation sur les baux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer purement et simplement le congé-vente en raison, selon ses auteurs, des abus auxquels celui-ci donne parfois lieu.
J’en demande le retrait ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 202 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis A
(Non modifié)
À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 13 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, après le mot : « effectué », sont insérés les mots : « dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception de la demande ».
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bérit-Débat, Vaugrenard, Teston et Labbé, Mme Rossignol, MM. Antiste et Repentin, Mmes Bourzai et Nicoux, MM. S. Larcher, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La loi n°86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé est ainsi modifiée :
1° À la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 13, après le mot : « effectué », sont insérés les mots : « dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception de la demande » ;
2° L’article 19-1 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, les mots : « les parts ou actions que l’associé détient dans le capital social lui ont été transmises par succession depuis moins de deux ans, ou lorsque celui-ci » sont remplacés par les mots : « l’associé » ;
b) Cet article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est de droit lorsque les parts ou actions que l'associé détient dans le capital social lui ont été transmises par succession depuis moins de deux ans. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Ayant été contacté par des personnes se trouvant dans une situation inextricable parce qu’elles ont hérité de parts de propriété temporaire au sein d’immeubles en jouissance à temps partagé, je suis intervenu à de nombreuses reprises sur ce sujet dans cet hémicycle.
L’article 2 bis A, qui modifie l’article 13 de la loi du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, constitue une avancée non négligeable, puisqu’il rend effective l’obligation pour les gérants de ces sociétés de répondre, dans un délai impératif de quinze jours, aux demandes d’associés souhaitant connaître les coordonnées des autres associés.
Pour autant, cette amélioration ne suffit pas à répondre à certaines situations ubuesques, en particulier les successions à l’issue desquelles les héritiers se trouvent non pas propriétaires, mais plutôt propriété d’un bien dont ils ne peuvent se débarrasser alors même que, parfois, ils ne peuvent pas en profiter.
Lors de l’examen de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, j’ai eu l’occasion de rappeler que certaines personnes ont hérité de leurs parents un appartement pour une période de l’année où la station et la résidence sont fermées. Quel magnifique héritage ! Vous êtes propriétaire d’un immeuble une semaine par an ; pendant cette période, la station et l’immeuble sont fermés, mais vous devez tout de même payer les charges ! (Rires.)
Un pas dans le bon sens a été franchi avec la loi de 2009, puisqu’elle a prévu deux possibilités de sortie d’une société en jouissance à temps partagé : soit par un accord unanime des associés, soit par une décision de justice pour justes motifs.
Toutefois, ce pas dans le bon sens n’a qu’un effet relatif, car il est extrêmement difficile, voire impossible, d’obtenir une décision unanime des associés.
Lors de la première lecture de la loi de développement et de modernisation des services touristiques, le Sénat avait pourtant adopté, à l’unanimité de ses membres – j’y insiste, mes chers collègues –, et avec un avis favorable du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, une troisième possibilité de sortie, dans le cas où les parts ou actions que l’associé détient dans le capital social lui ont été transmises par succession.
Le présent amendement reprend ce dispositif.
En outre, pour éviter les abus, cette sortie de droit ne pourrait s’effectuer que dans un délai de deux ans à compter de l’héritage. Nous étions tombés d'accord sur ce point lors de précédentes discussions. Pour ma part, je souhaiterais que nous allions plus loin, car, je le répète, certaines personnes se trouvent dans une situation inextricable dans la mesure où elles ont hérité du bien – si toutefois on peut parler de « bien » – voilà cinq, dix, quinze ou vingt ans.
L’adoption de cet amendement constituerait déjà un pas dans le bon sens. Or, comme vous le savez tous, mes chers collègues, un pas dans le bon sens n’empêche pas d’en faire d’autres ultérieurement...
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement reprend une proposition adoptée à deux reprises par le Sénat lors de l’examen de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
Le délai de deux ans est raisonnable, puisqu’il permet de préserver à la fois les intérêts des héritiers et ceux des associés. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Jean-Pierre Sueur a parfaitement expliqué le problème du timeshare. Nous en avons d'ailleurs longuement discuté à l’Assemblée nationale, dans un climat très consensuel.
Nous devons trouver de bonnes solutions. Chacun est bien conscient des difficultés : si l’on facilite le retrait d’un associé, on prend le risque de pénaliser les associés restants. L’équilibre est extrêmement difficile à trouver.
À l’Assemblée nationale, nous nous sommes mis d’accord pour constituer, à partir du début du mois de janvier, un groupe de travail rassemblant des parlementaires de tous les groupes. Je suis favorable à ce que des sénateurs participent à ce groupe de travail, afin que nous trouvions la bonne solution, le bon équilibre sur le plan juridique.
M. Sueur a raison : un pas a été fait, et l’adoption de cet amendement constituerait un pas supplémentaire. Cependant, peut-être pourrions-nous trouver une solution plus efficace, qui permettrait de régler le problème.
Sur le fond, je ne suis pas opposé à cet amendement, mais je ne peux pas être favorable à ce dispositif, car il ne règle pas le problème – M. Sueur l’admet – et pourrait être la cause de nouvelles difficultés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Monsieur le secrétaire d’État, je vous prends au mot : le meilleur moyen d’être sûr que le Sénat sera associé au groupe de travail, c’est d’adopter cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, il est toujours passionnant de participer à un groupe de travail !
Toutefois, mes chers collègues, je me permets de faire observer que c’est la cinquième fois en quatre ou cinq ans que je défends ce même amendement et que celui-ci a été adopté à l’unanimité, voilà trois ans, ici même.
Il me semble donc que la réflexion a déjà eu le temps de progresser au Sénat et qu’il serait sage, comme l’ont excellemment dit Mme la rapporteure pour avis et M. le président de la commission, d’adopter aujourd'hui cette disposition, sauf à accepter ce qui serait un recul de la part de notre assemblée.
Un surcroît d’argumentation convaincra peut-être nos collègues députés de l’adopter et, dès lors, un groupe de travail ne sera plus utile...
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. À la suite des dernières interventions de MM. Raoul et Sueur, je vais m’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Je me tourne cependant vers M. Sueur pour lui dire, mais il le sait bien au fond, qu’il sera nécessaire de poursuivre le travail sur ce dispositif. Cet amendement va être adopté. Fort bien. Cependant, je préfère la position du président de la commission de l’économie, pour qui son adoption permettra la constitution d’un groupe de travail, à celle de M. Sueur, qui considère que celle-ci rendra inutile la constitution d’un tel groupe.
Vous savez parfaitement, monsieur Sueur, que, tel qu’il est actuellement conçu, le dispositif que vous proposez contribue, certes, à solutionner une partie du problème, mais l’aggrave par ailleurs puisque les associés qui restent verront en réalité leurs charges s’accroître. (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)
Même si je m’en remets à la sagesse de cette assemblée, monsieur Sueur, je vous engage néanmoins, si cet amendement est adopté, à participer au groupe de travail pour trouver un véritable équilibre et éviter les effets pervers que vous connaissez bien.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. J’approuve, dans ses grandes lignes, l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Sueur, mais je tiens à souligner qu’il est important que ces appartements en timeshare – pour des périodes qui n’excèdent pas huit ou quinze jours par an et par propriétaire – puissent être ensuite reloués afin d’éviter que trop de volets restent clos dans les résidences de tourisme, puisque c’est de ce type de résidence qu’il s’agit en définitive. Si tel était le cas, cela nuirait gravement à l’attractivité des sites touristiques concernés. Il faudrait donc prévoir qu’un engagement de louer soit passé avec un exploitant.
Sous cette petite réserve, je le répète, je suis favorable à l’amendement de M. Sueur.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Sur le fond, nous approuvons entièrement cet amendement, mais M. Sueur, qui ne fait jamais rien sans réflexion et que je sais très attaché à la grammaire et à l’orthographe, acceptera, je l’espère, que je lui fasse une petite remarque amicale.
Mon cher collègue, l’anglicisme dans l’objet de l’amendement est de trop ! Le terme anglais aurait dû être remplacé, vous le savez bien, par celui de « jouissance partagée », formule que nous mettons en pratique tous les jours ensemble... (Rires.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Joli !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à remercier M. Mézard, avec qui je suis heureux de pratiquer au quotidien l’amitié républicaine, laquelle n’exclut pas d’ailleurs quelques divergences de forme ou de fond !
Toujours est-il qu’en l’espèce je souscris entièrement à son observation sur la rédaction de l’amendement. On aura d’ailleurs constaté que, dans la présentation que j’en ai faite, je n’ai pas eu recours à l’anglicisme qui figure en objet.
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis A est ainsi rédigé.
Article 2 bis B
(Supprimé)
Article 2 bis
I. – L’article L. 231-4 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« I. – Le contrat défini à l’article L. 231-1 est conclu sous les conditions suspensives suivantes, à moins que ces dernières n’aient été remplies avant la signature du contrat : » ;
2° et 3° (Supprimés)
II. – À l’article L. 232-2 du même code, la référence : « du paragraphe II de l’article L. 231-4 » est remplacée par les références : « des I et II de l’article L. 231-4 ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 2 bis
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié bis, présenté par MM. Dallier et Portelli, Mmes Farreyrol et Bruguière, MM. Lorrain, de Legge, J. Gautier, Lefèvre, Pierre, Hérisson et Grignon, Mme Sittler, MM. Houel, Dassault et Cambon, Mmes Primas, Cayeux, Jouanno et Mélot, MM. Milon, Revet, Bourdin et Reichardt, Mme Deroche et MM. Beaumont, Ferrand, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre unique du titre VII du livre II du code de la construction et de l’habitation est complété par un article L. 271-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 271-7. - Toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un immeuble bâti pour tout ou partie à usage d’habitation mentionne la superficie du bien.
« La nullité de l’acte peut être invoquée sur le fondement de l’absence de toute mention de cette superficie.
« Le bénéficiaire en cas de promesse de vente, le promettant en cas de promesse d'achat ou l'acquéreur peut intenter l'action en nullité, au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente.
« La signature de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente mentionnant la superficie du bien entraîne la déchéance du droit à engager ou à poursuivre une action en nullité de la promesse ou du contrat qui l'a précédé, fondée sur l'absence de mention de cette superficie.
« Si la superficie est supérieure à celle exprimée dans l'acte, l'excédent de mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix.
« Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.
« L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance. »
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Le présent amendement vise à intégrer les maisons individuelles dans le champ d’application de la loi Carrez, qui avait été limité aux appartements, seuls biens pour lesquels les vendeurs sont donc aujourd'hui tenus d’indiquer la surface.
L’argument – frappé au coin du bon sens… – avancé à l’époque du vote de cette loi était qu’une maison n’était pas un appartement et que l’acheteur d’une maison achetait celle-ci non pas pour sa surface, mais pour ses caractéristiques d’ensemble.
La situation ayant radicalement changé aujourd'hui, j’estime qu’il serait bon que l’acheteur connaisse désormais la surface exacte de la maison qu’il acquiert.
Je rappelle aussi que, depuis la loi Carrez, nous avons imposé au propriétaire qui loue un bien d’indiquer dans le bail la surface habitable dudit bien. Or il est possible de louer des maisons individuelles.
De même, dans les cas d’une demande de certificat d’hébergement ou de regroupement familial, la surface du logement doit être communiquée. Si celle-ci était indiquée dans les actes de vente quelle que soit la nature du bien, nous aurions à cet égard toutes les garanties nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’article 1er de la loi Carrez protège les acquéreurs de lots en copropriété en prévoyant, d’une part, que la surface du logement doit être mentionnée dans l’acte, d’autre part, que l’acheteur peut demander une baisse de prix proportionnelle à l’erreur de mesure quand la surface réelle est inférieure de plus de 5 % à celle qui est mentionnée.
Il ne me paraît pas opportun de rendre applicable la loi Carrez aux maisons individuelles, le lien entre surface et prix étant en effet moins étroit pour de tels biens que pour des appartements, particulièrement en zone non tendue.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il est également très réservé.
Étendre la loi Carrez à tous les biens en rendant obligatoire, sous peine d’annulation de la vente, la mention de la superficie procède d’une louable intention, mais faire entrer les maisons individuelles dans le champ d’application de cette loi pourrait néanmoins être source de confusion et d’erreurs pour l’acquéreur – de même, d’ailleurs que pour le vendeur – s’il ne maîtrise pas la différence entre les notions de superficie privative et de surface habitable. Or les erreurs entraîneront des sanctions.
Avant de s’engager dans une telle voie, il faut donc, au minimum, une concertation avec les opérateurs de la maison individuelle.
J’ajoute qu’au regard de ces deux notions, superficie privative et surface habitable, les maisons individuelles, avec les différents éléments, par exemple les combles, dont elles sont composées, n’obéissent pas, à l’évidence, à la même logique que les appartements, dont les surfaces sont précisément mesurables et donc opposables. Le sujet est donc plus complexe qu’il n’y paraît.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je comprends bien la motivation de M. Dallier, mais son amendement soulève un problème qui tient au fait que le marché de l’immobilier n’est pas homogène en France. Dans la région parisienne, peut-être les acheteurs potentiels d’un bien immobilier sont-ils intéressés par le nombre de mètres carrés habitables, mais, ailleurs, ce sont plutôt les mètres carrés de terrain qui sont déterminants.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est vrai !
M. Gérard Cornu. On va à nouveau citer Paris, Annecy et la Haute-Savoie, ou encore le Var et les Alpes-Maritimes, mais, presque partout ailleurs en France, le prix d’une maison, c’est finalement le prix au mètre carré de terrain, et non le mètre carré habitable.
L’amendement pourrait donc être intéressant si son champ d’application était circonscrit à des zones particulières, mais, dès lors qu’il est « généraliste », il me pose problème. Peut-être M. Dallier pourrait-il le rectifier en ce sens. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis un peu surprise par les avis défavorables émis sur cet amendement.
Si une promesse de vente est signée entre des personnes privées, celles-ci sont tout de même entourées d’un certain nombre de professionnels, en particulier de l’immobilier, et le calcul de la superficie, donnée tout de même importante, d’une maison individuelle ne devrait pas constituer une exigence exorbitante.
Cela ne devrait par ailleurs pas changer les relations entre vendeur et acquéreur, non plus que la nature et le coût de l’acte. Les gens ne signent pas de promesse de vente sans être assistés soit de notaires, soit d’agents immobiliers, professionnels tout à fait capables d’ajouter une telle clause.
Je ne comprends donc pas que le Gouvernement ne soit pas favorable à cet amendement que, pour ma part, je soutiendrai.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Je soutiendrai également cet amendement, auquel je ne vois pas vraiment pour quelles raisons on pourrait s’opposer.
La surface habitable est une notion claire et aisément calculable. Les dépendances ne sont pas des surfaces habitables. Les combles sont les combles, le garage un garage, le terrain un terrain. Point !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 ter (nouveau)
Après le cinquième alinéa de l’article L. 442-12 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - les enfants majeurs vivant au domicile de leurs parents ; ».
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Cornu, Mme Lamure, MM. César, Hérisson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Le présent amendement a pour objet de supprimer la prise en compte des enfants majeurs vivant au domicile de leurs parents pour l’attribution d’un logement HLM et le calcul du supplément de loyer de solidarité.
Le projet de loi, en ajoutant les enfants majeurs dans les personnes considérées comme vivant au domicile de leurs parents, a pour conséquence de prendre en compte des situations transitoires d’hébergement.
La prise en compte de ces situations provisoires me paraît inadaptée pour l’examen d’une demande d’attribution d’un logement ainsi que pour l’application du supplément de loyer de solidarité, procédures qui s’inscrivent normalement dans la durée et qui ne doivent pas être déconnectées de la situation réelle des locataires.
En effet, le départ de l’enfant majeur du domicile familial à un moment donné aura pour conséquence la sous-occupation du logement social attribué.
Enfin, le dispositif actuel permet déjà aux majeurs qui, tout en ayant une imposition séparée, sont co-titulaires du bail d’être comptabilisés.
Par conséquent, l’article paraît excessif et inutile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’article 2 ter a été inséré par la commission sur l’initiative de notre collègue Valérie Létard, afin que les enfants majeurs vivant au domicile de leurs parents soient pris en compte pour l’attribution d’un logement HLM et le calcul du supplément de loyer de solidarité. Il permet de répondre à des difficultés dont nous sommes tous conscients sur le terrain : en période de pénurie de logements, nombre d’enfants majeurs restent au domicile de leurs parents.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet au contraire un avis très favorable sur cet amendement.
Les propos de Gérard Cornu sont d’ailleurs frappés au coin du bon sens ! La prise en compte des enfants majeurs dans le décompte des personnes à charge au moment de l’attribution des logements du parc social et du calcul du supplément de loyer de solidarité n’a pas lieu d’être, car elle entérinerait une situation qui a vocation à être transitoire.
Cette question a donné lieu à un vif débat en commission. Il convient donc de supprimer cet article.
Je rappelle que l’un des membres de la commission a souligné que cette disposition entraînerait des risques sérieux de fraude, puisqu’un certain nombre de candidats à ces logements utiliseraient ce moyen, invérifiable en réalité, pour détourner la législation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 ter.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 3
I. – (Non modifié) L’article L. 121-83 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de la présente section, on entend par fournisseur de services tout fournisseur de services de communications électroniques au sens du 6° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. » ;
2° Le e est complété par les mots : « ainsi que les motifs de résiliation du contrat en application de l’article L. 121-84-7 » ;
3° Après le mot : « précise », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « ces informations, notamment les motifs de résiliation du contrat mentionnés au e. »
II. – L’article L. 121-84-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-84-2. – Le présent article est applicable aux résiliations des contrats des fournisseurs de services qui ne relèvent pas du I de l’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques.
« La durée du préavis de résiliation ne peut excéder trois jours ouvrés à compter de la réception par le fournisseur de services de la demande de résiliation. Le consommateur peut toutefois demander que cette résiliation prenne effet au-delà de ce délai. »
III. – L’article L. 121-84-4 du même code est complété par les mots : « , qui est recueilli par écrit ou au moyen de tout support durable ».
IV. – L’article L. 121-84-6 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’un service » sont remplacés par les mots : « de services » ;
1° bis Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute conclusion ou modification des termes du contrat ayant pour effet d’établir ou de prolonger une durée minimale d’exécution fait l’objet de l’accord exprès du consommateur, exprimé au moyen de tout support durable, ainsi que d’une information préalable spécifique relative à la durée minimale d’exécution à destination du consommateur, selon des modalités fixées par un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques pris après avis du Conseil national de la consommation. » ;
2° Sont ajoutés huit alinéas ainsi rédigés :
« Tout fournisseur de services subordonnant la conclusion ou la modification des termes d’un contrat qui régit la fourniture d’un ou de services de communications électroniques mobiles à l’acceptation par le consommateur d’une clause contractuelle imposant le respect d’une durée minimale d’exécution est tenu de proposer simultanément :
« 1° Cette offre de services, sans durée minimum d’exécution du contrat, à ses clients ne souhaitant pas acquérir de téléphone mobile s’ils sont parvenus au terme de la durée minimale d’exécution du contrat d’une offre souscrite préalablement ;
« 2° Et, en outre, à tous les consommateurs, une offre mobile sans durée minimale d’exécution du contrat, selon des modalités commerciales non disqualifiantes.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, précise les modalités d’application du précédent alinéa.
« Les fournisseurs de services ne peuvent subordonner le bénéfice d’avantages acquis par le consommateur du fait de son ancienneté, notamment les points de fidélité, à une modification des termes du contrat ayant pour effet d’imposer une nouvelle durée minimale d’exécution du contrat, sauf à ce que ces avantages consistent en l’acquisition d’un terminal à des conditions tarifaires particulières.
« Tout fournisseur de services de communications électroniques mobiles doit proposer au moins une offre relative à un terminal mobile destinée aux consommateurs handicapés et mettre à la disposition des consommateurs les informations relatives aux produits et services destinés aux consommateurs handicapés qu’il propose. Un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des personnes handicapées précise le contenu des offres et les services qu’elles doivent comporter.
« Tout fournisseur de services proposant une offre de services comprenant un terminal est tenu d’informer le consommateur, lors de la souscription de cette offre, ainsi que sur ses factures, d’une part, de la quote-part de l’abonnement correspondant au paiement du terminal et, d’autre part, de la quote-part de l’abonnement correspondant au paiement des services de communication. Ces factures doivent également, le cas échéant, faire apparaître le montant des intérêts appliqués si le paiement du terminal est étalé.
« Le fournisseur de services qui propose une offre couplée conformément à l’alinéa précédent est tenu de proposer également une offre distincte sans engagement de durée pour la seule fourniture des services de communications électroniques et une offre distincte de vente du terminal selon des modalités commerciales non disqualifiantes. »
« 1° et 2° (Supprimés) »
V. – (Non modifié) L’article L. 121-84-7 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’un service » sont remplacés par les mots : « de services » ;
2° (Suppression maintenue) ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat comprend une liste des motifs de résiliation à l’initiative du consommateur, incluant notamment ceux fixés par l’arrêté mentionné à l’article L. 121-83 et, le cas échéant, les autres motifs, pour lesquels ne peuvent être exigés du consommateur ni le paiement des frais visés au deuxième alinéa du présent article, ni le paiement du montant dû au titre de la fraction non échue de la période minimale d’exécution du contrat, sans préjudice du premier alinéa de l’article L. 121-84. »
VI. – Après l’article L. 121-84-11 du même code, sont insérés des articles L. 121-84-12 à L. 121-84-15 ainsi rédigés :
« Art. L. 121-84-12. – Tout fournisseur de services est tenu :
« 1° De mettre à la disposition du consommateur sur son site internet un espace sécurisé lui donnant accès aux stipulations des documents contractuels et conditions générales de vente qui lui sont applicables, y compris leurs modifications, aux services qui lui sont accessibles et à leurs tarifs et à des informations sur sa consommation de services de communications électroniques ;
« 2° (Supprimé) ;
« 3° De mettre à la disposition du consommateur sur son site internet et, lorsqu’il existe, sur l’espace sécurisé du consommateur mentionné au 1° un outil lui permettant d’estimer la somme totale qu’il devrait acquitter en cas de résiliation de son contrat ainsi que les informations nécessaires à l’utilisation de cet outil ;
« 4° De prévoir la mise à disposition des informations mentionnées aux 1° et 3° au moins sur un autre support durable à la demande du consommateur.
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes s’assure de la disponibilité de guides tarifaires interactifs de comparaison des offres des opérateurs de communications électroniques, respectant un cahier des charges qu’elle édicte. Ce cahier des charges précise notamment les critères suivants auxquels doivent répondre les guides tarifaires interactifs :
« - gratuité pour l’utilisateur final ;
« - accessibilité pour toutes les catégories d’utilisateurs ;
« - pertinence des résultats : exhaustivité, régularité des mises à jour, lisibilité, granularité d’analyse ;
« - transparence et loyauté du service.
« À cette fin, l’autorité délivre un label aux guides remplissant les conditions mentionnées ci-dessus. Elle peut déléguer cette tâche à un organisme indépendant et impartial. Lorsqu’elle constate que le marché ne pourvoit pas à la disponibilité de tels guides, l’Autorité en assure elle-même l’édition.
« Les services mentionnés aux 1° et 3° ne donnent lieu à la perception d’aucuns frais.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, précise, dans le respect des dispositions de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les informations et leur format qui doivent figurer sur l’espace sécurisé mentionné au 1° du présent article, la durée et les conditions de leur conservation et les modalités de l’information mentionnée au 2°, y compris les conditions dans lesquelles le consommateur y consent. Il définit également les modalités d’estimation de la somme à acquitter en cas de résiliation du contrat.
« Les modalités d’application du présent article sont prises après avis de l’Autorité de la concurrence.
« Art. L. 121-84-13. – Tout fournisseur de services met gratuitement en place un dispositif d’alerte et de blocage des services de communications électroniques en vue de faciliter la maîtrise par le consommateur de sa consommation.
« Les opérateurs de réseau accueillant sur leur réseau des opérateurs virtuels transmettent à ces derniers, dans un délai compatible avec une information loyale du consommateur, les données leur permettant de mettre en œuvre le précédent alinéa.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation, précise les services auxquels ce dispositif s’applique, les modalités selon lesquelles le consommateur a partout la possibilité de paramétrer ce dispositif et de le désactiver et les conditions de mise en œuvre des alertes ainsi que du blocage des services et de leur reprise, en prenant en compte les contraintes des fournisseurs de services.
« Art. L. 121-84-14. – (Non modifié) Tout fournisseur de services qui commercialise un terminal verrouillé, seul ou avec un service, est tenu, dès la fin du troisième mois suivant l’acquisition du terminal par le consommateur :
« 1° De lui communiquer gratuitement les informations permettant le déverrouillage du terminal ;
« 2° De déverrouiller gratuitement le terminal à sa demande.
« Le fournisseur de services met à la disposition du consommateur les informations relatives aux opérations associées à la procédure de déverrouillage par téléphone dans les conditions prévues à l’article L. 121-84-5 et dans son réseau de distribution, s’il en dispose.
« Art. L. 121-84-15. – I. – Les fournisseurs de services de communications électroniques ne peuvent utiliser le terme "illimité" dans aucune publicité, document commercial ou document contractuel pour qualifier des offres caractérisées par une limite quantitative.
« II. – Les fournisseurs de services de communications électroniques ne peuvent utiliser le terme "internet" pour qualifier une offre permettant l’échange de données lorsque cette dernière est assortie d’une limitation d’un ou plusieurs usages spécifiques.
« Toute publicité relative à une offre de services de communications électroniques entièrement prépayée et mentionnant le prix de cette offre comporte une information sur le prix d’une minute de communication pour les appels vers les numéros géographiques métropolitains et mobiles du plan national de numérotation, le prix d’un message interpersonnel court non surtaxé et le prix d’une session de connexion à l’internet exprimée dans l’unité de mesure correspondant à l’offre, lorsque cette offre permet d’accéder à ces services. Des conditions spécifiques de mise à disposition prenant en compte les contraintes inhérentes à certains moyens de communication et aux circonstances qui les entourent sont définies par un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation. »
VII. (non modifié) – A. – Au premier alinéa de l’article L. 121-83, à l’article L. 121-83-1, au premier alinéa de l’article L. 121-84-1 et à l’article L. 121-84-3 du même code, les mots : « de communications électroniques au sens du 6° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques » sont supprimés.
B. – Au premier alinéa des articles L. 121-84-5, L. 121-84-6, L. 121-84-7 et à la première phrase de l’article L. 121-84-9 du même code, les mots : « de communications électroniques, au sens du 6° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, » sont supprimés.
C. – Au deuxième alinéa de l’article L. 121-84-1 du même code, les mots : « de communications électroniques au sens du 6° de l’article L. 32 précité » sont supprimés.
VIII. – A. – Le e de l’article L. 121-83, les articles L. 121-84-4 et L. 121-84-7, dans leur rédaction issue de la présente loi, ainsi que les 2° et 3° de l’article L. 121-84-12 et les articles L. 121-84-13 et L. 121-84-14 du code de la consommation sont applicables aux contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la même loi.
B. – Le 1° de l’article L. 121-84-12 du même code est applicable aux nouveaux contrats à compter du premier jour du neuvième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi. Il est applicable aux contrats qui font l’objet d’un renouvellement, y compris tacite, à compter du premier jour du neuvième mois suivant la promulgation de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et MM. Hérisson et César, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Cet amendement a pour objet de rétablir la durée maximale du préavis de résiliation à cinq jours. Ce délai constitue d’ores et déjà un progrès significatif pour les consommateurs, puisque la durée du préavis de résiliation est actuellement de dix jours. Il est le résultat d’un compromis entre les contraintes des professionnels et l’alignement de cette durée sur celle qui est applicable au portage du numéro.
En effet, dans le cadre de la transposition du « paquet Télécom », le délai total du portage du numéro a été réduit. Il sera de trois jours ouvrables pour les lignes mobiles. Pour les lignes fixes, en revanche, il sera d’une durée supérieure et doit encore être précisé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
La résiliation effectuée en dehors du cadre de la portabilité du numéro, qui est une procédure en grande partie automatisée, obéit à des contraintes différentes. La majorité des consommateurs effectuent leur résiliation par courrier postal. Dans ce cas, un délai de trois jours est insuffisant pour que la demande soit prise en compte dans de bonnes conditions par les services de traitement du courrier des opérateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission a souhaité aligner le délai du préavis de résiliation d’abonnements à des services de communications électroniques sur celui du portage du numéro, tel qu’il résulte de la transposition du « paquet Télécom », soit trois jours.
Cet amendement vise à le rétablir à cinq jours, conformément au texte initial. Les arguments avancés sont liés au délai de traitement des demandes de résiliation par courrier.
Or la rédaction actuelle de l'article parle de trois jours ouvrés à compter de la réception de la demande ; les week-ends ne sont donc pas pris en compte.
Un tel délai ne semble pas insurmontable pour les opérateurs.
En effet, l’acte en lui-même est simple et se réduit à quelques opérations : vérification des impayés éventuels, émission de la facture de clôture, résiliation de la ligne.
De plus, le maintien d’un délai à trois jours peut aussi inciter les opérateurs à rendre plus efficaces leurs systèmes de traitement des demandes de résiliation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
La logique de ce projet de loi est de coller, autant que faire se peut, à la réalité et, surtout, de refuser tout effet d’affichage.
