Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-François Humbert.
MM. Roland Courteau, le président.
3. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle)
MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Fortassin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; MM. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Roland Ries, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.
Mme Mireille Schurch, MM. Louis Nègre, Vincent Capo-Canellas, Michel Teston, Raymond Vall, Jean-Claude Lenoir, Mmes Laurence Rossignol, Évelyne Didier, M. Jean-Claude Requier, Mme Chantal Jouanno.
Suspension et reprise de la séance
4. Demande d'un avis sur un projet de nomination
5. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
6. Loi de finances pour 2012 – Suite de la discussion d'un projet de loi
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle)
M. Jean-Jacques Filleul, Mme Bernadette Bourzai, MM. Jacques Chiron, Ronan Dantec.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
Amendement n° II-176 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Laurence Rossignol, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Mme Évelyne Didier. – Rejet.
Amendement n° II-100 rectifié de M. François Fortassin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Ronan Dantec. – Adoption.
Rejet des crédits modifiés de la mission : « Écologie, développement et aménagement durables ».
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.
Adoption des crédits du budget annexe. : « Contrôle et exploitation aériens ».
Amendement n° II-31 de la commission. – MM. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Mme Évelyne Didier, MM. Ronan Dantec, Michel Teston, Mme Chantal Jouanno, MM. le président de la commission de l’économie, Jacky Le Menn, Mme Mireille Schurch. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés du compte d’affectation spéciale : « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Rejet des crédits du compte d’affectation spéciale : « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs »
Le compte de concours financiers : « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres » demeure supprimé.
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale : « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».
Amendement n° II-32 de la commission. – MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Mmes Laurence Rossignol, Chantal Jouanno, M. le président de la commission de l’économie. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° II-141 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-109 rectifié bis de M. Jean-Claude Lenoir. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 51 bis
Amendement n° II-135 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Mmes Catherine Procaccia, Marie-Christine Blandin, Évelyne Didier, M. le président de la commission de l’économie. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-136 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le président de la commission de l’économie, le secrétaire d'État, Ronan Dantec. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 51 ter (nouveau). – Adoption
Amendement n° II-33 de la commission. – MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le président de la commission de l’économie, le secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article 51 quinquies (nouveau)
Amendement n° II-34 de la commission. – MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le président de la commission de l’économie, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° II-138 rectifié bis de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le président de la commission de l’économie, le secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-35 de la commission. – MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, le président de la commission de l’économie. – Rejet.
Amendement n° II-139 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Gérard Miquel, rapporteur spécial ; le président de la commission de l’économie le secrétaire d'État. – Adoption.
M. le président de la commission de l’économie.
Amendement n° II-177 de la commission. – M. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; M. Ronan Dantec. – Adoption.
Amendement n° II-101 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde.
Amendement n° II-140 rectifié bis de M. Georges Patient. – M. Maurice Antiste.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial ; Mme la ministre, M. Ronan Dantec. – Adoption de l’amendement n° II-101 rectifié, l’amendement n° II-140 rectifié bis devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
MM. François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances ; Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Dominique Watrin, Mme Françoise Laborde, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Caroline Cayeux, M. Jean Desessard, Mme Jacqueline Alquier.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Amendement n° II-65 rectifié quater de Mme Caroline Cayeux. – Mme Caroline Cayeux.
Amendement n° II-121 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
MM. François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis ; le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Catherine Procaccia, Caroline Cayeux, M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Retrait de l’amendement n° II-65 rectifié quater ; adoption de l’amendement n° II-121.
MM. François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis.
Rejet des crédits modifiés de la mission « Travail et emploi ».
MM. François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis.
Rejet des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
Amendements identiques nos II-62 de la commission et II-4 de M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. – MM. François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis ; le ministre. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos II-63 de la commission, II-5 de M. Claude Jeannerot et II-107 de Mme Annie David. – MM. François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis ; Dominique Watrin, le ministre. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° II-64 de la commission. – MM. François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis ; le ministre, Mme Catherine Procaccia. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 63 ter et 63 quater (nouveaux). – Adoption
Article additionnel après l'article 63 quater
Amendement n° II-106 de Mme Annie David. – MM. Dominique Watrin, François Patriat, rapporteur spécial ; Claude Jeannerot, rapporteur pour avis ; le ministre, Jacques Gautier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Vincent Eblé, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour le patrimoine ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour la transmission des savoirs ; Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour le cinéma ; Mmes Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour le spectacle vivant ; Cécile Cukierman, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour les arts visuels.
M. Jean-Jacques Pignard, Mme Françoise Laborde, M. Claude Domeizel, Mme Cécile Cukierman, M. Louis Duvernois, Mmes Dominique Gillot, Claudine Lepage.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Amendement n° II-148 rectifié de M. Vincent Delahaye. – MM. Vincent Delahaye, le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Jacques Pignard, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Legendre, Vincent Eblé, rapporteur pour avis ; Claude Domeizel. – Rejet.
Amendement n° II-175 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur spécial. – Adoption.
Rejet, par scrutin public, des crédits modifiés de la mission « Culture ».
Articles 49 quinquies et 49 sexies (nouveaux). – Adoption
Médias, livre et industries culturelles
Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public
MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour l’audiovisuel et la presse ; Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour le livre et les industries culturelles ; Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour l’audiovisuel extérieur ; M. Yves Rome, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’audiovisuel extérieur ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’audiovisuel extérieur.
Mmes Cécile Cukierman, Françoise Laborde, Catherine Morin-Desailly, MM. André Gattolin, Louis Duvernois, Claude Domeizel.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Amendement n° II-147 rectifié bis de M. Vincent Delahaye. – M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Amendement n° II-146 rectifié de M. Vincent Delahaye. – M. Vincent Delahaye.
Amendement n° II-102 de M. David Assouline, rapporteur pour avis. – M. David Assouline, rapporteur pour avis.
MM. le rapporteur spécial, le ministre, Mmes Cécile Cukierman, Catherine Morin-Desailly, MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis ; Claude Domeizel, Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture ; M. David Assouline, rapporteur pour avis. – Rejet de l’amendement n° II-146 rectifié ; adoption de l’amendement n° II-102.
Amendement n° II-134 rectifié ter de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. le rapporteur spécial, le ministre, David Assouline, rapporteur pour avis ; Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. – Retrait.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Amendement n° II-129 rectifié de M. Vincent Delahaye. – MM. Vincent Delahaye.
Amendement n° II-103 de M. David Assouline, rapporteur pour avis. – M. David Assouline, rapporteur pour avis.
MM. le rapporteur spécial, le ministre, Claude Domeizel. – Rejet de l’amendement n° II-129 rectifié ; adoption de l’amendement n° II-103.
MM. David Assouline, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial.
Adoption des crédits modifiés du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Amendements identiques nos II-110 de M. David Assouline, rapporteur pour avis, et II-133 de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. David Assouline, rapporteur pour avis ; Mme Catherine Morin-Desailly, MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
M. Jean-François Humbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Courteau. En ce début de séance, je souhaiterais rappeler que c’est ici même que fut adopté pour la première fois un amendement visant à faire du 25 novembre une journée nationale de sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Mes chers collègues, une femme sur dix est victime de violences dans ce pays et, tous les deux jours et demi, une femme décède sous les coups de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire de PACS.
Gardons-nous de passer sous silence cette journée, monsieur le secrétaire d’État, et ne cessons jamais, dans le pays des droits de l’homme et de la femme, de lutter contre un fléau qui touche aux fondements de la dignité humaine.
Malheureusement, les initiatives prises cette année par le Gouvernement sont insuffisantes, voire inexistantes, dans nombre de départements, et je le déplore.
En revanche, je me réjouis que les élus et les associations se soient mobilisés à l’occasion de cette journée nationale de sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux femmes.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
3
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte de concours financiers : Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres (ligne supprimée)
Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle)
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » (et articles 50, 51, 51 bis, 51 ter, 51 quater, 51 quinquies et 51 sexies), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des comptes d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres » (ligne nouvelle) (et article 64 ter).
Mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vous invite à respecter scrupuleusement vos temps de parole, afin que nous puissions épuiser ce soir – ou plus vraisemblablement cette nuit – notre ordre du jour, et rejoindre ainsi demain matin nos départements respectifs.
La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2012, les crédits demandés pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables » s’élèvent à 9,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 9,7 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente, par rapport à 2011, une baisse de 2 % des premières et une hausse de 2,4 % des seconds. Je rappelle qu’il faut ajouter aux crédits budgétaires concourant à la mise en œuvre des politiques de l’environnement et des transports un montant important de ressources extrabudgétaires – plus de 3,4 milliards d’euros – et de dépenses fiscales – plus de 2,8 milliards d’euros.
L’année 2012 sera centrée sur le renforcement de la sécurité, aussi bien dans le domaine nucléaire qu’en matière de prévention des risques. Néanmoins, dans la plupart des domaines concernés, le montant des crédits n’apparaît pas à la hauteur des enjeux. Les ressources dédiées au Grenelle de l’environnement diminueront par exemple de 26,5 millions d’euros par rapport à 2011, s’établissant ainsi à 131 millions d’euros.
Le programme 113 « Paysages, urbanisme, eau et biodiversité » sera doté de 346,7 millions d’euros de crédits de paiement, soit une légère hausse de 0,4 % par rapport à 2011. Parmi ces crédits, 54,2 millions d’euros financeront spécifiquement des mesures issues du Grenelle de l’environnement, relatives au développement d’un urbanisme durable, à la défense de la biodiversité et à l’amélioration de la qualité de l’eau. En revanche, malgré son rôle central dans la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le programme 113 subira une réduction de ses effectifs par rapport à 2011 et sera encore marqué par la RGPP, à travers plusieurs réformes.
Dans le domaine de la biodiversité, les ressources consacrées à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement augmenteront significativement afin de soutenir les actions relatives aux espaces protégés, notamment la création du nouveau parc national des Calanques ou des parcs naturels marins.
En matière de performances, je relève que les résultats associés aux indicateurs relatifs à la qualité de l’eau sont satisfaisants. Ils traduisent la mobilisation du ministère pour la mise en œuvre de la directive sur les eaux résiduaires urbaines et de la directive-cadre sur l’eau. Cet effort financier et humain doit se poursuivre. Il s’agit d’un enjeu important en termes tant de biodiversité que de budget, le non-respect des obligations européennes nous exposant à un risque de condamnation avec, à la clé, des sanctions financières significatives.
Le programme 181 « Prévention des risques » sera doté de 312,3 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3 % par rapport à 2011. Les ressources extrabudgétaires affectées aux opérateurs du programme demeurent significatives. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, recevra par exemple 498 millions d’euros l’an prochain.
Ce programme se caractérise, en 2012, par une dotation stable en faveur de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, à hauteur de 64 millions d’euros, qui financera des mesures dans le domaine de la santé et de l’environnement.
L’on assiste également à une réduction problématique des effectifs de l’inspection des installations classées. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer les raisons de cette évolution ?
De même, l’inquiétant retard accumulé pour l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, se poursuit, du fait de deux facteurs principaux : d’une part, les difficultés rencontrées au niveau des mesures foncières dans les zones les plus exposées au risque et, d’autre part, les problèmes des particuliers pour effectuer les travaux prescrits par ces PPRT, du fait de la réduction du crédit d’impôt associé. Je relève que le Gouvernement a proposé, dans le cadre de l’article 51 ter du présent projet de loi de finances, un dispositif destiné à remédier au premier problème.
Ce programme se caractérise également par une hausse de 12 %, à hauteur de 58 millions d’euros, des moyens en faveur de la sûreté nucléaire, évolution logique à la suite de la catastrophe de Fukushima. L’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, disposeront ainsi de 44 emplois supplémentaires et d’une augmentation de leurs crédits proche de 20 millions d’euros, afin de financer une partie des expertises et audits lancés en mars, à la suite de la catastrophe japonaise.
Enfin, la prévention des inondations constituera une priorité en 2012, notamment à travers le plan Submersions rapides, qui sera doté de 500 millions d’euros sur 2011-2016.
Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » sera doté en 2012 de 701,2 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 6,7 % par rapport à l’an dernier. Il appelle de ma part plusieurs observations.
La régulation budgétaire effectuée en 2011, à travers des annulations de crédits à hauteur de 12 millions d’euros, est particulièrement dommageable pour ce programme dont la quasi-totalité des engagements correspond à des dépenses de l’État dites obligatoires, pour lesquelles la budgétisation est effectuée au plus juste et qui sont, par définition, difficilement compressibles. Cette situation est problématique puisqu’elle rend le programme insoutenable aux yeux du contrôleur financier. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures sont-elles envisagées pour surmonter cette difficulté ?
L’action relative à la politique de l’énergie est clairement sous-dotée au regard des nombreux objectifs qui lui sont assignés. Elle regroupe moins de 1 % des crédits du programme, avec une dotation de 6,5 millions d’euros en crédits de paiement. À cet égard, je voudrais insister plus particulièrement sur l’enjeu associé au développement des énergies renouvelables. Le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique à l’horizon 2020. Or, vu la trajectoire actuelle, nous ne pourrons pas l’atteindre. Je citerai à cet égard l’exemple assez représentatif du fonds chaleur de l’ADEME, qui disposera de 250 millions d’euros en 2012. Ce montant est certes important, mais les besoins réels se situeraient en réalité autour de 500 millions d’euros par an, d’après le syndicat des énergies renouvelables.
La gestion économique et sociale de l’après-mines concentre 95 % des autorisations d’engagement demandées en 2012, pour un montant de 654,8 millions d’euros, en baisse de 6,2 % par rapport à 2011, après une diminution similaire l’an dernier. Cette évolution s’explique par la réduction tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations servies par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. En revanche, les difficultés de la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines appellent une vigilance particulière. En effet, les besoins financiers de cette caisse seraient supérieurs de l’ordre de 10 millions d’euros aux crédits prévus. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures sont-elles prévues pour remédier à ce problème ?
Les crédits destinés à la lutte contre le changement climatique et à l’amélioration de la qualité de l’air s’élèvent à 30,4 millions d’euros, montant en forte baisse par rapport à l’an dernier. Cette situation n’est pas satisfaisante, alors que les obligations communautaires se font de plus en plus pressantes dans ce domaine.
Enfin, le programme 217, « soutien » de la mission, recevra 3,6 milliards d’euros de crédits de paiement l’an prochain, en baisse de 0,4 % par rapport à 2011. Il sera encore sévèrement touché par la RGPP, à travers une réduction de 1 309 emplois. Cette situation interroge sur la capacité du ministère de l’écologie à pouvoir s’acquitter de l’ensemble de ses missions, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.
De surcroît, le programme 217 a connu une gestion 2011 particulièrement tendue, qui pourrait devenir préoccupante. Or, la situation ne semble pas devoir s’améliorer en 2012, du fait des contraintes croissantes imposées au ministère pour la réduction des dépenses de fonctionnement et l’émergence parallèle de nouveaux besoins. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner des éléments actualisés à cet égard et nous préciser les actions envisagées pour résoudre les difficultés qui se font jour ?
Pour finir, je dirai quelques mots sur le compte de concours financiers « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », support budgétaire du « bonus-malus » automobile.
Ce dispositif coûte cher : près de 1,5 milliard d’euros de déficit cumulé depuis 2008, alors qu’il avait initialement été présenté comme devant être équilibré. Les prévisions de découvert sont systématiquement dépassées : le déficit de 2011 sera ainsi de 227 millions d’euros alors que les prévisions portaient sur 150 millions d’euros. En outre, le circuit de paiement via l’Agence de services et de paiement est complexe et non conforme à l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Enfin, les vertus écologiques et économiques de ce mécanisme peuvent être nuancées. Certes, le niveau moyen des émissions de CO2 a fortement baissé et, de ce point de vue, le parc automobile français est l’un des moins polluants d’Europe. Mais il n’est pas certain que le volume global des émissions ait diminué dans les mêmes proportions. En outre, le bonus-malus crée un effet d’aubaine pour les constructeurs et encourage les ventes de véhicules urbains qui sont de plus en plus produits hors de France. Il n’intègre pas d’autres aspects de la pollution : celle des deux-roues et des poids lourds, les rejets de particules et des oxydes d’azote, ou le bruit.
Après de multiples révisions du barème, il était nécessaire de réformer de nouveau ce dispositif. De fait, ce compte d’avances vit ses derniers mois, puisque nous avons confirmé en début de semaine deux dispositions introduites à l’Assemblée nationale, qui vont dans le bon sens.
Il s’agit, d’abord, du relèvement des trois dernières tranches du malus. Un resserrement du bonus devrait bientôt suivre par décret. Il en est attendu un rééquilibrage du bonus-malus, au lieu d’un déficit prévisionnel initial de 112 millions d’euros.
Il s’agit, ensuite, du remplacement de ce compte par un compte d’affectation spéciale, un CAS. Ce n’est pas la budgétisation intégrale qu’on aurait pu souhaiter, mais cette mesure est conforme à l’orthodoxie budgétaire et renforce l’incitation au rééquilibrage. En effet, un CAS doit être nécessairement équilibré. En cas de nouveau déficit prévisionnel, le Gouvernement disposera donc de trois leviers : un abondement de crédits en loi de finances rectificative, une révision législative du malus ou une révision réglementaire du bonus.
Je crois cependant qu’il faut à présent concevoir le bonus automobile comme un instrument de transition et songer à sa suppression à moyen terme, tout en maintenant le malus. Puisque nous considérons la diminution des émissions de CO2 comme une tendance normale, au demeurant imposée par les normes européennes, il n’apparaît plus vraiment justifié de la subventionner. L’incitation publique doit désormais se concentrer sur les véhicules électriques et hybrides.
Pour conclure, la commission a décidé de proposer le rejet des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et l’adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances au Fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, rapporteur spécial.
M. François Fortassin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il m’appartient de vous présenter successivement les crédits des programmes 170 « Météorologie », 159 « Information géographique et cartographique » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Le programme 170 est doté de 207,3 millions d’euros, soit une progression de 4,6 % par rapport à 2011. Cette évolution doit permettre à Météo France de renforcer et d’améliorer son action de prévention dans le domaine de la prévision, afin de ne pas réitérer le précédent de la gestion délicate des épisodes neigeux de décembre 2010.
Dans le détail, les crédits dédiés à l’observation et à la prévision météorologique s’élèvent à 184,5 millions d’euros, tandis que les crédits relatifs à la recherche dans le domaine météorologique s’élèvent à 22,8 millions d’euros.
En 2012, Météo France aura notamment pour priorité la mise en œuvre de sa réforme territoriale – son réseau doit en effet passer de 108 à 55 implantations métropolitaines –, ainsi que le renforcement de la sécurité des personnes et des biens. Sur le plan local, cette réduction des implantations ne pose pas de problèmes majeurs.
En outre, le contrat d’objectifs et de moyens de l’opérateur sur 2009-2011 arrive à échéance. Son bilan est globalement satisfaisant, même s’il a été marqué par la survenance de plusieurs catastrophes naturelles d’ampleur inhabituelle, tels Xynthia et les phénomènes d’inondations, qui semblent devenir récurrents. Météo France a ainsi atteint la majorité des objectifs fixés, qu’il s’agisse de ses activités de modélisation ou de recherche. Au surplus, l’opérateur est parvenu à stabiliser son chiffre d’affaires, soit un résultat correct compte tenu de la crise et de l’intensification de la concurrence.
Un nouveau contrat d’objectifs et de performances est donc en cours d’élaboration pour la période 2012-2016, avec quatre priorités : tout d’’abord, l’amélioration de la prévention, de l’anticipation et de la gestion des risques, à travers une stratégie de développement dans le domaine de la prévision numérique ; ensuite, l’accroissement des activités de recherche ; en outre, la rénovation des infrastructures dans le domaine de l’observation et des systèmes d’information ; enfin, la préservation d’un chiffre d’affaires au moins constant sur la période 2012-2016.
J’en viens maintenant au programme 159 « Information géographique et cartographique », qui sera doté de 96,6 millions d’euros en 2012, montant en hausse de 18 % par rapport à 2011. Cette évolution s’explique largement par une mesure de périmètre. En effet, l’Institut géographique national, l’IGN, intégrera le 1er janvier 2012 l’Inventaire forestier national, l’IFN, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Le futur établissement, nommé désormais Institut national de l’information géographique et forestière, sera un établissement public administratif, doté de 1 800 agents. Il reprendra la totalité des missions de l’IGN et de l’IFN. Le nouvel ensemble sera situé au siège de Saint-Mandé, en cours de réaménagement. Ce chantier s’effectue selon le calendrier prévu.
Ni le projet annuel de performances ni les réponses au questionnaire budgétaire ne fournissent d’information précise sur les économies attendues du regroupement et sur les conséquences de cette fusion pour le personnel des deux instituts. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer sur ce point, qui me semble pour l’instant un peu nébuleux ?
J’insisterai enfin sur la situation financière de l’IGN, qui demeure fragile, puisque sa trésorerie est actuellement inférieure au minimum souhaitable, évalué à 16,8 millions d’euros, soit quarante-cinq jours de dépenses de fonctionnement courant.
De plus, les recettes commerciales de l’IGN, notamment celles qu’il tire de son activité auprès du grand public, sont en stagnation, après une forte progression en 2010. Il conviendra donc de surveiller l’évolution de la situation en la matière.
J’aborderai à présent le budget annexe de l’aviation civile.
Je constate que le budget de la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, est un peu plus rigoureux que par le passé. Il n’y a d’ailleurs pas de grand mérite à cela, puisqu’il était, à une époque, extrêmement nébuleux. Des réformes utiles ont été ou sont mises en œuvre, mais la dette, voire le modèle économique de l’aviation civile, demeurent des sujets de préoccupation.
L’hypothèse d’une transformation de la DGAC en établissement public a été écartée par le Gouvernement, devant l’hostilité des personnels. Toutefois, cette question ne devrait pas être taboue. Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », le BACEA, est avant tout un budget de prestations de services, qui doivent être tarifées à leur véritable coût. La DGAC a adopté en 2010 un nouveau mode de comptabilisation en droits constatés qui la rapproche d’une logique d’établissement public.
Après une hausse limitée à 1,6 % en 2010, le trafic aérien en France pourrait progresser de 5,6 % en 2011, soit sensiblement plus que les prévisions inscrites dans la loi de finances initiale, la LFI, pour 2011. Cependant, Air France-KLM n’en profite guère, souffrant actuellement d’un déficit de compétitivité et d’un endettement supérieur à ses capitaux propres. C’est ainsi, par exemple, que cette compagnie se fait régulièrement tailler des croupières par Ryanair…
Pour 2012, les hypothèses de recettes du budget annexe reposent notamment sur une croissance du trafic comprise entre 2 % et 3,6 %.
Le périmètre du BACEA évolue à la marge. Le regroupement budgétaire des moyens du Service national de l’ingénierie portuaire est finalisé avec le transfert de quarante ETPT outre-mer en provenance de la mission « Écologie, développement et aménagements durables ». Il est financé par un relèvement de la quotité de la taxe de l’aviation civile, prévu par l’article 17 du projet de loi de finances, que nous avons adopté mardi dernier.
L’aviation civile française s’intègre de plus en plus dans des projets et engagements européens, en particulier le traité FABEC – Functional Airspace Block Europe Central – conclu avec cinq pays le 2 décembre 2010, qui met en place un bloc d’espace aérien fonctionnel pour organiser la gestion du trafic aérien indépendamment des frontières nationales. De même, les projets SESAR, ou Single European Sky ATM Research, et Coflight exercent un impact important sur les investissements du BACEA, le niveau de ses redevances de navigation et l’organisation du contrôle aérien. En revanche, le projet de regroupement des services d’approche de la région parisienne dans un nouveau centre a été reporté.
La prévision d’équilibre budgétaire pour 2012 est conforme à la programmation triennale et paraît réaliste, pour autant que ne survienne pas une profonde crise économique, qui conduirait à réviser à la baisse les prévisions de trafic et de recettes. Un déficit d’exploitation de 16,4 millions d’euros est néanmoins prévu.
Les dépenses progressent de 1,7 % hors effet de la contribution au compte d’affectation spéciale des pensions de l’État. L’évolution des dépenses est, à mon sens, assez favorable, avec une quasi-stabilisation des dépenses de personnel à périmètre constant : 496 suppressions d’emplois sont ainsi prévues sur la période 2011-2013, dont 149 en 2012.
Le budget 2012 prévoit également une réduction des dépenses de fonctionnement et une augmentation de près de 6 % des investissements.
En revanche, les recettes ne me paraissent pas suffisamment optimisées. C’est le cas des redevances de surveillance et de certification, qui ne couvrent que 34,1 % du coût global, alors qu’il faudrait largement dépasser les 50 % dans un premier temps. De même, le produit de la redevance de route, principale recette du budget annexe, diminuera en 2012, le taux unitaire étant abaissé de 3,6 %. Je m’interroge sur la stratégie consistant à diminuer le taux de cette redevance, alors que la DGAC est de plus en plus endettée...
Malgré une meilleure maîtrise des dépenses, un endettement élevé continue de peser sur le budget annexe. La dette nette devrait ainsi croître de 4,6 % en 2012. En dépit de la volonté affichée par la DGAC, le désendettement ne se traduit pas dans la réalité et paraît reporté à la prochaine programmation triennale. L’équation du désendettement suppose de garantir la maîtrise des dépenses sur le long terme et d’assurer une meilleure tarification des prestations de la DGAC.
La gestion du personnel de la DGAC s’inscrit dans un cadre original, les « protocoles sociaux » triennaux, dont la Cour des comptes conteste la légitimité. Le protocole social pour 2010-2012, qui a été signé en juillet 2010, a été remis en cause par une intersyndicale majoritaire. Leur recours a cependant été rejeté en mars dernier et il devrait entrer pleinement en vigueur en 2012. Il prévoit notamment un « retour catégoriel » équivalent à 50 % des économies générées par le schéma d’emplois sur 2010-2012. Ces mesures de revalorisation catégorielle pourraient ainsi s’élever à près de 12 millions d’euros en 2012, car elles intègrent la non-consommation de l’enveloppe de 2011.
De façon opportune, plusieurs mesures ont également été prises durant l’été 2010 pour régulariser certains aspects des primes et vacations des contrôleurs aériens. Le régime d’indexation sur l’inflation a ainsi été supprimé et un meilleur contrôle de la présence effective a été mis en place. Une réflexion est toutefois en cours sur une refonte globale du régime indemnitaire des personnels techniques de la navigation aérienne. Une grille spécifique est envisagée pour les contrôleurs. Il faudra cependant veiller à ce que cette réforme n’aboutisse pas à des primes trop généreuses pour « acheter la paix sociale ».
À ce propos, que l’on ne vienne plus nous dire que les contrôleurs aériens devraient avoir les mêmes droits que les pilotes de ligne ! Certes, leur travail est aussi important, mais il est rare qu’un avion se crashe sur la tour de contrôle ! (Rires.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. François Fortassin, rapporteur spécial. J’aimerais, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous donniez quelques éléments d’information sur ce sujet.
Enfin, je dirai quelques mots sur l’ENAC, l’École nationale de l’aviation civile, opérateur du budget annexe.
Depuis sa fusion avec le Service d’exploitation de la formation aéronautique, le SEFA, effective depuis le 1er janvier 2011, l’ENAC s’est dotée d’une nouvelle organisation et entend s’affirmer comme une école européenne de référence. Elle s’est également engagée dans une démarche de réduction du coût unitaire de la formation, qui commence à enregistrer des résultats. En revanche, je regrette que le contrat d’objectifs et de performance tarde à se concrétiser.
En dépit des réserves que j’ai émises, la commission des finances s’est prononcée, eu égard à un certain nombre d’améliorations constatées depuis un peu plus d’un an, en faveur de l’adoption des crédits de ce budget annexe. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP. –Mme Maryvonne Blondin et M. Vincent Delahaye applaudissent également.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les transports nous intéressent tous, en tant qu’élus et citoyens. Or la politique des transports est aujourd’hui en pleine évolution, comme en témoignent les Assises du ferroviaire, qui se tiennent en ce moment même.
Les défis sont multiples et peuvent se résumer en trois mots : mobilité, intermodalité et compétitivité. Les réflexions actuelles doivent aboutir à la définition d’une stratégie, en particulier pour le ferroviaire, laquelle doit conforter la crédibilité de nos entreprises de transport. Sinon, ce sera le déclin de cet atout majeur de l’économie française.
Les infrastructures de transports relèvent du programme 203, qui mobilisent 44 % des crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », soit un peu plus de 4,3 milliards d’euros. À ces crédits s’ajoutent d’importantes dotations extra-budgétaires : 1,53 milliard d’euros au titre des fonds de concours et 453 millions d’euros de dépenses fiscales, qui demeurent toutefois mal évaluées.
Les principaux facteurs de variation des crédits en 2012 sont les suivants : une augmentation sensible de la subvention versée à l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport, et des moyens consacrés à l’entretien des routes nationales, ainsi qu’une hausse des concours à Réseau ferré de France.
La seconde vague de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, comporte deux axes de modernisation. D’une part, l’élargissement du périmètre de Voies navigables de France, VNF, qui deviendra un établissement public administratif avec la création de l’Agence nationale des voies navigables. D’autre part, la réorganisation des services d’ingénierie routière, qui se traduit par la suppression de 18 % des effectifs des directions interdépartementales des routes.
En termes de performance, les indicateurs du programme révèlent des progrès lents, mais nous devons garder à l’esprit que la politique de report modal ne peut se construire que sur le très long terme.
J’en viens à présent aux opérateurs du programme et aux entreprises publiques de transport.
La subvention d’équilibre versée à l’AFITF, qui devait être temporaire, tend à devenir permanente. Elle demeure nécessaire faute de recettes pérennes suffisantes, que ce soit au titre de la fraction des amendes forfaitaires des radars, de la redevance domaniale ou de l’écotaxe poids lourds, qui ne sera mise en place qu’au cours de l’année 2013.
Il est donc prévu une augmentation importante de la subvention, qui atteindrait 1 070 millions d’euros en 2012, après la réduction adoptée par l’Assemblée nationale. Le droit d’entrée de 400 millions d’euros attendu du concessionnaire de l’autoroute A63 a finalement été encaissé le 31 octobre dernier, dès le rejet du recours. Il reste que le mode de financement de l’AFITF n’est pas réglé pour l’avenir.
Cette agence cherche aussi à se crédibiliser davantage en tant qu’instance de dialogue, d’évaluation et de conseil, notamment pour ce qui concerne les partenariats public-privé.
VNF connaît une meilleure situation financière, avec une capacité d’autofinancement qui pourrait augmenter de 14 % cette année. La subvention de l’État sera reconduite. VNF contribue à l’ambitieux plan d’investissements pour la modernisation du réseau fluvial, d’un montant de 2,5 milliards d’euros sur la période 2010-2018. Sa productivité sera accrue, avec une réduction de ses effectifs à hauteur de 69 équivalents temps plein travaillé.
En revanche, le nouveau contrat de performance n’est toujours pas conclu, mais ses trois axes sont connus.
Le secteur ferroviaire traverse actuellement une période déterminante pour son avenir. Il mobilise des montants élevés de concours publics de toute nature, puisque ceux-ci ont atteint 12,5 milliards d’euros en 2010. Ils incluent les compensations des tarifs sociaux et conventionnés par l’État et les autorités régionales, qui se sont élevées à près de 690 millions d’euros en 2010.
Les grands acteurs du ferroviaire présentent une caractéristique commune qui relève du pari suivant : rattraper le retard sur les investissements et consolider la rentabilité par la dette.
La situation financière et l’activité de la SNCF se sont améliorées en 2010 et au premier semestre de l’année 2011. Cependant, des points d’inquiétude demeurent : la rentabilité de chaque branche ne suffit pas à couvrir les investissements, la dette nette a fortement augmenté et a été dégradée par l’agence de notation Moody’s, la marge opérationnelle des TGV diminue, le fret est sinistré et perd des parts de marché, et les coûts, notamment ceux de la branche « Infrastructures », sont rigides à la baisse. Ce sont autant d’écueils qui ont justifié une réactualisation, en février dernier, par le Président de la République, de la lettre de mission de Guillaume Pepy.
De manière générale, il sera nécessaire, ainsi que le recommande le Centre d’analyse stratégique, de sortir de l’ambiguïté actuelle et de clarifier rapidement les perspectives d’ouverture à la concurrence du trafic national, en termes tant de calendrier que de périmètre et de modalités.
Des expérimentations me semblent envisageables, en particulier pour les TER, les transports express régionaux. Cette ouverture peut réellement constituer un levier de modernisation et de compétitivité, mais encore faut-il que le principal opérateur ait une vision claire de son avenir. J’espère que les Assises du ferroviaire permettront justement de clarifier les choses.
La performance de RFF met en évidence le déséquilibre de son modèle économique. Si la grande majorité des engagements commerciaux du contrat de performance sont tenus, les problèmes structurels demeurent. Le résultat opérationnel est ainsi très inférieur aux prévisions, de même que la couverture du coût complet de l’infrastructure. La trajectoire financière tend à se dégrader, et la simple maîtrise de la dette nette, qui a atteint 28,5 milliards d’euros au 30 juin dernier, n’est pas acquise. Les investissements de renouvellement des voies se poursuivent cependant à un rythme élevé, conformément au plan de rénovation du réseau.
L’année 2012 sera importante puisqu’elle devrait être marquée par la révision de la convention de gestion de l’infrastructure qui lie RFF à la SNCF.
En revanche, tous les indicateurs de la RATP sont actuellement « au vert », sauf l’endettement qui augmente. La RATP demeure confrontée à de nombreux défis que je ne détaillerai pas, mais nous demeurons vigilants sur la séparation comptable entre les activités d’exploitant et de gestionnaire d’infrastructures. Il ne faudrait pas que cela se traduise à terme, comme pour RFF, par une scission de la dette en deux composantes qui prospéreraient séparément et sans contrôle.
Je conclus sur ce programme en décernant un relatif satisfecit s’agissant de l’augmentation soutenue des crédits d’entretien du réseau routier national. Néanmoins, ce poste constitue souvent une variable d’ajustement et ne s’inscrit pas dans une programmation de long terme, au risque de devoir procéder à des réparations plus coûteuses.
Je dirai maintenant quelques mots sur le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes ».
Sa dotation en crédits de paiement diminue de 1,7 % à périmètre constant, c’est-à-dire sans prise en compte de trois mesures de transfert. Le plafond d’emplois sera fortement réduit – de 209 équivalents temps plein travaillé – et les dépenses liées au fonctionnement courant poursuivent leur baisse, conformément à l’objectif triennal.
La réorganisation de l’administration maritime, induite par la RGPP, est quasiment achevée. Les services métropolitains ont été réformés et la fonction garde-côtes a été consacrée par un décret du 22 juillet 2010.
À partir de cette année, la réforme a concerné les services déconcentrés outre-mer avec la création d’une direction de la mer dans chaque DOM.
L’École nationale supérieure maritime, l’ENSM, qui a remplacé les quatre écoles nationales de la marine marchande, est le nouvel opérateur du programme depuis cette année et bénéficiera d’une subvention de 17,6 millions d’euros. Ses quatre implantations n’ont pas été remises en cause, mais ont été spécialisées par fonction. La négociation du contrat d’objectifs doit débuter à la fin de cette année, et je regrette que le conventionnement, comme c’est trop souvent le cas, n’ait été envisagé que longtemps après la création de l’ENSM.
En termes de crédits, le budget pour 2012 repose sur les principaux arbitrages suivants : la revalorisation des subventions versées aux lycées professionnels maritimes, une diminution sensible des crédits consacrés à la plaisance, une stabilisation du stock des équipements de lutte contre les pollutions marines, ainsi que le maintien d’investissements pour poursuivre le plan de modernisation des sept CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage.
Bien que cette question ne soit pas directement liée au programme 205, je souhaite vous faire part, monsieur le secrétaire d'État, de nos inquiétudes sur le sort de la société SeaFrance, qui a été placée en liquidation judiciaire le 16 novembre dernier. Son plan de restructuration a été invalidé par la Commission européenne et le Gouvernement a annoncé un possible recours. Qu’en est-il ? Doit-on considérer que cette filiale de la SNCF est définitivement condamnée ?
J’en termine avec le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », créé l’année dernière.
Je rappelle que ce compte matérialise la compensation que l’État, en tant qu’autorité organisatrice de transports, verse à la SNCF pour l’exploitation déficitaire de 40 lignes d’équilibre du territoire. Cette compensation est assortie d’une convention, qui a été signée le 13 décembre 2010 et prévoit un système de bonus/malus en fonction de divers indicateurs.
Cette évolution est imposée par le règlement européen du 23 octobre 2007, dit « règlement OSP », qui conduit à assimiler ces lignes à une obligation de service public. Le cahier des charges de la SNCF a été modifié par un décret du 29 juillet 2011, qui a également assoupli l’encadrement des tarifs du TGV. Le compte est financé par trois taxes, la contribution de solidarité territoriale, ou CST, la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, ou TREF, et une fraction de la taxe d’aménagement du territoire, ou TAT, due par les sociétés d’autoroutes.
En l’absence de concurrence sur le transport national de voyageurs, seule la SNCF acquitte aujourd’hui les deux taxes sur les entreprises ferroviaires.
Ces deux taxes sont conçues pour faire contribuer les activités bénéficiaires de la SNCF, notamment l’exploitation des TGV. L’article 19 du projet de loi de finances, que nous avons adopté mardi dernier, aménage cependant ces recettes en augmentant le taux de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, ou TREF, pour couvrir le financement des études et l’augmentation de 70 millions d’euros du péage facturé par RFF.
En revanche, le taux de la contribution de solidarité territoriale, ou CST, est abaissé, ce qui allège la pression sur les TGV.
Au total, l’équilibre du compte reposera en 2012 sur 280 millions d’euros en recettes et dépenses, dont près de 190 millions d’euros pour le financement du déficit d’exploitation des lignes et 92,3 millions d’euros pour les investissements nécessaires à la maintenance et à la régénération des matériels roulants.
Ce mécanisme permet d’assurer la conformité au droit communautaire et d’inciter la SNCF à renforcer la performance des TET, les trains dits « d’équilibre du territoire ». Mais des difficultés pourraient surgir à moyen terme. Le renouvellement des matériels roulants n’interviendra qu’à partir de 2015 et posera sans doute un problème de financement, l’âge moyen actuel des voitures étant de trente-quatre ans.
Par ailleurs, certaines lignes sont considérées comme « sensibles », parmi lesquelles cinq lignes d’équilibre du territoire. La SNCF a cependant engagé un plan d’action en janvier dernier.
Enfin, l’avenir des TET devra être envisagé dans le cadre d’une possible ouverture à la concurrence des lignes nationales.
En conclusion, la commission des finances a émis un avis défavorable sur les crédits des programmes 203 et 205 et du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Mais, à titre personnel, je recommande à nos collègues de les voter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également. )
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la politique de sécurité routière devrait mobiliser au total 2,7 milliards d’euros en 2012, dont 56,3 millions d’euros au titre du programme 207 « Sécurité et circulation routières », hors dépenses relatives aux 2 516 emplois.
Après une stabilité en 2009, la mortalité routière a repris sa tendance baissière en 2010. L’année 2011 a mal démarré, avec une hausse de près de 13 % du nombre de personnes tuées lors des quatre premiers mois, ce qui a motivé une réunion d’urgence du comité interministériel de la sécurité routière. Cette évolution préoccupante a, ensuite, été totalement compensée puisque, à la fin du mois d’octobre, la mortalité s’inscrivait en légère baisse par rapport à la période correspondante de 2010. On peut donc espérer une nouvelle baisse sur l’année 2011. L’effort devra bien sûr être maintenu pour atteindre l’objectif de moins de 3 000 tués d’ici à deux ans.
Le comité interministériel du 11 mai a renforcé le volet répressif, en particulier les sanctions de certaines infractions. Le volet préventif est plus réduit, mais prévoit néanmoins la sécurisation de l’usage des deux-roues et la relance du Conseil national de la sécurité routière, dont la commission des finances avait critiqué l’inactivité l’année dernière. J’aimerais toutefois que le ministre puisse nous faire un premier bilan de la formation obligatoire de sept heures pour les nouveaux conducteurs de deux-roues, qui a été introduite début 2011.
Les crédits du programme 207 « Sécurité et circulation routières » diminuent en 2012 de 2,3 %. Les variables d’ajustement portent sur les études, les investissements de rénovation des centres d’examen et les formations, mais les partenariats locaux et les crédits d’organisation des examens sont préservés. La Délégation à la sécurité et à la circulation routières dispose depuis cette année d’un nouveau prestataire de conseil stratégique, qui doit l’aider à bâtir une nouvelle stratégie de communication. Peut-être M. le secrétaire d'État peut-il nous apporter quelques précisions sur les axes qui seront privilégiés ?
Enfin, le mécanisme de cautionnement public du dispositif du « permis à un euro par jour » démarre lentement. Pour l’instant, il est loin de remplir ses objectifs quantitatifs de 20 000 prêts cautionnés. Les conventions entre la Caisse des dépôts et les banques partenaires n’ont été signées qu’en juin 2010 et, entre octobre 2010 et mars 2011, seuls 23 prêts sur 43 853 ont été cautionnés. On ne peut pas dire que ce soit un brillant succès ! Ce dispositif est peut-être trop technocratique. L’enveloppe budgétaire pour 2012 repose toutefois sur des hypothèses relativement crédibles, même si l’objectif de 11 000 prêts me paraît encore bien optimiste.
J’en viens, à présent, au compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », qui a succédé, cette année, à l’ancien compte sur les radars.
Je rappelle que la création de ce compte a permis de simplifier l’affectation et l’architecture budgétaire du produit des amendes. Le compte est ainsi alimenté désormais par l’essentiel du produit des amendes « radars » et « hors radars », soit environ 1,4 milliard d’euros en 2012, le solde revenant à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, FIPD.
Le pilotage de ce compte a été simplifié avec le transfert de la Délégation à la sécurité et à la circulation routières au ministère de l’intérieur. De même, la création, en mars dernier, de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, ANTAI, qui assure notamment le fonctionnement du Centre national de traitement des amendes de Rennes, contribue à la simplification de l’organisation administrative. Son contrat de performance devrait être conclu d’ici à la fin de l’année.
En revanche, je regrette que cette agence puisse recourir à l’emprunt. Je n’en comprends guère la raison et je ne peux que constater que cette faculté concourt potentiellement à la segmentation de la dette publique, donc à accroître la difficulté de sa maîtrise.
Ce compte d’affectation spéciale finance cinq types de dépenses : le déploiement et l’entretien des radars, la modernisation du fichier national des permis de conduire, le déploiement du procès-verbal électronique, les dotations aux collectivités territoriales, qui continuent d’être réparties par le comité des finances locales, et le désendettement de l’État. Les collectivités devraient, à ce titre, recevoir près de 700 millions d’euros en 2012, soit une hausse de 5,7 % par rapport à 2011.
Nous le savons, la verbalisation des infractions connaît des lacunes, en particulier s’agissant des deux-roues, des poids lourds et des véhicules étrangers. L’adoption, le 29 septembre 2011, d’une directive tendant à faciliter les poursuites transfrontalières représente toutefois une avancée majeure. Elle complétera efficacement les accords bilatéraux que la France a conclus avec certains pays, en particulier l’Allemagne, la Belgique et la Suisse.
De plus, l’intensification et la diversification des contrôles radars vont se poursuivre, l’objectif de déploiement de 4 500 dispositifs de contrôle ayant été reporté à 2013.
Outre les radars fixes classiques, on trouvera sur nos routes davantage de radars tronçons, de radars chantiers, de radars feux rouges ou de radars mobiles. Les radars discriminants permettent également de verbaliser les poids lourds selon leurs limitations spécifiques. Il est ainsi prévu d’installer 451 nouveaux radars en 2012. À ces dispositifs s’ajoutent les désormais célèbres radars pédagogiques, annoncés en mai dernier.
Je formulerai cependant deux remarques.
Premièrement, la maintenance du parc coûte très cher, 3,5 fois plus que le déploiement des nouveaux radars. On peut comprendre qu’il faille disposer de radars opérationnels pour assurer la crédibilité de la répression. Mais est-il vraiment nécessaire de recourir systématiquement à la maintenance « préventive » ? À tout le moins, il importe de savoir dans quelle mesure cette maintenance permet, au final, de réaliser des économies sur la réparation et le remplacement des radars.
Deuxièmement, après avoir été longtemps surévalué, le produit des amendes des radars a été sous-évalué en 2011. Il est prévu d’affecter 20 millions d’euros du surcroît de recettes au financement des nouveaux radars, en particulier des radars pédagogiques.
Ces dépenses ne nous paraissent pas prioritaires dans le contexte budgétaire actuel et par rapport à l’impératif de réduction de notre dette, auquel le Gouvernement nous a dit être très attaché. C’est pourquoi, en cohérence avec un amendement adopté mardi dernier, la commission des finances vous proposera d’affecter cette somme au désendettement de l’État, porté par le programme 755 du compte.
Le procès-verbal électronique représente une modernisation bienvenue de la constatation des infractions et du recouvrement des amendes. Il doit, à terme, permettre d’étendre l’information et les moyens de paiement des contrevenants, de réduire les coûts de fonctionnement et de relever le taux de recouvrement des amendes. J’aimerais toutefois que le Gouvernement se montre plus précis sur le « retour sur investissement ». Le coût de déploiement sera-t-il vraiment financé, à terme, par une augmentation du montant des amendes émises et recouvrées ?
Enfin, le développement du projet dénommé FAETON, c’est-à-dire l’application qui remplacera le Système national des permis de conduire, ou SNPC, tend à s’accélérer depuis qu’il a été confié, cette année, à l’Agence nationale des titres sécurisés, ou ANIS. L’échéance communautaire du 19 janvier 2013 devrait pouvoir être respectée de justesse, et le décret de transposition de la troisième directive sur le permis de conduire a été pris le 9 novembre dernier, soit près de cinq ans après l’adoption de cette dernière.
La commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption des crédits de ce compte d’affectation spéciale, sous réserve de sa modification par l’amendement que je vous présenterai tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme les années précédentes, je commenterai rapidement les crédits du programme 113, nos collègues l’ayant fait avant moi avec les précisions qui sont les leurs. Je vous présenterai ensuite les conclusions d’une réflexion menée, cette année, sur le thème du Conservatoire du littoral.
L’analyse des crédits paraît rassurante au regard des craintes que la commission de la culture avait exprimées l’année dernière. En effet, le budget proposé pour 2012 opère un net rattrapage sur les thèmes de la biodiversité, des milieux marins et des parcs nationaux. La dynamique de création des nouveaux parcs est d’ailleurs accompagnée de huit équivalents temps plein travaillé supplémentaires. Les crédits destinés aux espaces protégés augmentent, quant à eux, de 46 %, tandis qu’il est prévu 1 million supplémentaire par rapport à 2011 pour les réserves naturelles nationales. Enfin, 15 millions d’euros sont prévus pour la Stratégie nationale pour la biodiversité.
Évidemment, d’autres crédits diminuent, comme ceux qui sont destinés à Natura 2000 ou aux architectes-conseils et aux paysagistes-conseils. La mission de ces derniers me paraît pourtant essentielle, et leur situation sera délicate, avec une chute de 20 % de leurs crédits.
Je souhaite faire ici une observation relative au phénomène de financiarisation de la protection de la biodiversité, avec la création d’un marché financier de compensation des dommages causés à la biodiversité. Outre les questions de propriété qu’un tel marché peut soulever, il me paraît nécessaire d’engager une réflexion sur les conséquences d’une logique compensatoire pour le patrimoine naturel, en y associant bien entendu le Sénat.
J’en viens à la thématique que j’ai choisi de détailler cette année. Il s’agit du Conservatoire du littoral, créé en 1975, qui a pour mission de conduire une politique foncière de sauvegarde et de gestion durable de l’espace littoral et des milieux naturels associés. C’est une institution dont le modèle de gouvernance est salué par tous : la restauration et l’aménagement des terrains sont assurés par le Conservatoire, qui est propriétaire, tandis que la gestion est confiée en priorité aux collectivités territoriales.
Le Conservatoire est un outil unique et exemplaire qui a déjà fait ses preuves, notamment dans la mise en œuvre de la politique dite du « tiers sauvage ». En effet, le Conservatoire a déjà atteint la moitié de l’objectif de protection du linéaire côtier et un tiers de l’objectif de protection en termes de surface.
Au total, ce sont plus de 139 000 hectares qui sont protégés, notamment en outre-mer, où le Conservatoire a permis la valorisation de sites emblématiques qui ont ainsi pu être restitués au public. Ces résultats constituent un véritable succès pour le Conservatoire, dont il faut souligner l’efficacité en trente-cinq ans d’existence.
Aujourd’hui, dans un contexte de crise certes, on constate une évolution des moyens et des missions du Conservatoire.
Tout d’abord, le Président de la République a annoncé le transfert de soixante à soixante-dix phares au Conservatoire d’ici cinq à dix ans. La gestion patrimoniale de ces phares constitue donc une nouvelle mission pour cet établissement public, qui devra ainsi assurer de lourdes charges d’entretien. Le Conservatoire cherche actuellement des solutions innovantes, comme les délégations de gestion.
Toutefois, d’autres sujets de préoccupation budgétaire le concernent. Une réflexion avait été engagée pour élargir l’assiette de la taxe qui constitue sa principale ressource et en augmenter le produit ; il s’agit du droit annuel de francisation et de navigation, ou DAFN. Alors que cette réforme est toujours en attente d’arbitrage, le DAFN est de surcroît plafonné en application de l’article 16 ter du présent projet de loi de finances inséré par l’Assemblée nationale, ce qui représente un manque à gagner de près de 2 millions d’euros.
D’autres arbitrages budgétaires risquent de fragiliser davantage le Conservatoire, comme celui de l’éventuel transfert de la mission de gestion opérationnelle jusqu’alors confiée à l’Office national des forêts, ONF, en outre-mer.
C’est dans ce contexte délicat que le Conservatoire œuvre pour une revalorisation du travail de ses agents de terrain, très modestement rémunérés, alors qu’ils jouent un rôle essentiel.
Ces éléments m’amènent à formuler deux observations.
Premièrement, il est absolument nécessaire de faire aboutir la réforme du DAFN, qui pourrait passer soit par un abaissement du seuil de puissance, soit par l’élargissement de son assiette aux scooters des mers. En outre, il faut envisager des contributions adaptées qui correspondraient à l’utilisation réelle des phares pour la navigation. D’autres pistes pourraient d’ailleurs être envisagées : pourquoi ainsi ne pas affecter au Conservatoire du littoral le droit de passeport des navires de plaisance ? Cela soulèverait, naturellement, un certain nombre de questions.
Deuxièmement – et c’est à mon sens le point essentiel dans un contexte de rigueur budgétaire –, il faut que l’État s’engage, comme il l’a fait par le passé, à dégager des crédits pour que le Conservatoire du littoral puisse réagir lorsque des occasions d’acquisition se présenteront. Certaines peuvent ne pas se représenter pendant des années, et il est essentiel que le Conservatoire ait les moyens de mener la politique d’acquisition et de protection de l’espace littoral qui lui est confiée.
En conclusion, contrairement à ma proposition d’avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2012 (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), la commission de la culture a, dans sa majorité, émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a confié à cinq corapporteurs l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
En ce qui me concerne, je traiterai des crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».
Les crédits, de 693 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2012, sont en baisse de 6,5 % ; mais des dépenses fiscales importantes sont rattachées à ce programme, au premier rang desquelles le crédit d’impôt développement durable, le fameux CIDD ! J’y reviendrai plus longuement.
Je commencerai par une remarque sur la lutte contre le changement climatique.
Les mesures en faveur de la qualité de l’air font l’objet d’une diminution importante de 6,6 millions d’euros en 2012 contre 15 millions d’euros en 2011, soit une baisse d’environ 60 %. Je relève notamment que la pollution par les particules entraîne, chaque année, la mort de 40 000 personnes.
Pourtant, les crédits consacrés au plan particules diminuent de 3,8 millions d’euros à 253 000 euros, soit une réduction d’environ 90 % !
Cela dit, les priorités définies par ce programme m’ont conduit à faire le point sur l’avancement de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement concernant les questions énergétiques. Le CIDD est un crédit d’impôt, dont le taux pouvait atteindre, à l’origine, 50 %, pour des dépenses d’équipement portant sur l’efficacité énergétique ou l’intégration d’énergies renouvelables. L’article 43 du projet de loi de finances pour 2012 vise à recentrer le dispositif sur les rénovations importantes, qui apportent de meilleurs résultats en termes d’efficacité énergétique.
Cette disposition apparemment vertueuse présente deux inconvénients. D’une part, je crains que les ménages à faibles revenus n’aient qu’un accès limité au dispositif, car ils n’auront pas nécessairement, en période de crise économique, les moyens de mener des « bouquets » de travaux importants dans leur logement. D’autre part, les sommes consacrées au total au CIDD diminuent considérablement, puisqu’elles sont estimées à 1,4 milliard d’euros pour 2012, contre 2,625 milliards d’euros en 2010. Or ces chiffres ne prennent pas en compte la diminution supplémentaire de 20 % des taux de ce crédit d’impôt, annoncée par le Premier ministre le 7 novembre dernier et votée par l’Assemblée nationale. De plus, les professionnels souffrent de la grande instabilité de ce dispositif, qui les prive de la visibilité dont ils ont besoin pour planifier leurs investissements. Je considère donc que le recul du CIDD porte préjudice à la capacité de notre pays à atteindre les objectifs d’amélioration de son efficacité énergétique qu’il s’est lui-même fixés.
Or, force est de le constater, les autres objectifs du Grenelle de l’environnement risquent eux aussi de ne pas être atteints sans une inflexion des politiques menées actuellement. Ainsi le constat n’est-il guère optimiste pour ce qui concerne le développement des énergies renouvelables.
En premier lieu, la production de biocarburants s’est beaucoup développée depuis 2006, passant de 680 kilotonnes-équivalent-pétrole à 2 708 kilotonnes-équivalent-pétrole par an. On sait cependant qu’il faudra veiller, à l’avenir, à donner la priorité à la production alimentaire.
En second lieu, l’électricité d’origine renouvelable progresse de manière insuffisante. L’éolien avance à un rythme de 1 000 mégawatts par an environ, alors qu’il faudrait plutôt viser 1 400 mégawatts, pour parvenir à une puissance installée de 19 000 mégawatts en 2020, conformément aux objectifs fixés. Le poids de la réglementation ne cesse de s’accroître sur les porteurs de projet. La limitation du tarif d’achat aux parcs d’éoliennes comportant au moins cinq mâts bloquerait environ 10 % des projets en France et la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, s’ajoute à celle qui est liée à l’obtention d’un permis de construire. S’agissant de l’éolien en mer, pour lequel la France ne manque pas d’atouts, il faut espérer que les appels d’offres porteront rapidement leurs fruits et permettront de créer enfin une véritable filière industrielle.
Le secteur photovoltaïque, pour sa part, a accumulé les difficultés. À un contexte international de surproduction s’est ajoutée, en France, une évolution réglementaire pour le moins chaotique. Les tarifs d’achat baissent de manière difficilement prévisible et les critères du Grenelle de l’environnement sont interprétés comme un plafond, alors qu’il devrait s’agir d’un plancher. Le secteur aurait perdu environ 10 000 emplois.
La production de chaleur, qui représente plus de la moitié des objectifs du Grenelle de l’environnement en matière de développement des énergies renouvelables, est aussi en retard. Alors que l’efficacité du fonds chaleur renouvelable est reconnue, celui-ci ne peut plus espérer, dans le contexte budgétaire actuel, qu’un maintien de ses financements et non une augmentation, pourtant nécessaire, et d’ailleurs prévue, pour atteindre les objectifs fixés en matière de production de chaleur.
Je formulerai une dernière remarque, relative à la filière nucléaire. Je m’interroge sur les conditions de coopération au sein de « l’équipe de France du nucléaire », qui réunit Areva et EDF. Est-il normal qu’EDF se fournisse en combustible auprès de la filière française pour moins de la moitié du tonnage nécessaire ? Je ne saurais trop engager l’État à garantir une coopération renforcée entre les entreprises dont le capital est majoritairement public.
En conclusion, je regrette que les avancées du Grenelle de l’environnement ne soient que partiellement traduites dans les faits, alors que la promotion des énergies renouvelables devrait être l’une des grandes priorités de la politique énergétique. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission de l’économie de rendre un avis défavorable sur les crédits du programme 174. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’avis de la commission de l’économie sur les crédits affectés à la sécurité routière, qui font l’objet du programme 207 « Sécurité et circulation routière », du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
À la suite de l’examen du programme « Sécurité et circulation routières » par l’Assemblée nationale, les crédits de paiement et les autorisations d’engagement s’élèvent finalement à 54,6 millions d’euros, contre 57,6 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2011.
Cette baisse des crédits doit toutefois être relativisée au regard de l’effort de l’État en matière de sécurité routière, qui représentera 2,7 milliards d’euros en 2012, soit 82 millions d’euros de plus qu’en 2011.
Les chiffres en matière de sécurité routière sont encourageants. Entre le 1er novembre 2010 et le 31 octobre 2011, 3 980 personnes ont perdu la vie à la suite d’un accident de la route. Bien que ce chiffre résume de trop nombreux drames humains, il représente pourtant, selon le ministère de l’intérieur, le « plus bas niveau depuis l’après-guerre ». C’est pourquoi on ne peut qu’apporter un soutien sans faille, me semble-t-il, à la politique gouvernementale en matière de lutte contre l’insécurité routière, laquelle, je le rappelle, a permis, depuis 2002, de sauver 23 000 vies et d’éviter 300 000 blessés. Toutefois, nous ne devons pas relâcher nos efforts, car l’objectif fixé par le Président de la République est de passer en 2013 sous la barre des 3 000 morts en France métropolitaine.
J’accorde par ailleurs une attention toute particulière à la sécurité des cyclistes. Notre pays a pris un important retard par rapport à nos voisins européens, malgré quelques mesures emblématiques comme les bornes de vélo en libre-service dans certaines grandes villes. Aussi le ministère des transports a-t-il mis en place, le 13 juillet dernier, un groupe de travail sur le développement de l’utilisation du vélo, auquel j’ai l’honneur de participer, et qui est chargé de préparer, pour le début de l’année 2012, des assises du vélo.
J’en viens à l’examen du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Son volume est considérable, car il atteint en 2012 pratiquement 1,4 milliard d’euros, soit une hausse de plus de 100 millions d’euros par rapport à 2011. Les priorités fixées par le Gouvernement dans le cadre de ce compte d’affectation spéciale me semblent aller dans le bon sens, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, je suis favorable aux mesures concernant les radars annoncées en mai dernier par le Gouvernement, car elles ont permis de mettre un terme à la hausse des accidents enregistrée au début de l’année.
Ensuite, je me félicite de constater que les collectivités territoriales bénéficient d’une grande partie des recettes des amendes, puisqu’elles reçoivent, d’une part, 160 millions d’euros provenant des amendes forfaitaires radars et, d’autre part, pratiquement 700 millions d’euros tirés des autres amendes, aux fins d’améliorer les transports en commun et la sécurité routière.
Enfin, j’estime que le Gouvernement a fait le bon choix en « fléchant » près d’un demi-milliard d’euros de recettes vers le désendettement de l’État, compte tenu de la grave crise financière que traversent les États européens.
Toutefois, je voudrais exprimer trois regrets.
Premièrement, le Gouvernement n’est peut-être pas allé assez loin dans la réforme de la politique de stationnement, alors que les avantages de la dépénalisation et de la décentralisation à la carte des amendes de stationnement sont réels.
Deuxièmement, les actes de vandalisme contre les radars, dont le coût est prohibitif, ne sont pas suffisamment combattus.
Troisièmement, le mode de répartition des ressources issues des amendes-radars demeure beaucoup trop complexe et n’est pas toujours conforme à la définition d’un compte d’affectation spéciale.
S’agissant, enfin, du transport aérien, sa reprise a permis une évolution positive des comptes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », bien que la question de son endettement demeure entière. La navigation aérienne devra faire face, en 2012, au défi majeur du ciel unique européen. Celui-ci devra fonctionner malgré l’existence d’entités de contrôle aérien séparées dans chaque pays : est-ce véritablement la meilleure manière de parvenir à la fusion des espaces aériens, dont l’objectif est d’optimiser les parcours, de réduire les temps de trajet et de diminuer de 10 % environ les émissions de gaz à effet de serre de l’aviation civile ?
J’avais invité la commission de l’économie à émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », mais celle-ci n’est finalement favorable qu’aux crédits affectés au budget annexe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, rapporteur pour avis.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai pour mission, en tant que rapporteur, de vous présenter l’avis de la commission de l’économie sur le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes ».
Plutôt que de revenir sur la présentation proprement dite des crédits, je formulerai quatre recommandations.
Premièrement, je souhaite que le Gouvernement présente, lors du prochain projet de loi de finances initiale, un document de politique transversale, ou DPT, sur la mer. La France possède en effet le deuxième domaine maritime du monde, grâce à ses 5 000 kilomètres de côtes et ses 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Nous disposons, je le rappelle, avec les États-Unis, de la première zone économique maritime au monde, ce qui devrait nous inciter à accorder une importance particulière au monde maritime.
Ce DPT fait l’objet d’une demande forte non seulement des acteurs professionnels concernés, mais aussi de notre collègue Odette Herviaux, rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il s’inscrit en outre dans le prolongement des travaux du Grenelle de la mer et reprend l’une des préconisations d’un audit réalisé en 2007 par le Comité interministériel d’audit des programmes, le CIAP.
En effet, les crédits liés au monde maritime sont aujourd’hui dispersés dans de multiples programmes. À défaut de ce DPT sur la mer, et compte tenu de la réforme en cours de la politique européenne de la pêche, je souhaite que le Parlement puisse disposer au moins d’un DPT sur la politique de la pêche.
Deuxièmement, il faut renforcer l’efficacité et le suivi du contrôle des pêches, en procédant à la refonte de l’objectif n° 3 du programme. Les 300 agents chargés de contrôler et de surveiller les affaires maritimes effectueront en 2011 et 2012 moins de 15 000 contrôles annuels des pêches, contre 24 000 environ en 2010. Le document budgétaire ne fournit guère d’explications sur cette diminution. On ignore également la répartition géographique des contrôles, ainsi que la nationalité des navires contrôlés. Or, lors de son audition devant notre commission, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, nous a indiqué que les contrôles effectués étaient en nombre nettement supérieur à ceux qui étaient prévus. Il ne serait donc pas inutile de repenser cet indicateur. La Cour des comptes est d’ailleurs en train d’effectuer une évaluation du contrôle des pêches et ses conclusions feront l’objet d’une vigilance particulière de ma part.
Troisièmement, la réforme de l’enseignement supérieur maritime doit être menée à son terme. L’École nationale supérieure maritime, l’ENSM, a été créée à la suite de l’adoption de l’article 53 de la loi du 8 décembre 2009 et de la publication du décret du 28 septembre 2010. L’école regroupe actuellement les quatre sites du Havre, de Marseille, de Nantes et de Saint-Malo. Il convient de poursuivre la rationalisation de leur fonctionnement. Une attention particulière doit être accordée au transfert de l’établissement du Havre à Sainte-Adresse : l’État s’est en effet engagé à mobiliser dans ce cadre 7 millions d’euros, dont 300 000 euros pour l’étude de préfiguration.
Plus globalement, la réforme du cursus des élèves de la filière académique permettra une plus grande ouverture et une meilleure reconnaissance de l’école, ainsi qu’une stabilité accrue du recrutement. Il est donc nécessaire de sensibiliser dès à présent les élèves de ces écoles au renouveau de la dimension maritime de la France qui s’annonce. Il convient notamment de mettre en avant les futurs débouchés, que nous espérons nombreux, dans le secteur de la pêche. Je rappelle que notre pays ne satisfait qu’à 15 % de ses besoins en poissons et crustacés : la marge de progression est donc importante.
Quatrièmement, l’État doit veiller à la soutenabilité du budget de l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM. Cet établissement gère le régime spécial de sécurité sociale des marins, qui couvre les risques maladie, maternité, invalidité, décès et accidents du travail, ainsi que le risque vieillesse. Pour assurer l’équilibre de ce régime, le besoin global de financement s’établit à 1,165 milliard d’euros, dont 856,4 millions d’euros proviennent d’une subvention versée par l’État et 284,7 millions d’euros d’une contribution de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés à l’équilibre de la branche maladie du régime des marins. L’État voit ainsi sa subvention s’accroître : elle s’élevait à seulement 778 millions d’euros en 2010. Compte tenu des évolutions démographiques du secteur, il est à craindre que les besoins de financement du budget de l’ENIM n’aillent croissant dans les années à venir.
Avant de conclure, je rappelle que nous devons être très attentifs à la réforme de la politique commune de la pêche qui se prépare. Nous devons aussi poursuivre notre effort de suivi de la réforme portuaire, dans la continuité des travaux du groupe de travail de notre commission.
J’avais invité la commission de l’économie à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Dans sa majorité, la commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, bien entendu, je voterai les crédits proposés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, rapporteur pour avis.
M. Roland Ries, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous présenter, sur trois sujets liés aux transports, des observations inspirées par le souci de respecter le Grenelle de l’environnement, dans sa lettre mais aussi dans son esprit.
J’observe tout d’abord que le projet de budget ne donne pas suffisamment la priorité à l’entretien de nos réseaux de transports, quels qu’ils soient.
Nous savons que le programme 203 « Infrastructures et services de transport » est la principale victime des deux « coups de rabot » décidés par le Gouvernement : ses crédits ont été amputés de 98 millions d’euros par l’Assemblée nationale.
Dans le domaine ferroviaire, 300 millions d’euros manqueront chaque année, d’ici à 2015, selon les estimations de Réseau ferré de France, pour répondre, en régénérant le réseau, aux objectifs du scénario C préconisé par le rapport de l’École polytechnique de Lausanne.
Dans le domaine routier, la seule hausse des crédits de paiement de l’action n° 12 Entretien et exploitation du réseau routier national ne suffira pas à enrayer la dégradation inquiétante de nos routes, après des années de crédits insuffisants. Je suis d’autant plus inquiet que les députés souhaitent autoriser la circulation des poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux, dont on sait pourtant qu’ils sont très agressifs pour les chaussées et les ponts. C’est un choix que je n’approuve pas.
Enfin, la remise à niveau du réseau magistral fluvial n’est toujours pas achevée, alors même que le Parlement examine actuellement le projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables.
J’observe ensuite que le projet de budget ne donne pas davantage la priorité aux modes de transport alternatifs à la route.
La baisse des crédits de l’action n° 11 Développement des infrastructures fluviales et ferroviaires nuira bien entendu à la relance de nos ports.
S’agissant du réseau routier, je déplore que l’action n° 1 Développement des infrastructures routières englobe indifféremment les crédits liés au développement du réseau et ceux destinés à sa modernisation, de sorte qu’il est impossible de savoir quels projets profiteront de l’augmentation de 60 % des autorisations d’engagement affectées à cette action.
Si je ne nie pas la nécessité d’investir fortement dans l’entretien et la modernisation de notre réseau routier, je suis beaucoup plus réticent à l’égard du développement du réseau et de la construction d’infrastructures routières nouvelles qui, inévitablement, pèseront sur le choix modal de nos concitoyens.
À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il dégagé les crédits nécessaires à l’établissement des cahiers des charges des onze projets de désenclavement routier ? Le 8 juin dernier, à l’unanimité, le groupe de suivi de notre commission sur le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, a apporté son soutien à ces projets, compte tenu des enjeux qu’ils représentent pour l’aménagement du territoire et la sécurité routière.
J’observe aussi que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, ne bénéficie pas, contrairement à ce qui a été dit, de ressources suffisantes à court, moyen et long terme.
À court terme, elle verra ses ressources fondre : la baisse sera de plus de 280 millions d’euros l’an prochain.
À moyen terme, elle devrait certes bénéficier de la taxe poids lourds. Mais, pour l’heure, elle pâtit cruellement des nombreux retards pris dans sa mise en place, prévue en 2013. Au bout du compte, chaque année de retard contraint l’État au versement d’une subvention d’équilibre de 1 milliard d’euros : chaque mois perdu creuse un peu plus la dette !
À long terme, si l’on veut réaliser le SNIT, dont l’avant-projet vient d’être envoyé au Conseil économique, social et environnemental, 1 milliard d’euros au bas mot manqueront à l’agence chaque année, même lorsque la taxe poids lourds sera entrée en vigueur. Il faudra par conséquent hiérarchiser les projets du SNIT et réfléchir, pour l’AFITF, à de nouvelles ressources fiables et à fort rendement.
Je souhaite enfin que l’État poursuive ses efforts en matière de transports en commun en milieu urbain. La possibilité de lancer un troisième appel à projets doit être étudiée.
En outre, notre commission a adopté un amendement très important destiné à instaurer un versement transport « interstitiel » au bénéfice des régions, ce qui permettra de financer les TER. Nous l’examinerons en séance publique au début du mois de décembre.
Afin que la route finance davantage le train, je souhaite rééquilibrer les recettes du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » au moyen d’une hausse progressive de la taxe d’aménagement du territoire acquittée par les sociétés autoroutières.