Je comprends bien la référence aux dispositions du « paquet Télécom ». Toutefois, je rappelle qu’elles ne concernent que le mobile. Or l’alinéa 8 de l'article 3 porte sur tous les services proposés par les opérateurs. Il sera mécaniquement impossible à ces derniers de respecter le délai affiché. Par conséquent, annoncer aux consommateurs que la durée du préavis de résiliation pourra être ramenée à trois jours ne semble pas réaliste, mais surtout cela provoquera un flot de réclamations, car les opérateurs ne pourront le respecter. Gérard Cornu a donc tout à fait raison.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 143 rectifié et 197 rectifié bis sont identiques.
L'amendement n° 143 rectifié est présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 197 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « douze » ;
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les quatre derniers alinéas sont supprimés ;
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° 143 rectifié.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à réduire à douze mois la durée maximale d’engagement proposée par les opérateurs. En matière de téléphonie mobile, la durée standard des contrats est actuellement de vingt-quatre mois ; elle concerne 75 % des abonnés.
Les opérateurs justifient cette durée par l’existence d’une subvention du terminal. Or cette subvention est peu différente pour des engagements de douze mois. Une telle durée est donc suffisante pour amortir l’investissement.
Par ailleurs, la nécessité d’une subvention est aujourd’hui très discutable. En effet, durant la phase de croissance du marché, cette pratique commerciale a probablement été nécessaire pour stimuler son développement. Aujourd’hui, le marché est mature : le téléphone mobile est largement ancré dans les habitudes de consommation et les utilisateurs sont en mesure de trouver des terminaux à des prix abordables sur le marché.
De fait, aujourd’hui, le système généralisé de l’engagement pour vingt-quatre mois sclérose le marché, limitant la concurrence et immobilisant de façon artificielle les consommateurs.
Au cours du premier trimestre 2011, un grand mouvement a eu lieu et près de 600 000 consommateurs ont rejoint les MVNO, Mobile Virtual Network Operator, ces opérateurs qui ne disposent ni de spectre de fréquence propre ni d’infrastructure de télécommunication.
Il est nécessaire de dynamiser la concurrence en diminuant la durée d’engagement, surtout dans la perspective de l’arrivée prochaine d’un quatrième opérateur sur le marché.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 197 rectifié bis.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, les arguments qui viennent d’être développés par Michel Teston sont ceux que je comptais avancer, et je ne les répéterai donc pas.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « douze ».
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Nous aussi, nous souhaitons réduire la durée maximale d’engagement des abonnements de téléphonie mobile de vingt-quatre mois à douze mois.
En effet, de nombreux consommateurs se disent lourdement sollicités par leur opérateur pour renouveler leur engagement et, trop souvent, les opérateurs imposent une reconduction de la durée d’engagement pour un changement de forfait, voire pour la simple souscription d’une option ou l’acceptation d’un cadeau, par exemple quelques heures de communication gratuites.
Si un tel renouvellement d’engagement peut être discuté en cas d’acquisition d’un nouveau terminal, rien ne le justifie économiquement pour un changement de forfait ou d’option, sinon la volonté de faire barrage à la mobilité du consommateur et de l’empêcher de faire jouer la concurrence.
Or c’est au client de décider de sa fidélité, non aux opérateurs. Un client libre est un client qui peut à tout moment changer d’opérateur pour une meilleure opportunité.
En ce sens, l’exemple de la grande migration des consommateurs à la suite de l’augmentation de la TVA qui les a libérés de leur contrat est souvent mis en avant ; mon collègue Michel Teston vient de le faire. Comme le souligne l’association UFC-Que Choisir, ces consommateurs ont choisi en masse des forfaits sans engagement proposés par les opérateurs de réseau mobile virtuel.
Nous pensons qu’il est indispensable que les consommateurs reprennent en main un marché où les innovations technologiques sont permanentes. Ils doivent être en mesure de suivre son évolution et de jouer un rôle de régulateur.
M. le président. L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « dix-huit ».
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. L'amendement n° 195 rectifié est un amendement de repli, qui vise à prévoir une durée maximale d’engagement de dix-huit mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission n’a pas souhaité limiter à douze mois le délai maximal d’engagement en matière de téléphonie mobile.
L’existence d’abonnements de vingt-quatre mois, formule d’ailleurs plébiscitée par les consommateurs, permet en effet aux abonnés d’amortir leur terminal sur un laps de temps plus long et donc d’acquérir celui-ci à un prix moins élevé.
Par ailleurs, grâce à la loi Chatel, il est possible aux abonnés pour vingt-quatre mois, au-delà des douze premiers mois, de résilier leur abonnement en ne payant que le quart des sommes restant dues.
Il faut préciser que l’opérateur qui les accueille se propose souvent de prendre à sa charge cette dépense.
Je ne nie pas pour autant les problèmes que ce dispositif pose : manque de transparence des grilles tarifaires, difficultés à comparer les différentes offres.
Pour cette raison, la commission a adopté un dispositif contraignant les opérateurs à distinguer sur chaque facture le coût de l’abonnement de celui de l’amortissement du terminal.
Faut-il aller plus loin et limiter à douze mois la durée des engagements, comme le prévoient les amendements identiques nos 143 rectifié et 197 rectifié bis et l'amendement n° 38 ? Telle n’est pas ma position, vous l’avez compris.
Toutefois, devant le nombre d’amendements déposés en ce sens et les longues discussions sur ce sujet en commission, celle-ci a décidé de s’en remettre, pour ces quatre amendements en discussion commune, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’apprécie la sagesse dont a fait preuve le rapporteur en présentant le dispositif existant. J’abonde totalement dans son sens.
Je me rappelle que cette question a donné lieu à un assez long débat en commission et a permis d’évoquer un certain nombre de sujets. Certains commissaires se sont notamment interrogés sur les pratiques en vigueur dans les autres pays et ont demandé des éléments de comparaison.
Je tiens à apporter à la Haute Assemblée une information qui complétera la présentation du rapporteur. Le modèle réglementaire français est celui qui a été validé à l’échelon communautaire. Une directive actuellement en discussion en fait d’ailleurs le modèle de référence pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elle reprend le principe de la loi Chatel, notamment une durée de validité maximale de vingt-quatre mois et l’obligation pour les opérateurs de proposer des contrats de douze mois. Il est même assez probable que notre pays n’aura pas le droit de proposer un autre modèle dans les mois qui viennent.
Le projet de loi prévoit en plus l’obligation pour les opérateurs de présenter une offre sans engagement. En d’autres termes, le consommateur a le choix entre une offre sans engagement, une offre de douze mois et une offre de vingt-quatre mois : il décide librement. Pourquoi empêcher un consommateur de privilégier une offre l’engageant pour vingt-quatre mois, si c’est pour lui le seul moyen d’acquérir le matériel qu’il convoite ?
En outre, au mois de juin 2011, la Commission européenne et le Conseil européen ont explicitement refusé l’interdiction des durées d’engagement de plus de douze mois. Or c’est exactement ce que tendent à instaurer ces amendements.
Les durées d’engagement de vingt-quatre mois sont plébiscitées – j’emploie ce mot à dessein – par les consommateurs. Un rapport récent montre que les deux formules qu’ils préfèrent sont le contrat de vingt-quatre mois ou l’offre sans engagement. En revanche, c’est l’offre de douze mois qu’ils délaissent le plus, celle-là même que vous voulez imposer !
En France, 40 % des consommateurs sont engagés sur vingt-quatre mois, tandis que 40 % ont un contrat sans engagement de durée, alors même que certains opérateurs ne font pas ce genre d’offres, qui ne sont pas obligatoires.
C’est vous dire à quel point les offres sur douze mois ne sont pas retenues par les consommateurs. C’est pourtant celles que vous préconisez, je le répète, au travers de vos différents amendements !
La durée d’engagement de vingt-quatre mois est la norme du marché de la téléphonie mobile, que ce soit en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, en Suède, en Autriche, en Belgique, au Royaume-Uni, mais également au Japon, au Canada et aux États-Unis.
Par ailleurs, les critiques portées à l’encontre de la loi Chatel ne sont pas fondées, car, après le douzième mois, le consommateur paie, au plus, trois mois d’abonnement en cas de résiliation, comme s’il était engagé sur seulement quinze mois. Il n’est pas automatiquement lié pendant vingt-quatre mois, dès lors qu’il a dépassé les douze mois, comme je l’ai entendu tout à l’heure.
L’ARCEP reconnaît qu’elle a manqué de recul dans son rapport sur l’application de cette disposition de la loi Chatel, remis au Parlement en juillet 2010. Il est important de le signaler puisqu’un certain nombre d’entre vous se réfèrent à cet organisme. À la date de son analyse, la majorité des consommateurs ne bénéficiaient pas de l’encadrement des pénalités de résiliation, qui ne s’appliquaient qu’aux nouveaux contrats.
J’espère vous avoir convaincus que la position adoptée par la commission de l’économie, après un long débat, est la bonne. Interdire ces pratiques nuirait au consommateur avec, au final, des hausses de prix démesurées, puisque cela reviendrait à interdire le subventionnement d’un terminal. La qualité de service serait de surcroît dégradée, en raison de la déstabilisation des acteurs de ce marché.
En revanche, il faut des contreparties : la loi Chatel a ainsi prévu de modérer les pénalités.
Il convient également d’accroître la transparence : le texte qui vous est soumis tend à imposer l’obligation de proposer une offre alternative sans engagement de durée.
J’ajoute, enfin, que le consommateur doit être éclairé : le projet de loi prévoir justement des obligations de conseil personnalisé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ces amendements, vous prendriez le risque de rompre le modèle économique de la téléphonie en vigueur dans notre pays. De plus, vous iriez à l’encontre ce que veulent les consommateurs.
Ces amendements auraient été parfaitement défendables au moment de la discussion de la loi Chatel, mais, aujourd’hui, compte tenu, d’une part, des avancées obtenues à travers ce texte et, d’autre part, de ce qui est proposé dans le présent projet de loi – l’offre sans engagement –, ils ne correspondent pas à ce que plébiscitent les clients, comme le montrent toutes les études récentes.
Le Gouvernement est donc très défavorable à ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je reconnais de la persévérance à M. Teston, puisqu’il reprend une position qu’il avait défendue lors de l’examen de la loi Chatel, dont j’étais le rapporteur.
Il me semble que nous avions trouvé, à l’époque, une solution intéressante à ce problème de la durée d’engagement. Nous avions considéré, tous ensemble, d’ailleurs, qu’il fallait conserver cette formule de vingt-quatre mois, avec une possibilité de sortie au bout de douze mois, si besoin était.
Lors des auditions auxquelles nous avions procédé dans le cadre du groupe de travail créé à l’occasion, les opérateurs nous avaient expliqué que des habitudes commerciales s’étaient développées et que les consommateurs, notamment les jeunes, étaient très demandeurs d’abonnements de vingt-quatre mois, tout simplement parce que le coût de revient était moins élevé. À leurs yeux, une telle durée n’était pas handicapante.
Je reconnais que la loi Chatel n’a pas été bien valorisée par les opérateurs. Peut-être était-ce aussi notre rôle de mieux faire connaître cette loi, qui, à mon sens, était très bonne ? Permettre à chaque client ayant un contrat de vingt-quatre mois de pouvoir s’en dégager au bout de douze mois, par exemple si son appareil est cassé, a constitué un progrès important.
Pour ma part, je considère que le législateur n’a pas à s’immiscer dans la politique commerciale des opérateurs.
Mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir qu’un nouvel acteur va bientôt faire son apparition sur le marché. Or ce dernier va axer son offre sur un abonnement de douze mois. C’est un choix qui lui appartient ! Pour sa part, l’opérateur Orange a une politique commerciale plus diversifiée, avec différentes offres de durée.
C’est l’intérêt du consommateur de pouvoir choisir vingt-quatre mois, douze mois, voire aucune durée, sans que personne ne l’y oblige. Mais en choisissant une durée de vingt-quatre mois, il a un intérêt financier évident.
Je ne vois pas pourquoi le législateur interdirait une pratique commerciale plébiscitée par les consommateurs. Ce n’est pas son rôle !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je ne vais pas revenir sur les arguments que j’ai développés lors de la présentation de l’amendement.
Néanmoins, je voudrais apporter une réponse à M. le rapporteur, qui a fait état d’une disposition adoptée, le 7 décembre dernier, en commission de l’économie, ayant pour objet de distinguer, sur les factures, le prix de la prestation de service du prix du mobile.
Nous avons cru que cette disposition pouvait suffire. À la réflexion, il est apparu à bon nombre d’entre nous que tel n’était pas le cas. C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement n° 143 rectifié, qui vise à réduire à douze mois la durée maximale d’engagement proposée par les opérateurs.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je ne comprends pourquoi il faudrait limiter le choix du client. Cette offre est plébiscitée, elle est moins chère pour les jeunes. À quel titre réglementerions-nous un système qui fonctionne bien ? Le choix est ouvert pour les consommateurs ; pourquoi le limiter ?
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous citer mon cas personnel.
Abonné à Orange depuis seize ans, je suis passé chez SFR, pour les raisons que mes collègues savent bien. Voilà dix jours, j’ai entrepris les démarches auprès d’Orange pour résilier mon abonnement. Il m’a été répondu que, comme j’étais dans le cadre d’un renouvellement tacite de vingt-quatre mois, l’abonnement irait au terme de cette période, en vertu des dispositions de la loi Chatel.
M. Gilbert Roger. C’est pourtant ce qu’on m’a dit ! Je devais encore payer la somme de 89 euros par mois, jusqu’au terme des vingt-quatre mois ! J’ai essayé de négocier en expliquant que, pour des raisons professionnelles, je n’avais pas vraiment le choix de mon opérateur, mais on a refusé de me libérer de mon engagement.
Il a donc fallu que je passe par d’autres voies pour parvenir à mes fins.
Une bonne information doit, a minima, être donnée au consommateur. Or je considère que la loi Chatel n’est pas bien faite sur ce point. Je viens d’en faire l’expérience.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je ne mets absolument pas en doute ce que vous venez de dire. Sachez simplement que votre interlocuteur, en l’occurrence, a commis une infraction. Vous êtes donc en droit de faire une réclamation.
Mme Évelyne Didier. C’est du forcing commercial !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame Didier, écoutez ce que j’ai à vous dire !
Monsieur Roger, vous n’êtes pas le seul dans ce cas. Il y a beaucoup de réclamations à ce sujet.
Le texte que je vous présente contient précisément un dispositif pour que, en cas de renouvellement, un accord exprès, sur un support durable, soit demandé au client. (M. Gilbert Roger secoue la tête en signe de dénégation.)
Ne dites pas non, monsieur Roger ! Avez-vous lu le projet de loi ? Il tend bien à répondre au problème que vous venez de décrire, qui n’a strictement rien à voir avec la question de la durée de l’engagement.
Vous nous avez expliqué avoir été maintenu, contre votre gré, dans un engagement de longue durée. Une telle situation, qu’ont vécue un certain nombre de consommateurs, est anormale. Il n’existe aucune obligation en la matière. C’est pour cette raison que l’alinéa 13 de l’article 3 dispose que toute fixation ou prolongation d’une durée minimale d’exécution du contrat fait l’objet de l’accord exprès du consommateur, exprimé sur un support durable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 143 rectifié et 197 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 38 et 195 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 208 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
tout support durable
insérer les mots :
ou par message interpersonnel court
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Husson, Masson et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après les mots :
d’exécution
insérer les mots :
qui ne saurait être supérieure à douze mois en cas de modification des termes du contrat,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 156, présenté par MM. Maurey, Dubois, Capo-Canellas, Deneux et Lasserre, Mme Létard et MM. Merceron et Tandonnet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, définit les modalités commerciales non disqualifiantes mentionnées au présent article. »
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Le texte issu des travaux de la commission tend à ajouter à l’article L. 121–84–6 du code de la consommation deux nouvelles situations dans lesquelles les opérateurs sont tenus de présenter aux consommateurs des offres alternatives, selon des « modalités commerciales non disqualifiantes ».
D’une part, quand un opérateur impose des durées minimales d’engagement pour la fourniture d’un service de communications électroniques mobiles, il est tenu de proposer simultanément une offre sans durée minimale d’exécution du contrat.
D’autre part, quand un opérateur propose une formule couplée service plus terminal, il doit également en proposer une, en même temps, distinguant la fourniture du terminal de celle des services.
Or l’arrêté prévu pour définir ces modalités commerciales non disqualifiantes ne vise que le premier cas. Il est donc impératif, si j’ose dire, de compléter cet arrêté.
C’est pourquoi cet amendement vise à étendre la portée de l’arrêté définissant les modalités commerciales non disqualifiantes à l’ensemble des situations prévues par l’article L. 121–84–6 du code de la consommation, dans sa rédaction existante et dans celle qui résulte du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement devrait permettre de préciser une notion dont l’ARCEP a eu l’occasion de souligner le caractère très vague.
La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je reviens rapidement à l’amendement précédent.
Finalement, on va pouvoir dire que la majorité sénatoriale de gauche souhaite que les jeunes achètent leur téléphone portable plus cher !
Cet argument sera porteur pour la campagne électorale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est vraiment petit bras !
M. le président. L'amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 20, seconde phrase
Après les mots :
arrêté conjoint des ministres chargés
insérer les mots :
des communications électroniques,
Cet amendement n’est pas soutenu.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 214, présenté par M. Fauconnier, au nom de la commission de l'économie, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 201 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement vise à associer le ministre chargé des communications électroniques à la rédaction de l’arrêté précisant le contenu des offres à destination des personnes handicapées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est bien évidemment favorable à cet amendement. Je note que, comme ce fut le cas pour les durées d’engagement de douze et vingt-quatre mois, les rapporteurs et le président de la commission partagent l’avis du Gouvernement et non celui de la majorité sénatoriale. C’est tout de même important s’agissant de sujets aussi essentiels.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 118 rectifié, présenté par M. Hérisson, Mme Lamure et MM. Cornu, César et Houel, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions qui imposent aux opérateurs proposant des offres couplant des services et un terminal de commercialiser séparément ce terminal et la même offre de service sans terminal.
Il se trouve que ces dispositions sont incompatibles avec la directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales.
De plus, et surtout, à la lumière des évolutions actuelles du marché, ces dispositions se révèlent inutiles puisque, depuis février 2011, la majorité des opérateurs proposent systématiquement une offre découplée pour chaque offre couplée. Ainsi, le consommateur peut, dès la lecture du catalogue commercial de l’opérateur, effectuer un choix éclairé, souscrire une offre avec un terminal ou souscrire la même offre avec une réduction sur le montant de l’abonnement mensuel et acheter son terminal par ailleurs.
Les dispositions de ces deux alinéas nous paraissent donc inutiles et elles font subir un risque de contentieux important aux autorités françaises. C’est pourquoi il est proposé de les supprimer.
M. le président. L'amendement n° 172 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Tout fournisseur de services proposant une offre de services comprenant un terminal est tenu d'informer le consommateur, d'une part, sur le prix du terminal et, d'autre part, sur le prix des services.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 118 rectifié ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Les auteurs de l’amendement soutiennent que le découplage obligatoire des offres de terminaux et de services serait contraire au droit communautaire, en particulier à la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales.
En effet, cette directive interdit aux États membres d’édicter, dans leur droit, des interdictions générales et préventives visant les transactions commerciales. Or, la disposition introduite sur le découplage n’a pas un tel caractère, puisqu’elle est circonstanciée et cible spécifiquement le marché des communications électroniques mobiles.
Par ailleurs, cette mesure nous semble indolore pour les opérateurs, car la pratique du découplage est déjà largement répandue. Elle permet d’apporter plus de transparence sur les prix réels des terminaux et des services tout en maintenant la possibilité de proposer des abonnements de vingt-quatre mois.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement parce que l’imposition du découplage ne peut viser que des offres identifiées sur le fondement d’un examen approfondi démontrant le caractère déloyal d’une pratique particulière de couplage d’un opérateur.
De surcroît, ce dispositif, et c’est pourquoi, madame Lamure, vous avez raison de vouloir le supprimer, n’est pas nécessaire. En effet, les évolutions récentes du marché montrent que la quasi-totalité des opérateurs, notamment les grands opérateurs de réseaux, proposent systématiquement une offre découplée pour chaque offre couplée. Cela nous ramène au débat que nous avons eu sur les durées d’abonnement : vingt-quatre mois, douze mois ou sans engagement. Il y a, d’un côté, ceux qui souhaitent, comme le prévoit cet amendement, préserver la liberté des consommateurs, leur permettre de choisir entre les différentes solutions qui leur sont offertes, et, de l’autre côté, ceux qui veulent priver les consommateurs de cette liberté.
M. Gérard Cornu. La contrainte !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Chacun le sait, un certain nombre de consommateurs préfèrent, pour des raisons de simplicité, avoir des offres couplées. Lorsqu’un opérateur propose des offres couplées et des offres découplées, les consommateurs peuvent choisir celles qu’ils souhaitent.
L’interdiction de proposer des offres couplées a été adoptée en commission. Le présent amendement vise à revenir sur cette décision. Je considère pour ma part qu’il est beaucoup plus sage de laisser la liberté aux consommateurs.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Dans la pratique, ces dispositions n’apportent rien aux consommateurs puisque l’offre existe déjà ; elles ne contraignent pas non plus l’opérateur puisqu’il propose déjà ces offres. En fait, elles ne font qu’alourdir le texte.
M. Gérard Cornu. Oh là là !
M. le président. L'amendement n° 117 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Cornu et César, Mme Lamure et M. Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Rétablir ainsi cet alinéa :
« 2° D’informer le consommateur, au moins une fois par an, qu’il se tient à sa disposition pour lui indiquer si, pour une consommation identique de services de communications électroniques, une offre qu’il commercialise serait plus adaptée à ses besoins et lui préciser les conditions de cette offre ; »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à rétablir l’information annuelle du consommateur sur la possibilité qui lui est offerte d’interroger son opérateur pour savoir si une offre plus adaptée à sa consommation est disponible.
Le projet de loi initial avait introduit l’obligation pour les opérateurs d’informer annuellement leurs clients de l’existence d’offres plus adaptées à leur consommation.
L’Assemblée nationale a amélioré ce dispositif afin d’éviter tout risque qu’il puisse se traduire par des démarches trop intrusives de la part de certains opérateurs. Le dispositif modifié avait une vocation d’information. Il permettait au consommateur de bénéficier, s’il le souhaitait, d’un conseil personnalisé.
Il est donc proposé de rétablir cette disposition, qui permet une meilleure gestion par les consommateurs de leurs dépenses de communications électroniques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur les travaux de la commission et à rétablir le texte de l’Assemblée nationale qui oblige l’opérateur à informer régulièrement ses abonnés que des offres plus adaptées à leur consommation sont disponibles.
Nous avions supprimé ce dispositif en commission au profit de dispositions donnant compétence à l’ARCEP de labelliser des sites de comparaisons tarifaires des offres de téléphonie mobile.
Cette mesure nous semble, en effet, offrir davantage de choix et de transparence pour le consommateur, et reposer sur sa seule initiative. De plus, elle ne l’oblige pas à entrer en contact avec son opérateur, évitant ainsi d’être soumis à une quelconque pression commerciale.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
Les amendements se succèdent et montrent la déconnexion totale de la majorité sénatoriale de la réalité que vivent les consommateurs,…
M. Gérard Cornu. Oui !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … qu’il s’agisse des durées d’abonnement – vingt-quatre mois, douze mois ou sans engagement – ou des dispositions sur le découplage que proposait de supprimer M. Cornu.
Maintenant, vous souhaitez supprimer le conseil personnalisé qui pourtant, nous l’avons constaté lors de la préparation du texte, ne plaît pas aux opérateurs.
En effet, le dispositif du conseil personnalisé obligatoire contraint l’opérateur à informer son abonné afin de limiter les cas où l’offre est soit surdimensionnée – lorsque le consommateur paie des minutes de communication qu’il n’utilise pas –, soit sous-dimensionnée – quand le consommateur paie une partie importante de ces minutes hors forfait.
Je le rappelle une nouvelle fois, nous avons préparé ce texte loin des idéologies (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), mais j’ai l’impression que l’on y revient malheureusement à grande vitesse.
Mme Laurence Rossignol. Ce sont toujours les autres qui font de l’idéologie !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nous sommes partis des données du baromètre de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – et des plaintes des consommateurs. Tout le monde connaît quelqu’un qui a, pendant de nombreux mois, payé une facture de téléphone pour un forfait trop important dont il n’avait pas le besoin.
Le conseil personnalisé, que vous refusez, permet précisément à l’opérateur d’informer le consommateur sur l’existence d’une offre moins onéreuse, plus adaptée à sa consommation. Le conseil personnalisé est le type même de la mesure dont l’objet est de reprendre le dessus sur les dépenses contraintes.
Le poids du budget consacré à la téléphonie est responsable de la diminution du reste à vivre des ménages, alors même que – tous les chiffres le montrent – le pouvoir d’achat augmente. Veuillez m’excuser si je me montre virulent, mais la suppression du conseil personnalisé est vraiment à côté des réalités que vivent les consommateurs.
M. Gérard Cornu. Complètement !
Mme Évelyne Didier. Mais nous y allons !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … vous pourriez voir les situations dans lesquelles se trouvent certaines familles…
M. Charles Revet. Vous avez raison !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … qui paient des factures pour un abonnement ne correspondant pas à leur mode de consommation. Avec ce dispositif, nous sommes à côté de la plaque, si vous me permettez cette expression un peu triviale.
Madame Lamure, votre amendement est un amendement de bon sens. Il colle à la réalité de ce que vivent les consommateurs. Je regrette vraiment que, pour une raison qui m’échappe, peut-être par idéologie,…
M. Roland Courteau. Arrêtez !
M. Maurice Vincent. Ça suffit !
M. Roland Courteau. Vous vous répétez !
M. Claude Bérit-Débat. Cela devient pénible !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je voudrais bien que vous m’expliquiez les raisons de fond qui vous conduisent à refuser de mettre en place le conseil personnalisé, car ce faisant, vous n’allez pas dans l’intérêt du consommateur. Or, ce texte protège les consommateurs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas sûr que vous soyez aussi près de la réalité que vous le prétendez.
Nous avons entendu tout à l’heure le témoignage de notre collègue Philippe Kaltenbach,…
Un sénateur de l’UMP. Ce n’était pas Philippe Kaltenbach !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. … Gilbert Roger, veux-je dire.
M. Philippe Dallier. Ils ne se reconnaissent plus ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Mme Nathalie Goulet sourit également.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Comment imaginer qu’un opérateur se tire une balle dans le pied en offrant à un client un nouvel abonnement qui lui serait défavorable ? Ce que vous proposez, c’est un conflit d’intérêt.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Par les temps qui courent, mieux vaut faire attention. (M. Gérard Cornu s’exclame.) Écoutez, monsieur Cornu, vous n’avez de cesse de politiser notre discussion. Je n’ai jamais été ingrat sur un terrain et je vous assure que je n’ai pas besoin d’arbitre pour régler ces problèmes.
M. Gérard Cornu. Oh là là !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Vous connaissez mon « tropisme » pour les autorités indépendantes… Vous savez que je suis debout sur les freins dès qu’il s’agit de leur prétendue indépendance. Je préfère confier à l’ARCEP le soin d’établir des comparaisons, indépendantes,…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. … que pourront consulter des personnes qui sont parfois démunies face aux attrape-nigauds, aux arnaques à l’abonnement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission, si, l’opérateur va dans certains cas aller contre son intérêt, car la loi l’y oblige.
L’objet de l’amendement n° 117 rectifié vise précisément à inscrire cette obligation dans la loi en insérant dans l’article 3 un alinéa ainsi rédigé : « D’informer le consommateur, au moins une fois par an, qu’il se tient à sa disposition pour lui indiquer si, pour une consommation identique de services de communications électroniques, une offre qu’il commercialise serait plus adaptée à ses besoins et lui préciser les conditions de cette offre ; ».
L’opérateur a donc l’obligation d’aller vers le consommateur et de l’informer si, en fonction de sa consommation, il peut lui proposer une offre plus adaptée.
Ce n’est pas compliqué : si l’on inscrit dans la loi l’obligation pour l’opérateur d’aller vers le consommateur, le problème est réglé ; dans le cas contraire, on passe à côté de la réalité de ce vivent les consommateurs.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président de la commission, vous n’êtes pas sans connaître la loi Chatel, puisque vous l’avez suivie, et vous savez très bien que le cas cité tout à l’heure ne peut pas se produire. (M. le président de la commission de l'économie s’exclame.) Vous m’avez interpellé, permettez-moi de vous répondre !
En matière de télécommunications, vous voulez restreindre la liberté du consommateur. Vous voulez qu’il achète plus cher son téléphone portable puisque vous limitez la durée de l’abonnement à douze mois. Maintenant, vous refusez de l’informer. (Signes de dénégation sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Tout de même !