J’appelle également l’État à jouer pleinement son nouveau rôle d’autorité organisatrice de transports pour les trains d’équilibre des territoires, en imposant à la SNCF des objectifs ambitieux de qualité de service.
S’agissant enfin du compte d’affectation spéciale « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », je salue l’initiative des députés qui l’ont transformé en compte de concours financier : de cette façon, le Gouvernement devra désormais équilibrer les recettes du malus et les dépenses du bonus. Il n’y a pas de raison, en effet, que la réduction de la pollution imputable aux véhicules neufs se fasse au détriment des finances publiques !
Pour conclure, la commission de l’économie a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». En revanche, elle a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financier « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », ainsi qu’à l’adoption de l’article 50 relatif à la taxe hydraulique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’exercice 2012 sera marqué, en matière d’environnement, par l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité et la priorité donnée à la sûreté nucléaire.
Au cours de l’examen du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, les crédits du programme 113 « Urbanisme, paysage, eau et biodiversité » et ceux du programme 181 « Prévention des risques » ont été réduits de 12 millions d’euros. Je ne m’y attarderai pas. Toutefois je tiens à noter que, malgré le contexte budgétaire contraint, les autorisations d’engagement allouées à ces programmes augmentent de près de 6 % par rapport à l’année dernière. Si je ne peux que m’en réjouir, monsieur le secrétaire d’État, je me pose néanmoins certaines questions.
S’agissant d’abord du programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité », je constate que les deux « coups de rabot » intervenus à l’Assemblée nationale ont réduit de 6 millions d’euros les autorisations d’engagement qui s’élevaient, dans le projet de loi de finances initial, à 361 millions d’euros. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que les crédits destinés à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et, notamment, de la stratégie nationale pour la biodiversité seront épargnés par cette diminution ?
L’année 2012 constitue aussi un rendez-vous important pour les agences de l’eau, qui devront adopter leur dixième programme d’intervention. En adoptant l’article 51 quinquies, l’Assemblée nationale a porté de 108 à 128 millions d’euros la somme qui sera prélevée sur leurs budgets en 2012 pour financer l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d’État, que cette mesure ne pèsera pas trop sur ces agences ?
S’agissant ensuite du programme 181 « Prévention des risques », j’observe que les crédits relatifs à la prévention des risques technologiques et des pollutions connaissent l’augmentation la plus forte : elle s’élève à 17 %. L’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, a pris beaucoup de retard. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, à quel moment la totalité des PPRT seront prescrits et approuvés ?
Concernant les crédits de la sûreté nucléaire, si les recommandations de simplification émises par l’Office parlementaire pour l’évaluation des choix scientifiques et technologiques ont été mises en œuvre par l’attribution directe de moyens à l’Autorité de sûreté nucléaire, pourquoi n’avoir pas achevé le regroupement de tous ces crédits au sein d’un seul programme ?
Enfin, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », a reçu des dotations exceptionnelles pour absorber le choc des acquisitions de biens décidées à la suite de la tempête Xynthia. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous garantir que l’équilibre entre les dépenses et les recettes de ce fonds sera assuré à l’avenir ?
En définitive, monsieur le secrétaire d’État, j’ai proposé à la commission d’approuver les crédits affectés à ces deux programmes. Celle-ci en a décidé autrement. Je le regrette et, à titre personnel, je voterai les crédits proposés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour l’année 2012 étaient, dans le projet de loi de finances initial, en baisse de 2 % en autorisations d’engagement et en hausse de 2,4 % en crédits de paiement par rapport à ceux votés en 2011. Leur montant a été diminué, à l’Assemblée nationale, par l’adoption, à la dernière minute, de deux amendements du Gouvernement : le budget de la mission a été amputé de 84 millions d’euros, puis de 55,6 millions d’euros. Après s’être prévalu, dans un premier temps, d’avoir augmenté les crédits de cette mission, le Gouvernement a donc fait supporter par les députés la responsabilité de leur diminution, au nom d’une rationalité économique imposée dans l’urgence par les agences de notation…
Au sein de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », le programme 203 « Infrastructures et services de transports » est le plus touché : l’adoption des deux amendements a réduit ses crédits de 98,5 millions d’euros.
Par exemple, le montant des crédits alloués aux voies navigables – initialement fixés à 840 millions d’euros – a été réduit de 5 millions d’euros. Ces sommes sont très inférieures aux besoins qui résultent du plan de relance de la voie d’eau et aux 2,5 milliards d’euros nécessaires, d’ici 2018, pour financer la régénération de ces voies. Et je ne parle pas des projets inscrits au schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, dont le coût est évalué à 13 milliards d’euros : ils ressemblent de plus en plus à des déclarations d’intention…
Or les besoins en investissements sont réels, qu’il s’agisse de la régénération du réseau ferroviaire, de la relance du fret ferroviaire, de la maintenance des routes – qui risque de connaître le même sort que celle du réseau ferroviaire – ou de l’entretien des voix navigables.
Nous savons tous que les réseaux de transports sont décisifs non seulement pour stimuler le commerce, l’attractivité économique et la nécessaire réindustrialisation de nos territoires, mais aussi pour garantir à tous un accès aux besoins et services de base que sont le travail, la santé et l’éducation.
Vous promettiez, voilà deux ans, d’investir 13 milliards d’euros dans le plan de régénération du réseau ferré, 870 millions d’euros pour le transport dans le cadre du plan de relance face à la crise et 7 milliards d’euros dans le plan fret d’avenir.
Nous ne pouvons que constater la baisse continue de la part modale du fer, qui peine à atteindre les 10 %. Il faudrait au moins 20 % de croissance par an pour atteindre l’objectif de part modale fixé par le Grenelle.
Rien ne semble engagé pour enrayer la spirale infernale dans laquelle RFF est entraîné. Les concours de l’État baissent, les péages augmentent et la dette explose : le blocage du système ferroviaire semble, dans ces conditions, irréversible. Ainsi, le concours de l’État à la gestion des infrastructures ferroviaires est en baisse, à 2,54 milliards d’euros, contre 2,654 milliards d’euros en 2011.
La régénération de 3 940 kilomètres de voies ferrées engagée en 2006 ne se fera donc qu’à la faveur d’une augmentation des péages en 2012. Ces péages étant payés par les opérateurs à RFF, le transfert de charge porte encore principalement sur la SNCF. L’État continue donc de maltraiter les services publics que sont RFF et la SNCF.
La subvention de l’État à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, qui était déjà en baisse dans le précédent budget, poursuit sa chute – presque 290 millions d’euros de moins par rapport à 2011. Pourtant, l’AFITF devra, « d’ici à 2014, procéder à des financements s’élevant à plus de 13,91 milliards d’euros ». Le décalage énorme entre les moyens de l’AFITF et les besoins persiste et, une fois n’est pas coutume, les documents budgétaires soulignent la situation financière intenable de l’agence. En cinq ans d’existence, elle a perçu 10 milliards d’euros de recettes, alors même qu’elle s’est engagée à payer 17 milliards d’euros et qu’elle en a déjà payé 10 milliards. L’évolution du « reste à payer » de l’AFITF constitue donc un facteur de risque réel et grandissant. Pourquoi, dès lors, avoir plafonné à 610 millions d’euros les recettes issues de la taxe d’aménagement du territoire, payée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui constitue une ressource de l’agence ?
En ce qui concerne plus particulièrement le maillage du territoire, je partage les inquiétudes du rapporteur pour avis sur la pérennité des trains d’équilibre du territoire, qui, malgré tous leurs handicaps, jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire et dans le quotidien de nos concitoyens. Un compte d’affectation spéciale a été créé l’an dernier afin d’en assurer la pérennité. Il est abondé par la SNCF, d’une part, via une taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, qui passe de 75 millions d’euros à 155 millions d’euros, et par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, d’autre part, à hauteur de 35 millions d’euros, via une fraction de la taxe d’aménagement du territoire.
Au sujet de cette dernière, il semble bien difficile d’affirmer que ces 35 millions d’euros ne sont pas pris sur ce qui était destiné à l’AFITF pour les infrastructures. C’est pourquoi nous souscrivons totalement aux conclusions du rapporteur pour avis quant à la nécessité d’augmenter significativement la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes. Comme il l’écrit, « il n’est pas cohérent […] que la route ne finance le rail qu’à la marge ».
Enfin, face à l’absence de traduction de l’engagement national en faveur du fret ferroviaire de 7 milliards d’euros, annoncé pourtant à grand bruit en septembre 2009,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Ah ça oui !
Mme Mireille Schurch. … nous réitérons notre demande de reconnaissance du caractère d’intérêt général de l’activité « wagon isolé ». Pourquoi ne pas créer un mécanisme similaire à celui mis en place pour les trains d’équilibre du territoire ?
S’agissant des infrastructures routières, l’action Entretien et exploitation du réseau routier national est en hausse de 45 millions d’euros par rapport au budget pour 2011 ; toutefois, il faut garder à l’esprit que cette action avait connu une baisse significative de ses crédits de 27 % en 2011. L’augmentation actuelle est loin d’être à la hauteur des besoins. Ainsi, avec le niveau prévu des crédits, il faudrait quinze ans pour renouveler les chaussées. Or 2 % du réseau routier national supportent 25 % du trafic total et 50 % du trafic des poids lourds, avec l’effet d’érosion des chaussées qui en résulte. En outre, on sait que les chaussées les plus sollicitées doivent être renouvelées en moyenne tous les huit ans. On est loin de pouvoir faire face à cet impératif. Si l’on n’y prend garde, l’effort de rattrapage sera aussi douloureux que celui observé dans le domaine ferroviaire. Ce qui est vrai pour l’État l’est aussi pour certaines collectivités territoriales.
Enfin, l’austérité budgétaire au sein de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » se traduit par la suppression de 1 309 équivalents temps plein. La poursuite aveugle de la RGPP entraînera, si vous n’y prenez garde, la disparition quasi totale d’une ingénierie publique performante, avec un impact négatif sur les territoires.
Ce budget traduit le fossé entre les ambitions affichées dans le SNIT et les moyens budgétaires mobilisés. Pourtant, l’inscription au SNIT de certains projets, comme celui de la LGV Paris–Orléans–Clermont-Ferrand, a suscité de grands espoirs et de grandes attentes. La population et les élus se mobilisent, alors que, dans le même temps, on n’observe aucune traduction financière ou budgétaire, pas même la moindre indication.
L’absence de référence, dans ce projet de budget, aux concessions d’infrastructures et aux contrats de partenariat public-privé pour la réalisation des grands projets du SNIT semble indiquer que le Gouvernement en souhaite la généralisation. À la longue, si l’on n’y prend garde, la perte de la maîtrise publique risque être entérinée au profit des sociétés privées.
Par ailleurs, aucune réflexion n’est engagée sur la remise en cause de la privatisation des sociétés d’autoroutes, qui entraîne chaque année un manque à gagner de près de deux milliards d’euros. C’est pourquoi les sénateurs de mon groupe et moi-même avons déposé une proposition de loi en ce sens.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Mireille Schurch. De plus, comment comprendre le énième report de l’écotaxe poids lourds, pourtant présentée comme une mesure phare du Grenelle de l’environnement ? Il représente la perte de plus de 1,2 milliard d’euros de ressources pérennes pour le financement des grands projets d’infrastructures et la régénération ferroviaire.
Enfin, comment accepter la généralisation des poids jours de 44 tonnes sur les routes, alors que nous dressons tous un constat alarmant sur l’état du réseau ?
Ce projet de budget n’est pas en mesure de répondre à la réalité des besoins. C’est pourquoi les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas ces crédits, qui sont en décalage complet avec les annonces et les promesses du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget affecté aux transports, notamment le programme 203 et ses actions nos 10, 12 et 13, dans un contexte de crise européenne et mondiale majeure et sans précédent.
En tant qu’élus responsables, nous ne pouvons pas faire abstraction de la gravité de la situation économico-financière dans laquelle se trouve notre pays. Dans les actions à mener, la sauvegarde de notre pays, pour reprendre l’expression du Président de la République, est une priorité absolue. L’objectif essentiel, pour l’avenir, consiste à rétablir, à terme, l’équilibre de nos finances publiques ; il sera sans doute atteint grâce à l’augmentation des recettes, mais aussi, et surtout, grâce à une réduction significative de la dépense publique courante non productive. Nous ne devons pas le cacher aux Français !
Notre responsabilité première, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, est donc de revenir à des principes sains de gestion des deniers publics, de prendre le contre-pied de la politique menée sans interruption depuis 1975 dans notre pays, qui a dépensé, année après année, un argent qu’il n’avait pas.
Malgré ce contexte on ne peut plus difficile, le budget de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » s’inscrit dans une démarche volontariste du Gouvernement, qui se traduit, et je m’en félicite, par une stabilité positive – plus de 7 millions d’euros –, malgré deux « coups de rabot » successifs pour contribuer à l’effort national. Quant au programme 203 « Infrastructures et services de transports », il est en augmentation nette, d’une année sur l’autre, de près de 40 millions d’euros. Au vu du contexte économique, ce budget peut donc être considéré comme globalement positif.
Au-delà de l’évaluation de ces masses globales, je retiendrai quelques points.
En premier lieu, je me félicite de la décision politique prise par le Gouvernement, qui a tenu compte des différentes alertes que nous lui avons transmises, notamment dans le cadre de notre rapport sur le schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT. Je rappelle que nous avions alors tous constaté un état d’entretien très préoccupant de nos routes. Nous avons souhaité leur éviter, cela a été dit, de se retrouver dans une situation analogue à celle du réseau ferroviaire. Une dégradation inquiétante des voies ferrées, à laquelle il n’avait pas été porté remède en son temps, se traduit aujourd’hui par des conséquences très négatives, avec des retards de trains, des services dégradés et une grogne légitime de nos concitoyens.
Gouverner, monsieur le secrétaire d’État, c’est prévoir. Il importe donc, avant même d’engager de nouvelles opérations, de préserver notre patrimoine d’infrastructures. Comme le confirme le projet de budget pour 2012, l’entretien des réseaux actuels constitue un engagement fort de l’État. Ce choix politique responsable, qui est aussi une décision heureuse, était particulièrement attendu par tous les usagers.
Je constate que les crédits consacrés à l’entretien des routes augmentent de près de 50 millions d’euros et que la priorité est donc redonnée à l’entretien préventif et aux réparations importantes des chaussées, sans oublier le grand programme de sécurisation des tunnels. Mais, monsieur le secrétaire d’État, il faudrait éviter de mener une politique de Gribouille et s’assurer que l’autorisation des poids lourds de 44 tonnes n’entraînera pas plus d’inconvénients que d’avantages pour le réseau !
Au total, près de 680 millions d’euros sont consacrés à l’entretien et à la rénovation des routes. Mais, parallèlement à cet effort nécessaire pour le transport routier, le projet de loi de finances pour 2012 contribuera aussi fortement à la rénovation du réseau ferroviaire, conformément aux orientations du Grenelle de l’environnement.
Une dotation de 2,5 milliards d’euros est apportée par l’État dans le cadre du contrat de performance 2008-2012 pour financer le réseau. Cette subvention permettra de renouveler près de 4 000 kilomètres de voies sur la période : ainsi, le contrat devrait être respecté. Je constate avec plaisir, alors même que seulement 450 kilomètres de voies avaient été renouvelés en 2005, que plus de 1 000 kilomètres l’ont été en 2010 et que cet objectif est maintenu pour 2011 et 2012, malgré la situation financière que nous connaissons.
Autre point positif, la priorité donnée au rééquilibrage modal et à la complémentarité des différents modes de transport, par le biais, principalement, de l’intervention de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. L’agence est dotée de plus de 2 milliards d’euros grâce à un effort tout particulier de l’État.
De plus, je me félicite vivement que Mme la ministre de l’écologie ait proposé une mission nouvelle à l’AFITF en lui demandant d’engager une démarche de programmation sur cinq ans, afin de distinguer et de définir les premières priorités du SNIT. Il arrive que nous soyons entendus ! (Sourires.) L’AFITF bénéficiera également d’une subvention exceptionnelle de 96 millions d’euros pour compenser le retard malheureux de la redevance poids lourds.
Ce budget permettra aussi de poursuivre vigoureusement le développement des infrastructures, auquel nous sommes tous très attachés, notamment des lignes à grande vitesse, les LGV.
En 2012, pour la première fois en France, trois LGV seront mises en chantier : l’achèvement de la LGV est-européenne ainsi que les lignes Tours-Bordeaux et Le Mans-Rennes. Le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier sera également engagé.
Par ailleurs, monsieur le président du Groupement des autorités responsables de transport, grâce à l’AFITF, plus de cent vingt projets de transports collectifs en site propre, dans quatre-vingts agglomérations, seront soutenus par l’État. Cette action remarquable de notre pays nous place résolument en tête, en Europe, dans le développement des transports en commun en site propre, les TCSP. Mais, monsieur le secrétaire d’État, cet effort doit être poursuivi par un nouvel appel à projets, à terme, pour toutes les agglomérations qui sont encore dans l’attente de voir leurs projets aidés par l’État.
M. Roland Ries. Très bien !
M. Louis Nègre. Je me félicite aussi que les engagements pris par l’État soient respectés quant au soutien indispensable au démarrage de la filière industrielle naissante du véhicule électrique.
Le maintien du bonus à 5 000 euros, au vu de la situation financière de notre pays, est un geste politique significatif, mais je souhaite, sur ce point, que le Gouvernement tienne le plus grand compte des conclusions du Livre vert. Ce dernier préconisait une vision et un soutien à moyen et long terme, avec une sortie en biseau, dès lors que cette industrie naissante aurait atteint sa vitesse de croisière, ainsi que la création d’une task force spécifique pour accompagner la montée en puissance de l’industrie des véhicules de demain dont la France est, à ce jour, un des leaders mondiaux. Je suis dans l’attente, monsieur le secrétaire d’État, d’une gouvernance plus précise dans un domaine aussi crucial pour l’avenir de l’industrie française.
De même, je souhaite de nouveau attirer l’attention du Gouvernement sur la situation très préoccupante du secteur ferroviaire et notamment de l’industrie, dont les plans de charge n’ont plus aucune visibilité, ce qui me paraît particulièrement inquiétant. J’espère que les Assises du ferroviaire permettront, dans ce domaine, de créer une vraie filière, avec des objectifs et une stratégie claire et partagée par tous les acteurs. Il y va de l’avenir du ferroviaire français !
Je terminerai enfin, monsieur le secrétaire d’État, en espérant que le débat tant attendu sur le SNIT, ait enfin lieu dans cet hémicycle, car ce schéma développe une vision prospective de toutes les infrastructures de transport, pour un montant de 260 milliards d’euros – excusez du peu ! Je crois sincèrement que l’organisation d’un débat digne de l’importance de ce dossier est parfaitement justifiée.
En conclusion, je voterai bien entendu les crédits du programme 203 et, plus globalement, ceux de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », ainsi que ceux des comptes spéciaux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, mes chers collègues, ce matin, nous examinons notamment les crédits consacrés au transport aérien.
En tant que maire du Bourget, territoire d’accueil du premier aéroport d’affaires d’Europe et du premier salon mondial consacré à l’aéronautique et à l’espace, je m’intéresse depuis de longues années à ces questions. J’y consacrerai donc l’essentiel de mon intervention.
L’aéronautique et l’aéroportuaire sont des secteurs essentiels de l’activité du pays, fortement créateurs d’emplois. L’industrie aéronautique française jouit aujourd’hui d’une réputation d’excellence dans le monde entier. Nous pouvons le dire sans être taxés de chauvinisme, mais nous devons veiller à conforter ce secteur qui fait vivre une bonne part de nos régions. Tel est d’ailleurs le sens de nombre d’initiatives prises par le Gouvernement et je tiens à les saluer.
Ce secteur d’activité est l’un des rares qui contribuent à l’équilibre de notre balance commerciale. Nous savons tous également que notre système aéroportuaire représente un enjeu majeur pour la compétitivité de notre pays, comme pour son image à l’étranger. Sa rénovation et l’amélioration de sa qualité de service ont été entreprises, effort de long terme qui commence à payer et qui implique un grand nombre d’acteurs parmi lesquels les pouvoirs publics, Aéroports de Paris et les compagnies aériennes.
J’aborderai en préalable la situation d’ensemble du trafic aérien et ses conséquences pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Dans ce domaine, je ferai une proposition pour le retour à l’équilibre, et j’évoquerai également un risque. Ensuite, j’appellerai l’attention du Gouvernement sur deux mesures qui seraient de nature, l’une, à améliorer l’avenir de cette industrie, l’autre, je viens d’en parler, à agir en faveur de la qualité de service offerte par les aéroports. Je sais que ces préoccupations sont partagées par le Gouvernement ; aussi, je souhaite apporter ma contribution à sa réflexion.
Je dirai d’abord un mot du contexte, donc du trafic. Cette question s’inscrit bien dans la discussion budgétaire, car le trafic influe directement sur l’équilibre financier du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Malgré la crise, le trafic aérien mondial a connu une nette reprise en 2010. Cette reprise se confirme en 2011, avec une croissance de 6,5 % au premier semestre. En France, le trafic aérien n’a enregistré qu’une hausse de 1,6 % en 2010, mais il devrait fortement progresser en 2011, avec une moyenne de 5,6 % sur l’année. Cette évolution doit nous inciter à nous interroger sur notre capacité à « capter » le trafic, qu’il faut conforter. Cette volonté doit, bien entendu, être compatible avec le respect des exigences environnementales et la concertation locale.
Dans ce contexte global d’amélioration du trafic, des sujets d’inquiétude existent, toujours légitimes, et je souhaite que le Gouvernement conduise la concertation nécessaire. Par exemple, les compagnies européennes et particulièrement Air France-KLM profitent moins de cette reprise. Elles doivent faire face à la concurrence sur le long courrier des compagnies du Golfe et sur le court et moyen courrier des compagnies low cost, particulièrement compétitives. La compagnie Air France-KLM doit remédier aujourd’hui à un handicap de compétitivité, même si son chiffre d’affaires, cela a été rappelé, a augmenté de 7 % au premier semestre. Elle doit aussi faire face à un endettement élevé. La nouvelle gouvernance mise en place récemment a choisi de saisir ces questions à bras-le-corps et l’entreprise est mobilisée pour relever ce défi. Il faudra donc être attentif aux efforts faits par la compagnie pour redresser sa situation financière et réduire ses coûts. Dans ce cadre, des engagements ont été pris en matière d’emplois. Ce point est bien sûr majeur pour tous.
Plus généralement, l’évolution du trafic que nous venons de retracer à grands traits a eu une incidence directe sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Celui-ci a enregistré, du fait de la crise économique, une forte aggravation de son endettement, qui atteint désormais la modeste somme de 1,148 milliard d’euros en 2010 – excusez du peu ! Cet endettement devrait atteindre 1,214 milliard d’euros en 2012.
La Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, a entrepris des efforts en interne pour réduire ses dépenses, notamment par la mise en œuvre de mesures d’optimisation des moyens et de modernisation de sa gestion. Nous savons tous que ce sujet est sensible. Nous pouvons avoir notre propre appréciation de ces efforts ; reste qu’ils ne suffiront pas à combler le déficit. Cette question ne peut être éternellement repoussée.
Le budget annexe est structurellement déséquilibré, ce qui conduit la DGAC à s’endetter pour financer son fonctionnement. Ce sous-financement structurel a une raison simple : les redevances versées ne couvrent que 85 % des coûts des activités pouvant être soumises à redevances. Le solde non couvert par les recettes s’élève à 113 millions d’euros et ce chiffre est sensiblement le même chaque année. La structure des dépenses du budget annexe laisse donc très peu de marges de manœuvre, sauf à obérer les capacités d’investissement de la DGAC. Or réduire l’investissement est impossible, compte tenu des dépenses nécessaires pour réaliser la construction du ciel unique européen : les besoins en investissement sont très importants en matière d’organisation de l’information aéronautique, de la navigation aérienne et du contrôle aérien, dans le cadre du programme européen SESAR.
De fait, le désendettement du budget annexe passe par une augmentation de ses recettes. C’est pourquoi je suis favorable à l’affectation au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » de l’intégralité du produit de la taxe de l’aviation civile. Nous pourrons ainsi sortir ce budget annexe de la spirale du surendettement que dénonce la Cour des comptes.
Cette première suggestion étant faite, je voudrais évoquer un risque à conjurer pour le secteur.
Mes chers collègues, j’évoquais au début de mon intervention l’excellence de l’aéronautique française. Je voudrais vous mettre en garde, car il ne faudrait pas la pénaliser en adoptant une mesure proposée par la commission de l’économie. Celle-ci a en effet adopté plusieurs amendements visant à remettre en cause le crédit d’impôt recherche. Si, comme M. le rapporteur pour avis, je suis favorable à ce que les PME bénéficient au mieux de ce dispositif fiscal, je souhaite alerter mes collègues sénateurs sur les conséquences d’une telle mesure, si elle devait aboutir à remettre en cause le crédit d’impôt recherche pour les groupes industriels. Grâce à cette mesure fiscale, ceux-ci investissent dans notre pays, innovent et conquièrent des parts de marché à l’international.
Ce débat viendra prochainement, puisqu’un amendement a été déposé dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Mais le cas de l’industrie aéronautique et spatiale illustre bien les enjeux et les risques que ferait peser une telle mesure.
Je l’exposerai en quelques mots. Notre pays se distingue par un taux de recherche privée particulièrement faible. Au contraire, le secteur aéronautique et spatial est l’un des contributeurs majeurs de la recherche et de l’innovation en France. Les entreprises de ce secteur investissent près de 16 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche et développement, la R&D. Les frais de recherche et développement y sont importants et requièrent des investissements initiaux considérables, avec un degré élevé de complexité. Dans ce secteur bien spécifique, le crédit d’impôt recherche est un outil fiscal incitatif qui accélère les initiatives en matière de recherche et développement privée. Il permet ainsi d’améliorer la compétitivité de la France et de faciliter l’arrivée sur le marché de produits en rupture technologique. À l’heure où tout le monde s’accorde sur la nécessité de réindustrialiser notre pays, il serait paradoxal de pénaliser un de nos secteurs industriels les plus performants et les plus compétitifs.
Ayant évoqué une mesure qu’il faut selon moi écarter, je voudrais demeurer positif et, pour terminer, formuler au contraire deux suggestions.
La première concerne les montants alloués dans le cadre des investissements d’avenir. Pour le secteur aéronautique, l’enveloppe allouée aujourd’hui ne permet pas la réalisation de l’ensemble des projets proposés. D’autres secteurs, plus richement dotés, peinent à trouver les supports nécessaires à l’utilisation de ces fonds. L’idée d’un « mandat à mi-parcours » permettant de réajuster la répartition des budgets du programme Investissements d’avenir pourrait être pertinente. Je propose ainsi que le Gouvernement envisage de revoir à mi-parcours les montants alloués par ce programme en fonction des projets proposés par les différents secteurs.
J’en viens à une seconde suggestion, que je livre à la sagacité du Gouvernement. Il s’agit d’une proposition très concrète permettant l’amélioration des conditions d’accueil dans les aéroports parisiens. J’ai dit au début de mon intervention que la qualité de service dans nos aéroports était le résultat d’une coproduction entre les pouvoirs publics, Aéroports de Paris et les compagnies aériennes. Des améliorations sont en cours et doivent être confortées.
Parmi ces améliorations, il faut parler du dispositif PARAFE, pour « Passage automatisé rapide aux frontières extérieures », qui vise à automatiser les contrôles des passagers à l’arrivée et au départ des principaux aéroports français. Ce système de sas automatiques munis de moyens de reconnaissance biométrique est de nature à améliorer sensiblement la fluidité des contrôles aux frontières. Près de 500 000 personnes ont déjà pu en bénéficier, avec un temps de passage moyen de vingt secondes seulement. Nous pourrions franchir aisément la barre des 5 millions d’utilisateurs.
Je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement envisage d’étendre l’utilisation de ce système PARAFE, en autorisant notamment le déploiement de 32 sas supplémentaires à Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle. Cette extension constituerait un facteur important d’amélioration de la satisfaction des passagers et permettrait d’anticiper l’évolution du trafic d’ici à 2015. Le coût global serait imputable sur la taxe d’aéroport pour 9,2 millions d’euros étalés sur la période 2012-2018, Aéroports de Paris gardant à sa charge 2,1 millions d’euros.
Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que les quelques suggestions et remarques que j’ai pu faire soient utiles au débat dans un domaine qui m’est cher. N’oublions pas que, comme lors de la première traversée de l’Atlantique New-York-Le Bourget, en 1927, le monde entier regarde vers la France lorsqu’il pense à l’aéronautique. En effet, si c’est un Américain, Charles Lindbergh qui a accompli cet exploit, ses premiers mots ont été pour demander à rencontrer Louis Blériot. (M. Raymond Vall applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les actions et les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » appellent de ma part les remarques et questions suivantes.
Dans une perspective d’égal accès de tous aux services essentiels, les transports sont un outil fondamental de solidarité entre les territoires. La liberté constitutionnellement reconnue d’aller et de venir ne peut être exercée pleinement que sur un territoire doté en infrastructures de transport. C’est à la lumière de ce constat que le groupe socialiste a examiné les crédits de ce programme.
Deux mesures de ce projet de loi apparaissent relativement positives. En revanche, le document budgétaire comporte plusieurs lacunes. Il est en outre caractérisé par une absence de visibilité quant aux solutions à mettre en œuvre pour traiter d’importants problèmes, comme l’économie du ferroviaire ou la gouvernance de ce secteur.
J’aborderai successivement ces divers aspects.
Tout d’abord, deux mesures de ce budget sont relativement positives.
En premier lieu, les crédits disponibles, mêmes s’ils ont fait l’objet de « coups de rabot », devraient permettre à Réseau ferré de France, RFF, de procéder cette année à la régénération de 1 000 kilomètres de voies ferrées. Il devrait en être de même au cours des prochaines années. L’effort est incontestable, même si les moyens dégagés ne se situent pas au niveau optimal préconisé il y a quelques années par le professeur Rivier de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.
En second lieu, la création, l’an dernier, du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » vise à conforter l’existence des trains d’équilibre du territoire. Les recettes de ce compte, entièrement utilisées pour verser une subvention d’équilibre à la SNCF, s’élèvent à 280 millions d’euros, soit une hausse de 30 % par rapport à 2011, conséquence du doublement imposé par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, du niveau des péages acquittés pour la circulation de ces trains. En revanche, la fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les concessionnaires d’autoroutes reste stable, à 35 millions d’euros. La route ne finance pas suffisamment le rail. La pérennité des lignes d’équilibre du territoire requiert donc une hausse progressive de la partie de cette taxe acquittée par les sociétés d’autoroute.
Ensuite, ce projet de budget présente des lacunes.
La première tient à une insuffisance de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, due principalement à un report à 2013 de la taxe poids lourds. Le budget de l’Agence est ainsi abondé par une subvention d’équilibre de l’État se montant à 1,123 milliard d’euros, qui a d’ailleurs été réduite à l’Assemblée nationale.
Deuxième lacune : l’État ne s’engage toujours pas à lancer le troisième appel à projets pour les transports en commun en site propre. De nombreux projets ont été mis au point par des villes moyennes, qui sont en attente de financement. Comment ne pas rappeler que l’État s’était engagé dans le cadre du Grenelle de l’environnement à consacrer une enveloppe de 2,5 milliards d’euros à cette action ?
La troisième grande lacune de ce projet de loi de finances réside dans le fait que rien n’est prévu pour aider les régions à financer les TER, qu’ils soient ferroviaires ou routiers. Les régions ont énormément investi dans l’achat et la rénovation de matériel ferroviaire, mais aussi, pour certaines d’entre elles, dans la régénération des voies ferrées utilisées par les TER. Il paraît donc logique de créer un versement transport au profit des régions, en prenant toutefois la précaution de ne pas pénaliser les autorités organisatrices intervenant dans le cadre des périmètres de transports urbains, les PTU.
Faisant le constat de l’absence de proposition dans le présent projet de loi de finances, le rapporteur pour avis de la commission de l’économie a déposé un amendement qui a le grand mérite de poser clairement le problème. Nous en discuterons le moment venu avec l’objectif, du moins en ce qui me concerne, d’en faire bénéficier toutes les autorités organisatrices de transport des zones interstitielles.
M. Jean-Jacques Filleul. Très juste !
M. Michel Teston. Enfin, ce budget manque de visibilité quant aux solutions à mettre en œuvre pour traiter d’importants problèmes relatifs aux infrastructures, à l’économie du ferroviaire, mais aussi à la gouvernance de ce secteur.
Ainsi, dans le domaine routier, quelle garantie avons-nous, monsieur le secrétaire d’État, que les onze projets de désenclavement défendus par le groupe de suivi sur l’avant-projet consolidé de schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, mis en place par le Sénat, seront bien prioritaires ? En effet, si personne ne remet en cause les orientations du Grenelle de l’environnement en faveur d’un nécessaire rééquilibrage modal, il n’en demeure pas moins que des aménagements routiers importants sont indispensables dans les territoires non desservis par le train ou pour lesquels la desserte ferroviaire ne peut être améliorée. Je pense, en particulier, au sud de l’Ardèche, qui doit pouvoir disposer à l’avenir d’une connexion directe avec l’autoroute A7 au sud de Montélimar, ce qui suppose la réalisation d’ouvrages de franchissement du Rhône et du canal du Rhône.
Ce projet de budget ne trace pas de pistes de réflexion ni ne dégage de réels moyens financiers pour le fret ferroviaire, dont le développement figurait pourtant parmi les principales orientations du Grenelle de l’environnement.
Mes chers collègues, le trafic est passé de 40 milliards de tonnes-kilomètres il y a quelques années à probablement moins de 28 milliards de tonnes-kilomètres aujourd’hui ! Le fret ferroviaire a donc continué à perdre des parts de marché par rapport au fret routier. Les parts de marché des nouveaux opérateurs ferroviaires, quant à elles, n’ont été gagnées que sur la SNCF ! Cette question majeure pour l’aménagement du territoire ne pourra être résolue que par la reconnaissance du caractère d’intérêt général du fret ferroviaire, et pas seulement du wagon isolé.
Le présent projet de loi de finances n’offre toujours aucune perspective, et donc pas plus de visibilité, concernant la productivité et le financement du secteur ferroviaire.
Au sein du groupe n° 3 des Assises du ferroviaire, relatif à l’économie du ferroviaire, nous débattons de ces questions. Comment améliorer encore les actions de régénération du réseau en réduisant les coûts ? Comment financer les lignes nouvelles ? RFF, la SNCF mais aussi différents autres experts exposent les solutions envisageables pour atteindre ces objectifs. Toutefois, le constat demeure qu’il manque, chaque année, entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros pour assurer le financement de l’ensemble des besoins. Or, la dette de RFF s’élève à 29 milliards d’euros, ce qui oblige chaque année cette entreprise à se financer sur les marchés à hauteur de 1,2 à 1,3 milliard d’euros. Il est temps de proposer une solution permettant de lisser progressivement la dette historique de RFF, c’est-à-dire celle qui lui a été transférée à sa création, qui s’élève à 20 milliards d’euros.
Enfin, et c’est un nouvel exemple du manque de visibilité, aucune piste n’est esquissée quant à l’évolution de l’organisation du système ferroviaire. Faut-il maintenir ou supprimer la séparation entre RFF, gestionnaire des infrastructures, et la SNCF, exploitant historique ? Cette question est rendue encore plus complexe par l’importance de la dette de RFF. Les débats des Assises du ferroviaire montrent à quel point les positions sont tranchées à ce sujet. Pour ma part, je rappelle que je n’ai jamais été favorable à l’organisation actuelle.
M. Jean-Jacques Filleul. Très bien !
M. Michel Teston. En conclusion, mon analyse des actions et des crédits du programme 203 est identique en tout point à celle du rapporteur pour avis de la commission de l’économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, bien qu’élu du territoire le plus rural de France, me semble-t-il, je suis cependant tout à fait conscient de l’enjeu que représente pour le territoire national l’adaptation nécessaire au changement climatique, qui entre malheureusement, nous le savons désormais, dans une phase irréversible, dont les conséquences seront dramatiques pour certaines zones de notre planète.
Pour autant, comme un grand nombre de mes collègues élus de la ruralité, je ne peux me résigner à voir ces territoires ruraux sacrifiés du fait de l’absence de prise en compte de leur problème d’enclavement, qui les asphyxie lentement mais sûrement, ainsi que Michel Teston et Louis Nègre viennent de le montrer. La disparition progressive des activités économiques, la désertification provoquée par la suppression des services publics, le départ des acteurs de santé, la fermeture des hôpitaux et enfin les réductions des effectifs d’enseignants consécutives aux migrations des jeunes ruraux vers les villes nous condamnent.
La défense de la survie de ces territoires ruraux me conduit à recentrer essentiellement mon propos sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports », qui est la principale victime des « coups de rabots » du Gouvernement. L’Assemblée nationale y a d’ailleurs contribué, comme l’ont indiqué les précédents orateurs, notamment le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, Roland Ries.
Dès la parution du schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, en septembre 2010, j’ai demandé et obtenu la création, au sein de la commission de l’économie, d’un groupe de travail présidé par notre collègue Louis Nègre. Après douze mois d’études et de déplacements en milieu rural, le groupe a obtenu qu’une fiche ROU 6, « Renforcer l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement », soit prise en compte dans le schéma, dont la dernière version a été publiée en octobre 2011.
Au cours des discussions sur le SNIT qui se sont déroulées dans cet hémicycle, Mme la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet et M. le ministre des transports Thierry Mariani ont pris l’engagement d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2012 les crédits d’études nécessaires pour répondre à la demande unanime des sénateurs, formulée lors de la discussion du 15 février dernier en séance publique, concernant les onze routes nationales inscrites dans la fiche ROU 6.
Ma question, monsieur le secrétaire d’État, vise à savoir si cet engagement sera respecté dans le cadre de ce programme, puisque Mme la ministre a confirmé, lors de son audition du mercredi 9 novembre, qu’elle ne souhaitait pas, pour l’instant, ouvrir un débat sur le SNIT au Parlement.
J’ai d’autant plus de doutes sur le respect de cet engagement que, dans la dernière version du SNIT, il est indiqué que la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport est tournée prioritairement vers le développement des modes alternatifs à la route, avec l’argument qu’il n’est plus nécessaire d’augmenter significativement la capacité du réseau routier en France. Mme la ministre a en outre insisté, lors de sa dernière audition, sur sa volonté de s’inscrire dans une perspective de mutation économique et écologique et a affirmé que les infrastructures de transport seraient rénovées avec un rééquilibrage au détriment des transports routiers.
C’est une escroquerie intellectuelle que de diaboliser les infrastructures routières essentielles, au nom d’une prétendue défense de l’environnement, alors qu’il n’y a aucune autre alternative dans certains territoires. La modernisation d’un itinéraire vital peut être réalisée dans le respect des équilibres naturels, des continuités écologiques, des paysages, de la faune, de la flore et de l’eau. Il est véritablement utopique de penser qu’un territoire rural puisse survivre sans infrastructures de transport !
Je peux vous en parler en connaissance de cause : le département du Gers, que je représente au Sénat, ne dispose, sur son axe nord-sud, que d’une route nationale, la RN 21, qui supporte le transport routier, les cars TER, et verra demain arriver les camions de 44 tonnes, alors que sur plus de la moitié de son parcours, soit 80 kilomètres, aucune possibilité de doubler n’existe ! De ce fait, la RN 21 détient le triste record du nombre de tués sur les routes. On compte en effet plus de trente morts en sept ans, et plus de soixante-quinze sur l’ensemble du parcours de la RN 21.
De ce fait, nous commençons à voir se délocaliser – ce qui paraissait inconcevable il y a encore quelques années – les stockages de produits agricoles vers les villes portuaires situées à plus de 200 kilomètres hors du département. Or vous savez que pour répondre aux fluctuations des prix, ces capacités de stockage devront être augmentées de 10 % pour constituer des stocks tampons. Comment accepter une telle distorsion entre cette situation et les discours prononcés par le Président de la République à Morée le 9 février 2010 et à Aubusson le 11 octobre 2011, qui non seulement confirmaient ce constat, mais prônaient aussi la sauvegarde de l’avenir de ces territoires ruraux par leur désenclavement ?
Monsieur le secrétaire d’État, nous savons quelles contraintes financières nous impose cette crise. C’est pourquoi nous avons proposé une modification législative indispensable pour rendre possible la mise en concession des axes routiers à deux fois deux voies mentionnés dans la fiche ROU 6. Mon collègue Louis Nègre, qui préside l’association Transport, développement, intermodalité, environnement, ou TDIE, a ainsi déposé une proposition de loi pour que ces routes puissent être ouvertes au régime des concessions. Cela permettrait d’accélérer la modernisation de ces onze routes nationales dans des délais raisonnables et en faisant appel à des fonds privés. Je souhaite que vous puissiez nous répondre sur ces deux points, car le groupe du RDSE se déterminera en fonction des réponses que vous apporterez au problème essentiel du désenclavement des territoires ruraux. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord commencer par un compliment, qui s’adresse non pas à vous-même, monsieur le secrétaire d’État, mais à vos collaborateurs et aux fonctionnaires de votre ministère !
M. Jean-Claude Lenoir. J’ai en effet noté que le taux de réponse apporté par les services du ministère avait été particulièrement élevé, ce qui est assez rare ! Depuis longtemps, je souhaitais exprimer mon sentiment de reconnaissance pour le travail accompli.
Je pourrais consacrer le temps qui m’est imparti à convaincre mes collègues de la majorité sénatoriale que ce projet de loi de finances est à la fois responsable, efficace et dynamique. C’est en effet ma conviction, et c’est pourquoi je voterai ce projet tel que le Gouvernement l’a présenté. Mais, compte tenu du peu de temps dont je dispose, je préfère le réserver principalement, même si c’est de façon compendieuse, à l’analyse de quelques points auxquels je suis particulièrement attaché…
Le premier point concerne les transports. Je suis, moi aussi, élu d’un département rural, l’Orne, et attaché au développement d’infrastructures qui nous permettent non seulement de circuler dans le département, mais également de rallier Paris dans les meilleures conditions. En effet, nombre d’habitants du département de l’Orne travaillent à Paris. Par conséquent, et je le répète depuis longtemps avec mes collègues des circonscriptions voisines, voire du grand Ouest en général, nous avons besoin de remettre un peu de carburant dans le moteur !
C’est le cas pour les routes. Ayant participé à un certain nombre d’entretiens au ministère, je voudrais bien qu’on m’explique un jour comment ne pas nous faire rouler dans la farine avec le fameux schéma national des infrastructures de transport, le SNIT !
M. Jacky Le Menn. Ah ! ça…
M. Jean-Claude Lenoir. Un certain nombre d’opérations auxquelles je tiens n’y figurent pas, ou, du moins, pas encore.
Or mes interlocuteurs me répondent que ce n’est pas grave et que les opérations qui seront menées ne seront pas forcément celles qui figurent dans le SNIT. J’ai même entendu un collaborateur de ministre, dont je ne révélerai pas l’identité, affirmer que pour être certain de la mise en œuvre effective d’une action, il valait mieux ne pas l’inscrire dans ce schéma ! (Exclamations amusées.) J’apprécierais tout de même qu’on nous prenne pour des gens sérieux ! Par conséquent, je vous annonce d’ores et déjà mon retour prochain dans les couloirs du ministère pour évoquer les questions qui me tiennent à cœur.
M. Jean-Claude Lenoir. Je le sais, monsieur le secrétaire d’État : nous avons été longtemps voisins au sein d’autres institutions de la République, et je serai, moi aussi, heureux de vous retrouver !
Nous aurons ainsi l’occasion d’aborder un sujet auquel je tiens, celui de la RN 12. Comme vous le savez, cette route nationale relie Paris à Brest. Entre ces deux villes, s’étendent des territoires ruraux dont le département de l’Orne fait partie. Nous avons impérativement besoin de créer une liaison moderne avec Paris. En l’occurrence, je m’exprime au nom de tous les parlementaires, élus en Ille-et-Vilaine,…
M. Jacky Le Menn. Eh oui ! Vous avez raison !
M. Jean-Claude Lenoir. … en Mayenne, dans l’Orne, et même dans l’Eure ou en Eure-et-Loir.
Je tiens à en informer vos collaborateurs, monsieur le secrétaire d’État : nous reparlerons souvent d’une commune qui est le point noir de la région Basse-Normandie, celle de Saint-Denis-sur-Sarthon, dont je tenais à citer le nom à la tribune. Je vous avertis que je poursuivrai les actions nécessaires pour faire lever cet obstacle majeur sur un axe moderne.
Je voudrais également évoquer les chemins de fer. Selon Guillaume Pepy, le président de la SNCF – comme ses prédécesseurs disaient la même chose, je suppose qu’il doit bien y avoir une part de vérité –, la ligne ferroviaire Paris-Granville est celle qui pose le plus de problèmes. Je n’insiste pas sur les difficultés que nous rencontrons. M. Pepy a récemment annoncé devant la commission de l’économie un certain nombre de mesures importantes pour améliorer les infrastructures et faire un effort qui assure vraiment la fluidité du trafic. Je continuerai d’être vigilant sur ce dossier dans les semaines et les mois à venir.
Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de l’énergie. Je m’y intéresse depuis longtemps et j’exerce aujourd’hui encore un certain nombre de responsabilités dans ce domaine.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, j’entends trop souvent dire que notre pays serait en retard et ne prendrait pas les mesures nécessaires en matière d’infrastructures. En tant qu’ancien coprésident du comité opérationnel du plan de développement des énergies renouvelables et actuel président du Conseil supérieur de l’énergie, organisme chargé d’assurer le suivi du Grenelle de l’environnement, j’affirme qu’on ne peut pas parler de retard !
Certes, les rapports qui ont été réalisés, y compris par les opérateurs, ont montré que, sur les deux premières années, nous n’avions pas atteint le niveau moyen permettant d’atteindre les objectifs définis pour l’horizon 2020. Mais, aujourd’hui, l’élan est donné dans les différents domaines. Cela dit, j’insiste sur un point : le développement d’énergies renouvelables comme l’éolien et le photovoltaïque nécessite l’émergence d’une industrie française.
Prenons le cas de l’éolien : l’offshore va se développer dans la Manche, mais, parallèlement, Areva construit au Havre et Alsthom à Cherbourg. Il faut créer un lien – comme l’a fait ce pays remarquable qu’est le Portugal – entre les contraintes liées au développement des énergies renouvelables et les retombées en matière d’emploi.
Toujours à propos des énergies renouvelables, la biomasse doit prendre à l’avenir une part plus importante, notamment grâce aux perspectives intéressantes qu’offre la méthanisation.
L’efficacité énergétique est un sujet que nous avons abordé en commission et sur lequel notre collègue Ladislas Poniatowski a remis un excellent rapport. Je voudrais féliciter le Gouvernement, qui a placé la barre très haut pour les crédits destinés à la recherche en matière d’efficacité énergétique dans le bâtiment. L’objectif du Grenelle de l’environnement, une augmentation d’un milliard d’euros chaque année, est dépassé : nous avons atteint, en moyenne, 1,2 milliard d’euros depuis le début de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et nous serons à 1,6 milliard d’euros en 2012. Le Gouvernement avait vu juste, et les engagements sont tenus.
J’aimerais aussi relayer les propos qui ont été tenus par un collègue pour lequel j’éprouve depuis longtemps une empathie naturelle en raison de notre proximité patronymique : M. Louis Nègre. (Sourires.) Tout comme lui, je suis un partisan du développement du véhicule électrique.
La majeure partie de la pollution dans nos villes vient évidemment des véhicules. Aujourd’hui, un automobiliste parcourt en moyenne moins de 60 kilomètres par jour. Certes, tout le monde ne pourra peut-être pas utiliser un véhicule électrique, mais les perspectives de développement sont réelles, et la France doit être leader dans ce domaine industriel. Je suggère ainsi que le Sénat se dote de véhicules électriques. Après tout, la moyenne des kilomètres parcourus permet tout à fait une rotation avec de tels véhicules. Pourquoi ne pas nous montrer exemplaires en la matière ?
Dernier élément sur l’énergie, je veux souligner que le Gouvernement a doté l’Autorité de sûreté nucléaire de 20 millions d’euros supplémentaires – cela représente quarante emplois – après la catastrophe de Fukushima. J’aimerais aussi que le Gouvernement communique sur les premiers résultats des inspections menées dans les centrales nucléaires françaises, …
Mme Laurence Rossignol. Sur Fessenheim, on les a !
M. Jean-Claude Lenoir. … car ils apportent un certain nombre d’enseignements très intéressants qui mériteraient d’être connus de l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Plus on aura d’informations, mieux ça vaudra !
M. Jean-Claude Lenoir. Le troisième point que je voulais aborder concerne l’urbanisme.
Quel que soit notre territoire, il est nécessaire, me semble-t-il, de bien maîtriser l’espace, c’est un truisme. Les collectivités locales ont besoin de moyens pour se doter de PLU intercommunaux. C’est notamment le cas des petites communautés de communes. J’insiste sur ce point, car j’en dirige une. (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Mais d’autres pourront peut-être s’exprimer pour des communautés beaucoup plus importantes.
Nous avons besoin – c’est un sujet relativement nouveau – que le territoire rural soit organisé et puisse disposer de documents d’urbanisme, qu’il s’agisse des PLU intercommunaux ou des schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Vous devez nous aider sur ce point, monsieur le secrétaire d’État. Je ne suis pas certain que les crédits inscrits dans ce projet de budget – c’est l’une de ses faiblesses – suffisent pour faire face aux charges.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à défaut sans doute d’avoir convaincu mes collègues de soutenir le Gouvernement, j’aurai au moins exprimé ce que ressentent les personnes qui m’ont mandaté pour les représenter ici ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle déception à l’examen des crédits consacré à l’environnement ! Voilà qui confirme les renoncements de la majorité à ses propres engagements !
Si nous voulions être indulgents, nous pourrions dire qu’en matière d’environnement, vous avez été velléitaires. Sans doute les ministres qui se sont succédé depuis cinq ans auraient-ils bien voulu agir, mais ils ne l’ont pas pu, ou alors très peu, empêchés par des lobbies puissants, par l’électoralisme court-termiste et par des arbitrages budgétaires souvent indifférents.
Car c’est bien d’indigence et, plus grave encore, d’imprévoyance qu’il faut parler à la vue des crédits affectés à la mission « Écologie, développement et aménagement durables » consacrés, notamment, à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui devait être, selon les mots du Président de la République, « l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un new deal écologique en France, en Europe et dans le monde » ! Vous en conviendrez, pour changer le monde, 161 malheureux millions d’euros sur plus de 9 milliards d’euros, c’est peu ! Et il faut croire que c’était sans doute encore trop, puisque, à l’Assemblée nationale, les députés de la majorité n’ont pas manifesté le moindre d’état d’âme pour réduire encore les crédits de la mission de 84 millions d’euros !
Le mandat du Président de la République avait pourtant commencé en fanfare avec l’organisation du Grenelle de l’environnement, auxquels tous, État, collectivités locales, organisations syndicales et professionnelles, ONG et élus, avaient participé. Cette concertation avait abouti non seulement à une vaste prise de conscience, mais aussi à des décisions ambitieuses et salutaires. Je vous rappelle, d’ailleurs, que le soutien de la gauche n’avait pas fait défaut au Gouvernement, parfois même pour l’aider dans des arbitrages contre sa propre majorité !
Mais, depuis le Grenelle de l’environnement, les « coups de rabot », pour reprendre une expression qui sera sans doute le gimmick de l’année 2011, ont été constants et méthodiques. D’abord insidieusement, puis franchement, quand le Président de la République, au salon de l’agriculture en 2010, a en quelque sorte sonné la retraite, en déclarant : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que, là aussi, ça commence à bien faire. »
Aujourd’hui, le budget ne fait pas la maille et le Grenelle est détricoté ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Joli !
Mme Laurence Rossignol. Je vous ferai grâce d’un inventaire fastidieux. Mais, comme ce budget est le dernier du quinquennat, il nous offre l’occasion de dresser un bilan comparatif des ambitions et des résultats.
D’abord, la contribution climat-énergie, qui devait être la pierre angulaire de la fiscalité environnementale promise par le Président de la République, a été abandonnée en rase campagne.
Mme Chantal Jouanno. Grâce à qui ? C’est vous qui avez saisi le Conseil constitutionnel !
Mme Laurence Rossignol. Et ne nous répondez pas que le recours du groupe socialiste devant le Conseil constitutionnel en est la cause !
Mme Chantal Jouanno. C’est quand même vous qui l’avez attaquée !
Mme Laurence Rossignol. Vous aviez inventé une usine à gaz inefficace écologiquement et injuste socialement !
Le report de la taxe poids lourd, qui nous prive de recettes pour investir dans le ferroutage, est un autre renoncement.
La politique en faveur des énergies renouvelables est un échec. Les conclusions du rapport Ollier, mises en œuvre dans la loi Grenelle 2, ont paralysé l’éolien terrestre en multipliant les procédures.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est exact ! Vous avez raison !
Mme Laurence Rossignol. La versatilité et l’imprévisibilité de la politique de développement de l’énergie photovoltaïque ont déstabilisé et sabordé une filière naissante. Le développement de la biomasse a pris du retard.
Et ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, la Commission européenne s’apprête justement à adresser un avis motivé à la France pour manquement à son obligation de transposition de la directive européenne sur les énergies renouvelables.
Le bilan est aussi largement négatif, s’agissant de l’objectif de réduction de moitié de l’usage des pesticides à l’horizon de 2018. Les chiffres présentés lors du Comité national d’orientation et de suivi du plan Écophyto 2018 sont inquiétants. Très loin de reculer, l’utilisation de pesticides a même augmenté de 2,4 % de 2008 à 2010.
En matière de politique en faveur de la biodiversité, la trame verte et bleue tarde à être mise en œuvre.
Dans le projet de loi de finances pour 2012, les dépenses fiscales favorables à l’environnement sont évaluées à 95 millions d’euros. Par rapport aux 5,8 milliards d’euros de dépenses fiscales ayant un impact négatif sur l’environnement, selon l’évaluation de l’Inspection générale des finances, c’est bien peu !
Alors que le coût de l’énergie est promis à une augmentation significative, avec la raréfaction du pétrole et le renchérissement structurel du coût du nucléaire, lié à la fois à la mise aux normes post-Fukushima, à la gestion des déchets, au démantèlement à venir des centrales et à la fin de vie de nombre de nos réacteurs, la majorité semble ignorer qu’un nombre croissant de nos concitoyens sont en situation de précarité énergétique.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il fallait le dire !
Mme Laurence Rossignol. Pour ce projet de budget, votre Gouvernement cherche beaucoup de recettes supplémentaires et beaucoup d’économies. Nous devons affronter une crise financière, économique, sociale, mais aussi environnementale. Or cette dernière dimension semble ignorée. L’environnement est la variable d’ajustement des déficits publics, voire une contrainte dont on s’occupera peut-être plus tard, une fois la crise passée. Mais la transition environnementale n’est pas un fardeau ! Elle constitue, à l’inverse, un levier de sortie de crise, un nouveau gisement de développement et de création de richesses, une voie nouvelle pour le partage et l’égal accès de tous à des ressources essentielles et de plus en plus rares ! Ce budget vous offrait l’occasion de « verdir » notre fiscalité, mais tel n’est pas le choix que vous avez fait !
Je voudrais donc vous interroger : si le moment n’est pas encore venu de modifier la donne fiscale, d’organiser la transition environnementale et d’investir dans cette démarche, quand viendra-t-il ? Quand pourrons-nous engager ces mutations mieux qu’aujourd’hui ? Vous laissez passer, je le crains, une occasion que nous ne retrouverons pas si facilement, surtout si vous restez au Gouvernement !
Malgré un contexte budgétaire défavorable à l’ambition et aux politiques publiques, il y avait une autre raison de proposer un budget « environnement » à la hauteur des enjeux : le message qu’il envoie aux Français, sa vertu pédagogique.
La transition environnementale de notre société, de nos modes de vie et de nos modes de production et de consommation ne se fera pas sans nos concitoyens ou contre eux. Ils en sont les premiers acteurs. Il ne s’agit pas de les culpabiliser au motif que la somme des comportements individuels ferait l’engagement national. Il faut au contraire leur permettre de s’inscrire dans un élan partagé, soutenu et impulsé par les pouvoirs publics.
Le message qui est envoyé aujourd’hui au travers de ce budget est un message inverse et démobilisateur.
Le groupe socialiste-EELV et apparentés a déposé plusieurs amendements, qui ont déjà été adoptés par notre assemblée ou qui, je l’espère, le seront cet après-midi. Ils prévoient notamment le relèvement de la TVA sur les produits phytosanitaires, l’assujettissement à la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, des métaux lourds – sélénium et arsenic –, le relèvement de la redevance pour pollutions diffuses et l’assujettissement des perturbateurs endocriniens à celle-ci.
Ce sont des mesures de bon sens, favorables à l’environnement. Elles se sont cependant heurtées à un avis négatif du Gouvernement. En commission, la ministre Mme Kosciusko-Morizet avait précisé que, à titre personnel, elle leur apportait son soutien de principe. J’espère que ces mesures survivront à la navette parlementaire et à votre majorité à l’Assemblée nationale.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est avec regret que nous ne voterons pas les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2012. La maison brûle, l’incendie s’est étendu à tout le quartier et vous regardez toujours ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Bruno Sido s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » dans un contexte difficile, avec des moyens financiers particulièrement contraints.
Le budget qui nous est proposé se caractérise, sur la forme d’abord, par un manque de lisibilité. D’une part, les indicateurs de performance fournis sont dénués trop souvent de pertinence au regard de l’appréciation que nous sommes amenés à porter sur celui-ci. D’autre part, le périmètre de la mission est manifestement trop instable et empêche un travail satisfaisant de comparaison d’une année sur l’autre.
Prenons, par exemple, le périmètre du programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » qui a tellement évolué. Dans ce programme, eau, biodiversité et matières premières minérales non énergétiques sont agrégées dans l’action Gestion des milieux et biodiversité alors qu’ils étaient séparés en 2010. Cela ne facilite pas la lecture. En outre, cela permet de mieux dissimuler une baisse de crédits de plus de 16 % en 2011, baisse qui ne sera pas compensée cette année puisque les sommes allouées stagnent.
Par ailleurs, ce budget, sur le fond, ne traduit pas suffisamment les avancées du Grenelle. Il symbolise bien, en réalité, le choix qui est fait d’abandonner petit à petit les compétences et la capacité d’expertise dont disposait l’État en matière d’écologie.
Concernant les programmes 170 « Météorologie » et 159 « Information géographique et cartographique », ils sont séparés dans les documents budgétaires.
Cependant, il est prévu que l’Inventaire forestier national, l’IFN, sera intégré à l’Institut géographique national, l’IGN. Or, à la page 337 du « bleu », on trouve, dans le même tableau, les effectifs de l’IGN seul, puis, pour 2012, de l’IGN nouvelle version, c’est-à-dire du regroupement IGN et IFN, ce qui laisse croire à une hausse généreuse de 172 équivalents temps plein, alors que, en réalité, 30 équivalents temps plein sont perdus. Cette intégration n’est donc guidée que par des considérations budgétaires, par la sacro-sainte révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui vise à mutualiser certains services, mais surtout à réduire le nombre de postes. Pourtant, dans le cas présent, ces deux établissements publics ont des missions tout à fait différentes et n’ont en commun que la dimension cartographique de leur travail.
Cette fusion entraîne une délocalisation des activités, que l’administration n’accompagne pas, notamment en ce qui concerne le logement, ce qui découragera à l’évidence certains agents devant quitter la province pour l’Île-de-France. Il en résultera sans doute, à terme, une perte de compétences.
Mais ce n’est pas tout. Cela préfigure surtout ce qui risque de se passer avec Météo-France dans un avenir proche. La fermeture annoncée de près de la moitié des centres départementaux et le déménagement des services parisiens vers Saint-Mandé, où est implanté l’IGN, n’est que la première pierre d’une nouvelle fusion, où, cette fois, l’IGN pourrait être absorbé par Météo-France. Ce regroupement ne peut mener qu’à l’affaiblissement et, à terme, au démantèlement des services publics.
J’en viens au programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité ».
La faible hausse des crédits pour ce programme – qui tranche, il est vrai, avec la baisse de l’exercice précédent –, accompagnée d’un redéploiement en faveur de la préservation et de la restauration de la biodiversité, pourrait constituer un motif de satisfaction.
Pour autant, les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux : si quarante-six postes ont été créés, ce qui constitue un progrès, sur l’action Gestion des milieux et biodiversité pour répondre à une nouvelle ambition en la matière, j’ai peur que ces ouvertures de postes ne soient insuffisantes au vu des besoins qui naîtront de la création de trois nouveaux parcs nationaux et de quatre parcs naturels marins.
Par ailleurs, l’ensemble du programme perd 423 postes, en particulier des postes pour l’appui technique destiné à venir en aide aux petites collectivités locales. Certes, il a été annoncé que les extensions jusqu’à 40 mètres carrés ne seront plus soumises au permis de construire, mais feront l’objet d’une simple déclaration préalable. Dès lors, toutes les communes devront instruire davantage de demandes sans bénéficier de l’appui technique des services de l’État. Encore une fois, l’État transfère des compétences vers les collectivités, et ce sont avant tout les petites communes qui seront les plus impactées. Je ne suis pas sûre qu’une telle décision, si elle était appliquée, apporterait plus de souplesse aux administrés, comme cela a pu être avancé.
Je dirai également un mot de l’épineuse question de l’approbation des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, rendue délicate en raison de la difficulté qu’il y a à financer les mesures foncières. Le dispositif que vous avez introduit et qui prévoit de fixer à un tiers le taux de participation pour chacun des acteurs – État, collectivité et exploitant – permettra, nous l’espérons, d’améliorer un peu la situation.
Toutefois, la réduction des risques à la source, notamment par des améliorations dans les process industriels, pourrait être plus avantageuse. Mais encore faudrait-il que l’Inspection des installations classées ait les moyens de ses ambitions : ses missions tendent à s’élargir du fait de nouvelles réglementations, nationales et européennes, ce qui enrichit le travail des inspecteurs d’approches complémentaires, singulièrement pour les produits, en raison du règlement REACH et de la directive sur les biocides.
Cependant, alors que le nombre d’inspecteurs avait légèrement augmenté au cours des dernières années, il commence à diminuer. Je regrette qu’il n’y ait pas un seul indicateur de performance pertinent à ce sujet. Pour autant, les faits sont là : il y a 1 200 équivalents temps plein pour 500 000 installations classées. Ces inspecteurs sont pourtant le premier moyen, et sans doute aussi le plus efficace, pour amener les industriels à améliorer leurs installations et à mener une politique de prévention des risques. Or, comme pour la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, on observe une baisse du nombre des contrôles, notamment des contrôles inopinés des rejets, associée à une hausse significative des sanctions administratives aux dépens des sanctions pénales qui, je le rappelle, sont, elles, rendues publiques et présentent donc l’intérêt de l’exemplarité. Là aussi, l’État semble abandonner progressivement ses missions de contrôle.
Par ailleurs, j’ai bien noté l’augmentation des moyens humains et financiers accordés à l’Autorité de sûreté nucléaire afin qu’elle puisse mieux remplir la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre après l’accident de Fukushima, et, nous l’espérons, en toute indépendance.
Bien qu’il soit difficile d’être exhaustif en sept minutes, je tiens également à souligner que le Fonds chaleur de l’ADEME, s’il a fait ses preuves, reste sous-doté avec 250 millions d’euros pour 2012 quand il en faudrait près du double !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Évelyne Didier. En définitive, ce budget traduit bien la réduction des ambitions, la perte des compétences et, surtout, une volonté, ici comme ailleurs, de réduire les moyens d’action de l’État dans les domaines non régaliens afin d’affaiblir les moyens publics jusqu’au moment où l’on sera sans doute amené à conclure à leur inefficacité, ce qui laissera alors le champ libre au privé.
La crise vient apporter son aide, si je puis dire, à ce plan général de réduction du service public dont l’exécution a commencé depuis bien des années.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Depuis dix ans !
Mme Évelyne Didier. Nous sommes entrés dans la phase la plus dure de ce programme.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’il semble loin le temps où le Grenelle de l’environnement devait faire entrer notre pays dans un nouveau cycle de développement et de croissance,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Oh oui !
M. Jean-Claude Requier. … un développement que l’on annonçait durable et une croissance que l’on prédisait verte ! (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-Claude Requier. Force est de constater que, malgré l’initiative du Grenelle, notre pays n’échappe pas à la crise, tant s’en faut !
C’est désormais le Grenelle dans son ensemble qui est menacé, comme en témoigne ce budget de crise fondé sur des hypothèses économiques déjà dépassées.
Les objectifs du Grenelle font donc, eux aussi, les frais de la politique d’austérité du Gouvernement. Dans bien des secteurs liés à l’environnement et à l’aménagement du territoire, la crise sera synonyme de retour en arrière et de temps perdu sur la route de la modernité et du désenclavement.
Fondés sur une croissance de 1,75 % que nous savons désormais totalement inatteignable, les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2012 sont en baisse par rapport à 2011. Il convient de préciser, ici, que les crédits de cette mission ont déjà subi deux coups de rabot successifs à l’occasion des derniers collectifs budgétaires, l’un de 84 millions d’euros et l’autre de 51 millions d’euros.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. Mon propos portera essentiellement sur le programme « Infrastructures et services de transports », qui reste, de loin, le plus important de la mission, mais qui est aussi la première victime des coups de rabot du Gouvernement puisqu’il a été amputé de près de 100 millions d’euros.
Face à l’ampleur des défis en matière d’infrastructures routières et ferroviaires, il apparaît que ce budget n’est pas à la hauteur. On ne peut que regretter le décalage entre les ambitions affichées du schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, et les chiffres d’un budget qui prélève 53 millions d’euros sur les ressources déjà insuffisantes de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, qui diminue les dotations de Voies navigables de France, les soumettant à une amputation de ressources, et qui ne prévoit pas de perspectives d’amélioration pour les acteurs du secteur des transports ferroviaires, je pense en particulier à la SNCF, à la RATP ou encore à RFF qui ne disposeront pas des moyens suffisants pour atteindre leurs objectifs.
Chacun s’accorde à reconnaître que notre système ferroviaire est à bout de souffle et ne remplit plus sa mission d’aménagement du territoire, de tout le territoire ! Je prendrai un exemple, monsieur le secrétaire d’État : nous avions dans le Lot, il y a près de quarante ans, un train rapide et moderne, Le Capitole, qui reliait Toulouse à Paris, avec des pointes à plus de 200 kilomètres par heure. Ce train n’est malheureusement plus en circulation. Il a été remplacé par un Téoz moins rapide, avec, bien souvent, un changement en gare de Brive, et des conditions de confort et de propreté contestables. Ne parlons pas de la restauration.
Mme Bernadette Bourzai. Elle a disparu !
M. Jean-Claude Requier. Le somptueux wagon-restaurant, lieu de rencontres et de convivialité, a été remplacé par un chariot sur lequel est proposée une nourriture standardisée, aseptisée et sans saveur. (Sourires.)
En matière ferroviaire donc, les concours de l’État stagnent, le montant des péages s’envole et la dette de RFF explose. Dans le même temps, RFF est lourdement mis à contribution : on lui demande de financer ses infrastructures ; la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires augmente de 75 millions d’euros à 115 millions d’euros entre 2011 et 2012 quand la taxe d’aménagement du territoire perçue sur les sociétés d’autoroutes reste, elle, stable à 35 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, envisagez-vous de transférer des ressources nouvelles au profit du financement du secteur ferroviaire ? À défaut, vous devrez nécessairement abandonner des projets.
Plus largement, la question qui se pose est bien celle du financement du SNIT. Des pistes sont-elles envisagées ou avez-vous déjà renoncé au financement de ce schéma, comme semble l’indiquer une lecture attentive des crédits de la mission ?
Avant de conclure mon propos, qu’il me soit permis d’évoquer un sujet d’actualité qui inquiète les campagnes et le monde de la ruralité auquel j’appartiens, et qui n’est pas sans lien avec l’examen des crédits de la mission ni avec la thématique énergétique qui nous préoccupe aujourd’hui. Je veux parler des menaces qui pèsent sur la pérennité du FACE, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification.
Le FACE a été créé en 1936 pour électrifier les campagnes. Financé par des contributions des gestionnaires de réseau de distribution – cinq fois supérieures dans les zones urbaines que dans les zones rurales –, c’est un excellent et indispensable outil de péréquation et d’aménagement du territoire. En 2010, les 356 millions d’euros des crédits du FACE ont permis plus de 500 millions d’euros de travaux de renforcement et de dissimulation.
Cependant, le FACE est aujourd’hui menacé et soumis à des attaques. Les pouvoirs publics ont opportunément découvert que le mode de fonctionnement actuel, bien que n’ayant jamais fait l’objet d’une quelconque remarque de la Cour des comptes, n’était pas conforme aux règles de la comptabilité publique, et qu’il fallait par conséquent le modifier.
Aussi le Gouvernement propose-t-il de transformer le FACE en CAS, compte d’affectation spéciale, et l’a introduit dans un article du projet de loi de finances rectificative actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale et qui doit donc venir prochainement devant notre Haute Assemblée.
M. Jacky Le Menn. On l’attend !
M. Jean-Claude Requier. Tout cela inquiète fortement le monde de l’électrification rurale. En effet, le CAS en question ne donne pas de garantie absolue sur la sécurisation et la pérennisation des crédits ; le conseil du FACE continuera à proposer des affectations mais le Gouvernement mettra la main sur la caisse !
M. Jean-Claude Requier. En cas de besoin…
Rappelez-vous, mes chers collègues, ce qu’il est advenu du FNDAE (M. Michel Teston opine.), le Fonds national pour le développement des adductions d’eau, qui a vu les crédits d’adduction d’eau se perdre dans les sables des finances de l’État, et plus récemment encore du « contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dont les crédits ont été ponctionnés de 32,6 millions d’euros par le programme de désendettement de l’État, au détriment des aides aux collectivités territoriales.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de modification du statut du FACE interpelle fortement le monde de l’électrification rurale. C’est donc par les fils aériens et souterrains que l’inquiétude gagne les campagnes car, du FACE, dépendent des travaux pour les entreprises, des emplois non délocalisables et une conception historique de la péréquation et de l’aménagement du territoire.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la majorité des membres du RDSE et l’ensemble des sénateurs radicaux de gauche ne se retrouvent pas dans l’essentiel des choix budgétaires contenus dans la mission « Écologie, développement et aménagement durables », et ils n’en approuveront donc pas les crédits. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est évidemment pas aisé pour moi de faire un discours sur les crédits du ministère de l’écologie compte tenu de mes anciennes responsabilités. Mais le sujet me tient à cœur et je crois que, quoi qu’en disent certains, le Grenelle doit rester notre feuille de route…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. On n’en prend pas le chemin !
Mme Chantal Jouanno. … au moins jusqu’en 2020.
Deux sujets, très souvent méprisés, me tiennent à cœur dans ce budget : les risques – y compris la santé environnementale – et la biodiversité. Je constate que ce sont les deux grands gagnants de ce budget.
C’est une très grande satisfaction de constater que la Stratégie nationale pour la biodiversité annoncée en juin dernier par Mme la ministre de l’écologie trouve enfin ses financements.
C’est une grande satisfaction de constater que le parc national des Calanques devrait être finalisé l’année prochaine.
C’est aussi une grande satisfaction de constater que la trame verte et la trame bleue se concrétisent, qu’elles avancent sur le terrain et, surtout, qu’elles font leur chemin dans les esprits.
J’ai entendu dire tout à l’heure que cela n’allait pas assez vite. Personnellement, je tiens à rendre hommage au remarquable travail accompli sur ce sujet par Paul Raoult, qui justement s’est efforcé de lever tous les blocages qui entravaient le développement de la trame verte et de la trame bleue.
Je connais les traditionnelles critiques qui sont émises sur la réglementation, le coût de la biodiversité. Je veux simplement rappeler à ceux qui les formulent que la biodiversité est le socle de toute richesse, que ce soit pour l’alimentation en eau, pour l’agriculture ou encore pour la pharmacopée.
Nous avons pris des engagements à Nagoya, probablement l’un des sommets les plus importants après celui de Copenhague (Mme Laurence Rossignol s’exclame.) ; nous devons les respecter. J’aimerais d’ailleurs savoir, monsieur le secrétaire d'État, où en est la mise en œuvre de Nagoya.
À cet égard, je ne peux que souhaiter que le fonds pour la biodiversité, un fonds qui permettrait d’accélérer les projets sur le terrain, voie le jour. Je souligne que j’ai déjà eu l’occasion, dans cet hémicycle, de voter l’amendement visant à accroître la TVA sur les produits phytosanitaires, ce qui pourrait utilement permettre d’alimenter ce fonds.
Le second sujet que j’aborderai est celui des risques, sujet que, malheureusement, nous redécouvrons régulièrement en percevant notre vulnérabilité face aux catastrophes naturelles ou industrielles.
Je sais que la mise en place des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, a pris du temps. Toutefois, 90 % de ces PPRT seront prescrits d’ici à la fin de l’année. Depuis 2007, aucun ministre n’a fléchi sur ce sujet, même si c’était parfois très difficile.
J’éprouve une satisfaction toute particulière concernant la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la table ronde sur les risques industriels. Je suis très contente en effet que Nathalie Kosciusko-Morizet ait obtenu ce que je n’ai jamais réussi à obtenir : le financement tripartite des PPRT, car je crois, comme vous, que ce sera un moyen de débloquer les situations sur le terrain, ainsi que le relèvement du plafond sur le crédit d’impôt.
Toujours au chapitre des risques, j’en viens à la question de la santé environnementale.
Nous avons constaté dans ce budget que le deuxième Plan national santé-environnement avançait ; nous en avons tellement adopté qui n’ont jamais vu le jour…
Je vous invite tout particulièrement, chers collègues, à suivre les travaux sur la cohorte Elfe, ou étude longitudinale française depuis l’enfance, qui nous permettra de mieux appréhender l’effet des pollutions diffuses sur la santé de nos enfants.
Je vous invite aussi à suivre avec attention les amendements qui permettront d’augmenter les crédits consacrés à la recherche sur les radiofréquences.
J’aimerais que nous puissions disposer d’un bilan sur l’application du plan Ecophyto 2018, car nous avons entendu sur ce sujet tout et son contraire. Je sais que le ministère de l’écologie n’est pas nécessairement le ministère pilote en ce domaine, mais il serait vraiment très utile de disposer d’un bilan très clair par rapport à la feuille de route que nous nous étions fixée sur Ecophyto 2018.
Je ferai une autre requête concernant le rattachement clair à un seul ministère de l’ensemble des crédits consacrés à la santé environnementale. J’ai connu cette difficulté lorsque j’étais secrétaire d'État chargée de l’écologie. Les crédits consacrés à la santé environnementale sont aujourd'hui très éclatés entre différents ministères et il faudrait qu’ils soient clairement rattachés à un ministère pilote.
Enfin, un point d’inquiétude concerne l’ADEME. On ne se refait pas ! (M. le secrétaire d'État sourit.)
L’ADEME est l’opérateur clé du Grenelle et elle reste précurseur en termes d’idées. Elle est d’ailleurs au cœur de la table ronde sur l’efficacité énergétique.
J’aimerais avoir de nouveau des assurances sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Nous avons renforcé l’ADEME pour qu’elle puisse mettre en œuvre le Grenelle. Il ne faudrait pas faire machine arrière sur les engagements qui ont été pris au sein de l’ADEME, car cet établissement a beaucoup trop souffert des fluctuations en matière de politique et en termes de moyens supplémentaires. C’est dit !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Et bien dit !
Mme Chantal Jouanno. Pour conclure, je sais qu’il y aura au cours de ce débat – on les a du reste déjà entendus – les éternels discours selon lesquels « on n’en fait pas assez », « il faut abandonner le nucléaire » – je souligne que ce n’était d'ailleurs pas un engagement du Grenelle – ou encore « nous avons renoncé ».
C’est vrai, tout n’est pas parfait. Nous aurions aimé que l’éolien soit plus consensuel, que l’on puisse aller plus loin dans le développement de l’énergie solaire, par exemple, ou que les modèles de consommation évoluent beaucoup plus rapidement. Malheureusement, les publicités actuelles ne me rendent pas très optimiste sur ce point.
J’aurais aimé que la gauche ne fasse pas de recours sur la contribution carbone.
Mais, depuis quatre ans, quoi que vous en disiez, l’écologie progresse sur le terrain,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Lentement !
M. Bruno Sido. Mais sûrement !
Mme Chantal Jouanno. … qu’il s’agisse du solaire, de l’éolien, de la biomasse, des véhicules électriques, de la rénovation des bâtiments ou encore des énergies marines.
Mme Laurence Rossignol. Grâce aux collectivités locales !
Mme Chantal Jouanno. Et vous pouvez lancer des slogans, toujours un peu les mêmes, moi, je vous renvoie à la réalité des chiffres et je vous invite aussi à écouter les associations, qui, toutes, nous disent que, certes, elles auraient aimé que les progrès soient plus importants, mais qu’un pas a tout de même été franchi.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Regardez les chiffres qui figurent dans le rapport ! (M. Roland Courteau brandit le document.)
Mme Chantal Jouanno. C’est pourquoi je vous demande de ne pas sacrifier sur l’autel des querelles politiciennes qui vont tous nous agiter à l’approche de l’élection présidentielle ce qui a été fait, et de ne pas l’instrumentaliser outre mesure.
Monsieur le secrétaire d'État, même si vous auriez aimé avoir plus de marges budgétaires, vous avez tout notre soutien pour défendre votre budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Demande d'un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 5312–6 du code du travail, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de solliciter l’avis de la commission compétente en matière d’emploi sur le projet de désignation de M. Jean Bassères aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires sociales.
Acte est donné de cette communication.
5
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 25 novembre, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011–198 QPC et 2011–199 QPC).
Acte est donné de ces communications.
6
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte de concours financiers : Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres (ligne supprimée)
Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle)
(suite)
M. le président. Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », la parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le besoin de mobilité est un bouleversement sociétal largement partagé sur le territoire. Sociétal en effet, en particulier dans le milieu rural, puisque l’évolution des modes de vie et l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail conduisent à des attentes qui ne sont plus l’apanage des seules agglomérations. Le besoin de transports en commun se fait de plus en plus pressant dans les petites villes-centres. Celles-ci réfléchissent aujourd’hui à des solutions qu’elles n’auraient pas imaginées il y a dix ans.
À l’évidence, le projet de budget pour 2012 ne répond pas à ces préoccupations, qui intéressent plusieurs millions de Français. C’est regrettable, monsieur le secrétaire d'État, car si le Gouvernement était attentif, il aurait engagé une vaste réforme, mobilisant les autorités organisatrices de transports, afin d’engager un programme au long cours, avec – cela va de soi – les moyens nécessaires.
Pour le coup, nous aurions eu une véritable réforme. Investir dans la mobilité participe à l’équilibre entre le rural et l’urbain. À côté des grands projets en site propre, des transports express régionaux, les TER, il y a urgence à mailler le territoire. J’entends par là qu’il faut enclencher des programmes de rabattement vers les gares TER et vers les points d’arrêts des cars départementaux et redéfinir l’accès des agglomérations par la remise en état des étoiles ferroviaires et, bien sûr, le tram-train. Cette mutation est essentielle à plus d’un titre pour le désenclavement, pour l’économie et pour la qualité de vie.
L’amendement de la commission des finances qui vise à satisfaire, hors périmètre de transports urbains, PTU, des besoins nouveaux de déplacement en utilisant le versement transport va dans le bon sens. Cette mesure permettra de bonifier les projets des régions. Demain, il faudra bonifier, dans les mêmes conditions, ceux des petites villes-centres, pour leur permettre d’exercer de nouvelles compétences décisives pour l’usage des transports en commun.
Dans une autre vie, j’ai présidé le Conseil supérieur du service public ferroviaire. Il a malheureusement été supprimé par votre majorité, monsieur le secrétaire d'État, ce que je déplore. Il jouait un rôle décisif et actif en ce qui concerne les grands enjeux du ferroviaire français. À l’époque, je considérais comme une erreur aux lourdes conséquences la séparation institutionnelle entre la gestion de l’infrastructure et des services ferroviaires, décidée par la loi du 13 février 1997. J’ose rappeler que les directives européennes n’imposent toujours qu’une séparation comptable renforcée.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Jean-Jacques Filleul. La création de Réseau ferré de France, RFF, devait alors contribuer à désendetter la SNCF. Certains zélateurs de cet éclatement avaient sans doute l’idée que cela puisse permettre d’aboutir, à terme, à une privatisation.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Certainement !
M. Jean-Jacques Filleul. Nos critiques de l’époque se vérifient, hélas ! aujourd’hui. Créer deux entités qui défendent des intérêts opposés ne peut qu’aboutir à un affaiblissement de la qualité et de la sécurité. Cela engendre par ailleurs des doublons, des surcoûts stupides et des suspicions réciproques.
L’une freine l’évolution de l’autre, et les besoins financiers de RFF sont tels que les péages siphonnent l’excédent d’exploitation de la SNCF. Ceux-ci, multipliés par 3,5 depuis 1997, mettent en cause aujourd'hui jusqu’au TGV. J’avais proposé, dès 2001, dans mon rapport à l’Assemblée nationale, la création d’une holding qui chapeauterait les deux entités par une direction commune du service public ferroviaire, avec des objectifs d’entreprise publique, le même discours, le retour à un système ferroviaire intégré.
Aujourd’hui, le malaise est profond, et nous découvrons que la direction de la SNCF est nostalgique de cette solution, qui a, d'ailleurs, été adoptée par notre voisin allemand. Grand bien lui fasse ! Aujourd’hui, la Deutsche Bahn est le premier opérateur au monde.
Mme Mireille Schurch et M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Voilà !
M. Jean-Jacques Filleul. Je n’aurai pas le temps d’aborder la question du fret et de sa chute constante, mais j’observe tout de même que l’ouverture à la concurrence n’a pas contribué à le revitaliser. De plan fret en plan fret, la part du fret ferroviaire dans le total des marchandises transportées est passée de 17 %, il y a dix ans, à 8 % ou 9 % aujourd'hui.
Mme Mireille Schurch. Et voilà !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vraiment triste !
M. Jean-Jacques Filleul. Le cadencement des trains, en soi, est un bon projet.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il faut le reconnaître !
M. Jean-Jacques Filleul. Mais sa généralisation interpelle. Pourquoi cette précipitation ? Elle inquiète les agents de la SNCF, les passagers et les élus. Sans doute RFF a-t-il comme point de mire la privatisation de sillons, voire l’industrialisation de la confection des horaires, pour supprimer de nombreux postes très qualifiés d’horairistes, au prix d’une fragilisation supplémentaire.
Mme Mireille Schurch. Eh oui !
M. Jean-Jacques Filleul. Aujourd'hui, le mécontentement est grand. Des comités d’usagers se réunissent, pétitionnent, s’inquiètent, car dix minutes de plus ou de moins, cela a parfois des conséquences plus importantes que ce que pouvaient imaginer les technocrates.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Filleul. Ce sont sans doute les mêmes qui, à RFF et à la SNCF, ont pensé que l’on pouvait, en un seul mouvement, changer 70 % des horaires de train en décembre prochain, c’est-à-dire réaliser en quelques mois ce que les chemins de fer suisses ont mis quinze ans à mettre en place, moyennant de gros investissements.
Mme Mireille Schurch. Voilà !
M. Jean-Jacques Filleul. Il ne faut pas se voiler la face : les dysfonctionnements seront plus nombreux que la centaine annoncée par Guillaume Pepy. Certains syndicats en évoquent plusieurs milliers sur l’ensemble du réseau, ce qui, d’ailleurs, justifie l’engagement, par la SNCF, d’une médiatrice.
Monsieur le secrétaire d’État, je terminerai mon propos de quelques minutes en évoquant un point positif. L’état du réseau ferroviaire est tellement déplorable et les besoins de régénération sont tant attendus qu’il fallait bouger. Le programme de rénovation arrive donc à point. Mais, s’il s’agit d’une étape appréciable, il en reste de nombreuses à franchir si l’on veut que le service public ferroviaire joue pleinement son rôle dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien ! Excellente intervention !
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera sur les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Le rapporteur pour avis de la commission de l’économie M. Roland Courteau en a déjà souligné les faiblesses : ce programme est en baisse, aussi bien en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement, et il manque de vision globale et à long terme.
Je souhaite aborder certains points relatifs aux questions énergétiques, en particulier au regard des priorités affichées du Grenelle de l’environnement, dont, quoi qu’en dise Mme Jouanno, les objectifs ne sont pas tenus.
J’évoquerai tout d’abord l’efficacité énergétique et le crédit d’impôt « développement durable », ou CIDD, qui bénéficie d’importantes dépenses fiscales rattachées, pour des dépenses d’équipement telles que l’isolation thermique, l’installation d’une chaudière à condensation, d’une pompe à chaleur ou de panneaux photovoltaïques ou encore pour la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique, toutes choses qui améliorent la vie quotidienne de nos concitoyens en allégeant leurs charges.
Les propositions du Gouvernement pour 2012 se traduisent par une diminution vertigineuse des moyens.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Oh oui !
Mme Bernadette Bourzai. Ils s’établiront en effet à 1,4 milliard d’euros, contre 2,625 milliards d’euros en 2010, soit 1,2 milliard d’euros de moins : le coup de rabot est devenu un coup de varlope !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. En effet, il ne reste pas grand-chose !
Mme Bernadette Bourzai. Et le Premier ministre a annoncé une nouvelle diminution – de 20 % – du taux du CIDD, dans le cadre du nouveau plan de rigueur.
Par ailleurs, l’article 43 du projet de loi de finances recentre le dispositif sur les rénovations importantes, qui apportent de meilleurs résultats en termes d’efficacité énergétique. Le taux sera bonifié en cas de réalisation de plusieurs travaux, et il pourra désormais être cumulé avec l’éco-prêt à taux zéro, sous conditions de ressources, ce qui est opportun. Mais, dans le même temps, le taux de TVA sur la rénovation des bâtiments passe de 5,5 % à 7 %…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Bernadette Bourzai. On peut s’interroger sur la logique de l’opération.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il n’y a pas beaucoup de logique !
Mme Bernadette Bourzai. Comprenne qui pourra !
Je rappelle que la France s’est donné pour objectif de réduire de 38 % la consommation énergétique des bâtiments d’ici à 2020. La réforme du CIDD va forcément avoir des conséquences sur les choix de rénovation des ménages, en particulier des plus modestes, alors qu’il est indispensable d’orienter ces choix dans le sens de l’amélioration de l’efficacité énergétique.
J’en viens au développement des sources d’énergies renouvelables, qui, lui aussi, est largement insuffisant.
Si la production de biocarburants s’est beaucoup développée depuis 2006, passant de 0,6 million à 2,7 millions de tonnes équivalent pétrole, il est légitime, dans le contexte de volatilité des cours des matières premières et de crise alimentaire, de s’interroger sur les conflits d’usage que ces biocarburants génèrent avec les productions alimentaires (M. Roland Courteau opine.) ainsi que sur la nécessité de réserver les terres agricoles en priorité à des usages alimentaires. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)
L’Europe et la France devraient même lancer un plan « protéines végétales pour l’alimentation animale », afin de limiter les importations et la dépendance européenne dans ce secteur.
Il importe maintenant de mettre l’accent sur la recherche et la recherche et développement en faveur des biocarburants de deuxième et de troisième génération,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Voilà !
Mme Bernadette Bourzai. ... qui doivent prendre le relais. Mais, là encore, les crédits reculent, et c’est regrettable.
S’agissant de l’électricité d’origine renouvelable, elle progresse, certes, mais nous sommes loin du saut quantitatif dont nous aurions besoin. L’hydraulique n’offrant que peu de marges de progression, c’est l’éolien qui devra fournir, d’ici à 2020, la majorité des capacités nouvelles d’électricité d’origine renouvelable. Or nous avançons à un rythme trop lent, avec une réglementation toujours plus lourde pour les porteurs de projets.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Exactement !
Mme Bernadette Bourzai. En ce qui concerne l’éolien en mer, on peut espérer que les appels d’offres permettront non seulement de remplir les objectifs du Grenelle de l’environnement, mais aussi de favoriser la création d’une véritable filière industrielle éolienne en France.
Je laisserai à mon collègue Jacques Chiron, sénateur de l’Isère, le soin d’évoquer la situation catastrophique de la production photovoltaïque, qui le concerne directement.
Pour ce qui est de la production d’électricité à partir de biomasse – forestière ou non –, le tarif d’achat de l’électricité et les appels d’offres avantagent les centrales de cogénération de plus de 5 mégawatts. Or cela ne correspond pas au besoin de faire croître cette filière au plus près des territoires, via de petites unités favorisant le développement local.
J’ajoute que les appels d'offres successifs de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, ont fortement perturbé le marché des produits forestiers et des produits connexes de scierie, le plus souvent en vain, car ils ne sont pas tous suivis de réalisation.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Bernadette Bourzai. Il est donc souhaitable que les tarifs d’achat favorisent les petites unités, et notamment les réseaux de collectivités locales, à partir de 1 mégawatt, avantage dont bénéficient, actuellement, les scieries.
Enfin, je veux parler de la production de chaleur, qui représente la moitié des objectifs du Grenelle de l’environnement en matière de développement des sources d’énergie renouvelable. L’objectif pour 2020 est d’atteindre les 19 millions de tonnes équivalent pétrole ; nous en sommes encore loin.
Certes, le fonds chaleur renouvelable a permis de favoriser en deux ans plus de 1 000 installations énergétiques. Les engagements de l’État ont été de 169 millions d’euros en 2009 et de 256 millions d’euros en 2011 ; selon les objectifs du Grenelle, ils devaient atteindre 500 millions d’euros en 2012 et 800 millions d’euros en 2020.
Or, le 9 novembre dernier, à l’occasion de son audition par notre commission, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a indiqué qu’il fallait s’attendre non pas à une augmentation des financements actuels, mais, au mieux, à leur maintien. Cela ne permettra pas de soutenir les nombreux projets locaux, ce qui est tout à fait dommageable.
Pour toutes ces raisons et parce que nous n’atteindrons pas les objectifs définis par la directive européenne 2020, traduite dans le Grenelle de l’environnement, nous voterons contre les crédits du programme 174. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien ! Les choses doivent être dites !
M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Soyez bref, mon cher collègue : vous ne disposez que de deux minutes de temps de parole ! (Sourires.)
M. Jacques Chiron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Président de la République promettait en 2009 que « là où on dépense un euro pour le nucléaire, on dépensera un euro pour les énergies propres ».
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. En effet !
M. Jacques Chiron. Mais, aujourd'hui, nous venons de rater l’opportunité de développer une véritable filière photovoltaïque en France.
La société iséroise Photowatt, qui compte plus de 500 salariés, a déposé son bilan le 4 novembre…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Jacques Chiron. … sans que l’État, sollicité à maintes reprises, intervienne.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Jacques Chiron. Cette société a connu un essor important et est devenue, en 2003, l’un des leaders mondiaux. Elle est la seule entreprise française à maîtriser l’ensemble de la filière, de la conception à l’installation, en passant par la fabrication industrielle des cellules solaires sur le territoire français.
Mais, en dix ans, la concurrence étrangère, en particulier chinoise, ainsi que le manque de soutien de l’État aux PME-PMI de la filière ont empêché notamment cette entreprise de créer une dynamique de développement à la mesure du marché potentiel. Et pourtant, le marché privé de vente de panneaux solaires a explosé. Comment expliquer ce nouvel échec dans la conquête d’un marché industriel créateur d’emplois pour l’avenir ?
Premièrement, la mise en place de tarifs de rachat d’énergie non dégressifs a conduit à une spéculation financière, constatée dès 2009, mais, comme d’habitude, non régulée.
Deuxièmement, le moratoire que le Gouvernement a mis en place en 2010, suivi du blocage, pendant neuf mois, des appels d’offres, a provoqué une déstabilisation générale du secteur.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Ce sont 10 000 emplois qui ont été perdus !
M. Jacques Chiron. Troisièmement, en l’absence d’une quelconque certification de la qualité des panneaux – coût carbone, maintenance, recyclage… –, ce sont majoritairement des panneaux chinois qui ont été installés en France.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui ! Bonjour le bilan carbone !
M. Jacques Chiron. Notons au passage qu’EDF, entreprise publique, est le premier acheteur français de panneaux chinois…
Quatrièmement, enfin, les investisseurs ont été découragés par les mouvements de yo-yo de la réglementation et par l’illisibilité de notre stratégie nationale.
Depuis deux ans, les représentants de ce secteur, relayés par certains élus, dont notre collègue sénateur Jean-Pierre Vial et Geneviève Fioraso, députée de l’Isère, ont frappé à toutes les portes – ministères, Fonds stratégique d’investissement, direction de l’industrie, grands opérateurs… – afin de signaler ces incohérences. En vain !
Monsieur le secrétaire d’État, au niveau national, le bilan de la filière est terrible : à ce jour, sur un total de 25 000 emplois, près de 15 000 ont été supprimés ou le seront à terme.
M. Jacky Le Menn. Alors qu’on devait en créer !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est une catastrophe !
M. Jacques Chiron. Enfin, je souhaite attirer votre attention sur les investissements et dépenses en recherche et développement publics de l’État et des collectivités locales en faveur des laboratoires du CEA-Liten, à Grenoble, et de l’Institut national de l’énergie solaire, l’INES, à Chambéry, deux fers de lance de notre recherche technologique dans ce secteur dont les applications vont se retrouver sans débouchés pour les entreprises françaises, faute, justement, d’entreprises françaises !
Monsieur le secrétaire d’État, le résultat est désastreux pour cette filière qui représente, pourtant, un enjeu essentiel de notre bouquet énergétique. En quatre ans, quel immense gâchis pour la filière photovoltaïque française ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Mireille Schurch et M. Raymond Vall applaudissent également.)
MM. Jacky Le Menn et Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en mars 2010, au Salon de l’agriculture, on s’en souvient, Nicolas Sarkozy s’exclamait : « l’environnement, ça commence à bien faire ! »
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il l’a dit !
M. Ronan Dantec. Force est donc de constater, et nous pouvons sans doute trouver un consensus sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, l’efficacité absolue de la parole présidentielle sur l’évolution de l’action publique, tout du moins dans le domaine de l’environnement ! (Mme Mireille Schurch et M. Roland Courteau sourient.)
Les ministres se sont montrés zélés et, un peu plus d’un an après cette déclaration, le budget de l’environnement est en effet en très forte baisse, le nombre de fonctionnaires du ministère en réduction massive et une grande partie des engagements du Grenelle se sont perdus dans les méandres administratifs de la rédaction de décrets dont on n’attend même plus la publication.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si nous considérons par exemple le programme 217, qui rassemble la masse salariale du ministère de l’écologie, nous ne pouvons qu’être saisis par la fonte des effectifs : 1 580 équivalents temps plein sont supprimés l’année prochaine, après déjà près de 4 000 suppressions de postes entre 2009 et 2011.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est une véritable saignée !
M. Ronan Dantec. Nous sommes au-delà du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ! Comment peut-on, dans ce cadre, atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement si promu à l’époque ? La ministre Mme Kosciusko-Morizet reconnaissait elle-même sur son blog en mars 2010 qu’il fallait « retrouver l’âme du Grenelle ». Dix-huit mois plus tard, il faut donc constater qu’elle cherche encore.
Pour reprendre un exemple frappant de ce désengagement du Gouvernement, notons la réduction de 496 équivalents temps plein pour le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité ». Comment peut-on imaginer que la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité, pourtant présentée comme une priorité pour 2012, puisse se développer avec un tel manque de moyens ? C’est évidemment impossible.
Il y a quelques semaines, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie M. François Baroin a lui-même clairement enterré le Grenelle de l’environnement en déclarant : « Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas compris ce qui se passe. C’était une mutation folle sous l’angle des moyens. On a laissé faire Jean-Louis Borloo dans l’euphorie ; personne n’a porté l’idée que cela a un prix ». Le propos, tenu pour les quatre ans du Grenelle, avait plus valeur d’épitaphe que de cadeau d’anniversaire !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Cela y ressemblait !
M. Ronan Dantec. Le Gouvernement n’a pas la volonté d’une politique de l’environnement et il ne s’en donnera pas les moyens financiers ni humains. Le budget initial en témoigne mais, comme si cela ne suffisait pas, la majorité de droite, constante dans l’effort, a encore raboté ce programme en réduisant significativement à l’Assemblée nationale les programmes portant sur l’énergie, la biodiversité et la gestion des risques.
L’action sur l’efficacité énergétique avait été présentée comme l’une des grandes priorités de ce Grenelle et nous espérions effectivement une forte impulsion sur ce point. Cependant, les résultats sont bien loin des objectifs. Il faut se rendre à l’évidence, au rythme actuel, nous n’atteindrons pas l’objectif de 38 % de réduction des consommations d’énergie du parc de bâtiments existants d’ici à 2020 et de 400 000 rénovations chaque année à compter de 2013.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.Exact !
M. Ronan Dantec. La remise en cause l’année dernière de la possibilité pour les ménages de cumuler le crédit d’impôt et l’éco-PTZ n’est pas pour rien dans ce mauvais résultat, en cassant toute dynamique. Nous nous réjouissions donc du rétablissement de la possibilité de cumul, sauf qu’en limitant ce cumul aux foyers dont les ressources ne dépassent pas 30 000 euros par an, vous limitez d’emblée la portée de cette mesure. Cela se retrouve, et c’est cohérent, dans ce projet de loi de finances puisque vous budgétez une réduction du crédit d’impôt en faveur du développement durable, le CIDD, de près de 600 millions d’euros cette année encore, soit 1,2 milliard d’euros de moins en deux ans.
Les chiffres affichent donc ce que vous n’avouez pas : la réduction de l’effort de réhabilitation du logement ancien, en contradiction totale avec vos déclarations de principe sur l’efficacité énergétique et la lutte contre le changement climatique, au détriment de l’indépendance énergétique de la France et du pouvoir d’achat des ménages.
Si, au moins, au-delà des contraintes budgétaires et dans le souci de trouver de nouvelles recettes pour le budget de l’État, vous vous engagiez sur des mesures de fiscalité écologique… Le Grenelle en avait avancé plusieurs. Mais, là non plus, et pourtant cela rapporterait à l’État, nous ne notons aucun progrès.
La taxe sur les poids lourds, engagement n° 45 du Grenelle, pourrait rapporter plus de 1 milliard d’euros par an. Mais, autre preuve s’il en fallait du recul du Gouvernement, sa mise en place est encore repoussée et nous pouvons même douter de la volonté de l’instaurer un jour. Vous avez été bien plus rapides, en revanche, pour autoriser l’augmentation du tonnage des poids lourds sur nos routes.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Ah oui !
M. Ronan Dantec. Le transport de marchandises par camion a beau contribuer fortement aux émissions de gaz à effet de serre, vous n’aurez finalement jamais rien fait pour le réorienter vers le rail.
MM. Jean-Jacques Filleul et Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Ronan Dantec. La part du fret ferroviaire a été divisée par deux en dix ans en France, alors qu’elle doublait en Allemagne dans la même période.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Quel gâchis !
M. Ronan Dantec. Ce matin, notre collègue Louis Nègre évoquait une politique dans le droit fil du Grenelle concernant le ferroviaire. Je présume qu’il parlait de fil à plomb, pour visualiser la chute à pic du fret ferroviaire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Bien vu !
M. Ronan Dantec. Lundi prochain, s’ouvrira à Durban, en Afrique du Sud, la dix-septième Conférence des Parties de l’ONU sur le changement climatique. Il y a seulement deux ans, la France se targuait presque de pouvoir sauver la planète à elle toute seule, par son volontarisme, son plan « énergies renouvelables » pour l’Afrique et, bien sûr, la force du verbe de son Président.
Aujourd’hui, nous observons plus que jamais le scepticisme voire la colère des pays du sud, car, de nos paroles, il ne reste rien de bien concret ! Pour prendre un seul exemple, les crédits affectés spécifiquement au changement climatique dans le budget de l’environnement, qui sont déjà faibles, sont encore réduits de 20 % dans le projet de loi de finances qui nous est proposé aujourd’hui.
C’est pourtant par nos résultats en termes de réduction des émissions de CO2 en France, par des engagements financiers réels sur l’abondement des fonds de solidarité Nord-Sud, décidés à Copenhague et à Cancún, que nous restaurerons la confiance avec les autres pays du monde. Nous n’arriverons pas à un accord climatique ambitieux, et ô combien nécessaire, dans les prochaines années si nous n’agissons pas nous-mêmes à la hauteur des enjeux.
Votre budget, monsieur le secrétaire d’État, prend exactement le chemin inverse : c’est bien un budget de démission face aux enjeux environnementaux, nous voterons donc résolument contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure cette discussion générale, je vais essayer de répondre au mieux aux orateurs qui se sont succédé à cette tribune et partager avec vous les motivations qui nous ont conduits à la construction du budget de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2012.
L’objectif premier de ce budget est de répondre aux attentes concrètes des Français pour améliorer leur quotidien. C’est un budget qui découle directement des travaux du Grenelle de l’environnement.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.. Vous plaisantez !
M. Jacky Le Menn. C’est un farceur !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. La mission « Écologie, développement et aménagement durables » représente 9,603 milliards d’euros de crédits de paiement, en reconduction par rapport à 2011.
Cette mission est au cœur de l’action ministérielle que nous menons avec Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, dont l’ensemble du périmètre d’action pèse, je le rappelle, près de 27,7 milliards d’euros.
Ce niveau d’intervention, dans un contexte budgétaire tendu, témoigne de l’importance qu’accorde le Gouvernement au cadre de vie des Français et à leurs modes de transport, dans une logique totalement « grenellienne ».
Bien sûr, l’effort de redressement des finances publiques, indispensable pour préserver durablement le modèle social français,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Cela n’a rien à voir avec le Grenelle !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … marque aussi ce budget 2012.
Je définirais le budget 2012 en lui attribuant trois qualités : il est responsable, efficace et dynamique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Vous savez que ce n’est pas vrai !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est un budget responsable, car il permet de couvrir des dépenses obligatoires. Je pense évidemment à l’équilibre de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, à l’entretien des infrastructures routières notamment.
Il est responsable, surtout, parce que nous mobilisons toutes les économies possibles. Les réformes décidées dans le cadre de la RGPP nous permettent d’aller un peu au-delà du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Les effectifs seront ainsi réduits de 1 309 ETP, pour atteindre 60 305 ETP.
M. Ronan Dantec. C’est inacceptable !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pour répondre à la crise et redresser les finances publiques, le Premier ministre a annoncé deux séries de mesures, le 24 août et le 7 novembre derniers. Le ministère y contribue bien évidemment. L’effort représente 240 millions d’euros de crédits budgétaires, dont 140 millions d’euros sur la mission que nous examinons aujourd'hui.
Il y a tout d’abord des économies de constatation à l’AFITF et à l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM. À Gérard Miquel qui s’inquiète de la soutenabilité du budget de l’énergie, je précise que les économies, liées à la démographie de l’ANGDM, nous permettent de contribuer à l’effort de redressement des finances publiques sans pour autant mettre en péril l’Agence. La situation est donc assainie de façon durable.
Des efforts complémentaires ont porté sur les infrastructures de transport, sur la gestion des risques, les crédits environnementaux et le fonctionnement. Pour être juste, il n’y a pas eu de « vache sacrée » dans l’ensemble du périmètre ministériel, chaque secteur ayant contribué à hauteur de ses capacités.
M. Ronan Dantec. C’est l’abattoir !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les mesures annoncées début novembre portent essentiellement sur des dispositifs fiscaux. Il s’agit de recentrer ceux-ci sur les mesures les plus efficaces. De façon générale, l’ensemble des niches fiscales a connu une « réduction homothétique ». Le CIDD, l’un des crédits d’impôt les plus importants, participe un peu plus compte tenu de son poids dans l’ensemble de la dépense fiscale.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Beaucoup plus !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Notre responsabilité, enfin, c’est aussi de réformer nos établissements pour en améliorer l’efficacité et leur donner les moyens de se développer. Je prendrai les exemples de l’Institut géographique national, l’IGN, et de Météo-France, en réponse à François Fortassin.
L’Institut géographique national intégrera l’Inventaire forestier national au 1er janvier 2012. L’enjeu est de disposer d’un établissement aux compétences étendues en matière de description du territoire et d’inventaire de la ressource forestière, tout en mutualisant les moyens des deux établissements. Nous ferons ainsi des économies sur les plans financier, immobilier et humain : c’est ainsi que nous pourrons consolider la situation financière de l’établissement. Des crédits de 96 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012.
Météo-France, quand à lui, sera confronté à des chantiers très importants en matière d’investissements en 2012. Ces investissements accompagnent sa réforme territoriale : ce sont deux volets indissociables pour améliorer le service et la performance reconnue de l’établissement. Les investissements prioritaires sont ceux qui sont relatifs aux infrastructures du réseau d’observation, avec la nécessaire rénovation des infrastructures techniques de base pour le réseau des radars et le réseau d’observation de surface. Nous tirons pleinement les conséquences des épisodes neigeux de décembre 2010 en remplaçant les stations au sol obsolètes et en déployant des capteurs de hauteur de neige en plaine. Ainsi, 4,3 millions d’euros supplémentaires seront consacrés en 2012 aux investissements destinés au réseau d’observation et aux investissements immobiliers.
C’est un budget efficace, car nous tenons compte des évaluations portées notamment par l’Inspection générale des finances sur les dispositifs fiscaux. Ceux-ci sont réformés en conséquence pour mieux les orienter et éliminer les effets d’aubaine qui avaient été dénoncés. C’est le cas du CIDD et de l’éco-PTZ.
S’agissant de ces deux produits, nous avons réalisé un véritable travail de « réingénierie ». Notre objectif reste celui du Grenelle : réduire de 38 % la consommation énergétique dans l’habitat. Le nouveau dispositif encourage donc la réalisation de bouquets de travaux, qui permettront à la France d’atteindre ce seuil, plutôt que des travaux isolés, lesquels créaient des effets d’aubaine et faisaient légitimement l’objet de critiques.
M. Ronan Dantec. C’est incohérent !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les bouquets de travaux ouvrent droit à des bonus d’aide afin d’inciter à « monter en gamme » sur le plan de l’efficacité énergétique. Le cumul du CIDD et de l’éco-PTZ est de nouveau autorisé, spécifiquement pour accompagner les ménages les plus modestes, comme Roland Courteau et Bernadette Bourzai en ont exprimé le souci.
Je rappelle à Bernadette Bourzai qu’il existe également le programme « habiter mieux » porté par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, sur le grand emprunt, qui permettra d’aider des milliers de nos compatriotes les plus modestes.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Et les collectivités ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Enfin, ce budget est dynamique, car de véritables choix politiques ont été faits pour financer par redéploiements nos priorités. Le point commun à ces priorités, ce qui leur donne un sens, c’est bien sûr le respect des engagements du Grenelle de l’environnement. Je peux vous dire qu’ils sont tenus. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Au titre des crédits budgétaires pour 2012, les seuls engagements spécifiques du Grenelle de l’environnement représentent 163 millions d’euros, mais, en fait, c’est toute l’action du ministère qui est désormais réorientée. L’ambition et l’action vont donc de pair, contrairement à votre analyse, madame Laurence Rossignol.
L’année 2011 restera marquée par la catastrophe nucléaire de Fukushima.
Mme Laurence Rossignol. C’est déjà bien que vous reconnaissiez qu’il s’agit d’une catastrophe nucléaire. Certains disent que c’est un tsunami !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Au printemps dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet a immédiatement redéployé des moyens, qui seront consolidés et amplifiés dans le budget 2012. L’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, chargés des expertises et des audits post-Fukushima, bénéficieront ainsi de 44 emplois supplémentaires dédiés et de moyens financiers accrus de presque 20 millions d’euros.
Un travail important en matière d’expertise en sûreté nucléaire et en radioprotection sera réalisé dans les années à venir par l’IRSN. Les travaux porteront à la fois sur les évolutions des doctrines et des objectifs de sûreté, mais également sur la mise en œuvre des conclusions des expertises effectuées dans le cadre des audits.
J’évoquerai maintenant un point très important pour le ministère et pour Nathalie Kosciusko-Morizet, à savoir le lien entre santé et environnement. Chantal Jouanno est intervenue sur ce sujet tout à l’heure. Le plan national santé-environnement sera pleinement déployé, avec ses vingt-six plans régionaux. En lançant la cohorte Elfe – le suivi de 20 000 enfants –, la France se donne les moyens scientifiques de mieux connaître pour mieux prévenir. Je remercie évidemment Chantal Jouanno pour son soutien en la matière.
Au sein de la gestion des risques, les crédits du Grenelle représentent 64 millions d’euros, au bénéfice notamment du traitement des points noirs du bruit, du traitement des sols pollués et des friches, de la qualité de l’air intérieur, de la prévention des risques liés aux agents physiques comme les ondes électromagnétiques, et du plan déchets de l’ADEME.
Les dispositions adoptées à l’Assemblée nationale en matière de gestion des risques pour accélérer la mise en œuvre des PPRT, permettant d’arrêter par défaut le financement des mesures foncières et augmentant le plafond du crédit d’impôt en faveur des particuliers répondront, je le pense, aux préoccupations de Bruno Sido et de Chantal Jouanno.
Sur la sécurité routière, dont les crédits sont votés aujourd’hui, bien que cette compétence relève du ministère de l’intérieur, je précise à Vincent Delahaye que le produit des amendes radars est nécessaire au déploiement des radars pédagogiques, dans un objectif de diminution des accidents. Je serai donc défavorable à l’amendement qui sera discuté tout à l’heure et qui vise à diminuer les ressources du compte d’affectation spéciale. Élisabeth Lamure a fort bien développé cette question ce matin, tout en regrettant, comme nous, la complexité des circuits de financement.
Le cadre de vie, c’est aussi le développement de la ville durable et donc une politique renouvelée en matière d’urbanisme. Notre ministère contribue au développement durable des grandes agglomérations françaises au travers des opérations d’intérêt national de Bordeaux, Marseille, Nice et Saint-Étienne. Il répond également aux défis du Grand Paris, porté par le Président de la République, en soutenant les grandes opérations d’urbanisme franciliennes, notamment celle qui est la plus emblématique : le cluster scientifique et technologique du plateau de Saclay.
Dans le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité », près de 8 millions d’euros sont consacrés à l’aide aux collectivités locales afin de développer des outils plus pertinents en matière d’urbanisme. Je pense évidemment aux SCOT Grenelle – les schémas de cohérence territoriale –, aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, aux éco-quartiers et aux projets d’urbanisme que nous portons. Ces éléments sont une réponse à la question posée sur ce point par Jean-Claude Lenoir.
Ce budget, enfin et surtout, a pour objectif d’encourager le dynamisme et de favoriser notre adaptation aux nouveaux défis économiques, technologiques et écologiques.
La première des transformations de notre modèle économique, c’est l’efficacité énergétique. Nous avons été interpellés sur ce point par Evelyne Didier et Jean-Claude Lenoir. C’est un enjeu essentiel pour le pouvoir d’achat des ménages, un enjeu de compétitivité pour nos entreprises, une formidable opportunité industrielle et de croissance dans le monde de l’après-Fukushima. Et c’est le premier des facteurs pour lutter contre le changement climatique.
À la demande du Président de la République, des tables rondes pour l’efficacité énergétique ont été lancées. Les propositions qui en ont résulté sont aujourd'hui en consultation. C’est pourquoi les aides fiscales existantes – le crédit d’impôt en faveur du développement durable et l’éco-PTZ, que j’évoquais voilà quelques instants – sont recentrées sur l’objectif du Grenelle de réduire les consommations de 38 % dans l’habitat.
Les budgets de politique énergétique du ministère et de ses opérateurs, je pense notamment à l’ADEME, seront mobilisés en priorité sur ce thème. J’indique à Chantal Jouanno que, malgré les efforts financiers demandés à tous les secteurs, le budget de l’ADEME pour 2012 sera bien maintenu à hauteur de 690 millions d’euros de crédits d’intervention. L’effort est, me semble-t-il, suffisamment important pour être souligné.
En matière de recherche, le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 1 milliard d’euros d’investissements supplémentaires d’ici à 2012. Cet objectif sera dépassé dès la fin de cette année, avec un effort supplémentaire de 1,2 milliard d’euros en cumul sur les années 2008-2011 par rapport à 2007. Au total, entre la base de recherche traditionnelle et l’effort supplémentaire lié au Grenelle, ce sont 1,6 milliard d’euros qui sont consacrés chaque année, au sein des organismes de recherche et des agences, aux priorités définies lors du Grenelle de l’environnement.
L’accélération des investissements dans la recherche et l’innovation doit assurer à notre pays une avance décisive dans la maîtrise des technologies vertes.
En matière de transport, le budget pour 2012, qui atteint plus de 7,8 milliards d’euros, est une traduction concrète du fort engagement du Gouvernement. Dans ce domaine, qui est au cœur des compétences du ministère, nous souhaitons réorienter les politiques et les financements pour assurer le développement économique durable des territoires, lequel nécessite des infrastructures de transport rénovées.
Conformément aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la priorité est donnée au rééquilibrage modal et à la complémentarité des différents modes de transport. Roland Ries appelait de ses vœux des moyens pour les modes de transport alternatifs à la route : c’est bien le marqueur de ce budget, qui prévoit le maintien des moyens pour la relance portuaire, des investissements nouveaux pour la voie d’eau portés par le budget de l’AFITF, ou encore l’engagement en faveur des transports collectifs.
Je rappelle que, en engageant 1,3 milliard d’euros pour les projets de métro, de tramway ou de bus à haut niveau de service, nous sommes en avance sur les objectifs du Grenelle. Michel Teston reconnaîtra tout de même comme moi qu’il faut laisser le temps aux collectivités locales de mettre en œuvre les 130 projets de TCSP retenus avant de lancer un nouvel appel à projets.
Comme l’ont souligné Louis Nègre et Jean-Jacques Filleul, de façon générale, nous faisons le choix responsable de favoriser les investissements nécessaires à l’entretien des réseaux et à l’amélioration du service aux usagers : 3,9 milliards d’euros y seront consacrés dans le budget de l’État et de l’AFITF.
Marie-Hélène des Esgaulx regrettait que l’entretien routier ait trop souvent constitué la variable d’ajustement dans le passé : vous remarquerez avec satisfaction que ce n’est pas le cas dans le présent budget. Après un effort en gestion 2011 pour corriger des baisses excessives, le budget 2012 consolide le rebasage : ce sont 90 millions d’euros en plus sur 2011 et 2012.
Jean-Claude Requier, Mireille Schurch, Louis Nègre et Raymond Vall ont interpellé le Gouvernement sur le schéma national d’infrastructures de transport, ou SNIT. Je rappelle que le SNIT ne constitue pas la programmation de l’État en matière d’infrastructures de transport. C’est une vision stratégique de l’évolution des infrastructures de transport en France, qui devra être croisée avec les engagements de la France en matière budgétaire. Il décrit donc le champ très large des possibles pour les décennies à venir, mais n’a pas vocation à décrire le champ du faisable à court et à moyen terme. Ne confondons donc pas, si vous le voulez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le SNIT et une programmation budgétaire. Telle n’est pas sa vocation.
Dans le cadre du SNIT, le ministère engagera une démarche de programmation sur cinq ans afin de définir les premières priorités sur lesquelles l’État doit s’engager.
S’agissant du secteur aérien, les objectifs du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » sont de faciliter la reprise du trafic dans un espace aérien plus sûr, plus accessible, et de permettre aux compagnies aériennes des vols plus économiques et moins polluants, avec des routes plus directes.
Pour atteindre ces objectifs, le budget annexe sera doté de plus de 2 milliards d’euros. Il est vrai, je le dis à Élisabeth Lamure, que le contexte de crise a fragilisé l’équilibre de ce budget. Notre objectif est désormais de parvenir à concilier les priorités d’économies – qui reposent sur le respect de la programmation triennale, la poursuite de la RGPP et la réduction des coûts de fonctionnement – avec celles des investissements, tels que les projets européens, pour lesquels 179 millions d’euros sont investis en 2012.
L’industrie aéronautique, je l’indique à Vincent Capo-Canellas, bénéficie également de soutiens importants : 195 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits dans le budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».
Dans le domaine maritime, je réponds à Charles Revet. Outre les crédits orientés en priorité vers la sécurité des marins, de la mer et du littoral, notre action vise à soutenir une filière économique majeure et à préparer son avenir. L’État s’est bien engagé à soutenir le projet de l’École nationale supérieure maritime et 7 millions d’euros auxquels s’ajoute un retour sur les ventes immobilières seront affectés à son projet de relocalisation.
Au sujet du soutien à l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM, je précise que le projet de loi de finances rectificative ouvrira plus de 23 millions d’euros pour la gestion 2011 et que les crédits dans le projet de loi de finances pour 2012 sont en hausse de 7 %. Ils seront votés avec les autres régimes de retraite et de sécurité sociale.
Concernant les contrôles de pêche, notre objectif est bien d’en réaliser plus de 15 000, comme cela a été évoqué en commission.
Marie-Hélène Des Esgaulx m’a interrogé sur SeaFrance. Vous le savez, le tribunal de commerce a décidé de maintenir l’activité jusqu’au 28 janvier, de nouvelles offres pouvant être présentées jusqu’au 12 décembre. Une réunion à ce sujet se tient d’ailleurs aujourd'hui au ministère.
Je dirai maintenant quelques mots sur la protection du patrimoine naturel. À Ronan Dantec, je réponds que les initiatives seront nombreuses et 45 millions d’euros sont spécifiquement fléchés « Grenelle » correspondant aux espaces protégés – gestion durable du patrimoine naturel, création et gestion de réserves naturelles –, à la connaissance, au contrôle, à l’expertise et préservation des espèces – mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité –, ou encore à la gouvernance dans la politique de l’eau.
Nous travaillons d’ailleurs à un fonds en faveur de la trame verte et de la trame bleue et, voilà quelques jours, Nathalie Kosciusko-Morizet a décidé de retenir en la matière les suggestions faites par Chantal Jouanno.
Grâce à la stratégie nationale pour la biodiversité, que nous avons évoquée tout à l’heure, la France se dote d’outils concrets, qui bénéficieront d’une enveloppe spécifique de 15 millions d’euros en 2012. Des appels à projets permettront de financer, par exemple, des opérations de restauration de sites dégradés, l’innovation dans le domaine de l’ingénierie écologique, le rétablissement des continuités écologiques ou encore la lutte contre les espèces envahissantes, notamment outre-mer, où les enjeux sont majeurs.
Je voudrais à cet égard rassurer Bruno Sido : en effet, ni les crédits « Grenelle » ni la stratégie nationale de biodiversité ne subissent le « rabot » évoqué tout à l’heure.
Ces initiatives se concrétisent dans les territoires, en partenariat avec les collectivités locales : je citerai la création de six parcs naturels marins et du nouveau parc national des Calanques, mais aussi la poursuite de l’effort déjà lancé en 2011 sur les parcs naturels régionaux, avec sept parcs en création et deux en extension.
Nous avons bien entendu les remarques d’Ambroise Dupont sur les moyens du Conservatoire du littoral et sur le droit annuel de francisation des navires, ou DAFN. Cet établissement contribue toutefois à l’effort de redressement des finances publiques, à hauteur de 5 % – comme les autres établissements. Nous travaillons également à « verdir » le DAFN, comme l’a demandé le Président de la République, et je peux vous dire que le ministère et les douanes avancent à grand pas sur ce sujet.
Par ailleurs, les agences de l’eau consacreront en 2012 un peu plus de 2 milliards d’euros à l’amélioration de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques. Comme le soulignait également Bruno Sido, elles adopteront en 2012 leur dixième programme d’intervention. C’est un rendez-vous particulièrement structurant, car il s’agit rien de moins que d’engager quelque 14 milliards d’euros ! Le dialogue que nous engagerons à ce sujet avec les élus et les usagers constitue donc également l’une des priorités pour 2012.
Je regrette à ce titre que des amendements de suppression aient été déposés. Lors du vote de la loi sur l’eau en 2006, les élus ont souhaité que ces programmes puissent être encadrés par le Parlement. En introduisant ces textes dans le projet de loi de finances, c’est bien cette légitimité politique et ce contrôle que le Gouvernement a souhaité vous soumettre. Il est par conséquent surprenant que certains parmi vous entendent le supprimer.
À travers ces éléments que je viens de développer au nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, vous voyez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, combien nos ambitions pour 2012 sont élevées.
La force de ce ministère est finalement d’avoir concrètement réussi à diffuser dans tous les secteurs de la société l’esprit du Grenelle de l’environnement, chacun pouvant désormais constater que l’écologie ne se résume pas à la défense de la biodiversité, quel que soit par ailleurs l’importance de ce combat.
C’était, me semble-t-il, l’une des plus belles ambitions de ce quinquennat, et c’est aussi sans doute l’une de ses plus belles réussites. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également. – Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
écologie, développement et aménagement durables
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Écologie, développement et aménagement durables |
9 679 192 281 |
9 603 149 651 |
Infrastructures et services de transports |
4 180 480 030 |
4 209 014 364 |
Sécurité et circulation routières |
54 617 441 |
54 617 441 |
Sécurité et affaires maritimes |
143 525 599 |
145 551 270 |
Météorologie |
206 800 000 |
206 800 000 |
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
354 954 874 |
340 653 739 |
Information géographique et cartographique |
96 131 958 |
96 131 958 |
Prévention des risques |
411 086 394 |
306 086 394 |
Dont titre 2 |
39 545 766 |
39 545 766 |
Énergie, climat et après-mines |
671 863 586 |
680 165 086 |
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer |
3 559 732 399 |
3 564 129 399 |
Dont titre 2 |
3 213 056 347 |
3 213 056 347 |
M. le président. L'amendement n° II–176, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
|
985 910 |
|
985 910 |
Sécurité et circulation routières |
|
|
|
|
Sécurité et affaires maritimes |
|
51 093 |
|
51 093 |
Météorologie |
|
|
|
|
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
|
|
|
|
Information géographique et cartographique |
|
|
|
|
Prévention des risques Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Énergie, climat et après-mines |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
|
29 157 718
29 096 930 |
|
29 157 718
29 096 930 |
TOTAL |
|
30 194 721 |
|
30 194 721 |
SOLDE |
-30 194 721 |
-30 194 721 |
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet amendement vise à tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » de l’ajustement des transferts de compétences, de services et d’agents aux collectivités territoriales, en application de diverses lois.
Il s’agit d’un amendement technique visant notamment à traduire dans le budget ministériel les conséquences du transfert de charges en matière de routes départementales, de routes nationales d’intérêt local, d’aérodromes, de ports départementaux, de ports d’intérêt national, de voies d’eau ou encore du syndicat des transports d’Île-de-France.
La compensation de ces transferts de compétences est assurée, d’une part, par l’actualisation des fractions de tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers affectées aux régions et départements, qui a été adoptée dans le cadre de la discussion de la première partie du présent projet de loi de finances, et, d’autre part, par l’augmentation des crédits de la dotation générale de décentralisation inscrite sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », laquelle fera l’objet d’un amendement distinct.
C’est le même principe que l’amendement n° II-152 que vous avez adopté hier sur la mission « Outre-mer ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances. Nous découvrons cet amendement à l’instant.
Quoi qu’il en soit, la commission des finances s’étant prononcée en faveur du rejet des crédits de la mission, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous suivrons l’avis de M. le rapporteur spécial ; nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Faute de réponse de votre part au moins sur un point, monsieur le secrétaire d’État, je me permets de renouveler la demande d’explication que j’avais formulée lors de la discussion générale, bien qu’elle ne présente pas de lien avec l’amendement en discussion.
Au sujet de l’action Lutte contre le changement climatique, j’ai souligné dans mon rapport que les crédits destinés à financer les mesures en faveur de la qualité de l’air connaissaient une diminution importante, passant de 15 millions d’euros en 2011 à 6,66 millions d’euros en 2012. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)
Pis, les crédits consacrés au plan « particules » passent de 3,8 millions d’euros à 253 000 euros, soit une chute vertigineuse de 94 %, alors même que la pollution aux particules provoque chaque année 40 000 décès !
L’objectif fixé l’an passé de vingt sites seulement dépassant les valeurs limites en dioxyde de soufre ou en oxyde nitrique ne sera pas respecté, puisque soixante-huit sites devraient finalement être concernés cette année par ces dépassements de seuils.
Qu’en sera-t-il en 2012, avec la saignée budgétaire qui s’annonce ? Comment justifier une telle saignée, dans un secteur aussi sensible que celui de la qualité de l’air et alors que la santé de nos concitoyens est en jeu ?
Quelque 40 000 décès par an provoqués par la pollution aux particules, cela ne méritait-il pas un peu plus d’attention ?
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous voudrez bien m’apporter.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Un amendement comme celui-ci mérite expertise. Il est pour le moins cavalier de le présenter ainsi à la dernière minute.
De toute façon, vous vous contentez dans ce budget de gérer la pénurie, aucun secteur n’étant excédentaire.
Mais je vois surtout dans cet amendement une belle manœuvre politicienne. On devine quelle clientèle vous visez à travers lui, et l’on comprend aussi que vous entendez faire porter à la majorité sénatoriale la responsabilité de son rejet. Pile, vous gagnez ; face, vous ne perdez pas !
Nous ne tomberons pas dans ce piège !
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Pas de réponse à ma question, monsieur le secrétaire d’État ?...
M. le président. L'amendement n° II–100 rectifié, présenté par MM. Mézard, Fortassin, Collin, C. Bourquin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Collombat, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
|
37 000 |
|
37 000 |
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
||||
Énergie, climat et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
37 000 37 000 |
37 000 37 000 |
||
TOTAL |
37 000 |
37 000 |
37 000 |
37 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, l’ACNUSA, est une autorité administrative indépendante créée en 1999 pour contrôler l’ensemble des dispositifs de lutte contre les nuisances sonores autour des aéroports.
Il s’agit de la première autorité administrative indépendante créée en matière d’environnement. Le Grenelle 2 a élargi ses compétences, incluant désormais la lutte contre la pollution atmosphérique.
La version initiale du projet de loi de finances pour 2012 prévoyait une baisse des crédits de fonctionnement de l’ACNUSA. Si l’Assemblée nationale a rétabli ces crédits à leur niveau de 2011, les crédits de personnel n’ont quant à eux pas évolué.
Or, à la suite de l’élargissement de ses missions par différents textes et de la nomination de deux nouveaux membres dans le collège de l’Autorité, les crédits de personnel dont elle dispose ne lui permettent plus d’assurer le paiement des indemnités de ses membres.
Afin que l’ACNUSA puisse accomplir les missions essentielles pour la préservation de l’environnement qui sont les siennes, il est donc nécessaire d’accroître les crédits qui lui sont destinés.
C’est ce que prévoit le présent amendement, qui augmente de 37 000 euros les autorisations d’engagement et crédits de paiement de l’action Autorité de contrôle des nuisances aériennes contenus dans le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer ». Parallèlement, les crédits de l’action Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens du programme « Infrastructures et services de transports » diminuent de 37 000 euros.
Il serait mesquin de refuser ces 37 000 euros, par ailleurs gagés, quand on sait que les procès-verbaux dressés aux contrevenants rapporteraient entre 4 millions et 5 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Je comprends l’initiative de François Fortassin et de ses collègues, même si les montants en jeu sont assez dérisoires.
Je rappelle surtout qu’un amendement de notre collègue député Charles de Courson, adopté par l’Assemblée nationale, a rétabli à son niveau de 2011 la dotation de fonctionnement de cette autorité, alors que le projet du Gouvernement prévoyait initialement sa diminution. Tous les opérateurs ne peuvent se prévaloir d’une telle stabilité de leur dotation.
La commission des finances ayant préconisé le rejet des crédits de la mission, l’avis est défavorable sur cet amendement, qui n’a en fait plus d’objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Dans un contexte où les opérateurs voient leurs crédits diminuer de 5 %, la stabilisation d’une dotation constitue déjà un effort important.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Toujours pas de réponse à ma question sur le plan « particules », monsieur le secrétaire d’État ?…
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je soutiendrai cet amendement.
L’ACNUSA manque fortement de moyens aujourd’hui, ce qui risque de nuire à sa capacité de piloter de nouveaux plans d’exposition au bruit ou de réévaluer certains plans en vigueur.
Les conséquences sont assez importantes en termes de contraintes d’urbanisme, avec des plans d’exposition au bruit surévalués, comme à Nantes, ou au contraire sous-évalués, ce qui empêche certains riverains d’être indemnisés.
La capacité d’expertise de l’ACNUSA mérite d’être renforcée. On doit notamment s’interroger sur la possibilité de réévaluer plus régulièrement les plans d’exposition au bruit des aéroports.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
budget annexe : contrôle et exploitation aériens
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », figurant à l’état C.
État C
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle et exploitation aériens |
2 052 911 962 |
2 040 784 562 |
Soutien aux prestations de l’aviation civile |
1 390 092 222 |
1 384 336 223 |
Dont charges de personnel |
1 104 687 752 |
1 104 687 752 |
Navigation aérienne |
514 295 377 |
509 889 305 |
Transports aériens, surveillance et certification |
49 759 955 |
47 794 626 |
Formation aéronautique |
98 764 408 |
98 764 408 |
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je rappelle que les deux commissions sont favorables à ces crédits.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », figurant à l’état C.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 397 672 833 |
1 397 672 833 |
Radars |
176 000 000 |
176 000 000 |
Fichier national du permis de conduire |
16 000 000 |
16 000 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
37 051 628 |
37 051 628 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
661 922 239 |
661 922 239 |
Désendettement de l’État |
506 698 966 |
506 698 966 |
M. le président. L'amendement n° II-31, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Radars |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Fichier national du permis de conduire |
||||
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
||||
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
||||
Désendettement de l’État |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances. Nous recherchons, il est vrai, des économies un peu partout. Nous sommes dans une situation financière catastrophique, nous allons dans le mur, il faut trouver des économies.
J’ai cherché dans le programme « Radars » quelles économies on pouvait réaliser cette année. Il m’a semblé que, compte tenu des recettes supplémentaires dont nous disposions, il était possible de ne pas affecter la totalité des 25,58 millions d’euros prévus pour de nouvelles implantations de radars, dont les radars dits « pédagogiques », de prélever 20 millions d’euros et d’affecter cette somme au désendettement de la France.
Cela signifie qu’il reste, d’une part, 5,58 millions d’euros pour de nouvelles implantations et, d’autre part, les reports de crédits de 2011. On continuera donc tout de même à installer de nouveaux radars en 2012, peut-être pas autant que le souhaiterait le Gouvernement.
Cet effort va, me semble-t-il, dans la bonne direction.
Quand on étudie les budgets, on s’aperçoit que celui des anciens combattants diminue parce qu’il y a moins de pensionnés ; il est donc assez facile de faire baisser les crédits. Sinon, pour tous les autres budgets, – mis à part ici au Sénat où l’on vote contre des missions et où on fait par conséquent de grosses économies, comme on vient de le voir avec le développement durable (Mme Chantal Jouanno rit.) – on réalise très peu d’économies. Or si l’on continue dans cette voie, on va dans le mur.
En l’occurrence, je propose une petite économie – 20 millions d’euros –, qui a d’ailleurs recueilli un assentiment assez large de la commission des finances. C’est quelque chose qui devrait, selon moi, pouvoir être accepté par le Gouvernement, même si, monsieur le secrétaire d’État, vous avez émis un avis défavorable tout à l’heure. Il faudrait essayer d’aller dans le sens d’une recherche d’économies tous azimuts, même s’il ne s’agit pas de sommes considérables. En effet, cela va dans le bon sens.
Aussi, je maintiens cet amendement et il serait de bon ton que le Gouvernement l’accepte et qu’il soit également voté par l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. C’est un amendement de la commission. Nous devons l’adopter et voter les crédits du compte d’affectation spéciale ainsi modifiés. Cela nous permettra de récupérer 20 millions d’euros pour atténuer le déficit. Certes, ce n’est pas grand-chose, mais nous vous aidons, monsieur le secrétaire d’État… (M. Serge Larcher sourit.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de votre sollicitude pour que le Gouvernement, et plus généralement l’État, puisse faire des économies. Toutefois, cet amendement, s’il prévoit 20 millions d’euros d’économies, supprime des radars et donc des recettes.
D’un côté, vous gagnez 20 millions d’euros et, de l’autre, en supprimant des radars et en remplaçant une partie d’entre eux – certes une partie seulement – par des radars pédagogiques, vous engendrez 16 millions d’euros de recettes en moins à l’horizon 2013. (M Vincent Delahaye, rapporteur spécial, s’exclame.) Ce n’est pas ce que j’appelle une économie !
Poursuivre une politique ambitieuse en matière de sécurité routière est l’un de nos objectifs et si l’argument principal que vous développez devant nous est de réaliser 20 millions d’euros d’économies, ces 20 millions d’euros se transformeront en 4 millions d’euros puisque vous générerez par ailleurs des recettes inférieures.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. S’il y a effectivement un peu trop d’argent pour les radars, nous proposons par un sous-amendement de l’affecter aux collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun.
Nous préconisons une autre manière de faire, à savoir trouver les recettes là où elles sont. C’est en tout cas notre point de vue. En l’occurrence, il faut non pas réaliser une économie, mais donner des moyens aux transports en commun.
Notre sous-amendement est ainsi libellé :
« Modifier comme suit les crédits des programmes :
« Retirer les 20 millions d’euros au programme “ Radars ”, s’il est excédentaire, et les affecter à la contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières. »
M. le président. Il s’agit en fait d’un amendement.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Une fois n’est pas coutume, je rejoindrai le Gouvernement dans son avis, mais cela n’a pas vocation à devenir une tradition.
Nous avons assisté l’année dernière à une cacophonie sur les radars, donnant l’impression que l’État commençait à baisser la garde concernant une politique qui a été efficace – cela a été montré ce matin par M. le rapporteur spécial –, avec une diminution du nombre de morts sur les routes.
Par conséquent, l’adoption d’un amendement qui donnerait l’impression que l’on ne poursuit pas la même politique, laquelle a donné un vrai résultat – or on sait qu’il suffit d’un signal psychologique pour que, justement, un certain nombre de conducteurs relâchent un peu leur attention –, ne me semble aller ni dans le sens de l’histoire ni correspondre à ce qu’il faut faire aujourd’hui. Je considère donc que cet amendement doit être rejeté.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Tout d’abord, les radars peuvent, il est vrai, être considérés comme rentables. L’installation de nouveaux radars pourrait générer des recettes supplémentaires. Cependant, je ne pense pas que ce soit le cas des radars pédagogiques. Leur coût n’est certes pas de 20 millions d’euros, mais, entre leur installation et la maintenance, il est, selon moi, de l’ordre de 10 millions d’euros, donc la moitié de la somme que je propose. Par conséquent, l’argument avancé ne tient pas, au moins pour la moitié de la somme.
Ensuite, je n’ai pas dit qu’on arrêtait l’installation de radars, et ce qui vient d’être mentionné est inexact. Cela donne peut-être cette impression, mais ce n’est pas un arrêt puisque les sommes qui n’ont pas été utilisées en 2011 permettront de poursuivre leur installation.
Enfin, il reste quand même 6 millions d’euros pour installer de nouveaux radars. Il y a donc une poursuite de cette politique, qui donne des résultats, et je pense que c’est bien. Toutefois, dans une période comme celle que nous traversons actuellement, le plus important est, me semble-t-il, de montrer que l’on travaille à réduire le déficit de la France.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. J’ai bien entendu la proposition de nos collègues du groupe CRC. Si cet amendement est effectivement recevable, il me paraît intéressant. La question est de savoir s’il l’est réellement et, dans l’hypothèse où il ne le serait pas, il faut alors suivre l’auteur de l’amendement n° II–31 et l’avis émis par le rapporteur spécial de la commission des finances. J’aimerais donc que l’on vérifie la recevabilité de la proposition formulée par nos collègues du groupe CRC.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Nous voterons contre l’amendement n° II–31, parce qu’il est contraire à l’esprit dans lequel a été mise en place en 2003 cette politique de radars automatiques.
À l’époque, je le rappelle, on dénombrait plus de 7 000 morts par an. L’idée qui sous-tendait l’implantation de ces radars automatiques était que l’argent collecté soit systématiquement réinvesti dans la sécurité routière, non seulement dans les radars, mais également dans les mesures de prévention et de prise en charge des victimes des accidents de la route.
Par conséquent, cet amendement vient en totale rupture et pourrait laisser croire à nos concitoyens que les radars sont une mesure visant à récupérer de l’argent pour combler les déficits budgétaires. (M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, s’exclame.)
Donc, il ne faut surtout pas entrer dans cette logique, il faut conserver la vertu pédagogique des radars et, au contraire, si on a de l’argent, réinvestissons-le à Garches dans la prise en charge des victimes de la route, réinvestissons-le dans les routes, dans la sécurité routière, dans la prévention, dans l’écoconduite, qui nous est si chère !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Mes chers collègues, je voudrais simplement vous rappeler la genèse des radars pédagogiques et le « rétropédalage » – pour employer un mot correspondant au vocabulaire dorénavant à la mode dans la campagne électorale – d’un certain ministre concernant ces radars, qui, d’ailleurs, n’ont rien de pédagogique. Contrairement à ce que pense notre collègue Ronan Dantec, les radars les plus efficaces sont tout de même les radars classiques. (M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, s’exclame.)
M. Ronan Dantec. Il peut y avoir des radars pédagogiques !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Mes chers collègues, nous avons voté les recettes, alors, un peu de cohérence : ceux qui ont voté les recettes ont voté ces 20 millions d’euros.