Monsieur le rapporteur, je n’ai toujours pas compris pourquoi vous refusez cet amendement, mais peut-être allez-vous m’apporter des explications supplémentaires. Pour le moment, j’ai vraiment l’impression que, sur des sujets comme celui-ci où l’on souhaite améliorer l’information du consommateur, vous voulez détricoter ce qui a été bien fait à l'Assemblée nationale. Dès que nous proposons de rétablir une disposition sensée qui a été adoptée par l’Assemblée nationale, vous votez contre. Pourtant, nous aurions tous intérêt à accroître l’information du consommateur.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis, moi aussi, favorable à cet amendement, pour une raison très simple : certains opérateurs le font déjà ! Quand vous dépassez votre forfait, ce qui peut arriver par exemple quand vous voyagez à l’étranger, comme c’est assez souvent mon cas, votre opérateur vous informe, par texto ou appel téléphonique, du dépassement. Régulièrement, vous recevez aussi des propositions pour ajuster votre forfait.
Pour en revenir au cas de notre collègue Roger, s’il s’était adressé à la questure comme tout le monde, cela ne lui serait pas arrivé !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Notre idée est tout de même assez simple : pour nous, l’ARCEP, qui est un organisme impartial, est plus à même d’encadrer ces comparaisons que les opérateurs eux-mêmes. Cela me semble frappé au coin du bon sens !
M. le secrétaire d’État a évoqué une obligation légale. En cas de non-application de cette disposition législative, les opérateurs seront-ils sanctionnés ?
Mme Évelyne Didier. Même le Gouvernement n’applique pas la loi !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur Cornu, vous cherchez à nous provoquer en disant que, avec la loi que nous nous apprêtons à voter, les consommateurs payeront plus chers leurs forfaits.
M. Gérard Cornu. C’est la réalité !
M. Claude Bérit-Débat. Vingt-quatre mois ou douze mois ? Nous sommes en présence d’un système de marché : vous savez très bien que tous les opérateurs proposeront demain des offres sur douze mois. Avec la concurrence, vous verrez que les tarifs baisseront.
M. Gérard Cornu. On verra !
M. Claude Bérit-Débat. Comme vous l’avez fait tout au long de l’examen des amendements en commission, vous n’arrêtez pas de nous casser les oreilles en disant : « Concurrence ! Concurrence ! Concurrence ! C’est le pouvoir d’achat ! »
M. Gérard Cornu. On dit simplement la vérité !
M. Claude Bérit-Débat. Eh bien, justement, nous donnons la possibilité à des opérateurs de proposer des offres qui feront baisser les prix. Alors ne vous dédisez pas et essayez d’être cohérent avec vous-même ! (M. Gérard Cornu s’esclaffe.)
Par ailleurs, monsieur Cornu, si je dois choisir entre un opérateur et l’ARCEP, qui est un organisme indépendant, pour me faire conseiller, je préfère l’ARCEP, comme M. le rapporteur.
Voilà pourquoi nous avons proposé la durée de douze mois et pourquoi nous ne voulons pas aujourd'hui voter cet amendement. Nous souhaitons nous en tenir au texte que nous avons coécrit, après avoir entendu un certain nombre de consommateurs sur cette question.
Arrêtez donc de chercher à nous culpabiliser ! Tout à l’heure, vous nous accusiez d’être déjà entrés en campagne électorale. Si demain vous dites que c’est à cause de la majorité de gauche au Sénat qu’on paye plus cher, nous démontrerons que c’est tout le contraire !
M. Gérard Cornu. Ce sont les consommateurs qui jugent !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, sortons des questions de la campagne électorale !
M. Claude Bérit-Débat. C’est vous qui les avez évoquées, à plusieurs reprises !
M. Claude Bérit-Débat. Depuis le début de l’après-midi, cela a été dit !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela a peut-être été dit sur certaines travées, mais ne dites pas que je l’ai dit ! Je vous mets au défi de trouver dans le compte rendu de nos débats une parole de ma part sur ce thème.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, une sanction administrative – une amende de 3 000 euros à 15 000 euros par infraction – a bien été prévue, à l’article 10. Croyez-moi, ce système est bien plus efficace que de renvoyer le consommateur au comparateur de l’ARCEP.
Une obligation légale pèserait sur l’opérateur, qui serait obligé de proposer à son abonné, le cas échéant, des offres plus intéressantes. S’il ne respecte pas cette obligation ou s’il détourne le dispositif, il risque une sanction administrative. Croyez-moi, le consommateur est bien mieux protégé avec ce système qu’avec le dispositif dont vous avez parlé à l’instant. (Mme Samia Ghali s’exclame.)
Bien sûr, vous avez le droit de voter ce que vous voulez,...
M. Roland Courteau. Heureusement !
M. Claude Bérit-Débat. Et de l’assumer !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … mais vous devez être bien conscients des différences entre les deux systèmes.
Vous proposez, pour votre part, un dispositif fondé sur l’ARCEP. Or, si cette instance de régulation maîtrise parfaitement les questions techniques relatives aux télécommunications, elle n’est pas spécialisée dans la défense des consommateurs. De surcroît, vous n’avez pas prévu de sanctions.
Nous avons prévu, de notre côté, dans le projet de loi un dispositif – vous avez voulu le supprimer et je n’ai toujours pas compris pourquoi – qui permet de protéger réellement les consommateurs en faisant peser sur l’opérateur une obligation dont le non-respect fait l’objet d’une sanction.
Mme Samia Ghali. Mais c’est impossible !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, je vous demande simplement de m’expliquer pourquoi vous voulez supprimer ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Nous devrions peut-être nous arrêter là… Je vais juste prendre un dernier exemple : en tant que consommateur, je préfère m’informer sur les comparaisons de tarifs dans les revues 60 millions de consommateurs ou Que Choisir que dans les plaquettes comparatives distribuées par Leclerc ou Intermarché.
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas incompatible !
Mme Catherine Procaccia. L’un n’empêche pas l’autre !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cela me semble plus impartial. La comparaison entre notre dispositif et celui que vous proposez relève du même ordre d’idées.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Alors que la libéralisation des télécommunications devait, selon certains, contribuer à améliorer la situation, je constate que les Français dépensent de plus en plus d’argent pour leurs communications. Il faut quasiment être polytechnicien afin de pouvoir comparer les offres. J’ai un mal fou à le faire et pourtant je ne crois pas être l’une des plus sottes !
Par ailleurs, il faut différencier ce qui procède d’une offre commerciale, c'est-à-dire d’un service volontairement offert par un prestataire comme Orange ou SFR à ses clients, et une obligation légale.
Pour ma part, j’ai reçu régulièrement d’Orange, qui a été mon prestataire avant que je ne devienne sénatrice, des propositions pour prendre un forfait moins cher, car le mien n’était pas adapté à mes besoins. Or, la plupart du temps, en contrepartie de telles propositions, la durée de l’abonnement est rallongée !
Mme Samia Ghali. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le comprends, car l’objectif est de me garder comme cliente. Quand on leur fait une telle offre, la plupart des consommateurs ne prennent pas le temps de la réflexion : ils ne voient que la baisse des tarifs qui leur est proposée et se réengagent. Que les prestataires proposent des offres pour améliorer leurs relations commerciales avec leurs clients, soit !
Si on instaure une obligation légale, il faut vérifier que l’information donnée est neutre et bien encadrée.
Mme Évelyne Didier. Effectivement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sinon l’opérateur dira à ses clients qu’il les informe « conformément à la loi », et ces derniers penseront que l’information qui leur est donnée est forcément sûre.
Pour ma part, j’estime qu’il est bon d’inciter les opérateurs téléphoniques à respecter cette obligation, à condition que le cadre légal soit totalement balisé. Pour rendre le dispositif objectif, il n’existe à ce jour qu’un seul moyen : l’ARCEP, même si je reconnais que l’information n’est pour l’instant pas très lisible. Si un effort doit être fait, c’est pour rendre comparables les offres au travers des outils publics d’information des consommateurs.
Voilà la raison pour laquelle je ne crois pas que cet amendement soit positif : il fera naître beaucoup d’ambiguïté dans le dispositif et rendra l’État complice d’un système sans certitude que l’information donnée est totalement fiable et objective.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’ai fini par comprendre pourquoi vous êtes opposés à notre dispositif : vous confondez deux sujets.
Vous nous parlez de concurrence, de la manière de comparer les différentes offres des opérateurs, afin de déterminer quelle est la meilleure. Sur ce point, je vous le dis franchement : je n’ai rien contre un accès simplifié au comparateur de l’ARCEP. Mais ce n’est pas le sujet ! Nous parlons, nous, des opérateurs qui doivent proposer à leurs clients un abonnement mieux adapté à leur consommation. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Madame Lienemann, écoutez-moi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vous écoute, monsieur le secrétaire d’État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’aurais pu ne pas débattre de cette question et vous indiquer simplement que le fait que vous refusiez cette disposition n’était pas très grave dans l’optique de la lecture à l’Assemblée nationale. Mais le sujet est trop important pour que je n’essaye pas de vous convaincre, car nous parlons là de consommateurs qui portent plainte ou qui saisissent la DGCCRF au sujet de dépenses contraintes. Car, vous l’avez très bien dit, les dépenses de téléphonie, qui n’existaient pas il y a quelques années, représentent aujourd'hui une part extrêmement importante du budget des ménages.
Notre objectif est d’éviter que certaines personnes ne soient obligées d’assumer mois après mois des factures liées à des forfaits téléphoniques qui ne correspondent pas à leurs besoins réels.
M. Gérard Cornu. Il faut les informer !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nous voulons instituer une obligation pesant sur l’opérateur : il serait obligé de proposer à ses clients – nous ne sommes pas là dans la concurrence entre opérateurs – une offre qui corresponde mieux à leurs besoins. Par exemple, un client qui paye 150 euros par mois va se voir proposer, compte tenu de sa consommation régulière, de ne plus payer que 80 euros par mois : l’intérêt est direct pour le consommateur.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui, mais on prolonge son contrat !
Mme Samia Ghali. Si !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Avec notre dispositif, ce n’est pas nécessairement le cas !
Vous vous placez dans le cas où un consommateur est en discussion avec son opérateur pour savoir s’il prolonge le contrat, sous l’empire de la législation actuelle. Or nous proposons de créer une obligation légale, qui n’existe donc pas pour le moment.
Nous voulons inventer un système qui oblige l’opérateur à aller vers son client pour lui proposer un abonnement mieux adapté à sa consommation réelle. De cette façon, des économies pourront être réalisées par les consommateurs, notamment les plus modestes, qui éviteront ainsi qu’une partie de leur reste à vivre ne soit captée par des dépenses de téléphonie. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
La solution la plus raisonnable serait de conserver la disposition que vous avez votée – elle ne me choque pas – concernant le comparateur de prix. Nous pouvons conserver le rôle de l’ARCEP si vous estimez que cet organisme est le mieux placé pour garantir une plus grande transparence. Nous sommes là dans le cas de la concurrence entre opérateurs pour connaître les offres les moins chères, comme le disait M. le rapporteur.
Nous proposons, pour notre part, de faire échapper un client qui a déjà un abonnement chez un opérateur à une « surfacturation » découlant d’un forfait qui ne correspondrait pas à ses besoins réels.
Si vous acceptiez l’amendement de Mme Lamure, nous pourrions avoir les deux systèmes, l’un pour comparer les offres des opérateurs et l’autre pour permettre au consommateur de reprendre la main.
Certains consommateurs modestes ont des forfaits inadaptés, avec parfois, vous le savez bien, deux ou trois abonnements par famille. D’après les commissions de surendettement, ces situations ont quelquefois des conséquences absolument dramatiques pour les consommateurs. Il serait vraiment dommage de se passer d’une disposition comme celle-là.
En tout cas, si vous ne votiez pas cet amendement, je demanderais évidemment à l'Assemblée nationale de rétablir cette disposition, avec d’autres d’ailleurs. Mais je tenais à prendre le temps de vous expliquer le dispositif car il me semblait que vous n’en aviez pas mesuré toute la portée. Je le répète, il s’agit non pas de faire jouer la concurrence entre opérateurs, mais d’éviter que les clients d’un opérateur ne payent des forfaits ne correspondant pas à leur consommation.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Monsieur le secrétaire d’État, du point de vue de la défense des consommateurs, nous sommes évidemment tous d’accord avec ce que vous avez dit sur les forfaits. Cependant, les explications que vous nous avez données correspondent à ce qui se passe au pays des Bisounours !
Mme Samia Ghali. Dans la réalité, rien ne se passe comme vous l’avez dit. Quand vous vous adressez à un opérateur, il essaie en général de vous vendre le forfait le plus intéressant pour lui : c’est le principe même du commerce, il n’y a pas lieu de s’en étonner, mais le consommateur, lui, en subit les conséquences.
Vous avez dit une chose importante : le consommateur pourra se retourner contre l’opérateur. Avec quel argent pourra-t-il aller se battre contre des opérateurs comme SFR ou Orange, qui ont organisé leur système pour pousser les consommateurs à consommer le plus possible ?
Mme Samia Ghali. Il faut vraiment réfléchir à cet aspect de la question qui me paraît important : assurer dès le départ une transparence effective et obliger les opérateurs à indiquer de manière claire la nature exacte des prestations couvertes par l’abonnement. Par ailleurs, certains d’entre eux demandent aux futurs abonnés de fournir de nombreuses garanties, comme un relevé d’identité bancaire. Peut-être devraient-ils aussi leur demander la garantie d’être en mesure d’assumer le coût de leur abonnement afin de ne pas se retrouver devant une commission de surendettement ?
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Je ne voudrais pas allonger inutilement ce débat qui dure depuis assez longtemps déjà. Monsieur le secrétaire d’État, la différence entre vous et nous est très simple : nous, nous ne faisons pas confiance aux gentils opérateurs.
Mme Mireille Schurch. Vous, vous leur faites confiance, or nous pensons qu’ils protègent leurs propres intérêts et ne prennent pas toujours en compte ceux du consommateur, sinon nous serions d’accord avec vous.
Nous préférons donc nous en remettre à un organisme public pour que le consommateur ait accès à l’information ainsi qu’à de vraies comparaisons sur lesquelles il pourra s’appuyer. Les termes du débat sont clairs et il ne me semble pas utile d’aller au-delà.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je voterai l’amendement que nous a présenté Mme Lamure, parce qu’il a le mérite de soulever quelques problèmes de société.
Dans le fond, comme M. le secrétaire d’État l’a dit voilà quelques instants, toutes les dépenses engendrées par ces nouvelles techniques de communication font exploser le budget des ménages, au détriment de dépenses de base, telles que l’habitat, l’alimentation ou le chauffage. Très souvent, on abuse de la bonne foi des consommateurs, M. le président de la commission de l’économie a même parlé d’« arnaques ». Je ne souhaite cependant pas mettre en cause les opérateurs, puisque nous vivons dans une société de consommation. Par ailleurs, ces nouvelles techniques de communication ont leurs mérites, mais aussi leurs limites.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je souhaite répondre sur deux sujets qui viennent d’être évoqués…
M. Claude Bérit-Débat. On a fait le tour de la question ! Ne vous inquiétez pas, nous assumerons notre vote !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Pardonnez-moi, mais je passe parfois beaucoup de temps à vous écouter en ayant le sentiment que vos propos ne sont pas très proches des réalités quotidiennes des Français. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.) Nous discutons actuellement d’un sujet qui est très proche de ces préoccupations, vous me permettrez donc d’y consacrer du temps : à votre tour de m’écouter !
Mme Évelyne Didier. Vous jouez la montre, monsieur le secrétaire d’État !
Mme Évelyne Didier. À ce train, nous n’aurons pas fini l’examen de ce texte avant Noël ! Je pense que c’est voulu !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Sur un sujet aussi important, je souhaite que personne ne passe à côté…
Mme Mireille Schurch. Tout a été dit !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … et tout n’a pas été dit, madame Schurch ! Mme Ghali a parlé du monde des Bisounours et vous-même m’avez reproché de faire confiance aux opérateurs. Vous ne m’avez donc pas écouté lorsque j’ai répondu au rapporteur, qui avait dit, peu ou prou, la même chose que vous.
J’ai rappelé l’existence de l’article 10 de ce projet de loi qui prévoit des sanctions administratives. Les consommateurs n’auront donc rien à payer pour faire valoir leurs droits,…
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … contrairement à ce que craignait Mme Ghali : le consommateur adressera sa réclamation à la DGCCRF qui, après vérification, adressera une injonction à l’opérateur ; si ce dernier ne respecte pas l’injonction, il s’exposera à une sanction administrative d’un montant variant entre 3 000 euros et 15 000 euros. (Mme Mireille Schurch s’exclame.) Cette procédure ne coûtera donc rien au consommateur et elle aura un effet très dissuasif pour l’opérateur : il encourra non pas une sanction pour un ensemble d’actes de même nature, mais une sanction pour chaque infraction constatée. À chaque réclamation justifiée d’un consommateur, les sanctions s’additionneront. Aussi, je crois que vous pouvez vous estimer rassurée, madame Ghali.
Le projet de loi crée donc une obligation pour l’opérateur et un droit pour le consommateur : ce dispositif permettra d’obtenir rapidement des opérateurs qu’ils respectent la loi. Comme M. le rapporteur, j’estime que toute obligation appelle une sanction en cas de manquement. Si cet amendement est adopté, la sanction prévue à l’article 10 s’appliquera. Vous ayant expliqué ce dispositif dans le détail, j’espère que vous serez convaincu de la nécessité d’adopter une telle disposition.
M. Charles Revet. Ce n’est pas possible !
M. Gérard Cornu. Quelle erreur !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 93 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Beaumont, Mme Sittler, M. Cambon, Mme Bruguière, M. P. Dominati, Mme Troendle, M. Cléach, Mmes Deroche et Hummel et MM. J. Gautier, B. Fournier et Milon, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement a d’ores et déjà reçu un avis défavorable du rapporteur en commission. Je le retire donc, afin d’éviter les discussions stériles et les incompréhensions.
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié est retiré.
L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Husson et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Après le mot :
demande
insérer le mot :
exclusive
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 182 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Houel, est ainsi libellé :
Alinéas 35 à 40
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes s’assure de la disponibilité de guides tarifaires interactifs de comparaison des offres des opérateurs de communications électroniques, respectant un cahier des charges qu’elle édicte sur le fondement des seules informations commerciales que les opérateurs mettent à disposition des consommateurs.
« À cette fin, l’Autorité peut délivrer un label aux guides remplissant les conditions du cahier des charges. Elle peut déléguer cette tâche à un organisme indépendant et impartial.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 115, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les dispositions du premier alinéa de l’article L. 121–84–13 du code de la consommation s’appliquent lors de la mise en œuvre de ces restrictions.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je ne sais pas quel sort sera réservé à cet amendement (Sourires.), qui vise à éviter les chocs de facturation dans un cas bien précis. En effet, même lorsque les offres sont présentées comme ayant un caractère « illimité », les communications unitaires ne sont pas illimitées puisqu’elles sont soumises, en fonction des opérateurs, à une durée limite. Tout dépassement de cette limite donne lieu à une surfacturation et les surprises sont parfois désagréables : les parents d’adolescents qui passent leur temps au téléphone savent ce que cela peut donner !
L’idée serait de demander à l’opérateur, lorsque la limite par communication unitaire est atteinte, de diffuser un petit message d’alerte et, si possible, de couper la communication pour obliger l’abonné à repartir avec un compteur à zéro.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La rédaction de l’alinéa 44 de l’article 3 relatif au dispositif d’alerte et de blocage nous semble déjà pouvoir s’appliquer aux offres dites illimitées. En tout état de cause, l’arrêté d’application prévu à l’alinéa 46 y pourvoira nécessairement. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Cet amendement peut compléter le texte du projet de loi, même si celui-ci répond déjà en grande partie à l’objectif visé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je m’en remets à la sagesse de notre assemblée. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Lors de la réunion de la commission, j’ai cru que M. le rapporteur émettait un avis défavorable parce qu’il était sûr que l’amendement était satisfait. Or il vient d’émettre un avis défavorable sans nous apporter cette précision.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Ma position n’a pas varié.
M. Gérard Cornu. D’accord !
M. le président. Monsieur Dallier, l’amendement n° 115 est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. Je ne suis pas absolument certain que l’amendement soit satisfait, mais si M. le rapporteur me le confirme, je n’ai rien à objecter. Je précise cependant que mon amendement vise les communications unitaires, parce que l’expression « offre illimitée » peut s’interpréter de cinquante façons différentes. Même lorsqu’on demande à l’opérateur d’indiquer en petits caractères le contenu de cette expression, certains consommateurs ont du mal à s’y retrouver.
Si vous me garantissez que le cas est effectivement prévu, monsieur le rapporteur, je veux bien retirer mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’article 3 comporte les alinéas 44 et 46. L’alinéa 46 renvoie à un arrêté conjoint des ministres, je ne peux donc apporter aucune garantie sur ce point : adressez-vous à M. le secrétaire d’État.
Il me semble toutefois que l’esprit du texte permet de dire que le cas est prévu.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je m’en suis remis à la sagesse du Sénat parce que le texte du projet de loi et celui de l’amendement procèdent du même esprit, mais libre au Sénat d’estimer que la précision apportée par cet amendement doit figurer dans la loi. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a bien l’intention de l’insérer dans le texte réglementaire.
M. Philippe Dallier. Compte tenu de ces précisions, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 115 est retiré.
L’amendement n° 142 rectifié bis, présenté par MM. Vaugrenard, Teston, Bérit-Débat, Repentin et Labbé, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 44
1° Après les mots :
dispositif d’alerte
insérer le mot :
systématique
2° Remplacer les mots :
des services de communications électroniques
par les mots :
de tous les services de communications électroniques compris dans l’offre souscrite
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Cet amendement vise à préciser la portée de la disposition, en confirmant qu’elle concerne l’ensemble des services souscrits : voix, SMS et données. Cette mesure permettra au consommateur de mieux maîtriser sa facture.
Par ailleurs, l’amendement tend à rendre le dispositif d’alerte systématique. Vous savez qu’aujourd’hui le dispositif d’alerte est optionnel et que tous les opérateurs n’offrent pas systématiquement ce système de blocage. Quand il existe, il ne concerne parfois qu’un type de service : soit les échanges vocaux, soit les échanges de données, soit les seuls échanges de SMS. Cet amendement vise donc à remédier à ces oublis des opérateurs et donc à mieux informer les consommateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement apporte des précisions utiles au dispositif d’alerte et de blocage. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 39 est présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 155 est présenté par MM. Maurey, Dubois, Capo-Canellas, Deneux et Lasserre, Mme Létard et MM. Merceron et Tandonnet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 47 à 50
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 121-84-14. – Les fournisseurs de services ne peuvent mettre en place aucun blocage technique ou logiciel empêchant l’utilisation des équipements qu’ils commercialisent sur l’ensemble des réseaux de télécommunication disponibles. »
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 39.
Mme Mireille Schurch. Le « simlockage » du téléphone mobile, ou bridage de la carte SIM, devait être une solution transitoire dans l’attente de solutions efficaces contre le vol des terminaux. Depuis 1998, d’importants progrès ont été réalisés et n’importe quel téléphone peut désormais être bloqué à distance, or la pratique du bridage de la carte SIM reste systématique. C’est pourquoi nous voulons interdire le verrouillage des terminaux qui empêche l’utilisation d’un terminal sur un autre réseau que celui initialement choisi par l’abonné.
En effet, si les conditions de déverrouillage ont été assouplies, nombreux sont effectivement les clients refoulés dans leurs demandes et les opérateurs ont tendance à ne pas respecter les droits des consommateurs.
Les arguments employés par ces acteurs sont parfois judicieux et plutôt cohérents. « Le code de déverrouillage n’a pas encore été fourni par le constructeur » : ce bel exemple permet de justifier une mise en attente du client recherchant une solution pour débloquer son terminal.
Si nous saluons les progrès effectués lors des débats à l’Assemblée nationale et la position du rapporteur, nous continuons de penser que le principe du verrouillage systématique des terminaux est une atteinte au droit de propriété, inexplicable de surcroît lorsqu’il n’y a pas d’engagement. En effet, quand un consommateur achète un terminal, il le paie immédiatement ou sous la forme d’un surcoût plus ou moins caché de son abonnement, avec une obligation de renouvellement qui sécurise l’opérateur. Tout comme pour l’engagement de vingt-quatre mois, il s’agit tout simplement, à notre avis, de rendre le consommateur un peu plus captif. C’est pourquoi nous sommes, par principe, contre le verrouillage des terminaux.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l’amendement n° 155.
M. Daniel Dubois. Cet amendement, identique au précédent, a pour objet de mettre fin, définitivement, au verrouillage de la carte SIM.
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 121-84-14. – Tout fournisseur de services qui commercialise un terminal, seul ou avec une offre de services ne comportant pas de durée minimale d’exécution du contrat, est tenu de ne pas verrouiller le terminal.
« Tout fournisseur de services qui commercialise un terminal verrouillé est tenu, dès la fin du troisième mois suivant l’acquisition du terminal par le consommateur :
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement va dans le même sens que les précédents. Je considère qu’il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° De lui transmettre, dans des conditions de transparence suffisantes, gratuitement et de façon automatique, le code et les modalités pratiques de déverrouillage de ce terminal ;
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’amendement n° 39 de Mme Schurch est le premier d’une série d’amendements revenant sur les problématiques de verrouillage des terminaux mobiles, que nous avions mises de côté, en commission, afin d’en approfondir l’examen en séance publique.
Cet amendement est aussi le plus radical de la série, puisqu’il interdit tout verrouillage, y compris lors d’un engagement initial. Or, autant il nous semble justifié de prévoir cette interdiction dans les autres cas, comme le prévoient les amendements nos 148 rectifié, 149 rectifié et 150 rectifié, autant cela nous paraît excessif lors du premier engagement.
En effet, dans un tel cas, l’opérateur ne connaît pas l’abonné et n’a pas la garantie qu’il réglera l’ensemble de ses mensualités et ne cherchera pas à « empocher » frauduleusement le terminal pour le revendre aussitôt.
La législation actuelle, qui prévoit dans ce cas un verrouillage de trois mois, permet d’atténuer ce risque, même si l’on sait que le déverrouillage peut être réalisé assez facilement « à la sauvette », de façon illégale.
Le dispositif mis en place avec les amendements nos 148 rectifié, 149 rectifié et 150 rectifié nous semble constituer un bon équilibre, qui satisfait en partie l’objet de cet amendement.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 39 et 155, et un avis favorable sur les amendements nos 148 rectifié et 149 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. S'agissant du « simlockage », je comprends la logique de ces amendements puisque le texte prévoit de réduire le délai de six mois à trois mois en faveur du consommateur. Quant à l’interdiction pure et simple, c’est une autre affaire. Nous en avons longuement débattu en commission, cette question est étroitement liée à la fraude et au trafic. Le verrouillage des terminaux permet de combattre le vol. Un téléphone mobile verrouillé ne peut être utilisé que sur le réseau d’un opérateur, lequel peut repérer les téléphones volés et les bloquer.
Le « simlockage » a l’avantage de fonctionner pour tous les réseaux, dans tous les pays, contrairement au blocage IMEI. Ce dernier est limité au réseau des opérateurs qui ont choisi de s’inscrire à cette base de données qui, vous le savez bien, n’est pas complète.
Il est donc essentiel que les terminaux soient fournis verrouillés aux consommateurs : cela permet de protéger les appareils sur toute la chaîne d’acheminement, depuis le constructeur jusqu'au consommateur, en passant par l’ensemble des intermédiaires, dont l’opérateur. Les vols de téléphones sont ainsi beaucoup moins profitables, parce qu’ils imposent de développer des réseaux importants de détournement de codes de déverrouillage.
En outre, un certain nombre de fraudeurs, comme je l’ai indiqué en commission, n’hésitent pas à souscrire une offre sous une fausse identité, afin de bénéficier d’une subvention qui peut s’élever à plusieurs centaines d’euros sur l’achat d’un terminal. Quand ils disparaissent, les opérateurs sont évidemment dans l’incapacité d’exiger le paiement du forfait ou des pénalités de résiliation. Ils enregistrent alors mécaniquement une perte sèche, comme si le téléphone avait été volé.
En revanche, si le téléphone reste verrouillé pendant un délai couvrant plusieurs périodes de facturation, les opérateurs peuvent obtenir, à l’occasion des différents paiements, des garanties supplémentaires sur l’identité du consommateur.
Nous vous avons proposé une solution équilibrée consistant à limiter à trois mois la durée pendant laquelle le déverrouillage est payant. Celle-ci tient compte à la fois des besoins de fluidité du marché et de la lutte contre la fraude. Or, vous savez bien que le coût de la fraude finit toujours par être répercuté sur les consommateurs. En limitant le verrouillage à trois mois, nous réalisons un progrès important ; en l’annulant, nous fragilisons les consommateurs.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 39 et 155.
M. Daniel Dubois. Je maintiendrai l'amendement n°155 pour trois raisons.
Tout d’abord, il est aisé, aujourd'hui, de déverrouiller un téléphone de façon illégale. Cela se pratique très couramment. Par conséquent, l’argument selon lequel le verrouillage doit être maintenu pendant une période de trois mois ne tient pas.
Mme Évelyne Didier. Absolument !
M. Daniel Dubois. Ensuite, les téléphones mobiles évoluent très rapidement et deviennent un bien de consommation courante. L’iPhone en est déjà à sa quatrième version. Il existe donc un marché de l’occasion, qui doit pouvoir se développer, ce qui implique l’absence de système de blocage.
Enfin, de nombreux clients se voient encore refuser le « désimlockage » d’un appareil acheté d’occasion alors qu’ils en détiennent la facture.
Au regard de l’inefficacité du système de verrouillage pour lutter contre le vol et du nécessaire décloisonnement entre les opérateurs et les fabricants de terminaux, nous demandons qu’il soit mis fin totalement au « simlockage ».
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 et 155.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 50
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de modification des termes du contrat liée à l’acquisition d’un nouvel équipement et aboutissant à un engagement sur une nouvelle durée minimale d’exécution, le déverrouillage de cet appareil s’effectue, dans les mêmes conditions, gratuitement et sans délai. »
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. En cas de modification des termes du contrat liée à l’acquisition d’un nouvel équipement et aboutissant à un engagement sur une nouvelle durée minimale d’exécution, nous proposons que le déverrouillage de l’appareil s’effectue, dans les mêmes conditions, gratuitement et sans délai.
Cet amendement vise à intégrer dans le projet de loi le déverrouillage des terminaux mobiles en cas de réengagement, prévu à l’article 3 de la proposition de loi relative aux télécommunications de M. Daniel Marsin.
Nous avions voté cette proposition de loi à l’unanimité, mes chers collègues, mais, comme bien d’autres textes, elle s’est « perdue » dans le dédale de la navette parlementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Nous avons déjà délibéré de cette disposition à l’occasion de l’examen de la proposition de loi Marsin. La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai déjà évoquées. Le seul cas qui ne pose pas de problème de sécurité, c’est lorsque le client se réengage en conservant le même téléphone portable. Sinon, qu’il s’agisse d’un premier abonnement ou d’un réengagement avec un nouveau portable, le problème technique de sécurité est le même, les arguments également.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Il existe une différence, monsieur le secrétaire d’État : en cas de réengagement, l’opérateur a une relation commerciale avec le client, il sait que celui-ci a acquitté ses factures.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela ne règle qu’une partie de la situation : le client est connu, mais les problèmes liés au vol et au trafic demeurent. C'est la raison pour laquelle je reste opposé à l’amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 176, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéas 51 et 52
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 121-84-15. - Dans toute publicité, document commercial ou document contractuel, quel qu'en soit le support, d'un fournisseur de services proposant un service de communications électroniques, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, les restrictions et exclusions apportées aux offres qualifiées d'« illimitées », « vingt-quatre heures sur vingt-quatre » ou d' « accès à internet » ou comportant des termes équivalents doivent être mentionnées de façon claire, précise et lisible comme rectifiant la mention principale et figurer de façon distincte des autres mentions informatives, rectificatives ou légales. Ces restrictions et exclusions sont indiquées sur la même page que la mention principale, à proximité immédiate de cette dernière, et ne sont pas présentées sous forme de note de bas de page.
« Le terme « illimité » ou termes équivalents ne peuvent être utilisés pour des offres de services de communications électroniques incluant des limitations pouvant avoir pour conséquence une coupure temporaire ou une facturation supplémentaire des services ou, enfin, une dégradation excessive de débits ou de la qualité de service.
« Le terme « internet » ne peut être utilisé pour qualifier un service d’accès à internet lorsque ce dernier est assorti d’une limitation de l’usage d’un ou plusieurs services ou applications accessibles via l’internet, dans des conditions définies par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, au regard des objectifs définis à l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. J’en reprends le texte.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 215, présenté par M. Fauconnier, au nom de la commission de l'économie, et dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 176.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Par cet amendement, nous entendons encadrer l’emploi abusif du terme « illimité » dans les publicités.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le rapport de M. Retailleau concernant l’économie numérique…
M. Charles Revet. Très bon rapport !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. … a été adopté à l’unanimité, comme la proposition de loi Marsin précédemment citée par notre collègue Michel Teston. Contrairement à ce que certains pensent, il nous arrive de travailler de façon œcuménique,…
M. Charles Revet. Absolument !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. … sans idéologie, n’est-ce pas, mon cher collègue Cornu ?
Nous vous proposons donc une nouvelle rédaction qui comporte trois alinéas reprenant les abus qui ont été constatés concernant le terme « illimité », mais aussi le terme « internet », qui, parfois, ne correspond pas à la réalité.
Tel est le sens de l’amendement de notre collègue Retailleau.
M. le président. Le sous-amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Amendement n° 176, quatrième alinéa
Après le mot :
limitations
insérer les mots :
quelle que soit la valeur dans laquelle elles s’expriment,
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. La commission a souhaité réglementer l’usage du terme « illimité » et propose de l’interdire en cas d’offres caractérisées par une limite quantitative.
Ce sous-amendement tend à préciser que l’interdiction doit s’entendre pour toutes les offres limitées, en termes de durée, de données échangées, qu’il s’agisse de leur qualité ou de leur volume et, d’une manière générale, de quelque limitation que ce soit.
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Cornu et César, Mme Lamure et M. Houel, est ainsi libellé :
Alinéas 51 et 52
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 121–84–15. – Dans toute publicité, document commercial ou document contractuel, quel qu'en soit le support, d'un fournisseur de services proposant un service de communications électroniques, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, les restrictions et exclusions apportées aux offres qualifiées d' « illimitées », « vingt-quatre heures sur vingt-quatre » ou comportant des termes équivalents doivent être mentionnées de façon claire, précise et visible comme rectifiant la mention principale et figurer de façon distincte des autres mentions informatives, rectificatives ou légales. Ces restrictions et exclusions sont indiquées sur la même page que la mention principale, à proximité immédiate de cette dernière, et ne sont pas présentées sous forme de note de bas de page.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Le présent amendement vise à modifier les dispositions relatives à l’utilisation des termes « illimité » et « internet ». La rédaction actuelle ne paraît pas compatible avec le droit communautaire et l’approche adoptée ne semble pas non plus être la bonne. En outre, la problématique liée à la terminologie employée pour qualifier les offres d’abondance vient tout juste d’être traitée par les associations de consommateurs, qui ont négocié des engagements forts des opérateurs mobiles dans le cadre du Conseil national de la consommation.
De plus, l’interdiction d’un terme ne paraît pas une bonne solution, car elle est susceptible d’être facilement contournée en ayant recours à des termes voisins ou même à des néologismes du type « illimythics » ou « ultimate ».
Il vous est donc proposé de rétablir les dispositions votées par l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’encadrement des termes « illimité », « vingt-quatre heures sur vingt-quatre » et équivalents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 144 rectifié bis, présenté par M. Teston.
Pour ce qui est de l’amendement n° 120 rectifié, la commission considère que l’amendement de M. Retailleau est mieux à même de clarifier l’usage du terme « illimité ». La commission en demande le retrait, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 120 rectifié de Mme Lamure. Il émet en revanche un avis défavorable sur l’amendement n° 215 et sur le sous-amendement n° 144 rectifié bis. Je vais vous expliquer la raison de cette opposition.
Mme Lamure a brièvement évoqué l’accord intervenu dans le cadre du Conseil national de la consommation, le CNC. Il me semble important que chacun ici soit bien éclairé sur ce sujet.
Chacun a bien compris les difficultés que rencontrent un certain nombre de consommateurs qui pensent souscrire un abonnement illimité, lequel, en réalité, ne l’est pas.
Le terme « illimité » a fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale. Un certain nombre de parlementaires ont eu la forte tentation, à laquelle ils ont résisté, d’interdire ce mot. Au Sénat, la majorité de la commission de l’économie n’a pas résisté à cette tentation et a préféré l’interdire. Or cela ne sert à rien, c’est de l’affichage pur.
Les opérateurs – je fais confiance à leur imagination – trouveront un autre mot pour désigner ce type d’abonnement. La langue française est riche. Un opérateur a ainsi déjà inventé le mot « illimythics » !
Je le répète : objectivement, le dispositif qui a été adopté en commission est inutile ; c’est de l’affichage.
Si je préfère que l’on rétablisse le dispositif initial, c’est parce qu’il sert à quelque chose. L’utilisation du mot « illimité » est encadrée et un certain nombre d’obligations sont prévues.
Permettez-moi de vous informer sur les avancées intervenues sur l’usage du terme « illimité » dans les offres de services mobiles et sur l’accord adopté à l’unanimité par le Conseil national de la consommation, que je préside et qui est constitué à la fois des entreprises et des associations de défense des consommateurs.
Il est extrêmement rare que des accords de ce type soient adoptés à l’unanimité. En outre, cet accord a été salué hier par l’UFC-Que choisir, dont chacun connaît l’importance du combat contre le mauvais usage du terme « illimité ».
Le terme « illimité » ne sera plus utilisé à compter du 1er mai 2012 pour les services mobiles dès lors qu’ils comportent des limitations et des restrictions autres que celles qui sont prévues pour des exceptions ciblées. Ainsi, quand une réduction de débit est appliquée au-delà d’un seuil de données échangées, ou quand la voix sur large bande et les groupes de nouvelles sont exclus, l’offre ne sera plus qualifiée d’« Internet illimité ».
Par exception, certaines limites destinées à prévenir des détournements manifestes de l’offre peuvent être maintenues. Il s’agit notamment de permettre aux opérateurs de téléphonie mobile de prendre des mesures préventives quand le nombre de correspondants joints pendant un mois dépasse un seuil trop important afin d’éviter la revente illégale de minutes de communication, qui est une pratique assez courante.
De même, la limitation de la durée d’un appel en continu à un nombre d’heure limité doit être possible afin d’éviter que les lignes ne restent ouvertes de manière ininterrompue pendant toute une nuit. Cette souplesse était indispensable pour que les offres illimitées, plébiscitées par les consommateurs, puissent continuer d’exister.
Des engagements du secteur sur l’utilisation des termes « vingt-quatre heures sur vingt-quatre » et sur la lisibilité des mentions rectificatives ont également été adoptés par le Conseil national de la consommation.
Disponibles pour toutes les offres de téléphonie fixe et mobile depuis 2007, les fiches d’information standardisées seront généralisées aux offres d’accès à l’Internet mobile. Elles seront plus largement accessibles : les consommateurs y auront accès de façon systématique dans les guides tarifaires des opérateurs et à partir de la page Internet de l’offre.
Enfin, les opérateurs se sont également engagés, à la demande des associations, à informer systématiquement le consommateur sur le débit maximum théorique et à généraliser différents outils permettant au consommateur d’accéder facilement à son niveau de consommation mensuelle de données mobiles en France métropolitaine, sous forme de jauges. En complément, le CNC va également publier une fiche pédagogique expliquant les notions de débits et d’octets.
Voilà ce que je tenais à vous expliquer.
M. Roland Courteau. Vous pouvez recommencer ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous pourrez lire le compte rendu des débats au Journal officiel, monsieur le sénateur. Vous ferez cela, j’en suis sûr, avec beaucoup d’efficacité.
Jusqu’à présent, – nous sommes tous d’accord sur ce point – l’usage du terme « illimité », qui a un sens pour les consommateurs, est quelquefois détourné par un certain nombre d’opérateurs. Dorénavant, grâce à cet accord entre les opérateurs et les associations de défense des consommateurs, le terme « illimité » pourra continuer à être utilisé, mais dans des cas bien précis, qui protègent le consommateur et l’opérateur.
Vous n’étiez pas informés de la signature de cet accord, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vous avez examiné ce dispositif en commission. C’est, je pense, une avancée importante, qui montre d’ailleurs que nos travaux sur ce texte sont concrets, en prise directe avec ce que vivent quotidiennement les consommateurs dans notre pays.
Dès lors, l’amendement de Mme Lamure n’en est que plus important. Il tend à prévoir que le terme « illimité » doit figurer sur l’offre, ainsi que les limites qui viennent d’être déterminées, et ce dans les mêmes caractères, afin de protéger les consommateurs contre les abus. Il constitue en fait le complément de l’accord du CNC.
Compte tenu de cette actualité, le Sénat serait bien inspiré d’adopter l’amendement de Mme Lamure et de renoncer aux autres dispositifs, à la fois celui qui a été adopté en commission et celui qui a été proposé par M. Retailleau.
M. Claude Bérit-Débat. Tout ça pour ça !
M. Roland Courteau. Nous avons été éblouis, monsieur le secrétaire d’État !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Illuminés !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … afin que chacun mesure bien l’importance de son vote. Compte tenu des informations que je viens de vous apporter, je ne doute pas, bien sûr, que chacun va se rallier à la position qui protège les consommateurs.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 144 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 120 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 180 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia, MM. J. Gautier, Cambon et Cornu, Mmes Jouanno, Bruguière, Deroche et Primas, M. Milon et Mme Duchêne, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 121–84–6 du code de la consommation, après les mots : « de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, » sont insérés les mots : « et fournisseurs et opérateurs de bouquets de télévision payante ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à offrir au consommateur lié par un contrat chez un prestataire de bouquets de télévision payante la même possibilité que chez les opérateurs de téléphonie mobile.
En l’occurrence, il s’agit de permettre à l’abonné de résilier son contrat par anticipation, comme le permet la loi Chatel en matière de téléphonie mobile. En effet, le contrat étant reconduit de manière tacite au bout d’un an, un abonné ne peut pas résilier son abonnement lorsqu’il a laissé passer la date d’échéance.
Je ne vois pas pourquoi la loi Chatel ne s’appliquerait pas aux fournisseurs et aux opérateurs de bouquets de télévision payante.
M. Gérard Cornu. En effet !
Mme Catherine Procaccia. Tel est l’objet de cet amendement.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Malheureusement, je ne peux pas être favorable à cet amendement.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Ce n’est pas grave !
M. Roland Courteau. Il va nous expliquer !
Mme Évelyne Didier. C’est un bavard !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. L’extension de la disposition de la loi Chatel à des offres télévisuelles n’aurait pas d’intérêt puisque, de fait, les durées d’engagement des contrats d’abonnement à ces services ne sont de toute façon pas supérieures à un an.
Mme Catherine Procaccia. Mais il y a reconduction tacite !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais justement !
J’entends bien votre argument, madame la sénatrice, mais tel qu’il est rédigé, votre amendement n’est pas opérant, car il viserait les durées d’abonnement supérieures à douze mois, ce qui poserait une difficulté.
J’ajoute que cette disposition, si elle était adoptée, pourrait avoir des conséquences négatives sur le financement de la création audiovisuelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. À mes yeux, il s’agit d’un très bon amendement, comme la loi Chatel était une très bonne loi. C’est une bonne idée d’appliquer les mêmes règles aux opérateurs de téléphonie mobile et aux prestataires de bouquets de télévision payante, d’autant plus que les frontières entre eux sont de plus en plus difficiles à cerner. (Mme Catherine Procaccia opine.)
Nous devrions adopter cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 147 rectifié ter, présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, tout téléphone portable mis en vente sur le marché est équipé d’une prise standard pour sa recharge.
Un décret précise la norme technique européenne retenue.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Voici un amendement bien connu, qui ne manquera pas, j’en suis sûr, de faire l’unanimité sur nos travées et de susciter l’adhésion de M. le secrétaire d’État.
Un chargeur de téléphone est un bien durable qui doit pouvoir être réutilisé. Cet amendement vise à éviter le gâchis que tout le monde constate aujourd’hui du fait de l’impossibilité de réutiliser son chargeur lors de l’acquisition d’un nouveau téléphone portable. Nous avons ainsi tous des quantités de chargeurs à revendre !
L’amendement tend à prévoir qu’un décret précisera la norme technique retenue. Il pourrait s’agir de la norme micro-USB, comme le préconise l’Universal charging solution, l’UCS.
Je rappelle, mes chers collègues, que cet amendement est ancien, que le groupe socialiste le présente depuis des années dans cet hémicycle,…
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Claude Jeannerot. … mais qu’il n’a jamais trouvé grâce aux yeux du Gouvernement, encore moins aux yeux des opérateurs.
Mme Évelyne Didier. On se demande bien pourquoi ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Claude Jeannerot. Chaque fois qu’il a présenté cet amendement, à l’occasion de la discussion de la loi de modernisation de l’économie, la LME, ou de plusieurs lois relatives au pouvoir d’achat, le groupe socialiste s’est vu opposer la même réponse par le représentant du Gouvernement : les opérateurs sont en train de se mettre d’accord. Voilà maintenant plus de trois ans que les opérateurs se mettent d’accord !
M. Claude Bérit-Débat. C’est long !
M. Claude Jeannerot. Ce soir, nous leur proposons donc – il est plus que temps ! – de passer à l’action dans les six mois suivant l’adoption du présent texte.
Une précision encore : je vous demande de considérer que Daniel Raoul, le président de la commission de l'économie, est le premier signataire de cet amendement. Vous le savez, cela fait plusieurs années qu’il intervient sur ce sujet dans cet hémicycle.
M. Roland Courteau. Inlassablement !
M. Claude Jeannerot. Justice doit lui être rendue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Mireille Schurch applaudit également.)
M. Claude Bérit-Débat. J’espère qu’il aura du succès !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je crois que chacun d’entre nous sait ce que c’est que d’avoir les tiroirs remplis de chargeurs des téléphones portables de nos enfants et petits-enfants. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
La commission émet donc, naturellement, un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Évelyne Didier. Favorable ! (Sourires.)
M. Claude Bérit-Débat. Faites un geste !
M. Claude Jeannerot. Pour les consommateurs ! Écoutez-les !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. C’est Noël !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela vous ferait plaisir, n’est-ce pas ? (Sourires.)
Puisque vous avez été informés par l’ensemble des ministres de l’existence de discussions au niveau européen, je vais vous dire à quel stade elles en sont aujourd'hui. La décision sur le chargeur universel est attendue pour la mi–2012.
M. Claude Bérit-Débat. On le savait depuis 2010 !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela étant dit, je suis certain que vous allez l’anticiper. (Voilà ! sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Cela signifie que, le temps que les discussions aboutissent au niveau européen, le droit national sera contraire au droit communautaire et que, finalement, vous n’aurez fait qu’anticiper le mouvement.
Je ne peux donc être favorable à un dispositif qui soit contraire au droit communautaire, fût-ce temporairement. L’avis est donc défavorable. Cela étant, je n’ai pas beaucoup de doute sur l’issue de votre vote. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Pour compléter le propos de Claude Jeannerot, je dirai qu’on nous a refait le coup voilà quelques mois. Je me souviens en effet avoir défendu un amendement dont le premier signataire était Daniel Raoul. Le rapporteur et le ministre m’avaient alors dit que, puisque la conclusion de l’accord n’était qu’une question de semaines, il valait mieux que je retire l’amendement.
M. Roland Courteau. Certes.
Les semaines et les mois ont passé, et nous en sommes restés au même point. Ce soir, il faut donc franchir le pas et adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Dans un élan de solidarité, le groupe UMP va voter cet amendement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), ce qui ne manquera pas de donner de la vigueur aux travaux du Sénat !
M. André Reichardt. Vous le voyez, nous sommes œcuméniques !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Cela fait des années que nous défendons cet amendement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Par ailleurs, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 3 bis
(Non modifié)
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 121-84-10 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le paiement de services au moyen de la facturation par l’opérateur mobile de messages interpersonnels courts reçus par le consommateur est soumis à l’accord exprès de ce dernier. Le consommateur peut demander à tout moment l’interruption sans délai de la réception de ces messages dans le cadre d’un abonnement. Il est informé de cette possibilité au moins une fois par mois.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation, définit les conditions dans lesquelles le paiement mentionné au deuxième alinéa peut être proposé au consommateur, notamment le recueil de son accord par messages interpersonnels courts ou autres dispositifs numériques, sa demande de blocage et le processus d’information mensuel. » ;
2° Après l’article L. 113-4, il est inséré un article L. 113-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-4-1. – Les publicités, documents commerciaux ou contractuels, quel qu’en soit le support, mentionnant un numéro délivrant un service gratuit ou payant comportent une information sur le tarif des appels à destination de ce numéro ou le tarif des messages textuels envoyés à ce numéro ou par ce numéro. Cette information est effectuée par l’éditeur dudit service au moyen d’une signalétique définie par un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 3 bis
M. le président. L'amendement n° 128 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Bruguière et Deroche, MM. Cambon et J. Gautier, Mme Primas, M. Milon et Mmes Jouanno et Duchêne et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 136–1 du code de la consommation, après les mots : « par écrit » sont insérés les mots : « , par lettre nominative, ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nous avons évoqué tout à l’heure les problèmes liés à la reconduction tacite dans les contrats des opérateurs de bouquets de télévision. Un certain nombre d’opérateurs ne respectent pas la loi Chatel. Il est regrettable d’avoir à prendre de nouvelles dispositions législatives pour s’assurer que tous les consommateurs puissent être informés nominativement de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’ils ont conclu avec une clause de reconduction tacite. Certains opérateurs, ne respectant pas cette obligation, ont été condamnés. J’ai trouvé des exemples sur internet. Ils indiquent simplement sur leur catalogue envoyé au client la date d’échéance du contrat. Cela ne peut constituer une information personnelle et claire.
La commission a souhaité que j’apporte à mon amendement une précision, ce que j’accepterai bien volontiers. L’objectif de cet amendement est bien de s’assurer que cette indication parvienne au consommateur de façon claire, et non pas qu’elle soit noyée au milieu d’autres informations.
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Dès l’instant où l’amendement est modifié dans le sens souhaité par la commission, l’avis est favorable. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Comme quoi on peut travailler ensemble, monsieur Cornu !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si la rectification met bien la mention « ou courrier électronique », c’est un amendement extrêmement utile, auquel le Gouvernement sera favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 bis.
Par ailleurs, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
5
Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature, d’une part, et de la proposition de loi relative à la protection de l’identité, d’autre part.
Ces listes ont été affichées et la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Nominations de membres de deux commissions mixtes paritaires
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Yves Leconte, Mmes Virginie Klès, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François Pillet, Jean-René Lecerf et Yves Détraigne ;
Suppléants : MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Michel, Alain Richard et François Zocchetto.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’identité.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Mme Virginie Klès, M. Jean-Yves Leconte, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-René Lecerf et Yves Détraigne ;
Suppléants : MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Michel, Alain Richard et François Zocchetto.
7
Droits, protection et information des consommateurs
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 4.
Article 4
I. – La section 12 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation est ainsi modifiée :
1° L’article L. 121-87 est ainsi modifié :
a) Au 4°, les mots : « d’effet du contrat » sont remplacés par les mots : « de l’offre » ;
b) Le 14° est complété par les mots : « et d’établissement de la facture de clôture » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Toutefois, il peut être dérogé à l’obligation mentionnée à la seconde phrase de l’alinéa précédent lorsque le consommateur emménage dans un site. » ;
2° Au 4° de l’article L. 121-88, après le mot : « souscrits », sont insérés les mots : « à l’aide des conseils tarifaires personnalisés donnés par le fournisseur » ;
3° L’article L. 121-91 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « gaz », il est inséré le mot : « naturel » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « de gaz naturel et d’électricité » sont remplacés par les mots : « d’électricité ou de gaz naturel » ;
4° Le dernier alinéa du même article L. 121-91 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « client », sont insérés les mots : « , sans percevoir de frais, » ;
b) Les mots : « ou tout moyen à la convenance de ce dernier » sont remplacés par les mots : « , par courrier postal ou dans ses agences commerciales s’il en dispose » ;
5° Après le même article L. 121-91, il est inséré un article L. 121-91-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-91-1. – I. – En cas d’évolution substantielle de la consommation réelle, le fournisseur communique au client, à sa demande, un bilan gratuit établi au vu des données dont il dispose et comportant ses conclusions sur l’adaptation du contrat souscrit.
« II. – Dès que le fournisseur constate une augmentation anormale du montant à facturer ou s’il est alerté par le consommateur qui a reçu une facture d’un montant anormal, il procède à une vérification des données ayant conduit à ce montant. Tant que le fournisseur n’a pas effectué cette vérification et sauf si le consommateur y fait obstacle, le délai de paiement de la partie excessive de la facture est suspendu. Une fois cette vérification effectuée, le fournisseur notifie au consommateur le montant de la facture, le cas échéant rectifié, ainsi que le délai de paiement restant à courir. Les coûts de la vérification prévue par le présent alinéa ne sont pas facturés au consommateur de bonne foi.
« III. – L’arrêté mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 121-91 précise les critères de détermination d’une évolution substantielle de la consommation réelle et d’une augmentation anormale du montant à facturer, le contenu et les modalités de réalisation du bilan et de la vérification, les conditions de prise en charge de cette dernière ainsi que la procédure de régularisation de la facture après vérification. »
II. – (Non modifié) Le présent article, à l’exception des a et c du 1°, 3° et b du 4° du I, entre en vigueur le premier jour du neuvième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi. Les articles L. 121-91 et L. 121-91-1 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la présente loi, sont applicables aux contrats en cours à cette date.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° L'article L. 121-88 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « À la demande du consommateur, » sont supprimés ;
b) Au 4°, après le mot : « souscrits », sont insérés les mots : « à l'aide des conseils tarifaires personnalisés donnés par le fournisseur » ;
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 4 du projet de loi complète très utilement la liste des informations devant être communiquées au consommateur qui conclut un contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel.
Les précisions sur les modes d’envoi des relevés de consommation peuvent être utiles à l’information des consommateurs.
Par notre amendement, nous voulons garantir l’effectivité des avancées contenues dans le texte.
Ainsi, en l’état actuel du droit, l’article L. 121–88 du code la consommation dispose que « Le contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur d’électricité ou de gaz naturel est écrit ou disponible sur un support durable. » Mais c’est seulement à la demande du consommateur qu’il lui est transmis à son choix par voie électronique ou postale.
Nous souhaitons que le contrat souscrit soit communiqué automatiquement, afin que tous les consommateurs puissent en disposer.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Béchu, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
dès lors que celui-ci dispose des informations détenues par le gestionnaire de réseaux et nécessaires au développement de tels services
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 165, présenté par M. Dubois, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
si le client l'a souhaité
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 50. En effet, ce qui s’applique à l’offre précontractuelle doit a fortiori s’appliquer au contrat.
L’adoption de l’amendement n° 165 aurait, me semble-t-il, pour effet de réduire fortement la portée de l’alinéa 7. En effet, il faudrait que le client demande lui-même à bénéficier du conseil tarifaire personnalisé. Les fournisseurs pourraient contourner l’obligation de conseil personnalisé en évitant simplement de rappeler aux clients ce à quoi ils ont droit. La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur l’amendement n° 165.
En outre, l’avis est très favorable sur l’amendement n° 50.
M. Pierre Hérisson. C’est Noël ! (Sourires.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En effet, le dispositif proposé est parfaitement cohérent avec les mesures qui avaient été adoptées dans le cadre de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Cela permettrait de lever toute ambiguïté. Je me félicite donc de cette initiative de Mme Didier.
M. le président. Monsieur Dubois, l'amendement n° 165 est-il maintenu ?
M. Daniel Dubois. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 165 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Béchu, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ) Le premier alinéa est complété par les mots :
« sous réserve que le gestionnaire de réseaux ait communiqué les données de consommation nécessaires ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 75, présenté par M. Béchu, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Avant les mots :
, sans percevoir
insérer les mots :
au moins une fois par mois
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 76, présenté par M. Béchu, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après les mots :
consommation réelle
insérer les mots :
et dès lors que le gestionnaire de réseaux a transmis au fournisseur l’historique des données de consommation du client nécessaire au développement de tels services
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 77, présenté par M. Béchu, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après les mots :
conduit à ce montant
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, le cas échéant en demandant au gestionnaire de réseau de distribution les informations relatives aux données de comptage nécessaires à une telle vérification. Pendant ces opérations de vérification, et sauf si le consommateur fait obstacle à cette dernière, le recouvrement de la partie anormale de la facture est suspendu. Cette suspension concerne également les sommes dues par le consommateur au gestionnaire de réseaux au titre des prestations d’acheminement facturées par le fournisseur. Une fois cette vérification effectuée, le fournisseur notifie au consommateur le montant de la facture, le cas échéant rectifié, ainsi que le délai de paiement restant à courir.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 105 rectifié ter, présenté par MM. Repentin, Bérit-Débat, Vaugrenard, Labbé, Teston et Courteau, Mmes Rossignol, Nicoux et Bourzai, MM. S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le consommateur peut dans un délai d’un mois à compter de la notification mentionnée au précédent alinéa saisir le médiateur national de l’énergie par dérogation aux dispositions de l’article L. 122-1 du code de l’énergie. Le médiateur formule sa recommandation dans un délai d’un mois et motive sa réponse. Sa saisine suspend le délai de paiement de la partie excessive de la facture contestée.
II. – Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« IV. – Le présent article est applicable aux contrats en cours à la date de la promulgation de la loi n° … du …renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Il s’agit d’un amendement particulièrement important, qui porte sur les litiges relatifs à des problèmes de facturation ou, plutôt, de surfacturation pouvant opposer les consommateurs à leurs fournisseurs.
En effet, nombreux sont les ménages qui se plaignent d’erreurs de facturation à leur détriment et qui sont financièrement pénalisés par des montants de factures plus onéreux que prévus et venant amputer leur budget. Comme nous avons pu le constater, les plaintes de cette nature auprès du médiateur national de l’énergie ont augmenté de 25 %.