Je ne reviendrai pas sur l’explication donnée par M. le président de la commission de l’économie. Les radars pédagogiques, on sait d’où ils viennent : il a fallu trouver une sortie par rapport à des annonces qui avaient été faites un peu rapidement. Je ne crois pas que les radars pédagogiques contribuent à plus de sécurité routière. En effet, on a aujourd’hui un radar et un panneau de pré-signalisation et à la place du panneau de pré-signalisation, on mettra un radar pédagogique qui vous indiquera que vous roulez à 135 kilomètres à l’heure – ou un peu plus parfois pour les mauvais conducteurs – et qu’il faut lever le pied.
Chaque année, nous avons des reliquats importants sur ce compte. J’ai rapporté ce budget pendant des années et je sais de quoi je parle ! Alors, 20 millions d’euros de moins ne nous empêcheront pas de mettre en place de nouveaux radars. Même si on renonce à implanter quelques radars pédagogiques, la sécurité routière n’en sera pas pour autant menacée.
Par conséquent, je vous appelle à voter cet amendement.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Même s’il y a eu un cafouillage dans cette histoire de radars dits « pédagogiques », nous devons être relativement clairs : si on installe des radars – qu’ils soient pédagogiques ou pas –, c’est pour lutter contre les accidents qui, bien qu’ils aient régressé, sont encore beaucoup trop nombreux.
En tant qu’hospitalier, je ne peux approuver une mesure qui, même si elle n’est pas destinée à rapporter de l’argent – mais peut-être suis-je naïf ? –,…
Mme Catherine Procaccia. Non, vous n’êtes pas naïf !
M. Jacky Le Menn. … ne vise pas, me semble-t-il, à faire diminuer le nombre d’accidents sur nos routes.
Donc, je ne prendrai pas part à un vote qui conforterait au contraire le fait d’aller à contresens d’une politique qui doit faire consensus dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Il y a donc bien un reliquat de 20 millions d’euros.
Nous, nous proposons un autre amendement – j’espère qu’il est recevable –, mais nous sommes cohérents. Puisque, pour cette année, il y a un reliquat de 20 millions d’euros sur les radars, nous souhaiterions que celui-ci soit affecté à l’amélioration de la sécurité et de la circulation routières par l’intermédiaire d’une aide aux collectivités territoriales.
Telle est notre proposition. Nous ne souhaitons pas que ces 20 millions d’euros soient dilués dans une hypothétique réduction de la dette.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances sur la recevabilité de cet amendement ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Madame Didier, il s’agit effectivement d’un amendement, et non pas d’un sous-amendement, et il n’est pas recevable.
Mme Évelyne Didier. Peut-on présenter cette disposition sous la forme d’un sous-amendement ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Non, ce n’est pas possible, ma chère collègue !
Nous avons voté, je le rappelle, ces 20 millions d’euros dans la partie « recettes ». Je vous demande, mes chers collègues, de faire preuve de cohérence.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisi d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs |
280 000 000 |
280 000 000 |
Exploitation des services nationaux de transport conventionnés |
187 700 000 |
187 700 000 |
Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés |
92 300 000 |
92 300 000 |
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. J’indique que l’avis de la commission des finances est défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je précise que l’avis de la commission de l’économie est également défavorable.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », figurant à l’état D.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
compte de concours financiers : « avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres » (ligne supprimée)
M. le président. Le compte de concours financiers « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres » demeure supprimé.
compte d’affectation spéciale : « aides à l’acquisition de véhicules propres » (ligne nouvelle)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle) |
234 000 000 |
234 000 000 |
Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle) |
226 000 000 |
226 000 000 |
Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants (ligne nouvelle) |
8 000 000 |
8 000 000 |
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. J’indique que l’avis des deux commissions est favorable.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres », figurant à l’état D.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 50, 51, 51 bis, 51 ter, 51 quater, 51 quinquies, 51 sexies et les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
Écologie, développement et aménagement durables
Article 50
La section 2 du chapitre VI du titre Ier du livre III de la quatrième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° L’article L. 4316-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’installation irrégulière d’ouvrages mentionnés au premier alinéa, l’occupant ou le bénéficiaire de ces ouvrages est immédiatement redevable de la taxe prévue par la présente section, après établissement d’un procès-verbal constatant l’occupation sans titre conformément à la procédure prévue aux articles L. 2132-20 et L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques. La taxe est majorée de 30 %, sans préjudice des mesures de police de la conservation du domaine. » ;
2° Le 2° de l’article L. 4316-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ce coefficient d’abattement est fixé à 97 % pour l’alimentation en eau d’un canal de navigation. » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce résultat est majoré de 40 % en cas de rejet sédimentaire constaté dans les conditions mentionnées à l’article L. 4316-10 et induisant des prestations supplémentaires pour rétablir le bon fonctionnement de l’ouvrage de navigation. » ;
3° La première phrase de l’article L. 4316-11 est complétée par les mots : « et les bénéficiaires ou occupants d’une installation irrégulière ». –
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. J’indique que l’avis de la commission des finances est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 50.
(L'article 50 est adopté.)
Article 51
Après le III de l’article L. 213-12-1 du code de l’environnement, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Les ressources de l’établissement sont constituées de redevances pour service rendu et de toute ressource qu’il tire de son activité, de dons et legs, de subventions et participations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que d’autres personnes publiques et privées et enfin des produits financiers. À ce titre, l’établissement perçoit une contribution annuelle de l’agence de l’eau Loire-Bretagne à son fonctionnement dont le montant est égal à 25 % du montant de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau émise par l’agence, en application de l’article L. 213-10-9, dans le périmètre de l’établissement, au cours de l’année précédente et ne peut être inférieur à 500 000 €. Cette contribution est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l’État.
« L’établissement peut également demander à l’agence de l’eau Loire-Bretagne de bénéficier, pour le compte des groupements de collectivités territoriales mettant en œuvre les schémas d’aménagement et de gestion des eaux du marais poitevin, de la majoration de la redevance prévue au V bis du même article L. 213-10-9 pour les établissements publics territoriaux de bassin, selon les modalités prévues audit article L. 213-10-9. »
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Je précise que l’avis de la commission des finances est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 51.
(L'article 51 est adopté.)
Article 51 bis (nouveau)
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le tableau du deuxième alinéa du IV de l’article L. 213-10-2 est ainsi modifié :
a) La deuxième colonne est ainsi modifiée :
– à la neuvième ligne, le nombre : « 3 » est remplacé par le nombre : « 3,6 » ;
– à la dixième ligne, le nombre : « 5 » est remplacé par le nombre : « 6 » ;
– à la onzième ligne, le nombre : « 15 » est remplacé par le nombre : « 18 » ;
– à la douzième ligne, le nombre : « 25 » est remplacé par le nombre : « 30 » ;
b) Après la quatorzième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
Substances dangereuses pour l’environnement rejetées dans les masses d’eau superficielles (par kg) |
10 |
9 |
|
Substances dangereuses pour l’environnement rejetées dans les masses d’eau souterraines |
16,6 |
9 |
» ; |
2° Après les mots : « limite de », la fin du dernier alinéa de l’article L. 213-10-5 est ainsi rédigée : « 0,30 € par mètre cube. Il peut être dégressif, par tranches, en fonction des volumes rejetés. » ;
3° Le V de l’article L. 213-10-8 est ainsi rédigé :
« V. – Entre 2012 et 2018, il est effectué un prélèvement annuel sur le produit de la redevance au profit de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques afin de mettre en œuvre le programme national visant à la réduction de l’usage des pesticides dans l’agriculture et à la maîtrise des risques y afférents. Ce prélèvement, plafonné à 41 millions d’euros, est réparti entre les agences de l’eau proportionnellement au produit annuel qu’elles tirent de cette redevance. Ces contributions sont liquidées, ordonnancées et recouvrées, selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics de l’État, avant le 1er septembre de chaque année. » ;
4° Les deuxième et troisième alinéas du V de l’article L. 213-10-9 sont ainsi rédigés :
« Le taux de la redevance est fixé par l’agence de l’eau en centimes d’euro par mètre cube, dans la limite d’un plancher et d’un plafond, en fonction des différents usages auxquels donnent lieu les prélèvements. Les taux plafonds sont indiqués ci-après. Les taux planchers sont établis à 20 % de ces taux plafonds.
« |
Usages |
Catégorie 1 |
Catégorie 2 |
|
Irrigation (sauf irrigation gravitaire) |
3,6 |
7,2 |
||
Irrigation gravitaire |
0,5 |
1 |
||
Alimentation en eau potable |
7,2 |
14,4 |
||
Refroidissement industriel conduisant à une restitution supérieure à 99 % |
0,5 |
1 |
||
Alimentation d’un canal |
0,03 |
0,06 |
||
Autres usages économiques |
5,4 |
10,8 |
» ; |
5° Le troisième alinéa de l’article L. 213-14-2 est supprimé.
II. – Le a du 1° et les 2°, 4° et 5° du I entrent en vigueur le 1er janvier 2013. Le b du 1° du même I est applicable à compter du 1er janvier 2014.
III. – Après le II de l’article 100 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Pour les années d’activité suivant le 1er janvier 2013, pour l’atteinte du taux plancher prévu au deuxième alinéa du V de l’article L. 213-10-9 du même code, l’agence de l’eau procède au calcul de la différence entre la valeur du taux plancher et celle du taux fixé en centimes d’euro par mètre cube pour l’année d’activité 2012. La hausse minimale annuelle du taux est fixée à 20 % de cette différence. »
M. le président. L'amendement n° II–32, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer l’article additionnel adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, qui encadre le volet « recettes » de la prochaine programmation des agences de l’eau sur la période 2013–2018.
En l’occurrence, il s’agit d’exprimer au Gouvernement la désapprobation du Parlement face à la méthode retenue, qui consiste à faire passer un article important par voie d’amendement, sans donner à la représentation nationale ni le temps ni les informations nécessaires pour procéder à un examen approfondi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’avis est défavorable.
J’ai eu l’occasion d’évoquer cet amendement dans mon intervention générale, en rappelant qu’il s’agissait d’une demande du Parlement. J’ai omis de préciser que cette mesure a été présentée par voie d’amendement parce qu’il y a eu au Conseil d’État une dissociation du texte qui était présenté par le Gouvernement. Nous avons donc été dans l’obligation technique de réintroduire ce dispositif par voie d’amendement gouvernemental.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’indique que nous avons déposé deux amendements qui s’inscrivent dans le droit fil de l’amendement n° II–32 de la commission des finances et qui deviendront probablement sans objet si celui-ci est adopté.
Ainsi, l’amendement n° II–141 rectifié visait à préciser que les ressources des agences de l’eau sont exclusivement utilisées pour financer la politique de l’eau menée par les agences de l’eau et qu’elles ne peuvent pas être employées à d’autres fins. Cet amendement sera satisfait si l’amendement de la commission est adopté.
Quant à l’amendement n° II-135 rectifié, qui deviendra sans doute lui aussi sans objet, il tendait à étendre la redevance pour pollutions diffuses aux perturbateurs endocriniens. Je souhaiterais que le Gouvernement réfléchisse néanmoins à cette proposition pour qu’elle puisse trouver, avant la fin de la discussion de ce projet de loi de finances, une issue favorable.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Nous voterons contre l’amendement n° II–32.
Il est certes compliqué de se prononcer sur un article traitant d’un sujet aussi important, mais M. le secrétaire d’État vous a expliqué, mes chers collègues, la raison technique qui a conduit le Gouvernement à introduire cette mesure par voie d’amendement.
J’ajoute que le dixième programme d’intervention des agences de l’eau doit être adopté. Or la proposition qui est faite par le Gouvernement est extrêmement importante, qu’il s’agisse des taux planchers ou des taux plafonds, de l’introduction de la prise en compte de substances dangereuses, conformément à la directive européenne, ou de la mise en place d’une dotation forfaitaire sur le plan Ecophyto 2018, qui permettra aussi de garantir ces ressources.
Il importe donc d’adopter le texte présenté par le Gouvernement pour que les agences de l’eau puissent mettre en place rapidement leur futur programme d’intervention.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission de l’économie avait voté contre ces crédits. L’argument avancé par la commission des finances, selon lequel il faut encadrer les recettes des agences de l’eau, nous semble tout à fait recevable. Aussi, je vous propose, mes chers collègues, de suivre l’avis du rapporteur spécial.
Mme Chantal Jouanno. C’est vraiment de la politique !
M. le président. En conséquence, l'article 51 bis est supprimé.
L'amendement n° II–141 rectifié, présenté par Mme Rossignol, MM. Dantec, Patient et S. Larcher, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 213-10 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’ensemble des ressources des agences de l’eau est utilisé exclusivement pour financer la politique de l’eau menée par les agences de l’eau dans le cadre de leurs programmes pluriannuels d’interventions ainsi qu’une partie des actions menées par l’office national de l’eau et des milieux aquatiques. »
Compte tenu de la suppression de l’article 51 bis, cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° II–109 rectifié bis, présenté par MM. Lenoir et Lasserre, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 15, 18 et 19
Supprimer ces alinéas.
Compte tenu de la suppression de l’article 51 bis, cet amendement n’a plus d’objet.
Articles additionnels après l'article 51 bis
M. le président. L'amendement n° II–135 rectifié, présenté par Mme Rossignol, M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et Dantec, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 51 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'environnement, est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Soit en raison de leur effet perturbateur sur le système endocrinien humain ou animal. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je suis heureuse de constater que l’adoption de l’amendement précédent n’a pas fait tomber cet amendement…
Il vise à assujettir les perturbateurs endocriniens à la redevance pour pollutions diffuses, des perturbateurs que l’on retrouve dans de nombreux pesticides et composés chimiques.
Aujourd'hui, tout le monde commence – je dis bien « commence » ! – à évaluer l’effet dévastateur des perturbateurs endocriniens sur les jeunes enfants, notamment sur les petites filles, et sur l’équilibre génétique.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis favorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l’économie a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Nous partageons vos préoccupations face aux pollutions émergentes et aux risques de santé, mais les connaissances sur les origines des produits des contaminations des milieux aquatiques dont nous disposons sont encore très partielles. Approfondir ces connaissances est le premier objectif du plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux, qui a été lancé le 30 mai dernier, c'est-à-dire il y a quelques mois.
À ce jour, nous ne disposons pas encore des conclusions de ces travaux. Aussi, je vous saurais gré de ne pas en tirer des conséquences immédiates. Des incitations financières spécifiques seront probablement indispensables un jour ou l’autre, mais il est trop tôt pour se prononcer.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je tiens à attirer l’attention de mes collègues sur le fait que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, a rédigé un rapport sur cette question,…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Tout à fait !
Mme Catherine Procaccia. … qui sera présenté mercredi prochain à la commission des affaires sociales.
Les conclusions de ce rapport vont peut-être dans votre sens, ma chère collègue, mais, pour ma part, je ne les connais pas. Peut-être le président de la commission de l’économie en sait-il un peu plus ?... Toutefois, il est dommage de ne pas prendre en compte les travaux des sénateurs et des députés qui siègent à l’OPECST.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je suis ravie de l’intervention de Mme Catherine Procaccia.
En effet, il y a trois ans, un rapport de l’OPECST a pris en compte toutes les auditions menées sur la question des perturbateurs endocriniens, l’Office ayant auditionné les services de pédiatrie et d’endocrinologie dans les centres hospitaliers régionaux. Je puis vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que le terme « émergents » est presque déjà obsolète, eu égard aux dégâts constatés, au point que, dans le service d’endocrinologie pédiatrique du CHR de Lille, les consultations ont été multipliées par deux, en raison du nombre de contaminés.
Aussi, je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Pour réconcilier le Gouvernement et l’ensemble des sénateurs, je vous propose d’adopter cet amendement, qui fixera un cadre législatif, et il reviendra ensuite au Gouvernement, grâce aux travaux de l’OPECST notamment, d’en préciser le contenu exact.
Si nous n’adoptons pas cet amendement, vous aurez, dans quelque temps, monsieur le secrétaire d'État, des éléments d’information que vous ne pourrez pas traduire sur un plan législatif parce qu’il sera trop tard.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Notre groupe votera également cet amendement portant article additionnel, dont l’objet est tout à fait justifié. Certes nous attendons encore des preuves, et de nombreuses enquêtes épidémiologiques sont encore nécessaires. Cependant, dès lors que le perturbateur a été identifié, on peut d’ores et déjà le considérer comme une pollution diffuse. Je ne vois pas où est le problème.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je veux confirmer les propos de ma collègue Catherine Procaccia, d’autant que le rapport de l’OPESCT a recueilli l’avis unanime de ses membres.
Par ailleurs, je partage les propos de notre collègue Marie-Christine Blandin sur les effets et les dangers des perturbateurs endocriniens. Je rappelle à nos collègues qui siègent au sein de l’OPESCT que cette question avait fait l’objet d’un débat, très instructif, sur les effets pervers qu’ils entraînent, en particulier lors de la petite enfance…
Mme Marie-Christine Blandin. Et de la grossesse !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. … et de la grossesse bien sûr. Je vous assure que nos collègues ne soupçonnaient pas les dégâts que ces perturbateurs peuvent provoquer.
Mme Chantal Jouanno. Chez les garçons aussi !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est pourquoi je soutiens d’autant plus cet amendement.
Mme Laurence Rossignol. Sagesse, monsieur le secrétaire d'État ?... Ce serait bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 51 bis.
L'amendement n° II-136 rectifié, présenté par Mme Rossignol, M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et Dantec, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 51 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'environnement, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs prévus aux a et b sont revalorisés chaque année à partir du 1er janvier 2012 de 5 %. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à renchérir chaque année de 5 % le montant de la redevance pour pollutions diffuses, afin d’atteindre, avant 2018, les objectifs du plan Ecophyto 2018.
Cela étant, monsieur le président, je rectifie notre rédaction pour préciser le terme de cette revalorisation, que nous avons omis, à savoir « jusqu’en 2018 ».
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-136 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et Dantec, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, et ainsi libellé :
Après l’article 51 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'environnement, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs prévus aux a et b sont revalorisés chaque année à partir du 1er janvier 2012 de 5 % jusqu'en 2018, date à laquelle le plan Ecophyto sera évalué. »
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à cet amendement ainsi rectifié.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l’économie est également favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je vous rappelle que nous avons déjà doublé, ou quasiment, le montant de cette redevance en cinq ans. C’est, me semble-t-il, suffisant pour le moment !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Bien évidemment, les écologistes voteront cet amendement, car il faut vraiment attirer l’attention de la Haute Assemblée sur la gravité de la situation aujourd’hui.
Dans un certain nombre de cours d’eau, c’est la norme de potabilité des eaux brutes qui est aujourd’hui remise en cause, notamment par la surutilisation du glyphosate et de son principal produit de dégradation, l’acide aminométhylphosphonique, ou AMPA, mais il en existe d’autres.
Ces produits posent de réels problèmes non seulement pour l’eau potable, mais aussi pour les prises d’eau. Par conséquent, le durcissement de la réglementation et le volontarisme sur cette question sont un enjeu majeur. Mais, à en juger aux chiffres, nous sommes loin du compte !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 51 bis.
Article 51 ter (nouveau)
I. – Le I de l’article L. 515-19 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Sont ajoutés neuf alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le coût des mesures prises en application des II et III des mêmes articles L. 515-16 et L. 515-16-1 est inférieur ou égal à trente millions d’euros et que la convention qui prévoit le financement de ces mesures n’est pas signée dans un délai de douze mois après l’approbation du plan, ce délai pouvant être prolongé de quatre mois par décision motivée du préfet en ce sens, les contributions de chacun, par rapport au coût total, sont les suivantes :
« a) L’État contribue à hauteur d’un tiers ;
« b) Les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents percevant la contribution économique territoriale contribuent à hauteur d’un tiers, au prorata de la contribution économique territoriale qu’ils perçoivent des exploitants des installations à l’origine du risque ;
« c) Les exploitants des installations à l’origine du risque contribuent à hauteur d’un tiers, selon une répartition que le préfet fixe par arrêté lorsque plusieurs exploitants figurent dans le périmètre couvert par le plan.
« Lorsque le coût des mesures prises en application des II et III des mêmes articles L. 515-16 et L. 515-16-1 est supérieur à trente millions d’euros et que la convention qui prévoit le financement de ces mesures n’est pas signée dans un délai de douze mois après l’approbation du plan, ce délai pouvant être prolongé de six mois par décision motivée du préfet en ce sens, les contributions de chacun, par rapport au coût total, sont les suivantes :
« a) Les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents percevant la contribution économique territoriale contribuent à hauteur d’un tiers, au prorata de la contribution économique territoriale qu’ils perçoivent des exploitants des installations à l’origine du risque. La contribution due par chaque collectivité territoriale ou groupement compétent est néanmoins limitée à 15 % de la contribution économique territoriale totale perçue sur l’ensemble de son territoire au titre de l’année d’approbation du plan ;
« b) L’État contribue à hauteur de la moitié du coût résiduel des mesures, une fois déduite la contribution due par les collectivités au titre du a ;
« c) Les exploitants des installations à l’origine du risque contribuent à la même hauteur que la contribution de l’État prévue au b, selon une répartition que le préfet fixe par arrêté lorsque plusieurs exploitants figurent dans le périmètre couvert par le plan.
« Avant la conclusion de cette convention ou la mise en place de la répartition par défaut des contributions, le droit de délaissement mentionné au II du même article ne peut être instauré et l’expropriation mentionnée au premier alinéa du III du même article ne peut être déclarée d’utilité publique que si la gravité des risques potentiels rend nécessaire la prise de possession immédiate selon la procédure mentionnée au deuxième alinéa du même III. »
II. – Pour les plans de prévention des risques technologiques approuvés avant le 1er octobre 2010, le délai mentionné au deuxième alinéa du I expire le 1er avril 2012. – (Adopté.)
Article 51 quater (nouveau)
L’article 136 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est complété par un VII ainsi rédigé :
« VII. – Dans la limite de 5 millions d’euros par an et jusqu’au 31 décembre 2016, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l’article L. 561-3 du code de l’environnement peut contribuer au financement de l’aide financière et des frais de démolition définis à l’article 6 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. »
M. le président. L'amendement n° II-33, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. La commission des finances a recommandé la suppression de l’article 51 quater.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, si vous nous garantissez que le plafond de 5 millions d’euros par an sera suffisant pour couvrir les besoins identifiés par la loi dite Letchimy, je prendrai sur moi, en tant que rapporteur spécial, de retirer cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l’économie avait émis un avis favorable sur l’article, mais je rejoins mon collègue de la commission des finances en attendant de connaître l’avis de M. le secrétaire d'État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission de l’économie, je vous rappelle que nous parlons du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », qui, normalement, n’a pas vocation à lutter contre l’habitat insalubre. Les deux choses n’ont strictement rien à voir !
Au moment de l’examen de la loi Letchimy, le Gouvernement a, il est vrai, envisagé que certaines sommes du fonds Barnier puissent être utilisées pour lutter contre l’habitat indigne et insalubre en outre-mer, ce qui, encore une fois, n’a strictement rien à voir avec la vocation première du fonds Barnier !
Nous avons donc accepté qu’une enveloppe puisse servir à autres choses qu’à la lutte contre les risques naturels majeurs. Toutefois, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi de finances, nous avons souhaité, comme pour l’ensemble des dépenses du fonds Barnier, fixer un plafond pour la contribution au financement de l’aide prévue par la loi Letchimy, en l’occurrence 5 millions d’euros par an.
Par conséquent, si cet amendement est adopté, si donc l’article est supprimé, toutes les dépenses seront éligibles au fonds Barnier.
L’habitat insalubre est certes un problème très grave, mais le fonds Barnier, mesdames, messieurs les sénateurs, concerne avant tout les risques naturels majeurs ! Or nous en sommes loin !
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, vous étiez prêt à retirer l’amendement si le Gouvernement vous apportait des garanties et, monsieur le président de la commission de l’économie, vous avez émis un avis favorable tout en demandant à entendre l’avis du Gouvernement ! C’est un avis de Normand ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l’économie confirme son avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'État et de l’avis de mon collègue et ami Daniel Raoul, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-33 est retiré.
Je mets aux voix l'article 51 quater.
(L'article 51 quater est adopté.)
Article 51 quinquies (nouveau)
I. – À la dernière phrase du II de l’article 83 de la loi n° 2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, le montant : « 108 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 128 millions d’euros ».
II. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2012.
M. le président. L'amendement n° II-34, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer l’article additionnel adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, qui augmente les ressources de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, pour le porter de 108 millions à 128 millions d’euros en 2012.
L’augmentation proposée des ressources de l’Office se traduirait mécaniquement par une réduction équivalente des recettes que les agences de l’eau consacrent à leurs différentes missions, notamment le soutien aux collectivités pour leur équipement en services d’eau et d’assainissement, cela dans un contexte de rigueur budgétaire qui est déjà pénalisant pour elles.
En outre, cette augmentation des recettes ne paraît pas nécessaire dans la mesure où l’Office bénéficie d’ores et déjà d’une situation financière très favorable, avec un fonds de roulement largement excédentaire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l’économie ayant émis un avis favorable sur l’article, elle est défavorable à l’amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques a besoin de ces 20 millions d’euros, notamment pour des travaux en outre-mer et en Corse.
Je rappelle, en effet, que les 20 millions d’euros correspondent à moins de 1 % des prélèvements des agences de l'eau. C’est, me semble-t-il, très supportable pour ces dernières et indispensable pour démarrer, dès 2012, des travaux en outre-mer et en Corse.
Mme Chantal Jouanno. Aurait-on un contentieux ? (Sourires.)
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président, car la commission des finances est défavorable à cet article !
M. le président. L'amendement n° II-138 rectifié bis, présenté par MM. S. Larcher et Patient, Mme Rossignol, M. Dantec, Mme Bourzai, MM. J. Gillot, Tuheiava et Vergoz, Mme Claireaux, MM. Mohamed Soilihi, Antoinette, Antiste, Desplan, Cornano et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – À la dernière phrase du II de l’article 83 de la loi n°2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, les mots : « 108 millions d’euros » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigés : « 128 millions d’euros. Une somme de 24 millions minimum est affectée à des actions de solidarité financière entre bassins avec les départements et collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie.»
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Comme vous le savez, les enjeux liés à la gestion de l’eau sont considérables dans les départements et collectivités d’outre-mer, en ce qui concerne tant la salubrité que l’accès à l’eau potable pour tous.
En réalité, les outre-mer doivent faire face à plus de quarante ans de retard dans la mise en œuvre de la politique de l’eau.
Je vous rappelle que l’enveloppe consentie pour la période 2008-2011 s’élève à 14 millions d’euros par an pour tous les outre-mer.
L’augmentation de 20 millions d’euros prévue par cet article permet d’accroître la solidarité financière interbassins portée par l’ONEMA. Cette somme supplémentaire pour 2012 répond, en particulier, aux besoins liés à la mise en œuvre de la directive européenne relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. Les instances communautaires imposent, en effet, d’ici à 2013, la mise en conformité des stations d’épurations de plus de 2 000 équivalents habitant. Toutefois, le Gouvernement prévoit de consacrer la moitié de cette somme à la Corse et l’autre moitié à l’ensemble des collectivités d’outre-mer.
Je propose donc de préciser que, sur les 20 millions d’euros supplémentaires prévus, au moins 10 millions d’euros seront effectivement affectés au soutien des investissements devant être réalisés dans nos territoires.
Je tiens quand même à vous faire remarquer, mes chers collègues, que les sommes dont nous parlons restent notoirement insuffisantes pour relever les défis de l’accès à l’eau et à l’assainissement dans les outre-mer.
Par ailleurs, je regrette que le fonds de roulement excédentaire de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, sur lequel sera opéré en 2012 un prélèvement de 55 millions d’euros, n’ait pas pu être mobilisé pour soutenir la modernisation d’infrastructures d’assainissement et d’adduction d’eau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis défavorable, par cohérence avec sa première proposition.
Monsieur le secrétaire d'État, nous regrettons de devoir abonder le budget de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques via les agences de l’eau.
Certes, je comprends les problèmes de nos collègues. Les départements et collectivités d’outre-mer ont des besoins, nos zones rurales aussi.
On fait abonder le budget de l’ONEMA par les agences de l’eau avec des recettes qui proviennent de la redevance payée par nos concitoyens et, dans le même temps, le Gouvernement prélève 55 millions d’euros sur le fonds de roulement de l’Office au profit du budget général !
Quand le Gouvernement cessera-t-il d’opérer des prélèvements sur des sommes qui devraient être destinées à la résolution de problèmes environnementaux urgents qui se posent dans tous nos territoires, en métropole comme en outre-mer, notamment en termes d’accès à l’eau et d’assainissement ?
Ce n’est pas raisonnable, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État ! Il vous est impossible de le dire, mais vous ne pouvez que partager cette analyse ! (M. le secrétaire d'État sourit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je laisse cet amendement à l’appréciation de mes collègues membres de la commission de l’économie, car il n’a pas été examiné.
Mme Catherine Procaccia. Vous n’êtes pas centriste, pourtant ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet amendement vise en fait à inscrire dans le marbre de la loi ce qui était l’intention du Gouvernement. Je n’émettrai donc pas un avis défavorable. Sagesse !
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'article 51 quinquies.
(L'article 51 quinquies est adopté.)
Article 51 sexies (nouveau)
I. – Le montant des dépenses des agences de l’eau pour les années 2013 à 2018 ne peut excéder 13,8 milliards d’euros, hors primes mentionnées au I de l’article L. 213-9-2 du code de l’environnement et contribution à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques.
Ces dépenses contribuent aux orientations prioritaires suivantes :
1° Assurer la mise en œuvre du schéma mentionné à l’article L. 212-1 du même code, en application de la directive n° 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, en privilégiant le financement d’actions préventives de restauration et de préservation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques et humides ;
2° Favoriser la réalisation des objectifs :
a) Des lois n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, en ce qui concerne la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques et l’adaptation au changement climatique ;
b) Des plans d’action pour le milieu marin mentionnés à l’article L. 219-9 du code de l’environnement, en application de la directive n° 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ») ;
c) Du plan de gestion des risques d’inondation mentionné à l’article L. 566-7 du code de l’environnement en application de la directive n° 2007/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, par le financement d’actions préventives de restauration et de préservation des cours d’eau, des zones naturelles d’expansion de crues et des zones humides.
Ces dépenses contribuent également :
a) À la sécurité de la distribution et à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine, en privilégiant le financement d’actions préventives de reconquête et de préservation de la qualité de l’eau en amont des points de captage de l’eau ;
b) À la conformité au regard de la directive n° 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires des dispositifs d’assainissement collectif et à la réhabilitation des dispositifs d’assainissement non collectif dans le cadre de partenariats avec les services publics d’assainissement non collectif ;
c) Aux actions destinées à améliorer la connaissance de l’état et du fonctionnement des milieux aquatiques, ainsi que des actions d’information et de sensibilisation du public dans le domaine de l’eau et de la protection des milieux aquatiques.
II. – Le montant des dépenses spécifiques versées par les agences de l’eau au titre de la solidarité avec les communes rurales définie au VI de l’article L. 213-9-2 du code de l’environnement ne peut être inférieur à un milliard d’euros entre 2013 et 2018. Ces dépenses contribuent en priorité à la mise en œuvre des orientations fixées au I du présent article.
III. – Le total des contributions des agences de l’eau aux ressources financières de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, hors versements opérés en application du V de l’article L. 213-10-8 du même code, ne peut excéder 150 millions d’euros par an entre 2013 et 2018, dont 20 % au titre de la solidarité financière entre bassins avec les départements et collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la Corse, prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 213-2 du même code. Ces dépenses contribuent à la mise en œuvre des orientations fixées au I du présent article. Les modalités de versement des contributions des agences sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’écologie.
IV. – À compter du 1er janvier 2013, après le 2° du III de l’article L. 2224-8 du code général de collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette mission consiste également, dans le cas des installations à réhabiliter, à faciliter et à encourager la réalisation des travaux par la signature de conventions avec l’agence de l’eau relatives à la gestion des aides financières aux propriétaires concernés. »
M. le président. L'amendement n° II-35, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. L’article 51 sexies, que nous entendons supprimer, est issu d’un article additionnel adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, qui encadre le volet « dépenses » de la prochaine programmation des agences de l’eau sur la période 2013-2018.
Il s’agit d’exprimer une fois encore au Gouvernement la désapprobation du Parlement face à la méthode retenue, qui consiste à introduire un article important par voie d’amendement, sans donner ni le temps ni les informations qui seraient nécessaires à un examen approfondi du sujet par la représentation nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Cher Gérard Miquel, bien que je sois navré de vous faire de la peine, je souhaite que nous examinions particulièrement deux des amendements déposés sur cet article. Je ne saurais donc être favorable à votre amendement de suppression…
M. le président. L'amendement n° II-139 rectifié, présenté par M. Dantec, Mme Rossignol, MM. Patient et S. Larcher, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le nombre :
13,8
par le nombre :
14
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur l’incohérence de la politique publique de l’environnement que le Gouvernement nous présente aujourd’hui.
On ne peut pas dire que l’eau constitue une priorité et, dans le même temps, réduire l’encadrement de la capacité d’action des agences de l’eau ! Cela n’a pas de sens ! C’est un signal absolument catastrophique en termes de volontarisme sur ce qui est pourtant un enjeu majeur, à savoir le retour au bon état écologique des milieux et de l’eau.
Notre collègue Fabienne Keller, laquelle n’est pas tout à fait de ma couleur politique (Sourires.), vient de publier un rapport sur ce sujet. Il y est rappelé que nous sommes aujourd’hui sous la menace de nombreuses condamnations européennes et que l’échéance pour la réalisation des objectifs de la directive-cadre sur l’eau, la DCE, se rapproche, puisqu’elle est fixée à 2015.
Cet amendement, que je qualifierai de modéré, vise, de manière conservatoire, à garantir le même niveau d’encadrement, soit 14 milliards d’euros.
Mes chers collègues, soyons cohérents !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l’économie ne s’est pas prononcée sur cet amendement, et pour cause : la procédure fait que nous découvrons les amendements en séance…
À titre personnel, je suis également favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le plafond qui avait été fixé pour le dixième programme d’intervention des agences de l’eau pour 2013-2018 était de 14 milliards d’euros. Le Gouvernement a souhaité que l’ensemble des établissements public participent à la réduction des déficits. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité afficher un plafond maximum de dépenses de 13,8 milliards d’euros.
M. le président. L'amendement n° II-108 rectifié bis, présenté par MM. Lenoir et Lasserre, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Aux actions en faveur d’un développement durable des activités économiques utilisatrices d’eau, notamment les économies d’eau et la mobilisation de ressources en eau nouvelles dans la mesure où l’impact global au regard des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement est positif à l’échelle du bassin versant ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je le reprends, monsieur le président, au nom de la commission de l’économie.
Cet amendement nous semble tout à fait intéressant dans le cadre des dispositions générales de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Il permet en effet d’apporter une réponse, sur le terrain, aux problèmes nés des périodes de sécheresse que nous avons pu vivre, en particulier dans le Sud-Ouest. (Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, pénètre dans l’hémicycle.)
Je suis heureux, madame la ministre, de saluer votre arrivée.
M. le président. Non sans avoir à mon tour salué Mme la ministre, je vous rappelle qu’en l’occurrence, monsieur le président de la commission de l’économie, seule la commission des finances pourrait reprendre cet amendement.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Je le reprends donc, monsieur le président, au nom de la commission des finances. On ne comprendrait pas qu’un élu du Sud-Ouest agisse autrement ! (Sourires.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-177, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-108 rectifié bis.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon absence au cours de la plus grande partie de ce débat. J’ai dû en effet accompagner le Président de la République dans le cadre d’un déplacement sur l’efficacité énergétique et la sûreté nucléaire.
Sur cet amendement qui lui paraît équilibré au terme de sa nouvelle rédaction, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je m’abstiendrai sur cet amendement, qui peut effectivement paraître de bon sens, mais qui manque de précision. Le diable se cache parfois dans les détails !
En tant que rapporteur pour avis de la mission « Politique des territoires », et notamment du programme des interventions territoriales de l’État, le PITE, consacré au plan de sauvegarde du marais poitevin, je constate que, aujourd’hui, la tendance est massivement à la création de retenues supplémentaires, là où des alternatives seraient pourtant possibles, notamment par un accompagnement différent des agriculteurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je souhaite donner un éclairage sur la politique menée dans ce domaine par le Gouvernement.
Cet été, la sécheresse, finalement moins grave que prévu, a conduit à lancer un plan qui repose sur deux piliers.
Le premier pilier concerne la création de retenues collinaires des eaux d’hiver, reconnues comme telles par des expertises.
Le second pilier s’intéresse aux cultures moins consommatrices d’eau, qui devront être substituées aux cultures consommatrices ou irriguées, le premier objectif étant de remplacer 14 000 hectares de maïs irrigué. Un certain nombre d’actions de recherche et de formation seront mises en place pour accompagner la transition vers des agricultures moins consommatrices d’eau, notamment dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
Il s’agit donc d’un plan équilibré reposant sur deux piliers d’égale importance. (M. Ronan Dantec en doute.) Évidemment, la rédaction de cet amendement n’est peut-être pas aussi précise…
M. Ronan Dantec. Qu’à cela ne tienne : il faudrait y introduire ce degré de précision !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Les évolutions de notre climat engendrent des sécheresses de plus en plus importantes dans un certain nombre de nos territoires.
Le Sud-Ouest a été marqué cet été par une très grave sécheresse. Or qu’avons-nous constaté ? Là où ont été mises en place des réserves d’eau en amont des petites rivières, avec des débits d’étiage, l’eau a continué de couler, permettant à la vie de se maintenir, et je pense ici notamment aux écrevisses à pattes blanches ! Là où, en revanche, comme dans mon département, de telles réserves n’ont pas été aménagées, les rivières se sont asséchées, et tout est mort.
Réfléchissons bien, mes chers collègues ! Il ne s’agit pas de constituer des réserves d’eau pour le plaisir ou pour irriguer des champs de maïs ! (M. Ronan Dantec en doute encore.) Il s’agit de maintenir une agriculture sur nos territoires, pour assurer un certain nombre de nos productions.
Et si cela se révèle nécessaire, il faut également pouvoir arroser les surfaces de maïs, car, dans des secteurs comme les nôtres qui ne sont pas des régions de grandes productions, nous avons besoin du maïs pour l’alimentation des animaux. Si nous ne mettons pas en place des réserves d’eau, notre agriculture disparaîtra.
Il nous faut maintenir des hommes et des animaux sur nos territoires : il y va de l’équilibre du milieu naturel !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-177.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-101 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Collin, C. Bourquin, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
un milliard
par les mots :
1,120 milliard
II. - Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
150 millions d'euros par an
par les mots :
780 millions d'euros
et le pourcentage :
20 %
par le pourcentage :
23 %
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Les agences de l’eau ont joué, depuis leur création, en 1964, un rôle essentiel dans la lutte contre toutes les pollutions. Elles participent également à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, ainsi qu’au financement de la connaissance de l’eau.
La mutualisation entre tous les usagers de l’eau à laquelle sont parvenues ces agences est exemplaire et inspire d’ailleurs de nombreux autres pays.
Une hausse importante des dépenses des agences de l’eau risque d’avoir des répercussions sur les redevances et donc, in fine, d’aboutir à une augmentation du prix de l’eau pour les usagers.
Or, dans la version du projet de loi de finances pour 2012 adoptée à l’Assemblée nationale, on demande à ces agences, d’une part, d’augmenter leur contribution à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques en 2012, d’autre part, d’augmenter de 38 % – c’est l’objet de l’article 51 sexies – le plafond annuel des contributions des agences de l’eau à l’ONEMA entre 2013 et 2018, en les portant à 150 millions d’euros par an, soit 900 millions d’euros sur l’ensemble du dixième programme d’intervention.
Une telle hausse des contributions des agences de l’eau à l’ONEMA résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement déposé par le Gouvernement. Parallèlement, les députés ont maintenu le plancher des dépenses de solidarité avec les communes rurales à 1 milliard d’euros.
Or les besoins des communes et des intercommunalités en matière de traitement des eaux résiduaires et de distribution d’eau potable continuent à augmenter du fait des directives européennes, d’une part, et de l’accroissement de la population, d’autre part.
Cet amendement a donc pour objet d’accroître les dépenses des agences de l’eau réalisées en faveur des communes rurales, sans pour autant diminuer la solidarité avec l’outre-mer et la Corse. Les sommes qui leur sont réservées sur les contributions à l’ONEMA sont même légèrement augmentées.
Une hausse des contributions des agences de l’eau pour les autres missions de l’ONEMA ne semble pas justifiée pour l’instant, d’autant qu’elle risquerait d’avoir des répercussions sur le prix de l’eau.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons de diminuer le plafond des contributions des agences de l’eau destinées à I’ONEMA, et de globaliser ces dernières sur la durée du dixième programme, de 2013 à 2018, ce qui permettrait une plus grande souplesse d’adaptation aux besoins des bassins ultramarins.
M. le président. L'amendement n° II-140 rectifié bis, présenté par MM. Patient et S. Larcher, Mme Rossignol, M. Dantec, Mme Bourzai, MM. Antoinette et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
1° Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
un milliard
par les mots :
1,120 milliard
2° Alinéa 13, première phrase
Remplacer le taux :
20 %
par le taux :
23 %
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. L’article 51 sexies maintient à 1 milliard d’euros le plancher des dépenses de solidarité avec les communes rurales et porte de 108 à 150 millions d’euros la contribution annuelle des agences de l’eau à l’ONEMA pour la période 2013-2018.
Il réserve 20 % du produit de cette contribution, soit 30 millions d’euros, aux actions de solidarité avec les bassins d’outre-mer et la Corse.
Cependant, les besoins des communes et des intercommunalités rurales pour le traitement des eaux résiduaires comme pour la distribution d’eau potable connaissent une augmentation continue, du fait tant des directives européennes que de l’accroissement de leur population.
Il est donc essentiel d’augmenter de 120 millions d’euros la part des dépenses des agences consacrée à la solidarité avec les communes rurales.
Par ailleurs, la solidarité avec les populations des départements et collectivités d’outre-mer est nécessaire et urgente au vu de nos engagements européens.
C’est pourquoi les auteurs de l’amendement n° II-140 rectifié bis proposent aussi, pour prolonger l’amendement n° II-138 rectifié bis déposé sur l’article précédent, que 23 %, au lieu de 20 %, des sommes versées par les agences de l’eau à l’ONEMA soient fléchées vers ces territoires.
Je le répète, en insistant : cette augmentation est tout à fait légitime, compte tenu de la situation des outre-mer.
La Guyane, par exemple, est emblématique de leur retard structurel en matière d’équipements. D’ailleurs, le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 avait fait des équipements et de l’assainissement des chantiers prioritaires dans ce département. Et pour cause : en Guyane, moins de 35 % des foyers sont raccordés à un système collectif, contre plus de 80 % en métropole ! Un retard encore accentué par une croissance démographique exponentielle…
Le Comité national de l’eau, dans une délibération adoptée au cours de sa séance du 9 novembre dernier, s’est « félicité du projet de doublement de la solidarité interbassins envers les départements d’outre-mer et de Corse dans les dixièmes programmes afin de conforter l’accès à l’eau et à l’assainissement partout sur le territoire français et de répondre aux enjeux de santé et salubrité publiques ».
L’adoption de l’amendement n° II-140 rectifié bis serait donc une mesure d’équité et un signe important au moment où la France s’apprête à accueillir sur son territoire le forum mondial de l’eau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Les amendements n° II-101 rectifié et II-140 rectifié bis ont un objectif identique, mais prévoient des montants quelque peu différents.
Je serais tenté d’émettre un avis favorable sur l’amendement n° II-101 rectifié présenté, notamment, par M. Mézard et Mme Escoffier, et qui fait passer de 900 à 780 millions d’euros le plafond des contributions versées à l’ONEMA par les agences de l’eau. Mais M. Antiste serait-il prêt à s’y rallier ?
M. le président. Monsieur Antiste, entendez-vous l’appel de M. le rapporteur spécial ?
M. Maurice Antiste. Si la part réservée à la solidarité financière entre bassins avec l’outre-mer et la Corse est bien portée à 23 %,…
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. C’est bien ce que l’amendement prévoit.
M. Maurice Antiste. … je suis d’accord.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Dans ces conditions, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° II-101 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. En dépit des contraintes budgétaires, nous conservons un plancher de 1 milliard d’euros pour la solidarité du monde urbain envers le monde rural.
Nous avons besoin de maintenir à 900 millions d’euros le plafond des versements à l’ONEMA, alors qu’il est proposé, dans l’amendement n° II-101 rectifié, de le ramener à 780 millions d’euros.
C’est notamment nécessaire pour financer des recherches, des études et des innovations dont je vous rappelle qu’elles bénéficieront largement aux petites communes, singulièrement à l’épuration des eaux.
Ces investissements obligatoires sont aussi, en quelque sorte, des dépenses d’avenir.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l'amendement n° II-101 rectifié.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, le Gouvernement peut-il s’engager, de façon ferme et formelle, à ne pas opérer d’autres prélèvements sur le fonds de roulement de l’ONEMA ? C’est que 55 millions d’euros ont déjà été ponctionnés, ce qui nous rend extrêmement méfiants…
M. le président. En conséquence, l’amendement n° II-140 rectifié bis n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 51 sexies, modifié.
(L'article 51 sexies est adopté.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 64 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».
Aides à l’acquisition de véhicules propres
Article 64 ter (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conditions dans lesquelles les personnes morales peuvent être rendues éligibles au bénéfice du bonus aujourd’hui réservé aux seules personnes physiques et destiné à encourager l’achat de véhicules hybrides. Ce rapport est remis au Parlement avant la fin de l’année 2011.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à cet article.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », ainsi que du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des comptes d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Travail et emploi
Compte d’affectation spéciale : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 62, 62 bis, 63, 63 bis, 63 ter et 63 quater) et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de l’emploi et l’apprentissage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient donc de vous présenter les crédits des programmes 102 et 103 et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
Tout d’abord, quelques chiffres.
Pour 2012, les crédits de la mission « Travail et emploi » s’établissent à 10,2 milliards d’euros en crédits de paiement et subissent une réduction de 11 % par rapport à 2011 – 11,6 milliards d’euros. Le périmètre de la politique de l’emploi représente 9,4 milliards d’euros, soit 92 % des crédits de la mission, ainsi répartis : 5,4 milliards d’euros pour le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » ; 4 milliards d’euros pour le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ».
En outre, le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » comporte 575 millions d’euros destinés à assurer la péréquation de la taxe d’apprentissage entre les régions et le financement des contrats État-régions en faveur de l’apprentissage.
Monsieur le ministre, je pourrais m’entretenir longuement avec vous ou avec votre collègue Nadine Morano de la situation que nous vivons dans les régions.
Quels sont les points marquants de ce budget pour 2012 ?
Tout d’abord, et c’est bien là le fait majeur, il faut noter que, pour participer à l’effort de diminution du déficit public, le Gouvernement a décidé de réduire les moyens des programmes 102 et 103 de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2011. Il faut toutefois s’étonner du fait que la totalité de la réduction des crédits porte sur des dépenses d’intervention.
Cela s’explique notamment par la fin des financements exceptionnels du plan de relance de l’économie de 2009, qui pesait encore près de 600 millions d’euros en 2011.
M. François Patriat, rapporteur spécial. Mais l’essentiel relève du choix du Gouvernement de sous-budgétiser de nombreux dispositifs.
Je citerai, à titre d’exemple, la subvention de l’État au Fonds de solidarité pour le financement de l’allocation de solidarité spécifique, qui a suscité certaines réactions.
Je citerai encore la participation de l’État au financement des maisons de l’emploi, qui devait baisser de 30 millions d’euros, coup de rabot que nos collègues de l’Assemblée nationale, et certains de votre propre majorité, monsieur le ministre, ont souhaité limiter à 15 millions d’euros. Je ne doute pas que nombre de nos collègues reviendront sur le sujet.
Je citerai également l’enveloppe allouée au paiement du marché de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, pour les « Publics fragiles ».
Enfin, je souhaiterais m’arrêter un instant sur la baisse des crédits destinés au financement des contrats aidés – 1,906 milliard d’euros en 2012, au lieu de 2,023 milliards d’euros en 2011. Cette sous-budgétisation, monsieur le ministre, mes chers collègues, est dangereuse, car le futur gouvernement, quel qu’il soit, sera obligé de demander, en cours d’année 2012, une ouverture massive de crédits supplémentaires afin de financer les contrats aidés qu’il faudra créer pour lutter contre la montée du chômage.
Rappelons que, en 2010, la dépense finale des contrats aidés s’est élevée à 3,5 milliards d’euros de crédits, au lieu de 1,77 milliard d’euros prévus initialement, soit près du double. Il y a là un phénomène d’insincérité que l’on peut désormais qualifier de notoire.
Mais ce budget souffre d’un autre travers.
Ce que l’État ne peut financer lui-même, il le fait supporter par les partenaires sociaux, les opérateurs et les collectivités territoriales. C’est un comble !
Là encore, je prendrai un exemple précis : pour financer la formation professionnelle, l’État veut effectuer un nouveau prélèvement de 300 millions d’euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, et en transférer la gestion à l’AFPA, à l’Agence de services et de paiement et à Pôle emploi. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 63.
Ces crédits seront utilisés de facto et cette opération risque de mettre en péril le FPSPP.
Au final, il ne s’agit pas de méconnaître l’impératif de retour à l’équilibre des finances publiques, mais c’est en toute responsabilité qu’il faut regretter le choix fait par le Gouvernement de se désengager des politiques actives de l’emploi et de lutte contre le chômage en ne faisant porter l’effort d’économie que sur les dépenses budgétaires.
En quelques mots, et pour terminer, je voudrais vous dire pourquoi ce choix est mauvais et, en conséquence, pourquoi le budget de la politique de l’emploi du Gouvernement doit être rejeté.
Le choix du Gouvernement est clair : il veut réduire drastiquement les dépenses budgétaires d’intervention. Nous l’avons compris.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. François Patriat, rapporteur spécial. Ce faisant, il prive le pays d’un levier important dans la lutte contre le chômage. Le budget pour 2012 de la politique de l’emploi ne sera pas de nature à influer activement sur la conjoncture. L’objectif du Gouvernement d’une baisse du taux de chômage à 9 % relève aujourd’hui d’une politique d’affichage. Même si nous souhaitons tous que celui-ci soit atteint, nous savons très bien qu’il n’en sera rien.
La voie suivie par la nouvelle majorité sénatoriale est radicalement différente : plutôt que de réduire les seules dépenses d’intervention de la politique de l’emploi, elle considère qu’il faut supprimer les niches fiscales et sociales très coûteuses et sans effet sur l’emploi.
Nous avons voté ici la suppression du dispositif d’exonération des heures supplémentaires : cela représente une économie globale de 4,9 milliards d’euros, bien supérieure à celle que souhaite faire le Gouvernement sur les dépenses d’intervention en faveur de l’emploi.
Vous n’avez pas saisi l’occasion de régler ce problème, monsieur le ministre.
C’est pourquoi, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la gestion des moyens des politiques du travail et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, François Patriat vient de vous présenter les crédits de la politique de l’emploi, crédits qu’il a appelé le Sénat à rejeter. Il me revient maintenant de vous présenter les crédits des programmes 111 et 155 constitutifs du volet relatif à la gestion des moyens des politiques du travail et de l’emploi.
Je vous livrerai ensuite quelques observations sur un certain nombre de sujets liés à l’emploi et aux finances publiques.
Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » est doté de 81 millions d’euros pour 2012 et a pour objectif d’améliorer les conditions d’emploi et de travail des salariés. Il vise à garantir le respect du droit du travail, de la santé et de la sécurité au travail, du dialogue social et à lutter contre le travail illégal.
Le respect du droit du travail, de la santé et de la sécurité est assuré par les inspecteurs du travail.
Le dialogue social est assuré par le code du travail, avec les syndicats.
Mais il y a un autre dialogue social, qui, lui, n’est pas prévu par le code du travail, et qui est tout aussi important, sinon plus, que celui qui se déroule avec les syndicats, c’est celui qui concerne tous les salariés, acteurs indispensables à l’activité des entreprises et sans lesquels celle-ci serait impossible.
C’est pour cela que le dialogue social avec l’ensemble des salariés dans le cadre d’une participation aux bénéfices égale aux dividendes est tout aussi fondamental et qu’il faut le promouvoir. C’est ce que j’appelle la « gestion participative ».
Ce programme 111 porte aussi sur les engagements financiers liés à la mise en œuvre de la loi du 20 août 2008, qui prévoit que la première mesure de l’audience des organisations syndicales sera réalisée avant la fin de 2013 pour démontrer leur véritable représentativité, ce qui est très bien. Aussi le budget pour 2012 prévoit-il une progression des crédits de paiement de la ligne budgétaire consacrée à la mesure de l’audience syndicale, celle-ci passant de 9,7 millions d’euros en 2011 à 16 millions d’euros en 2012.
Hormis cette exception, toutes les lignes budgétaires du programme 111 seront en diminution, avec des crédits très faibles.
J’en viens maintenant au programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », qui est doté de 743 millions d’euros, dont 600 millions financés pour le personnel. Programme support de la mission « Travail et emploi », il regroupe les moyens de soutien des politiques de l’emploi et du travail.
Permettez-moi maintenant de vous présenter brièvement mes observations personnelles sur la politique de l’emploi et sur les finances publiques.
Dans la situation financière critique où nous nous trouvons aujourd’hui, avec une menace qui se précise de plus en plus sur notre notation, il importe plus que jamais de réduire encore nos dépenses de 2012, car le déficit prévu, soit 81 milliards d’euros, trop important, inquiète les marchés. Un relèvement des taux d’intérêt à payer pour nos emprunts et le service de la dette serait catastrophique pour tous.
Il faut donc réduire nos dépenses, et la plus importante est celle qui concerne tous les allégements de charges, qui représentent près de 25 milliards d’euros ; ils ont des conséquences indirectes sur le budget de l’emploi.
Cette exception n’existait pas avant 1997 et personne ne s’en plaignait. Il est vrai qu’à l’époque on travaillait 39 heures… Il faudrait donc, pour sauver notre note et pouvoir retrouver rapidement l’équilibre budgétaire, revenir aux 39 heures et alors supprimer tous les allégements de charge. Une économie de 25 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Je souhaiterais que l’on s’occupe un peu plus de ce problème, au lieu de grappiller quelques économies par-ci par-là, pour un total de 2 millions d’euros.
Par ailleurs, il est totalement admis aujourd’hui que la prime pour l’emploi n’a aucun effet sur le retour à l’emploi. J’en préconise la suppression, ce qui représenterait une économie de 2,8 milliards d’euros.
La réduction du taux de la TVA sur la restauration, abaissé à 5,5 %, coûte 3,2 milliards d’euros. Cela a-t-il réellement créé des emplois ? Personne ne peut le prouver. Compte tenu de l’urgence des économies à faire, je propose de revenir au taux antérieur, c'est-à-dire à 19,6 %, et non à 7 %, comme on le propose.
Ces propositions permettraient au total d’économiser 32,2 milliards d’euros de dépenses par an, ce qui est considérable.
Ainsi, le déficit budgétaire pour 2012 passerait de 81 milliards d’euros à 59 milliards d’euros, c’est-à-dire près de 3 % du PIB, ce qui nous ramènerait aux critères de Maastricht et nous enlèverait tout souci immédiat de note et de taux d’intérêt majorés.
Cela vaut la peine d’y réfléchir, compte tenu des menaces qui pèsent sur notre note. Au lieu de cela, on envisage de multiples dépenses, qui ne pourront être engagées, faute de moyens.
Tout à l’heure, M. Patriat a, au nom de la commission des finances, appelé au rejet des crédits de cette mission,…
M. Roland Courteau. À juste raison !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. … ce qui est tout à fait son droit. Mais il ne fait aucune proposition.
M. François Patriat, rapporteur spécial. Si !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il pourrait dire que ce budget est trop élevé ou pas assez, qu’il faudrait augmenter les dépenses, ou les recettes, enfin formuler des suggestions pour un autre budget de l’emploi. Mais non ! Il est favorable à la suppression pure et simple.
À ce compte-là, si le Sénat votait contre les crédits de la mission, il n’y aurait plus du tout de budget de l’emploi. On pourrait dire adieu à Pôle emploi, aux contrats aidés, aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation, au Fonds de solidarité…
Puisque l’argent manque, il aurait été normal que ceux d’entre nous qui critiquent ce budget s’expliquent et formulent des propositions positives susceptibles de le remplacer.
Or M. le rapporteur spécial ne l’a pas fait. Il a adopté une attitude totalement négative, ce qui, par rapport aux exigences d’une discussion budgétaire au Sénat, n’est à mes yeux pas normal.
Cela signifie-t-il que mon collègue rapporteur spécial veut réduire les crédits de la mission « Travail et emploi » de 10 milliards d’euros ? Puisque cela ne sert à rien à ses yeux, supprimons ce budget et économisons la somme !
M. François Patriat, rapporteur spécial. C’est de l’ironie ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. C’est une façon comme une autre de réduire les dépenses budgétaires… Encore un effort et, à ce petit jeu, vous arriverez bientôt aux 30 milliards d’euros d’économies qui nous permettront de nous mettre en conformité avec les critères de Maastricht !
Ce serait une solution, mais, selon moi, il faut agir autrement. Si vous supprimez totalement les crédits de cette mission, que va-t-on faire ? Il n’y aura plus d’embauches et le chômage continuera d’augmenter. Je ne suis pas contre la critique, mais il faut faire des propositions, en contrepartie, sinon, cela ne sert à rien !
Par conséquent, je vous proposerai, mes chers collègues, de voter ce budget, en dépit des critiques qui ont été émises, car ces dépenses serviront à créer des emplois, à développer l’économie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, dans le contexte de crise économique et financière que nous traversons, une action volontariste est évidemment nécessaire de la part de l’État pour limiter la montée du chômage mais aussi pour protéger nos concitoyens les plus fragiles.
Malheureusement, force est de le constater, les crédits de la mission « Travail et emploi », qui s’inscrivent en baisse de 12 % par rapport à l’an dernier, ne sont pas à la hauteur des besoins et ne permettront pas à l’État d’assumer le rôle qui devrait être le sien dans cette période difficile.
M. Roland Courteau. C’est certain !
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Le Gouvernement tente, et c’est bien normal, de minimiser l’ampleur de la baisse des crédits, en nous expliquant qu’elle serait, pour l’essentiel, la conséquence de décisions prises antérieurement.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. En réalité, monsieur le ministre, ce projet de budget arrive à contretemps : il a été conçu à un moment où une reprise économique était envisagée – les paramètres n’étaient pas les mêmes –, et il se révèle aujourd’hui inadapté à la situation présente.
Le projet de budget du travail et de l’emploi a été élaboré en maintenant inchangées, en euros courants, la plupart des dotations votées en 2010 et en 2011.
La commission des affaires sociales, vous n’en serez pas surpris, juge ce choix contestable, puisque la simple reconduction des crédits empêche le Gouvernement d’adapter l’effort de l’État à l’évolution des besoins.
Pour illustrer mon propos, et puisque mon temps de parole est compté, je me limiterai à l’exemple de la dotation de l’État à Pôle emploi. Depuis 2009, c’est-à-dire depuis la création de l’opérateur unique, elle a toujours été fixée à 1,36 milliard d’euros et elle resterait à ce niveau en 2012. Cette dotation a donc, en réalité, légèrement baissé en valeur du fait de la hausse des prix. Surtout, elle n’a pas été réévaluée pour tenir compte de l’augmentation du chômage de 30 % constatée depuis trois ans.
Les agents de Pôle emploi doivent donc faire face à une charge de travail qui a considérablement augmenté, sans moyens supplémentaires. Nous sommes ainsi très loin de l’objectif qui avait été fixé, voilà quatre ans, par Christine Lagarde, à savoir 60 demandeurs d’emploi suivis par conseiller. Nous en sommes aujourd’hui plutôt à 110,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. … voire, dans certaines régions, à 150 ou 200.
Il n’est guère surprenant, dans ces conditions, que les demandeurs d’emploi se plaignent d’un accompagnement insuffisant et que les agents expriment, de leur côté, une vive insatisfaction.
Une revalorisation des moyens du service public de l’emploi s’impose à l’évidence. Une telle dépense est, à mes yeux, un investissement, d’une part, parce qu’elle permet de réaliser des économies sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi – nous avons déjà longuement développé ce sujet –, et, d’autre part, parce qu’elle contribue à la sauvegarde de notre cohésion sociale et facilite les recrutements des entreprises.
Le Gouvernement vient de négocier avec l’UNEDIC et Pôle emploi une nouvelle convention tripartite qui va fixer la « feuille de route » de l’opérateur. Les orientations retenues rejoignent les préconisations formulées par la mission commune d’information sénatoriale…
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. … que j’ai eu l’honneur de présider : plus grande personnalisation du service rendu aux demandeurs d’emploi, redéploiement de moyens aujourd’hui affectés à des fonctions support, déconcentration de l’établissement pour favoriser son ancrage dans les territoires, enfin, définition de nouveaux indicateurs de résultats pour un meilleur pilotage de l’action de Pôle emploi.
Cette nouvelle « feuille de route » ne produira cependant pas les résultats espérés si Pôle emploi ne reçoit pas les moyens suffisants pour assumer convenablement ses missions. Or l’État envisage de geler sa dotation encore jusqu’en 2014.
Si la plupart des dotations restent inchangées, comme je l’ai dit, quelques-unes s’inscrivent néanmoins en forte baisse, à tel point que l’on peut craindre que plusieurs dispositifs ne se révèlent sérieusement sous-financés l’an prochain.
Je pense notamment à la dotation pour les maisons de l’emploi, à la dotation de l’État au Fonds de solidarité ou encore aux crédits alloués au financement de l’activité partielle, que l’on appelait autrefois le chômage partiel.
J’ajoute que le nombre d’entrées en contrats aidés devrait diminuer fortement l’an prochain, tandis que la suppression de l’allocation équivalent retraite, l’AER et de l’allocation spéciale du Fonds national de l’emploi, l’ASFNE, laissera sans solutions certains salariés âgés qui vont perdre leur emploi et qui auront de très faibles perspectives de reclassement professionnel.
Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris que la commission des affaires sociales ait émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Nous estimons qu’une autre politique de l’emploi est possible et nécessaire. Je rappelle, à titre d’exemple, que la suppression de l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires rapporterait, à elle seule, outre les 3,5 milliards d’euros destinés aux comptes sociaux, près de 1,4 milliard d’euro au budget de l’État, ce qui serait nécessaire pour remettre à niveau les crédits de la mission. Cette dotation serait, de surcroît, favorable à la création d’emplois.
La commission s’est prononcée, en revanche, pour l’adoption des articles rattachés, sous réserve de la suppression de deux d’entre eux, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir dans la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur pour avis, la baisse de 12 % des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2011 et 2012 est inquiétante, parce que totalement contracyclique.
On le sait, la croissance ne sera pas au rendez-vous l’année prochaine. Elle devrait à tout le moins être insuffisante pour empêcher une nouvelle hausse du nombre de demandeurs d’emploi.
Dans ces conditions, l’État doit prévenir et accompagner. C’est donc plutôt à une hausse des crédits de cette mission que l’on aurait pu s’attendre.
Parmi les crédits en baisse, trois postes nous semblent particulièrement problématiques : celui des contrats aidés, celui des maisons de l’emploi et celui du Fonds de solidarité.
Pour les contrats aidés, nous partageons l’avis de M. le rapporteur spécial. Il faudra sans doute, de toute façon, les abonder en cours d’année.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour ce qui concerne les maisons de l’emploi, leur dotation, avant examen par nos collègues députés, devait être réduite de 30 millions d’euros, soit une baisse de 38 % par rapport à 2011, ce qui ne nous semble pas envisageable eu égard à leur rôle comme relais territorial des politiques nationales de l’emploi.
Heureusement, l’Assemblée nationale a limité cette baisse à 15 millions d’euros, ce qui est encore trop à nos yeux, malgré le recentrage de leurs missions et les économies d’échelle qu’elles ont réalisées. Nous défendrons donc un amendement visant à abonder la dotation de 7 millions d’euros supplémentaires, pour contenir à environ 10 % la baisse des crédits cette année, après celle de 21 % connue en 2011.
La forte diminution de la dotation de l’État au Fonds de solidarité est également très problématique. Ce fonds prendra en charge, à partir de 2012, la nouvelle allocation transitoire de solidarité, l’ATS, créée à la suite de la réforme des retraites de 2010 au profit des chômeurs seniors en fin de droit frappés par la réforme, et dont la convention de licenciement est antérieure à sa promulgation.
Le montant de l’ATS est déjà très faible. Elle ne compense pas la perte de l’allocation chômage. Si elle est, en plus, insuffisamment budgétée, nous nous demandons comment l’ATS peut vraiment répondre aux besoins des publics à qui elle se destine !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bonne question !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Combien, selon vous, devrait coûter l’ATS ? Le Fonds de solidarité, avec les crédits qui lui sont alloués par le présent projet de loi de finances, pourra-t-il faire face ?
Une fois ces remarques faites, il convient cependant de relativiser le jugement que l’on peut porter sur les crédits de la mission « Travail et emploi », et ce pour une raison simple : paradoxalement, la mission ne donne qu’un aperçu très partiel de la politique de l’emploi. Elle ne retrace, au mieux, qu’un cinquième des financements qui lui sont consacrés. Elle représente globalement 10 milliards d’euros, autant que la dépense fiscale liée à la politique de l’emploi et, surtout, trois fois moins que les exonérations de cotisations sociales, qui avoisinent les 30 milliards d’euros.
Dans ces conditions, point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’une réforme de notre politique de l’emploi passe immanquablement par une revue, voire une révision, des dispositifs d’allégement de charges, cœur névralgique de cette politique.
C’est la raison pour laquelle le groupe UCR avait demandé un débat public sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Ce débat a été tenu le 26 mai dernier.
L’actuelle majorité sénatoriale veut supprimer ces exonérations d’un trait de plume. Il est vrai que la faible efficacité du dispositif a été soulignée tant par le Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2010 dans son rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises que par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales dans son rapport de juin 2011. Il constituerait même un frein à l’embauche par l’effet d’aubaine qu’il peut engendrer.
Pour autant, nous faisons deux observations.
D’une part, le bilan des allégements de charges sur les heures supplémentaires mérite d’être nuancé.
Il convient, me semble-t-il, de distinguer les grandes entreprises des petites. Pour ces dernières, qui ont plus de mal à ajuster leur charge de travail, les allégements sur les heures supplémentaires représentent sans doute une aide précieuse. Ils doivent donc être maintenus, mais seulement pour les PME, et plus précisément pour celles qui ont à faire face à d’importantes et soudaines variations de leur charge de travail. Ainsi le dispositif serait-il ciblé dans le temps et sur les PME les plus à même de grossir.
C’est en effet un tissu développé d’entreprises moyennes comme il existe en Allemagne qui fait le plus défaut à l’économie française, tout le monde le sait. Aussi devons-nous tout faire pour aider les petites entreprises à grandir.
D’autre part, on ne saurait supprimer cette mesure sans s’interroger plus globalement sur l’ensemble des dispositifs d’exonération de charges. Nous plaidons pour un audit général de ces allégements de charges afin d’optimiser l’efficience de nos politiques de l’emploi. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon le récent sondage Viavoice réalisé pour Libération, 81 % des Français désavouent la politique économique de Nicolas Sarkozy, et 78 % jugent inefficace son action sur l’emploi.
Ce constat de défiance peut paraître sévère. Il n’est pourtant que la conséquence d’une politique méthodique tournée en priorité vers la sécurisation des profits et des revenus financiers avant que d’être au service du travail et de l’emploi.
Depuis 2007, la course effrénée au moins-disant fiscal a entraîné une réduction drastique des ressources de l’État.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très juste !
M. Dominique Watrin. Selon les calculs du Conseil des prélèvements obligatoires, les niches destinées aux entreprises, entendues au sens large, ont représenté un manque à gagner pour les finances publiques de 172 milliards d’euros en 2010. Pour quel bénéfice, je le demande, en matière de développement industriel, de redynamisation économique, de niveau de l’emploi et de formation ?
Il convenait, à notre sens, de dresser à titre liminaire ce constat iconoclaste. En conséquence de la politique que vous continuez de mener, envers et contre tout, c’est la population active de ce pays qui paiera les frais du plan d’austérité, et il n’épargne pas, loin s’en faut, la mission « Travail et emploi ».
Au moment où l’importance de la demande sociale justifierait plus que jamais que l’État investisse dans les structures d’accompagnement vers l’emploi, vous continuez en toute incohérence d’acter son désengagement.
Pôle emploi fête bien tristement son troisième anniversaire. En plus de fragiliser les rapports entre salariés et usagers via le recours à un contrôle social quelquefois décalé par rapport à la situation réelle des demandeurs d’emploi, vous continuez d’alimenter la situation de pénurie d’effectifs dont souffrent ces structures, déjà exposées aux risques psychosociaux rencontrés par ses agents.
La subvention de l’État va permettre le financement de 45 422 équivalents temps plein, alors qu’ils étaient 47 015 en 2010. Le nombre d’agents diminue alors que, parallèlement, le nombre d’inscrits à Pôle emploi a enregistré une hausse de 4,3 % en un an.