Or, lorsque le consommateur conteste le montant de sa facture, il ne peut pas saisir immédiatement le médiateur. En effet, il doit au préalable avoir adressé une réclamation écrite au fournisseur et la saisine du médiateur de l’énergie n’est possible que dans un délai de deux mois après cette première réclamation. Si le litige persiste au cours de ce délai, le consommateur dispose alors à nouveau d’un délai de deux mois pour saisir le médiateur national de l’énergie sur le différend qui l’oppose au fournisseur.
Le fournisseur, pour sa part, a la possibilité, après avoir respecté le délai légal de cinquante jours à compter de l’émission de la facture, de procéder à la coupure de l’alimentation en énergie du consommateur. L’« exécution forcée » que constitue l’interruption de la fourniture en cas de non-paiement s’applique également dans les cas de contestation de la facture par le consommateur.
Dans cette dernière situation, le consommateur est donc toujours pénalisé même s’il y a eu erreur de facturation.
Lorsque la facture d’électricité ou de gaz est payée par prélèvement automatique, le consommateur peut se voir prélever des sommes indues pouvant grever fortement son budget, l’énergie représentant déjà une part très importante des dépenses contraintes des ménages. Ces sommes ne lui seront restituées que plusieurs mois après la contestation de la facture.
Nous proposons donc de réduire le délai de saisine et d’intervention du médiateur national de l’énergie à un mois. En outre, une fois saisi, le médiateur devrait formuler sa recommandation dans un délai d’un mois et motiver sa réponse. Enfin, nous souhaitons que la saisine suspende le délai de paiement de la partie excessive de la facture contestée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent une procédure particulière de saisine du médiateur national de l’énergie dans le cas d’un montant anormal de facture.
Le consommateur pourrait saisir le médiateur dès la notification par le fournisseur d’un nouveau montant de facture après avoir vérifié les données. Actuellement, il faut un dialogue préalable d’une durée de deux mois entre le consommateur et le fournisseur, fondé sur une réclamation écrite.
De plus, le délai laissé au médiateur pour se prononcer est d’un mois seulement, contre le double aujourd'hui.
L’objectif visé par les auteurs de cet amendement est utile. En effet, la coupure d’électricité peut survenir cinquante jours après la date limite de paiement, délai trop court pour une intervention du médiateur.
La mise en œuvre de cet amendement nécessiterait toutefois une adaptation de la façon de fonctionner du médiateur : elle modifie en effet considérablement le mode de travail actuel du traitement des réclamations.
Aussi, la commission émet un avis favorable, mais demande au Gouvernement si une voie alternative n’est pas envisageable : il me paraît en effet possible d’atteindre le même but en modifiant le décret du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau. Ce décret prévoit un délai de cinquante jours avant la coupure d’électricité ou de gaz, un délai supplémentaire étant prévu pour les bénéficiaires d’un tarif social. Serait-il possible, monsieur le secrétaire d’État, d’accroître ce délai afin de tenir compte de la situation de plus en plus difficile des ménages français en cette période de crise économique grave ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je me méfie toujours de l’affichage à l’égard du consommateur.
Aujourd’hui, le médiateur a du mal à traiter les demandes dans le délai de deux mois. Afficher un délai d’un mois laisserait croire au consommateur qu’il est possible de réduire les temps d’intervention, ce qui n’est pas le cas. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement, même si, comme l’a proposé M. le rapporteur, on peut bien sûr essayer de trouver des pistes pour améliorer le dispositif.
M. le président. L'amendement n° 104 rectifié ter, présenté par MM. Courteau, Bérit-Débat, Vaugrenard, Labbé et Teston, Mme Rossignol, M. Repentin, Mmes Nicoux et Bourzai, MM. S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
6° Après l’article L. 121-92, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 121–92–1. - I. - En cas de pose de compteurs « intelligents » pour les particuliers, telle que prévue à l’article 18 de la loi n° 2009–967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, les fournisseurs et les gestionnaires de réseau d’électricité sont tenus, dans l'exercice de leurs missions respectives :
« 1° d’assurer un niveau optimal de confidentialité et de sécurité des données collectées ;
« 2° de garantir que l’effacement engendre une réduction effective du montant de la facture d’électricité payée par le consommateur final lorsqu’il est réalisé dans le cadre d’une offre commerciale fondée sur les données du compteur intelligent.
« II. – Un décret pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le ministre chargé de l’industrie a annoncé, il y a quelques mois, la généralisation du compteur évolué Linkyt. L’installation de 35 millions de compteurs devrait avoir lieu de 2013 à 2020.
D’après le Gouvernement, le déploiement de ces compteurs devrait d’abord profiter aux consommateurs en permettant la télé-relève en temps réel et en leur assurant une meilleure maîtrise de leur consommation.
Les associations de consommateurs ont, quant à elles, émis des doutes sur le fait que ces améliorations pourraient bénéficier aux consommateurs.
Les syndicats ont dénoncé le risque de suppression d’emplois chez ERDF, le passage d’un agent pour relever les compteurs n’étant plus nécessaire.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, s’est inquiétée de la protection des données transmises aux fournisseurs. Ces données pourraient être utilisées à des fins commerciales et leur emploi pourrait porter atteinte à la vie privée des consommateurs.
Malgré ces inquiétudes et interrogations, le Gouvernement a décidé de déployer les compteurs évolués.
Dès lors, nous considérons que cette généralisation d’ici à 2020 doit s’accompagner d’un certain nombre de garanties pour le consommateur, au premier rang desquelles la confidentialité des données recueillies par ces compteurs, et ce conformément à la demande de la CNIL.
Les garanties doivent également porter sur les contrats avec effacement des heures de pointe, que les fournisseurs seront incités à proposer aux particuliers.
Les fournisseurs pourraient en effet offrir aux particuliers des contrats de type bonus-malus : d’un côté, on trouverait des offres tarifaires attractives, de l’autre, la consommation en période de pointe ferait l’objet d’un malus très élevé.
Les consommateurs seraient particulièrement pénalisés par l’application de ce genre de dispositif, leur facture pouvant atteindre des montants très importants.
Cet amendement vise précisément à éviter ce biais et à assurer ainsi une meilleure protection des consommateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement prévoit avec raison, comme il ressort notamment des travaux du comité de suivi du compteur communicant, présidé par nos collègues Jean-Claude Lenoir et Ladislas Poniatowski, que l’installation des compteurs intelligents doit respecter pleinement la confidentialité et la sécurité des données de consommation, qui sont de véritables marqueurs de nos activités privées.
L’amendement vise également à s’opposer à certaines dérives des fournisseurs qui seraient tentés de proposer des offres avec effacement absconses leur profitant uniquement alors que l’effacement, acte de réduction temporaire de la consommation, doit bénéficier au moins partiellement au client.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Il s’agit, là encore, d’une mesure d’affichage. Aux termes de cet amendement, les fournisseurs et gestionnaires seraient en effet tenus « de garantir que l’effacement engendre une réduction effective du montant de la facture d’électricité ». Comment serait-ce possible puisque le montant de la facture dépend uniquement du comportement du client. La loi ne peut en aucun cas garantir une réduction effective. Imaginez que son comportement conduise le client à consommer plus d’énergie électrique. Le dispositif proposé n’est donc pas opérant.
Dans ces conditions, j’émets un avis très défavorable, car il n’y a rien de pire que de faire croire aux consommateurs qu’il est possible d’apporter des garanties quand ce n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d’État, nous nous sommes mal compris, ou vous avez mal lu.
M. Roland Courteau. Il s’agit de faire en sorte que l’effacement entraîne une réduction du montant de la facture, sinon à quoi bon procéder à un effacement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’ai bien lu le texte de votre amendement, monsieur le sénateur. Comment voulez-vous garantir que l’effacement s’accompagnera d’une réduction effective de la facture ?
M. Roland Courteau. Par la loi !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ce n’est pas possible ! En effet, tout dépend du comportement du client.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je comprends parfaitement votre intention. Selon vous, à partir du moment où on adopte ce dispositif, il doit, par rapport à la facture « normale », engendrer une réduction.
M. Roland Courteau. Un mieux !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or, compte tenu du comportement du client, la facture pourra augmenter. Et si tel est le cas, même si c’était sans lien avec l’effacement, ce serait en contradiction avec la disposition que vous proposez. Voilà pourquoi votre dispositif est inopérant.
M. Roland Courteau. Vous ne m’avez pas convaincu ! Nous ne nous comprenons pas !
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121–1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121–1–1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 121–1–1 A. - Le démarchage à domicile afin de proposer une souscription à un contrat de fourniture, de prestation de service ou de raccordement pour l'électricité et le gaz est interdit. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Nous avions déjà déposé et défendu un amendement similaire lors de l’examen de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME ».
À cette époque – nous étions au début des privatisations –, des opérateurs privés, plus précisément Direct Énergie et Poweo, avaient été accusés de démarchage abusif. Ces pratiques commerciales assez agressives avaient conduit des élus à prendre des mesures dont, dans une commune, un arrêté « anti-démarchage » visant très précisément Poweo et sa filiale Arelys. Les démarcheurs de Poweo se présentaient, selon la mairie concernée, « comme des agents EDF vérifiant l’application d’une remise sur les factures ».
Le médiateur national de l’énergie avait également précisé dans son rapport que « le démarchage à domicile [est] la porte ouverte aux dérives. Dans la grande majorité des cas les souscriptions litigieuses font suite à un démarchage à domicile ».
Nous partageons entièrement cette analyse et nous considérons qu’une loi qui a pour objet de renforcer les droits et la protection des consommateurs doit intervenir sur ce sujet, notamment en ce qui concerne l’énergie, parce qu’il s’agit d’un bien vital pour les familles et que les factures sont élevées.
Lors des débats sur la loi NOME, le rapporteur, M. Poniatowski, avait été défavorable à notre proposition au motif qu’elle « constituerait une entrave grave au développement de la concurrence dans le domaine de l’électricité et du gaz ». Nous ne pensons pas que ce soit le cas et nous sommes convaincus que la protection des personnes les plus vulnérables doit être une priorité pour le législateur.
Si depuis la loi de modernisation de l’économie le consommateur n’est engagé, dans le cas du démarchage à domicile, que par sa signature et s’il bénéficie d’un délai de rétractation de sept jours, on sait bien que dans la réalité des personnes signent des contrats et que les formalités pour exercer le droit de rétractation sont lourdes pour certains de nos concitoyens, je pense notamment à des personnes âgées ou fragilisées.
Par cet amendement, nous souhaitons créer dans le code de la consommation au titre des pratiques commerciales trompeuses un nouvel article qui interdit purement et simplement les démarchages à domicile lorsque sont en cause des offres de souscription de contrat de fourniture, de prestation de services ou de raccordement pour l’électricité et le gaz, car c’est trop pressant pour ces personnes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Le démarchage à domicile fait l’objet d’un encadrement légal complet.
L’interdiction totale du démarchage à domicile paraît donc excessive : c’est surtout une question d’information du client.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, est à la disposition des consommateurs et des élus locaux pour lutter contre les abus de ce type de pratique. Cette interdiction entrerait sans doute également en conflit avec la directive du 25 octobre 2011 relative au droit des consommateurs, qui contribue à réglementer les pratiques en la matière.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Évelyne Didier, l’amendement n° 55 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Je ne souhaitais pas arriver à une explication de type un peu plus personnel. Mais il se trouve que, dans mes proches, certains ont été victimes de ces pratiques. C’est d’autant plus déplaisant lorsque les personnes visées n’ont pas tout leur jugement.
J’ai été profondément choquée, dans ma famille et dans mon entourage, car il y a eu démarchage à domicile pour un contrat énergétique et certaines personnes se sont engagées dans de nouveaux contrats parce qu’elles étaient persuadées qu’il s’agissait d’EDF-GDF. La personne a dit oui, elle a sans doute signé – elle n’en a pas parlé autour d’elle –, mais elle n’a pas pu faire valoir le droit de rétractation tout simplement parce qu’elle ne se souvenait plus de ce qu’elle avait fait. Voilà ce que j’appelle une personne fragile !
Ma proposition n’est peut-être pas la bonne, mais je souhaiterais vraiment que l’on se penche sur la question.
Je vous parle de l’électricité et du gaz, mais ma famille a rencontré les mêmes difficultés avec Toupargel et autres. Pourtant nous avions téléphoné et écrit à plusieurs reprises pour qu’ils arrêtent le démarchage, car nous ne voulions pas condamner la porte. Le cas dont je fais mention n’est pas isolé, et, dans ce quartier dont la population vieillie, je connais plusieurs personnes qui se sont fait avoir par toutes sortes de démarchages : travaux d’été à 500 euros pour un simple coup de Kärcher dans la cour, contrats où on confond EDF, GDF et les nouveaux opérateurs, les uns se faisant passer pour les autres, etc.
C’est un combat important, que nous devons mener. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, avoir l’assurance que d’ici à la prochaine lecture du présent projet de loi ce problème sera étudié afin que de telles situations ne se reproduisent plus.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous ne pouvons pas interdire le démarchage, car ce ne serait pas conforme au droit communautaire. Par ailleurs, le démarchage peut également s’effectuer dans des conditions qui respectent les personnes.
Mme Évelyne Didier. Non !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Bien sûr que si !
Je comprends parfaitement que vous réagissiez de la sorte, d’autant que vous avez été personnellement touchée par ce type de pratique. Pour autant, ne généralisez pas.
Aujourd’hui, la loi permet de réprimer les comportements que vous avez décrits. Il faut sans doute mieux expliquer aux consommateurs comment réagir dans ces circonstances. Le délit d’abus de faiblesse pour les consommateurs vulnérables existe. Le législateur a même accru la protection par des dispositions qui interdisent les pratiques commerciales agressives – harcèlement, contrainte physique ou morale –, sanctionnées d’une peine délictuelle de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Face à de telles situations, que faut-il faire ? J’en profite pour le préciser car cela pourra éclairer un certain nombre de nos concitoyens qui seraient eux-mêmes victimes ou dont les proches sont victimes de tels agissements. Il suffit d’adresser une réclamation auprès de la DGCCRF et d’expliquer son cas. Si le délit d’abus de faiblesse est établi, la DGCCRF a tous les moyens d’agir contre l’entreprise concernée, soit en allant au pénal, soit en utilisant la kyrielle de sanctions immédiates prévues dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
Voilà pourquoi j’ai souhaité reprendre la parole.
Le dispositif législatif actuel permet de répondre à la situation que vous avez décrite. En même temps, vous avez raison, il arrive souvent qu’on ne pense pas à s’en prévaloir. Les familles dont un proche s’est laissé abuser se sentent coupables et, du coup, elles préfèrent, elles aussi, ne pas réagir. Il faut déculpabiliser les gens. Chacun doit savoir que la loi offre aujourd'hui les moyens de réprimer ce type d’abus et qu’il ne faut absolument pas à hésiter à saisir la DGCCRF dans un tel cas de figure, madame Didier.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne veux pas faire de cet hémicycle un confessionnal ou un endroit où l’on échangerait des confidences. Mais je voudrais appuyer à la fois l’amendement de notre collègue et la démarche qui le sous-tend.
Ce que vous dites au sujet des procédures est vrai, monsieur le secrétaire d’État. Il se trouve que j’ai eu, moi aussi, à vivre la même situation.
M. Gérard Cornu. Ah !
Mme Laurence Rossignol. J’ai suivi exactement la démarche que vous avez décrite : DGCCRF, dépôt de plainte, tribunal. Il y a quatre ans. Depuis, j’ai été entendue une fois par la police. Quatre ans après, la plainte, à laquelle ont été jointes soixante-dix autres plaintes pour abus de faiblesse, n’a toujours pas connu le moindre début d’instruction.
Je crains que la plaignante – il ne s’agit pas de moi –, qui est âgée et qui appartient à la génération précédant la mienne, ne voie pas le début de l’instruction du dossier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si j’ai bien compris, madame Rossignol, un de vos proches ou vous-même avez alerté la DGCCRF ; la police a ensuite enquêté mais vous constatez qu’il n’y a eu aucun début d’instruction, en raison des lenteurs de la justice.
Mme Laurence Rossignol. Il ne se passe rien !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous faites état d’un cas particulier. Vous devez comprendre que, pour réagir, puisque nous sommes en train d’élaborer la loi, nous avons besoin d’éléments suffisamment précis pour déterminer sur quel point il faut modifier la procédure.
Mme Laurence Rossignol. Je ne vous demande pas de traiter mon cas ! La réponse que vous faites est théoriquement juste mais elle est inopérante car elle se heurte au réel !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Elle n’est pas inopérante. Elle permet de régler un certain nombre de cas.
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas la bonne réponse à la question de Mme Didier !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si ! D'ailleurs, Mme Didier a très bien compris ce que je lui disais.
Mme Évelyne Didier. J’ai parfaitement compris !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame Rossignol, si vous y consentez, je suis disposé à transmettre votre dossier à la DGCCRF qui examinera précisément son état d’avancement. Votre intervention est très intéressante mais il faut aller au bout : vous dites avoir vécu vous-même une situation de ce type ; en tant que parlementaire, vous devez nous dire sur quel point vous considérez qu’il faut améliorer la procédure pour qu’on puisse le faire. Mon seul objectif, c’est qu’on améliore les choses mais il faut qu’on sache sur quel point on doit agir. Est-ce au niveau de la DGCCRF que vous avez eu un problème, ou à un autre niveau ?
Mme Laurence Rossignol. Je ne répondrai pas sur ce point !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Dans ce cas, comment voulez-vous qu’on améliore le dispositif ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces sujets peuvent paraître anecdotiques mais ils concernent un nombre croissant de personnes âgées qui ont de plus en plus de difficultés à maîtriser leur environnement. Alors que l’on souhaite favoriser le plus longtemps possible le maintien à domicile des personnes âgées, la vulnérabilité d’un certain nombre de ces personnes très âgées s’accroît. Les cas d’abus se multiplient et l’on ne va pas, les uns et les autres, faire état de tous ceux dont nous avons pu avoir connaissance.
Je comprends bien la remarque de M. le secrétaire d’État car il n’y a pas qu’en ce domaine que les lois existantes, pour être opérationnelles au regard des préoccupations, ne sont pas utilisées.
Vous nous avez expliqué tout au long de ce débat, monsieur le secrétaire d’État, qu’une partie de vos propositions procédait de l’analyse que la DGCCRF a fait des recours et des difficultés rencontrées. Vous ne pouvez pas demander au Parlement de se substituer au Gouvernement et de prendre l’initiative de proposer des textes législatifs pour répondre aux problèmes qui ont été observés. Je ne doute pas que des situations comme celles qui ont été décrites par nos collègues se produisent en de nombreux endroits. Ce que l’on attend de tout gouvernement, c’est justement qu’il mette en place une réflexion sur les mesures qui peuvent être opérationnelles. Je vais prendre un exemple.
Vous nous avez informés – et nous ne sommes pas les moins informés ici – des démarches à suivre. Mais le citoyen ordinaire les connaît-il ? Ne faudrait-il pas mettre en place un numéro vert, un lieu d’information ? De plus en plus de personnes suivent le maintien à domicile des personnes âgées. Ne faudrait-il pas former les personnels chargés du suivi pour qu’il sache à qui transmettre l’information ?
Notre collègue a déposé cet amendement n° 55 rectifié pour alerter les pouvoirs publics sans esprit de polémique. Sans doute faut-il mener un travail de réflexion afin d’établir quelles pourraient être les premières mesures à prendre. En tout cas, je plaide pour une information précise de nos concitoyens, notamment de tous ceux qui sont en contact direct avec des personnes âgées, afin qu’ils sachent où s’adresser en cas de présomption d’un abus de faiblesse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame Lienemann, j’entends bien votre propos, qui nous renvoie à celui de Mme Didier : lorsqu’un problème d’information se pose, je le disais tout à l’heure, il faut effectivement renforcer l’information de manière que nos compatriotes connaissent la réglementation.
Le sujet évoqué par Mme Rossignol est un peu différent puisqu’elle a mentionné des blocages dans la procédure. C'est la raison pour laquelle je lui ai demandé de nous apporter des éléments précis afin de nous aider à trouver une solution.
Sur le fait que la législation, même si elle est à même de répondre aux situations, n’est pas suffisamment connue de la population, je vous rejoins parfaitement : il faut renforcer l’information de nos compatriotes. (Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
M. le président. Madame Didier, qu’advient-il de l'amendement n° 55 rectifié ?
Mme Évelyne Didier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
L'amendement n° 133 rectifié, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 121-87 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d’accès aux tarifs spéciaux pour la fourniture de gaz et d’électricité sont également rappelées au consommateur sur chacune de ses factures, que ces dernières lui soient transmises par écrit ou sur tout autre support durable. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise justement l’information sur les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz.
En préambule, je voudrais, car les mots ont leur importance, souligner, monsieur le secrétaire d’État, que vous employez le langage des marchands en parlant de clients pour ceux qui sont des usagers. Mais c’est maintenant entré dans le langage commun. Dans mon propos de discussion générale, j’avais déjà déploré que l’on ne désigne plus que par le terme de « consommateurs » ceux qui sont avant tout des citoyens ; les utilisateurs des biens communs que sont l’eau, l’électricité et le gaz devraient rester avant tout des usagers.
Actuellement, les ménages qui ont des revenus inférieurs aux plafonds de la couverture maladie universelle, la CMU, peuvent bénéficier des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, ces dépenses contraintes représentant une part très importante des revenus des ménages les plus modestes.
Or, sur les 1,5 million à 2 millions de personnes qui sont éligibles à ce dispositif, seulement 300 000 en bénéficient, pour la plupart d’ailleurs grâce à l’accompagnement des services sociaux. L’une des raisons de ce faible nombre tient à la procédure d’attribution, qui reste un obstacle pour les ménages en grande difficulté sociale.
M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, a évoqué, voilà peu, un projet de décret visant à automatiser la procédure d’attribution des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz dont peuvent bénéficier ces ménages, décret qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2012. Depuis, nous n’en avons plus entendu parler. Pouvez-vous nous préciser l’état d’avancement de ce décret ?
En l’absence de ce décret, je maintiens cet amendement qui vise à mieux informer les usagers de l’existence de ces tarifs sociaux permettant d’alléger les dépenses contraintes des plus démunis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Le Gouvernement s’est engagé à modifier rapidement le décret du 8 avril 2004 afin que l’attribution de tarifs de première nécessité soit automatisée pour l’électricité.
Si les tarifs spéciaux sont bien attribués de manière automatique aux ayants droit, je ne crois pas nécessaire d’ajouter une mention supplémentaire sur les factures d’électricité, qui sont suffisamment difficiles à lire en l’état actuel.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, en demandant à M. le secrétaire d’État d’activer le décret.
Nous avons déjà évoqué ce sujet au moment de la loi NOME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Labbé, la proposition que vous faites est très bonne puisque vous partez du même constat que le Gouvernement, à savoir que les tarifs sociaux ne sont pas suffisamment utilisés par ceux qui pourraient légitimement en bénéficier. C’est, là encore, un problème d’information, et voilà pourquoi vous proposez de rappeler les conditions d’accès à ces tarifs sur les factures.
Pour répondre précisément à votre question, le décret sera soumis au Conseil d’État dans le courant du mois de janvier et il va permettre d’automatiser le déclenchement de la tarification, ce qui sera moins lourd à gérer et donc plus efficace que le dispositif prévu sur la facture que vous proposez.
Nous répondons ainsi parfaitement à votre préoccupation. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 133 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. J’en ai un peu assez de retirer mes amendements ! (Sourires.) Mais compte tenu des explications convaincantes de M. le secrétaire d'État, je le fais une fois encore.
M. le président. L'amendement n° 133 rectifié est retiré.
L'amendement n° 174 rectifié, présenté par MM. Kaltenbach, Bérit-Débat, Courteau, Vaugrenard, Labbé et Teston, Mme Rossignol, M. Repentin, Mmes Nicoux et Bourzai, MM. S. Larcher, Vincent et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité remet au Gouvernement et au Parlement, au plus tard le 31 juillet 2012, un rapport recensant d’une part la localisation et le métrage des lignes haute ou très haute tension surplombant des constructions recevant du public qui accueillent des personnes sensibles et fournissant d’autre part une évaluation du coût de déplacement ou d’enfouissement de ces lignes sur chacun des sites concernés.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. M. Kaltenbach est à l’origine de cet amendement, que nous soutenons volontiers.
Il peut être considéré comme un premier pas vers une politique de prévention et de précaution renforcée concernant les champs électromagnétiques. Car sans vouloir dramatiser, la consultation des nombreuses études sur le sujet montre qu’un doute, une incertitude, persiste quant à l’impact de ces champs électromagnétiques sur la santé des populations environnantes.
L’excellent rapport n° 506 établi par M. Daniel Raoul au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, portant sur « les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension », précise que « L’AFSSET dans son avis de 2010 a estimé justifié, par précaution, de ne plus augmenter le nombre de personnes sensibles exposées. Elle recommande la création d’une zone d’exclusion de nouvelles constructions recevant du public – hôpitaux, écoles, etc. – qui accueillent des personnes sensibles – femmes enceintes et enfants – d’au minimum 100 mètres de part et d’autre des lignes de transport d’électricité à très haute tension […] »
Dans ce rapport, il est aussi demandé, d’ici à 2015, « à titre prudentiel et compte tenu des incertitudes de la science, aux parents et aux pouvoirs publics, notamment aux élus locaux, de chercher à chaque fois que cela est possible pour un coût raisonnable de ne pas accroître le nombre d’enfants de zéro à six ans et à naître susceptibles d’être exposés à des champs supérieurs à 0,4 microtesla en moyenne. »
Il est donc clairement recommandé de ne plus construire d’équipements publics sensibles recevant du public – écoles, hôpitaux, crèches, maisons de retraite, centres de loisirs – sous les lignes à haute et à très haute tension.
Mais quid des équipements publics sensibles déjà existants et surplombés par des lignes à haute ou à très haute tension ? Peut-on rester sans rien faire face à ces situations ?
Pour étudier cette question, il est nécessaire de répertorier toutes les zones du territoire national où des lignes à haute et à très haute tension surplombent des établissements publics recevant un public sensible et d’évaluer le coût que représenteraient leur déplacement ou leur enfouissement.
Une fois fait cet état des lieux, les parlementaires pourraient se ressaisir de la question afin d’y apporter les meilleures solutions, au plus près des considérations de santé publique et de protection des citoyens qui nous animent.
Ce rapport demandé au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité n’est pas anodin ; il est une étape indispensable à la réflexion sur la question des lignes à haute et à très haute tension déjà implantées à l’immédiate proximité d’équipements publics.
Il est un préalable indispensable à toute prise de décision juste, rationnelle et argumentée sur ce sujet extrêmement sensible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Trouver une solution à ce problème n’est pas simple, car les travaux d’enfouissement ne suppriment pas par eux-mêmes les champs électromagnétiques. Si leur coût devait être entièrement pris en charge par RTE, il serait nécessairement répercuté sur le prix de l’électricité pour l’ensemble des consommateurs français.
Les inquiétudes des riverains sont toutefois légitimes, compte tenu des incertitudes scientifiques qui persistent concernant tout simplement les personnes sensibles fréquentant des écoles ou des hôpitaux, comme M. le président de la commission de l’économie l’a souligné dans son rapport publié au nom de l’OPECST.
L’inventaire susceptible d’être dressé dans le rapport visé à l’amendement n° 174 rectifié permettra d’améliorer l’état de nos informations sur le nombre de sites concernés et sur le coût d’enfouissement ou de déplacement des lignes à haute ou très haute tension.
Je rappelle toutefois que la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi NOME », a prévu un mécanisme de cofinancement de l’enfouissement des lignes par RTE et les collectivités territoriales. Le Gouvernement peut-il indiquer la date à laquelle sera pris l’arrêté qui doit fixer le barème de la répartition des coûts ?
Cela étant dit, la commission émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Dans le cadre du Grenelle II, il a été prévu un dispositif de contrôle des champs électromagnétiques produits par les lignes de transport d’électricité, en vue d’apprécier l’état de ces installations et d’assurer leur suivi. Un décret d’application sera bientôt publié sur ce sujet et ces nouvelles mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2012.
C’est la raison pour laquelle, monsieur Courteau, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je comprends très bien l’inquiétude exprimée par notre collègue Philippe Kaltenbach au travers de cet amendement. Le problème des lignes à haute ou très haute tension touche surtout la région parisienne et les grandes agglomérations.
Il y aurait un lien de causalité entre la proximité de ces lignes et la leucémie aiguë chez l’enfant, du moins lorsque la fréquence de l’exposition atteint 1 ppm. En tous les cas, on ne peut suspecter l’implication des champs électromagnétiques dans cette pathologie que dans un cas sur trois ou quatre.
C’est déjà beaucoup, me direz-vous, compte tenu du nombre de kilomètres de lignes recensés par RTE, notamment en ce qui concerne les lignes en surplomb. Un document récapitulatif existe, il suffit de le demander à l’opérateur.
Je souhaite que le rapport demandé au travers de l’amendement n° 174 rectifié permettre d’améliorer l’information de tous les élus de notre pays.
Cela étant, mes chers collègues, je le dis posément, la solution n’est pas forcément l’enfouissement, qui n’annihile pas les champs électromagnétiques. Il arrive que certaines lignes enterrées produisent des champs électromagnétiques bien plus puissants que les lignes aériennes.