De plus, à l’image de la tendance suivie par l’ensemble des employeurs – on serait toutefois en droit d’attendre que l’État ne s’aligne pas –, le recours aux emplois précaires se normalise dans les agences de Pôle emploi. En 2010, le service public de l’emploi comptait dans ses rangs près de 4 000 contrats à durée déterminée, ou CDD, et plus de 2 000 contrats aidés.
L’éventail des contrats précaires aujourd’hui à la disposition des employeurs est également mis à profit par le service public de l’emploi. C’est un comble !
Rappelons que Pôle emploi a encore été condamné le 30 septembre dernier par le conseil des prud’hommes de Compiègne pour ne pas avoir renouvelé le CDD d’une employée qui y travaillait depuis 2003. Cette femme était alors âgée de soixante ans. Ce cas me donne l’occasion de rappeler que le nombre de sans-emplois âgés de plus de cinquante ans a crû de 14,6 % en un an. Il est à craindre que la réforme des retraites, qui joue sur les bornes d’âges et les durées de cotisations, n’empire cette situation. Il est donc nécessaire de rétablir complètement l’allocation équivalent retraite, l’AER.
La question se pose, monsieur le ministre, bien que ce budget ne le permette pas. Son indigence n’épargnera pas non plus les maisons de l’emploi, dont la dotation, cela a été dit, est significativement réduite dans le présent projet de loi de finances.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, les dix-huit maisons de l’emploi font travailler deux cent vingt salariés, dont soixante-sept seraient menacés par la coupe budgétaire. L’une de ces maisons de l’emploi, qui couvre un territoire de quarante-quatre communes, s’est vu infliger une baisse de 40 % de son budget sur un territoire où son action était pourtant efficace. Nous en sommes effectivement à la deuxième année consécutive de ponction sur le budget des maisons de l’emploi.
Si la crise nous impose de nous tourner vers l’avenir, cela passe notamment par un investissement dans l’accompagnement de la jeunesse vers l’emploi mais aussi dans la formation à tout âge.
Mais, de ces deux leviers, la disette n’épargnera ni l’un ni l’autre.
Je ne reviendrai pas sur la circulaire du 19 janvier 2011, qui modifie les conditions du conventionnement des missions locales et qui remet non seulement en cause leur rôle pivot dans l’accompagnement des jeunes en difficulté mais aussi la gouvernance partagée des missions locales.
De même, la réduction du montant de l’allocation servie dans le cadre des contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS, et la diminution simultanée de 10 % du nombre de ses bénéficiaires traduisent encore votre désintérêt réel pour la jeunesse.
Nicolas Sarkozy déclarait en 2010, lors de sa visite au centre de formation Veolia, dans le Val-d’Oise : « Si on ne fait rien, ce sont entre 170 000 et 220 000 jeunes de plus qui pourraient se retrouver au chômage d’ici fin 2010. […] Je ne veux pas d’une génération sacrifiée ». C’est à se demander pourquoi ils sont les premiers à être promis à l’abandon !
La demande de formation d’accompagnement ou de montée en qualification n’a jamais été aussi prégnante et pourtant les crédits de l’AFPA diminuent encore. Après le transfert de l’activité d’orientation à Pôle emploi, il est désormais question de calibrer l’offre de formation et de revoir l’implantation territoriale des sites. Autant parler d’un démantèlement planifié !
C’est votre politique dispendieuse au profit des uns et restrictive pour tous les autres que les agences de notation sanctionnent, non les Français !
Les sénateurs du groupe CRC ne peuvent admettre que les crédits de cette mission ignorent tout de l’urgence sociale. Ils ne peuvent pas non plus admettre l’absence de toute politique d’avenir.
Vous l’aurez compris : le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière et économique que traverse notre pays est profonde.
Alors que les experts économiques tablaient, en début d’année, sur la poursuite de la reprise engagée en 2010 et espéraient une croissance de l’ordre de 1,5 % en 2012, les événements de ces dernières semaines les ont contraints à revoir leurs prévisions à la baisse. Ce fort ralentissement de la croissance pourrait bien faire basculer la France dans une nouvelle récession.
Par ailleurs, les récentes annonces de plans de restructuration dans des secteurs très variés font craindre une transformation de la crise financière en crise sociale. Sans compter que la possible, pour ne pas dire probable perte du triple A français risque d’aggraver la situation.
Depuis le mois de mai, le nombre de demandeurs d’emploi est à nouveau en hausse dans notre pays. Ils sont désormais 4,4 millions. Le nombre de ceux qui sont inscrits en catégorie A à Pôle emploi a atteint un niveau inégalé depuis près de douze ans. Il faut remonter au plus fort de la crise, en 2009, pour retrouver un taux de chômage aussi catastrophique. Cette hausse n’épargne personne : ni les jeunes ni les chômeurs de longue durée, et encore moins les seniors.
S’agissant de ces derniers, le Président de la République avait promis en mai 2007 « d’aider les entreprises à donner du travail aux seniors au lieu de les encourager à s’en séparer ». Pourtant, le nombre de demandeurs d’emploi âgés de plus de cinquante ans a littéralement explosé. Il est de plus en plus difficile pour les seniors de retrouver un travail. Nous le savons bien : la précarité des seniors est devenue une réalité.
Aussi, je souhaiterais évoquer très brièvement la suppression, effective au 1er janvier dernier, de l’allocation équivalent retraite, l’AER, qui garantissait un revenu minimum aux chômeurs ayant tous leurs trimestres pour leur retraite mais pas encore l’âge pour en bénéficier, quand ils avaient épuisé leur droit aux allocations d’assurance chômage.
Le Gouvernement l’a remplacé par l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS, mais les conditions d’accès sont bien plus restrictives. Seuls 11 000 demandeurs d’emploi devraient en bénéficier, alors que l’AER touchait plus de 60 000 personnes. Cette mesure n’est pas acceptable.
À la fin de l’année, le chômage devrait toucher 9,2 % de la population active en France métropolitaine et il est à craindre qu’il ne connaisse une nouvelle augmentation en 2012.
Monsieur le ministre, la politique de l’emploi mobilisera, en 2012, 47 milliards d’euros. Je rappellerai qu’elle avait mobilisé 54 milliards d’euros en 2010 et 51 milliards d’euros en 2011 ! Si l’on s’en tient à la mission « Travail et emploi », les crédits qui lui sont alloués accusent une baisse historique de 12 %, soit une perte de 1,4 milliard d’euros.
Une diminution aussi vertigineuse relève à mon sens d’une démarche irresponsable. Pris dans une tourmente économique et sociale, nos concitoyens attendaient que vous mettiez en place une véritable politique en faveur de l’emploi. Ce budget manque véritablement d’ambition.
Ainsi, le programme « Accès et retour à l’emploi » subit une baisse de 800 millions d’euros et le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » est réduit de 550 millions d’euros. Comment voulez-vous, dans ces conditions, gagner la bataille de l’emploi ? C’est tout simplement impossible.
Je pense notamment à Pôle emploi qui, depuis sa création, reçoit toujours la même dotation de l’État, soit 1,36 milliard d’euros. Officiellement, donc, le budget de Pôle emploi est maintenu pour 2012. Mais, dans un contexte de crise économique et de hausse du chômage, il s’agit en réalité d’une diminution !
La dotation de l’État ne permettra pas aux agents de Pôle emploi de faire face à une charge de travail de plus en plus importante dans des conditions décentes. Un conseiller peut se retrouver à gérer un portefeuille de 200 ou 300 demandeurs, ce qui rend toute prise en charge individuelle totalement impossible.
Les demandeurs d’emploi se retrouvent donc livrés à eux-mêmes, avec pour seul moyen de contacter Pôle emploi un centre d’appel. Or les interlocuteurs sont souvent recrutés sur des contrats à durée déterminée et remplacés tous les six mois, de surcroît en ayant très peu eu de formation. Dans une logique de profit et de rentabilité, le temps d’écoute accordé aux chômeurs a été réduit. Cette situation conduit nombre d’usagers à se rendre dans les agences souvent chargés d’agressivité. C’est dommageable.
Il aurait été indispensable de réévaluer la dotation de Pôle emploi et de lui permettre de faire face à la pénurie de moyens et de personnels, d’autant qu’une intensification de l’accompagnement a toujours un effet direct sur la hausse du taux de retour à l’emploi et, par conséquent, sur la baisse du chômage.
Dans un rapport, très instructif, de 2010, l’Inspection générale des finances a d’ailleurs dénoncé le manque de moyens consacrés au suivi des chômeurs en France : « L’offre en matière d’accompagnement apparaît à la fois plus éclatée, moins étoffée et moins intensive en France qu’en Allemagne et au Royaume-Uni. »
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les effectifs consacrés à l’accompagnement de 10 000 demandeurs d’emploi sont de 178 au Royaume-Uni, de 134 en Allemagne et de 53 seulement en France ! Par ailleurs, outre-Rhin, 8 000 personnes ont été recrutées à temps plein pendant la crise pour se consacrer entièrement au suivi des demandeurs d’emploi, alors que, en France, vous avez procédé à la suppression de 1 800 postes.
En outre, en 2008, c’est-à-dire en pleine crise, les contrats à durée déterminée de Pôle emploi avaient été renouvelés. Actuellement, ils ne le sont plus.
Loin de moi l’idée de remettre en cause le bien-fondé de Pôle emploi, qui a permis de simplifier les démarches des demandeurs d’emploi et de favoriser un traitement plus égalitaire des chômeurs. Pour autant, la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC aurait mérité d’être mieux préparée et mieux accompagnée. Nous avons d’ailleurs été nombreux sur ces travées à dénoncer à maintes reprises les carences en la matière.
Au mois de juillet dernier, la mission commune d’information relative à Pôle emploi a rappelé dans son rapport que la fusion s’était déroulée dans un contexte de forte hausse du chômage et que des erreurs avaient été commises. Elle a regretté que la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi se soit dégradée, chaque conseiller n’ayant pas la possibilité d’assurer de manière satisfaisante le suivi mensuel auquel tous les demandeurs d’emploi ont droit en principe. Elle a formulé plusieurs recommandations, préconisant notamment d’attribuer des moyens supplémentaires à Pôle emploi. Je constate avec amertume que votre projet de budget n’en tient pas compte.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que la très grande majorité des membres du RDSE ne puissent pas adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chômage et l’emploi sont les premières préoccupations des Français. Nombreux sont ceux qui s’inquiètent pour leur avenir.
Selon une étude publiée au mois de septembre dernier par l’institut TNS-Sofres, 66 % des Français, soit les deux tiers, font état de risques de chômage pour eux-mêmes ou pour l’un des membres du foyer dans les mois à venir et 31 % estiment même qu’il y a « beaucoup » de risques.
Cette inquiétude n’épargne personne. Si les ouvriers se montrent particulièrement pessimistes – on le comprend ! –, à 76 %, l’inquiétude à l’égard du chômage touche également très largement les cadres, à 70 %. L’avalanche de plans sociaux et l’augmentation des chiffres du chômage semblent leur donner raison.
Dans ce contexte, et alors que le taux de croissance prévu est proche de zéro, vous choisissez de diminuer les crédits de la mission « Travail et emploi » de 12 %, soit près de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2011. Il s’agit d’une baisse historique qui a de quoi surprendre !
Avec un nombre de demandeurs d’emploi qui, toutes catégories confondues, est reparti à la hausse – je pense notamment à l’explosion du chômage de longue durée, avec une augmentation de près de 9 %, atteignant le chiffre de 1,6 million de personnes –, l’emploi devrait être votre première priorité. Surtout, cela devrait se concrétiser dans un budget offensif. Force est de constater que nous sommes bien loin du compte. Au mieux, les crédits stagnent en euros courants. Mais la plupart sont en baisse !
Pour ma part, j’insisterai sur deux points : les maisons de l’emploi et les contrats aidés.
Pour les maisons de l’emploi, le scénario est identique à celui de l’année dernière.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le Gouvernement propose une baisse drastique des crédits des maisons de l’emploi, que les parlementaires tentent ensuite de minorer.
Souvenez-vous : le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait, dans sa version initiale, une diminution des crédits de 47 % par rapport à 2010. La mobilisation des parlementaires avait finalement permis de limiter la baisse à 21,45 %, ce qui n’est tout de même pas mince.
Pour 2012, c’est une nouvelle baisse de 34 % qui est proposée. Après le passage à l’Assemblée nationale, qui a adopté un amendement tendant à augmenter de 15 millions d’euros la dotation pour les maisons de l’emploi, la diminution des crédits reste néanmoins proche de 20 % par rapport aux crédits adoptés en loi de finances pour 2011.
Monsieur le ministre, vous affirmez ne pas être de ceux qui prônent la suppression des maisons de l’emploi au motif qu’elles feraient concurrence à Pôle emploi. C’est ce que vous m’aviez répondu l’an passé. Je partage votre avis lorsque vous déclarez : « Ces deux structures ont des vocations différentes, mais l’ambition qui les sous-tend est identique : faire reculer le chômage. »
En effet, les maisons de l’emploi sont des outils de proximité, réactifs et adaptables, qui permettent aux collectivités locales de construire avec l’ensemble des partenaires locaux des plans d’actions ciblés répondant aux forces et aux faiblesses de leurs territoires.
C’est exactement dans cet esprit que la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin œuvre depuis plus de vingt ans. À la fin de l’année 2010, elle a d’ailleurs signé une convention avec l’État, afin de mettre en place un plan d’action territorial en faveur de l’emploi et de la formation pour la période 2011-2014. Cette convention prévoit normalement un financement de l’État à hauteur de 682 167 euros par an. Pour 2011, la baisse de son budget a pu être limitée à 7 % ; pour 2012, elle pourrait être de 10 %. Ces deux fortes baisses en deux ans pourraient l’obliger à réduire considérablement les actions prévues. Dans la conjoncture actuelle, cela me semble difficilement concevable. Et je finis par me demander quel est l’intérêt de contractualiser avec l’État !
En fait, après avoir encouragé la création et le développement des maisons de l’emploi – c’est, je le rappelle, l’œuvre de M. Borloo –, aujourd’hui, vous les étranglez ! Je ne comprends pas la logique d’une telle politique.
Et, sur les contrats aidés, ce projet de budget ne manque pas non plus d’incohérences !
D’abord, il faut que vous nous expliquiez comment vous comptez financer le même nombre de contrats que l’an dernier, c'est-à-dire 340 000 dans le secteur non marchand et 50 000 dans le secteur marchand, avec un budget en baisse de 135 millions d’euros !
À mon sens, la réponse est simple : ce sont les collectivités locales qui payeront ! Ainsi, la prise en charge mensuelle des conseils généraux passera de 83,65 euros par contrat en 2011 à 109,14 euros par contrat en 2012 ; celle de l’État diminuera donc d’autant.
Faisons un calcul simple. La prise en charge par les conseils généraux passe donc de 83,65 euros à 109,14 euros par mois, soit une augmentation annuelle de 305,88 euros. Multiplions ce chiffre par le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand, c'est-à-dire 340 000. Au total, ce sont ainsi plus de 103 millions d’euros supplémentaires à la charge des départements !
Par ailleurs, on peut s’interroger sur la sincérité des chiffres proposés.
En 2011, dès le mois de février, soit à peine deux mois après le vote du budget, le Président de la République a annoncé la création de 50 000 contrats supplémentaires et la dotation prévue pour les contrats uniques d’insertion et les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CUI-CAE, a été majorée à hauteur de 145 millions d’euros par la première loi de finances rectificative pour 2011, celle du 29 juillet 2011.
Pour 2012, et compte tenu des perspectives peu encourageantes pour le marché du travail, il n’est pas insensé de penser que l’enveloppe proposée ne suffira pas à faire face à l’ampleur des besoins. Mais probablement ne voyez-vous pas les choses à très long terme ! J’en veux pour preuve que, contrairement aux années précédentes, la présentation des entrées prévisionnelles en contrat d’insertion n’est plus répartie sur les deux semestres. De là à penser que la durée des contrats sera réduite au premier semestre… Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre pourquoi !
Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire sur ce budget, qui finalise les désengagements du Gouvernement et qui n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Mes collègues qui interviendront après moi ne manqueront pas d’en parler.
Le problème tient au fait que votre politique de l’emploi se résume en fait à des exonérations et des allégements de cotisations sociales patronales ayant pour double objectif de diminuer pour l’employeur le coût du travail peu qualifié, ce qui est supposé faciliter l’embauche – on a bien vu le résultat ! –, et de basculer le financement de la protection sociale des employeurs sur la fiscalité et les ménages, via l’épargne retraite, l’assurance privée et les mesures d’économies faits sur les retraites ou l’assurance maladie.
En cela, votre politique est parfaitement alignée sur les recommandations du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP.
Au final, on peut considérer que ce budget n’hypothèque pas totalement l’avenir, puisqu’il ne contient que des mesures de court terme et que toute mesure susceptible d’être prolongée est transférée sur des opérateurs du service public de l’emploi assistés d’opérateurs privés, comme Pôle emploi, l’AFPA, ou le FPSPP. Mais telle n’est pas notre conception d’une politique de l’emploi ambitieuse et volontariste !
C’est pourquoi nous rejetterons en bloc les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » constitue l’une des principales missions du budget général, puisqu’elle rassemble l’ensemble des crédits de l’État concourant à la réalisation des politiques de l’emploi et à la mise en œuvre du droit du travail.
Les crédits de cette mission sont examinés dans un contexte bien particulier, alors qu’il nous faut respecter un savant jeu d’équilibriste entre, d’une part, la maîtrise des dépenses et, d’autre part, l’indispensable soutien aux politiques de l’emploi.
Les chiffres du chômage doivent nous pousser à poursuivre la mobilisation engagée par le Président de la République. Ceux qui nous ont été communiqués au mois d’octobre ne sont pas satisfaisants. Pour autant, la politique du Gouvernement en matière d’emploi a permis d’éviter un certain emballement du taux de chômage. Nous avons connu une hausse du nombre de demandeurs d’emploi de 30 % en deux ans, mais le Royaume-Uni a connu une augmentation de 50 %, les États-Unis une augmentation de 100 %, et l’Espagne une augmentation de 121 % !
Mme Chantal Jouanno. Il ne faut pas l’oublier !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ne cherchez pas à fuir vos propres responsabilités !
Mme Caroline Cayeux. Ces chiffres ne doivent pas servir à nous exonérer,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah !
Mme Caroline Cayeux. … mais ils permettent de mettre en perspective l’action du Gouvernement dans le domaine de l’emploi.
Certes, la dotation de cette année est en diminution de 16,6 % en autorisations d’engagement et de 10,7 % en crédits de paiement, mais cette baisse est imputable à l’extinction des dispositifs du plan de relance et à la poursuite des économies sur certaines dépenses d’intervention.
Face à cette situation exceptionnelle, ce budget s’inscrit dans le cadre de la nécessaire politique de redressement des finances publiques attendue par les Français.
Nous devons aussi concentrer nos efforts. Le Gouvernement a fait le choix de cibler les siens sur les publics les plus fragiles. Ce budget entérine une stabilisation des mesures à destination de ces publics.
Je peux évoquer les jeunes. L’accent est mis sur le développement de l’apprentissage, le lien étude-emploi étant le meilleur rempart contre le chômage. Qu’il s’agisse de l’adoption de la proposition de loi dite « Cherpion », texte que vous avez largement soutenu, monsieur le ministre, ou encore de l’aide à l’embauche des apprentis, nous rattrapons notre retard.
En matière d’apprentissage, les résultats de la campagne menée sont probants, puisque 65 % des jeunes déclarent qu’elle leur donne envie de suivre les formations de ce type et que 91 % des parents se déclarent prêts à les recommander. Toutes les ressources sont mobilisées – je pense aux missions locales et aux entreprises – pour aider les jeunes à trouver un emploi. L’ouverture d’un guichet unique de l’alternance permet de remplir un contrat d’apprentissage en moins de dix minutes.
Je voulais aussi évoquer l’engagement pris par le Président de la République le 7 juin dernier pour que les personnes handicapées retrouvent, elles aussi, le chemin de l’emploi. L’enveloppe, en augmentation, permettra de prendre en charge 20 535 handicapés. Le développement de l’insertion professionnelle des personnes handicapées est une priorité qui s’est traduite par une augmentation du nombre d’aides au poste en entreprise adaptée, à hauteur de 1 000 places supplémentaires par an pendant trois ans, ce qui représente un effort, significatif, de plus de 14 millions d’euros dès 2012.
Les personnes en reconversion de carrière ne sont pas laissées pour compte puisqu’a été prévue dans la première loi de finances rectificative pour 2011 une prime de 2 000 euros pour les entreprises recrutant des demandeurs d’emploi âgés de plus de quarante-cinq ans.
Permettez-moi d’évoquer l’article 62 de ce projet de loi de finances, qui prévoit de prolonger la majoration de l’aide accordée aux ateliers et chantiers d’insertion dans le cadre d’un contrat aidé. Il y a environ 5 000 structures d’insertion par l’activité économique en France.
C’est un acteur important, puisque ces structures réalisent 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, issus de l’activité d’environ 250 000 personnes par an. Ce secteur tient une place essentielle dans les politiques de l’emploi. Aussi l’État y consacre-t-il des crédits budgétaires importants, qui ont été augmentés de plus de 60 % depuis 2005, notamment dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan de relance de l’économie en 2009.
Pour 2012, l’État a confirmé qu’il était déterminé à poursuivre dans ce sens, puisque le soutien au secteur de l’IAE, avec 207 millions d’euros, est stable par rapport à 2011.
L’objectif de la mission « Travail et emploi » est également de faire en sorte que les services et les opérateurs gagnent en efficacité.
Il convient de signaler que la subvention des charges de service public accordée à Pôle emploi est reconduite, alors qu’une nouvelle convention tripartite est en cours de négociation avec l’État et les partenaires sociaux.
Si l’on ne connaît pas encore le détail de la feuille de route qui sera confiée à l’opérateur pour la période 2012-2014, la volonté clairement exprimée par le ministre Xavier Bertrand est de mettre l’accent sur la déconcentration des moyens et des objectifs,…
Mme Caroline Cayeux. … afin de mettre en œuvre une gestion au plus près des besoins exprimés par les territoires. Ainsi, les responsables sur le terrain pourront disposer de réels moyens pour influer sur la situation de l’emploi au niveau local.
Enfin, je dirai un mot, à titre personnel, du budget des maisons de l’emploi. La diminution des subventions qui leur sont allouées s’explique par la volonté de maîtriser les dépenses d’intervention de l’État. Nos collègues députés ont certes adopté un amendement octroyant 15 millions d’euros supplémentaires aux maisons de l’emploi, mais ce budget est néanmoins en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.
Les élus que nous sommes sont conscients de l’utilité de ces structures, en dépit de l’évolution de leurs missions rendue nécessaire par la création de Pôle emploi. L’établissement d’un nouveau cahier des charges ainsi que la diminution des crédits inquiètent les personnels. Il me paraît indispensable que le Gouvernement procède à une évaluation complète des maisons de l’emploi, en analysant leurs performances respectives et en étudiant les possibles perspectives d’évolutions.
Les maisons de l’emploi mènent une action remarquable qui complète celle de Pôle emploi. En leur sein, élus locaux, entreprises et associations sont mobilisés pour mener une politique d’État, mais surtout une politique locale unissant toutes les forces sur le terrain.
De nombreux exemples démontrent qu’une approche de proximité, ancrée dans la réalité du monde de l’entreprise, permet une action préventive d’accompagnement afin que les salariés concernés par les reconversions puissent retrouver une activité professionnelle et acquérir de nouvelles compétences.
Je suis bien consciente, ainsi que mes collègues cosignataires de l’amendement que je présenterai dans quelques instants, du contexte économique et financier actuel. Néanmoins, je considère que ces structures constituent une véritable valeur ajoutée pour l’amélioration du service public de l’emploi.
Les maisons de l’emploi ont su développer des partenariats extrêmement privilégiés et totalement nécessaires à un accompagnement très étroit, sans jamais faire doublon avec les services de Pôle emploi.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’écouterai avec une grande attention les réponses que vous nous apporterez sur ce sujet.
Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement en faveur de l’emploi, aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles.
M. François Patriat, rapporteur spécial. Vous y croyez ?
Mme Caroline Cayeux. Nous assumons ce budget et le principe de responsabilité qui l’inspire.
Mes chers collègues, ni démagogie ni sacrifice, il s’agit simplement de responsabilité. Bien évidemment, le groupe UMP soutiendra cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Serge Dassault, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, une chose est frappante à la lecture du projet de loi de finances pour 2012 : alors que la France compte plus de 4,4 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C, soit 4,7 % de plus qu’il y a un an, la majorité présidentielle a fait le choix de réduire de 12 % l’effort national pour l’emploi, soit 2,5 milliards d’euros de moins.
Monsieur le ministre, la crise est-elle terminée ? Les problèmes d’emploi sont-ils loin de nous ?
Madame Cayeux, je ne fais pas la même analyse que vous de la situation des jeunes : ils n’ont d’autres choix que les petits boulots, les stages ou le chômage ! Les entreprises, à la recherche du profit, ont remplacé progressivement les CDI par des CDD et les CDD par des stages. Aujourd’hui, plus de 1,2 million de jeunes stagiaires vivent avec 417 euros par mois, sans bénéficier du droit du travail et de l’assurance chômage, sans cotiser pour leurs retraites.
Faute d’une véritable politique de l’emploi, et alors que 77 % des salariés ont un CDI, la moitié des moins de vingt-cinq ans occupent un emploi précaire. Ce sont eux qui, en premier lieu, subissent les aléas d’une économie qui va mal, d’une société dans laquelle les inégalités explosent.
Mais ce ne sont pas seulement les jeunes, c’est toute la société qui est touchée par la montée de la précarité. Le chômage de longue durée, en hausse de 7,7 % sur un an, touche maintenant 1,7 million de personnes.
Face à la détresse et à la précarité dans laquelle se trouvent les Français, les crédits de cette mission manquent de sincérité tout autant que de justice et traduisent votre manque de volonté.
Ils manquent de sincérité, car ils ne sont cohérents que pour le premier semestre de l’année 2012.
En effet, le Gouvernement prévoit, par exemple, de réduire les crédits alloués aux contrats aidés, mais, malgré cette coupe de 135 millions d’euros par rapport à 2011, il affiche les mêmes objectifs. Comment est-il possible de faire autant avec moins de moyens ? C’est sur ce point, monsieur Godefroy, que je n’ai pas tout à fait la même analyse que vous. Selon moi, il s’agit tout simplement d’un tour de passe-passe. La seule façon de créer autant d’emplois aidés avec moins de moyens est de réduire la durée de ces contrats.
Je m’explique : alors que les contrats aidés étaient répartis avant sur deux semestres, en 2012 ils seront tous ventilés dès le début de l’année ; comme par hasard, monsieur le ministre, vous distribuez les contrats aidés juste avant un grand rendez-vous électoral…
Plutôt que de créer des emplois pérennes, plutôt que de permettre aux Français de sortir de la précarité, votre seul objectif est de faire baisser temporairement le chômage, pour des raisons de pure communication.
Monsieur le ministre, la politique de l’emploi ne doit pas cesser en avril 2012. Elle ne doit pas non plus s’arrêter aux frontières métropolitaines.
Quand on sait le sort que vous réservez aux dispositifs pour l’emploi en outre-mer, on en viendrait presque à regretter la situation de la métropole !
Les crédits destinés aux contrats aidés pour les départements d’outre-mer avaient déjà été réduits de 30 % en 2011 ; vous voulez les réduire encore de 9,5 % pour 2012. Les départements d’outre-mer, déjà durement touchés par la crise, n’avaient pas besoin d’un tel désengagement, qui laisse à penser que les DOM sont des territoires de seconde zone !
L’injustice dont vous faites preuve envers les DOM marque cette mission. On retrouve la même injustice dans la suppression de l’allocation de fin de formation, l’AFF, et de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation, l’AFDEF, dont bénéficiaient les chômeurs en fin de formation. Les suppressions de crédits touchent principalement les allocations qui étaient destinées aux demandeurs d’emploi en fin de droits.
Avec la non-reconduction de l’allocation équivalent retraite, l’AER, vous privez de ressources des demandeurs d’emploi seniors ayant validé leurs trimestres de retraite, retraite qu’ils ne peuvent pas prendre faute d’avoir atteint l’âge requis. L’allocation transitoire de solidarité que vous avez instituée pour remplacer l’AER n’est même pas budgétisée !
L’emploi et la solidarité devraient être votre priorité. Finalement, vous flattez les marchés financiers et vous récoltez la précarité !
Que peuvent faire les salariés de Pôle emploi, puisque vous diminuez leurs ressources ?
Face au manque de volonté que vous manifestez pour soutenir le retour à l’emploi, je crains que le chômage, qui a déjà augmenté de 30 % depuis 2008, ne continue son ascension.
Pôle emploi fait face à l’arrivée d’un grand nombre de chômeurs avec de trop faibles moyens : 1 800 postes ont été supprimés l’an dernier, alors que l’effectif de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller, qui était de 100 l’an dernier, est désormais proche de 115. On est loin des objectifs fixés par l’ancienne ministre de l’économie et de l’emploi, Christine Lagarde, à savoir un conseiller pour 60 demandeurs d’emploi.
Comme je l’ai constaté en participant à la mission d’information sénatoriale relative à Pôle emploi, les chômeurs sont malmenés en raison de cette insuffisance de moyens, humiliés, voire radiés trop souvent illégalement. Les usagers toujours plus nombreux de Pôle emploi se retrouvent face à des conseillers débordés, qui n’ont pas les moyens de les accompagner correctement. D’où ce malaise, et cette souffrance, que l’on constate aussi bien chez les salariés de l’opérateur que chez les usagers.
Le mois dernier, un cas extrême nous a rappelé cette situation dramatique. Un informaticien de quarante-cinq ans, au chômage et en fin de droits, a pris deux conseillers de Pôle emploi en otages.
Les gens craquent parce que c’est trop dur ! Le désespoir grandit pour tous les chômeurs et aucune réponse n’arrive, car si les files d’attente s’allongent, elles débouchent rarement sur un emploi. Et, plus grave, seulement un chômeur sur deux est indemnisé.
Plutôt que de tailler dans les dépenses des emplois aidés et dans les allocations destinées aux demandeurs d’emploi en fin de droits, il serait urgent de lancer un grand plan national pour l’emploi dans les services solidaires et les activités écologiques de proximité.
Pour nous donner les moyens de notre volonté, supprimons les niches fiscales. Comment expliquer à un jeune, à la recherche d’un premier emploi et d’argent pour payer son loyer, que vous préférez alléger l’ISF plutôt que de soutenir l’emploi ?
Nous ne pouvons accepter une politique qui creuse les inégalités, laisse filer les licenciements dans le secteur industriel et tolère que les seniors restent sans ressources. Nous devons conduire une action ambitieuse pour tous les précaires de la métropole et des départements d’outre-mer.
Si l’emploi est la priorité des priorités, comment accepter la diminution des crédits de cette mission ? Non, monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs écologistes ne soutiendront pas ce budget et voteront contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. François Patriat, rapporteur spécial, et M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » enregistrent une diminution de 12 % par rapport à l’an dernier. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté une baisse supplémentaire de 85 millions d’euros.
Pourtant, le chômage est reparti à la hausse depuis avril et ne manquera pas de continuer à augmenter.
Dans un contexte où la croissance est insuffisante pour pouvoir espérer que le chiffre des demandeurs d’emploi diminue, nous attendions du Gouvernement un acte volontariste pour protéger les Français les plus fragiles. Ce geste n’a manifestement pas eu lieu !
Ce budget, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, finalise le désengagement du Gouvernement par rapport à la politique de l’emploi.
Mes collègues ont fait état de toutes les mesures auxquelles nous nous opposons. J’interviendrai, pour ma part, plus particulièrement sur la suppression, depuis le 1er janvier 2011, de l’allocation équivalent retraite, décision que vous voudriez taire mais que nous avions déjà anticipée pour la dénoncer lors de la réforme des retraites.
Cette allocation, et vous ne l’avez jamais accepté, permettait, année après année, aux travailleurs involontairement privés d’emploi et justifiant, avant l’âge légal, du nombre suffisant de trimestres pour une retraite à taux plein de faire la jonction entre la fin de l’allocation chômage et le début du versement de leur pension.
Il s’agit de personnes ayant commencé à travailler tôt, souvent fatiguées, usées par le travail ainsi que par des conditions de vie difficiles et fréquemment précaires. Il s’agit de la population ouvrière des grands bassins du textile, du cuir, de la métallurgie, d’anciens bassins industriels où le taux de chômage atteint 15 % et où l’accès à l’emploi est des plus difficiles.
L’AER assurait, je l’ai dit, à des personnes modestes un revenu mensuel de moins de 1 000 euros, somme maximale pour un individu seul puisqu’elle est servie sous conditions de ressources. Elle avait déjà été supprimée au 1er janvier 2009 par la loi de finances pour 2008, ce qui avait privé plus de 65 000 personnes d’une ressource indispensable à la survie de leur foyer.
La mobilisation de notre groupe et des associations avait permis le rétablissement de l’AER pour 2009 puis pour 2010, mais la mesure n’a pas été prorogée ensuite.
Il a seulement été prévu, dans la loi portant réforme des retraites, que les chômeurs qui en bénéficiaient au 31 décembre 2010 continueraient à le faire jusqu’à l’âge de leur retraite.
Dans le budget que vous nous présentez, aucun crédit n’a été programmé pour financer de nouvelles entrées en 2011. Se trouve donc entérinée la fin de l’AER, prétendument remplacée par l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS.
Cependant, ce dispositif ne touchera pas le même public et concernera un nombre beaucoup plus limité de bénéficiaires : le chiffre annoncé de 11 000, largement surévalué, semble-t-il, est à comparer avec celui des 50 000 bénéficiaires de l’AER en 2010.
Les conditions fixées par le décret qui crée l’allocation transitoire de solidarité sont en effet pour le moins restrictives.
Il faut avoir soixante ans : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi en fin de droits n’ayant pas atteint cet âge mais ayant cotisé suffisamment pour bénéficier de leur pension de retraite.
Il faut avoir été indemnisé par l’assurance chômage à la date du 10 novembre 2010 : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi indemnisés à compter du 11 novembre, même s’ils remplissent toutes les autres conditions.
Il faut être né entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1953 : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi en fin de droits à partir du 1er janvier 2011, qui remplissaient les conditions d’accès à l’AER, ainsi que ceux qui sont nés après le 31 décembre 1953.
Ainsi, nombre de salariés qui perdent leur emploi et qui n’en retrouveront pas, étant donné l’état du marché du travail, n’auront bientôt plus accès à un dispositif de préretraite et se retrouveront donc bénéficiaires des minima sociaux : l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS, soit 15,37 euros par jour sous condition de ressources, ou le revenu de solidarité active, le RSA, soit 467 euros par mois pour une personne seule.
Non seulement ils perdront environ un tiers de leur allocation, ce qui est énorme sur des budgets familiaux aussi modestes, mais ils devront de surcroît attendre plus longtemps, jusqu’à 62 ans à l’horizon 2017, pour bénéficier d’une retraite, alors qu’ils ont suffisamment cotisé pour cela...
Cette injustice criante permettra au Gouvernement d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros en précarisant les seniors les plus fragiles, sans doute pour les punir d’avoir commencé à travailler trop tôt…
Pour finir, je soulignerai un détail fâcheux : aucun crédit n’est prévu pour financer l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS ; le Gouvernement nous explique qu’elle sera financée par redéploiement de l’allocation spécifique de solidarité, alors que celle-ci est déjà sous-évaluée dans le projet de budget dans un contexte de hausse du chômage de longue durée.
Le Gouvernement jette dans la pauvreté plus de 40 000 personnes. C’est inadmissible !
Je vous demande, en mon nom et au nom de l’ensemble de mes collègues socialistes, de faire preuve d’équité et de rétablir les crédits en conséquence. À défaut de quoi, une fois de plus, il incombera aux collectivités territoriales – conseils généraux, communes – de répondre aux demandes de solidarité, et vous accuserez avec arrogance les élus locaux de trop dépenser. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a souligné le Premier ministre le 7 novembre dernier, dans le contexte économique et financier difficile que nous connaissons, chacun, j’y insiste, doit être au rendez-vous de la responsabilité. Le redressement des finances publiques est plus que jamais une priorité pour le Gouvernement, et pas seulement pour lui.
Le budget que je présente au titre de la mission « Travail et emploi » s’inscrit dans cette logique. D’une part, il participe à l’effort de réduction des finances publiques, et, d’autre part, il nous donne les moyens nécessaires de soutenir les priorités de notre politique de l’emploi.
Les moyens pour agir, les outils de notre politique de l’emploi sont intégralement préservés. Je le répète, nous avons les mêmes moyens d’agir en 2012 qu’en 2011.
Bien sûr, on peut s’évertuer à dire du mal de ce budget avant même que ne s’engage le débat : j’ai eu vent des critiques – je lis les dépêches AFP – du parti socialiste. Comme vous connaissez tout, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous avez le droit de tout dire !
Les crédits de la mission semblent diminuer. Toutefois, si l’on prend la peine d’examiner d’où nous sommes partis et à quoi correspond la disparition des crédits, cette baisse s’explique par la fin du plan de relance et la suppression de certaines niches fiscales.
D’un côté, vous nous demandez de supprimer des niches fiscales, et de l’autre, lorsque nous le faisons, vous nous dites, l’année d’après, que notre budget baisse. Il faudrait savoir ! Je revendique la cohérence de nos choix, je les assume et je les explique. Je demande simplement à la majorité sénatoriale de faire preuve de la même cohérence.
M. François Patriat, rapporteur spécial. Ce ne sont pas les bonnes niches !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous le savez, la très forte augmentation des crédits de 2009 et de 2010 était liée à la mise en place d’un plan de relance qui était, par définition, temporaire, avec des moyens exceptionnels.
Les mesures mises en place n’avaient pas vocation à être pérennes. D’ailleurs, qu’on soit de gauche, de droite ou du centre, on sait ce que sont des crédits exceptionnels.
Ces mesures ont été arrêtées dans la LFI pour 2011, alors que nous avions encore près de 700 millions d’euros de dépenses liées à la relance. Ces dernières ne seront évidemment plus réalisées l’an prochain.
Ensuite, nous engrangeons, sans mesure supplémentaire, les économies liées aux décisions – pas toujours faciles à prendre – que nous avons assumées l’an dernier : la suppression des niches sur les services à la personne et des exonérations de charges pour les plateaux-repas restaurateurs.
J’ai entendu tout à l’heure M. Patriat nous reprocher de les avoir supprimées : je ne suis pas sûr qu’il les ait votées à l’époque. Vous ne les votez pas, on les supprime, et vous nous en faites le reproche ? Ah non !
M. François Patriat, rapporteur spécial. Ce n’est pas ce que nous avons dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Un peu de cohérence faciliterait votre lecture de ce budget.
Cela permet en tout cas près de 300 millions d’euros d’économies cette année. La suppression de ces seules exonérations a permis de réaliser une économie sur le budget de l’emploi de près de 750 millions d’euros en deux ans ! Ces mesures sont la preuve que la réduction de la dépense publique est possible.
Que certains nous reprochent ensuite d’avoir fait ce qu’ils nous demandaient, j’ai du mal à le comprendre. Pour ma part, en tout cas, j’assume mes choix.
Enfin, nous enregistrons également les gains liés à des dispositifs en extension, comme les préretraites publiques, l’allocation équivalent retraite ou l’allocation de fin de formation. Cela explique environ 250 millions d’euros de baisse.
La diminution des crédits est donc de 1,2 milliard d’euros, mais elle est uniquement liée à des décisions du passé. J’ai pour 2012 les moyens d’agir comme en 2011.
Nous mettons donc l’accent sur nos priorités. Lorsqu’on prend en compte la réalité du budget, qu’on en a une bonne lecture, on constate que, non seulement nous maintenons les moyens, mais nous nous donnons la possibilité de les augmenter.
Nous avons tout d’abord voulu donner à tout le monde la chance d’intégrer le marché du travail, en donnant une priorité aux chômeurs de longue durée et aux jeunes.
Avec Nadine Morano, j’ai souhaité augmenter la proportion de jeunes en alternance que l’entreprise doit obligatoirement former : elle passe, dès cette année, de 3 % à 4 % dans les entreprises de plus de 250 salariés.
Nous avons signé cet été des contrats d’objectifs et de moyens avec les régions pour développer l’apprentissage. En effet, quand on travaille ensemble, on peut être plus efficace.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Combien a mis l’État ? Combien ont mis les régions ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous avons mis 1,7 milliard d’euros sur la table et nous avons demandé aux régions d’en faire autant. Au moment où je vous parle, quinze contrats d’objectifs et de moyens ont été signés, la totalité de ces contrats devant l’être d’ici à la fin de l’année.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Avec quels moyens vont-ils être financés ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous avons aussi permis aux jeunes de commencer une formation en CFA alors même qu’ils n’auront pas trouvé tout de suite leur employeur. Depuis le début de l’année, les contrats en alternance sont en progression de 7,3 % ; cela fait 15 000 jeunes supplémentaires qui, plutôt que de connaître le chômage, suivent une formation par alternance. Il s'agit d’un véritable succès.
Le nombre de demandeurs d’emploi de moins de 25 ans a reculé de 2 % en un an. Je ne vais pas crier victoire, mais je préfère une baisse de 2 % à une augmentation de 2 % ou de 20 %. Je suis un pragmatique, je l’assume.
Nous avons aussi stabilisé les moyens des missions locales – 178 millions d’euros –, du fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes et des écoles de la deuxième chance. Certains redoutaient que nous supprimions ces moyens. Non, ils sont bel et bien maintenus !
Le deuxième axe d’effort, c’est de permettre à ceux qui perdent leur emploi de rester en activité grâce aux contrats aidés. Cela a toujours été ma position, peut-être parce que je suis élu local. Nous avons en tout cas budgété 340 000 contrats aidés pour 2012, c'est-à-dire que nous avons reconduit ce qui était prévu dans la loi de finances pour 2011.
Nous comptons, cette année encore, sur les conseils généraux pour mobiliser les contrats aidés au profit de bénéficiaires du RSA. Le principe est très simple : plutôt que de verser au bénéficiaire du RSA sa seule indemnisation, il vaut mieux que celui-ci bénéficie d’un contrat aidé, cofinancé par l’État. En effet, cela coûte moins cher au conseil général et cela ramène vers l’emploi le bénéficiaire du RSA.
Le troisième axe de notre action est de permettre aux personnes les plus fragiles de s’insérer dans l’emploi.
Nous avons poursuivi nos efforts pour favoriser l’insertion dans le monde du travail des personnes handicapées en budgétant 1 000 aides au poste supplémentaires, dans les entreprises adaptées. Cette enveloppe, qui est en progression, permettra de prendre en charge 20 535 travailleurs handicapés en 2012.
Enfin, dans la situation actuelle, nous avons besoin du service public de l’emploi le plus efficace possible. Cela passe par des moyens, comme je l’ai dit lors de mon audition devant la mission sénatoriale qui a travaillé sur ces questions – je salue son président et son rapporteur ici présents. D'ailleurs, si nous nous retrouvons sur cette idée, c’est que la feuille de route qui a été tracée est de bon sens. Elle permet de rapprocher le service public du terrain et de déconcentrer davantage les moyens d’agir. Nous allons maintenir notre effort financier de 1,36 milliard d’euros par an sur les trois ans qui viennent.
Cet effort passe aussi par la qualité du service en donnant de nouvelles orientations stratégiques à Pôle emploi. J’ai rencontré le 25 octobre dernier les membres du conseil d’administration de cette structure et nous partageons l’essentiel des orientations qui doivent être arrêtées.
Ce que j’attends de la part de Pôle emploi, c’est un accompagnement personnalisé et de la réactivité. Je souhaite que l’on donne plus de marge de manœuvre aux équipes de terrain ; cela implique plus de souplesse dans l’organisation et dans la prise de décision, pour que les agences puissent répondre plus rapidement et plus facilement aux besoins qu’elles détectent chez les demandeurs d’emplois ou les entrepreneurs.
Surtout, je veux que le service public de l’emploi fasse plus pour ceux qui en ont le plus besoin. Disons les choses clairement : on n’a pas besoin du même accompagnement selon que l’on est un chômeur de longue durée, que l’on est au chômage depuis un an et demi ou que l’on est à la recherche de son premier emploi ou encore au chômage depuis un mois et demi. Il faut mettre en place un accompagnement personnalisé, une certaine forme de sur-mesure. C’est ce que je revendique, et cela s’appelle la souplesse.
Avec ce budget, nous avons voulu tenir compte des conséquences de la crise. Celle-ci n’est pas finie, loin de là, mais nous voulons nous donner les moyens de lutter contre le chômage même si ce n’est pas facile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous le savez pertinemment, pour recevoir dans vos permanences des élus, des maires, qui vous interrogent aujourd’hui sur l’emploi : personne n’a de baguette magique, mais nous avons réussi, dans notre pays, à maîtriser l’augmentation du chômage, qui reste bien inférieure à celle des autres pays.
Lorsque l’on s’ausculte – permettez au ministre de la santé de s’exprimer en cet instant ! –, on voit ce qui ne va pas, mais lorsque l’on se compare, on constate que la France a mieux résisté que la plupart de ses voisins. Il ne s’agit pas de se décerner un quelconque satisfecit, mais il ne faut pas non plus sombrer dans le pessimisme.
Je répondrai brièvement aux différents orateurs qui se sont exprimés.
Monsieur Jean-Pierre Godefroy, vous verrez que les moyens pour financer les 340 000 contrats aidés sont pleinement détaillés dans les documents budgétaires. (M. Jean-Pierre Godefroy manifeste son scepticisme.) Ils sont bel et bien là. Il n’y a pas de subterfuge qui viserait à déporter les dépenses de l’État vers les collectivités locales.
L’idée que j’ai exposée aux conseils généraux, notamment, cet été, au président de l’Assemblée des départements de France et à Yves Daudigny, qui est membre du bureau de l’ADF, c’est qu’il est plus intéressant pour les conseils généraux de cofinancer un contrat aidé que de payer un RSA. Ils supportent une dépense obligatoire pour les bénéficiaires du RSA qui leur revient aujourd’hui à 467 euros par mois. S’ils cofinançaient un contrat aidé avec l’État, cela leur reviendrait à 411 euros par mois. Vérifiez, c’est la réalité ! Les départements de droite comme de gauche en sont convenus.
Cela étant, des conventions ont été signées. Il est préférable qu’elles soient appliquées ! Je demande aux départements qui ont signé des conventions de les honorer, non pour me faire plaisir mais parce que cela constitue un enjeu pour l’emploi. Aujourd’hui, un certain nombre de départements – nous sommes pourtant à moins d’un mois et demi de la fin de l’année – n’ont pas encore engagé tous les efforts en la matière. Je vous le dis très franchement, ces départements sont de sensibilités politiques diverses, même si, je dois le reconnaître, une tendance est plus représentée que les autres…
Madame Caroline Cayeux, vous l’avez signalé, l’IAE, l’insertion par l’activité économique, est pour nous une priorité. Je tiens aussi à dire que, en tant que maire, vous êtes régulièrement engagée sur ces questions. Les moyens de l’IAE ont été intégralement préservés.
Nous avons aussi préservé la majoration pour les chantiers d’insertion, et nous le faisons cette fois de manière durable.
S’agissant des maisons de l’emploi, que nous aurons l’occasion d’évoquer de nouveau au moment de l’examen des amendements, une évaluation aura bien lieu l’an prochain. Un autre sénateur picard, Pierre André, est très en pointe sur ces questions, qui, je le sais, vous tiennent également à cœur. Je crois d'ailleurs savoir que vous avez invité le ministre du travail et de l’emploi à venir visiter la maison de l’emploi de votre ville.
Madame Laborde, s’il y a une baisse historique des crédits de la mission pour 2012, c’est parce qu’il y avait eu précédemment une hausse historique due au plan de relance. Ce n’est pas un subterfuge, ni un artifice, c’est tout simplement la réalité de ce qui était prévu, de mesures qui devraient prendre fin.
Nous avions l’an dernier, c’est vrai, un budget plus important, mais cela ne veut pas dire que les crédits engagés en 2011 ne peuvent pas être reconduits en 2012. Et si l’on parle de l’un, il faut aussi parler de l’autre, de la façon dont on adapte ce budget. Quand nous supprimons des niches sociales, comme nous l’avons fait l’an dernier, monsieur Patriat, nous sommes cohérents par rapport aux mesures qui avaient été décidées.
Vous parlez de sous-budgétisation en ce qui concerne les contrats aidés. Permettez-moi de vous rappeler que le montant des crédits inscrits est le même que l’an dernier et que nous avons même obtenu davantage, notamment avec les contrats d’accompagnement dans l’emploi, qui sont cofinancés.
J’y insiste, nous pouvons prévoir pour l’année prochaine une politique d’accroissement de ces dispositifs, comme nous en avons connu une en 2011. Vous le savez, le contrat aidé est non pas la panacée, mais un moyen de remettre le pied à l’étrier. Aujourd'hui, nous donnons la priorité à ces contrats, car il est difficile d’espérer qu’une personne ayant été au chômage pendant très longtemps puisse retrouver seule, sans ce dispositif, du travail. Simplement, dans le cadre de ce contrat, la formation doit être une obsession, et cela dès le premier jour.
Messieurs Patriat et Jeannerot, je vous invite à lire plus attentivement les documents budgétaires. Cela vous évitera de faire des raccourcis malencontreux, auxquels je dois ensuite longuement répondre.
Le fonds de solidarité ne contient pas seulement les moyens de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS ; il concerne aussi l’allocation équivalent retraite, l’AER, l’allocation de fin de formation, l’AFF, et l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation, l’AFDEF, issues notamment du plan de relance.
En 2011, les dépenses de ce fonds représentent 3 milliards d’euros, répartis entre 2,2 milliards d’euros pour l’ASS et 800 millions d’euros pour les anciennes cohortes d’AER, d’AFF et d’AFDEF. Les dépenses d’ASS sont toujours budgétées à 2,2 milliards d’euros pour 388 000 bénéficiaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, si l’un d’entre vous doutait de ma parole, qu’il aille vérifier à la page 45 du bleu budgétaire !
Monsieur Dassault, je vous cherchais du regard à droite de l’hémicycle. Je vous trouve à gauche, car vous siégez au banc de la commission, en tant que rapporteur spécial. Il est vrai que vous êtes beaucoup plus inclassable qu’on peut le penser ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il siégera bientôt chez les communistes !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je sais que vous n’êtes pas un fanatique des allégements de charges. Toutefois, une politique de suppression de ces derniers entraînerait aujourd'hui la disparition de centaines de milliers d’emplois. Je ne pense pas que nous ne puissions prendre de telles mesures dans la situation actuelle.
Selon moi, le problème vient du coût du travail dans notre pays. Voilà pourquoi je prône le changement de l’assiette d’une partie du financement de la protection sociale, car, si nous voulons produire davantage en France, nous devrons – j’en suis persuadé – continuer à réduire le poids des charges pesant sur le travail.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’aimerais que vous me citiez, monsieur Jeannerot, les agences qui ont vu leur budget augmenter. Pour ma part, je n’en connais qu’une : l’AFSSAPS, pour des raisons particulières. Les budgets de toutes les autres sont en baisse, excepté Pôle emploi, dont les crédits et les personnels restent stables. Nous pouvons essayer de faire mieux avec les mêmes moyens, dans le cadre de la déconcentration souhaitée par les uns et les autres.
Madame Laborde et monsieur Vanlerenberghe, comme le Premier ministre et Éric Woerth s’y étaient engagés, le Gouvernement a souhaité prendre en compte la situation particulière des demandeurs d’emploi qui auraient pu être concernés par l’AER si ce dispositif n’avait pas été supprimé avec la réforme des retraites. Nous avons décidé de mettre en place, à titre dérogatoire, une allocation transitoire de solidarité, ou ATS. Institué par un décret publié le 3 novembre dernier, ce dispositif nous permet de couvrir 11 000 personnes. Certes, cette mesure a un coût, qui devrait s’élever à environ 40 millions d’euros, mais elle permet d’éviter une injustice.
À M. Watrin, je voudrais dire qu’il n’y a pas de plan d’austérité pour la mission « Travail et emploi ». Je l’ai dit et je pourrais le démontrer de nouveau lors de la discussion des amendements, il s’agit simplement de la fin d’un plan de relance, dont nous avions assez répété qu’il était bien évidemment provisoire.
Je veux également lui dire que l’AFPA, l’Association pour la formation professionnelle des adultes, n’est pas démantelée. Les relations entre l’État et l’AFPA évoluent pour prendre en compte le transfert vers les régions de la compétence en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi. Ainsi, les régions sont devenues les premières collectivités publiques dans l’achat des formations organisées par l’association.
L’activité de certification continuera à être assurée par l’AFPA, qui touche, à ce titre, une contribution du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, de l’ordre de 50 millions d’euros en 2011, laquelle sera reconduite en 2012.
Monsieur Desessard, je respecte les propos de chacun. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que les radiations étaient le fruit d’une politique délibérée ou qu’elles intervenaient dans un cadre illégal. Par là, c’est non pas le Gouvernement que vous mettez en cause, mais la façon dont les agents travaillent. Vos propos ne leur feront certainement pas plaisir, car ils ne correspondent pas à la réalité.
Si vous examiniez l’évolution du nombre de radiations sur ces derniers mois, vous verriez que les chiffres sont stables. On ne peut pas faire n’importe quoi ; il y a des règles. Les partenaires sociaux connaissent par cœur le fonctionnement de Pôle emploi ; si ce que vous disiez était vrai, ils n’auraient pas manqué de le dénoncer.
Enfin, madame Laborde, en ce qui concerne le taux d’emploi des 55-64 ans, alors que nous partions de très bas, nous avons progressé de 5,5 points depuis la fin de 2007. La France est désormais au-dessus de la moyenne européenne, avec un taux d’emploi de 63,4 %. Bien sûr, il reste beaucoup à faire, mais le cumul emploi-retraite et l’interdiction des mises à la retraite d’office nous permettent de mener une politique véritablement cohérente, d’éviter un gâchis économique et social et de permettre à chacun de trouver sa place sur le marché du travail.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget témoigne de notre esprit de responsabilité dans un domaine qui représente un enjeu crucial et prioritaire pour nos concitoyens : l’emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
travail et emploi
M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Travail et emploi |
10 070 726 925 |
10 102 745 270 |
Accès et retour à l’emploi |
5 421 962 408 |
5 373 450 753 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
3 847 151 480 |
3 906 651 480 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
63 304 949 |
80 584 949 |
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail |
738 308 088 |
742 058 088 |
Dont titre 2 |
599 766 214 |
599 766 214 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-65 rectifié quater, présenté par Mme Cayeux, M. Marini, Mme Keller, MM. Gilles, Cardoux, Lorrain, Fontaine, Doublet, Laurent, Belot, Milon et J.P. Fournier, Mme Sittler, M. Couderc, Mme Bruguière, M. Pintat, Mme Bouchart, M. Lefèvre, Mmes Troendle et Des Esgaulx et M. Chauveau, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l’emploi |
7 000 000 |
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7 000 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
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Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2 |
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7 000 000 |
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7 000 000 |
TOTAL |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Dans mon intervention générale, j’ai fait allusion au budget en baisse des maisons de l’emploi. Ces dernières, je le rappelle, ont fait la preuve de leur capacité à mettre en place de véritables stratégies d’action locale partagées, en particulier au travers des PLIE, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi. Elles permettent en effet la mise en place d’initiatives coordonnées en matière d’emploi, de formation et d’insertion, grâce, notamment, à leur ancrage dans les territoires. Bref, les maisons de l’emploi sont des outils de la politique territoriale de l’emploi, en relais des politiques nationales menées en la matière.
Nos collègues députés ont voté un amendement abondant les crédits des maisons de l’emploi de 15 millions d’euros. Toutefois, le compte n’y est pas si l’on veut revenir au niveau de 2011.
Notre amendement a pour objet d’accroître ces crédits de 7 millions d’euros au moyen d’un transfert de crédits de l’action n° 5, Soutien du programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », vers l’action n° 1, Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi, du programme 102 « Accès et retour à l'emploi ».
Ce transfert de crédits permettrait de limiter la réduction des moyens des maisons de l’emploi.
M. le président. L'amendement n° II-121, présenté par MM. Vanlerenberghe et Pignard et Mme Létard, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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+ |
- |
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Accès et retour à l’emploi |
7 000 000 |
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7 000 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
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7 000 000 |
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7 000 000 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2 |
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TOTAL |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
SOLDE |
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La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mon amendement, qui est similaire à celui de Mme Cayeux, m’a été inspiré par l’Alliance villes emploi, qui est une association présidée par Jean Le Garrec et soutenue par de nombreux maires, de toutes tendances politiques.
Nous sommes tous convaincus de l’intérêt des maisons de l’emploi. Je présidais ce matin le conseil d’administration de la maison de l’emploi du pays d’Artois. Nous sommes, depuis le début, très impliqués dans notre mission, qui est complémentaire de celle de Pôle emploi. Nous avons restructuré la maison de l’emploi, qui a été fusionnée avec le plan local d’insertion. Nous nous sommes particulièrement investis pour atteindre l’objectif fixé, il y a quelques années, par le ministre du travail.
L’an dernier, nous avons vu diminuer les crédits des maisons de l’emploi de 21 % ; cette année, la baisse est de nouveau importante. Le vote de notre amendement, qui tend à augmenter les crédits des maisons de l’emploi de 7 millions d’euros, permettrait de limiter cette baisse à 10 %, ce qui représente en quelque sorte l’effort que nous pourrions supporter grâce aux économies d’échelle réalisées avec le recentrage des maisons de l’emploi.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez émettre un avis favorable sur mon amendement et sur celui de Mme Cayeux, qui sont, je le sais, soutenus par un certain nombre de nos collègues de gauche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Patriat, rapporteur spécial. Les dispositions de ces deux amendements me font penser à celles qui ont été votées par l'Assemblée nationale : les députés ont abondé, à juste titre, de 15 millions d’euros le budget des maisons de l’emploi, dont la plupart réalisent un excellent travail, les autres devant faire l’objet d’une évaluation.
Toutefois, mes chers collègues, je vous rappelle que la commission des finances a proposé le rejet global des crédits destinés à l’emploi.
Pour ces amendements, elle s’en remet donc à la sagesse de l’assemblée. À titre personnel, j’y suis favorable, même si, pour être tout à fait franc, il me semble qu’ils visent surtout à permettre à leurs auteurs de se donner bonne conscience, puisque les deux gages proposés ponctionnent des crédits nécessaires sur des dotations placées elles-mêmes sous tension.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, vous l’avez compris, en cohérence avec notre volonté de rejeter ce projet de budget, nous n’avons pas déposé d’amendement, notamment sur les maisons de l’emploi.
Bien évidemment, sur le fond, nous approuvons les propositions de Mme Cayeux et M. Vanlerenberghe. En tant que président de la mission sénatoriale d’information sur Pôle emploi, j’ai vu fonctionner, en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais, des maisons de l’emploi. Beaucoup d’entre elles s’attachent à intervenir en toute complémentarité avec Pôle emploi, au service d’un territoire.
Je le répète, pour être parfaitement cohérents, nous ne devrions pas prendre part à ce vote, mais, sur le fond, nous soutenons la démarche qui sous-tend ces deux amendements. À titre personnel, j’adopterai la même position que le rapporteur spécial de la commission des finances et m’en remettrai donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour le Gouvernement, la sagesse serait que ces deux amendements, auxquels nous ne pouvons donner un avis favorable, soient retirés par leurs auteurs.
L’an dernier, nous avons eu, dans cet hémicycle, un débat passionné sur la question des maisons de l’emploi à propos d’un amendement déposé par Jean-Paul Alduy. Je pense sincèrement qu’il est possible de réduire légèrement leur budget. En effet, quand elles ont été créées, Pôle emploi n’était pas pleinement opérationnel.
Pour évoquer mon expérience à Saint-Quentin, je peux vous dire que, à l’origine, les élus voulaient avoir davantage d’informations et de moyens d’action sur la politique de l’emploi. Nous avons donc mis en place ces maisons de l’emploi car, à l’époque, Pôle emploi n’avait pas été créé ; il n’existait que les anciennes ANPE, avec lesquelles nous ne travaillions pas bien. Nous avons réalisé des investissements importants : nous avons loué, parfois acheté, des locaux, que nous avons équipés en matériels et dotés en personnels.
Aujourd'hui, Pôle emploi a atteint sa vitesse de croisière. Dans ce contexte, nous nous apercevons que le format que nous avions prévu pour les maisons de l’emploi n’exige plus aujourd'hui le même budget, même si les relations avec les élus restent un enjeu d’avenir. Nous sommes en train d’amortir les investissements que nous avons consentis au départ ; il n’est pas nécessaire d’en faire d’autres pour le moment. Les équipements que nous avons acquis voilà deux ans n’étant pas déjà obsolètes, il n’est pas besoin de prévoir des crédits pour réaliser de nouveaux investissements. Nous avons donc sincèrement pensé qu’il était possible de réduire ce budget.
Au demeurant, une évaluation des besoins a été réalisée, et pas seulement par mon ministère : nous avons demandé aux préfets d’engager des discussions, d’observer comment les choses se passaient sur le terrain et de rectifier les crédits quand c’était nécessaire. En effet, comme j’ai eu l’occasion de le dire à Jean Legarrec voilà quelques mois, je n’hésite jamais à faire du sur-mesure. Nous ne pouvons pas faire passer tout le monde sous la même toise : dans certains endroits, les moyens ne sont pas adaptés. C’est aussi le rôle du ministre et des préfets de région que de prendre en compte les disparités et de consentir les efforts nécessaires.
C'est la raison pour laquelle un amendement a été adopté en ce sens à l’Assemblée nationale. Toutefois, si les mesures que vous proposez étaient mises en œuvre, mesdames, messieurs les sénateurs, je pense sincèrement que nous disposerions de plus de crédits que nécessaire. Or, autant les crédits d’intervention doivent être maintenus, autant les crédits de fonctionnement peuvent voir leur montant réduit.
Monsieur Vanlerenberghe, vous évoquez un désengagement de l’État. Je vous rappelle que les maisons de l’emploi sont tout de même financées par ce dernier à hauteur de 70 % !
Je le répète, dès lors que nous y voyons plus clair sur la politique de l’emploi, nous n’avons plus besoin des mêmes niveaux d’investissement, me semble-t-il. Au demeurant, si un problème criant devait se poser à un endroit précis, nous serions en mesure de le régler ou de réparer l’inégalité constatée. Nous pouvons trouver de bons équilibres en procédant de la sorte ; j’ai en tête des exemples très précis.
Enfin, en ce qui concerne les gages, je puis vous assurer que le ministère dont j’ai la responsabilité a déjà réalisé des économies importantes sur son fonctionnement, sur son « train de vie », comme disent certains. Si l’on gage vos amendements via une baisse supplémentaire de 5 % des crédits du ministère – soit une diminution totale de 12,4 % sur la période récente –, je ne suis pas certain que l’on pourra payer les loyers !
Cet argument vaut ce qu’il vaut, mais vous devez vous rendre compte que, derrière les pourcentages, il y a une réalité : celle des dépenses que l’on supprime. Je tiens à la disposition de chacun le recensement des efforts qui ont été entrepris, non seulement au cabinet du ministre, mais aussi dans l’ensemble du ministère, mais le gage prévu dans vos amendements pose un réel problème.
J’entends tout à fait les remarques de fond qui ont été formulées. Toutefois, je le dis sincèrement, je pense que l’on peut diminuer les autorisations d’engagement ; en revanche, je ne crois pas que rétablir les crédits à leur niveau de 2011 permettrait de gagner en efficacité.
C'est pourquoi le Gouvernement demande le retrait des amendements nos II-65 rectifié quater et II-121, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, j’entends vos propos ; vous vous en souvenez sans doute, nous avons eu l’an passé un long débat sur ces questions. À l’instar de mon collègue Jean-Paul Alduy, j’avais alors déposé un amendement tendant à rétablir le niveau des crédits.
Il est tout même assez désagréable que, chaque année, les parlementaires soient obligés d’aller piocher dans d’autres missions afin que les maisons de l’emploi et de la formation disposent de budgets suffisants pour répondre aux besoins.
Monsieur le ministre, dans certains cas, il s’agit simplement de faire fonctionner les infrastructures : j’ai évoqué tout à l'heure le cas d’une maison de l’emploi et de la formation qui avait passé une convention avec l’État. Quid de cette dernière, qui court de 2011 à 2014, si les crédits diminuent ?
Vous nous dites qu’il faut faire du sur-mesure mais, dans ce cas, il faudrait que nous disposions de l’information préalable ! Quelles sont donc les maisons de l’emploi et de la formation que vous considérez comme efficaces et qui pourront continuer à bénéficier des crédits ? Pour l’instant, nous ne le savons pas. Nous sommes dans le bleu, c’est le cas de le dire. (Sourires.)
Puisque nous parlons de budget, monsieur le ministre, vous nous mettez véritablement dans l’embarras : j’entends vos arguments concernant le fonctionnement de votre ministère, mais il me semble que, à l’Assemblée nationale, les 15 millions d’euros réaffectés aux maisons de l’emploi ont été pris sur le budget de l’Inspection du travail – j’espère vraiment me tromper sur ce point, car cette dernière institution est tout à fait essentielle ! Vous nous mettez donc dans une situation très désagréable.
Je le répète, le travail réalisé par les maisons de l’emploi et de la formation sur le terrain est considérable : elles permettent aux élus locaux que nous sommes de travailler avec les donneurs d’ordre, de prévoir des formations, parfois plusieurs années à l’avance, de manière à répondre aux besoins des entreprises, enfin d’assurer l’accompagnement au quotidien. À cet égard, diminuer les crédits de ces structures n’est pas raisonnable.
En conséquence, dans l’hypothèse où ils ne seraient pas retirés, je voterai, à titre personnel, l’amendement n° II-65 rectifié quater et l’amendement n° II-121.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. M. le ministre a rappelé les débats que nous avons menés l’année dernière sur ces questions.
Pour ma part, je voudrais évoquer nos échanges lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du service public de l’emploi, qui a conduit à la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC ; Jean-Pierre Godefroy y avait d'ailleurs participé.
Nous avions alors longuement débattu de Pôle emploi et des maisons de l’emploi. À l’époque – j’étais rapporteur de ce texte –, nous les avions maintenues, sous réserve toutefois qu’un certain nombre d’entre elles soient évaluées ; Jean-Pierre Godefroy l’a évoqué tout à l'heure.
Il serait nécessaire de savoir où nous en sommes puisque, M. Patriat l’a bien dit, si certaines maisons fonctionnent très bien, ce n’est pas le cas de toutes… S’il n’est pas question de supprimer les maisons de l’emploi, nous pourrions, me semble-t-il, à l’aide du recul temporel dont nous bénéficions désormais, nous intéresser davantage à l’efficacité des unes et des autres.
Pour ma part, plutôt que de voter des amendements qui visent à réaffecter des sommes sans tenir compte de la réalité de l’action menée sur le terrain, ni de son efficacité, je préférerais que M. le ministre s’engage, qu’il nous dise ce qu’il en est vraiment et qu’il publie un jour des éléments nous permettant de nous positionner dans de prochains débats.
En tout état de cause, pour l’ensemble de ces raisons, je ne voterai, pas à titre personnel, ces amendements. (M. Jacques Legendre applaudit.)
M. le président. Madame Cayeux, l'amendement n° II–65 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le ministre, j’ai bien compris l’analyse que vous avez dressée de la situation des maisons de l’emploi.
Dans une région qui m’est chère, non seulement l’action de ces structures a été tout à fait efficace sur le terrain, mais leur institution a été l’occasion de mutualiser un certain nombre de subventions, sur l’initiative du conseil régional.
Je conçois que, avec la crise économique que nous traversons, nous ne puissions multiplier à l’infini les augmentations de budgets. À ce titre, mais sous réserve, bien évidemment, qu’en cas de difficultés importantes nous puissions faire appel à votre budget, il me paraît raisonnable de retirer mon amendement. D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi nos amis de la majorité sénatoriale le voteraient, puisqu’ils se prononceront tout à l'heure contre les crédits de la mission. (M. Jean-Pierre Godefroy s’exclame.)
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-65 rectifié quater est retiré.
Monsieur Vanlerenberghe, l’amendement n° II-121 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, la réduction des crédits est de 10 % ; si l’on considère que, l’année dernière, elle était de 21 %, la baisse totale est donc de 30 % en deux ans. Honnêtement, pour une action dont nous mesurons tous l’efficacité sur le terrain, c’est beaucoup !
Je suis prêt à réfléchir à un plan pour les prochaines années. Toutes les maisons de l’emploi en sont conscientes : vous prévoyez une évaluation ; attendons-en donc les résultats.
Voilà deux ans, une mission d’information commune au Sénat et à l’Assemblée nationale a conclu au maintien des maisons de l’emploi, malgré la création de Pôle emploi, mais aussi à la nécessité de les recentrer sur quatre axes.
Actuellement, nous mettons en place une plateforme en direction des entreprises qui se révèle très efficace et qui mobilise l’ensemble des acteurs de l’emploi sur le territoire. Pour le moment, son coût mérite d’être supporté par l’État, car elle aura aussi un effet positif sur Pôle emploi.
Pour toutes ces raisons, je maintiens mon amendement.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission est défavorable au vote des crédits de la mission.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Comme je l’ai annoncé tout à l'heure, la commission des affaires sociales appelle de ses vœux le rejet des crédits de la mission.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limité.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
Compte d’affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
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Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage |
575 000 000 |
575 000 000 |
Péréquation entre régions des ressources de la taxe d’apprentissage |
200 000 000 |
200 000 000 |
Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage |
360 000 000 |
360 000 000 |
Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance |
15 000 000 |
15 000 000 |
M. le président. La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission des finances est défavorable au vote de ces crédits.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales est elle aussi défavorable au vote de ces crédits.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », figurant à l’état D.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 62, 62 bis, 63, 63 bis, 63 ter et 63 quater et les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
Travail et emploi
Article 62
Au second alinéa de l’article L. 5134-30-1 du code du travail, les mots : « jusqu’au 31 décembre 2011, » sont supprimés.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’adoption de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales est également favorable à l’adoption de l’article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 62.
(L'article 62 est adopté.)
Article 62 bis (nouveau)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 5123-2 est abrogé ;
2° L’article L. 5123-7 est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2012 et s’applique aux conventions signées à compter de cette date conformément au premier alinéa de l’article L. 5123-1 du code du travail.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-62 est présenté par M. Patriat, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-4 est présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-62.
M. François Patriat, rapporteur spécial. Cet amendement vise à rétablir l’allocation spéciale du Fonds national de l’emploi, l’ASFNE, destinée aux préretraites versées dans le cadre de plans sociaux.
D’une part, le faible volume actuel de bénéficiaires de l’ASFNE est la conséquence directe des restrictions d’accès mises en œuvre par le Gouvernement. Celui-ci argue du faible nombre de demandes pour supprimer cette allocation. Or, il y a encore des gens qui attendent son versement !
D’autre part, ce dispositif n’est remplacé par aucun autre. En effet, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas pour objet de financer des préretraites ; il n’en a pas non plus les moyens.
Nous proposons donc de supprimer cet article et de rétablir l’ASFNE.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-4.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Depuis 2003, le Gouvernement a considérablement restreint les possibilités de départ en préretraite. Une nouvelle étape a été franchie avec le vote à l’Assemblée nationale d’un amendement tendant à supprimer l’ASFNE, sans remettre en cause l’objectif, que nous soutenons, d’augmentation du taux d’emploi des seniors.
La commission des affaires sociales considère que le réalisme impose, notamment en cette période de crise, de maintenir des possibilités de départ en préretraite pour certains salariés âgés qui perdent leur emploi et dont les perspectives de reclassement professionnel sont très réduites.
Or la mesure que vous préconisez en remplacement ne répond pas au même objectif. Avec la suppression de l’ASFNE, les personnes concernées risquent, une fois qu’elles auront épuisé leurs droits à l’assurance chômage, de se retrouver à la charge des départements, au titre du RSA.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’article 62 bis, donc de maintenir l’ASFNE.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-62 et II-4.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 62 bis est supprimé.
Article 63
I. – Pour l’année 2012, sont institués trois prélèvements sur le fonds mentionné à l’article L. 6332-18 du code du travail :
1° Un prélèvement de 25 millions d’euros au bénéfice de l’institution nationale publique mentionnée à l’article L. 5312-1 du même code, affectés au financement de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation ;
2° Un prélèvement de 75 millions d’euros au bénéfice de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes mentionnée au 3° de l’article L. 5311-2 du même code, dont 54 millions d’euros sont affectés à la mise en œuvre des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l’emploi conformément à l’article L. 335-6 du code de l’éducation et 21 millions d’euros affectés à la participation de l’association au service public de l’emploi ;
3° Un prélèvement de 200 millions d’euros au bénéfice de l’Agence de services et de paiement mentionnée à l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime destiné à financer la rémunération des stagiaires relevant des actions de formation, définie aux articles L. 6341-1 à L. 6341-7 du code du travail.
II. – Le versement de ce prélèvement est opéré en deux fois, avant le 31 janvier 2012 et avant le 31 juillet 2012. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ces prélèvements sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
III. – Un décret pris après avis du fonds mentionné à l’article L. 6332-18 du code du travail précise les modalités de mise en œuvre des prélèvements ainsi institués.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-63 est présenté par M. Patriat, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-5 est présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-107 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-63.
M. François Patriat, rapporteur spécial. L’article 63 prévoit un nouveau prélèvement de 300 millions d’euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, créé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui fait suite à un prélèvement de même montant effectué en 2011 en application de la loi de finances pour 2011.
Comme le précédent, le présent prélèvement vise à abonder les actions de formation professionnelle de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, et de Pôle emploi. Il s’agit d’une débudgétisation de crédits qui auraient vocation à figurer au sein de la mission « Travail et emploi ».
Or, sur l’initiative de notre collègue Jean-Claude Carle, alors rapporteur de ce texte, la loi du 24 novembre 2009 précitée a instauré le principe selon lequel « les sommes dont dispose le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au 31 décembre de chaque année constituent, l'année suivante, des ressources de ce fonds ».
L’article 63 du présent projet de loi de finances contrevient donc directement non seulement à cette disposition législative, mais aussi aux engagements que le Gouvernement a contractés avec les partenaires sociaux dans la convention-cadre signée entre l’État et le FPSPP le 15 mars 2010.
Outre cette raison de principe, il apparaît que ce nouveau prélèvement fragilisera la situation financière du FPSPP, entraînant un déficit de trésorerie de 283 millions d’euros à la fin de l’année 2012. L’organisme sera donc en déficit.
Aussi apparaîtrait-il plus approprié que le financement des actions de formation soit effectué directement par le FPSPP dans le cadre d’un conventionnement plutôt que par le biais d’un prélèvement de l’État.
Pour ces raisons de principe, et afin de ne pas remettre en cause le fonctionnement du FPSPP, il est proposé de supprimer l’article 63.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-5.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Cet article prévoit une ponction de 300 millions d’euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement propose de priver le FPSPP d’une partie importante de ses ressources, alors que la loi lui a confié deux missions essentielles : assurer la péréquation des fonds de la formation professionnelle et financer la formation de publics prioritaires.
Autrement dit, prélever une partie de ces ressources, c’est se priver de moyens supplémentaires pour la formation professionnelle.
Ce prélèvement, de notre point de vue, est contraire à l’intention du législateur, qui avait souhaité, ici même, en 2009, que les excédents dont pourrait disposer le fonds en fin d’année soient reportés sur l’exercice suivant.
Il favorise, de surcroît, un désengagement de l’État du champ de la formation professionnelle. En particulier, monsieur le ministre, les fonds destinés à la certification de l’AFPA ne reviendront plus dans le budget de l’État. Ils seront définitivement prélevés, à l’avenir, sur les fonds du FPSPP.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer l’article 63.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° II-107.
M. Dominique Watrin. L’article 63 organise, on l’a dit, une ponction de l’ordre de 300 millions d’euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. C’est la deuxième fois que le Gouvernement fait le choix de ponctionner ce fonds qui est paritaire, – j’insiste sur ce point –, et cela dans des conditions qui ne nous semblent pas acceptables.
Le Gouvernement prétend être le chantre du dialogue social, mais on s’aperçoit qu’il n’en est rien : jusqu’à la présentation en conseil des ministres, le 28 septembre 2011, du projet de loi de finances pour 2012 actant ce prélèvement, les partenaires sociaux gestionnaires du fonds n’avaient pu obtenir que des confirmations orales de cette nouvelle ponction de la part de Mme Nadine Morano et de vous-même, monsieur Xavier Bertrand, sans d’ailleurs être consultés, contrairement à un engagement qui avait été pris au début de l’été, sur l’affectation de cette somme.
Si la manière dont est organisée cette ponction est contestable, son principe même est scandaleux. Nous dénonçons avec force, comme nous l’avions fait en 2010, la manière dont le Gouvernement finance la politique de l’emploi dont il a la charge avec l’argent du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Destinée à compenser le désengagement progressif du financement de l’État auprès de tous les acteurs institutionnels de lutte contre le chômage, que ce soit à Pôle emploi, dans les missions locales ou à l’AFPA, cette ponction de 300 millions d’euros empêchera le fonds de jouer son rôle, c’est-à-dire de participer au financement de formations professionnelles qui concernent 500 000 salariés peu qualifiés, éloignés de l’emploi, occupant des emplois à temps partiel ou alternant les CDD et les périodes de chômage.
Dans cette période, la formation professionnelle devrait pourtant être la priorité du Gouvernement. M. Jean Wemaëre, président de la Fédération de la formation professionnelle, rappelle d’ailleurs régulièrement – et il n’est pas membre du groupe CRC – que la formation professionnelle peut constituer un amortisseur de crise.
Les patrons eux-mêmes, quand on les interroge, valident cette analyse. Selon une étude menée en 2010 par l’institut de sondage IPSOS, 26 % des entreprises interrogées soulignent l’importance de la formation et des politiques d’anticipation en période de crise.
On sait que, plus la période de chômage est longue, plus il est difficile de retrouver une activité professionnelle. La formation professionnelle contribue à faire cesser cette situation puisque, en lieu et place de l’inactivité, le salarié privé d’emploi bénéficie de périodes de formation au cours desquelles il retrouve une utilité sociale et acquiert des compétences professionnelles facilitant son retour à l’emploi.
Une nouvelle fois, cette ponction montre que le Gouvernement refuse de mettre en œuvre une véritable sécurisation des parcours professionnels.
Pour toutes ces raisons, à l’instar de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, nous demandons la suppression de l’article 63.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-63, II-5 et II-107.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 63 est supprimé.
Article 63 bis (nouveau)
Au premier alinéa du I de l’article 44 duodecies, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 1383 H, au premier alinéa du I quinquies A de l’article 1466 A du code général des impôts et au premier alinéa du VII de l’article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2013 ».
M. le président. L'amendement n° II-64, présenté par M. Patriat, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
À la fin de cet article
Remplacer l’année :
2013
par l’année :
2012
La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial. Le présent amendement a pour objet de limiter à un an, au lieu de deux, la prorogation des exonérations fiscales et sociales en faveur des entreprises qui exercent une activité dans les bassins d’emploi à redynamiser.
C’est un amendement défendu par M. Warsmann à l’Assemblée nationale que la commission des finances a jugé bon de reprendre au Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. J’ai un peu de mal à comprendre le sens de cet amendement. Les entreprises, comme les salariés, ont besoin de stabilité. En ramenant la prorogation des exonérations à un an, on plonge de nouveau les entreprises et les salariés dans l’incertitude.
J’y suis, pour ma part, défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 63 bis, modifié.
(L'article 63 bis est adopté.)
Article 63 ter (nouveau)
Après la seconde occurrence du mot : « taxe », la fin du deuxième alinéa de l’article 9 de la loi n° 71-578 du 16 juillet 1971 sur la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles est ainsi rédigée : « d’apprentissage prévu à l’article 3 de la présente loi est alors égal à 0,26 %. »
M. le président. La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 63 ter.
(L'article 63 ter est adopté.)
Article 63 quater (nouveau)
Les transferts des biens, droits et obligations des organismes collecteurs paritaires agréés visés au premier alinéa du I de l’article 43 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie effectués, jusqu’au 31 décembre 2012, à titre gratuit ou moyennant la seule prise en charge du passif ayant grevé l’acquisition des biens transférés au profit d’organismes agréés en application du second alinéa du même I ne donnent lieu à aucune indemnité ou perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit, ni à aucun versement au profit des agents de l’État, d’honoraires ou des salaires prévus à l’article 879 du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 63 quater.
(L'article 63 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 63 quater
M. le président. J’appelle en discussion un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 63 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
L'amendement n° II-106, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 63 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 janvier 2012, un rapport évaluant les coûts pour les comptes publics et les avantages pour les bénéficiaires d’une mesure rétablissant l’allocation équivalent retraite abrogée par la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 à compter du 1er janvier 2009.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise, une nouvelle fois, à prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant, cette fois, sur le rétablissement de l’allocation équivalent retraite, l’AER.
Je rappelle que cette allocation a été supprimée à compter du 1er janvier 2009, avant d’être prolongée quelque temps eu égard à la situation particulièrement complexe des publics concernés. Récemment, par un décret en date du 2 novembre 2011, le Gouvernement a institué à titre exceptionnel, M. le ministre l’a rappelé, une allocation transitoire de solidarité, l’ATS.
Pour autant, cette allocation ne se substitue pas à l’AER, puisque de nombreux bénéficiaires de cette ancienne allocation ne peuvent prétendre à l’ATS.
Il faut dire que les critères que vous avez introduits, monsieur le ministre, sont très restrictifs. Ne peuvent bénéficier de l’ATS que les demandeurs d’emplois nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1953, indemnisés au titre de l’allocation d’assurance chômage à la date du 10 novembre 2010.
Au total, cela a été rappelé, 11 000 personnes sont concernées par l’ATS, alors que le nombre des bénéficiaires de l’AER était estimé à 40 000.
Autrement dit, monsieur le ministre, vous réduisez les mesures de solidarité en faveur des seniors, alors que vous avez déjà aggravé leur situation, ainsi que celle des femmes, en avançant la date d’entrée en vigueur de la réforme des retraites lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
La suppression de l’AER est injuste, puisque les chômeurs sans indemnisation, qui ont cotisé suffisamment mais qui sont âgés de moins de 60 ans, sont contraints de survivre avec des minimas sociaux notoirement insuffisants. Comme l’a souligné Laurent Berger de la CFDT, « c’est la double peine pour ceux qui ont commencé à travailler tôt ».
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons le rétablissement de l’AER et la remise au Parlement d’un rapport sur une telle mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement.
Les demandeurs d’emplois entrés dans le dispositif avant le 31 décembre 2010 continueront à percevoir l’AER. Au-delà de cette date, l’AER n’accepte plus de nouveaux entrants.
La proposition de nos collègues du groupe CRC se justifie. À cet égard, je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous apporter des éclaircissements sur la situation des personnes sans emploi ayant épuisé leur droit à l’allocation chômage et ne percevant pas encore leur retraite.
À titre personnel, j’émets un avis favorable sur cet amendement, mais, comme la commission ne l’a pas examiné, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales n’a pas non plus examiné cet amendement, auquel, à titre personnel, je suis favorable.
Jacqueline Alquier a bien expliqué tout à l’heure les conséquences de la suppression de l’allocation équivalent retraite. On le voit, le dispositif qui s’y substitue n’a pas la même ampleur. Il ne vise pas non plus la même cible. Les populations concernées risquent effectivement de basculer dans des dispositifs du type RSA.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’espère que le Sénat donnera une suite favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je pourrais invoquer l’article 40 de la Constitution… Pour cette raison, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jacques Gautier. Je rappelle que ni la commission des finances ni la commission des affaires sociales ne sont favorables à cet amendement. Leurs rapporteurs s’expriment à titre personnel, monsieur le président.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Mais nous l’avons dit !
M. le président. Je pense que tout le monde l’avait compris, cher collègue, mais je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je mets aux voix l'amendement n° II-106.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 63 quater.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Culture
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 49 quinquies et 49 sexies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ne va pas si mal pour le budget de la culture pour 2012 : avec 2,7 milliards d’euros, les crédits de la mission augmentent de 1,4 % en volume et dépassent légèrement le plafond du budget triennal.
La mission apparaît donc relativement préservée, si l’on se réfère aux normes transversales appliquées aux dépenses de l’État. L’amputation qu’elle a subie à l’Assemblée nationale, au titre des mesures d’économies annoncées par le Gouvernement, représente seulement 0,5 % des crédits initiaux.
Discuter de la mission « Culture », ce n’est aborder qu’un cinquième de l’effort financier total de l’État en matière de culture et de communication. Celui-ci avoisine 13,5 milliards d’euros en 2012, à raison de 11,3 milliards d’euros de crédits budgétaires, de 879 millions d’euros de taxes affectées et de 1,3 milliard d’euros de dépenses fiscales.
Un effort de rationalisation des taxes affectées aux opérateurs de l’État est aujourd’hui entrepris par le Gouvernement, notamment pour contenir leur dynamisme.
Cette rationalisation concerne tout particulièrement les opérateurs culturels que sont le Centre des monuments nationaux, le Centre national du cinéma et de l’image animée, le Centre national du livre et le Centre national de la variété, de la chanson et du jazz.
Le Sénat a mené des débats riches et parfois passionnés à ce sujet au cours de l’examen de la première partie. Toutefois, je ne doute pas que nous trouvions le moyen d’améliorer le contrôle parlementaire de la fiscalité affectée sans compromettre l’accomplissement des missions confiées aux établissements culturels. Telle est, en tout cas, la volonté de la commission des finances du Sénat et de nos collègues de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, qui ont consacré un excellent rapport à ces questions.
S’agissant de la dépense fiscale culturelle, dix-neuf mesures, représentant des enjeux financiers cumulés de 251 millions d’euros, ont été évaluées par le fameux rapport Guillaume. Une seule a été jugée pleinement efficiente, la réduction d’impôt SOFICA, que nous venons de reconduire pour trois ans. Le bilan global est donc, au mieux, mitigé ; il doit nous inciter à revoir les dispositifs dont l’efficacité n’a pas été pleinement démontrée.
J’en viens brièvement aux crédits des différents programmes. Ceux du patrimoine monumental sont stabilisés. Les grands projets absorbent 33 millions d’euros, dont 3,8 millions d’euros pour la Maison de l’histoire de France, ce qui constitue la principale innovation de la budgétisation 2012 – nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir.
Le Centre des monuments nationaux est crédité de 13,5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 8 millions d’euros de taxe sur les paris en ligne.
J’ai fait le point, avec la présidente du Centre des monuments nationaux, le CMN, sur la mise en œuvre des onze recommandations que la commission des finances avait formulées en 2010, à la suite des travaux de la Cour des comptes.
Les résultats sont inégaux. Le contrat de performances de l’établissement devrait néanmoins être signé à la fin du mois. Il formalisera un certain nombre d’objectifs que nous avions nous-mêmes assignés à l’opérateur, en matière de ressources propres ou de programmation des investissements. Il était peut-être temps de redresser le Centre des monuments nationaux, qui a pourtant, à mon sens, une directrice remarquable.
Il était temps également de sortir l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, des difficultés financières chroniques qu’il connaît depuis plusieurs années, car cette question n’est pas nouvelle. La recapitalisation de l’Institut et l’adossement de la redevance d’archéologie préventive à la taxe d’aménagement sont « au menu » du collectif budgétaire de fin d’année, ce dont je me réjouis, car c’est une réforme que nous attendions depuis longtemps. Ces dernières années, il n’y a pas eu une loi de finances sans un problème lié à l’INRAP !
S’il est, en revanche, un secteur qui ne manque pas de moyens, c’est celui des musées. En 2012, notre politique muséale bénéficie de 15,5 millions d’euros supplémentaires, principalement en faveur de la rénovation du musée Picasso, de la Maison de l’Histoire de France et du musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée de Marseille. Si l’on y ajoute le Quai Branly, le Louvre-Lens ou encore le Centre Pompidou-Metz, il semble que nous n’ayons jamais été mieux pourvus en institutions muséales !
Cette stratégie de développement a pourtant été sévèrement jugée par la Cour des comptes, qui considère que, en dix ans, le pilotage national de cette politique s’est affaibli. Les moyens qui y ont été consacrés ont pourtant sensiblement augmenté, sans que les musées développent significativement leurs ressources propres, et les objectifs de démocratisation de l’accès aux collections ont été très imparfaitement remplis.
Les mesures de gratuité dans les musées pour les enseignants et les jeunes sont un exemple d’initiative coûteuse, largement surcompensée, et dont l’efficacité reste à démontrer. Toutefois, elles seront toujours maintenues, parce que l’opinion publique et les parlementaires ne peuvent concevoir que les musées n’appliquent pas ce genre de dispositifs, même si leur application n’est guère convaincante !
Qu’en est-il des crédits de la création ? Quelque 45 millions d’euros de crédits sont ouverts pour la poursuite du chantier de la Philharmonie de Paris. Nous connaissons votre attachement à ce projet, monsieur le ministre. La commission des finances ne demande qu’à partager cet enthousiasme, mais l’augmentation substantielle du coût de cet équipement, de même que sa budgétisation chaotique, nous laissent perplexes. J’envisage de faire, dans le cadre des contrôles annuels menés par la commission des finances, une visite approfondie de ce chantier.
Par ailleurs, 5,5 millions d’euros sont dévolus à la rénovation du Palais de Tokyo. Il était temps ! Ces dernières années, ce bâtiment n’a connu que des affectations éphémères. Il semble ne jamais s’être remis du déménagement du Musée d’art moderne vers le Centre Pompidou. Je dirai – ce n’est pas très juridique, mais passons – que le contraste est infiniment triste entre son néant et la vitalité de son voisin, le Musée d’art moderne de la ville de Paris, qui organise chaque année des expositions entraînant de longues files d’attente. Il faut souhaiter que la nouvelle affectation du palais sera pérenne et rencontrera le succès escompté.
Vous annoncez, monsieur le ministre, quinze mesures en faveur des arts plastiques. J’ai consacré, au premier semestre, une série d’entretiens à la politique de soutien à la création contemporaine via la commande publique, les acquisitions ou les aides aux artistes et aux structures. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de tirer un constat objectif à partir des appréciations béates ou, au contraire, d’une extrême sévérité que portent les uns et les autres sur cette politique ; le rapport n’est jamais sorti parce que nous n’arrivions pas à des conclusions totalement sûres !
Dans ce domaine, les postures conceptuelles sont plus fréquentes que les indicateurs chiffrés. Depuis le début des années quatre-vingt, le soutien aux arts plastiques a connu un essor sans précédent. Je crois qu’il est temps de procéder à une évaluation approfondie de ces trois décennies de politique en faveur de la création, évaluation qui repose sur autre chose que des jugements de goût ou des querelles entre fonctionnaires de la culture et sociologues de l’art.
J’en termine en relevant que la diminution des effectifs imputés sur la mission se poursuit et se traduit par une légère diminution de la masse salariale en valeur. Néanmoins, le ministère ayant fait mieux que le « un sur deux » en 2008, il bénéficie d’un assouplissement de la règle en fin de législature, ce qui lui permet d’y soustraire les emplois d’enseignants des établissements culturels. Ayant eu à connaître, les années précédentes, des situations des conservatoires de Paris et Lyon, qui mobilisent des équipes enseignantes d’un niveau tout à fait remarquable, je me félicite de cet assouplissement.
Tous les régimes politiques, tous les gouvernements ont mené une politique culturelle, ne serait-ce que pour des raisons de propagande. Néanmoins, il a fallu, chacun le sait, attendre le général de Gaulle et André Malraux pour qu’existe un ministère de la culture. Les grands moments historiques, la Révolution française, l’Empire ont peu créé. Il a fallu attendre la Restauration pour que se déploie le romantisme, sous un régime assez fade.
Il semble que nous nous soyons aujourd’hui mis à créer moins et à conserver davantage. Monsieur le ministre de la culture, vous n’y pouvez rien si le marché de l’art s’étiole à Paris, mais vous pouvez au moins, et vous vous y employez, nous faire de beaux musées. Est-ce à dire que nous vivons dans ce passé ? C’est l’avenir qui nous le dira.
Telles sont les principales observations que mon collègue Aymeri de Montesquiou, qui vous prie d’excuser son absence aujourd'hui, et moi-même souhaitions formuler sur ce budget.
Bien sûr, je voterai ces crédits à titre personnel, mais la commission des finances invite le Sénat à rejeter les crédits de la mission « Culture », comme elle l’a fait d’ailleurs pour toutes les missions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.
M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour le patrimoine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 175 connaît une stabilisation des crédits de paiement à 870 millions d’euros, tandis que les autorisations d’engagement diminuent pour leur part de 4,1 % avec un montant de 813 millions d’euros demandé pour 2012. Si l’enveloppe budgétaire paraît relativement stabilisée, je souhaiterais néanmoins souligner les préoccupations majeures qui doivent sous-tendre l’analyse de ces crédits.
Le premier point inquiétant relève des arbitrages réalisés par le Gouvernement en faveur des « grands projets » tels que le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, ou la Maison de l’Histoire de France. Ceux-ci semblent en quelque sorte « aspirer » les crédits, peut-être au détriment d’un accompagnement plus efficace des autres axes de la politique patrimoniale. C’est vrai pour le patrimoine monumental, dont les autorisations d’engagement chutent de 30 millions d’euros tout de même. Quelle sera alors la stratégie du Gouvernement au-delà de 2012 ? Cette diminution ne constitue-t-elle pas un mauvais signal pour le patrimoine ?
Ensuite, la charge croissante pesant sur les collectivités territoriales constitue évidemment un obstacle à la mise en œuvre de la politique patrimoniale. C’est particulièrement vrai avec la nouvelle responsabilité de la maîtrise d’ouvrage, qui les laisse démunies, avec une assistance insuffisante, tout au moins les plus petites d’entre elles.
Or plus de 50 % de nos monuments historiques sont des propriétés communales. Les arbitrages financiers douloureux auxquels les collectivités sont contraintes, par les effets combinés de la réforme de leurs recettes et de transferts de charges en provenance de l’État, incomplètement compensées par celui-ci, se font au détriment des politiques facultatives, au premier rang desquelles figurent les politiques patrimoniales.
Concernant la question des efforts de l’État en direction des musées territoriaux, je m’inquiète : l’effort de l’État ne doit pas se résumer à une intervention budgétaire ponctuelle comme le plan « musées en régions », qui prévoit 70 millions d’euros sur trois ans pour 79 établissements : elle doit aussi prendre en compte les difficultés soulignées, notamment, par l’Association générale des conservateurs de collections publiques de France dans son Livre blanc des musées de France : démographie problématique du corps des conservateurs, moyens insuffisants pour assurer des missions de base, risque d’un système à deux vitesses. Ces inquiétudes sont d’ailleurs relayées par la Cour des comptes qui, dans un rapport de mars 2011, décrit une « politique nationale de plus en plus parisienne » et une « double marginalisation des Français de province ».
De ces deux tendances découle une accentuation des inégalités entre territoires et un risque de « balkanisation » de la politique en faveur des patrimoines.
En ce qui concerne l’archéologie préventive, l’État poursuit, au moins pour cette année, son soutien sur le mode des « sauvetages financiers » – plus de 150 millions d’euros au total –, opérés ces dernières années pour compenser le déficit de financement de l’archéologie préventive dû au rendement insuffisant de la redevance d’archéologie préventive, la RAP.
Comme le rappelaient nos collègues Yves Dauge et Pierre Bordier en juillet dernier, cette situation critique est préjudiciable à la mise en œuvre de la politique publique. En effet, elle entraîne des retards dans la conduite des diagnostics et des chantiers de fouilles menés par l’INRAP et pèse ensuite fortement sur la conduite des autres missions de l’établissement, au premier rang desquelles figurent la recherche et la valorisation scientifique. Une réforme de la RAP est proposée à l’article 22 du prochain collectif budgétaire, et nous y serons particulièrement attentifs.
Je souhaiterais également aborder la question du malaise social qui caractérise plusieurs opérateurs culturels, tels que le musée d’Orsay, le Centre des monuments nationaux ou la Maison de l’Histoire de France. Si les origines des tensions diffèrent d’un établissement à un autre, ce malaise nous oblige à nous interroger à la fois sur la transparence des décisions de l’État mais aussi sur la stratégie qui consiste à réduire les effectifs tout en incitant à développer la fréquentation.
En outre, devrait-on prendre en compte l’autonomie grandissante des établissements culturels dont la Cour des comptes a rappelé qu’elle n’était pas un gage d’efficacité et qu’elle affaiblissait le pilotage de la politique muséale par le ministère de la culture ?
Je dirai un mot, enfin – ce sera ma conclusion –, sur le patrimoine mondial, qui demeure le grand oublié du programme « Patrimoines ». Même si la notion n’est pas encore inscrite en droit positif, les trente-sept sites français constituent néanmoins une réalité, et l’État doit dégager des moyens pour montrer qu’il assume sa responsabilité, engagée en application de la convention de l’Unesco de 1972. La création d’une ligne budgétaire dédiée me paraît s’imposer.
En conclusion, la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour la transmission des savoirs. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’appartient d’être le rapporteur du programme 224 de la mission « Culture », intitulé « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui représente 430 millions d'euros hors masse salariale, soit 40 % des crédits de la mission « Culture ».
On constate, là aussi, une stabilisation d’une année sur l’autre, avec un transfert, que la commission a examiné, des crédits vers le Centre national du cinéma et de l’image animée, en provenance de l’ancienne FEMIS, ou Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son, pour 8 millions d'euros, ce qui, en soi, ne pose pas de problème particulier puisque nous restons dans la sphère du ministère de la culture et, par conséquent, dans la sphère publique.
J’ajoute que les crédits déconcentrés – c’est important ici au Sénat, maison des collectivités locales – représentent 38 % du programme, soit 163 millions d'euros.
Deux priorités sous-tendaient cette mission : la poursuite de la réforme de l’enseignement supérieur – j’y viendrai dans un instant – et la mise en œuvre d’une politique en faveur de la culture partagée, c'est-à-dire notamment, d’une part, des pratiques artistiques amateurs, qui sont importantes, même si on les a parfois sous-estimées, et, d’autre part, de l’accès à la culture de milieux spécifiques ; nous avons évoqué à cet égard, monsieur le ministre, les prisons ou les hôpitaux.
J’évoquerai maintenant trois points : l’enseignement supérieur, la décentralisation des enseignements artistiques et l’éducation artistique et culturelle.
Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous avons 115 établissements pour 34 251 élèves, dans cinq domaines principaux : les arts plastiques, l’architecture, le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel et le patrimoine.
J’en examinerai trois et, tout d’abord, je dirai un mot des écoles supérieures d’art plastique.
En effet, nous passons de 58 écoles à 45 établissements, dont 31 EPCC, ou établissements publics de coopération culturelle – chers à notre ancien collègue Yvan Renar, l’auteur de la réforme ayant permis cette institution – qui regroupent 48 écoles territoriales, financées – je le signale au passage, parce que c’est très important dans nos territoires – à 90 % par les collectivités territoriales, essentiellement les communes.
À cet égard, la commission de la culture souhaite voir rapidement publié le décret portant création de la Commission nationale des arts plastiques pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’emploi.
Les écoles d’architecture comptaient 18 427 étudiants en 2010-2011, avec 59 % des effectifs dans les régions, contre 41 % à Paris.
Je note avec satisfaction la décision d’exclure les emplois des enseignants des écoles supérieures d’art et d’architecture de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui n’avait pas sa place ici.
Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, je relève une évolution considérable, à savoir l’intégration du système de formation dans l’espace européen d’enseignement supérieur, avec le système dit « LMD », licence-master-doctorat, et, parallèlement – ce point est fondamental –, le renforcement de la vocation professionnelle de ces formations.
Contrairement à l’image que l’on se fait de ces élèves, on note un taux d’emploi satisfaisant chez ceux qui sortent de ces établissements, avec de réels débouchés dans des carrières à la fois intellectuellement passionnantes et financièrement convenables. Il importe donc de renforcer la vocation professionnelle de ces formations.
À cet égard, je veux évoquer le rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly, que la commission a récemment examiné, et plus particulièrement l’expérimentation du CEPI, le cycle d’enseignement professionnel initial, qui a été conduite dans trois régions. La mise en place de ce cycle d’études n’entraîne quasiment aucun surcoût et permet de proposer la même offre d’enseignements artistiques sur tout un territoire.
Monsieur le ministre, la commission de la culture souhaite que vous puissiez étendre cette réforme, qui me paraît tout à fait essentielle, à l’ensemble du territoire.
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait !
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Permettez-moi maintenant d’évoquer les crédits de l’éducation artistique et culturelle, qui s’élèvent à 31,8 millions d’euros et concernent des actions très variées, telles que l’histoire des arts, l’action éducative menée autour des résidences de création, les classes patrimoines, les classes à projet artistique et culturel ou encore la formation des cadres du ministère de l’éducation nationale.
La commission de la culture m’a prié de vous dire avec force, monsieur le ministre, tout l’intérêt qu’elle attache, et que je partage – depuis que je suis rapporteur de tout ou partie de ce budget, je n’ai eu de cesse de le souligner chaque année – à l’histoire de l’art dans l’enseignement secondaire.
Certes, cette question relève du ministère de l’éducation nationale, mais, en la matière, vous avez un rôle d’aiguillon : sans le ministère de la culture, rien ne se fera.
C'est pourquoi vous pouvez compter sur le soutien de la commission de la culture et sur celui du Sénat dans son ensemble pour promouvoir ce domaine essentiel à la démocratisation de la culture qu’est l’enseignement de l’histoire de l’art.
Certes, cet enseignement fait progressivement son apparition depuis quelques années – c’est une évolution, pour ne pas dire une révolution considérable –, mais il convient de le renforcer et de le conforter. En effet, si nous voulons que les générations à venir s’intéressent à l’art sous toutes ses formes, il faut le leur faire découvrir très tôt et très rapidement. C’est à ce seul prix que l’on pourra appliquer cette belle formule que Jean Vilar voulait faire inscrire sur tous les frontons des théâtres : « N’entrez ici que par plaisir. »
L’histoire de l’art, l’histoire des arts, au sens large, joue un rôle essentiel.
Telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur ce budget. Comme l’a dit avec humour notre collègue Yann Gaillard, les commissions des finances et de la culture ont rejeté l’ensemble des crédits de toutes les missions, mais, à titre personnel, j’indique que je voterai les crédits de la mission que j’ai l’honneur de rapporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour le cinéma. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème du dernier Forum d’Avignon, qui s’est déroulé du 17 au 19 novembre dernier, était le suivant : « Investir la culture. »
Or pour investir la culture, il faut aussi investir dans la culture. À ce titre, le secteur du cinéma nous apparaît emblématique.
Grâce au dispositif vertueux des soutiens du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, notre pays peut s’enorgueillir d’avoir su conserver, et développer, un cinéma national puissant et divers. À cet égard, je citerai quelques bonnes nouvelles.
Tout d’abord, la production cinématographique bat un nouveau record historique, avec 261 films agréés en 2010 et une fréquentation des salles en hausse – nous n’avions pas connu cela depuis 1967 !
En 2010, le record de 206 millions d’entrées a été franchi et, en 2011, pour la troisième année consécutive, le seuil des 200 millions d’entrées sera dépassé.
Ensuite, la part du cinéma français est très élevée par rapport à la plupart des autres pays, avec 35,7 %.
Cependant, si le nombre des salles, donc d’écrans et de fauteuils, s’accroît, celui des établissements cinématographiques, lui, diminue, en raison de la poursuite d’un mouvement de concentration du secteur.
Il faudra donc que nous soyons particulièrement attentifs au soutien à la modernisation des petites exploitations, notamment celles qui sont classées « art et essai ».
À ce titre, en tant que membre du comité de suivi parlementaire chargé d’évaluer l’application de la loi de septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, je vous confirme que nous pouvons être globalement satisfaits des avancées réalisées.
Je relève néanmoins que les distributeurs et exploitants de taille moyenne ou de petite taille ont rencontré davantage de difficultés que les autres, même si celles-ci semblent s’être considérablement atténuées depuis juin 2011.
On a attiré mon attention sur l’importance des différentiels de contributions demandés par certains distributeurs, voire des délais de paiement de ces contributions, selon la taille des exploitations.
Il faudra, par ailleurs, être particulièrement vigilant sur les conditions d’accès de ces petites salles aux films, y compris aux films chimiques, qui représentent encore la majorité des films.
À cet égard, l’ADRC, l’Agence pour le développement régional du cinéma, devra continuer à jouer pleinement son rôle.
De plus, l’aide mise en place par le CNC pour les plus petites exploitations – trois écrans maximum – a déjà profité à près de 245 établissements, soit 331 salles.
En revanche, les établissements dits « peu actifs » et les circuits itinérants sont dans l’attente des modalités de leurs aides spécifiques. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point.
Cela étant, en septembre 2011, quelque 58 % de l’ensemble des écrans actifs étaient équipés pour la projection numérique. Je me réjouis de la rapidité avec laquelle notre parc de salles s’équipe en écrans numériques, limitant ainsi la durée de la transition technologique et faisant de la France le pays le mieux équipé d’Europe.
Je veux saluer ici l’implication du CNC, qui a pleinement joué son rôle.
Avec le « plan numérisation » 2010-2015, qui concerne non seulement les salles, mais aussi les œuvres patrimoniales, les missions que le CNC assume s’accroissent, le transfert de charges du budget de l’État étant de 21,15 millions pour 2012.
En outre, l’ensemble des soutiens seront confortés avec la réforme du soutien automatique à la distribution cinématographique, la nécessaire mise en place d’un soutien automatique à la vidéo à la demande, la création d’un nouveau dispositif sélectif dénommé « aide aux Cinémas du monde » et le renforcement des soutiens à la musique originale de films.
Néanmoins, l’ensemble des dépenses du CNC, évaluées à 700,8 millions d’euros, sont en baisse de 6,5 %, dans la mesure où la réserve numérique constituée depuis 2009 permettra à l’établissement de mobiliser les moyens nécessaires au déploiement du plan de numérisation. Il conviendra simplement de veiller à ce que les ressources du CNC permettent d’en assumer le financement jusqu’à son terme.
Les ressources du CNC proviennent, pour l’essentiel, du produit de taxes affectées, prélevées sur les diffuseurs de films – exploitants de cinéma, chaînes de télévision, fournisseurs d’accès à internet, diffuseurs de vidéo –, en vue d’alimenter le compte de soutien aux professionnels du secteur.
La réforme de la taxe sur les services de télévision, la TST, dans son volet « distributeurs », s’imposait pour lutter contre l’évasion fiscale, et l’article 5 bis du présent projet de loi y procède.
L’article 16 ter du projet de loi de finances pour 2012 a pour effet de plafonner le produit de chacune des taxes affectées au CNC, afin de limiter ses ressources à 700 millions d’euros, le surplus, évalué à 70 millions d’euros, étant reversé au budget de l’État.
J’espère que la commission mixte paritaire saura trouver une solution équilibrée, qui pourrait être fondée sur le sous-amendement que je vous avais proposé et que le Sénat a d’ailleurs voté mardi soir.
Écrêter cette taxe très dynamique au-delà de 229 millions d’euros permettrait d’associer le CNC aux efforts demandés à l’ensemble de la Nation, tout en lui permettant de financer pleinement ses missions. Grâce à ce compromis, nous éviterions de fragiliser les soutiens automatiques, tout en mettant les recettes du CNC en adéquation avec ses besoins.
En tout état de cause, il serait plus sain que cet objectif soit atteint par le biais d’une adaptation des taxes.
L’article 49 sexies prévoit un aménagement du crédit d’impôt international que nous avions proposé l’an dernier, ce qui est positif.
Le crédit d’impôt national à la production cinématographique ne nous semble plus assez attractif, alors que son caractère efficient, y compris pour le budget de l’État, a été reconnu. Quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce domaine ? Peut-on le faire évoluer ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis.
Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour le spectacle vivant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon regard en tant que rapporteure pour avis de la commission sur les crédits consacrés au spectacle vivant s’est trouvé enrichi par les nombreuses auditions organisées au premier semestre de 2011 par notre groupe de travail sur le spectacle vivant, co-animé par notre collègue Jean-Pierre Leleux et moi-même.
Ce rapport budgétaire nous donne l’occasion d’examiner le budget du ministère de la culture à la lumière de nos travaux.
Tout d’abord, il faut améliorer l’observation et la connaissance du secteur du spectacle vivant.
À cette fin, pouvoirs publics et professionnels travaillent à la création d’une plate-forme d’observation. Cependant, beaucoup s’inquiètent du retard pris, la plupart des groupes de travail ayant vu leurs travaux suspendus. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part d’un calendrier précis sur ces questions ?
Ensuite, il faut répondre aux inquiétudes relatives au financement du secteur, dans un contexte structurel de raréfaction des ressources publiques, provenant de l’État comme des collectivités territoriales, qui assument plus des deux tiers du financement public. Dans le même temps, les demandes culturelles et la création de nouvelles structures viennent renforcer les besoins. Ce sujet préoccupe évidemment de nombreux professionnels, qui déplorent la dégradation de leurs marges artistiques.
Davantage de cohérence et de clarification entre les interventions des uns et des autres, dans le dialogue et le respect mutuel, est nécessaire.
Vous avez, monsieur le ministre, lancé une mission sur le financement du spectacle vivant, dont nous devrions connaître les premières conclusions à la fin de cette année. N’aurait-il pas été préférable que les travaux de cette mission soient mieux coordonnés avec l’élaboration de ce budget et aussi avec ceux de la mission relative au financement du secteur musical, d’autant que le recoupement est important ?
M. Roland Courteau. Bien évidemment !
Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis. Quelle est votre analyse quant aux perspectives de création d’un éventuel fonds de soutien bénéficiant à la musique enregistrée, au spectacle musical et au spectacle vivant non musical ?
Le bien-fondé de la création d’un Centre national de la musique, le CNM, en cette période est, semble-t-il, remis en question au sein même de la majorité présidentielle, comme en témoigne l’amendement voté, mercredi dernier, par la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, notre commission est préoccupée quant à l’appréhension par les institutions européennes de la question des aides d’État, avec la réforme du « paquet Monti-Kroes ». Quelle est votre position sur ce point ?
En outre, il faut trouver les moyens d’assurer un meilleur équilibre entre création et diffusion artistiques. Les professionnels s’inquiètent d’un relatif effacement de l’artistique face aux demandes socioculturelles.
Priorité doit être donnée à la structuration des réseaux, avec les salles et les compagnies. À cet égard, la politique de contractualisation entre l’État et certains types d’établissements est plutôt positive. Néanmoins, les collectivités territoriales devraient y être davantage associées !
Enfin, nous nous sommes intéressés à la question du maillage culturel de la France et à celle des politiques culturelles à l’échelle territoriale.
Là encore, il est nécessaire de développer une approche globale de la politique culturelle du territoire au-delà d’une logique d’équipement. Or le budget pour 2012 viendra aggraver cette situation.
En effet, les crédits alloués au spectacle vivant s’établissent à 665 millions d’euros en autorisations d’engagement et 719 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 2,7 % des autorisations d’engagement et une hausse de 8,37 % des crédits de paiement par rapport au projet de loi de finances initial pour 2011, à structure constante, et donc hors inflation.
Je vous l’avoue, monsieur le ministre, cette diminution des autorisations d’engagement me préoccupe.
Par ailleurs, je relève que 81 % des nouveaux moyens d’investissement, soit 45 millions d’euros, seront absorbés par le projet de la Philharmonie de Paris. Le coût global de cette opération est évalué à 336 millions d’euros, contre 203 millions en première estimation. Comment a-t-on pu aboutir à un tel dépassement des devis et à une progression aussi chaotique du projet ?
Dans ce budget, on note d’ailleurs une attention particulière portée au secteur musical : de nouveaux lieux seront créés en faveur des musiques actuelles. Toutefois, il faudra, là aussi, veiller à répondre aux réels besoins des territoires, en s’appuyant, par exemple, sur les schémas d’orientation pour le développement des lieux de musiques actuelles.
En outre, cet effort en faveur des musiques actuelles s’accompagne d’une baisse des crédits alloués aux orchestres et ensembles musicaux, ainsi qu’aux festivals, tous types confondus ! L’enveloppe de crédits qui leur est destinée diminue de 858 000 euros, alors que leur nombre augmente et qu’ils ont un fort pouvoir d’irrigation culturelle des territoires.
Vous avez annoncé un Plan d’actions pour le spectacle vivant, pour un montant de 12 millions d’euros sur trois ans, dont 3,5 millions d’euros pour 2012. Si nous souscrivons aux objectifs et thématiques de ce plan, nous estimons que ces crédits nouveaux restent bien modestes.
Par ailleurs, nous assistons, encore une fois, à un jeu de passe-passe, des redéploiements de crédits étant opérés au bénéfice des compagnies non conventionnées, mais au détriment des compagnies conventionnées. Un équilibre doit être trouvé entre le soutien à l’émergence et l’aide dans la durée.
Enfin, je vous alerte sur les conséquences de l’article 16 ter du projet de loi de finances, qui fait beaucoup débat. Je regrette, évidemment, que le sous-amendement n° I-165 rectifié déposé au nom de la commission de la culture à l’amendement n° I-28 rectifié n’ait pas été adopté, car son vote aurait permis d’améliorer les budgets des organismes du secteur culturel.
Je rappelle que cette exception culturelle française est particulièrement encadrée et observée par Bruxelles. Si le reversement à l’État du trop-perçu s’opérait, cela pourrait être considéré comme un détournement de taxe et donc remettre en cause le dispositif.
Par conséquent, les raisons n’ont pas manqué pas pour conduire notre commission de la culture à donner un avis défavorable à l’adoption du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, rapporteur pour avis.
Mme Cécile Cukierman, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour les arts visuels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’analyse des crédits du programme 131, la commission de la culture a souhaité rendre un avis sur les arts visuels, qui se rattachent à l’action n° 2, Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques, dont les précédents rapports ont déjà fait état.
Mon premier constat est celui d’une diminution des crédits de paiement comme des autorisations d’engagement. Cette baisse de l’effort budgétaire n’est pas cohérente avec votre très récente annonce, monsieur le ministre, d’un plan d’action en faveur des arts plastiques.
En outre, je note que les efforts réalisés depuis deux ans ont pour objectif de financer des projets d’envergure qui, en quelque sorte, « aspirent » les crédits de l’action n° 2 au détriment de l’irrigation des structures contribuant au développement des arts plastiques et à la démocratisation de la culture sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, en 2011 déjà, le projet du Palais de Tokyo absorbait près de 72 % des crédits d’intervention.
Si ce projet est évidemment un très bon signe pour la dynamique de l’art d’aujourd’hui, on peut s’inquiéter du contraste saisissant entre le soutien accordé à cette dynamique parisienne et les difficultés qui prévalent au sein des structures plus modestes, telles que les centres d’art. Ces derniers sont aujourd’hui déstabilisés par la réforme des collectivités territoriales, ces dernières étant leurs principaux financeurs. De plus, ils craignent une multiplication des fermetures. C’est déjà le cas pour le Centre d’art du Domaine de Kerguéhennec, en Bretagne, ou celui du Domaine départemental de Chamarande, dans l’Essonne.
Par ailleurs, je note que le budget attribué aux centres d’art n’a pas été réévalué depuis dix ans, ce qui ne leur permet pas de faire face à la hausse des coûts observée dans le domaine de l’art d’aujourd’hui.
En outre, comme le soulignait notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son récent rapport d’information Agissons pour l’art d’aujourd’hui, expression vivante de notre société, la politique de diffusion est très insuffisante, puisque c’est seulement un peu plus de la moitié des œuvres du Fonds national d’art contemporain qui circulent sur le territoire. La construction de Fonds régionaux d’art contemporain de seconde génération n’est pas une raison pour diminuer les efforts en faveur d’une diffusion plus importante par ailleurs.
On peut donc s’interroger sur l’accès du plus grand nombre à la culture et sur la pertinence d’une stratégie de développement de la collection publique d’art contemporain qui n’est pas accompagnée d’une politique de diffusion plus efficace.
Les arts visuels concernent aussi la photographie. La photo d’art est, elle aussi, contrainte par les mêmes tendances de hausse des coûts, avec une multiplication des supports, plus onéreux, et l’intermédiation nouvelle des collectionneurs pour l’organisation d’expositions qui, de fait, augmente les coûts.
La photographie d’art est au cœur de problématiques importantes, telles que la conservation et la valorisation des fonds photographiques, la recherche de nouveaux espaces d’exposition, mais aussi le phénomène de la numérisation, qui la rend plus accessible, mais aussi plus fragile aussi au regard des enjeux de propriété intellectuelle.
C’est particulièrement vrai et criant pour le photojournalisme, secteur en crise depuis les années quatre-vingt-dix. L’irruption des techniques numériques, qui apparaît comme l’un des principaux bouleversements des modes de production et de diffusion, a fait émerger de nouveaux risques. J’en citerai deux.
Le premier est l’apparition des microstocks, qui permettent de vendre des photos sur Internet pour quelques centimes d’euros seulement. À cet égard, je trouve très inquiétante l’attribution du label PUR – promotion des usages responsables – au microstock Fotolia par la HADOPI, c'est-à-dire la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.
Le second phénomène dangereux est la pratique abusive des droits réservés, ou DR, dénoncés avec force par la présidente de la commission de la culture, Marie-Christine Blandin, à l’occasion de l’examen de sa proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, un texte qui est actuellement en instance à l’Assemblée nationale.
Comme vous le rappeliez la semaine dernière, monsieur le ministre, plusieurs mesures ont été annoncées pour soutenir la photographie. Je citerai, notamment, la création d’un observatoire du photojournalisme, une mission de la photographie au sein du ministère, des actions de sensibilisation en milieu scolaire ou encore l’ouverture d’une concertation sur les sujets relatifs aux œuvres orphelines et aux droits réservés.
Toutefois, il me semble particulièrement regrettable, compte tenu justement de toutes ces annonces, que l’on ne soit pas capable de mesurer précisément les efforts consentis dans ce domaine.
L’éparpillement entre plusieurs programmes budgétaires et le manque d’évaluation précise des crédits concernés ne me semblent pas à la hauteur des enjeux de la photographie. Je crois, je vous l’ai déjà dit, que la lisibilité budgétaire est aussi un exercice démocratique, qui nous permet d’étudier le budget et d’être en mesure de faire des comparaisons d’une année sur l’autre.
En conclusion, pour les raisons que j’ai évoquées, la commission de la culture a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Jacques Pignard.
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Qu’un autre aux calculs s’abandonne ; moi, mon budget est facile et léger ».
Monsieur le ministre, lors de votre intervention en commission de la culture, vous avez pris soin, en invoquant les mânes d’Eugène Scribe, de préciser que votre budget ne s’inspirait pas de la légèreté du célèbre librettiste.
Je vous donne volontiers acte qu’en cette période de crise la sanctuarisation de votre budget est un exploit et relève aussi du courage politique, que vous assumez en même temps que le Premier ministre qui a arbitré.
Il ne faut pourtant pas s’illusionner : ce répit risque d’être de courte durée, car, les choses étant ce qu’elles sont, que la majorité présidentielle reste la même ou qu’elle change demain, la culture ne pourra s’exempter de l’effort collectif demandé à toute la Nation. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Le temps du « toujours plus » me semble révolu. Il doit laisser place au temps du « toujours mieux », qui, paradoxalement, peut aussi se faire avec du moins, dès lors que l’on sait mobiliser toutes les ressources, faire preuve d’inventivité, d’efficacité et de discernement,...
M. André Ferrand. Très bien !
M. Jean-Jacques Pignard. ... et surtout sortir des raccourcis faciles que j’ai entendus tout à l’heure : Paris contre la province, la culture dite « savante » contre la culture dite « populaire », l’État contre les collectivités !
La crise nous oblige impérativement à améliorer la gouvernance de nos institutions culturelles ; elle ne nous contraint pas, heureusement, à verser dans le misérabilisme.
C’est pour cette raison, monsieur le ministre, que j’approuve votre volonté de doter Paris et nos grandes métropoles régionales d’équipements sans lesquels elles ne seraient plus des capitales.
Dans le domaine de la musique, que la ville de Paris puisse combler le déficit qu’elle a par rapport à Londres ou Berlin, je m’en réjouis personnellement. Que des musées puissent exister dans nos grandes métropoles régionales, Lyon, Marseille ou Lille, comme ils existent à Milan ou à Barcelone, je m’en réjouis également.
Ce n’est donc pas moi qui vous reprocherai les investissements que vous avez consentis, même si je n’excuse pas certains dérapages budgétaires pour le Palais de Tokyo, la Philharmonie, le Centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille ou, bien sûr, la Maison de l’histoire de France.
Je vous ferai un seul reproche, mais vous le comprendrez aisément, c’est d’avoir oublié dans votre liste le musée des Confluences.
Soyons honnêtes, nous avons besoin de ces institutions. Néanmoins, me direz-vous, le fonctionnement suivra-t-il ? J’ai entendu ici des inquiétudes légitimes : peut-on concilier les impératifs de la révision générale des politiques publiques avec la nécessité d’élargir les publics ? Personnellement, je ne partage pas ces craintes. Même si le mot peut vous paraître trivial, mes chers collègues, je pense qu’il y a des gisements de productivité inexploités ou, en tout cas, paralysés par des inerties administratives, par le poids des habitudes, par le souci de ne rien changer. Oui, je pense que toutes nos institutions ont intérêt à penser l’avenir en termes nouveaux, en termes d’efficacité et de rigueur de gestion.
Je ne partage évidemment pas les reproches qu’adresse la Cour des comptes, si noble soit-elle, aux établissements publics, qui affaibliraient le pilotage de l’État. Si Mme Pécresse avait tenu compte de ces attendus, elle n’aurait sans doute jamais réformé l’université. Il me semble, au contraire, que, en période de crise, l’établissement public, qui permet de fusionner des ressources publiques et des recettes privées, constitue une réponse adaptée.
Le constat que l’on peut faire pour les musées est le même que pour le spectacle vivant, le cinéma ou l’enseignement artistique cher à ma collègue Catherine Morin-Dessailly. En période de crise, l’essentiel, me semble-t-il, est de préserver et d’amplifier les marges artistiques par rapport à des frais de structure souvent surdimensionnés. J’aime beaucoup l’expression habituelle d’un « théâtre en ordre de marche », mais j’ai parfois le sentiment que nos théâtres sont en désordre de marche, tant le poids des corporatismes et des conservatismes empêche toute innovation.
Pourquoi nos théâtres subventionnés seraient-ils les seuls à pouvoir s’affranchir d’une gestion plus efficace, d’une optimisation de leurs ressources humaines et d’une maîtrise de leurs dépenses que les théâtres privés n’ont d’autre choix que de s’imposer ?
Alors, me direz-vous, voilà des questions posées par un centriste réactionnaire !
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
M. Jean-Jacques Pignard. Mais, dans le groupe de travail qu’évoquait Mme Blondin, il se trouve que M. Bernard Murat a posé à peu près les mêmes questions. Pour autant que je sache, M. Murat n’est pas réactionnaire et certainement pas centriste. Peut-être est-il un « hollandiste » ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Oui, l’organigramme de certaines de nos institutions que je connais bien me fait penser parfois à ces interminables génériques qui terminent nos films et où l’on s’aperçoit que celui qui place la caméra n’est pas celui qui l’enlève. Alors, quitte à vous choquer, chers collègues, vive la RGPP si elle permet de fusionner deux postes de techniciens, celui qui met une chaise sur le plateau et celui qui l’enlève ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Cécile Cukierman. C’est irrespectueux !
M. Jean-Jacques Pignard. Madame, il faut parfois forcer un peu le trait pour être entendu !
M. André Ferrand. Tout à fait !
Mme Cécile Cukierman. Il faut respecter les femmes et les hommes qui travaillent !
M. Jean-Jacques Pignard. J’évoquerai enfin les rapports entre l’État et les collectivités territoriales. Voilà deux ans, nous avions tous été d’accord, à gauche comme à droite, pour faire en sorte que l’intervention des collectivités locales en faveur de la culture demeure possible après la réforme territoriale. Nous avions été entendus.
Pour autant, est-ce à dire, monsieur le ministre, que le même type de cofinancement, associant l’État, la région, le département et les communes, doit valoir pour tous les projets ? Les entretiens de Valois, au sujet desquels j’ai souvent exprimé mon scepticisme, ont au moins permis une hiérarchisation des financements et des labels. Dont acte !
Respectez le choix des collectivités de vous suivre ou non, monsieur le ministre, quand vous les sollicitez par l’intermédiaire de vos DRAC : oui au cofinancement de grands projets, non à la dispersion des crédits entre de multiples compagnies dont l’intérêt culturel est aléatoire mais qui possèdent l’immense avantage d’être labellisées au titre de la politique de la ville. Il suffit, pour cela, qu’elles invoquent la « citoyenneté », la « diversité » et les « publics empêchés ». Le politiquement correct y trouve son compte, pas la culture ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. On verra quand on évoquera le budget de l’Opéra national de Lyon !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Pignard. Culture dite populaire, culture dite savante : ce sont les termes d’un faux débat ! Ce n’est pas en nous contraignant à financer des compagnies qui organisent des happenings douteux au pied des immeubles que l’on gagnera le défi de la démocratisation !
Mme Cécile Cukierman. Ces propos sont honteux !
M. Jean-Jacques Pignard. Nous y parviendrons en envoyant les publics dits « empêchés » dans de vrais théâtres. Ce n’est pas parce qu’Abou Lagraa ou Mourad Merzouki sont issus de la « diversité » qu’ils ont transcendé la danse urbaine et qu’ils l’ont amenée sur la scène du théâtre national de Chaillot, c’est parce qu’ils ont du talent !
Alors, de grâce, en période de crise, ne nous payons pas de mots, allons à l’essentiel ! C’est parce que votre projet de budget, monsieur le ministre, répond à cette exigence que le groupe de l’Union centriste et républicaine le votera. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prendre la parole après M. Pignard n’est pas chose aisée. Sans chercher à rivaliser avec lui sur le plan de la forme – celle de son intervention était, je dois le dire, un peu forcée ! –, je me bornerai à exposer le fond de la position des membres du RDSE.
Au mois de septembre dernier, lors d’une conférence de presse, vous nous aviez annoncé, monsieur le ministre, une augmentation de 2,9 % des crédits alloués à la culture. Mais, à la lecture de votre projet de budget, la déception est grande, surtout après les réajustements effectués à l’Assemblée nationale à la suite de l’annonce du plan d’austérité !
La politique culturelle doit-elle être la première victime de la crise ? Nous sommes conscients qu’un effort de chacun est nécessaire pour le redressement des finances publiques, mais « effort » ne signifie pas « abandon » ou « sacrifice de toute ambition ».
Le rayonnement culturel de notre pays est un élément fondamental pour notre essor, et sans doute en vue de la sortie de la crise. Je suis convaincue de l’importance du rôle de la culture en termes tant de maintien du lien social et d’épanouissement personnel que d’attractivité du territoire. N’oublions pas que, avec plus de 75 millions de visiteurs par an, la France se classe au premier rang mondial des pays touristiques. La richesse de notre patrimoine monumental et de notre création artistique n’est plus à prouver. La sauvegarde, la protection et l’ouverture de ces trésors sont des devoirs qui incombent à l’État, quel que soit le contexte : il y va de sa responsabilité face à l’histoire et aux générations futures.
Or l’analyse des chiffres est implacable : la « sanctuarisation » des crédits dont le Gouvernement se targue n’est pas au rendez-vous. Certes, la lisibilité des documents budgétaires ne s’améliore pas avec le temps et leur complexité est telle qu’il est difficile d’avoir une vision précise de l’évolution de chaque ligne de crédits…
Mais si les crédits de paiement de la mission « Culture » peuvent apparaître en très légère augmentation en 2012, ils correspondent surtout, en réalité, à des dépenses engagées depuis plusieurs années.
Quant aux autorisations d’engagement, elles diminuent de 4,3 % par rapport à 2011, hors inflation. Néanmoins, en intégrant les dépenses de personnel, en prenant en compte les fonds de concours, qui, par nature, sont aléatoires, et, surtout, en mesurant le poids budgétaire de la Philharmonie de Paris, il apparaît clairement que l’on ne peut pas parler d’augmentation réelle et sincère du budget consacré à la culture.
Depuis plusieurs années, c’est un fait, la culture est victime de coupes budgétaires. Les musées sont soumis à la RGPP avec une rigueur dramatique, et je ne parviens pas à dire, comme M. Pignard, « vive la RGPP ! »
Mme Cécile Cukierman. Bravo !
Mme Françoise Laborde. La grève survenue au musée d’Orsay après son agrandissement et sa réouverture, le mois dernier, est le plus récent témoignage de leur détresse.
De même, les crédits consacrés aux actions en faveur de l’accès à la culture sont en permanente diminution. À cela s’ajoute le désengagement progressif de l’État du financement de la sauvegarde de son patrimoine monumental. Nous tentons de trouver des solutions pour y remédier. Il y a quelques semaines a été adopté un texte ouvrant plus largement la possibilité de transférer des monuments historiques aux collectivités territoriales. Mais le recours à cette solution reste limité et très encadré : elle ne doit pas inciter l’État à se reposer entièrement sur les collectivités, qui n’auraient d’ailleurs pas les moyens de faire face, de trop nombreuses autres charges leur ayant déjà été transférées sans être compensées.
Monsieur le ministre, non seulement l’augmentation des crédits est insuffisante, mais de plus leur répartition entre actions, ainsi qu’entre Paris et le reste de la France, pose réellement problème. Comme je le disais à l’instant, la Philharmonie de Paris pèse considérablement sur le budget global alloué à la culture : l’État ne consacrera pas moins de 158 millions d’euros à sa construction. De même, le Palais de Tokyo et la future Maison de l’histoire de France concentrent une grande part des dépenses culturelles de notre pays sur sa capitale. Les musées créés en province, quant à eux, sont la plupart du temps des « coquilles vides », ne disposant pas de suffisamment de moyens pour fonctionner.
La question de la concentration des moyens se pose aussi avec insistance dans le domaine de l’exploitation des salles de cinéma, les petites structures fermant les unes après les autres.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée, qui joue un rôle essentiel pour l’adaptation aux évolutions économiques et technologiques des marchés de la diffusion, tente de pallier cette situation. Des efforts considérables sont faits pour la numérisation de toutes les salles, mais les plus petites d’entre elles ont souvent aussi à réaliser de gros travaux de mise aux normes en matière de sécurité et d’accessibilité, auxquels elles ne peuvent faire face.
C’est pourquoi le plafonnement du produit des taxes affectées au CNC inquiète. Alors que les besoins des petites salles vont croître et que, depuis 1946, le système redistributif et mutualiste du fonds de soutien géré par le CNC a fait ses preuves, tout notre dispositif d’aides d’État au cinéma va être déstabilisé.
Monsieur le ministre, pourquoi le surplus de recettes fiscales doit-il être affecté au budget de l’État, au risque de fragiliser l’ensemble du système, au moment même où celui-ci devrait être conforté ? Et que pensera Bruxelles de cette évolution ?
Avant de conclure, je souhaite aborder rapidement la question du passage du taux de la TVA de 5,5 % à 7 %. Cette mesure touchera l’ensemble des entreprises culturelles, en particulier celles du secteur du livre et les salles de spectacle. Après avoir enfin obtenu, l’année dernière, le passage du taux de TVA à 5,5 % pour le livre numérique, nous pensions être sur la bonne voie. Mais cette baisse, programmée pour le 1er janvier 2012, ne verra jamais vraiment le jour ! Comment accepter que la culture subisse encore aujourd’hui une telle attaque ? L’augmentation du taux de la TVA annonce à coup sûr la mort lente des éditeurs, des libraires indépendants et de nombreuses entreprises du spectacle vivant, déjà fragilisées elles aussi par une situation économique défavorable.
Sans me lancer comme M. Pignard dans une envolée théâtrale (Sourires.), je voudrais m’interroger sur la place que nous entendons donner à la culture dans notre société pour les décennies à venir. Les orientations budgétaires qui se dégagent des crédits de cette mission traduisent le peu d’importance accordé par le Gouvernement à la culture et ne sont guère réjouissantes pour l’avenir. Je sais pourtant que vous vous battez, monsieur le ministre, mais il faut faire encore plus !
C’est pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, impossibles à évoquer dans le peu de temps qui m’était imparti, que les membres du groupe du RDSE n’adopteront pas les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous faire part de l’agréable impression que m’a laissée votre présentation, en commission, du projet de budget de la mission « Culture ». Je suis chaque fois subjugué par vos talents de conteur ! (Sourires.)
Cependant, cette présentation, parfois empreinte de poésie, ne parvient pas à masquer la réalité de votre projet de budget, qui marque une régression pour les programmes « Patrimoines » et « Création » et une très légère hausse, liée aux seules dépenses de personnel, pour le programme « Transmissions des savoirs et démocratisation de la culture ».
Vous prétendez que le budget de la culture augmente de 2,9 %. Or les chiffres sont les suivants : en autorisations d’engagement, les crédits, bien loin d’augmenter, baissent de 116 millions d’euros, tandis qu’en crédits de paiement, ils progressent de 50 millions d’euros, soit de 2 %, grâce à un apport de 22 millions d’euros de fonds de concours. Toutefois, l’inflation devant s’élever à 1,7 %, la hausse sera presque inexistante.
Par ailleurs, les autorisations d’engagement comme les crédits de paiement subissent depuis quelques années des annulations de crédits en cours d’exercice. Cette pratique, qui semble devenir habituelle, vous permet, monsieur le ministre, de présenter un budget surévalué.
Qu’en est-il, en réalité, des crédits de la mission « Culture » ? En comparant les chiffres de 2007 à ceux de 2012, on observe tout de même une hausse de 65 millions d’euros, soit de 3 %, des autorisations d’engagement, et une augmentation de 8 % des crédits de paiement. Cependant, l’inflation cumulée ayant été, dans le même temps, de 10 %, il en résulte que les crédits de la culture ont baissé durant le quinquennat de M. Sarkozy. Nous sommes très loin des promesses de 2007 !
Attardons-nous un instant sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Hors crédits destinés aux fonctions de soutien, on constate que ce programme perd 10 millions d’euros d’une année sur l’autre. Il est malheureusement devenu, au fil des ans, une variable d’ajustement pour votre ministère. Pourtant, vous ne cessez de mettre en avant – dans vos discours, mais pas dans vos actes ! – un objectif de démocratisation de la culture.
Les crédits destinés à l’action internationale connaissent une légère baisse, de 0,3 million d’euros.
Les crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle, ainsi que ceux en faveur de l’accès à la culture, enregistrent une baisse considérable, de 11 millions d’euros. Ce recul de 20 % est d’autant plus préoccupant que cette action finance plus particulièrement les politiques en faveur des publics handicapés, des prisonniers, des enfants scolarisés en ZEP, des jeunes pris en charge dans le cadre d’activités organisées par des associations de lutte contre l’exclusion.
Enfin, je ne peux passer sous silence la poursuite inexorable de la mise en œuvre de la RGPP et de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraire sur deux. Les crédits de fonctionnement diminuent de 2 millions d’euros, pour s’établir à 52 millions d’euros.
En conclusion, si le budget global de la culture, du moins en crédits de paiement, ne baisse pas en valeur absolue, il stagne depuis trop longtemps. Quant à la diminution des autorisations d’engagement, elle signifie l’incapacité du ministère de mettre en place de nouvelles actions sur le long terme.
Si je devais, monsieur le ministre, vous attribuer une note pour votre présentation des crédits de la mission « Culture », je vous accorderais volontiers un « triple A »… pour l’éloquence et pour le style ! (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais le contenu de votre projet de budget, du point de vue des moyens, est malheureusement navrant. Si j’ai bu vos paroles, j’ai très mal avalé vos chiffres ! (Sourires.)
Telles sont les observations dont je souhaitais vous faire part au nom de mes collègues du groupe socialiste-EELV. Bien entendu, nous voterons contre les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La présentation de ce projet de budget est apparemment censée démontrer, malgré la faiblesse des crédits, l’importance que le Gouvernement accorde à la culture. Mais la crise et la rigueur budgétaire servent d’arguments pour justifier toutes les démissions dans ce domaine.
Au nom de la réduction des déficits publics engagée pour contenter les marchés financiers, il nous faudrait admettre que si les crédits attribués à la culture ne diminuent pas, c’est qu’ils sont considérés comme prioritaires ! L’argument a de quoi laisser songeur : l’absence de coupes budgétaires drastiques témoignerait de l’ambition de la politique culturelle…
En réalité, la mission « Culture » n’est pas plus épargnée que les autres ; elle aussi fait l’objet de mesures d’économies destinées à combler le déficit.
Ainsi, le Gouvernement a voulu que le relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 7 % s’applique aux livres et aux billetteries de spectacles. La faiblesse des recettes nouvelles qu’une telle mesure rapportera à l’État et l’ampleur des difficultés économiques rencontrées par les acteurs concernés auraient justifié que ces derniers soient exemptés de ce relèvement du taux de TVA, au nom de l’exception culturelle.
L’introduction d’un plafonnement du produit des taxes affectées au CNC, au CNL, au CMN et au CNV participe aussi de l’effort financier aveugle que l’on veut imposer au secteur de la culture.
Ces opérateurs culturels de l’État, chacun dans son domaine – cinéma, livre, musées et chanson –, ont permis de préserver la diversité de la création en France et de maintenir, sur tout le territoire, des réseaux de diffusion de toutes tailles. Cette situation unique fait la force de la culture française.
Le plafonnement de leur financement – l’État s’attribuant le surplus du produit des taxes affectées – se traduira de facto par un amoindrissement de leur action. Pourtant, l’affectation de ces taxes n’a pas d’incidence sur les finances de l’État ; elle est au contraire le fruit de la débudgétisation de l’action culturelle. D’ailleurs l’État continue de transférer nombre de missions à ces opérateurs : c’est ainsi que, dès 2012, le CNC aura la charge de l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, l’ancienne Femis.