M. Thierry Repentin. C’est tout à fait vrai !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Prenons garde de ne pas aboutir à un résultat qui serait pire que l’existant. La distance par rapport à la surface et, éventuellement, la nature du sous-sol sont des critères à prendre en compte. Ainsi, la présence de cours d’eau souterrains peut favoriser la propagation de courants conducteurs très importants dans le sous-sol, en interaction avec les champs électromagnétiques ainsi créés.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, un rapport sur le sujet est une idée intéressante, car l’ensemble des élus méritent d’être informés des effets de ces installations, notamment lorsqu’elles surplombent des établissements scolaires.
Je rappelle que la leucémie aiguë infantile ne concerne essentiellement que la tranche d’âge comprise entre zéro et six ans, avec un maximum à trois ans. Il faut donc veiller à ne pas installer de lignes au-dessus des écoles ou des maternités. Pour les autres établissements recevant du public, notamment les hôpitaux, il y a moins de contre-indications, les adultes et les personnes plus âgées étant moins affectées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Si j’ai bien compris, monsieur le président de la commission de l’économie, plus qu’un nouveau rapport, vous défendez le principe d’une information spécifique à destination des élus sur un problème précis,…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Celui des lignes en surplomb !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … que vous évoquiez déjà dans le rapport publié au nom de l’OPECST. Nous pouvons effectivement y réfléchir.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Monsieur le secrétaire d’État, l’élaboration d’un nouveau rapport permettrait de clarifier la situation. Nous avons du temps devant nous, puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée sur ce projet de loi.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je rappelle tout de même que le décret est censé s’appliquer à compter du 1er janvier 2012, donc avant la fin de l’examen du présent texte…
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 174 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Article 4 bis
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation est complété par une section 15 ainsi rédigée :
« Section 15
« Contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié
« Art. L. 121-98. – La présente section s’applique aux contrats souscrits par un consommateur ou un non-professionnel ayant pour objet la fourniture de gaz de pétrole liquéfié en vrac, la mise à disposition ou la vente de matériels de stockage de gaz de pétrole liquéfié en vrac d’un poids supérieur à cinquante kilogrammes ou l’entretien de tels matériels.
« Art. L. 121-99. – Le contrat précise :
« 1° L’identité du professionnel, l’adresse de son siège social et son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou tout document équivalent pour les sociétés situées hors de France et pour les opérateurs qui ne sont pas inscrits au registre du commerce et des sociétés ;
« 2° Le numéro de téléphone et l’adresse postale et électronique du professionnel ainsi que l’adresse de son site internet, le cas échéant ;
« 3° La description des produits et des services proposés, leur niveau de qualité et le délai nécessaire pour en assurer la livraison ou la prestation ;
« 4° Les prix de ces produits et services à la date d’effet du contrat ainsi que, le cas échéant, les conditions d’évolution de ces prix et les moyens par lesquels des informations actualisées sur l’ensemble des tarifs applicables peuvent être obtenues ;
« 5° La durée du contrat, qui ne peut excéder cinq ans, les conditions et modalités de reconduction, de modification, d’interruption et de résiliation du contrat ;
« 6° L’identité du propriétaire de la citerne ;
« 7° Les modes de règlement amiable et contentieux des litiges ;
« 8° Les modalités de facturation et les modes de paiement proposés ;
« 9° Les conditions de la responsabilité contractuelle du professionnel et les modalités de remboursement ou de compensation en cas d’erreur ou de retard de facturation ou lorsque les niveaux de qualité prévus dans le contrat ne sont pas atteints ;
« 10° La possibilité, pour le consommateur propriétaire de sa citerne qui en fait la demande, d’obtenir, en cas de résiliation, l’enlèvement ou la neutralisation sur place de la citerne.
« Art. L. 121-100. – Le contrat est écrit. Le consommateur n’est engagé que par sa signature.
« Art. L. 121-101. – Toute entreprise proposant les contrats objets de la présente section est tenue à une obligation d’information du consommateur sur la sécurité pendant la durée d’exécution du contrat, dans des conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation, de l’énergie et de la sécurité des équipements sous pression.
« Art. L. 121-102. – Tout projet de modification des conditions contractuelles à l’initiative du professionnel est communiqué par écrit par ce professionnel au consommateur au moins deux mois avant son entrée en vigueur, assorti de l’information énoncée de manière claire, précise et visible selon laquelle ce dernier peut, tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, dans un délai de quatre mois après l’entrée en vigueur de la modification.
« Pour les contrats à durée déterminée ne comportant pas de clause déterminant précisément les hypothèses pouvant entraîner une modification contractuelle ou de clause portant sur la modification du prix, le consommateur peut exiger l’application des conditions initiales jusqu’au terme de la durée contractuelle.
« Art. L. 121-103. – Lorsqu’un contrat comporte une clause de reconduction tacite, le professionnel informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite.
« Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément au premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat à tout moment à compter de la date de reconduction. Les avances effectuées après la dernière date de reconduction ou, s’agissant des contrats à durée indéterminée, après la date de transformation du contrat initial à durée déterminée, sont dans ce cas remboursées dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation, déduction faite des sommes correspondant, jusqu’à la résiliation, à l’exécution du contrat. À défaut de remboursement dans les conditions prévues au présent alinéa, les sommes dues produisent intérêt au taux légal.
« Art. L. 121-104. – Le contrat précise, dès sa conclusion, l’ensemble des obligations incombant au consommateur, y compris le montant des sommes à payer découlant de la fin du contrat ou de sa résiliation anticipée.
« Art. L. 121-105. – Le professionnel, ou tout prestataire agissant pour son compte, ne peut facturer au consommateur, à l’occasion de la résiliation, que les frais correspondant aux coûts qu’il a effectivement supportés au titre de la résiliation, sans préjudice, le cas échéant, des dispositions contractuelles portant sur le respect d’une durée minimale d’exécution du contrat.
« Art. L. 121-106. – Toute somme versée d’avance par le consommateur au professionnel doit lui être restituée, sous réserve du paiement des factures restant dues, au plus tard dans un délai de trente jours à compter du paiement de la dernière facture.
« La restitution par le professionnel des sommes versées par le consommateur au titre d’un dépôt de garantie doit être effectuée au plus tard dans un délai de trente jours à compter de la restitution au professionnel de l’objet garanti.
« À défaut, les sommes dues par le professionnel mentionnées aux deux premiers alinéas sont de plein droit majorées de moitié.
« Art. L. 121-107. – La présente section est d’ordre public. »
II. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 52.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 52, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le professionnel est tenu de venir récupérer l’objet garanti au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la résiliation du contrat. »
Veuillez poursuivre, madame Didier.
Mme Évelyne Didier. Étant favorables à l’encadrement des contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié, nous proposons, par l’amendement n° 51, de réduire de cinq à trois ans la durée maximale de ces contrats.
Il ne s’agit pas d’une lubie de notre groupe. Je rappelle que la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation n°84-01, avait estimé abusive toute durée supérieure à trois ans pour ce type de contrats. Un alignement sur la durée légale des baux d’habitation permettrait au client de ne pas rester trop captif de son contrat.
Par l’amendement n° 52, nous souhaitons préciser dans la loi que le professionnel est tenu de récupérer l’objet garanti au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la résiliation du contrat.
Le projet de loi prévoit en effet la possibilité, pour le consommateur propriétaire de sa citerne qui en fait la demande, d’obtenir, en cas de résiliation, l’enlèvement ou la neutralisation sur place de ladite citerne. Mais, dans le cas où la citerne est louée, rien n’est indiqué quant au délai de reprise par l’entreprise.
Ces deux amendements visent à renforcer le dispositif prévu à l’article 4 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Madame Didier, il faut trouver un équilibre pour ce qui est de la durée des contrats. Le fournisseur a besoin de temps pour amortir les frais engagés : si le contrat est trop court, le fournisseur risque d’augmenter en conséquence les frais de location de la citerne.
D’après les auditions que j’ai menées, la durée de cinq ans proposée dans le projet de loi correspond à un équilibre satisfaisant. Je souhaiterais donc que vous retiriez l’amendement n° 51.
Par ailleurs, la restitution du dépôt de garantie est liée à celle de la citerne elle-même. En conséquence, si le professionnel tarde à récupérer l’objet, le client ne reçoit pas non plus le dépôt de garantie. Il est donc utile de s’assurer que le professionnel sera bien contraint de venir récupérer la citerne dans un délai raisonnable.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 52.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Madame Didier, j’émettrai le même avis que M. le rapporteur : je suis favorable à votre amendement n° 52 et sollicite le retrait de l’amendement n° 51, car, s’il était adopté, il aurait un effet pervers, dans la mesure où la durée de trois ans que vous visez est aussi la durée minimum d’amortissement : plus aucune entreprise n’accepterait de s’engager dans ce commerce, faute de pouvoir ne serait-ce qu’amortir le matériel.
M. le président. Madame Didier, l’amendement n° 51 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 51 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 52.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 4 bis
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux premières phrases de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur ou de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à aucune interruption de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous avez sûrement tous vu les affiches de la campagne lancée par la Fondation Abbé Pierre, sur lesquelles on peut lire : « Ils s’aiment, mais ce n’est pas ce qui les rapproche. Huit millions de personnes souffrent du froid parce qu’elles n’ont pas les moyens de chauffer leur logement. »
Rendez-vous compte, 8 millions de personnes !
Cette situation est le résultat des politiques publiques menées depuis des années. Le secteur énergétique est particulièrement révélateur de la manière dont est apprécié le service de l’intérêt général.
Dans la période récente, la privatisation de Gaz de France, l’obligation faite à EDF de vendre une partie de sa production d’électricité d’origine nucléaire aux opérateurs privés, le dessaisissement des prérogatives du ministère de l’énergie, donc de l’État, en matière de fixation des tarifs de gaz et d’électricité, et ce au profit de la Commission de régulation de l’énergie, sont autant de mesures commandées par le marché. Couplées à l’objectif de rémunération du capital, elles ont affaibli considérablement le service public énergétique, exposant la population à la précarité énergétique.
Cette politique a engendré une paupérisation accrue de la population en France. L’INSEE a estimé à 8,2 millions le nombre des personnes vivant, en 2009, en dessous du seuil de pauvreté, soit 60 % du revenu médian, c’est-à-dire 954 euros mensuels pour une personne seule.
Chaque fois que nous alertons le Gouvernement sur la précarité énergétique, il semble considérer que les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité sont largement suffisants. Quant à la prime à la cuve supprimée avec la bénédiction de Christine Lagarde, il n’a pas été jugé utile de la rétablir.
Pour la Fondation Abbé Pierre, au contraire, « Les mesures actuelles – tarifs sociaux, aide aux impayés,… – sont beaucoup trop faibles. Elles n’allègent qu’une partie du public concerné et ne compensent pas les diverses augmentations subies par les familles les plus modestes. »
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, au nom du droit que chacun a de vivre dans des conditions décentes, interdire, pendant la trêve hivernale, les coupures d’électricité, de chaleur ou de gaz.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Par cet amendement, madame Didier, vous proposez d’étendre le bénéfice de la trêve hivernale à l’ensemble de la population. C’est une intention assurément louable : une part plus importante de la population mériterait sans doute de profiter d’une telle protection ; mais faut-il pour autant l’étendre à tout le monde, y compris aux personnes les plus favorisées ?
Il me semble préférable d’instituer une tarification progressive, à l’instar du dispositif proposé par la commission à l’article 4 ter, de nature à garantir la fourniture à un prix très réduit du volume d’énergie nécessaire aux besoins vitaux.
À ce titre, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Franchement, madame Didier, votre amendement pose un vrai problème de rédaction, car je n’ose croire que votre objectif soit véritablement de faire sauter la condition de ressources, auquel cas toute personne qui ne paierait pas ses factures de chauffage pourrait bénéficier, entre le 1er novembre et le 15 mars, de la suspension des coupures.
Imaginez la baronne du Chemin dans son château (Sourires.) : elle n’a aucun intérêt à payer pour se chauffer, puisqu’elle pourra, si l’on vous suit, bénéficier de la gratuité sans craindre la moindre coupure ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) Parce que telle ne peut pas être votre intention, je ne doute pas que vous accepterez de retirer cet amendement !
M. le président. Madame Didier, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Décidément, monsieur le secrétaire d'État, vous ne cessez d’invoquer les fraudeurs ! Ceux du bas vous gênent d’ailleurs souvent plus que ceux du haut ; mais passons !… (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Ce n’était qu’une petite provocation, mes chers collègues, laissez-moi m’expliquer !
Avec la loi sur la trêve hivernale, le législateur a su faire ce que nous n’avons pu décider aujourd’hui, en raison de l’opposition d’une partie de la majorité : concilier le droit de propriété, ayant valeur constitutionnelle, et le droit au logement, qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle.
L’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation instaure le régime de la trêve hivernale, qui interdit l’exécution de toute mesure d’expulsion entre le 1er novembre et le 15 mars, que ce soit au bénéfice de votre baronne du Chemin ou de n’importe qui, monsieur le secrétaire d'État, puisque aucune précision n’est apportée quant au public concerné !
On pourrait tout à fait imaginer calquer ce dispositif, qui n’a rien d’exceptionnel, en matière de fourniture de chauffage.
Quand on a voté la loi sur la trêve hivernale, a-t-on considéré qu’il fallait faire la distinction entre les locataires de bonne foi et les autres ? Bien sûr que non ! Cela semblait à l’époque complètement aberrant de mettre à cette période de l’année quelqu'un à la rue, quelle que soit sa situation. Souvenez-vous de l’hiver 1954 ou même de l’an dernier : nous aurions été bien gênés de ne pas avoir songé à la question !
En réalité, cette loi ne confère pas une impunité aux mauvais payeurs, qui peuvent toujours être poursuivis. Là n’est pas le problème, et nous n’acceptons pas cet argument de la chasse aux tricheurs ou aux profiteurs à l’heure où la précarité énergétique touche autant de personnes !
Si la situation n’était pas aussi dramatique et si les prix du gaz et de l’électricité, sans parler des loyers, n’avaient pas augmenté dans des proportions invraisemblables, la question ne se poserait sans doute pas aujourd'hui.
Nous n’allons tout de même pas renoncer à une disposition véritablement protectrice pour les plus fragiles d’entre nous au seul prétexte du risque de fraude : si fraudeurs il y a, je le répète, on pourra parfaitement les poursuivre. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, croyez-moi, nous pouvons assurément faire toute confiance à Veolia, EDF et GDF Suez pour retrouver les mauvais payeurs !
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 bis.
Article 4 ter (nouveau)
I. – L’article L. 337-6 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret, la structure et le niveau des tarifs réglementés hors taxes sont fixés de manière progressive, garantissant aux consommateurs finals domestiques un accès à un volume minimal d’électricité à un coût très réduit. »
II. – Après la deuxième phrase de l’article L. 445-3 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Selon des modalités fixées par décret, la structure et le niveau de ces tarifs hors taxes sont fixés de manière progressive, garantissant aux abonnés un accès à un volume minimal de gaz à un coût très réduit. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Je l’ai dit en commission, cet article contient des dispositions que je qualifierai de pertinentes.
Oui, il est tout à fait pertinent, et particulièrement souhaitable, de mettre en place une nouvelle tarification progressive de l’électricité qui puisse garantir aux consommateurs finals domestiques un accès à un volume d’électricité minimal mais suffisant et à un coût très réduit.
On l’aura bien compris, il s’agit de garantir l’accès de tous à cette énergie afin de satisfaire les besoins essentiels de chacun. C’est donc bon pour les catégories les plus modestes, qui auront ainsi accès à l’électricité à un coût très réduit.
Au-delà d’un volume suffisant susceptible d’assurer des conditions de vie normales à une personne ou à une famille, le niveau des tarifs pourrait être progressif. Ainsi, le superflu et le gaspillage d’électricité pourraient-ils faire l’objet de tarifs bien plus élevés. Oui, je le dis et le redis, il s’agit aussi d’éviter des gaspillages, donc, de favoriser les économies d’énergie, donc, de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Le tarif à tranches décotées a une vocation sociale. Le tarif à tranches surcotées a vocation à favoriser l’efficacité énergétique et les économies d’énergie.
D’ailleurs, mes chers collègues, quelle est l’énergie la plus propre ?
M. Roland Courteau. C’est l’énergie que l’on ne consomme pas ! (Sourires.)
Laisser en veille jour et nuit un téléviseur, plus une chaîne hi-fi, plus un micro-onde, ce sont d’innombrables kilowattheures gaspillés, d’innombrables kilowattheures consommés stupidement et des quantités non négligeables de gaz à effet de serre !
Et je pourrais évoquer, à propos de gaspillage, ces terrasses de café ou de restaurant à l’air libre chauffées l’hiver au gaz ou à l’électricité. Étranges manières ! Stupide snobisme !
Oui, je le confirme, l’article 4 ter est une mesure intelligente, bonne pour l’environnement et bonne pour lutter contre la précarité énergétique !
Faut-il rappeler que trois millions de personnes ne peuvent se chauffer parce que, faute de revenus suffisants, elles doivent choisir entre nourrir les enfants ou se chauffer ? Se chauffer n’est pas un luxe ! Ce devrait être un droit !
Faut-il rappeler que le prix de l’énergie ne cesse de flamber ? Le prix du gaz va augmenter de près de 5 %. Il a augmenté de 25 % en dix-huit mois et de 60 % en six ans !
Pourtant, GDF Suez a enregistré 300 millions d'euros de profits supplémentaires en 2010 et son PDG a annoncé son intention de maintenir au niveau actuel les dividendes des actionnaires pour les années à venir.
Oui, il faut une tarification progressive, non seulement de l’électricité, mais aussi du gaz et de l’eau, qui sont des biens essentiels. Aurait-on oublié le sens des mots « biens essentiels » ?
Voilà pourquoi nous soutenons avec force et détermination les dispositions de cet article !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l’article.
M. Gérard Cornu. Je vais sans doute quelque peu modérer l’enthousiasme de notre collègue Courteau.
M. Gérard Cornu. L’article 4 ter, introduit par le rapporteur en commission, encadre les prix du gaz et de l’électricité en complétant les articles L. 337-6 et L. 445-3 du code de l’énergie par un alinéa qui modifie les règles d’établissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz naturel, afin de rendre ces tarifs progressifs pour les consommateurs finaux domestiques.
Les dispositions de cet article ne nous semblent pas du tout appropriées par rapport aux objectifs fixés et présentent des risques d’effets pervers.
Premièrement, l’objectif social de cet article ne serait pas atteint.
En effet, de nombreux ménages en situation précaire, qui vivent dans des logements mal isolés, consomment beaucoup d’énergie pour se chauffer. Inversement, les résidences secondaires, occupées une partie de l’année seulement, consomment peu et bénéficieraient ainsi d’un tarif avantageux sans motif. Le dispositif des tarifs sociaux adopté pour l’électricité et le gaz naturel est plus approprié pour opérer des transferts sociaux ciblés sur les bénéficiaires en ayant effectivement besoin.
Deuxièmement, l’objectif d’efficacité énergétique ne serait pas non plus atteint.
Indépendamment de leur situation financière, ceux qui ont une faible consommation choisiront les tarifs réglementés, alors que les autres auront la possibilité de migrer vers les offres des fournisseurs alternatifs. Dans ce cas, l’incitation aux économies d’énergie pour les gros consommateurs, qui était l’objet de ce dispositif, ne serait pas effective, puisque ces gros consommateurs, au lieu de diminuer leur consommation, quitteront les tarifs réglementés pour les tarifs des fournisseurs alternatifs.
Troisièmement, le système conduirait inévitablement à un déséquilibre financier et ne serait pas viable.
La tarification par tranche entraînera, à terme, un déséquilibre financier au détriment des tarifs réglementés. Les faibles consommateurs auront intérêt à payer les tarifs réglementés, mais ne paieront que les tranches « basses », qui sont inférieures au coût de production de l’énergie, tandis que les gros consommateurs auront, eux, intérêt à choisir les tarifs des fournisseurs alternatifs, qui fixent leurs prix selon les règles du marché pour éviter de payer les tranches « hautes ». Or ces tranches « hautes » permettent de compenser les tranches « basses », afin d’assurer un équilibre dans la couverture du coût de l’énergie.
Avec le départ des gros consommateurs vers les fournisseurs alternatifs, le système ne pourra plus être en équilibre, ce qui rendra nécessaire le relèvement des tarifs de la tranche « basse » du tarif réglementé, afin de les rapprocher du niveau du coût de l’énergie.
Quatrièmement, enfin, cet article n’est pas compatible avec le fonctionnement d’un secteur concurrentiel.
Il instaure, en effet, des subventions croisées entre consommateurs, certains payant moins que le coût de fourniture d’énergie, d’autres plus. Les fournisseurs alternatifs cibleront les gros consommateurs auxquels ils pourront proposer des tarifs inférieurs aux tarifs réglementés. La tranche « basse » du tarif pourrait également donner lieu à des contentieux devant l’Autorité de la concurrence, pour cause de « ciseaux tarifaire ». Cela s’est déjà produit, en 2007, avec Direct Energie, qui a eu gain de cause.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP demandera la suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 166 est présenté par MM. Dubois et Lasserre, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Tandonnet, Capo-Canellas et Deneux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
M. Gérard Cornu. M’exprimant sur l’article, j’ai déjà fourni toutes les explications nécessaires, mais permettez-moi tout de même de redonner en quelque sorte tout son sel à cet amendement de suppression.
La tarification par tranche instituée par cet article est d’une rare complexité. Je pense que, là-dessus, vous pouvez être d’accord, chers collègues.
M. Roland Courteau. Non !
M. Gérard Cornu. Elle est, de plus, incompatible avec le droit communautaire.
Mais il y a pire… M. le rapporteur avait bien conscience de la difficulté d’application de cette tarification. C’est la raison pour laquelle cet article, issu de l’un de ses amendements, laisse au Gouvernement le soin de déterminer par décret ses modalités d’application. Bonjour le décret ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. C’est normal ! Il y a des fonctionnaires pour cela !
M. Gérard Cornu. On crée une usine à gaz, ce qui ne serait pas un mal en termes énergétiques, il est vrai (Nouveaux sourires.), si du moins on ne s’en remettait pas au Gouvernement pour entrer dans le menu détail de cette tarification complexe.
Finalement, on le voit, il ne s’agit ici que d’un affichage démagogique, je pourrais même dire populiste !
M. Roland Courteau. Vous êtes bien placé pour en parler !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et Sarkozy ?
M. Gérard Cornu. Pourquoi parler de populisme ? Parce qu’il me semble, chers collègues socialistes, que vous avez récemment passé un accord pour diminuer la part de l’énergie nucléaire en France et démanteler notre filière nucléaire. Cela vous dit quelque chose, un accord avec vos partenaires, les Verts ?
M. Roland Courteau. Quel est le rapport ?
M. Gérard Cornu. Cet accord, vous le savez très bien, se traduira par une augmentation du prix de l’énergie !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. De toute manière, il ne sera pas respecté, cet accord !
M. Gérard Cornu. Et, là, vous proposez une mesure démagogique et populiste qui va à l’encontre de ce que vous avez signé il y a quelques semaines !
Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. Roland Courteau. Pour ce qui est du prix de l’énergie, balayez donc devant votre porte !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 166.
M. Daniel Dubois. Je ne vais pas revenir sur les arguments que M. Cornu a fort bien développés à l’instant.
Il y a une vraie question à laquelle vous apportez une très mauvaise réponse, chers collègues. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) C’est vrai, elle est vraiment mauvaise ! Surtout, elle n’est pas équitable, ce qui, venant de votre part, est assez incompréhensible !
La mesure n’est pas équitable en ce sens qu’elle sert le plus ceux qui savent gérer leur consommation d’énergie, ce que les populations précaires ne savent malheureusement pas faire. Vous apportez donc une très, très mauvaise réponse à la question posée !
Inéquitable, cette mesure est aussi inefficace. Je voudrais à cet égard compléter le propos de Gérard Cornu.
Il est vrai qu’aujourd'hui un certain nombre de familles rencontrent de véritables difficultés pour se chauffer. Il est vrai aussi qu’il y a, dans notre pays, de nombreuses « passoires énergétiques » et beaucoup de propriétaires à faibles revenus. Mais n’oublions pas toutes les actions qui ont été décidées et les dispositifs mis en place pour remédier à la situation.
Je citerai, s’agissant des locataires, le Fonds social pour le logement ainsi que le Fonds Énergie, et, s’agissant des propriétaires à faibles revenus, le programme « Habiter mieux ». Mis en œuvre par le Gouvernement, il apporte, à travers le soutien de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, et grâce à des aides forfaitaires, de véritables réponses à ces problèmes.
M. Roland Courteau. Non !
M. Daniel Dubois. Si, mon cher collègue, puisque 99 % des départements français ont signé une convention avec l’ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux » pour faire en sorte que les « passoires énergétiques » dont je parlais, qui sont, le plus souvent, des habitations où vivent des familles à faibles revenus, puissent être améliorées et aménagées avec l’objectif de réduire de 25 % la dépense énergétique.
Pour ce faire, l’État apporte, entre le Grand emprunt et l’ANAH, un soutien forfaitaire d’environ 1,5 milliard d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Quand il y a des bonnes choses, il faut aussi savoir le reconnaître ! Ces dispositifs sont une réalité et ils sont mis en œuvre aujourd'hui sur les territoires.
Vous devriez le savoir, chers collègues de gauche, vous qui présidez plus de 60 % des conseils généraux !
M. Roland Courteau. Ce n’est pas le même problème !
M. Daniel Dubois. Et 99 % des départements français ont signé cette convention avec l’État. Donc, bravo et tant mieux ! Cela veut dire que des actions vont effectivement être menées en partenariat avec l’État, les collectivités locales et l’ANAH pour améliorer la situation.
En toute honnêteté, la réponse que vous apportez n’est ni équitable ni efficace. Quand vous participez à de bons projets, nous devons le reconnaître, mais n’en rajoutez pas avec des propositions qui sont, ne serait-ce que dans la méthode, totalement inefficaces !
En conséquence, nous demandons, avec Gérard Cornu, la suppression de ce nouvel article qui n’est pas susceptible d’atteindre l’objectif qui est le vôtre, chers collègues, et que nous partageons.
Ma petite communauté de communes rurale participe, avec le conseil général de gauche du département de la Somme, avec l’État et le Gouvernement, à ce programme « Habiter mieux » pour venir en aide aux familles en difficulté. Et c’est bien ! Mais quand vous déposez, pour des raisons conjoncturelles qui vous sont propres, un amendement de cette nature, je vous le dis, ce n’est ni cohérent ni efficace !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Dans le système actuel, plus la consommation est élevée, moins le prix unitaire réellement payé est important ! En effet, la partie fixe de la facture, c’est-à-dire l’abonnement, est proportionnellement plus élevée pour les petits consommateurs. Est-ce vraiment normal ?
La tarification progressive est favorable aux consommations vitales et défavorable aux consommations facultatives, voire superflues. Elle vise un objectif social et environnemental en incitant aux économies d’énergie. Cette tarification a déjà été introduite, pour la distribution d’eau, par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006.
Je ne vois pas en quoi cette disposition serait contraire au droit européen : la péréquation elle-même consiste à subventionner certains usages de l’électricité par d’autres, et la tarification spéciale « produit de première nécessité » repose également sur le principe d’une tranche de consommation moins chère.
Je rappelle que le décret du 8 avril 2004 prévoit que le tarif social de l’électricité s’applique pour les cent premiers kilowattheures consommés mensuellement.
L’article renvoie à un décret. Une concertation large sera en effet nécessaire, afin de déterminer le meilleur barème de tarification – notamment le nombre de tranches et leur niveau – et d’éviter les effets non souhaitables.
Les tarifications sont toujours fixées par décret. Pourquoi serait-ce, en l’occurrence, une complication supplémentaire ?
J’émets donc un avis défavorable sur les deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. J’entends parfaitement les arguments du rapporteur. Cependant, MM. Cornu et Dubois ont bien expliqué les effets pervers de ce dispositif.
Au cours de ce débat, M. Dubois n’a jamais hésité à approuver, en toute honnêteté, certaines dispositions défendues par la majorité sénatoriale, lorsqu’elles étaient réellement de nature à protéger les intérêts des consommateurs.
Cette fois-ci, M. Dubois dénonce avec la même honnêteté le risque de dysfonctionnement, pour ne pas dire l’effet pervers, induit par le dispositif qui nous est soumis.
Je ne reviendrai pas longuement sur les arguments défendus, avec talent, par MM. Cornu et Dubois : le caractère impraticable de ce dispositif dans un marché ouvert ; son inefficacité en termes de réduction de la dépense énergétique ; l’impossibilité de transposer la tarification progressive de l’eau au secteur de l’énergie.
J’espère que mon dernier argument pourra vous fera changer d’avis : ce dispositif, que souhaitent à juste titre supprimer MM. Cornu et Dubois et un certain nombre de leurs collègues, est désavantageux pour les plus démunis. Il aura donc, monsieur le rapporteur, un effet contraire à l’objectif recherché !
Il faut en effet savoir que, en matière d’énergie, il n’existe pas de corrélation entre le volume consommé et le niveau de revenu. Ainsi, les consommations énergétiques des ménages à faibles revenus sont, la plupart du temps, très significatives, et ce pour des raisons simples : leurs logements sont souvent les moins bien isolés, et leurs équipements électroménagers sont souvent aussi de moins bonne qualité.