La culture ne sera donc pas davantage épargnée en 2012 qu’elle ne l’a été depuis 2007.
Peut-on dire d’un ministère qui a subi les deux phases de la RGPP et qui, cette année, perd 110 emplois supplémentaires sur les 11 014 équivalents temps plein dont il dispose encore qu’il n’a pas été mis à contribution ? De plus, les crédits de la mission « Culture » sont passés de 2,9 milliards à 2,6 milliards d’euros entre 2008 et 2012, ce qui représente une diminution de 300 millions d’euros.
L’augmentation dont vous vous félicitez pour 2012, monsieur le ministre, doit être relativisée. Elle est assez faible, et la part du budget de l’État consacrée à la culture restera loin du niveau qu’elle avait atteint en 1981, à savoir 1 %. S’il est vrai que le ministère de la culture a été créé sous la présidence du général de Gaulle, il a en effet fallu attendre 1981 pour que de véritables moyens financiers lui soient attribués !
Dès lors que l’on tient compte de l’inflation, les crédits proposés pour 2012 n’augmentent que de 0,9 %. Surtout, cette hausse est purement mécanique et résulte d’une mauvaise gestion de votre part : elle est essentiellement due à des investissements immobiliers mal maîtrisés, dont les coûts dépassent les prévisions. Vous n’êtes porteur d’aucune ambition pour l’avenir : c’est pourquoi les autorisations d’engagement, à la différence des crédits de paiement, ne sont pas en hausse.
Sans doute cette aberration budgétaire vise-t-elle surtout à signifier, par de grands symboles, le prétendu engagement culturel du Gouvernement. Mais ces symboles sont en fait désincarnés ; parfois, ce ne sont même que des coquilles vides !
De plus, l’essentiel de l’action culturelle reste concentré sur quelques grands projets coûteux ; cela aggrave le hiatus entre grandes et petites structures, qui recoupe souvent celui entre les grandes villes et les petites villes ou les zones rurales. Il ne s’agit pas pour moi d’opposer Paris à la province, mais il convient de permettre l’extension de la culture sur l’ensemble de notre territoire.
Je m’interroge enfin sur l’intérêt qu’il y a à créer de grands établissements si on ne leur donne pas, ensuite, les moyens de fonctionner.
Le programme « Création », le seul de la mission dont les crédits soient en hausse, illustre parfaitement mes propos.
En matière de spectacle vivant, le chantier mal maîtrisé de la Philharmonie de Paris absorbe 45 millions d’euros, soit 80 % des crédits. Le surcoût atteignant au total 133 millions d’euros, le ministère s’est vu contraint d’augmenter le budget… Il faudrait parfois prendre exemple sur les collectivités territoriales en matière de maîtrise des budgets et des coûts de construction !
Les arts plastiques, secteur sur lequel porte mon rapport, sont, pour leur part, complètement sacrifiés : leurs crédits sont en baisse de 5,32 %, malgré l’annonce de quinze mesures en faveur des arts plastiques et du plan photo. En dépit de leur faiblesse, ces crédits sont de surcroît pour l’essentiel absorbés par un grand projet, celui du Palais de Tokyo, lui aussi très parisien, dans la localisation et dans l’esprit.
Le programme « Patrimoine » bénéficie d’une augmentation de crédits de 0,8 % : inférieure à l’inflation, elle correspond à une baisse en euros constants.
Là encore, malheureusement, l’essentiel de l’effort budgétaire est concentré sur les « grands projets » que sont le MUCEM à Marseille et la Maison de l’histoire de France, ce dernier étant légitimement contesté.
Enfin, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » voit ses crédits baisser, ce qui est en totale contradiction avec la prétendue priorité du ministère : la démocratisation culturelle, que vos politiques, monsieur le ministre, ont échoué à réaliser.
Ce désengagement financier nous éloigne fort de l’ambition d’Antoine Vitez, l’« élitisme pour tous », et même du grand projet, annoncé par le ministère en 2010, de « culture pour chacun ». Celui-ci était censé favoriser l’accès à la culture et éviter le hiatus entre culture scientifique et culture populaire.
Dénoncer l’élitisme pour mieux démanteler la culture et la transformer en un secteur marchand ordinaire : tel est le véritable projet du Gouvernement, dont les aides insuffisantes incitent au développement du mécénat, à la recherche de rentabilité, au développement de ressources propres et à la compétition entre des musées devenus des entreprises vendant leurs marques et leurs labels. Je ne pense pas que ce soit là l’avenir de la culture !
Pour toutes ces raisons et d’autres encore que je n’ai malheureusement pas le temps d’exposer, notre groupe votera contre les crédits de la mission « Culture ».
En conclusion, je reprendrai ces propos récents d’Euzhan Palcy, la réalisatrice des films Rue Cases-Nègres et Une saison blanche et sèche : « plus ça va mal, plus il faut investir dans la culture ». Non, la culture ne peut pas être la variable d’ajustement par temps de crise !
Monsieur le ministre, le 20 septembre dernier, l’Inspection générale des affaires culturelles vous a rendu son rapport sur les conditions de travail au sein du Centre des monuments nationaux : je vous demande, en tant que parlementaire et au nom du personnel en souffrance de cet organisme, de bien vouloir nous communiquer les conclusions de ce rapport, qui n’ont pas encore été rendues publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner que le projet de budget soumis à notre examen est préservé de la rigueur appliquée aux finances publiques. En effet, les crédits de la mission « Culture » s’élèvent à 2,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 1,4 % en volume.
Cet effort en faveur de la culture est particulièrement significatif si l’on considère l’ensemble de la législature : toutes missions confondues, le budget du ministère de la culture a crû de plus de 20 % depuis 2007, soit de 1,23 milliard d’euros.
C’est là un choix du Gouvernement, qui n’a pas souhaité appliquer les restrictions budgétaires aux crédits consacrés au patrimoine, à la création et à la démocratisation culturelle. Cette décision mérite d’être saluée et soutenue par la Haute Assemblée. En ces temps difficiles, en effet, il est précieux de préserver un secteur qui contribue grandement au maintien du lien social, ainsi qu’à l’image, au rayonnement et à l’attractivité de notre pays dans le monde.
La détermination du Gouvernement permet de promouvoir, à Paris et en régions, de grands projets dont la réalisation se poursuit cette année.
L’année 2012 sera surtout marquée par deux grands chantiers.
Le premier est celui du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, qui devrait ouvrir ses portes à Marseille en 2013, année pour laquelle cette ville a été désignée capitale européenne de la culture : il retracera le dialogue et les échanges qui n’ont jamais cessé d’unir les peuples de Méditerranée.
Le second grand chantier est celui de la Maison de l’histoire de France : installée sur le site parisien des Archives nationales, elle aura pour mission de faire mieux connaître aux Français, spécialement aux jeunes, l’histoire de notre pays.
La Maison de l’histoire de France est un beau projet, qui a été bien vite critiqué par certains alors qu’il n’a pas encore été présenté dans toutes ses dimensions et qu’il fait l’objet d’une très large concertation.
Des spécialistes sont associés à ce grand chantier culturel. Un comité d’orientation scientifique, composé de vingt historiens, a été installé le 13 janvier dernier pour élaborer le projet scientifique et culturel du nouvel établissement.
En juin, un avant-projet a été rendu public et ouvert à concertation : je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous en parler. Sept rencontres régionales vont être organisées dans plusieurs grandes villes afin de présenter cet avant-projet et d’en débattre.
Le projet définitif, qui tiendra compte de ces consultations, sera arrêté à la fin de l’année 2012, ce qui nous permettra de faire le point lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
D’autres projets d’ampleur se poursuivent cette année, comme l’aménagement du site de création contemporaine du Palais de Tokyo, la construction du nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, celle de la Philharmonie de Paris, la rénovation du théâtre national de Chaillot ou celle du musée Picasso.
Il a été reproché à ces grands projets, lors des débats en commission, d’« aspirer » les crédits.
Pourtant, les chiffres du projet de budget montrent que les efforts du Gouvernement ne se limitent pas à ces projets. En ce qui concerne les musées, le plan lancé en 2011 se poursuit, afin d’assurer un rééquilibrage territorial et de renforcer, là où les collectivités le demandent, la conservation et la mise en valeur des collections. Je crois qu’une première liste de quatre-vingts musées a été établie. Pourriez-vous nous apporter, monsieur le ministre, des précisions sur ce plan musées ?
J’observe plus généralement que les crédits en faveur du patrimoine sont globalement rééquilibrés en direction des régions pour la préservation des monuments : la proportion de nouveaux chantiers lancés en régions augmentera ainsi de 3 % l’année prochaine.
N’oublions pas que la préservation et la restauration des monuments historiques ont bénéficié, ces dernières années, d’un niveau d’investissement important, y compris par le biais des 80 millions d’euros de crédits supplémentaires débloqués en 2009 et en 2010 au titre du plan de relance.
Oui, cette législature a vu de grandes évolutions pour la culture, particulièrement pour sa démocratisation.
Comme l’a souligné notre collègue Philippe Nachbar au cours des travaux en commission, le budget de la mission « Culture » est sous-tendu par une volonté de démocratisation culturelle.
Ainsi, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » compte deux priorités : la poursuite de la réforme de l’enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la culture et le renforcement de notre politique en faveur de l’accès de tous au patrimoine et à la création.
S’agissant de la première de ces priorités, je me réjouis de la modernisation des formations dispensées et de l’intégration de l’enseignement supérieur culturel dans le schéma licence-master-doctorat, ou LMD. Le regroupement des écoles d’art et du spectacle vivant est en voie d’achèvement, ce qui est également très positif.
S’agissant de la seconde priorité, l’effort se poursuit pour diffuser la culture auprès de publics très souvent éloignés des établissements culturels, que ce soit dans le monde du travail, celui de la santé ou celui de la justice. Le ministère de la culture a réfléchi à l’insertion de l’éducation artistique et culturelle dans l’ensemble des temps de vie ; cette approche est mise en œuvre sur tout le territoire.
Les actions se sont multipliées, ces dernières années, pour démocratiser l’accès à la culture. Voyez, par exemple, le succès du Centre Pompidou mobile : ce concept extrêmement novateur a attiré de nombreux visiteurs, scolaires et autres. On peut aussi évoquer la gratuité des musées nationaux pour le jeune public, qui a permis d’accroître de 50 % la fréquentation régulière des musées par les jeunes. Même si la Cour des comptes a émis des réserves sur cette mesure, il me semble que les résultats sont là.
Enfin, je tiens à souligner le soutien constant de la politique culturelle au secteur de la création.
L’attention particulière que le ministère de la culture porte aux difficultés du spectacle vivant est indéniable. Les réformes engagées à la suite des entretiens de Valois, le plan d’action en faveur du spectacle vivant décidé cet été et la hausse des moyens budgétaires vont permettre de soutenir dans la durée des artistes émergents, mais aussi les structures et les emplois culturels.
Parmi les mesures les plus emblématiques, j’ai relevé le renforcement des aides destinées aux ensembles musicaux et aux compagnies chorégraphiques et théâtrales, le déploiement du label « scène de musiques actuelles » et la mise en place d’un fonds national consacré à la recherche et à la création artistique.
Je le répète, le budget, dans son ensemble, apparaît épargné par la politique de rigueur du Gouvernement, et il faut noter par ailleurs les efforts d’économies portant sur les dépenses de fonctionnement du ministère : leur baisse de 6 % en 2011 sera prolongée par une nouvelle diminution de 2 %. C’est le fruit de la réorganisation profonde du ministère, qui permet de mutualiser les moyens et d’optimiser leur gestion.
En conclusion, ce projet de budget apparaît particulièrement vertueux à notre groupe. (M. Claude Domeizel s’exclame.) Bien évidemment, nous nous prononcerons pour son adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le secteur du cinéma, dont les politiques gouvernementales ne semblent pas avoir pris toute la mesure de la situation.
Si les salles obscures sont bien le lieu de la rencontre des publics avec une œuvre, elles sont aussi le vecteur d’un plaisir partagé et d’une culture collective qui reposent sur la création, bien sûr, mais aussi l’éducation populaire et l’ancrage dans la vie de nos territoires.
Soutenir le cinéma, c’est bien entendu soutenir la création, et l’on ne peut, à cet égard, que déplorer l’effondrement de la fiction française, dont le faible niveau de production, avec seulement 752 heures réalisées en 2009, atteste le retard de notre pays dans ce domaine.
Comme le souligne le rapport Chevalier, qui vous a été remis en avril dernier, monsieur le ministre, les diffuseurs français sont frileux et, faute d’investissements suffisants, la fiction française ne peut rivaliser avec celle d’autres pays où l’on ose proposer des formats créatifs et innovants qui séduisent.
On ne crée pas une œuvre de fiction comme on fabrique un produit ; il est donc indispensable de mieux soutenir les artistes, pour leur permettre de grandir en multipliant leurs expériences, et de financer l’écriture et la créativité.
Il faut, en outre, amplifier le soutien aux festivals régionaux, en partenariat avec les collectivités territoriales et les DRAC, dont les conseillers « cinéma » sont pleinement capables de sélectionner les projets dignes d’être soutenus.
Le cinéma porte aussi une dimension éducative, malheureusement négligée. Les films, dans leur grande majorité, permettent de découvrir d’autres horizons, d’autres mœurs ou civilisations, d’autres milieux sociaux, d’autres façons de vivre, des paysages, la musique, les effets spéciaux… Ce sont des outils efficaces d’éducation populaire. Pour beaucoup de nos concitoyens, le cinéma est « la » sortie culturelle leur offrant une ouverture sur le monde.
L’image est la première approche culturelle pour les jeunes captés par les multiplexes, qui ne s’investissent pourtant pas dans l’éducation à l’image. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics de s’engager, à travers le CNC, en associant les collectivités territoriales, en faveur d’une plus forte promotion de l’éducation à l’image, comme cela se fait déjà avec l’opération « Collège au cinéma », dont les contributions ont malheureusement été relevées sans concertation.
Compte tenu de la place que tient l’image dans notre société et du succès de fréquentation des salles, je déplore le manque de médiation culturelle pour l’image, à l’instar de celle qui se pratique déjà pour l’écrit à travers les bibliothèques. Il s’agit là d’un effort de démocratisation indispensable pour permettre à chacun d’accéder aux œuvres, y compris les plus exigeantes ; actuellement, il repose essentiellement sur l’engagement des petites salles indépendantes, associatives ou communales.
Le cinéma contribue à animer la vie de nos territoires, mais de fortes incertitudes pèsent sur la capacité de notre pays à maintenir une offre cinématographique diversifiée et répartie de façon équilibrée dans l’ensemble du pays.
Les petites salles s’inquiètent pour leur pérennité, non seulement en raison du développement des multiplexes, qui livrent actuellement un deuxième assaut, mais aussi à cause des modalités de déploiement du plan d’aide à la numérisation. En effet, les salles qui offrent moins de cinq séances par semaine sont exclues de celui-ci. Par ailleurs, elles rémunèrent les distributeurs à hauteur de 50 % de la recette, comme les grandes salles. Je soutiens donc la demande des exploitants, qui souhaitent l’abaissement de ce taux à 45 %, afin de pouvoir dégager les marges qui leur permettront de pérenniser leur équipement numérique et de remédier à son obsolescence rapide.
Les retombées du cinéma sur les territoires ne sont pas seulement liées aux salles : les tournages profitent, sur un plan économique, aux territoires qui les accueillent. C’est le film lui-même qui, une fois diffusé, contribue à promouvoir le site du tournage, à en donner une image positive, voire à en encourager la visite : le spectateur des salles obscures est attiré par le tourisme cinématographique.
Ainsi, VisitBritain, équivalent britannique de FranceGuide, propose sur son site internet, dès la page de garde, une entrée « télévision et cinéma » parmi d’autres consacrées aux jardins, à l’histoire et au patrimoine, aux musées et aux galeries ou au rock. Selon un rapport d’Oxford Economics, 10 % des voyages au Royaume-Uni seraient motivés par un film ou ses décors.
Je veux enfin m’insurger contre l’incohérence de la politique de soutien au cinéma. En plafonnant la recette des taxes affectées au CNC, vous déstabilisez le financement autonome du cinéma français, qui est sans équivalent dans le monde et dont l’efficacité n’avait jamais été mise en cause depuis 1946. Pour siphonner au bénéfice de l’État quelque 70 millions d’euros, cédant aux sirènes du court terme, vous vous attaquez à un système vertueux qui permettait d’échapper à la tyrannie de l’immédiateté et du box office.
Monsieur le ministre, le cinéma est un art tout juste âgé de cent dix ans, et il mérite des choix plus porteurs que ceux que vous préconisez, dont les effets seront désastreux à moyen terme pour toute la filière.
Il est nécessaire de conduire une politique en direction du cinéma qui permette de soutenir les créateurs, de stimuler l’activité et de créer des emplois, tout en transmettant savoir et émotion.
Alors que nous sommes frappés de plein fouet par la crise, il est plus que jamais nécessaire de donner sens à l’œuvre, particulièrement dans le monde de l’image, que vous connaissez et dont vous parlez très bien, mais sans parvenir à nous faire avaler vos chiffres, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Claude Domeizel.
En conclusion, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Lors de votre audition par la commission de la culture du Sénat, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de votre sentiment d’être le gardien du patrimoine, à la fois en tant que citoyen et en tant que ministre. Vous avez aussitôt précisé, à juste titre, que notre gigantesque patrimoine national relève de nombreux ministères. C’est peut-être là que le bât blesse.
En effet, comme je le rappelle régulièrement, le ministère des affaires étrangères et européennes gère quelque 1 500 biens relevant de notre patrimoine national situés hors de nos frontières, dans 160 pays différents, et dont la valeur globale est évaluée à 4,47 milliards d’euros.
Parmi ces ambassades, consulats, centres culturels, logements de fonctions ou même églises, près d’une centaine ont une haute valeur patrimoniale. Une trentaine d’entre eux seraient même classés monuments historiques s’ils étaient situés sur le territoire français, et une soixantaine seraient inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Mais, depuis deux ans, le financement de la programmation immobilière du ministère des affaires étrangères et européennes ne doit plus être assuré que par les produits de cession de ses biens immobiliers. En effet, aucun crédit d’investissement n’est plus inscrit dans le budget général. En conséquence, la grande braderie est ouverte… J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer devant vous, monsieur le ministre, la vente à la découpe à laquelle est promis le Palazzo Lenzi, à Florence.
Déjà, en 2002, dans un rapport d’information de la commission des finances, notre rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture », M. Yann Gaillard, avait écrit, paraphrasant Édouard Herriot : « Le patrimoine, c’est ce qui reste quand on a tout dilapidé. » Que restera-t-il si l’on s’attaque au patrimoine ?
Il ne s’agit nullement de sanctuariser, de façon inconsidérée, l’ensemble du patrimoine français à l’étranger. Au titre d’une politique immobilière efficace, certains immeubles, inadaptés ou devenus inutiles, doivent pouvoir être cédés. Mais encore faut-il que ces ventes soient réalisées de façon pertinente, or il semble bien que cette condition soit rarement remplie. Cela est compréhensible, tant cette activité est éloignée des « métiers » classiques du ministère des affaires étrangères et européennes. D’ailleurs, le Gouvernement le reconnaît quand il relève « l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».
À cela s’ajoutent les problèmes du retour effectif de la totalité du produit des cessions au ministère des affaires étrangères et européennes, celui-ci étant entravé pour diverses raisons techniques ou dilatoires, et de la mise en place des loyers budgétaires.
Au regard de ces difficultés, nous attendons toujours la création d’une agence foncière de l’État à l’étranger. Mais il est vrai que, si j’ai eu connaissance d’une « liste non exhaustive des immeubles appartenant à la France à l’étranger et ayant un intérêt patrimonial et/ou architectural » datant de 2001, complétée voilà quelques mois, il n’existe toujours pas de réel inventaire exhaustif de notre patrimoine à l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget de la mission « Culture » pour 2012 que j’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter et dont les crédits s’élèvent à plus de 2,7 milliards d’euros est sanctuarisé. Je tenais à le rappeler à Mme Laborde et à M. Domeizel.
En ces temps de crise économique et financière, le budget de la culture n’a pas servi de variable d’ajustement. À périmètre constant, il progresse même de plus de 2,5 %. Bon nombre de nos partenaires européens, parmi lesquels la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, mais aussi les Pays-Bas, ont procédé à des coupes drastiques dans ce domaine. Le Portugal, quant à lui, a tout simplement supprimé le ministère de la culture !
Le Gouvernement français, pour sa part, a fait un choix courageux, tourné vers un avenir où la culture aura toute sa place, en France, comme facteur de lien social, de dynamisme économique et d’attractivité de nos territoires.
Mon ministère participe bien évidemment aux mesures d’économies supplémentaires de 1,5 milliard d’euros annoncées par le Premier ministre le 24 août et le 7 novembre derniers. Son effort global s’élève à 32 millions d’euros de crédits budgétaires et à 74 millions d’euros portant sur des taxes affectées. La partie « culture et cinéma » participe à hauteur de 13 millions d’euros en crédits budgétaires et de 72 millions d’euros en taxes affectées.
J’ai veillé à ce que cet effort ne pénalise pas la mise en œuvre des politiques prioritaires de mon ministère, comme celle du spectacle vivant, et à ce qu’il soit ciblé sur un nombre restreint d’opérateurs qui ont les moyens de le supporter, en particulier ceux qui ont bénéficié d’une ressource en croissance ces dernières années, tel le Centre national de la cinématographie et de l’image animée.
La mise en œuvre des politiques conduites par mon ministère, administration et opérateurs, est donc bien préservée. Je me suis certainement beaucoup mieux battu que certains d’entre vous semblent le penser !
S’agissant du dispositif de plafonnement du produit des taxes affectées aux opérateurs, je voudrais dire à Mme Blondin que celui-ci ne remet pas en cause la mise en œuvre des politiques menées par ces différents acteurs, sous réserve des aménagements prévus par le Gouvernement au profit du CNC, du Centre national des variétés, de la chanson et du jazz et de l’Association pour le soutien du théâtre privé, aménagements qui ont été rejetés par le Sénat lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances…
Le domaine culturel est par ailleurs concerné, comme la plupart des secteurs de notre économie, par le relèvement du taux réduit de TVA. Nous serons très attentifs aux effets de cette mesure sur les industries et entreprises intéressées, et d’autant plus présents auprès d’elles. En outre, je vous confirme, car je sais que des inquiétudes sont apparues sur ce point, que le Gouvernement ne remet pas en cause le champ du taux super réduit de TVA de 2,1 %. En particulier, les 140 premières représentations de spectacle vivant continueront à bénéficier de ce taux super réduit.
Avant de répondre plus précisément aux questions que vous m’avez posées sur les différentes politiques mises en œuvre par mon ministère, je voudrais évoquer trois sujets transversaux.
Le premier sujet transversal, qui a été abordé par Mme Cukierman, est celui de la maquette budgétaire. Celle-ci a évolué entre 2010 et 2011, avant le début du nouveau triennal, afin de mieux refléter l’action du ministère. Outre que cela n’est pas très aimable pour nous, il est donc erroné de parler, comme vous l’avez fait, de mauvaise gestion ! En revanche, la maquette budgétaire restera inchangée en 2012, deuxième année du triennal. Il me semble que cela répond à votre souci de lisibilité et de transparence.
Le deuxième sujet transversal concerne les dépenses fiscales, évoquées par M. le rapporteur spécial et M. Leleux.
Je voudrais tout d’abord souligner l’intérêt de reconduire le dispositif des sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, dans le cadre du présent projet de loi de finances : son coût est maîtrisé et son efficacité n’est plus à démontrer, la mission d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales l’ayant réaffirmée.
S’agissant des autres dépenses fiscales relatives au secteur culturel, elles ont montré leur efficacité en permettant la réalisation d’objectifs essentiels en matière de protection et de conservation de notre patrimoine, de création, de promotion de la diversité culturelle ou encore de défense de la richesse du cinéma français.
Il s’agit également de soutenir notre économie et de favoriser le rayonnement de notre pays. À cet égard, je voudrais dire que l’allongement du délai d’agrément du crédit d’impôt international de douze à vingt-quatre mois, qui est proposé dans le présent projet de loi de finances, va contribuer à attirer davantage encore de tournages étrangers en France.
Le troisième sujet transversal, sur lequel vous m’avez interrogé, monsieur Eblé, madame Blondin, est celui de la présence de l’État en régions.
Je ne peux laisser dire que l’État se désengage en laissant toute la charge aux collectivités territoriales. J’en veux pour preuve le fait que les crédits mobilisés par l’État en régions et gérés par les DRAC progressent pour atteindre près de 815 millions d’euros en 2012. Avec ces moyens, nous confortons une ambition territoriale forte pour mon ministère, parce que le partenariat avec les collectivités territoriales est un élément essentiel de notre politique culturelle.
Ainsi, s’agissant de la restauration des monuments historiques, les nouveaux projets sont majoritairement, et de plus en plus, lancés en régions : à hauteur de 66 % en 2012, contre 63 % en 2011.
Un autre exemple emblématique à cet égard est celui de la musique et du développement des scènes de musique actuelle, les SMAC, que vous avez évoquées, madame Blondin. Le budget consacré aux SMAC a progressé de 16 % depuis 2009, pour atteindre 8,7 millions d’euros en 2012. Notre objectif est de voir chaque département doté d’une SMAC d’ici à 2015 : étant donné que soixante et onze structures détiennent aujourd’hui ce label, une vingtaine de lieux existants entreront dans le périmètre et dix nouveaux lieux seront construits dans les trois ans à venir.
Venons-en maintenant aux questions que vous m’avez posées, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les différentes politiques menées par mon ministère.
Tout d’abord, l’effort en faveur de la mise en valeur du patrimoine est confirmé, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Eblé, avec une attention particulière portée aux régions.
Les crédits destinés aux monuments historiques sont confortés, avec un effort accru de rééquilibrage entre Paris et les régions et un soutien maintenu à l’entretien des monuments historiques.
S’agissant plus particulièrement du Centre des monuments nationaux, sujet que vous avez abordé, monsieur Gaillard, je confirme que le contrat de performance est en cours de finalisation ; il devrait être approuvé par le conseil d’administration le 30 novembre prochain et, par conséquent, signé dans les semaines à venir.
En revanche, madame Cukierman, le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles ne peut être communiqué, mais ses principales conclusions ont déjà été partagées avec les organisations syndicales.
L’effort en faveur des musées ne se démentira pas en 2012. Il est justifié par notre ambition en matière de politique muséale, laquelle a pour objectifs la conservation, la recherche, l’accès du plus grand nombre à la connaissance, mais aussi le développement économique, alors que la France figure parmi les premières destinations touristiques mondiales.
Je voudrais ici répondre aux critiques émises par certains sur le pilotage de la politique muséale, évoquées par MM. Yann Gaillard et Jean-Jacques Pignard.
Le pilotage des musées a été dynamisé, par la tenue régulière de conférences de tutelle et la généralisation des contrats de performance et des lettres d’objectifs, qui déterminent les critères d’attribution des parts variables des dirigeants. Les ressources propres des musées ont fortement augmenté : celles du Louvre ont doublé en dix ans. Nous n’avons pas à rougir de la politique muséale mise en œuvre ces dix dernières années, loin de là ! Elle s’est traduite par une progression importante, de plus de 56 %, de la fréquentation de nos musées. L’accès aux collections de publics toujours plus nombreux, notamment de ceux qui sont les plus éloignés de la culture, est désormais une réalité. Le Centre Pompidou-Metz, le Louvre-Lens, le Centre Pompidou mobile sont autant d’exemples d’une politique ambitieuse. Je reste aussi personnellement très attentif aux questions sociales dans ces établissements, monsieur Eblé.
Cette évolution s’est accompagnée de mesures emblématiques, comme la mise en place, en 2009, de la gratuité pour les 18-25 ans. C’est un succès : entre 2009 et 2010, la part des jeunes dans la fréquentation des collections permanentes est ainsi passée de 7,3 % à près de 10 %. Le coût de cette mesure est désormais affiné et stabilisé, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.
S’agissant plus particulièrement de la Maison de l’histoire de France, monsieur Duvernois, 10 millions d’euros sont prévus en 2012 pour cet ambitieux projet : 5 millions d’euros pour le fonctionnement de l’établissement et 5 millions d’euros pour la rénovation du quadrilatère Rohan-Soubise. Ces crédits seront complétés par 20 millions d’euros destinés à financer les travaux à réaliser dans les neuf musées nationaux associés. Cette nouvelle institution, fortement assise sur les ressources numériques, offrira une galerie permanente consacrée à l’histoire de France, des lieux de débat et de conférences, des espaces d’exposition temporaire. Elle sera la clef de voûte d’un réseau rénové de partenaires français, mais aussi internationaux.
Je dresserai enfin un premier bilan positif de la mise en œuvre du plan musées, doté de 15 millions d’euros en 2012, sur lequel vous m’avez interrogé, monsieur Duvernois. Plusieurs chantiers ont déjà abouti, comme ceux du musée de la Grande Guerre, à Meaux, ou du musée Cocteau, à Menton, que j’ai inaugurés voilà quelques semaines, ou vont aboutir en 2012, tels le musée des hussards, à Tarbes, et le muséoparc d’Alésia. De nouveaux chantiers démarreront par ailleurs en 2012, parmi lesquels ceux du musée Camille-Claudel de Nogent-sur-Seine, du musée des beaux-arts de Nantes, du musée Soulages, à Rodez, du musée Girodet, à Montargis, ou encore du musée de Pont-Aven.
Le dernier sujet abordé dans le champ patrimonial est celui de la réforme du financement de l’archéologie préventive.
La réforme qui est proposée dans le cadre du collectif de fin d’année et que je défends avec la plus grande fermeté, compte tenu de la force de mon attachement à l’archéologie préventive, qui est essentielle à la vie culturelle de notre pays, vise un double objet : assurer la pérennité du financement de l’archéologie préventive et réduire les délais de réalisation des diagnostics. Elle repose sur trois axes.
Le premier axe consiste à réformer la redevance d’archéologie préventive pour qu’elle assure le produit nécessaire aux besoins en cette matière. Il est ainsi proposé, pour la filière « urbanisme » de la redevance, de l’adosser à la taxe d’aménagement.
Le deuxième axe a trait à la modernisation de la gouvernance du produit de la redevance. Je souhaite que l’on passe d’une logique de moyens à une logique de résultats, c’est-à-dire à une logique de paiement sur service rendu, de nature à améliorer les délais de réalisation des diagnostics. Pour cela, le produit de la redevance, actuellement réparti entre les opérateurs de diagnostics et le Fonds national d’archéologie préventive, sera intégralement versé sur un compte d’affectation spéciale géré par le ministère chargé de la culture.
Le troisième axe a pour objet de responsabiliser les principaux acteurs, c’est-à-dire les aménageurs et l’INRAP, afin de mieux maîtriser la dépense. Une mission va être lancée afin d’accompagner l’INRAP dans son travail de réorganisation interne et d’améliorer son fonctionnement. Un nouvel indicateur de suivi, relatif au nombre de prescriptions archéologiques, sera introduit dans les documents budgétaires. Ainsi, l’INRAP trouvera une fois de plus le ministère à ses côtés.
En 2012, le soutien à la création progresse fortement, de 6,3 %, pour permettre la réalisation de nos chantiers majeurs et l’accompagnement des plans d’action que j’ai lancés dans les secteurs du spectacle vivant, de la photographie et des arts plastiques.
Comme vous l’avez noté, une bonne part de l’augmentation des crédits est destinée au chantier de la Philharmonie de Paris, grand projet sur lequel vous m’avez interrogé, monsieur Gaillard et madame Blondin, et pour lequel 45 millions d’euros sont prévus dans le budget pour 2012.
Je souhaiterais tout d’abord rappeler la nécessité de doter enfin Paris d’une grande salle philharmonique moderne, proposant une acoustique digne des standards internationaux, mais aussi d’offrir des équipements complémentaires à cette salle, de manière à créer un complexe dédié à la musique, avec des lieux d’accueil pour les artistes, des salles pédagogiques pour le public. Ces équipements sont fondamentaux pour développer un rapport novateur avec le public et assurer la transmission musicale sur tout le territoire français.
Le coût total du projet s’élève à 336 millions d’euros, répartis entre l’État et la Ville de Paris pour un montant équivalent, et la région d’Île-de-France pour 20 millions d’euros. L’estimation initiale des coûts ne tenait pas compte d’un certain nombre de postes de dépenses qui ont été intégrés depuis, en particulier la totalité du premier équipement, l’orgue et le provisionnement des aléas. La livraison du bâtiment est prévue pour le printemps 2014, et l’ouverture pour la saison 2014-2015.
Au-delà de ce projet phare, situé dans le parc de la Villette, ce qui représente un gage supplémentaire de démocratisation culturelle, je voudrais évoquer les moyens consacrés au spectacle vivant, qui s’inscrivent bien en hausse, et la question des marges artistiques, abordée par M. Pignard.
Vous le savez, j’ai annoncé en juillet dernier, en Avignon, un plan d’action en faveur du spectacle vivant, doté de 12 millions d’euros sur trois ans, dont 3,5 millions d’euros en 2012. Il s’agit de renforcer le soutien aux artistes émergents, de poursuivre la structuration de l’emploi artistique, d’améliorer la présence des artistes dans les structures soutenues par l’État et de conforter leur visibilité internationale.
Au-delà de ces nouveaux crédits, le soutien direct aux compagnies et aux artistes est reconduit. La part des crédits déconcentrés est portée à 280 millions d’euros, afin notamment de donner aux nouveaux labels du ministère les moyens de leur développement.
Je voudrais rappeler ici que les dotations aux opérateurs du spectacle vivant ont été maintenues, voire augmentées, depuis 2007, de même que les crédits déconcentrés en faveur du fonctionnement des structures en régions et des équipes indépendantes.
En complément de ces efforts en faveur du spectacle vivant, j’ai confié une mission à MM. Martinelli, Murat, Dorny et Metzger, qui sont chargés d’explorer, d’ici à la fin de l’année, l’ensemble des possibilités nouvelles de financement du spectacle vivant. Cette mission travaille en lien étroit avec la mission de préfiguration du Centre national de la musique. Deux missions ont été diligentées, madame Blondin, afin de tenir compte des spécificités propres aux deux secteurs, dont les modèles économiques sont extrêmement différents.
Par ailleurs, afin de clarifier les relations entre les collectivités territoriales et l’État, nous avons mis en place, à la suite des conférences régionales du spectacle vivant, un système de conventionnement en vue de mettre en cohérence les politiques menées par les collectivités territoriales et celles de l’État. La première convention a été signée en Languedoc-Roussillon en mai dernier ; la prochaine, prévue avec la région Rhône-Alpes, devrait être conclue à la fin de 2011 ou au début de 2012.
Enfin, en réponse à la question de Mme Blondin sur la plate-forme d’observation du spectacle vivant, je précise que le processus de concertation va bientôt toucher à sa fin et que j’attends la remise des conclusions des différents groupes de travail en février prochain au plus tard. Sur la base de ces propositions, un dispositif d’observation nationale sera mis en place.
Les arts plastiques voient leurs moyens s’établir à 69 millions d’euros pour 2012. Hors l’effort d’investissement exceptionnel mobilisé en 2011 en faveur du chantier du site de création contemporaine du Palais de Tokyo, le budget des arts plastiques est donc en nette augmentation, madame Cukierman.
Les nouveaux moyens prévus en 2012 nous permettront notamment d’accompagner l’ouverture du site de création contemporaine du Palais de Tokyo au printemps 2012 et de soutenir l’organisation de la Triennale et de Monumenta, qui recevra Daniel Buren en 2012.
Cette même année, les fonds régionaux d’art contemporain fêteront leur trentième anniversaire. Ils verront leurs moyens progresser, pour s’élever à 17,5 millions d’euros, afin que nous puissions accompagner au mieux, dans le cadre des contrats de projets État-région, les chantiers en cours et en engager de nouveaux, comme celui d’Aquitaine.
Le soutien de mon ministère à l’art contemporain, c’est aussi la consolidation des crédits destinés au soutien matériel des artistes et à la commande publique.
Le soutien de mon ministère à l’art contemporain, c’est enfin la mise en œuvre des quinze mesures du plan pour les arts plastiques que j’ai présenté en octobre dernier mais qui ne semble pas, malheureusement, avoir retenu votre attention…
Le ministère soutient également les arts plastiques en se mobilisant pour la photographie dans le cadre du plan photo, comme vous l’avez souligné, madame Cukierman. Les moyens supplémentaires dégagés pour 2012, à hauteur de 500 000 euros, visent notamment à mettre en place une programmation complémentaire par le musée du Jeu de paume, à soutenir les événements majeurs que sont les Rencontres photographiques d’Arles ou Visa pour l’image, à Perpignan. Demandez aux organisateurs de ces manifestations s’ils trouvent que je n’ai pas fait beaucoup pour la photographie ! Vous serez surprise par leur réponse !
Mme Cécile Cukierman. On leur a demandé ! C’est vous qui seriez surpris si vous les entendiez !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Ces moyens supplémentaires permettront aussi de soutenir les centres d’art spécialisés dans la photographie, comme Le Point du jour, à Cherbourg-Octeville. Ils serviront aussi à accompagner le financement de projets dans le domaine du photojournalisme. Par ailleurs, l’hôtel de Nevers rénové deviendra un nouveau lieu consacré à la photo.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’opération est déjà en cours. Ce nouvel espace contribuera à une meilleure utilisation des possibilités offertes par le musée du Jeu de paume, qui en aura la gestion. Je n’aime pas que l’on dise que je ne fais rien pour la photographie, car ce n’est pas vrai !
Je voudrais enfin répondre à M. Yann Gaillard sur l’évaluation de la politique de soutien à la création contemporaine.
L’ensemble des dispositifs en faveur des arts plastiques – aides aux artistes, aides aux structures, commande publique et acquisitions – font l’objet d’un suivi qui permet d’évaluer le poids de l’action publique au bénéfice des artistes et de sécuriser juridiquement leurs rémunérations. Ainsi, nous suivons le taux de renouvellement des bénéficiaires des dispositifs de soutien à la création. Une procédure d’évaluation va également être prévue pour les aides attribuées aux artistes, afin d’en mesurer les effets sur leur carrière.
En ce qui concerne le soutien aux lieux de diffusion, les critères de conventionnement des centres d’art contemporain ont été clarifiés par une circulaire du 9 mars 2011, qui vise également à insuffler davantage de cohérence entre les politiques culturelles publiques de l’État et celles des collectivités territoriales. Cette action fait l’objet d’une démarche de co-évaluation, dont le dispositif est en cours de mise en œuvre.
Les moyens destinés à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture seront consolidés en 2012, comme vous l’avez souligné, monsieur Nachbar.
Pour 2012, j’ai souhaité que des moyens supplémentaires soient alloués à l’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture, notamment pour conforter son inscription dans le schéma européen LMD. L’enveloppe budgétaire progresse ainsi de plus de 4,3 %, pour atteindre 226 millions d’euros. Ces moyens nous permettront de poursuivre les opérations d’investissement engagées dans les établissements d’enseignement supérieur, mais aussi de renforcer le positionnement de ceux-ci dans le domaine de la recherche et de développer leur attractivité internationale.
Les vingt écoles nationales supérieures d’architecture constituent le fer de lance de la diffusion de l’architecture et sont une priorité du ministère : n’en doutez pas, madame Cukierman ! Leurs moyens de fonctionnement progresseront de 2 % en 2012, et trois grands chantiers sont menés : l’extension de l’école de Strasbourg, la réhabilitation de l’ancien hôpital Sabourin au bénéfice de l’école de Clermont-Ferrand et la relocalisation de l’école de Toulouse sur le campus de l’université du Mirail.
Mme Cécile Cukierman. Et l’école de Saint-Étienne ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Au total, depuis 2007, 122 millions d’euros auront été investis dans les écoles d’architecture.
Afin d’améliorer les conditions de la vie étudiante, mon ministère s’engage notamment à financer, à l’instar du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le dixième mois de bourse pour l’année universitaire qui vient de commencer.
Signe de l’attention portée par le Gouvernement à l’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture, les emplois des enseignants sont exonérés de l’application de la règle de la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux.
La culture partagée est une préoccupation constante de ce ministère depuis ses origines. J’ai souhaité moderniser nos moyens d’action dans ce domaine, qui fait l’objet d’une mobilisation de l’ensemble des politiques du ministère.
Comme vous le dites si bien, monsieur Nachbar, la culture partagée, c’est tout d’abord l’éducation artistique et culturelle et l’histoire de l’art, qui concernent chaque année plus de 2,2 millions de jeunes. Dans ce domaine emblématique de l’action du Gouvernement à destination de la jeunesse, le ministère de la culture a augmenté son budget d’environ 15 % depuis 2007, une enveloppe de plus de 75 millions d’euros étant prévue pour 2012.
La culture partagée, c’est aussi l’accès à la culture sur tout le territoire. Sur ce point, j’ai souhaité réactiver cette année le dispositif jusque-là délaissé des conventions de développement culturel avec les collectivités locales. Les directions régionales des affaires culturelles ont ainsi proposé en 2011 soixante nouvelles conventions de ce type, dont quarante concernent le monde rural. Cette dynamique sera poursuivie en 2012, avec des financements spécifiques de la part du ministère, à hauteur de 1,5 million d’euros.
La culture partagée, c’est encore un projet qui me tient tout particulièrement à cœur et que je viens de lancer avec le soutien du Président de la République : la tour Médicis, à Clichy-Montfermeil. Il s’agit de faire de la tour Utrillo, qui était promise à la démolition, une nouvelle villa Médicis, une résidence d’artistes et un foyer d’action culturelle.
La culture partagée, c’est enfin l’objet de la mobilisation de l’ensemble des services de mon ministère. À titre d’exemple, je citerai le plan « Dynamique Espoir Banlieues », le plan rural, l’accès gratuit aux musées pour les jeunes, l’opération « Les Portes du temps », la carte musique, le plan lecture ou encore la plateforme « ciné-lycée ».
S’agissant du cinéma, sujet que Mme Gillot et M. Leleux ont abordé, la réforme du financement du CNC mise en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 représente un point d’équilibre entre trois objectifs : sécuriser le financement du CNC, lui garantir les moyens de mener à bien ses missions et contribuer à l’effort de 1 milliard d’euros d’économies annoncé par le Premier ministre.
Cette réforme repose sur la modification de l’assiette de la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs. Il s’agit ainsi de modérer le dynamisme de cette taxe et de lutter contre les comportements d’optimisation fiscale, afin de garantir le financement du CNC et de répondre aux préoccupations de la filière.
Le produit de l’ensemble des taxes alimentant le CNC est calibré à hauteur de 770 millions d’euros, dont 700 millions d’euros iront au CNC et 70 millions d’euros seront versés au budget général.
Avec 700 millions d’euros, le CNC bénéficiera des moyens nécessaires à la réalisation de ses missions, qu’il s’agisse des soutiens automatiques et sélectifs, du plan de numérisation des salles ou des nouvelles missions qui lui ont été progressivement confiées depuis 2008. Ces nouvelles missions, qu’il s’agisse de la gestion de la Cinémathèque française, des cinémathèques en région ou de la Femis, s’inscrivent dans une logique visant à faire du CNC l’opérateur phare du ministère dans le secteur du cinéma.
Nous faisons tout pour défendre le cinéma et préserver le modèle français, qui permet aujourd’hui à notre industrie cinématographique de rayonner et d’obtenir des résultats qu’elle n’avait plus connus depuis les années soixante. Outre les dispositifs de crédits d’impôt que nous améliorons, comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, nous prévoyons un aménagement des modalités de calcul de la contribution sur la valeur ajoutée due par les entreprises du secteur de la production cinématographique.
Au-delà de ces questions financières, je voudrais dresser un bilan de la numérisation des salles, en réponse à M. Leleux. La France est exceptionnellement avancée en Europe dans ce domaine, puisque 58 % des écrans et 40 % des établissements sont concernés. Le CNC a financé la numérisation de 366 salles, réparties dans 276 cinémas. Nous prévoyons de soutenir plus d’un millier d’écrans, pour un budget de près de 120 millions d’euros sur trois ans.
Demeure encore la question de la numérisation des salles à l’activité la plus réduite et des circuits itinérants. Je sais l’inquiétude des responsables de ces structures d’être laissés au bord du chemin, faute de pouvoir disposer d’un matériel de projection adapté. Je veux les rassurer : le ministère est à leurs côtés depuis des mois et encourage les industriels à commercialiser un matériel de projection adéquat.
Mme Cécile Cukierman. Heureusement !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les troisièmes états-généraux des circuits itinérants, qui auront lieu le 9 décembre prochain à Vendôme, seront un rendez-vous important.
Concernant enfin le soutien aux plus petites salles, sur lequel vous m’avez interrogé, madame Laborde et monsieur Leleux, je souhaite rappeler qu’elles bénéficient plus que proportionnellement des effets redistributifs du compte de soutien, conformément à la politique de promotion de la diversité conduite par le ministère et à toute l’action que j’ai pu mener durant ma vie au service du cinéma. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Patrimoines |
803 844 640 |
860 500 419 |
Création |
735 662 086 |
787 892 086 |
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
1 058 738 125 |
1 080 745 250 |
Dont titre 2 |
643 218 228 |
643 218 228 |
M. le président. L'amendement n° II-148 rectifié, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
30 000 000 |
|
10 000 000 |
Création |
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Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
30 000 000 |
10 000 000 |
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SOLDE |
- 30 000 000 |
- 10 000 000 |
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un amendement personnel, n’engageant pas le groupe UCR.
J’ai souhaité le déposer en considération de la situation financière catastrophique de la France, dont tout le monde n’a peut-être pas encore complètement pris la mesure.
À mon sens, tous les budgets doivent contribuer à l’effort général de redressement de nos finances publiques, notamment en matière de dépenses. En ce qui concerne les recettes, en effet, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont largement fait ce qu’il fallait !
Mme Cécile Cukierman. On peut faire bien plus !
M. Vincent Delahaye. S’agissant de la réduction des dépenses, en revanche, il semble que l’imagination ne soit pas au pouvoir !
Chaque fois que l’on aborde l’examen d’un projet de budget, on entend affirmer, sur diverses travées, qu’il est impératif de tout préserver et de ne toucher à rien : telle n’est pas ma conception d’une bonne gestion de l’argent public…
Il convient de rechercher des économies à réaliser au sein de tous les budgets. En l’occurrence, je me suis interrogé sur la construction de l’auditorium de la Philharmonie de Paris, dont le budget a largement dépassé ce qui était initialement prévu, puisqu’il a été augmenté de 66 % ! Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que cela est dû au fait que le coût du premier équipement n’avait pas été pris en compte, mais est-ce suffisant pour expliquer cette énorme dérive ?
Il me paraît en outre étonnant que le financement du premier équipement n’ait pas été envisagé d’emblée. Ce n’est pas ainsi que nous procédons dans nos collectivités.
Par ailleurs, au sein de la commission des finances, personne n’a pu me préciser le coût de fonctionnement futur de la Philharmonie de Paris. La Ville de Paris le supportera-t-elle ? L’État apportera-t-il sa contribution, et si oui à quelle hauteur ? Quand on décide de réaliser un investissement, il me semble important de savoir qui assumera par la suite les frais de fonctionnement !
Je me suis aussi penché sur le dossier de la Maison de l’histoire de France. Nous ne disposons pas encore du premier euro de son financement… On nous annonce 5 millions d’euros de frais de fonctionnement et 20 millions d’euros de travaux. Je ne suis pas opposé, par principe, à la création d’une telle structure, mais, dans le contexte financier actuel, ce projet devrait être gelé et sa réalisation reportée à des temps meilleurs.
Dans cet esprit, le présent amendement tend à supprimer 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission des finances étant opposée à l’adoption des crédits de toutes les missions, peut-être est-elle également défavorable à la création de la Maison de l’histoire de France… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, à titre personnel, je suis contre cet amendement, que je trouve un peu maladroit. (M. Yves Rome rit.) La Maison de l’histoire de France est tout de même un très beau projet, auquel le Président de la République est très attaché.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je suis évidemment très hostile à l’adoption d’un tel amendement. Je rappelle que la Maison de l’histoire de France est la clé de voûte d’un travail de rénovation de l’ensemble des musées d’histoire existant en France !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Ils sont plus de 800 !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Il ne s’agit pas de créer une « usine à gaz » budgétivore vouée à la glorification de l’identité nationale, comme on l’a entendu affirmer un peu trop souvent !
C’est au contraire une opération de rénovation d’un ensemble de musées dont nous sommes fiers, mais dont certains se trouvent dans un état de très grande fatigue. Ce projet permettra de les confédérer tout en leur conservant leur autonomie. Ils pourront ainsi collaborer pour organiser des expositions, créer un portail internet, mettre en place des outils afin de remédier à la perte des repères historiques qui taraude actuellement la société française et à laquelle la manière dont l’histoire est enseignée aujourd’hui n’est pas complètement étrangère.
Telle est la vocation de la Maison de l’histoire de France. Les crédits qui lui sont destinés permettront de restaurer les neuf musées qui en seront les piliers, mais aussi de créer des synergies entre les 800 autres qui sont consacrés à l’histoire et dont l’action est pour l’heure complètement dispersée.
Il ne s’agit donc nullement d’une dépense inconsidérée, mais au contraire d’un véritable acte politique, destiné à répondre au désir d’histoire qu’éprouvent tous les Français et que manifestent par exemple, d’une manière parfaitement harmonieuse, conviviale et respectueuse de la diversité des écoles, les Journées d’histoire de Blois, qui rencontrent un succès considérable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Pignard. Notre collègue Vincent Delahaye a eu l’honnêteté de préciser que le dépôt de cet amendement était une initiative personnelle, qui n’engage évidemment pas le groupe de l’Union centriste et républicaine. Mme Laborde m’ayant reproché tout à l’heure de faire du théâtre, je dirai que nous venons d’assister à L’Impromptu de l’Essonne… (Sourires.)
Notre groupe partage l’avis de M. le ministre. À mon sens, nous avons besoin aujourd'hui de renforcer les fondamentaux, qu’il s’agisse de la lecture, de l’écriture, du calcul ou de l’histoire. À cet égard, la Maison de l’histoire de France est un projet ambitieux et nécessaire. Comme je l’indiquais tout à l’heure, la crise ne doit pas nous obliger au misérabilisme !
Cela étant, il conviendra de déterminer comment sera conçu le programme de la Maison de l’histoire de France. Sur ce plan, la lecture de certains rapports faisant référence à la notion de « chronologie relative » m’a laissé plutôt perplexe, bien que j’aie fait quelques études d’histoire : il faudra que l’on m’explique ce que cette expression peut bien signifier…
En tout état de cause, je considère qu’il s’agit d’un bon projet, qu’il convient de soutenir !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. C’est un peu « Au théâtre ce soir » ! Malheureusement, comme c’est parfois le cas, si l’affiche est alléchante, la pièce est décevante ! M. Delahaye nous a expliqué pourquoi.
Le groupe CRC est opposé depuis le début à la création de la Maison de l’histoire de France, projet qui, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, va au-delà d’une simple rénovation et mise en réseau de musées existants. Il répond en fait à la volonté du Président de la République, or on ne peut pas mettre l’histoire de France au service d’une cause politique ! D’ailleurs, nombre de chercheurs refusent eux aussi de s’associer à un projet qui, en réalité, n’est pas de nature culturelle.
Cela étant, dans la mesure où il ne nous est pas possible de sous-amender l’amendement n° II–148 rectifié pour réaffecter par exemple les 40 millions de crédits retirés au projet du Musée de l’histoire de France au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », nous voterons contre la proposition de notre collègue. Nous ne soutenons pas la création de la Maison de l’histoire de France, mais nous ne voulons pas affaiblir plus encore les crédits de la mission « Culture », qui sont déjà insuffisants.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Il est normal que les parlementaires se montrent vigilants quand il s’agit de créer un musée de l’histoire de la France, car on pourrait peut-être alors craindre l’émergence d’une histoire officielle.
Notre commission de la culture avait ainsi confié la rédaction d’un rapport sur le sujet à notre ancienne collègue Catherine Dumas. Nous entendions veiller à ce que le projet consiste bien à rénover les structures qui, partout en France, permettent aux citoyens, notamment aux plus jeunes, de mieux connaître l’histoire de leur pays, et non à promouvoir une vision officielle de celle-ci. Nous sommes en effet très attentifs à la prise en compte des travaux des diverses écoles historiques dont la France est riche : il n’aurait pas été acceptable qu’une de ces écoles soit privilégiée au détriment des autres.
Je pense que toutes les inquiétudes sont aujourd'hui levées à cet égard. Il serait donc désolant de faire marche arrière et de renoncer à la réalisation d’un tel projet. Nous continuerons évidemment à être vigilants, mais, en ce début du xxie siècle, il est plus que jamais important de donner à tous nos concitoyens, en particulier aux plus jeunes d’entre eux, la possibilité de connaître l’histoire de leur pays, au travers des interprétations et des analyses qu’en donnent nos différentes écoles historiques.
Par conséquent, je pense que nous ne devons pas retenir cet amendement. (MM. Jacques Gautier et Jean-Jacques Pignard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.
M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Faut-il vraiment rouvrir ce soir le débat de fond sur la pertinence du projet de la Maison de l’histoire de France, qui a déjà fait couler tellement d’encre : la nuit risquerait de ne pas y suffire…
D’ailleurs, l’amendement de notre collègue Delahaye soulève avant tout une question budgétaire : il nous est proposé de supprimer 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement affectés au programme « Patrimoines ». Cependant, en l’état, cet amendement ne précise pas que cette suppression de crédits vise spécifiquement la création de la Maison de l’histoire de France. Par conséquent, s’il était adopté, rien n’interdirait ensuite au ministère de la faire porter sur d’autres projets…
Nous aurions alors simplement réduit la dépense publique pour la culture dans le champ du programme « Patrimoines ». Or nous ne saurions nous y résoudre, car nous ne considérons pas, pour notre part, que l’on fasse trop pour protéger notre patrimoine. Nous ne voterons donc pas cet amendement, d’autant que son adoption pourrait également remettre en question la réorganisation des Archives nationales, avec la restructuration du quadrilatère Rohan-Soubise et l’ouverture prochaine du site de Pierrefitte-sur-Seine.
En tout état de cause, il nous semble nécessaire de préserver les crédits du programme « Patrimoines ». Nous ne partageons pas la philosophie de réduction de la dépense publique de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture a bien résumé la situation : le problème posé au travers de cet amendement est strictement budgétaire. Le groupe socialiste-EELV partage l’analyse de M. Eblé et votera contre.
M. le président. L'amendement n° II-175, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
907 372 |
907 372 |
||
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2 |
2 596 544 1 012 982 |
2 596 544 1 012 982 |
||
TOTAL |
907 372 |
2 596 544 |
907 372 |
2 596 544 |
SOLDE |
- 1 689 172 |
- 1 689 172 |
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Il s’agit d’un amendement à caractère technique, qui a pour objet de tirer les conséquences de transferts de crédits et d’ajustements liés à la décentralisation.
Par coordination avec cet amendement, le plafond d’autorisation d’emplois du ministère de la culture et de la communication sera minoré de dix-neuf emplois, celui des opérateurs sera majoré de dix-sept emplois et celui du ministère de l’éducation nationale d’un emploi lors de l’examen des articles 36 et 37 du projet de loi de finances.
Dans le détail, cet amendement prévoit le transfert de 907 000 euros de crédits, somme qui correspond au transfert de dix-sept agents non titulaires du ministère de la culture et de la communication vers les musées d’Orsay et de l’Orangerie, dans le cadre des mesures de transfert de la gestion de personnels vers ces musées.
Il tend également à transférer près de 50 000 euros de crédits vers le ministère de l’éducation nationale, ce qui correspond au transfert d’un poste alloué à l’organisation des concours.
Enfin, il est proposé de transférer près de 1,6 million d’euros à la collectivité de Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de l’Agence de développement de la culture kanak, et près de 56 000 euros à la région Picardie, montant correspondant au transfert d’un poste dans le cadre de la prise en charge des services de l’Inventaire général du patrimoine culturel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission des finances ayant rejeté les crédits de la mission « Culture », elle ne peut pas être favorable à l’adoption d’un amendement visant à en redéployer certains. Cependant, à titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 58 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 348 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 175 |
Pour l’adoption | 171 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
J’appelle en discussion les articles 49 quinquies et 49 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
Article 49 quinquies (nouveau)
L’article L. 115-3 du code du cinéma et de l’image animée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la taxe ne peut entrer en compte dans la détermination de l’assiette des divers impôts, taxes et droits de toute nature autres que la taxe sur la valeur ajoutée auxquels est soumise la recette des salles de spectacles cinématographiques. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis favorable sur cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 49 quinquies.
(L'article 49 quinquies est adopté.)
Article 49 sexies (nouveau)
Au dernier alinéa de l’article 220 Z bis du code général des impôts, le mot : « douze » est remplacé par les mots : « vingt-quatre ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis favorable sur cet article.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Médias, livre et industries culturelles
Compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » (et article 52 ter) et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les cigales ont chanté tous les étés pendant de nombreuses années, mais nous voici en hiver, et les fourmis se réveillent pour nous rappeler la dure réalité du temps…
Monsieur le ministre, les crédits de la mission « Culture » que vous nous avez présentés tout à l’heure ont été jugés insuffisants, mais y a-t-il jamais eu un jour un budget de la culture suffisant dans un pays qui est la première destination touristique de la planète et dont le patrimoine est, sans doute, l’un des plus riches au monde ?
Nous examinons à présent les crédits de la communication, budget dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur spécial depuis un certain temps. La communication, c’est la vie. Nous assistons à une révolution permanente, celle du numérique ; elle change complètement la donne structurelle, et nous n’en sommes qu’au début !
Nous avons vécu des années de difficiles ajustements pour passer de l’ordre établi à un ordre nouveau dont on ne percevait pas toujours les lignes directrices. Au cours de cette période, bon nombre de problèmes ont été réglés au fil du temps. Sur l’initiative de Mme Tasca, des contrats d’objectifs et de moyens ont été mis en place dans tous les secteurs : ce dispositif fonctionne plutôt bien.
Je rappelle que les crédits des différents programmes de la mission « Médias, livre et industries culturelles » proviennent, pour pratiquement les trois quarts, de la redevance audiovisuelle – le Sénat a combattu pour que son montant soit indexé sur l’inflation –, le dernier quart étant constitué de crédits budgétaires, destinés à permettre des ajustements ou à financer des secteurs ne pouvant l’être par le produit de la redevance.
En ce qui concerne l’aide à la presse, la diminution apparente des crédits est liée au fait que les engagements sur trois ans pris par le Gouvernement en matière de soutien à la modernisation de la presse ont été tenus. Le bilan est plutôt positif, et il a été décidé de prolonger cette dynamique. La presse en a bien besoin, et on peut d’ailleurs se demander si elle ne sera pas complètement dématérialisée dans quelques années, certains titres ne publiant déjà plus que sous forme numérique…
Par ailleurs, le problème récurrent et ô combien difficile de l’Agence France-Presse n’est toujours pas résolu. Monsieur le ministre, vous avez sans doute fait tout votre possible pour y parvenir, mais la situation n’est pas simple, je le reconnais.
S’agissant de l’audiovisuel, les contrats d’objectifs et de moyens fonctionnent bien. Il y a quelques jours, le Gouvernement a conclu avec France Télévisions le nouveau contrat, qui courra jusqu’en 2015. Il me semble que les parties en sont satisfaites. La dotation budgétaire de France Télévisions s’élèvera à environ 443 millions d’euros en 2012, soit une hausse de presque 14 % par rapport à 2011 : ce n’est pas rien !
Les radios associatives sont également servies, leur dotation étant maintenue à hauteur de 29 millions d’euros.
Le fonctionnement d’Audiovisuel extérieur de la France, AEF, constitue un problème récurrent depuis la création de la société. Le Sénat aimerait avoir communication des conclusions du rapport de la mission de l’Inspection générale des finances que vous avez diligentée, monsieur le ministre. Il serait intéressant de savoir ce que des experts du contrôle budgétaire pensent du fonctionnement d’une maison quelque peu particulière, qui n’arrive pas à négocier avec vous son contrat d’objectifs et de moyens. On sait qu’il existe des problèmes de personnes, même s’ils se sont peut-être un peu apaisés ces derniers temps… Toujours est-il que la situation n’est satisfaisante ni sur le plan financier ni sur celui de la transparence et de la communication avec le Parlement. En effet, je ne parviens pas à obtenir les renseignements qui me seraient nécessaires pour émettre un avis éclairé sur les comptes d’AEF.
Par ailleurs, le contenu des programmes de France 24 est également insatisfaisant, dans une période où le monde bouge à une vitesse extraordinaire, en particulier dans le monde arabe, qui fait partie du champ géographique couvert par cette chaîne. Ainsi, je ne perçois pas de différence de contenu entre France 24 et d’autres chaînes dédiées à l’information. Ceux qui ont voulu la création de cette chaîne, dont je suis, sont en droit, monsieur le ministre, de vous demander d’examiner de près cette question.
Les concours financiers issus de la redevance augmentent de 3,6 % pour France Télévisions. Par les temps qui courent, c’est tout à fait appréciable, d’autant que cette progression est assortie d’un engagement jusqu’en 2015. Pour Arte, l’augmentation est de 7 % : le Gouvernement a décidé de soutenir l’ambition que Mme Cayla nourrit à bon droit pour sa chaîne.
Radio France rencontre des problèmes d’audience. L’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, réalise un travail remarquable. Il était question tout à l’heure de l’histoire de France : l’INA peut être un bel outil au service de la connaissance de l’histoire contemporaine. Il serait fort dommage que nos archives audiovisuelles se perdent, et le Gouvernement a donc raison de soutenir leur numérisation en cours.
Pour conclure, je voudrais souligner que l’ambiance de travail au sein de la commission des finances a été agréable et constructive au cours de l’examen des crédits de cette mission, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé. Il s’agit peut-être là, monsieur le ministre, d’une forme d’hommage à l’action que vous conduisez ! Ce budget ne faisant plus l’objet de contestations ou de discussions difficiles au sein de la commission de la culture, la commission des finances a décidé de le soutenir, qu’il s’agisse de sa partie budgétaire ou des crédits issus de la redevance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour l’audiovisuel et la presse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des débats sur la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, l’opposition parlementaire de gauche avait donné l’impression de vouloir jouer les Cassandre.
Qu’avait-elle dit exactement ? Que la suppression de la publicité sur France Télévisions était irresponsable du point de vue financier, qu’elle n’aurait aucune incidence sur la qualité des programmes, que la mise en place brutale et désordonnée de l’entreprise unique pourrait avoir des conséquences néfastes, ne serait-ce que par la désorganisation qu’elle engendrerait, que la création des deux taxes proposées était juridiquement hasardeuse. Nous disions enfin que le nouveau mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public nuirait à leur crédibilité.
Sur l’ensemble de ces points, nos prévisions se sont révélées exactes, voire parfois un peu trop optimistes…
Des deux taxes dont la création était proposée par le Gouvernement, l’une, sur les recettes publicitaires des chaînes privées, a vu son taux raboté et ne rapporte presque plus rien, l’autre est considérée comme contraire au droit communautaire par la Commission européenne : l’État court dès lors un risque majeur de devoir rembourser les sommes perçues – entre 900 millions et 1 milliard d’euros – et la suppression totale de la publicité sur France Télévisions n’est donc absolument pas financée.
S’agissant des programmes, on peut saluer les efforts de la nouvelle direction, mais Patrick de Carolis avait déjà bien amorcé le virage éditorial du groupe avant la suppression de la publicité.
Pendant ce temps, l’entreprise a connu des bouleversements majeurs, avec une centralisation des responsabilités, puis une nouvelle décentralisation : la grosse fusion a abouti à une grosse confusion !
J’ajouterai que les chantiers majeurs du global media –même si la montée en puissance est bien réelle – ou de la mise en place d’une chaîne jeunesse ne sont pas encore achevés.
La raison en est probablement que le financement du groupe est incertain. Trois ans après la réforme, France Télévisions est une entreprise fragilisée.
En outre, les charges nouvelles sont nombreuses : je citerai notamment la diffusion hertzienne de France Ô sur tout le territoire national – 20 millions d’euros –, le déploiement de la télévision numérique terrestre outre-mer – 9 millions d’euros – ou la hausse des subventions au cinéma résultant des obligations réglementaires de France Télévisions – 8 millions d’euros.
Une inquiétude réelle pèse donc sur le financement de la réforme votée en 2009 et la pérennité du service public de l’audiovisuel ; en conséquence, la commission de la culture s’opposera à toute tentative de réduire les recettes.
S’agissant des autres groupes de l’audiovisuel public, le Gouvernement n’a rien fait, et le bilan pourrait par conséquent être plutôt positif. Des contrats d’objectifs et de moyens ont cependant été signés. C’est fondamental, puisque ces contrats sont un outil essentiel, permettant un engagement contractualisé et pluriannuel de l’État ; ils constituent donc une garantie de l’indépendance financière, et surtout éditoriale, de ces groupes.
Qu’a-t-on appris après la seconde délibération sur le projet de loi de finances à l’Assemblée nationale ? Que le Gouvernement, doutant probablement de la constitutionnalité d’une diminution des dépenses par le biais du collectif budgétaire, a introduit nuitamment dans le projet de loi de finances des dispositions retirant 15 millions d’euros de crédits à France Télévisions, 2 millions d’euros à Radio France et 1 million d’euros aux autres acteurs : Arte, l’INA et Audiovisuel extérieur de la France. Je souligne, à cet égard, que cette seconde délibération n’était pas intervenue quand j’ai rédigé mon rapport et quand la commission de la culture a émis son avis.
Cette démarche est contraire à l’esprit du contrat d’objectifs et de moyens, à l’indépendance de ces groupes, qui seraient extrêmement fragilisés par de telles ponctions. Ce ne serait pas la mort subite de notre audiovisuel public, mais, indéniablement, une asphyxie progressive, que nous avions annoncée dès l’origine de la réforme.
En ce qui concerne les crédits consentis à la presse, sans surprise, l’heure est à la diminution : le total des aides directes à la presse s’établit à 543 millions d’euros, répartis entre deux programmes, soit une baisse de plus de 6 % par rapport à 2011. Le Gouvernement a beau jeu de se dédouaner en justifiant cette baisse par la fin de la mise en œuvre du plan exceptionnel de soutien public à la presse et en ajoutant que 540 millions d’euros d’aides directes en 2012, c’est toujours 60 % de plus qu’en 2007…
On aura beau dire, une baisse aussi substantielle s’apparente à un désengagement, que nos entreprises de presse n’ont pas pu anticiper compte tenu de son ampleur et qui pourrait miner tous les efforts de modernisation qu’elles ont conduits au cours de ces trois dernières années.
Je m’interroge sur l’existence d’une véritable stratégie cohérente qui présiderait à l’évolution de ces aides. Lorsqu’elles ne font pas l’objet d’un saupoudrage qui les rend inopérantes, les aides directes sont distribuées de façon plus ou moins automatique aux mêmes titres, dans des conditions assez obscures, et parfois sans réelle analyse prospective préalable. Or c’est la production d’une information à valeur ajoutée que notre système d’aides publiques doit encourager, surtout avec la révolution numérique.
Aujourd’hui, si l’on veut véritablement accompagner la presse dans sa démarche de modernisation, c’est prioritairement sur la fiscalité, d’application neutre, qu’il convient d’agir, en mettant un terme aux inégalités de traitement entre la presse imprimée et la presse numérique.
Je me réjouis d’ailleurs que notre assemblée ait adopté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, un amendement que j’avais présenté en commission. Cet amendement vise à étendre à la presse en ligne le bénéfice du taux de TVA réduit de 2,1 %, jusqu’ici réservé à la presse imprimée : c’est la condition de la migration des contenus vers tous les supports.
Compte tenu de mes observations, la commission de la culture, qui a donc délibéré avant la ponction de 20 millions d’euros que j’évoquais, a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Cela étant, mon avis pourrait évoluer si l’amendement que j’ai déposé visant à rétablir ces 20 millions d’euros de crédits était adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour le livre et les industries culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte les crédits du programme 334, dédié au livre, à la lecture, à la musique enregistrée et au jeu vidéo. Nous nous sommes particulièrement mobilisés en faveur de ces secteurs majeurs, qui sont au cœur des pratiques culturelles des Français et des mutations technologiques.
Le taux réduit de TVA devrait s’appliquer au 1er janvier 2012 pour le livre numérique. Monsieur le ministre, j’insiste pour que le Gouvernement veille à ce que les modalités d’application du passage à 7 % du taux de TVA permettent de ne pas alourdir les charges des libraires.
S’agissant de la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, le Sénat a eu raison, je le crois profondément, de se battre pour que les règles de fixation des prix s’appliquent à tous les professionnels, qu’ils soient ou non implantés en France.
L’adoption de la résolution européenne que j’avais déposée pour appuyer notre combat politique en faveur de la diversité culturelle à l’ère numérique a aussi permis d’« enfoncer le clou ». En définitive, la Commission européenne n’ayant pas exprimé de réserves sur cette loi, elle s’applique désormais.
Le marché du livre numérique va donc pouvoir se développer dans le respect de la chaîne de valeur de la filière et avec une offre légale croissante, ce que devrait d’ailleurs faciliter l’adoption de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des œuvres indisponibles du xxe siècle que j’ai déposée et que nous examinerons à la mi-décembre.
Dans ce contexte, l’évolution des crédits du programme recouvre un changement de périmètre, le soutien à la Cinémathèque française étant désormais assumé en totalité par le CNC, et un report des crédits non consommés en 2011 pour financer la « carte musique ». Toutefois, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, à l’article 39, tendant à réduire de plus de moitié ce report. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, les crédits de paiement augmentent de 10 millions d’euros au titre de la contribution spécifique de la Bibliothèque nationale de France au financement des travaux de réaménagement du « quadrilatère Richelieu ». Il s’agit ainsi de renforcer le pôle scientifique et culturel en matière d’histoire de l’art.
Les crédits inscrits au titre de l’édition, de la librairie et des professions du livre sont stables. Le Centre national du livre, le CNL, est cependant essentiellement financé par le produit de taxes affectées, qui sera plafonné en application de l’article 16 ter du projet de loi de finances. Ce sujet a déjà été largement débattu mardi soir, notre commission ayant souhaité exclure les opérateurs culturels du champ de la mesure mais n’ayant pas été suivie par la commission des finances.
Il ne faudrait pas que ce dispositif fragilise cet opérateur qui apporte un soutien vital à un secteur en grande difficulté, compte tenu notamment de la mutation numérique. L’incidence de cette mesure sur le CNL est évaluée à environ 2 millions d’euros pour 2012.
Monsieur le ministre, ce manque à gagner sera-t-il compensé par une dotation budgétaire ? En tout état de cause, pouvez-vous nous garantir que le CNL aura les moyens d’assumer pleinement l’ensemble de ses missions ?
Par ailleurs, donnerez-vous suite au projet, qui fait un peu figure d’arlésienne, de réforme de l’assiette de la taxe reprographie-impression ? Cela étant, si le plafond de cette taxe n’était pas rehaussé, cela ne nous aiderait pas à conforter les ressources du CNL. Nous comptons donc sur la commission mixte paritaire pour améliorer le dispositif de l’article 16 ter…
Je me réjouis de la bonne application des propositions pour le développement de la lecture et du « plan livre », renforcé par les mesures annoncées en mai 2011, ainsi que de la hausse des crédits consacrés au développement de la lecture et des collections. Donner et redonner le goût de la lecture est essentiel : sur ce point, je crois que le Sénat est unanime.
Les difficultés du secteur de la musique enregistrée appellent un renforcement du soutien en sa faveur. Monsieur le ministre, travaillez-vous à une amélioration du crédit d’impôt phonographique ? Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser les pistes de réflexion suivies par la mission de préfiguration d’un éventuel futur centre national de la musique, en termes de calendrier, de périmètre et de mode de financement ?
Enfin, nous estimons que le secteur du jeu vidéo mérite une attention plus soutenue des pouvoirs publics. Pour avoir visité avec vous plusieurs établissements de la région Nord-Pas-de-Calais, je pense, monsieur le ministre, que c’est également votre avis. Cette industrie créative en forte croissance crée de nombreux emplois qualifiés et exporte largement sa production.
Les industries créatives, qu’elles soient en mutation ou en pleine expansion, méritent pleinement le soutien croissant que leur consacrent le Gouvernement et le Parlement.
La commission de la culture n’a pas suivi son rapporteur et a donné un avis défavorable aux crédits alloués au programme 334 pour 2012. Cela ne nous empêche pas de tous apprécier la pensée d’Aimé Césaire, pour qui « la culture précède le politique ». Pour notre part, nous pensons en outre qu’elle doit l’accompagner ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis.
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour l’audiovisuel extérieur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire récente de l’audiovisuel extérieur de la France est celle d’un terrible gâchis.
Notre audiovisuel extérieur, qui vise à renforcer l’influence de la France dans le monde par le rayonnement de sa culture et de sa langue, revêt une triple dimension.
Radio France Internationale, radio polyglotte, a su construire une identité et conquérir une large audience, notamment en Afrique.
TV5 Monde, chaîne multilatérale, a également su séduire un large public francophile et francophone.
La dernière née, France 24, chaîne d’information internationale, n’est pas devenue une « CNN à la française », mais a néanmoins su se développer via une diffusion large en trois langues.
L’existence de ces trois structures constitue un atout mais appelle aussi des réponses à trois problématiques : celle de la coexistence de ces médias ; celle de leur gouvernance, avec le défi de faire vivre des médias libres et indépendants, au service de notre politique extérieure ; celle de leur financement, dans un contexte international concurrentiel.
Sur ces trois points, je considère – et j’ai été suivie par mes collègues de la commission – que les gouvernements qui se sont succédé depuis bientôt cinq ans ont échoué.
La création de la holding AEF a provoqué des déchirements et des scandales à répétition, qui ont au final très fortement hypothéqué l’avenir de notre diplomatie audiovisuelle : RFI n’a jamais connu autant de grèves, TV5 Monde s’est sentie délaissée, souvent à raison, et France 24 est au bord de l’implosion.
Premier constat, la coexistence des trois médias dans une entité unique n’a pas réussi. En fait, AEF a plutôt eu tendance à privilégier France 24, dont les crédits ont augmenté sans que sa réussite soit réellement démontrée. En revanche, RFI et TV5 Monde ont été les parents pauvres de la holding avec des diminutions de crédits et un plan social pour RFI.
Deuxième constat, le mode de gouvernance a échoué. Depuis sa création, AEF n’est pas parvenu à se mettre d’accord avec l’État sur sa trajectoire financière et n’a donc pas, en toute illégalité, conclu de contrat d’objectifs et de moyens. La tutelle a été tout simplement fantomatique. Son manque d’implication a été tel que le Gouvernement a dû missionner l’Inspection générale des finances afin de faire le jour sur la situation financière réelle d’AEF.
Troisième constat, le financement s’est clairement avéré insuffisant pour faire vivre harmonieusement les trois structures. Un doute sérieux plane sur la capacité des différents acteurs à effectuer leur mission. Il y aurait ainsi une zone d’incertitude budgétaire de près de 55 millions d’euros pour la période 2011-2013.
Après avoir fait ces constats navrants, la question qui se pose dès lors est celle de l’avenir de l’audiovisuel extérieur de la France.
La dotation globale diminue de 12,3 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012, voire de 1 million d’euros supplémentaire si nous approuvions le budget adopté par l'Assemblée nationale. Cette baisse des crédits est théoriquement rendue possible grâce aux synergies liées à la fusion.
Le constat de l’Inspection générale des finances est formel : l’impact des synergies sera limité.
Le projet de fusion manque nettement de cohérence. Prenons l’exemple symptomatique du déménagement de RFI. Deux arguments ont été évoqués afin de le justifier : les économies budgétaires réalisées en matière de loyers et la logique de rapprochement des équipes dans le cadre d’une entreprise unique.
Le premier argument ne tient pas. Selon l’IGF, le déménagement se traduira au contraire par des surcoûts de 0,5 million d’euros par an, sans compter le coût de l’opération, qui s’établirait à 25 millions d’euros.
Le second argument est pleinement légitime, mais ne trouve aucune réalité concrète. En effet, le nouveau bâtiment sera dédié uniquement à RFI, en contradiction totale avec l’idée de l’entreprise unique de réunir les rédactions de France 24 et de RFI.
Bref, ce projet de déménagement est à la fois coûteux et démobilisateur, alors que rien n’obligeait RFI à quitter la Maison de la radio.
Le feuilleton à rebondissements d’AEF peut-il finir par un happy end ou doit-il aboutir à une séparation de ses membres ?
Je vous avoue être extrêmement sceptique sur le projet de fusion d’une télévision et d’une radio. Le projet commun n’est pas enthousiasmant : même le site internet unique n’a pas été correctement réalisé. On est en train d’assister à un mariage forcé, et j’ai la conviction que, avec ce projet de fusion, on risque de lâcher la proie – notre rayonnement culturel international – pour l’ombre, à savoir des économies budgétaires improbables et très limitées.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits relatifs à l’audiovisuel extérieur de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, rapporteur pour avis.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’audiovisuel extérieur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous exposer les raisons qui ont motivé la commission des affaires étrangères à recommander au Sénat de marquer, par un rejet des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », sa désapprobation à l’égard de la gestion de l’audiovisuel extérieur.
Concernant le programme 115, il nous est demandé d’approuver une dotation globale de ressources publiques de 315,2 millions d’euros, allouée à la holding AEF, qui est composée de France 24, RFI et TV5 Monde.
Le premier constat inquiétant est la baisse significative de cette dotation après sept années de hausse : 4,15 % par rapport à 2011 en tenant compte du « rabot » adopté par l’Assemblée nationale. Cette diminution des crédits était annoncée et reposait sur les « économies attendues dans le cadre de la réorganisation opérationnelle » d’AEF. Or force est de constater aujourd’hui que les effets de la réforme engagée n’apparaissent pas suffisants pour compenser cette baisse de la dotation, comme les différents opérateurs n’ont pas manqué de nous le faire savoir.
Tout d’abord, les ressources propres restent faibles.
Ensuite, les mutualisations et les synergies escomptées ne sont pas au rendez-vous, comme en témoignent les difficultés récurrentes au sein des trois opérateurs. Je pense notamment aux mouvements sociaux et au déménagement retardé de RFI sur le site de France 24.
Enfin, et surtout, les synergies ne peuvent pas être analysées et commentées, en raison de l’absence d’indicateurs suffisants et d’un contrat d’objectifs et de moyens attendu depuis deux ans et toujours pas signé, comme l’a rappelé Claude Belot.
Le second constat, plus inquiétant encore, tient à la répartition de la dotation globale entre les opérateurs. Dans sa réponse aux questionnaires budgétaires, le Gouvernement indique que, pour 2012, « la répartition des financements entre les différentes sociétés de la holding n’est pas disponible ». Or nous constatons que c’est France 24 qui a absorbé l’essentiel des augmentations de crédits depuis 2004.
Le Parlement est-il donc aujourd’hui en mesure d’apprécier sur quels critères AEF se fonde pour attribuer les crédits entre ses composantes et quelle sera la répartition pour 2012 ?
Le rapport demandé à l’Inspection générale des finances par le Gouvernement ne nous a pas été communiqué directement, mais a été mis en ligne voilà quinze jours. Il ne me semble pas apporter des garanties sur ce point, bien au contraire ! Il suggère d’appliquer vis-à-vis d’AEF un « principe de précaution budgétaire », signale plusieurs irrégularités dans la gestion financière de la holding et estime nécessaire de « favoriser l’exercice d’une tutelle effective et efficace ».
Ces constatations placent donc, selon moi, le Parlement face à ses responsabilités : il lui revient aujourd’hui de sanctionner une gouvernance pour le moins légère, qui ne respecte ni les critères essentiels de transparence et de clarté ni la légalité. Par ailleurs, les turbulences de cette gouvernance n’ont en rien contribué au rayonnement extérieur de la France.
Le but de la création d’AEF se résumait en un mot : la recherche de synergies. Mais il n’y a de véritable synergie qu’entre ceux qui ont suffisamment d’affinités pour vivre ensemble. Toute la question est donc de savoir si ce mariage entre une chaîne d’information, France 24, une radio généraliste, RFI, et une chaîne généraliste, TV5 Monde, est viable à long terme. La question mérite d’être sérieusement posée.
Afin de sécuriser et de pérenniser le pilotage d’AEF, il me paraît pertinent, à ce stade, d’évoquer quelques pistes de réflexion : la holding AEF pourrait être réaménagée, en songeant notamment à rechercher et à trouver des partenariats plus opérationnels pour certaines de ses entités ; des perspectives nouvelles pourraient être offertes à TV5 Monde, parent pauvre de la holding, alors que la chaîne francophone demeure le principal outil télévisuel de rayonnement mondial de la France ; il faudrait également accroître la participation des collectivités territoriales au processus de rayonnement audiovisuel.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais porter à votre connaissance le souhait majoritaire de la commission, partagé notamment par ma corapportrice pour avis Mme Garriaud-Maylam, de voir AEF rattaché au ministère des affaires étrangères, la multiplicité des tutelles étant un facteur certain de dilution des responsabilités.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’audiovisuel extérieur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer l’initiative de la commission des affaires étrangères d’instituer un binôme pour les rapports budgétaires.
Je me réjouis d’avoir pu travailler en parfaite intelligence avec mon corapporteur pour avis Yves Rome. Nos points de vue ont d’ailleurs convergé sur un grand nombre de points, même si nos prises de position se sont séparées au moment de la décision finale. En effet, la commission des affaires étrangères a émis, vous le savez, un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
L’absence de conclusion du contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la holding en charge de l’audiovisuel extérieur de la France a été, à mon sens, la pierre angulaire du raisonnement qui a conduit à ce rejet. Le président d’AEF a tenté devant nous de minimiser l’ampleur de ce désaccord en le résumant à de petites difficultés ponctuelles. Pourtant, après avoir écouté le point de vue de l’État, on peut se demander si l’absence de contrat d’objectifs et de moyens ne doit pas être imputée à une divergence bien plus profonde sur la stratégie et la trajectoire financière de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Beaucoup de critiques, parfois injustes, ont ainsi été adressées à AEF et à l’État. Je tiens cependant à rappeler plusieurs éléments de contexte que l’on ne peut pas, et que l’on ne doit pas, ignorer.
On recense aujourd’hui plus de 27 000 chaînes de télévision dont 57 chaînes d’information. Qui pourrait croire qu’une nouvelle réorganisation de l’audiovisuel extérieur pourrait permettre, par un simple « coup de baguette magique », de diminuer une pression concurrentielle inédite, qui rend plus difficile que jamais l’accès aux ressources publicitaires ? Ces réalités s’imposent non seulement à l’AEF, mais aussi à l’audiovisuel extérieur de nos principaux partenaires européens.
J’ajoute qu’il faut être attentif aux réflexions en cours, menées notamment à l’Assemblée nationale : ne risquent-elles pas de nous faire revenir en arrière en dispersant des entités que l’on a légitimement voulu regrouper pour leur donner une cohérence d’ensemble et une véritable lisibilité ?
Enfin, le rôle de l’État dans cette affaire est difficile. Voyez le tollé qui s’élève lorsqu’il est soupçonné d’intervenir dans l’audiovisuel, alors que, dans le même temps, nous le savons, il serait totalement irresponsable de laisser indéfiniment croître les financements publics.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis, à titre personnel, favorable au vote de ce budget. L’arrêt de l’augmentation des crédits accordés à AEF me paraît légitime et raisonnable, l’institution devant entrer aujourd’hui dans un rythme de croisière après plusieurs années d’investissements très importants liés au lancement de France 24. Pour autant, j’estime nécessaire de réfléchir à certains ajustements.
Je commencerai par relever ce qu’il ne faut pas faire.
Il est impératif de veiller à ce que les économies budgétaires ne portent pas préjudice au cœur de métier d’AEF. En particulier, le budget de diffusion doit être maintenu. Je réfute donc la préconisation de l’Inspection générale des finances de diminuer les crédits de diffusion de TV5 Monde.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Il ne faut pas de bouleversement institutionnel non plus, mais il nous faut veiller à ce que TV5 Monde et RFI ne sortent pas affaiblies de la réforme en cours. Je voudrais d’ailleurs appeler votre attention sur un amendement que je présenterai visant justement à défendre TV5 Monde face à certaines dispositions nocives. Je rappelle que cette chaîne, généraliste et francophone, est un atout considérable pour l’influence de notre pays et de notre culture. En Asie, par exemple, si TV5 Monde est la seule chaîne francophone à être diffusée, c’est parce qu’elle est internationale et généraliste.
S’agissant de France 24, autant il me semblait essentiel d’avoir une chaîne arabophone, dont l’impact a été aussi important que positif pendant ce qu’on a appelé les « printemps arabes », autant je suis un peu plus dubitative quant à la nécessité de la diffuser en anglais, surtout si, comme j’ai pu le constater à de nombreuses reprises, le rôle de la France n’y est pas suffisamment valorisé. Pourtant, cela devrait être sa mission première.
Le recours accru au sous-titrage d’émissions me paraît devoir être exploré. À cet égard, je m’interroge sur l’idée reçue selon laquelle les Anglo-Saxons ne regardent pas les émissions sous-titrées.
France 24 doit proposer une analyse et un regard français sur le monde, mais elle doit aussi favoriser la diffusion de notre langue et l’envie de la pratiquer. La défense du plurilinguisme est essentielle ; elle s’inscrit aussi dans la perspective de la défense de la diversité culturelle, valeur phare de la francophonie et de la construction européenne.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Ainsi, si les contraintes budgétaires ont conduit à une diminution du nombre de langues utilisées par RFI, il semble important d’arrêter ces suppressions et de nous donner les moyens de lancer rapidement une diffusion dans une nouvelle langue, si celle-ci peut nous aider à faire passer certains messages et certaines valeurs.
La limitation à cinq minutes du temps de parole qui m’est accordé m’oblige à terminer mon propos par une remarque qui m’est personnelle, mais qui a fait l’objet d’un accord quasi unanime au sein de la commission des affaires étrangères.
Manifestement, la conduite de l’audiovisuel extérieur n’est pas simple. Il faut retenir les leçons du passé : la multi-tutelle s’accompagne souvent d’effets contre-productifs.
Monsieur le ministre, cela me gêne de dire cela devant vous – j’espère que vous ne m’en voudrez pas –, mais, pour clarifier la mission de l’audiovisuel extérieur de la France, la priorité doit à mon sens être accordée au ministère des affaires étrangères et européennes, afin d’inscrire AEF dans une modernité attentive et réactive, notamment en matière de cohérence, de lisibilité, d’adaptabilité et de choix stratégiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Il est bientôt une heure du matin. Je vous invite à respecter votre temps de parole, même si je saurai faire preuve d’un peu de souplesse.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucun programme n’est épargné dans cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Toutefois, afin de respecter mon temps de parole, je me concentrerai sur l’audiovisuel et sur la presse écrite.
Cela a été rappelé : la baisse des crédits en faveur de l’audiovisuel est en partie due à la fin du passage à la télévision numérique, mais elle est aussi le fruit d’un véritable désengagement de l’État de la holding Audiovisuel extérieur de la France, dont les crédits sont en baisse de 3,5 %. Je ne reviens pas sur cette situation, qui a déjà été évoquée par les rapporteurs pour avis.
En outre, des dispositions particulièrement préoccupantes concernant l’audiovisuel public français ont été introduites.
Durant cette législature, l’audiovisuel public a été soumis à des réformes qui ont remis en cause son indépendance ainsi que la pérennité du financement de France Télévisions. Je pense à la réforme de 2009, qui a instauré la désignation des présidents de Radio France, d’Audiovisuel extérieur de la France et de France Télévisions par le Président de la République, mais surtout, et cela est en lien direct avec les préoccupations budgétaires qui nous animent aujourd’hui, à la suppression immédiate de la publicité après vingt heures sur France Télévisions : ce premier pas vers la suppression totale a été décidé sans aucune anticipation des conséquences. Bien loin de se poser en défenseurs de la publicité, nous sommes forcés de constater que la suppression de cette dernière entraîne avec elle une partie des ressources publicitaires du groupe.
Au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous n’avons cessé de dénoncer cette suppression prétendument vertueuse, qui, en réalité, affaiblit financièrement, et donc stratégiquement, le service public de la télévision, et qui ne manquera pas d’impacter durement – et durablement – les finances publiques. C’est d’autant plus vrai que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de mettre l’audiovisuel public à contribution pour réunir les 500 millions d’euros d’économies exigées par le Premier ministre. Ainsi, France Télévisons serait amputée de 15 millions d’euros ; Arte, AEF et l’INA, de 1 million d’euros chacun, quand Radio France se verrait raboter 2 millions d’euros ; nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.
Mais cela n’est pas tout : les ressources publicitaires de France Télévisions étant, malgré les difficultés que le Gouvernement lui a créées, supérieures aux prévisions, ce « surplus » serait pris en compte pour réduire d’autant la compensation que verse l’État au groupe.
Cet acharnement contre les chaînes de télévisions publiques est incompréhensible, voire scandaleux. Il est d’autant plus étonnant que la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet – l’une des compensations financières de la suppression de la publicité prévue par la loi de 2009 – est actuellement remise en cause par l’Europe, ce qui pourrait causer une perte de 250 millions d’euros pour France Télévisions.
En outre, la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées, autre compensation prévue par la loi de 2009, a déjà été rabotée l’an dernier, grâce à l’action d’un lobby puissant, et ne rapporte désormais plus que de faibles sommes.
Au lieu de mettre en avant l’augmentation, par rapport à 2011 – année pour laquelle les crédits ont été particulièrement bas –, de la part du budget « Médias » accordée à France Télévisions, le Gouvernement serait bien avisé de prendre en compte ces paramètres avant que France Télévisions ne se retrouve complètement exsangue.
Je me félicite que la commission de la culture soit, dans la lignée du travail de Jack Ralite, porteuse d’un véritable projet pour France Télévisions. Je soutiens donc pleinement les amendements visant à élargir l’assiette de la redevance ou à réaffecter à l’audiovisuel public les 20 millions d’euros : je pense notamment à l’amendement portant suppression de l’article 52 ter, lequel vise à diminuer la dotation de l’État en fonction des performances de la régie publicitaire.
Ces dispositions s’inscrivent dans les préconisations pour « sauvegarder le service public de la télévision » que nous avions développées dans une proposition de loi déposée en 2010 et qui sont chères à l’actuelle majorité sénatoriale. Nous faisons ainsi la preuve que, dans un contexte budgétaire difficile, la majorité du Sénat peut porter une véritable ambition alternative pour l’audiovisuel public.
Concernant la presse écrite, les crédits sont en baisse puisque les aides directes à la presse diminuent de 6 % par rapport à 2011. Certes, cela correspond à la fin du plan d’aide exceptionnel de soutien conclu à la suite des états généraux de la presse, mais nous n’en sommes pas moins inquiets pour l’avenir d’un secteur qui reste extrêmement fragile. La situation de France Soir et de La Tribune en est l’illustration. D'ailleurs, je veux assurer de mon soutien l’ensemble des salariés de ces deux organes de presse, dont certains, ce soir, assistent au débat, et je l’affirme : l’État a une responsabilité en ce domaine.
Le pluralisme est menacé. À titre d’exemple, le journal France Soir, qui devrait voir sa version papier supprimée au profit de sa seule version numérique, est en danger.
Alors que les aides à la modernisation de la presse pour 2012 sont en baisse de 8 %, le Gouvernement, qui affirme pourtant vouloir favoriser l’adaptation des journaux aux nouvelles technologies, se désengage de France Soir, laissant présager la faillite du projet. Il ne faudrait pas que ce journal populaire évolue vers le populisme !
Je l’ai dit, des emplois sont en danger : quatre-vingt-neuf emplois au siège, l’imprimerie située en région parisienne menacée de fermeture et autant d’emplois induits risquent d’être supprimés dans les imprimeries de province ainsi que dans le circuit de la distribution.
Je le répète, l’État a une responsabilité : des millions d’euros d’aides ont été accordés, au titre de la presse écrite, à France Soir. Aujourd’hui, à quoi cette aide a-t-elle servi ?
Monsieur le ministre, je vous demande de réunir dans les plus brefs délais une table ronde qui pourrait rassembler les dirigeants, les représentants syndicaux et l’État pour envisager un autre avenir pour France Soir et, ainsi, examiner l’utilisation et l’efficacité de l’aide qui lui a été versée. En effet, dans ce champ, comme dans d’autres, le contrôle de l’utilisation des fonds publics accordés aux entreprises, que préconisait, à l’époque, la loi Hue, est une nécessité et un enjeu démocratique pour notre pays.
La presse et l’audiovisuel dans notre pays doivent être soutenus. Notre vote sur cette mission budgétaire dépendra donc du sort qui sera réservé à certains amendements.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont nous examinons aujourd’hui les crédits, revêt une importance particulière.
Les événements qui se sont produits dans le monde arabe cette année rappellent, s’il en était besoin, l’importance stratégique de ce secteur pour la mise en place et le bon fonctionnement d’une démocratie. Mais revenons au contexte national, qui nous intéresse plus particulièrement ici.
Monsieur le ministre, nous avons conscience que le contexte dans lequel vous avez dû bâtir votre budget n’était a priori guère favorable : crise financière, dette et déficits publics abyssaux, plans de rigueur budgétaire… S’il est vrai que les crédits consacrés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » restent stables, à 4,6 milliards d’euros, il n’en demeure pas moins que les choix que vous avez opérés pour construire votre budget nous semblent, à plusieurs égards, contestables ou, du moins, pas à même d’aider à relever les défis importants auxquels se trouve confronté le secteur des médias aujourd’hui, notamment à l’heure du passage au numérique.
Je m’arrêterai plus particulièrement sur les secteurs de la presse et de l’audiovisuel. En effet, dans ces deux domaines, la situation nous semble à maints égards très préoccupante.
Cependant, avant de développer plus avant mon propos, je reviens un court instant sur le secteur du livre. Si nous n’avons pas d’opposition majeure sur les crédits qui lui sont consacrés, nous regrettons la volonté du Gouvernement de profiter du projet de loi de finances pour porter, dès le 1er janvier prochain, le taux de plusieurs produits, dont celui du livre, de 5,5 % à 7 %.
Venons-en maintenant à la presse.
Dans ce secteur, que l’État soutient à hauteur de 1,2 milliard d’euros, mon collègue Jean-Pierre Plancade et moi-même avons le sentiment que les problèmes demeurent, alors même que ce budget aurait pu être l’occasion d’envisager certaines réformes structurelles majeures. Citons, par exemple, la diffusion des titres les plus aidés, aujourd’hui en recul, ou les promesses d’amélioration de la situation des diffuseurs ou de développement du réseau des points de vente, démenties par les faits. Il est vrai que cette situation résulte pour partie de la crise économique et du développement d’internet, et n’est donc pas imputable aux seuls choix budgétaires.
Il n’en demeure pas moins qu’un meilleur ciblage des crédits consacrés à la presse aurait contribué à l’améliorer. En effet, en dépit des priorités affichées lors des états généraux de la presse écrite, l’aide à la presse en ligne ne dépasse pas 20 millions d’euros, sur un total d’aides à la presse s’élevant, rappelons-le, à 1,2 milliard d’euros.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l’aide au portage, lequel est pourtant censé représenter l’avenir de la distribution de la presse, passent de 68 millions d’euros à 45 millions d’euros, ce qui représente une diminution d’un tiers.
De la même manière, le total des aides directes à la presse affiche une diminution de 6 % par rapport à 2011, quand les aides à la modernisation du secteur enregistrent, cette année encore, une baisse de 8 %.
Enfin, le rééquilibrage du soutien en faveur des titres d’information politique générale n’a pas eu lieu : la presse quotidienne nationale bénéficie seulement de 15 % des aides, alors que 35 % de ces dernières reviennent à la presse magazine.
Ces différents exemples montrent que le budget qui nous est soumis a manqué l’occasion de procéder à un meilleur ciblage des aides, l’une des réformes pourtant nécessaires pour donner au secteur de la presse les moyens de surmonter les difficultés auxquelles il est confronté.
Venons-en à présent au secteur de l’audiovisuel et arrêtons-nous un instant sur l’audiovisuel extérieur.
Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis Claudine Lepage, nous sommes en ce domaine face à un véritable « gâchis ». La réforme initiée en 2008, qui a conduit à la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, est un échec ; les raisons en sont multiples et tristement connues de tous. Le projet de fusion suscite partout de vives inquiétudes et risque fort de fragiliser le devenir de notre rayonnement culturel extérieur. En outre, dans le rapport qu’elle a consacré à cette question, l’Inspection générale des finances dément que cette fusion dégage des synergies significatives et permette donc de faire de véritables économies budgétaires. Malgré tout, le montant de la dotation accordée à AEF diminue cette année de 3,8 %.
Nos préoccupations ne se limitent malheureusement pas à l’audiovisuel extérieur ; elles concernent également notre secteur public national. Vous vous en doutez : je pense bien évidemment à la situation de France Télévisions.
Dès le départ, mon groupe n’a eu de cesse d’alerter sur le danger que représentait la suppression de la publicité sans que la compensation du manque à gagner soit assurée de manière pérenne. Nos inquiétudes étaient malheureusement fondées. En effet, la suppression de la publicité est en partie financée, d’une part, par une aggravation du déficit public et, d’autre part, par la taxe télécom. Or il est très probable que l’Union européenne nous oblige à rembourser cette dernière, c’est-à-dire contraigne l’État à restituer aux opérateurs de télécommunications plus de 1 milliard d’euros.
En outre, ce projet de budget prévoit que les éventuels surplus réalisés par la régie publicitaire de France Télévisions seront rendus à l’État.
Toutes ces dispositions, on le voit, fragilisent la situation financière de France Télévisions. Un doute raisonnable quant à la pérennité du financement du service public audiovisuel, et donc sur la capacité pour ce dernier de continuer à honorer avec toute la qualité requise les missions qui sont les siennes, est donc permis. Ce doute est atténué, il est vrai, par le bilan un peu plus encourageant des autres groupes de l’audiovisuel public : Radio France, Arte, l’INA. Cependant, là encore, restons vigilants et ne nous réjouissons pas trop vite. Le financement de ces groupes n’est pas non plus pérenne, en témoigne le vote par l’Assemblée nationale, la semaine dernière, d’une disposition tendant à diminuer de 20 millions d’euros les ressources de France Télévisions et de ces autres groupes. Nous pourrions y remédier ce soir, grâce à l’adoption d’un amendement tendant au rétablissement de ces crédits.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop de doutes et d’inquiétudes subsistent pour que nous approuvions ce budget. Gouverner, c’est faire des choix. Or les choix que vous avez opérés sur deux points à nos yeux fondamentaux, à savoir l’attribution des aides à la presse et le financement du secteur de l’audiovisuel, ne nous semblent pas opérationnels. Ils fragilisent des secteurs qui auraient au contraire besoin d’être accompagnés, ils ne leur donnent pas les moyens de relever les défis auxquels ils sont confrontés et ils n’amorcent pas la résolution des problèmes structurels qui sont les leurs. Il s’agit à notre sens d’une occasion manquée, et nous le regrettons.
Vous comprendrez que, au nom de mes collègues du RDSE, je réserve mon vote en fonction de l’adoption de certains amendements.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte de crise dans lequel est examiné le projet de loi de finances a été rappelé par Jean-Jacques Pignard. Comme vous l’avez indiqué lors de votre audition par la commission de la culture, monsieur le ministre, un effort de rigueur budgétaire important a ainsi été demandé à l’audiovisuel – France Télévisions, Radio France, l’INA et Arte –, effort qui aurait pu, selon moi, être réparti de façon plus équilibrée.
Pour l’Institut national de l’audiovisuel, la dotation publique proposée en 2012 diminuera de 1 million d’euros, ce qui ne sera pas sans conséquence, compte tenu de l’importance de la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives, aujourd'hui menacées. Néanmoins, l’essentiel pour le secteur aura été préservé et le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » reste globalement en légère progression. Cela était nécessaire pour que soient poursuivies les réformes voulues par le Gouvernement dans un secteur en profonde mutation.
S’agissant de France Télévisions, pour apprécier la mise en adéquation des moyens aux grands chantiers qui ont été engagés, il aurait été important, mes chers collègues, d’examiner ce budget à la lumière de l’avis que nous devions rendre sur le contrat d’objectifs et de moyens. Je regrette que le changement de majorité ait été le prétexte à ne permettre ni l’exploitation ni même la présentation des travaux que j’ai réalisés pendant l’été, en tant que rapporteur pour avis de la mission. Ceux-ci auraient pu utilement alimenter notre réflexion collective.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Certes !
Mme Catherine Morin-Desailly. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, comme je l’avais défendu lors de la dernière loi de finances, met en adéquation sa durée avec celle du mandat du président et redéfinit les priorités que doit se donner l’entreprise unique.
Je me satisfais que deux d’entre elles, parmi les plus importantes – le renforcement de l’identité des chaînes, notamment France 3, et le média global, très en retard –, soient issues des préconisations que nous avions formulées avec mon collègue de la commission des finances, Claude Belot, à la suite de la mission de contrôle sur l’adéquation du financement de France Télévisions à ses moyens. Cette mission, réalisée au cours de l’année 2010, était nécessaire à l’époque pour clarifier les présupposés quant à la gestion du service public. Elle a mis en lumière les économies qu’il est possible de réaliser, au regard notamment des besoins pour conduire la réforme.
Alors que France Télévisions doit faire face à un cahier des charges très exigeant, je citerai par exemple les 420 millions d’euros d’investissements obligatoires dans la création, notons que la résorption du déficit a été réalisée plus vite que prévu. Pour autant, la mise en place de l’entreprise unique est un chantier de longue haleine et, face aux évolutions technologiques, l’instauration d’une offre numérique complète – plateforme d’information et de sport, réseaux sociaux, télévision connectée – nécessite des efforts soutenus.
Je vous rappelle que j’avais déposé l’année dernière un amendement visant à élargir l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public ; je m’étais alors retrouvée bien isolée en séance… Cette année encore, l’idée a été défendue, cette fois par des sénateurs de gauche. Mais notre nouvelle rapporteure générale n’a pas non plus été sensible à une proposition qui permettait de moins grever le budget de l’État, d’autant que l’une des taxes affectées, comme nous l’avions prévu, est aujourd’hui invalidée par Bruxelles. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai déposé un amendement concernant les surréalisations de la régie publicitaire de France Télévisions.
D’une façon générale, la position de mon groupe sur la réforme de l’audiovisuel public a été constante : défendre la suppression totale de la publicité, à condition que celle-ci soit intégralement compensée par des ressources de nature publique, pérenne et dynamique. Avec Claude Belot, nous avions à cet égard proposé l’an passé un moratoire sur la suppression de la publicité avant vingt heures, et ce jusqu’en janvier 2016.
L’objectif que nous nous fixons n’est donc pas le même que celui que défend notre rapporteur pour avis actuel, M. Assouline, qui ne souhaite pas, bien au contraire, libérer les chaînes de la tyrannie de l’audience. Or cette clarification est d’autant plus souhaitable que les dernières évolutions, à travers le téléviseur connectable, ouvrent le paysage audiovisuel à toujours plus de concurrence, pour l’ensemble du secteur.
Nous sommes également très attentifs aux problématiques relatives à la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France, un enjeu majeur pour porter nos valeurs à travers le monde. Cette modernisation, décidée dès 2007, vise à mieux coordonner les différentes entités, mais les derniers événements et l’absence de contrat d’objectifs et de moyens font naître des questions sur le modèle proposé, en dépit des succès rencontrés. N’aurait-il pas mieux valu, à l’instar de la BBC, rattacher France 24 à France Télévisions et RFI à Radio France…
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis. Bonne question !
Mme Maryvonne Blondin. En effet !
Mme Catherine Morin-Desailly. … et doter TV5 Monde, vecteur de la francophonie, d’une structure ad hoc ?
Nous devrions également réfléchir à l’ouverture d’Arte à d’autres partenaires européens, afin non seulement de renouveler une offre de qualité qui reçoit cependant un trop faible écho, mais aussi de promouvoir l’Europe, qui en a tant besoin aujourd'hui.
L’audiovisuel, c’est bien sûr la télévision, mais aussi la radio. Cette année, nous célébrons le trentième anniversaire de la bande FM, âge de la maturité. L’enjeu, pour les dix prochaines années, c’est la révolution numérique que devra effectuer la radio à travers deux modalités principales : la radio numérique terrestre, la RNT, et la radio IP.
La radio numérique terrestre est la voie privilégiée par le législateur. Elle a été évoquée dès 2007 dans le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, puis en 2009 dans la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Le Parlement a toujours milité en faveur du déploiement de la radio numérique sur l’ensemble du territoire métropolitain. Ce n’est donc pas parce que la RNT ne se fera pas en un jour qu’il ne faut pas la faire. Il nous faudra en effet trouver ensemble et progressivement les conditions d’un modèle économique pertinent qui fait encore défaut aujourd’hui.
Je dirai quelques mots, enfin, sur l’univers de l’écrit.
Il faut indéniablement conforter la presse. Concernant l’alignement du taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée, sujet sur lequel j’ai moi-même déposé un amendement, je me félicite que le Sénat milite en faveur d’un même traitement fiscal pour tous les supports de diffusion. Pour donner toutes ses chances à l’émergence, en cours, de nouveaux modèles économiques, l’adaptation fiscale doit être concomitante. Cette évolution doit naturellement dépasser le seul cas de la France. Il faut d’ailleurs se féliciter que les parlementaires européens aient récemment adopté, à une très large majorité, une résolution sur la TVA dans laquelle ils soutiennent l’application d’un taux réduit pour la presse en ligne.
La France a déjà fait un pas important l’an dernier pour le livre. Grâce au décret d’application publié le 11 novembre dernier, le livre bénéficiera, dès le 1er janvier 2012, d’un taux de TVA unique, quel que soit le support de sa diffusion. Le groupe centriste avait plaidé pour cette mesure que j’avais moi-même défendue dans cet hémicycle au nom de la commission de la culture. Le projet de budget pour 2012 est donc une nouvelle occasion pour notre pays de confirmer son rôle moteur dans l’Union européenne.
Je conclurai cette intervention en exprimant une crainte concernant le rehaussement annoncé par le Gouvernement du taux intermédiaire de TVA de 5,5 % à 7 %. Cette hausse, décidée du jour au lendemain, touchera notamment un secteur aujourd’hui fragile : la librairie.
Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. Or, pour ce commerce de détail, la rentabilité moyenne n’est que de 0,3 % du chiffre d’affaires. Ainsi, les libraires devront demain absorber sur leur marge la hausse de la TVA, ce qui représente un risque réel sur les millions de livres qu’ils ont en stock. Cela aboutira à diminuer la valeur de leur stock de 1,5 % et à faire passer leur bénéfice de 0,3 % du chiffre d’affaires en moyenne à moins de 0,2 %. La majorité des libraires se trouve donc menacée.
Nous attendons donc la concertation que vous avez annoncée, monsieur le ministre, et le travail commun que vous comptez mener avec les libraires. Nous solliciterons, si besoin est, l’examen d’une clause de revoyure dès le projet de loi de finances rectificative en faveur de ce secteur très spécifique.
J’ai bien entendu vos propos, comme ceux du Président de la République, lors du récent forum d’Avignon, et je crois important de rappeler qu’« investir la culture », thème retenu par le forum cette année, c’est aussi investir dans la culture.
Sous réserve de ces observations, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ayant bien conscience que nous vivons des temps difficiles, où chacun doit prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je concentrerai l’essentiel de mon intervention sur les crédits et les aides de l’État en faveur de la presse écrite proposés par le Gouvernement pour l’année 2012. Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, en préambule, de rappeler quelques fondamentaux qui sont, à mon sens, susceptibles d’éclairer nos débats.
Pourquoi aide-t-on la presse écrite ? La question est abrupte, mais elle n’en est pas moins nécessaire. Après tout, d’un point de vue un peu simpliste, on pourrait tout simplement considérer que, les entreprises de presse écrite relevant toutes du secteur privé, il n’y a pas, dans l’absolu, de raison de leur accorder des aides publiques.
De fait, c’est tout de même cette logique qui prévaut aujourd’hui en matière d’aides au secteur des médias. Les engagements directs ou indirects de l’État à l’égard de la presse écrite ne représentent en volume que le quart des engagements publics envers l’audiovisuel, ceux-ci s’orientant quasi essentiellement vers les chaînes publiques.
Si l’on se place d’un point de vue moins idéologique et plus historique au regard des pratiques de notre pays en matière de politique publique, que constate-t-on ? On constate que la presse écrite, depuis la Révolution française, a toujours fait l’objet d’aides de l’État, notamment d’aides postales, et que celles-ci se sont renforcées et diversifiées au XXe siècle, après l’adoption de la loi Brachard de 1935 et plus encore après la Libération.
Nous aidons la presse écrite, parce que sa richesse et son pluralisme constituent une condition sine qua non de l’existence d’une vie démocratique pleine et effective dans notre société. Bien que de statut privé, les titres de presse remplissent, dans leur diversité et par leur pluralisme, une mission de service public à l’endroit de nos concitoyens.
Le problème aujourd’hui est que la presse écrite, en particulier la presse d’information générale, va mal et même très mal. France-Soir s’apprête à quitter définitivement les kiosques, et près d’une demi-douzaine de quotidiens régionaux se portent mal aujourd'hui. Enfin, last but not least, le quotidien La Tribune vient d’être placé en redressement judiciaire : 160 emplois sont en jeu, dont 80 emplois de journalistes.
La question est fondamentale puisque l’on risque de voir disparaître des kiosques, dans les mois qui viennent, deux quotidiens nationaux parmi la petite dizaine de titres que compte notre pays. La presse économique quotidienne se compose aujourd'hui de deux titres, et l’un d’eux risque de disparaître, au grand dam de la liberté d’expression et du pluralisme.
On l’a peu noté, mais c’est pourtant un signal majeur de la dégradation de la qualité globale de notre système d’information : pour la première fois en France depuis la Libération, le nombre de titulaires de la carte de presse, autrement dit de journalistes professionnels, a diminué en 2010. Cette baisse n’est pas conjoncturelle, elle est tendancielle : il y a à peine 35 000 journalistes professionnels en France, contre dix fois plus aux États-Unis et plus du double en Allemagne. Rapportés à la population de chacun de ces deux pays, ces chiffres soulignent le déficit inquiétant dont souffre aujourd'hui la France dans le concert désormais mondialisé de l’information.
Le nombre de journalistes, tous médias confondus, officiant dans le domaine de l’information générale, politique et internationale a encore plus fortement chuté.
Ce qui coûte le plus dans une rédaction, c’est l’information internationale de qualité, c’est-à-dire le fait de disposer de correspondants en poste à l’étranger. C’est là, malheureusement, qu’ont lieu aujourd'hui de nombreuses réductions d’effectifs. C’est pourtant ce qui permet à nos concitoyens, avec l’AFP, de disposer d’informations indépendantes des flux de dépêches dispensés, souvent à bas prix, par les agences de presse anglo-saxonnes.
Pour faire face à la concurrence accrue qui se développe aujourd'hui entre les supports – de plus en plus nombreux, alors qu’il y a de moins en moins de journalistes –, on diffuse une information low cost, de seconde ou de troisième main, non seulement sur les réseaux, mais parfois aussi dans les colonnes de nos titres les plus prestigieux.
La presse écrite va mal. De quoi souffre-t-elle et comment peut-on mieux l’aider ?
Elle souffre, car ses deux principales ressources financières – la diffusion payée et la publicité – sont en net recul. Les recettes publicitaires de la presse, particulièrement celles de la presse d’information générale, déclinent structurellement en France depuis de nombreuses années, notamment du fait de l’apparition de nombreux titres gratuits, non seulement dans la presse, mais également à la télévision et à la radio, compte tenu de l’émergence d’internet au début des années 2000.
Au sein du secteur global des médias, la télévision tire plutôt bien son épingle du jeu, mais c’est la presse écrite qui paie les pots cassés.
À l’intérieur même du marché de la presse écrite, c’est la presse magazine thématique qui capte aujourd'hui la majorité des ressources publicitaires. Souvent en assez bonne santé financière, ces magazines spécialisés emploient relativement peu de journalistes et produisent globalement assez peu d’information générale. Ils bénéficient néanmoins du taux préférentiel de TVA à 2,1 % appliqué indistinctement à la presse.
Les quotidiens payants en France ne tirent en moyenne qu’à peine 30 % de leurs revenus de la publicité. C’est la principale raison pour laquelle un quotidien en France coûte si cher par comparaison au prix d’un magazine. Cela a naturellement un impact direct sur le niveau de diffusion des journaux en France.
La principale ressource de la presse écrite d’information générale, celle de la diffusion payée, ne cesse de se dégrader, mettant ainsi en danger certains fleurons de notre presse nationale.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de soutenir la presse, et plus particulièrement la presse d’information générale, mais il faut le faire avec plus de discernement qu’aujourd’hui.
En la matière, le projet de budget pour 2012 est bien pingre, notamment en matière d’aides directes, lesquelles sont en recul de 6,4 % par rapport à l’année passée. Surtout, dans ses actions et dans ses modes d’intervention, il est bien mal adapté à la nature et à l’ampleur des défis à relever.
On m’objectera que ce budget est en baisse, parce que s’achève cette année le plan de trois ans lancé à la suite des états généraux de la presse de 2008. Mais, dans un secteur de l’économie en très profonde mutation, a-t-on le droit de retirer notre soutien stratégique au moment où la situation empire ?
Pourquoi opère-t-on une coupe de 34 % des aides au portage, alors que cette aide a produit des effets si prometteurs ces deux dernières années ? Il reste pourtant tant à faire dans ce domaine, au moment où le réseau des diffuseurs de presse ne cesse de se réduire.
En matière de portage, la politique d’aide du Gouvernement s’inscrit dans une logique, à mon sens très dommageable, de « stop and go » : on lance, on arrête, on lance, on arrête... Je rappelle que l’action publique en faveur du portage a été initiée à la fin des années quatre-vingt-dix. Sur l’initiative de M. Le Guen, le Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale a été créé dans le cadre de la loi de finances pour 1998. Ce fonds est alimenté par un prélèvement de 1 % sur certaines recettes publicitaires du secteur dit « hors médias ». La première année, ce prélèvement avait permis d’affecter près de 50 millions d’euros au fonds de modernisation de la presse de l’époque.
Depuis, j’ai certainement manqué un épisode. C’est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez ce qu’il est advenu de l’affectation budgétaire de cette ressource, qui, logiquement, n’a pu que croître au fil du temps, compte tenu de la progression des ressources observée dans le « hors médias » depuis quinze ans. Je peine à reconstituer l’emploi de cette ressource dans le projet de budget pour 2012, à un moment où l’on nous annonce une baisse de 8 % des aides à la modernisation de la presse.
Compte tenu de la situation financière très délicate de notre pays aujourd'hui, l’heure n’est évidemment pas aux dépenses exagérées, elle est aux investissements d’avenir. Ce qui pose problème dans le budget des aides à la presse pour 2012, c’est précisément son manque de vision stratégique d’ensemble, cohérente et équitable, sur la dépense publique engagée.
Il faut d’abord cesser la pratique malencontreuse du « stop and go » en matière d’aides à la modernisation de la presse. Des mécanismes d’aide plus ciblés, tenant réellement compte des difficultés spécifiques que rencontrent les différents secteurs de la presse, doivent être mis en place en se référant à leur utilité publique en matière de qualité et de diversité de la production journalistique. Cela suppose un effort nettement plus accentué au profit des titres d’information générale, producteurs d’une très forte valeur ajoutée journalistique.
Il faut ensuite davantage aider les entreprises de presse en fonction de la taille de leur rédaction, notamment en fonction de leurs efforts pour développer ou maintenir un réel réseau de correspondants à l’étranger.
Si une partie importante de l’avenir de la presse se joue aujourd'hui sur internet, notons cependant que les ressources dégagées actuellement, grâce à la diffusion payée et aux investissements publicitaires, restent faibles et encore très insuffisantes. Elles ne permettent pas d’équilibrer financièrement ce secteur : le chiffre d’affaires global de la presse sur internet s’élève actuellement à 100 millions d’euros, alors que les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphonie enregistrent un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros sur la partie digitale de cette activité.
Monsieur le ministre, je vous sais sensible à la protection des droits d’auteur et à la juste rémunération de la copie privée.
La production journalistique fait aujourd’hui l’objet d’un pillage en bonne et due forme, sans pratiquement aucune contrepartie financière. Il est donc urgent d’instaurer un prélèvement de 1 % sur l’abonnement à internet pour financer la création de contenus de presse sur le web.
Avant de conclure, j’aimerais dire qu’il ne nous paraît pas opportun, pour l’instant, de lancer six nouvelles chaînes TNT, le marché publicitaire étant de plus en plus restreint dans ce secteur.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs et les sénatrices écologistes, comme leurs collègues socialistes, appellent à voter contre le budget des aides à la presse pour 2012 proposé par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler de l’audiovisuel extérieur, c’est insister sur la volonté de notre pays de s’inscrire dans un monde ouvert alors qu’il peut parfois donner l’impression d’une certaine frilosité.
Pour mémoire, la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, très largement inspirée par le Sénat, et dont j’ai été le rapporteur au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a relativisé, contre l’avis de nombre de parlementaires, l’apport de l’audiovisuel extérieur dans la diplomatie publique d’influence contribuant au rayonnement de la France à l’étranger.
En 2008, les pouvoirs publics affirmaient la volonté de réformer l’audiovisuel public extérieur, partant « du constat que la faiblesse de pilotage stratégique de l’État, ajoutée à la multiplicité des tutelles et des sources de financement, conduisait au manque flagrant de cohérence d’une stratégie de communication performante ».
Au cours des trois dernières années se sont succédé des crises à répétition dans les différents médias de l’audiovisuel extérieur, incitant le Parlement à se pencher à nouveau sur les structures opérationnelles mises en place. Il y a d’abord eu la crise sur le statut de TV5 Monde en 2008, puis, en 2010, celle de la fusion entre France 24 et Radio France Internationale et celle de la gouvernance de France 24, cette dernière crise ayant entraîné la démission très médiatisée de la directrice générale déléguée à l’audiovisuel extérieur de la France.
À la demande du Premier ministre, l’Inspection générale des finances a publié au mois de novembre 2011 un rapport sur l’audiovisuel extérieur de la France. L’IGF y révèle notamment des « zones d’incertitudes budgétaires » de 55 millions d’euros pour la période 2011-2013. AEF a en effet anticipé des ressources propres encore hypothétiques. En outre, il a supporté les charges effectives entraînées par la fusion entre France 24 et RFI, par le plan global de modernisation et le financement du plan de sauvegarde de l’emploi, et par la réduction des effectifs fondée sur le départ volontaire des personnels, sans licenciements secs. L’IGF considère aussi que « la gouvernance de l’ensemble du dispositif existant devrait être améliorée » et propose de désigner un ministère de tutelle, chef de file de l’audiovisuel public extérieur.
Comment comprendre, comme je l’ai exprimé lors d’un récent conseil d’administration d’AEF, où je représente le Sénat, que l’Institut français et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, deux instruments majeurs de diplomatie culturelle et d’influence, relèvent du ministère des affaires étrangères et européennes et que ce ne soit pas le cas de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel public extérieur de la France ?
La tutelle administrative et financière d’AEF a été confiée au ministère de la culture pour éviter des conflits d’intérêts personnalisés au plus haut niveau. Le ministère des affaires étrangères doit retrouver le pilotage politique de l’ensemble du dispositif audiovisuel pour impulser les orientations stratégiques prises au nom de l’État, en concertation naturellement avec d’autres acteurs publics.
Monsieur le ministre, entendez-vous donner suite au souhait du ministère des affaires étrangères et européennes d’exercer la tutelle d’AEF, la situation actuelle étant l’héritage d’une configuration dirons-nous personnelle ayant conduit à l’incongruité que nous connaissons aujourd'hui ?
Les composantes filialisées ou partenaires d’AEF souhaitent par ailleurs être rassurées. France 24 est un opérateur d’influence prometteur. France 24 en langue arabe et Radio Monte-Carlo Doualiya ont occupé une place historique pendant les événements du printemps arabe. Radio France Internationale regagne des parts d’audience et TV5 Monde apparaît comme une chaîne ayant trouvé ses marques, mais elle est souvent incomprise en raison de sa singularité dans le paysage audiovisuel extérieur de la France.
Les objectifs prioritaires pour AEF ne sont-ils pas d’apporter à France 24 la certitude qu’elle pourra remplir sa mission publique en posant un regard spécifiquement français sur un monde en évolution et qu’elle pourra assurer, conformément à son cahier des charges, le rayonnement de la France et de la francophonie ?
AEF ne doit-il pas permettre à RFI de préserver une identité construite depuis de longues années par des équipes professionnelles aguerries, dans un climat de travail plus harmonieux ?
Ne doit-il pas enfin apporter une garantie de pérennité à TV5 Monde, cet opérateur multilatéral et généraliste apprécié par de nombreux téléspectateurs français, francophones et francophiles sur les cinq continents, et dont la France est, rappelons-le, le premier bailleur de fonds ?
TV5 Monde a été créée voilà vingt-sept ans, en 1984, avec un engagement fort de la France. La création en 2008 de France 24 et la volonté politique et stratégique ensuite manifestée par les pouvoirs publics de réunir les rédactions de France 24 et de RFI, choix validé à plusieurs reprises, rappelons-le, par la justice, posent à nouveau clairement la question de la place de l’opérateur francophone multilatéral au sein de la société holding AEF.
Des pistes de réflexion de l’Inspection générale des finances, qui ne constituent pas encore, à ce stade, des recommandations formelles, devraient enfin permettre à AEF de boucler un contrat d’objectifs et de moyens et d’identifier également des sources d’économies, lesquelles pourraient venir de TV5 Monde, un opérateur qu’AEF ne contrôle qu’à 49 %. Toutefois, cela ne manquerait pas de compliquer de nouveau les relations diplomatiques avec nos partenaires de TV5 Monde, de même qu’avec les États francophones, en faisant de ce média une variable d’ajustement du dispositif audiovisuel extérieur français.
L’Inspection générale des finances estime que la tutelle de TV5 Monde, répartie entre l’État et AEF, est ambiguë. La sortie de TV5 Monde d’AEF est donc une option envisagée, bien qu’elle semble contradictoire avec la mise en œuvre de mesures d’économies. Elle permettrait cependant d’ouvrir la piste d’un rattachement de TV5 Monde à France Télévisions, société fondatrice de TV5 Monde, qui est aussi la vitrine internationale du groupe en tant que chaîne généraliste, à l’heure où de plus en plus de parlementaires préconisent parallèlement le rattachement d’AEF à France Télévisions.
Le rapport de l’IGF dépasse donc très largement la simple recherche d’économies, les questions qu’il soulève relevant avant tout de décisions politiques. Tout affaiblissement de l’AEF et de TV5 Monde conduirait, à terme, à une perte d’influence globale de la France et de la francophonie dans le monde.
Je m’interroge également, monsieur le ministre, sur la raison d’une réduction de 8,3 % des financements publics consacrés à l’audiovisuel extérieur, à laquelle il convient d’ajouter plus de 1 million d’euros au titre des nouvelles mesures d’austérité gouvernementales, sur un budget total de 328 millions d’euros.
C’est la première fois depuis sa création que l’audiovisuel extérieur enregistre une diminution aussi sensible de ses crédits. En interne, on temporise, en affirmant que ces réductions budgétaires seraient également réparties entre RFI et France 24 et porteraient essentiellement sur les coûts de diffusion, un sujet déjà sensible entre France 24 et TV5 Monde, ces deux chaînes devant négocier, à l’international, sur les mêmes créneaux satellitaires et de câblodistribution.
Si l’on ajoute ces contraintes budgétaires durables à l’ambiguïté structurelle relevée par l’IGF, le risque est bien réel de voir surgir de nouvelles tensions avec les pays francophones partenaires de TV5 Monde, autres bailleurs de fonds de la chaîne multilatérale, au moment même où la France assure la présidence de la conférence ministérielle de TV5 Monde.
La préparation du premier contrat d’objectifs et de moyens d’AEF n’est-elle pas l’occasion de clarifier une configuration structurelle confuse et, en tout état de cause, potentiellement porteuse de relations conflictuelles, spécialement avec TV5 Monde ?
Nous sommes tous conscients de l’importance des enjeux géopolitiques et stratégiques de l’audiovisuel extérieur ainsi que de la nécessité de réunir les conditions de succès en termes de management et d’audience. Aussi, monsieur le ministre, comment entendez-vous, à l’aune de cette analyse, répartir dans le futur, de manière équitable et avec le souci de rechercher des synergies fonctionnelles, les dotations publiques investies auprès des opérateurs filialisés ou partenaires d’AEF, qui tous poursuivent des missions de service public ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, je vais essayer de ne pas utiliser tout le temps de parole qui m’est imparti. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
La hausse affichée de 2,1 % des crédits destinés à l’audiovisuel public peut sembler convenable dans ce contexte budgétaire de rigueur. Néanmoins, il ne faut pas se leurrer : cette présentation relève du trompe-l’œil ! La progression de ces crédits ne repose en effet que sur celle du produit des encaissements de redevance, qui s’élève à 4,2 %. Pour le reste, l’ensemble des dotations provenant d’une manière ou d’une autre de l’État accusent une baisse. C’est le cas notamment du remboursement des exonérations de redevance, désormais appelées « dégrèvements », mais aussi de la dotation budgétaire du programme « Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique », qui diminue de 10,3 % hors inflation, soit une sacrée cure d’amaigrissement !
L’action n° 2 de ce programme, Passage à la télévision tout numérique, est désormais dotée de zéro euro ! L’équipement numérique ne serait en effet plus d’actualité, car le basculement vers la TNT serait désormais pleinement effectif. En réalité, il n’en est rien, notamment dans les départements et collectivités d’outre-mer. Avec zéro euro de dotation, de nombreux foyers seront privés de réception numérique, faute d’équipement adéquat et de moyens suffisants pour se le procurer.
De la part de la majorité gouvernementale, tout est prétexte pour saborder l’audiovisuel public : 20 millions d’euros ont été retirés à l’audiovisuel public et l’on prévoit de supprimer par voie d’amendement 28 millions d’euros de crédits qui devaient être reportés de 2011 à 2012. Au final, en lieu et place d’une hausse affichée de 55 millions d’euros, on aura vraisemblablement droit, en 2012, à une baisse des crédits de quelque 50 millions d’euros !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis donc tout à fait favorable aux propositions de David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, qui permettent au moins de réinjecter dans le secteur les millions d’euros supprimés en cours de navette. En revanche, je ne peux être qu’inquiet des deux amendements présentés par notre collègue Vincent Delahaye, qui tendent, pour l’un, à amputer de plus de 10 millions d’euros les crédits destinés à la chaîne franco-allemande Arte et, pour l’autre, à supprimer les 28 millions d’euros de report de dotation de 2011 de France Télévisions.
Nous continuons également à condamner l’irresponsable et dangereuse réforme menée en 2008 et 2009, qui a permis une reprise en main de l’audiovisuel public par le Gouvernement, et particulièrement la réforme du mode de nomination des présidents de ses différentes composantes, qui relève désormais de la seule volonté du Président de la République.
En revanche, pour la suppression de la publicité, c’est marche arrière toute, et nous ne pouvons que nous réjouir de cette demi-victoire.
Par ailleurs, qu’adviendra-t-il de la dotation publique lorsque la taxe de 0,9 %, prélevée sur le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie et destinée à compenser les pertes de recettes publicitaires, aura été abrogée ? Si cette taxe devait être abrogée courant 2012, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez en garantissant que cette abrogation n’aura aucune incidence sur le financement du secteur public de l’audiovisuel.
En effet, alors que les négociations avec les partenaires sociaux sont souvent difficiles, le contexte budgétaire défavorable et le non-respect des termes du contrat d’objectifs et de moyens laissent mal augurer du développement harmonieux du groupe dans les prochains mois.
Je ne suis guère plus optimiste quant à l’avenir de la société Audiovisuel extérieur de la France. Je rappelle que, dès 2008, les sénateurs socialistes ont émis de très grandes réserves sur cette entité hybride, estimant qu’il aurait mieux valu renforcer les structures existantes, RFI et TV5, en les adossant à France Télévisions.
Le temps me manque pour évoquer les problèmes des autres sociétés de l’audiovisuel public que sont Arte France, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel. Toutes trois doivent faire face à différents tourments, et l’on vient encore de leur retirer quelques millions d’euros : 2 millions pour Radio France, 1 million pour Arte France et un autre million pour l’INA. J’ajoute que les personnels de l’Institut ont entamé un mouvement de grève en début de semaine ; ils ont été reçus jeudi par vos services, monsieur le ministre, et je souhaiterais connaître le résultat concret de cette rencontre.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les grandes réserves que j’ai émises sur les crédits attribués à l’audiovisuel public pour 2012, tout comme sur la politique que vous menez et sur les projets que vous nourrissez pour le secteur, ne permettront pas aux sénateurs du groupe socialiste-EELV de se prononcer en faveur de l’adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dotée de 4,6 milliards d’euros pour 2012, la mission « Médias, livre et industries culturelles » se veut réaliste et à même d’accompagner les objectifs du secteur. Il s’agit ainsi de mener des chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et d’Arte, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France.
Le budget de la culture et de la communication participe bien évidemment aux mesures d’économies supplémentaires de 1,5 milliard d’euros annoncées par le Premier ministre. L’effort dans le secteur des médias s’élève ainsi à 20 millions d’euros de crédits budgétaires et à 2 millions d’euros sur les taxes affectées. La contribution des organismes de l’audiovisuel public se répartit entre France Télévisions – 15 millions d’euros –, Radio France – 2 millions d’euros –, l’INA – 1 million d’euros –, AEF – 1 million d’euros – et Arte – 1 million d’euros. J’ai veillé à ce que la participation de ces organismes à l’effort national d’économies ne remette en cause – j’insiste sur ce point, madame Cukierman et monsieur Assouline – ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.
Le secteur culturel et audiovisuel est par ailleurs concerné, comme la plupart des secteurs de notre économie, par le relèvement du taux réduit de TVA. Je veillerai à ce que nous soyons très attentifs aux effets de cette mesure sur les industries et entreprises concernées, et d’autant plus présents auprès d’elles. Je pense en particulier à la librairie, qui ne doit pas pâtir de cette hausse, car ses marges sont déjà faibles. Nous allons donc, chers Catherine Morin-Desailly et Jacques Legendre, accompagner la filière dans la mise en place du nouveau taux réduit. Je reviendrai ultérieurement sur les modalités de cet accompagnement.
Avant de répondre en détail à vos questions, je voudrais souligner que le projet de budget pour 2012 clôt une période de cinq années au cours de laquelle les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs ont été soutenus. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé de 1 milliard d’euros. Nous nous sommes consacrés à ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les états généraux de la presse, la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France et la réforme de France Télévisions. Jamais un Gouvernement et sa majorité n’auront autant réformé et accompagné financièrement le secteur des médias au cours d’une législature.
Venons-en maintenant aux différents sujets que vous avez abordés, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne tout d’abord la presse, nous accompagnerons étroitement en 2012 les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. Cette réforme de la gouvernance est indispensable pour consolider l’investissement réalisé par l’État en faveur de la presse depuis 2009.
En 2012, nous consacrerons 390 millions d’euros aux aides à la presse. Le plan exceptionnel mis en œuvre à l’issue des états généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une baisse. Mais je me suis mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous. Ils demeurent ainsi à un niveau historiquement élevé, puisqu’ils sont nettement supérieurs, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique. Je me suis par ailleurs engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions.
S’agissant plus particulièrement de la baisse des aides au portage, je veux répondre à André Gattolin que cette évolution tient compte du développement même du dispositif, qui concerne désormais plus de 25 % des ventes totales, et qu’elle s’accompagne d’une modification de leur répartition entre aide au stock et aide au flux, conformément aux souhaits des éditeurs.
Le premier bilan qui peut être dressé aujourd’hui des états généraux de la presse est positif.
Tous les engagements de l’État ont été tenus, comme vous l’avez souligné, cher Claude Belot. Entre 2009 et 2011, plus de 580 millions d’euros de crédits complémentaires ont été consacrés à la presse. Cet effort s’est traduit par une hausse de plus de 60 % des crédits. Les mesures prises par l’État ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, alors qu’elle était confrontée à sa plus grave crise depuis l’après-guerre, et d’accélérer sa reconversion vers un modèle économique équilibré tenant compte des enjeux du numérique.
En particulier, en matière de portage, nous tenons notre objectif de créer une offre structurante. Ainsi, le nombre d’exemplaires portés a progressé de 50 millions en trois ans, pour atteindre 850 millions en 2010. Aujourd’hui, le portage à domicile représente plus du quart des ventes totales de la presse, contre 21 % en 2005.
Je tiens par ailleurs à souligner que la politique de conquête de nouveaux lecteurs initiée dans le cadre des états généraux de la presse est un vrai succès. L’opération d’abonnement « Mon journal offert » a ainsi permis d’amener, en deux ans, plus de 560 000 jeunes à la lecture de la presse quotidienne d’information générale, soit plus de 5 % des dix-huit–vingt-quatre ans. L’objectif d’abonner gratuitement 200 000 jeunes par an a donc été largement dépassé.
À la suite des états généraux de la presse, la gouvernance des aides sera profondément rénovée. C’est une réflexion que j’ai souhaité mener en lien étroit avec la profession et qui sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2012. Elle a pour objectif une gouvernance des aides à la presse écrite plus efficace pour les éditeurs et fidèle à ses principes fondamentaux.
Je voudrais ajouter, pour répondre à MM. Assouline et Gattolin, que la question du ciblage des aides, singulièrement pour la presse d’information politique et générale, est un principe directeur de l’intervention publique.
Je souhaiterais maintenant aborder deux questions essentielles : le défi du numérique et l’application du taux super réduit de TVA à la presse en ligne,…
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Ah !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. … disposition que le Sénat vient d’adopter.
L’État entend bien que le défi du numérique soit relevé. Nous soutenons ainsi le développement de nouvelles pratiques professionnelles et de nouveaux modèles économiques adaptés à l’ère du numérique.
S’agissant de l’adaptation de la presse à l’ère du numérique, que vous avez soulignée, madame Laborde, la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne, assorti d’un régime de responsabilité adapté, a ouvert la voie à une harmonisation des aides publiques à la presse, permettant à la presse en ligne de bénéficier d’un soutien identique.
D’autres dispositifs, comme ceux sur lesquels nous sommes en train de travailler avec les éditeurs dans le cadre des investissements d’avenir, devraient compléter cet arsenal.
Enfin, je répondrai à Mme Catherine Morin-Desailly et à M. David Assouline, qui m’ont interrogé sur l’application du taux super réduit de TVA aux services de presse en ligne, que j’y suis, bien entendu, favorable. La situation actuelle affecte directement les perspectives de croissance d’un secteur qui a connu plus de bouleversements en un an que dans les dix dernières années, notamment avec l’arrivée massive des tablettes. Aussi, je ne ménage pas mes efforts pour obtenir à l’échelon européen une révision de la fiscalité appliquée aux services de presse en ligne. À ce titre, je constate des avancées, tant parmi nos partenaires européens – l’Espagne s’est ralliée à notre position – qu’au sein de la Commission et du Parlement européens.
S’agissant des relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse, je répondrai qu’une clarification est nécessaire compte tenu du risque que la nature de ces relations fait peser sur l’avenir économique et financier de l’Agence. C’était l’un des objets de la proposition de loi relative à la gouvernance de l’Agence France-Presse, que vous aviez déposée, monsieur Legendre, en mai dernier. Ce projet ayant suscité de vives réactions de la part des représentants des personnels de l’Agence, le président de l’AFP a annoncé qu’une plus large concertation avec le personnel serait organisée sur la voie retenue pour sécuriser la situation financière et l’indépendance de l’Agence.
La direction de l’AFP et l’État examinent donc actuellement d’autres voies de réforme, notamment l’hypothèse d’une modification a minima de la loi de 1957, légitime au regard des règles constitutionnelles sur l’indépendance des médias et cohérente face aux attentes des salariés de l’Agence.
Je voudrais conclure sur la presse en rappelant que tant les réformes de fond mises en place dans le cadre des états généraux que la réforme des aides publiques en cours ont pour objectif d’accompagner les éditeurs, alors que l’heure n’est plus aux ajustements destinés à retarder une évolution inéluctable du métier.
L’activité du secteur s’est redressée en 2010, après une année 2009 catastrophique. Nous confirmons maintenant l’engagement en faveur de la rénovation de fond du secteur. C’est indispensable pour contrer la crise de l’été 2011. Qu’il s’agisse de France Soir ou de La Tribune, qui nous préoccupent au plus haut point actuellement, mais dont je rappelle que les situations sont très différentes. Je veux dire à Mme Cukierman et à M. Gattolin que notre mission est avant tout de préserver le pluralisme de la presse française. Aussi nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour pérenniser l’activité de ces titres.
Abordons maintenant la politique en faveur du livre et de la lecture. Les crédits qui y seront consacrés en 2012 augmentent de 4 %, pour atteindre 263 millions d’euros. Cette enveloppe est complétée par les moyens mobilisés par le Centre national du livre.
Il s’agit de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l’adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture, et assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. À cet égard, la proposition de loi portée par M. Legendre est fondamentale pour la diffusion des centaines de milliers d’ouvrages indisponibles, projet par ailleurs porté par les investissements d’avenir.
Le soutien aux librairies est une priorité. Il se traduit par la mobilisation constante de moyens budgétaires, mais prend bien d’autres formes. J’ai ainsi réformé le dispositif de labellisation afin de permettre de distinguer un plus grand nombre