Les ménages les plus modestes seront donc les premiers pénalisés par le tarif à tranches, qui fera augmenter leur facture, au minimum de 30 %, mesdames, messieurs les sénateurs.
À l’inverse, les faibles consommateurs d’énergie, parmi lesquels figurent en premier lieu les 3 millions de propriétaires de résidences secondaires, profiteront, grâce au dispositif que vous proposez, des tarifs avantageux des premières tranches !
Comme MM. Dubois et Cornu, je vous invite donc à revoir votre position, car cette disposition votée en commission ira exactement à l’encontre des objectifs annoncés. M. Cornu a invoqué d’autres raisons, mais l’argument le plus important, me semble-t-il, est le caractère profondément injuste de la mesure.
Le Gouvernement est donc très favorable aux amendements identiques de suppression nos 8 rectifié et 166.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. J’ai écouté avec attention les exposés de M. Cornu, de M. le secrétaire d’État, et l’excellent argumentaire du rapporteur.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que ce dispositif se substituera au tarif social, ce qui aura des conséquences catastrophiques pour les ménages. C’est faux : le tarif social continuera à s’appliquer ; nous mettons simplement en place un tarif progressif.
Vous ajoutez que l’on ne peut pas transposer la tarification progressive de l’eau au secteur de l’énergie.
Je rappelle que l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales dispose que le montant de la facture d’eau peut être calculé sur la base d’un tarif progressif. Il s’agit donc bien, en l’occurrence, de progressivité et le parallèle avec l’énergie me semble tout à fait judicieux.
Vous arguez, ensuite, de l’incompatibilité de ce dispositif avec le droit communautaire, en raison de son caractère discriminant. Or il s’applique de manière universelle à tous les consommateurs sur les premiers kilowattheures consommés.
Pour finir, vous nous refaites le coup de la concurrence…
Voilà plusieurs mois, nous avions débattu dans cet hémicycle du tarif de l’électricité, notamment pour les entreprises. À cette occasion, nous avions supprimé le tarif réglementé et transitoire d’ajustement au marché, le TARTAM, pour le remplacer par l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH. C’est exactement la même chose ! Cessez donc de nous dire que ce dispositif est contraire au marché et à la concurrence !
Nous sommes fiers, pour notre part, de proposer ce tarif social lié à la consommation d’électricité. Cette solution, selon nous, est la plus juste.
M. Claude Bérit-Débat. Vraiment, nos conceptions s’opposent, mais j’assume totalement la nôtre et, oui, j’en suis fier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous ne devons pas oublier cette terrible réalité : des centaines de milliers de nos compatriotes sont dans l’incapacité de se chauffer, faute de revenus suffisants.
Je connais des familles monoparentales qui n’ont pas d’autre solution, pour nourrir les enfants, que de couper le chauffage matin, midi et soir.
M. Roland Courteau. Ces situations humainement inacceptables devraient tous nous interpeller.
Je suis d’accord avec vous, monsieur Dubois, quand vous évoquez les politiques conduites dans les départements, mais il ne s’agit pas de cela ici !
Quant à M. Cornu, qui a critiqué la complexité du dispositif proposé, je ne peux m’empêcher de lui dire que, si nous ne changeons rien, tout sera en effet plus simple. Après tout, la situation actuelle est inhumaine et injuste, surtout lorsque des enfants sont concernés, mais elle est simple !
Face à une telle situation, on peut ne rien faire et s’efforcer d’ignorer un mal qui dérange. C’est une façon de voir les choses ! Peut-être est-ce la vôtre ; ce n’est pas la nôtre !
Monsieur Cornu, « ce n’est parce que les choses sont complexes que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses nous paraissent complexes ».
Mme Évelyne Didier. Bravo !
M. Roland Courteau. Il faut trouver une solution face à la précarité énergétique. C’est d’autant plus important qu’au cours de ces dernières années les prix de l’énergie ne cessent de flamber, comme l’indiquent les chiffres que j’ai cités tout à l’heure.
À qui la faute ?
Nous avons, nous, des préoccupations d’ordre social. Nous estimons, par exemple, que l’énergie représente environ 12 % des dépenses totales d’un foyer modeste, alors qu’elle ne représente que 5 % de ces dépenses dans les milieux aisés. Pour nous, c’est inacceptable ! L’énergie comme l’eau sont en effet des biens essentiels.
Notre rôle n’est-il pas, mes chers collègues, de corriger certaines situations, de trouver des solutions ? La nouvelle tarification progressive en est une. Il s’agit de coupler un tarif à tranches décotées avec un tarif à tranches surcotées. Ce dernier favorisera l’efficacité énergétique et les économies d’énergie et, surtout, il responsabilisera les consommateurs et permettra de lutter contre les gaspillages. C’est une piste !
Et si le Gouvernement, monsieur Cornu, est invité à fixer les modalités d’application de cet article par décret, c’est parce qu’il dispose de services compétents et de fonctionnaires de haut niveau, qui n’auront aucune difficulté à accomplir cette tâche. (M. Gérard Cornu sourit.)
De grâce, ce n’est pas parce que la chose n’est pas simple qu’il faut renoncer à agir !
Ne l’oublions jamais : en France, en 2011, des enfants, des hommes et des femmes ne peuvent pas se chauffer, et l’hiver est là. Mes chers collègues, nous devons garder cette réalité à l’esprit ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Vous vous êtes présenté, monsieur le secrétaire d’État, comme un grand défenseur des pauvres, et vous nous avez reproché de vouloir favoriser les riches.
Il est indiqué, dans une étude de 2010 émanant de l’autorité de régulation belge, la commission de régulation de l’électricité et du gaz, la CREG, que « la tarification progressive comporte un élément redistributif indéniable ». Il existe ainsi « une corrélation non négligeable entre le revenu et le niveau de la facture d’électricité. Les factures électriques des 10 % de ménages les plus riches sont, en moyenne, trois fois plus élevées que les factures des 10 % des ménages les plus pauvres ».
M. Daniel Dubois. Et ce sont des extrêmes qui sont retenus !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je tiens les tableaux à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Ces interventions sont surréalistes ! D’un côté, vous passez avec les Verts un accord visant à démanteler le secteur nucléaire et à augmenter, à terme, les tarifs de l’énergie électrique de 40 %. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) De l’autre, vous déposez un amendement populiste et démagogique, car vous savez très bien qu’il sera impossible de fixer les modalités d’application de ce dispositif par décret.
Franchement, chers collègues, c’est de la mauvaise politique ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Claude Bérit-Débat. Mauvais joueur !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. M. le rapporteur cite des statistiques belges, que je ne conteste pas, mais qui font état de cas extrêmes : 10 % des ménages les plus pauvres et 10 % des ménages les plus riches. Ces chiffres n’éclairent en rien la problématique posée ! Aucune réponse n’est apportée en ce qui concerne les 60 % de familles qui connaissent de réelles difficultés. Or c’est le véritable enjeu.
Monsieur le rapporteur, je vous le dis très honnêtement, vous ne répondez pas au problème posé, et il est bien réel. On pouvait sans doute trouver d’autres solutions, mais certainement pas le tarif progressif !
On le sait fort bien, nos concitoyens qui gèrent le mieux leur consommation, qui, demain, pourront d’installer des pompes à chaleur ou tout autre dispositif permettant de réaliser des économies d’énergie sont ceux qui ont les moyens.
Alors, oui, la mesure proposée conduira des consommateurs à réaliser des économies, mais pas ceux qui connaissent des difficultés, et que vous voulez aider ; en bénéficieront ceux qui savent lire leur compteur, faire leurs calculs et gérer leur consommation.
Le tarif progressif profitera, en réalité, à ceux qui en ont le moins besoin. Il conviendrait, en fait, d’instaurer un tarif social amélioré, peut-être avec un plafond différent. En tout état de cause, ce n’est pas la progressivité qui apportera une réponse équitable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. En tant que sénateur écologiste, je voterai ce dispositif qui, même s’il n’est pas parfait, répond à une intention tout à fait louable.
Je tiens à faire remarquer que la solution proposée ne suffira pas à assurer un bon fonctionnement du système.
Je suis sensible aux arguments exposés par M. le secrétaire d’État selon lesquels ce sont les populations assez favorisées ou les plus aisées qui sont les mieux à même de gérer l’ensemble de leur consommation, notamment leur consommation de fluides.
Hier, un collègue évoquait les supermarchés, ces lieux de surconsommation où l’on appâte les gamins des familles les moins éduquées à la sobriété.
Ultérieurement, nous allons traiter des prêts à la consommation. Là aussi, ce sont les populations les moins aisées qui en sont les plus victimes, et ce par nécessité. Nous développerons les arguments adéquats afin de « démonter » ce système inacceptable, qui doit être démonté.
À titre personnel, je ne crois plus en la croissance telle qu’on la voit. D’aucuns soutiennent que, dans un système concurrentiel, les dispositifs que nous proposons ne sont pas viables. Il est vrai que, s’il n’est pas contrôlé, rééquilibré avec force, un marché ouvert et concurrentiel ne peut pas fonctionner.
Malgré les meilleures intentions du monde, les dispositions proposées demeurent de l’ordre du rafistolage, comme je l’indiquais hier. La mesure va dans le bon sens, certes, mais doit être complétée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 166 tendant à supprimer l’article 4 ter.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 82 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 4 ter.
(L'article 4 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4 ter
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Béchu, est ainsi libellé :
Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 121-5 du code de l'énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La mission consistant à assurer la fourniture d’électricité au tarif de première nécessité peut également être exercée par l’ensemble des fournisseurs titulaires d’une autorisation de fourniture d’électricité, conformément aux articles L. 331-1 et suivants. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 107 rectifié quater, présenté par MM. Courteau, Bérit-Débat, Vaugrenard, Labbé et Teston, Mme Rossignol, M. Repentin, Mmes Nicoux et Bourzai, MM. S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 337-3 du code de l’énergie, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les consommateurs bénéficiant de cette tarification spéciale sont exemptés, pour la tranche de consommation concernée par cette tarification, du paiement de la contribution au service public de l’électricité, prévue par l’article L. 121-10. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Nous avions déjà déposé un amendement similaire à l’occasion de l’examen d’autres textes, notamment un projet de loi de finances rectificative. Si je me souviens bien, au mois de juin dernier, le rapporteur général avait trouvé l’idée « intéressante ». Il m’a donc paru pertinent de déposer aujourd’hui un amendement en ce sens.
De quoi s’agit-il ? La contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, permet de couvrir les charges qu’elle est censée financer, à savoir le soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables, la péréquation tarifaire dans les zones insulaires et les dispositifs sociaux en faveur des clients en situation de précarité, dont la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Les surcoûts supportés par les fournisseurs en raison de leur participation à cette tarification spéciale « produit de première nécessité » sont donc compensés par la CSPE. Or les personnes qui bénéficient de cette tarification spéciale sont elles-mêmes taxées sur leur consommation d’électricité au titre de la CSPE. Cela paraît bien incohérent !
Il nous semblerait plus logique que les personnes qui, en raison de leurs faibles revenus, ont accès à cette tarification spéciale, ne soient pas redevables de la CSPE pour la tranche de leur consommation concernée.
Tel est le sens de cet amendement, que nous souhaitons vous voir adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cette proposition est de bon sens. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement a choisi une voie plus efficace pour atteindre le même objectif : l’élargissement des conditions de ressources et l’augmentation des taux de rabais appliqués par arrêté du 5 août 2008 et lors de la hausse de la contribution au service public de l’électricité le 1er janvier 2011.
Depuis cette dernière date, les réductions accordées aux bénéficiaires du tarif de première nécessité sont passées de 75 à 90 euros ; elles sont plus favorables que celles qui seraient induites par l’adoption du présent amendement.
M. Roland Courteau. Cela reste à démontrer !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est pourquoi, monsieur Courteau, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faut de quoi il émettra un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter.
L'amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une commission pluraliste composée d’élus, d’usagers, de représentants des salariés du secteur et du ministre chargé de l’énergie est créée afin de modifier la formule tarifaire du gaz visant à fixer les tarifs réglementés.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Depuis le mois de juillet 2005, les tarifs du gaz naturel ont augmenté de 61 %. Sur la seule année écoulée, la hausse des prix s’élève à 21 %...
En matière d’électricité, la facture est également en augmentation. En 2009, le PDG d’EDF avait jugé nécessaire une hausse de 20 % sur trois ans des tarifs de l’électricité. Ceux-ci ont augmenté de 6 % en 2010 et devraient encore grimper au cours des prochaines années.
L’impact de la loi NOME a été évalué : chaque année et jusqu’en 2015, ce texte entraînerait une hausse de 5 %, soit une progression de 30 % des prix de l’électricité !
Le Gouvernement s’était engagé à geler les tarifs du gaz. Contrairement à ce qu’il est dit, l’ordonnance du Conseil d’État ne lui interdit pas de le faire. En réalité, comme je le faisais remarquer lors des questions d’actualité au Gouvernement jeudi dernier, le juge a très clairement indiqué que c’est à M. Fillon, autorité détentrice du pouvoir réglementaire, et non pas à M. Besson, de prononcer le gel des tarifs réglementés du gaz, au nom de l’intérêt public.
Par ailleurs, il serait utile de revoir la formation des tarifs réglementés, en concertation avec une commission pluraliste composée d’élus, d’usagers, de représentants des salariés, afin que les intérêts de nos concitoyens prévalent contre ceux de l’actionnariat, que celui-ci soit public ou privé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Après avoir annoncé, au printemps dernier, que les tarifs réglementés du gaz resteraient stables pendant une année, le Gouvernement, sous la pression du Conseil d’État, va les augmenter au 1er janvier prochain.
La solution n’est pas simple à trouver, car le code de l’énergie prévoit que les tarifs réglementés doivent couvrir les coûts, ce qui amène à la situation actuelle où les tarifs réglementés sont, en fait, soumis aux impératifs du marché.
Les auteurs du présent amendement proposent, avec raison, de créer une structure pluraliste chargée de réfléchir sur la formule tarifaire du gaz, car ces questions ne doivent pas relever uniquement des techniciens, même si leur participation est bien sûr nécessaire, compte tenu de la complexité des sujets.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui a été rectifié dans le sens qu’elle avait suggéré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase de l’article L. 445-3 du code de l’énergie est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Ils couvrent l’ensemble des coûts d’approvisionnement qui s’évaluent exclusivement à partir des coûts réels d’approvisionnement traduits dans la comptabilité. Ils ne comprennent pas les coûts liés à la marge commerciale de l’entreprise ou aux subventions en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Par le présent amendement, nous proposons de modifier le code de l’énergie et de prévoir que les tarifs réglementés sont fixés sur la base des coûts d’approvisionnement réels et comptables.
Nous pensons que la hausse des tarifs du gaz n’est pas inéluctable, contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire. La nouvelle hausse de 4,4 % n’est pas une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Pour vous convaincre, mes chers collègues, je vous rappellerai que, jusqu’aux années quatre-vingt-dix, les tarifs domestiques étaient fixés sur la base des coûts comptables, à savoir les prix constatés sur une période de six mois qui étaient répercutés sur la période suivante. La politique d’optimisation des approvisionnements pour bénéficier du coût le plus bas bénéficiait aux consommateurs.
Cette optimisation des approvisionnements était rendue possible par la souplesse des contrats de long terme. À partir de 2002, la formule tarifaire a été basée non plus sur le prix comptable réellement constaté, mais sur une modélisation du coût d’approvisionnement, qui synthétise les formules d’indexation de tous les contrats sur les indices pétroliers en une seule formule.
Cette modélisation fait payer aux usagers un approvisionnement normatif moyen, l’écart entre le coût ainsi normé par la formule et le coût réel optimisé allant dans les résultats de l’entreprise, au détriment de l’usager.
D’ailleurs, depuis 2004, GDF, devenu GDF Suez, a alourdi la facture en intégrant le prétendu manque à gagner de sa branche commerce : c’est la fameuse marge de « commercialisation ». Or il n’y a jamais eu de vente à perte sur l’ensemble de la chaîne, de l’approvisionnement à la vente. Il s'agit d’un simple transfert de marge interne, au détriment de la direction commerciale. Le résultat négatif de la direction commerciale est donc artificiel, un habillage permettant de faire passer pour une perte le fait que les tarifs n’aient pas été pas à la hauteur des espérances de GDF Suez.
Le décret du 18 décembre 2009, qui prévoit que les barèmes des tarifs réglementés sont révisés une seule fois par an, introduit une nouveauté de taille : dans l’intervalle des deux arrêtés annuels, l’entreprise peut modifier ses tarifs de sa seule initiative. Dans ce système, si ses coûts d’approvisionnement baissent, l’entreprise attendra tranquillement la révision annuelle.
La nouvelle voie des prix spot à la baisse, à laquelle souscrit le Gouvernement, sert à rendre les prix du gaz dépendants des prix spot, afin d’augmenter les marges financières.
Toutes ces évolutions ont entraîné une augmentation des prix. Elles facilitent une politique de dérégulation du marché de l’énergie qui sert, disons les choses telles qu’elles sont, une politique d’augmentation des dividendes.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent que les tarifs réglementés ne couvrent plus la marge commerciale du tarif réglementé de vente.
Je rappelle que le décret du 18 décembre 2009 prévoit que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel incluent les coûts d’approvisionnement en gaz naturel, les coûts d’utilisation des réseaux et les coûts de stockage, ainsi que les coûts de commercialisation, ces derniers comprenant « une marge commerciale raisonnable ».
Si l’intention des auteurs de l’amendement peut être comprise, le moyen employé risque d’être insuffisant et de conduire à des effets non souhaités : d’une part, il ne réduirait le tarif que dans une faible mesure, la marge prise en compte étant « raisonnable », donc limitée ; d’autre part, si toute marge commerciale est supprimée, les opérateurs n’auront plus de raison de proposer ce tarif.
L’échec du « gel du prix du gaz » amènera vraisemblablement le Gouvernement à faire évoluer le décret du 18 décembre 2009 ou l’arrêté pris en application pour les coûts de GDF Suez. Toutefois, j’estime que, pour des raisons techniques, votre proposition ne peut être mise en œuvre, ma chère collègue, d’autant qu’elle ne prend pas en compte les coûts d’utilisation des réseaux et les coûts de stockage.
Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Évelyne Didier. Je maintiens mon amendement !
M. le président. L'amendement n° 193 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase de l’article L. 134-26 du code de l’énergie, après les mots : « ou aux règles et obligations mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 134-25, », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « le président du comité désigne le membre du comité chargé de mettre l’auteur de l’abus, de l’entrave ou du manquement en demeure de se conformer à ces dispositions législatives ou réglementaires ou à ces décisions ou règles et obligations dans un délai déterminé. »
II. – La deuxième phrase de l’article L. 133-1 du code de l’énergie est complétée par les mots : « sauf en matière de sanction ».
III. – Les premier à quatrième alinéas de l'article L. 132-3 du code de l'énergie sont ainsi rédigés :
« Le comité de règlement des différends et des sanctions comprend quatre membres titulaires :
« 1° Deux conseillers d'État titulaires désignés par le vice-président du Conseil d'État ;
« 2° Deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation.
« Le comité comprend également quatre membres suppléants, désignés selon les mêmes règles que les membres titulaires. Les membres du comité et leurs suppléants sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable. Le président est nommé par décret pour la durée de son mandat parmi les membres du comité. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à sécuriser une procédure de recours ouverte aux consommateurs à l’encontre des opérateurs d’électricité ou de gaz ne respectant pas leurs obligations légales.
En effet, les articles L. 134-19 à L. 134-34 du code de l’énergie confèrent des pouvoirs de règlement des différends et de sanction au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie. Dans ce cadre, le CORDIS est amené à diligenter des enquêtes et à mettre en demeure les auteurs d’abus ou de manquements de se conformer à une règle de droit ou à une de ses décisions. Par la suite, il peut décider de sanctions, éventuellement assorties d’astreintes, à l’égard d’un opérateur.
Cette procédure a été fragilisée par une décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2011 sur une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a rappelé à cette occasion qu’il est indispensable d’établir dans la loi une distinction précise entre la fonction de poursuite et la fonction de jugement des autorités administratives indépendantes.
Cet amendement vise donc à apporter les modifications nécessaires au code de l’énergie, afin d’éviter la paralysie du collège du comité de règlement des différends et des sanctions de la CRE.
Nous proposons d’attribuer à un seul membre, désigné au sein du CORDIS, le pouvoir de mettre en demeure un opérateur qui a commis un abus ou un manquement.
Par ailleurs, en matière de sanction, nous proposons de supprimer la voix prépondérante du président lors des délibérations du CORDIS.
Enfin, compte tenu du nombre sans cesse croissant de litiges traités par le CORDIS, il serait opportun de compléter sa composition en y intégrant des membres suppléants. Cela permettrait un traitement plus rapide des affaires et donc une meilleure garantie de l’effectivité des droits des consommateurs. Nous précisons que l’instauration de ces suppléants se ferait à dépenses constantes, puisque les membres du CORDIS sont et resteraient rémunérés en fonction de leur présence effective, à la demi-journée.
À défaut de ces adaptations législatives, mes chers collègues, le CORDIS ne pourrait plus sanctionner les manquements, notamment envers les consommateurs, des opérateurs de réseaux, sans risquer l’annulation de ses décisions.
Compte tenu de la toute récente décision du Conseil constitutionnel, cet amendement est non seulement opportun mais aussi particulièrement urgent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. En raison de l’importance et du nombre des affaires qu’il traite, il est nécessaire que le CORDIS puisse poursuivre ses activités sans risquer une remise en cause de ses conditions de fonctionnement. Cet amendement me paraît donc fort utile. Toutefois, compte tenu de la technicité de cette question, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur les modalités proposées.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement, s'agissant tant des modalités proposées que de la composition prévue, avec notamment la nomination de membres suppléants, ou encore de la solidification des procédures.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Très bien !
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission émet un avis très favorable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter.
L'amendement n° 194 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 321-10 du code de l’énergie, après les mots : « les critères de choix », sont insérés les mots : « prennent en compte la contribution économique de ces propositions au surplus collectif et ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’électricité ne se stockant pas, l’équilibre entre l’offre et la demande doit être assuré à tout instant. La loi confie au gestionnaire du réseau public de transport, Réseau de transport d’électricité, la mission de garantir cet équilibre. Concrètement, RTE doit ajuster à la hausse ou à la baisse la fourniture d’électricité par rapport à ce qui avait été anticipé.
Lorsque cet ajustement est opéré à la hausse, RTE active une offre de production d’électricité supplémentaire. Lorsque cet ajustement est opéré à la baisse, RTE fait appel à des consommateurs qui acceptent de renoncer temporairement à une partie de leur consommation. Ces effacements peuvent concerner des gros consommateurs, tels que les industries électro-intensives, ou des petits consommateurs. On parle alors « d’effacements diffus ». Concrètement, il s’agit d’organiser, pour ces derniers, des coupures de quinze à trente minutes sur des appareils comme le chauffage ou la ventilation.
En pratique, l’adéquation entre l’offre et la demande d’électricité sur le réseau est garantie en premier lieu de manière décentralisée par les « responsables d’équilibre ». Ces derniers sont chargés de s’assurer que, sur un périmètre délimité, ils disposent de suffisamment d’électricité pour satisfaire la demande d’un portefeuille de consommateurs.
Si un déséquilibre est constaté une heure avant l’instant T, RTE intervient en faisant appel à une offre d’ajustement par production ou à une offre d’ajustement par effacement. Dans ce cas, le responsable d’équilibre doit verser une « indemnité » à RTE.
Or l’article L. 321-10 du code de l’énergie prévoit que RTE opère la sélection des offres de production ou d’effacement en tenant compte de l’ « ordre de préséance économique » et selon des « critères de choix objectifs et non discriminatoires ». Ces critères sont ensuite approuvés par la CRE. Cependant, il est actuellement impossible de comparer de manière objective et non discriminatoire les offres d’ajustement par production avec les offres d’ajustement par effacement.
Cet amendement vise à combler ce vide juridique en permettant à RTE de prendre en compte, lorsqu’il sélectionne les offres, l’ensemble des effets directs et indirects sur la collectivité, y compris les éventuels déséquilibres financiers induits par l’effacement.
Nous proposons d’insérer dans la loi un critère de choix basé sur le « surplus collectif » : cela permettrait au gestionnaire de réseau de transport de procéder à une sélection rationnelle des offres d’ajustement en comparant l’ensemble des bénéfices, pour la collectivité, de chaque type d’offre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Le sujet est extrêmement technique.
La rémunération de l’effacement, lorsqu’il est réalisé chez des particuliers par l’intermédiaire d’un opérateur spécialisé, a fait l’objet de litiges qui ont donné lieu à une délibération de la CRE le 9 juillet 2009, dont le Conseil d’État a censuré une disposition importante le 3 mai 2011. Le code de l’énergie devra probablement être adapté pour lever cette ambiguïté, et la ratification de ce code pourrait en être l’occasion.
L’examen du présent projet de loi n’est manifestement pas le moment le plus adapté pour étudier une telle question, en raison de la complexité du sujet, mais aussi parce que son lien avec la protection des consommateurs est ténu. Je vous demande donc de retirer cet amendement, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le lien de cet amendement avec la protection des consommateurs est en effet ténu.
Il est vrai que l’on peut discuter de l’expression « surplus collectif », mais nous avons bien compris l’objet de l’amendement : M. Mézard souhaitant qu’il soit possible d’identifier l’ensemble des effets directs et indirects des différentes offres sur la collectivité, le lien avec le consommateur existe tout de même, même de manière indirecte. Dans sa sagesse, le Sénat considérera-t-il que ces effets directs et indirects sur la collectivité sont suffisamment importants pour que l’on puisse estimer que le consommateur est directement concerné ? En tout cas, il est hors de doute que cette question concerne la consommation.
Sur le fond, le dispositif me paraît bon, car il permet – cela a été souligné, y compris par M. le rapporteur – de combler le vide juridique découlant de l’annulation par le Conseil d'État d’une partie de la délibération de la CRE du 9 juillet 2009. Le Gouvernement est donc plutôt favorable à ce dispositif.
Sur la forme, il est vrai que le lien avec la protection des consommateurs est ténu. Cependant, on peut considérer qu’il existe. Je laisse donc au Sénat le soin de décider, dans sa sagesse.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Je comprends très bien les arguments de M. le rapporteur. De fait, le lien direct avec la protection des consommateurs n’est pas clairement établi.
Cependant, un litige existe entre Voltalis et RTE, pour ne pas les citer, et le vide juridique né de la décision du Conseil d'État constitue un véritable problème. Je vous propose donc que nous adoptions aujourd'hui cet amendement et que, durant la navette parlementaire, vous trouviez une solution, monsieur le secrétaire d'État, pour régler le problème. En effet, on ne peut rester dans cette situation d’incertitude juridique, sinon la procédure d’effacement ne fonctionnera jamais.
L’effacement diffus pose un problème qu’il importe de régler.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Mon amendement ne me paraît pas véritablement être un cavalier, car il a bien un lien, certes ténu, mais qui n’en existe pas moins, avec le projet de loi puisqu’à la base ce sont les usagers, donc les consommateurs, qui sont concernés.
L’objectif est, effectivement, après la décision du 3 mai 2011 du Conseil d'État, de retrouver une situation normale et de permettre à la Commission de régulation de l’énergie de fonctionner réellement. Monsieur le secrétaire d'État, là aussi, il y a urgence !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission, forte de tout ce qui vient d’être dit, s’en remet à la sagesse du Sénat, et une sagesse plutôt favorable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter.
Article 5
(Non modifié)
L’article L. 33-9 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des conventions conclues après avis de l’Autorité de la concurrence entre l’État et les fournisseurs d’accès à l’internet déterminent les conditions dans lesquelles ceux-ci fournissent une offre tarifaire spécifique à destination des personnes rencontrant des difficultés particulières dans l’accès à l’internet à haut débit en raison de leur niveau de revenu. »
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié bis, présenté par MM. Teston, Vaugrenard, Bérit-Débat, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai, Rossignol et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après les mots :
les fournisseurs d’accès à l’internet
insérer les mots :
d’une part et les fournisseurs de service de téléphonie mobile d’autre part,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces conventions, ainsi que la convention prévue au premier alinéa, sont conclues dans un délai de six mois suivant l’adoption de la présente loi.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. L’article L. 33-9 du code des postes et des communications électroniques prévoit qu’« une convention entre l’État et les opérateurs de téléphonie mobile détermine les conditions dans lesquelles ceux-ci fournissent une offre tarifaire spécifique à destination des personnes rencontrant des difficultés particulières dans l’accès au service téléphonique en raison de leur niveau de revenu ».
Comme nous constatons que cette disposition n’est pas réellement appliquée, nous proposons, d’une part, la généralisation des conventions entre l’État et les opérateurs internet pour la mise en place de tarifs sociaux, d’autre part, la fixation d’un délai avec date butoir, en l’occurrence six mois après la promulgation de la loi, pour la conclusion de ces conventions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’article L. 33-9 du code des postes et des communications électroniques prévoit déjà la conclusion de conventions pour la mise en place de tarifs sociaux d’accès à la téléphonie mobile.
Aussi la première partie de cet amendement nous semble-t-elle satisfaite. Cependant, nous souhaiterions entendre l’avis du Gouvernement afin qu’il nous éclaire sur l’état d’avancement de ces conventions.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je souscris évidemment à l’objectif de M. Teston, puisque j’ai moi-même proposé en 2008, alors que j’étais député, l’amendement qui a institué le tarif social du mobile dans cet article L. 33-9.
Votre objectif est donc déjà atteint, monsieur Teston. J’ai d’ailleurs moi-même mis en œuvre cette disposition dès ma prise de fonctions et une première convention a ainsi été négociée et signée au début de 2011.
Plusieurs opérateurs proposent désormais des offres sociales sur la téléphonie mobile à un tarif avantageux - 10 euros pour au moins quarante minutes et quarante SMS – et un niveau de protection très élevé, puisqu’il n’y a ni engagement ni frais d’activation ou de résiliation, ce à quoi s’ajoute une protection contre les « chocs » de facturation.
Je vous invite donc, monsieur Teston, à retirer cet amendement…qui est en somme un hommage à mon action lorsque j’étais parlementaire. (Rires.)
M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 145 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Teston. Je ne suis pas certain qu’il faille voir dans cet amendement un hommage qui vous serait rendu, monsieur le secrétaire d'État. Ce n’était en tout cas pas nécessairement notre motivation première… (Nouveaux rires.)
D’ailleurs, l’article que nous avons l’un et l’autre cité a été créé par la loi du 4 août 2008, à une date qui me paraît donc antérieure à la présentation de l’amendement que vous évoquiez.
M. Michel Teston. Cela étant dit, comme nous n’avons pas constaté à ce jour une réelle mise en œuvre des conventions, je préfère, au nom du principe de précaution, proposer au Sénat d’adopter ce soir mon amendement, en attendant que nous puissions vérifier la réalité des informations que vous venez de nous donner, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Teston, j’ai vraiment cru que vous vouliez me faire plaisir en évoquant dans cet hémicycle la loi du 4 août 2008 et les conventions sur le tarif social du mobile ! (Rires.)
Mme Laurence Rossignol. C’est Noël !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Tout le monde connaît ce dispositif, puisque nous avons eu l’occasion de présenter les conventions signées avec les différents opérateurs. Je suis sûr d’ailleurs, monsieur Teston, que vous vous souvenez de la polémique déclenchée par l’offre de Laurent Tapie, le fils de Bernard Tapie, qui souhaitait lancer une offre de tarifs encore moins chers que ceux que fixaient les conventions que nous avions déjà signées, et qui étaient nombreuses.
Cela confinerait à l’absurde que le Sénat vote une disposition qui existe déjà et qui, de surcroît, est déjà appliquée ! Il serait donc raisonnable, d’autant que vous êtes membre de la commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques et spécialiste de ces questions, que vous retiriez un amendement qui ne tient pas compte de la réalité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Monsieur Teston, qu’en est-il en définitive de votre amendement ?
M. Michel Teston. Monsieur le président, je ne sais pas si je fais bien en accordant ma confiance à M. le secrétaire d'État,…
M. Michel Teston. …mais, puisqu’un certain nombre de mes collègues m’y invitent, je vais prendre le risque ; nous verrons par la suite si celui-ci était réel ou pas !
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 40, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
spécifique
insérer les mots :
ainsi qu’une tarification spéciale des services liés à la fourniture de l’accès à internet
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.
L'amendement n° 42, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette offre ne peut être supérieure à 1 % du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance défini aux articles L. 3231-1 et suivants du code du travail.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Notre collègue Alain Fauconnier l’indique dans son rapport, si la commission estime que la « prise en compte des capacités financières des abonnés va dans le bon sens, elle juge toutefois que les seuils retenus pour bénéficier de la labellisation – quarante minutes de communication et quarante SMS, pour un tarif plafonné à 10 euros TTC pour la téléphonie mobile, et un accès illimité à internet et à la téléphonie fixe pour moins de 23 euros TTC – auraient pu être encore abaissés pour rendre l'offre réellement intéressante pour les ménages concernés ».
Nous partageons cette analyse. Pour des gens qui bénéficient du RSA en particulier, 23 euros chaque mois constituent une dépense non négligeable : cela représente, par exemple, près de 6 % du budget d’une personne seule et sans enfant.
Nous remarquons également que les premières offres d’accès au haut débit débutent approximativement à ce même niveau de tarif.
Nous proposons donc de renforcer les critères de labellisation permettant la conclusion de convention en portant à 1 % maximum du SMIC la tarification sociale de l’internet, ce qui, au regard du SMIC actuel, la placerait à 13 euros, soit 10 euros de moins qu’aujourd'hui.
Une telle référence permet également d’avoir une vision évolutive du dispositif, le niveau du minimum de salaire étant un élément éclairant de l’évolution du pouvoir d’achat des consommateurs.
Nous nous situons donc bien là dans le cadre de la protection des consommateurs.
Cet amendement vise donc à limiter le coût du mobile pour les ménages bénéficiant de la tarification sociale afin que celle-ci n’ait pas de « sociale » que le nom.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’encadrement tarifaire prévu par cet amendement nous semble très rigide et trop uniforme.
De plus, il relève d’une disposition d’ordre non pas législatif mais réglementaire.
Nous y serions toutefois favorables si l’amendement était rectifié pour renvoyer l’encadrement à un décret. Il suffirait d’ajouter : «, selon des modalités définies par décret » à la fin du deuxième alinéa de l’article 5.
M. le président. Madame Schurch, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Mme Mireille Schurch. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Voilà qui est formidable : on propose d’abord de fixer la barre à 1 % dans la loi puis on renvoie à un décret ! Que restera-t-il au décret ?
M. le président. La rectification que suggère M. le rapporteur vise à remplacer, et non pas à compléter, la phrase que proposait d’ajouter à l’alinéa 5 Mme Schurch, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa comme suit :
, selon des modalités définies par décret
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela revient à renvoyer à un décret le soin de fixer des modalités qui sont déjà prévues dans les conventions et donc à changer complètement la nature du dispositif, monsieur le rapporteur. Je vois bien que vous voulez être aimable avec Mme Mireille Schurch,…
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je suis aimable avec tout le monde ! (Sourires.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … mais, honnêtement, il faut choisir entre le décret et les conventions !
De toute façon, j’étais contre la fixation de l’offre maximale à 1 % du SMIC dans la loi ; je reste contre sa fixation à ce seuil par décret, puisque je suis pour les conventions. C’est en effet grâce à ces conventions que nous sommes parvenus à trouver le point d’équilibre pour instituer un tarif social qu’il aurait été sinon impossible d’obtenir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission confirme qu’elle est favorable à l’amendement tel qu’il a été rectifié. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du 1° de l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « des débits suffisants » sont remplacés par les mots : « très haut débit ».
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. À l’heure actuelle, le service universel des postes et télécommunications couvre simplement l’acheminement de communications à des débits suffisants pour permettre l’accès à internet. Face aux évolutions technologiques actuelles, ces prescriptions sont particulièrement limitées.
Pour cette raison, le rapporteur a estimé, à propos de l’article 5, que « d’une façon générale, la question de l’inclusion de l’accès à internet à haut débit dans le service universel des communications électroniques est appelée à être rediscutée ».
Nous saisissons donc l’occasion de proposer de nouveau cet amendement d’appel.
En effet, nous ne sommes pas satisfaits du peu de cas qui est fait des lois concernant, notamment, la fracture numérique que nous avons votées ici même. Un fonds de soutien aux projets d’aménagement numérique a été créé, mais le Gouvernement refuse encore de prévoir son abondement. Pourtant, tout retard pris sera payé lourdement par nos concitoyens comme par nos territoires, qui perdront de leur compétitivité, pour reprendre le seul langage qui parle à ce Gouvernement.
Force est ainsi de reconnaître que les questions liées à l’accès au très haut débit sont devenus de véritables enjeux de société liée à la révolution numérique et à l’aménagement du territoire. Ainsi, selon une étude de l’Association des régions de France, si rien n’est fait, 60 % de la population sera exclue du très haut débit !
Il nous faut donc sans attendre, car c’est maintenant que cela se passe, porter le niveau d’exigence à la hauteur de ce défi du XXIe siècle. Ce défi a une réponse : le fibrage optique de l’ensemble du territoire national.
Hélas, au lieu de placer au cœur du dispositif un pôle public des télécommunications qui soutiendrait ce développement sous l’égide de la solidarité nationale, vous préférez permettre aux grands groupes privés de capter le dividende numérique et de renforcer leurs positions. Or cette décision se fera au détriment non seulement des collectivités territoriales, qui devront financer des infrastructures lourdes, mais surtout, en dernier ressort, des usagers finals, notamment ceux qui se trouvent dans la troisième zone.
Comme dans de nombreux secteurs stratégiques, cette logique conduit inévitablement à creuser des inégalités territoriales et sociales déjà fortes.
À ces solutions inégalitaires, nous préférons un service universel du très haut débit.
De fait, nous n’adhérons pas à votre argumentaire quand vous préconisez non pas la notion de « service universel », mais celle de « montée en débit », bien plus limitative dans les obligations qu’elle crée pour la puissance publique. En revanche, nous sommes d’accord avec vous sur un point : l’Union européenne impose encore, malgré les déroutes du système libéral, la mise en concurrence et l’interdiction des aides publiques.
Pour notre part, nous continuons de prôner une intervention importante de l’État en faveur du numérique, car le recours accru au marché et à la libre concurrence ne permettra pas de réduire la fracture territoriale, sociale, culturelle et économique qui résulte des inégalités d’accès aux technologies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La couverture du territoire en très haut débit prendra, dans le meilleur des cas, une quinzaine d’années. Notre collègue Hervé Maurey pourrait témoigner des grandes incertitudes affectant le plan de déploiement national. Dès lors, il n’est pas réaliste d’inclure l’accès au très haut débit dans le service universel des communications électroniques, même si cet objectif est éminemment louable.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cette disposition ne respecte pas le droit communautaire. En outre, si elle était adoptée, elle ferait peser sur les opérateurs la charge d’un investissement d’une dizaine de milliards d'euros sur quelques années, charge qui serait évidemment répercutée sur les consommateurs.
C'est la raison pour laquelle le Président de la République a fait le choix, dans le cadre des investissements d’avenir, d’investir globalement dans la couverture. Le dispositif prévoit trois tranches différentes, notamment une tranche totalement subventionnée et une tranche au contraire faite des partenariats, le tout à l’horizon 2020.
Cette disposition n’est donc pas opérante. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Schurch, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?
Mme Mireille Schurch. Oui, je le maintiens, monsieur le président !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis AA (nouveau)
Après l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, sont insérés deux articles L. 34-9-1-1 et L. 34-9-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 34-9-1-1. – Les fournisseurs d’équipements connectables aux réseaux de communications électroniques sont tenus de mettre à disposition de l’utilisateur de l’équipement l’information sur les limitations éventuellement imposées lors de leur utilisation pour des services de communications électroniques au public. Ces informations précisent notamment si ces limitations diffèrent en fonction des exploitants de réseaux de communications électroniques ouverts au public ou des prestataires de services de la société de l’information qui fournissent ces services. Elles précisent également la faculté ou non pour l’utilisateur de récupérer ou transférer les données personnelles introduites dans l’équipement, les droits qui y sont associés, et les modalités correspondantes le cas échéant, en particulier dans le cas d’un changement de fournisseur de services de communications électroniques.
« Art. L. 34-9-1-2. – Il est interdit aux fabricants d’équipements connectables aux réseaux de communications électroniques de limiter ou de bloquer la possibilité d'utiliser leurs équipements pour accéder au réseau de certains exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public et fournissant au public des services de communications électronique, sauf si cette limitation ou ce blocage sont demandés par les services de l’État pour les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique. »
M. le président. L'amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Cornu et César, Mme Lamure et M. Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3 de l’article 5 bis AA, qui interdit aux fabricants de terminaux de limiter l’accès technique de leurs terminaux à certains opérateurs.
Il n’est pas nécessaire de légiférer sur cet aspect des relations des opérateurs virtuels avec leur opérateur de réseaux, car le principe du libre re-paramétrage des terminaux commercialisés par un opérateur au choix de l'utilisateur est d’ores et déjà clairement acté par l’article 6 de la décision n° 05-1083 de l’ARCEP, l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La disposition que tend à supprimer cet amendement avait été insérée dans la proposition de loi de Daniel Marsin, adoptée, on s’en souvient, à l’unanimité. Certes, elle ne recevrait pas d’application concrète actuellement, au regard de la structuration du marché des communications électroniques. Cependant, elle nous paraît utile, voire indispensable, pour prévenir tout risque d’entente commerciale pour l’avenir.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le problème des relations entre opérateurs de réseaux et opérateurs de réseaux mobiles virtuels, ou MVNO, a été résolu depuis la décision de l’ARCEP de 2005 et ne s’est plus posé depuis.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur cet amendement tout à fait opportun.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Nous sommes quelques-uns ici à être membres de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Pourquoi légiférer, alors que des décisions ont été prises par une autorité de régulation dont nous sommes à peu près tous d’accord ici pour défendre l’indépendance ?
Il serait vraiment anormal et dangereux d’introduire une nouvelle disposition législative pour remettre en cause l’indépendance de l’autorité de régulation à chaque fois que le problème se pose.
Monsieur le président de la commission de l'économie, monsieur le rapporteur, j’insiste : il faut absolument supprimer cet alinéa !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis AA.
(L'article 5 bis AA est adopté.)
Article 5 bis A
(Non modifié)
La section 5 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 34-9-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-3. – Il est créé dans chaque département une instance de concertation départementale, présidée par le représentant de l’État, visant à assurer une mission de médiation relative à toute installation radio-électrique existante ou projetée dont elle est saisie.
« À cette fin, cette instance peut s’attacher à :
« 1° Examiner les projets d’implantation de stations radio-électriques qui lui sont soumis afin de mieux les insérer dans l’environnement physique et social. Dans le cadre de cet examen, l’instance de concertation départementale émet un avis simple ;
« 2° Décider de l’opportunité de prescrire des mesures de champs à la demande du représentant de l’État dans le département, en application de l’article L. 1333-21 du code de la santé publique, et d’assurer l’information sur les mesures réalisées et sur les niveaux de champs ;
« 3° Assurer l’information sur les questions sanitaires. À cette fin, le représentant de l’État dans le département peut solliciter les agences régionales de santé en tant que de besoin pour obtenir des éléments relatifs à l’état des connaissances quant aux questions sanitaires sur les bases de l’expertise sur ce sujet et notamment les avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
« La composition, les modalités de saisine et le fonctionnement des instances de concertation départementales sont définis par décret. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 5 bis A
M. le président. L'amendement n° 151 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, MM. Bérit-Débat, Teston, Vaugrenard, Labbé et Repentin, Mmes Bourzai et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 34-9-1 du code des postes et communications électroniques, il est inséré un article L. 34-9-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1-1.- La valeur du débit d’absorption spécifique des équipements terminaux radioélectriques mentionnés aux 10° et 11° de l’article L. 32 fait l’objet d’un affichage sérigraphié sur l’équipement selon les modalités fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la consommation. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Le développement de la téléphonie mobile suscite, outre de nombreuses interrogations, la suspicion de nos concitoyens. Les antennes-relais et les terminaux inquiètent tout particulièrement les Français, singulièrement un certain nombre d’associations.
Cet amendement vise à appliquer le principe de précaution à un double titre, précaution sur le plan sanitaire, mais précaution aussi dans les mesures que nous prenons, le téléphone mobile faisant largement partie de notre quotidien.
Nous proposons donc de rendre obligatoire l’inscription du débit d'absorption spécifique, le DAS, sur le boîtier du téléphone. En effet, les enquêtes sanitaires révèlent que c'est probablement le principal danger auxquels s’exposent les utilisateurs de téléphonie mobile. À l'heure actuelle, cette indication figure sur l’emballage, mais pas sur le terminal lui-même. C’est un peu comme si le pourcentage de tabac et la quantité de goudrons figuraient sur l’emballage des cartouches de cigarettes, mais pas sur les paquets !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très belle comparaison !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Il s'agit d'une très bonne mesure à laquelle la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement y est plutôt défavorable.
Madame la sénatrice, la comparaison que vous avez établie avec les paquets de cigarettes ne rend pas compte du vrai problème posé, qui est ici plutôt celui de la compréhension. Si je vous ai bien comprise, vous souhaitez que la mention qui figure déjà sur les publicités soit gravée sur l'appareil lui-même. Mais une telle indication est-elle compréhensible pour les consommateurs ? C’est là toute la question !
De surcroît, ce dispositif est contraire au droit communautaire. En effet, la directive étant d’harmonisation maximale, les États membres ne sont pas autorisés à prendre une mesure de ce type.
Au surplus, ces informations figurant déjà sur les documents publicitaires, l’enjeu consiste bien plutôt à trouver un moyen de permettre aux consommateurs de comprendre ce qu’elles signifient. Peut-être êtes-vous capable d’en déchiffrer le sens, mais je fais partie de ceux qui en sont tout à fait incapables, et ce que les informations figurent ou non sur l’appareil lui-même ! Sans recherche d’une meilleure compréhension, la tâche, pour le consommateur, n’en sera pas rendue plus facile pour autant.
M. le président de la commission de l'économie, qui connaît bien ces sujets, pourrait sans doute nous éclairer.
M. le président. Il a déjà prévu d’intervenir ! (Sourires.)
La parole est donc à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Le débit d'absorption spécifique est un indice qui renseigne sur la puissance que reçoit l’usager lorsqu’il plaque l’appareil téléphonique sur son oreille. Plus il est important, plus la quantité d’énergie émise est intense, plus grand est le risque d'échauffement de la zone autour de l'oreille. Cela peut entraîner une porosité de la barrière hémato-encéphalique, en particulier chez les jeunes ; c'est un peu moins vrai pour les adultes.
Le DAS peut varier de 0,2 watt par kilogramme à 2 watts par kilogramme, selon les appareils ! Les acheteurs doivent donc regarder par précaution l'indication qui figure sur les emballages, afin de connaître le niveau de puissance que reçoit leur boîte crânienne quand ils téléphonent. Cette donnée doit également être sérigraphiée sur l'appareil lui-même, afin qu’elle reste accessible, par exemple en cas d’échange de mobiles. C'est ce que demande Mme Rossignol et c'est aussi ce que j’ai préconisé dans le rapport d’information que j’ai remis en 2003.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nous ne réglerons certainement pas la question ce soir.
Monsieur le président de la commission de l'économie, vous connaissez bien ce sujet : les éléments d’explication que vous venez de nous fournir l’attestent. Pour autant, peu de Français savent de quoi il s'agit et sont en mesure de saisir la différence entre un indice de 0,2 watt par kilogramme ou de 2 watts par kilogramme. Et le risque ne varie-t-il pas en fonction de la durée d’exposition et de l’âge, comme vous venez de le dire vous-même ? Évidemment, toutes ces précisions ne peuvent pas figurer sur le terminal.
C’est plus l’information globale, claire et compréhensible par le consommateur qui importe que le fait que telle ou telle mention figure sur l’appareil. La même considération vaut d’ailleurs pour l’alimentation, avec l’étiquetage : il faut que l’information soit compréhensible.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le fait de sérigraphier sur un appareil un indice chiffré qui indique une nocivité potentielle rendra au contraire le consommateur attentif et l’amènera progressivement à comprendre la nature du danger.
C’est déjà ce qui se passe avec les décibels. Les trois quarts de nos concitoyens ignorent comment se calcule un décibel – c'est une valeur exponentielle – ; en revanche, ils ont pris l’habitude de comparer les données entre elles. Il en est de même avec les indicateurs de classe énergétique : A, B, C, D. Au départ, personne n’y comprenait rien. Aujourd'hui, grâce à la généralisation de la nomenclature, ils figurent partout et les consommateurs en ont saisi l’importance.
Ce qui compte, c'est d'alerter les consommateurs et de leur faire prendre conscience de l’intérêt de regarder le DAS. Petit à petit, ils intégreront qu’il s’agit d’un indicateur de nocivité.
Pour ma part, je ne pense pas, contrairement à M. le secrétaire d'État, qu’il faille attendre que les consommateurs aient une connaissance et une compréhension totales des mentions qui sont portées. À l’inverse, c’est la présence d’indicateurs qui les rendra attentifs et les incitera à faire des comparaisons. Il est donc très positif d’imposer cette inscription sérigraphiée sur les terminaux.
Et en quoi, monsieur le secrétaire d'État, cette mesure serait-elle contraire au droit communautaire ? Nous ne proposons pas d’interdire des terminaux en raison de leur DAS, auquel cas nous ne respecterions pas le principe de libre concurrence. Là, il s’agit simplement de rendre obligatoire la mention sur l'appareil d’un élément d’information qui figure par ailleurs sur l'emballage.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Cette proposition part d'un bon sentiment : il est vrai qu’elle permettrait une meilleure information du consommateur. Je ne connais pas grand-chose au sujet, mais ce qui m’intéresse, c’est l’incidence pratique d’une telle mesure. Or je constate que les appareils aujourd'hui sont souvent protégés par une coque. Par conséquent, cette mention aura beau figurer sur l'appareil, elle sera sans utilité !
Mme Évelyne Didier. Les coques se retirent !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il suffit de faire un trou pour que l’inscription soit lisible !
M. Gérard Cornu. Je doute de la méthode…
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Mes chers collègues, il faut non seulement que chacun dispose des éléments de compréhension dont parlait M. le secrétaire d’État, mais également que l’on soit en capacité de mesurer comment le DAS de son terminal se situe par rapport aux normes moyennes. Les deux informations sont donc tout à fait complémentaires et doivent être l’une et l’autre mises en œuvre.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis A.
L'amendement n° 153 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, MM. Bérit-Débat, Teston, Vaugrenard, Repentin et Labbé, Mmes Bourzai et Nicoux, MM. Antiste, S. Larcher, Vincent, Kaltenbach, Germain et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-9-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1-2. – Toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radio-électriques est tenue de transmettre au maire de cette commune un dossier d’information sur son projet d’installation radio-électrique préalablement au dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable. Le contenu et les modalités de ces communications sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques, de la communication, de la santé et de l’environnement. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Beaucoup d’élus réfléchissent en ce moment, et particulièrement depuis l’arrêt du Conseil d’État, à la manière dont les maires peuvent être décisionnaires en matière d’implantation des antennes-relais sur le territoire de leurs communes.
Je rappelle que le Conseil d’État a annulé des délibérations de deux conseils municipaux ayant interdit l’implantation d’antennes-relais, au motif que le pouvoir de police spéciale appartient à l’État. Cette motivation est imparable.
Il est trop tôt pour aller au bout de la réflexion, afin de savoir s’il faut transférer aux maires ce pouvoir de police spéciale. Une consultation approfondie de ces élus doit être menée.
Néanmoins, dans le même temps, il est nécessaire d’accroître les éléments d’information que les opérateurs doivent fournir aux maires.
Cet amendement vise à imposer aux opérateurs de transmettre aux maires un dossier motivé sur le choix du lieu d’implantation d’une antenne-relais. Un règlement fixera le cahier des charges, les conditions et le contenu de cette information. Il nous paraît fondamental d’obliger les opérateurs à motiver leur choix d’implantation, en particulier au regard d’un certain nombre d’éléments sanitaires aujourd’hui identifiés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Actuellement, le code des postes et des communications électroniques prévoit la transmission au maire d’un dossier sur l’état des lieux des installations exploitées sur le territoire de sa commune. Le présent amendement complète opportunément cette disposition en prévoyant qu’il doit en être communiqué un préalablement à une installation.
Le maire disposera ainsi de tous les éléments d’information. C’est pourquoi la commission a émis un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis A.
L'amendement n° 126, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 5 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le niveau maximal d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques, est fixé à 0,6 volt par mètre. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le présent amendement vise à imposer un seuil maximal d’exposition du public aux champs électromagnétiques de 0,6 volt par mètre, alors que les normes actuelles s’échelonnent entre 41 et 61 volts par mètre, selon les systèmes émetteurs. Ces seuils n’ont cependant pas de sens car on n’a pas besoin de ce type de limite.
En avril 2009, le Parlement européen a adopté, à la quasi-unanimité, un rapport dans lequel il réclame une révision des seuils d’exposition aux champs électromagnétiques, d’une part, et la reconnaissance de l’électro-hypersensibilité comme handicap, d’autre part. Avec la multiplication des sources d’exposition, de plus en plus de personnes, dans les pays occidentaux, présentent en effet des troubles de ce type.
Parmi les vingt-neuf mesures proposées dans ce rapport figure la révision des limites pour les champs électromagnétiques, fixées en 1999, ainsi qu’une meilleure prise en compte des effets biologiques de ces champs.
De nombreuses études établissent l’existence d’un lien direct entre l’augmentation des maladies spécifiques du type Alzheimer, fibromyalgies, insomnies ou allergies, et l’augmentation exponentielle de l’électro-exposition ces dix dernières années.
Un autre document de 2010 signale que, parmi les dix études épidémiologiques s’intéressant aux effets de l’exposition aux rayonnements des antennes-relais, huit d’entre elles relèvent un risque accru de cancers ou de troubles neurocomportementaux chez les personnes résidant à proximité immédiate d’une antenne-relais.
Une autre analyse, publiée en 2009, compare quatorze travaux scientifiques publiés entre 2001 et 2008 : dix de ces études font état d’une augmentation significative des symptômes étudiés. Je tiens ces documents à la disposition de mes collègues.
D’autres études encore ont été commandées ou inspirées par les acteurs de la téléphonie mobile. Là, les résultats sont très différents, puisqu’ils ne pointent aucun problème. C’est tout le problème de l’indépendance de la mesure et de l’analyse…
Les législations sont véritablement laxistes dans nos pays, quoique certains de nos voisins soient plus vertueux en la matière et n’aient pas hésité à abaisser les seuils, je pense notamment à la Belgique, qui a fixé un seuil de 3 volts par mètre.
Ma proposition, certes un peu provocatrice, ne tombe pas du ciel, car, en abaissant le seuil en France à 0,6 volt par mètre, nous assurons le service de téléphonie mobile, tout en diminuant de manière radicale l’exposition du public, ce qui satisfait à une exigence forte de santé publique. Des expériences fructueuses en ce sens ont été menées en Autriche, à Salzbourg précisément.
M. le président de la commission de l’économie va sans doute nous dire que, si l’on abaisse le seuil, il faudra sans doute augmenter le DAS, ce qui augmentera l’exposition, mais l’expérience autrichienne nous montre que des antennes en plus grand nombre mais moins hautes, et de moindre puissance, seraient la solution.
Cela marche ailleurs, donc cela devrait pouvoir marcher chez nous !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Actuellement, les valeurs limites d’exposition du public aux champs sont issues des préconisations de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, reprises dans la recommandation du Conseil européen du 12 juillet 1999.
À la suite de la table ronde « Radiofréquences, santé, environnement », qui s’est tenue en 2009, un comité opérationnel, présidé par François Brottes, s’est mis en place.
Dans ce cadre, des expérimentations ont été menées, afin d’évaluer la situation de la diffusion des ondes électromagnétiques liée à la téléphonie mobile. En pratique, les mesures effectuées sur une dizaine de sites ont montré que plus de 95 % d’entre elles sont en dessous de 1,5 volt par mètre.
Il n’apparaît pas opportun, aujourd’hui, de baisser de manière générale à 0,6 volt par mètre le niveau d’émission des antennes-relais, ce qui pourrait conduire à augmenter le débit d’absorption spécifique des mobiles, ce fameux DAS dont le président de la commission de l’économie a su nous expliquer les secrets.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Ceux qui défendent le seuil de 0,6 volt par mètre sont également contre les antennes-relais. Or, pour arriver à ce seuil, on devrait multiplier par dix le nombre d’antennes !...
Il faudra bien un jour choisir entre la réalisation de la couverture numérique du territoire ou l’abandon pur et simple de la téléphonie mobile, qui serait la conséquence de l’abaissement drastique des seuils d’exposition !
En outre, je signale que l’abaissement à 0,6 volt par mètre suppose que le niveau de puissance émis à l’oreille soit encore supérieur. Les études que vous évoquez ne commenceraient à avoir de sens que si les appareils considérés étaient systématiquement à la puissance maximale.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Sur ma commune de Saint-Nolff, dans le Morbihan, une seule antenne est installée, une antenne au demeurant normale et sans spécificités, que j’ai imposée aux trois opérateurs, comme je le ferai demain au quatrième opérateur. Une association de défense a demandé une étude ; deux études contradictoires ont finalement été menées sur le territoire de la commune, de 500 mètres à 3 kilomètres autour de l’antenne. Eh bien ! les maxima mesurés s’élevaient à 0,4 volt par mètre, monsieur le président de la commission !
Qu’on le veuille ou non, la téléphonie mobile est un service plébiscité par nos concitoyens. Mais il ne faut pas qu’il y ait de danger pour la santé. L’exemple de ma commune montre que l’on peut concilier les deux types d’exigences.
Même si je suis le seul à le soutenir, je maintiens mon amendement !
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 22 décembre 2011 à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 12, 2011-2012).
Rapport de M. Alain Fauconnier, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 175, 2011-2012).
Avis de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission des lois (n° 158, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 176, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 22 décembre 2011, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART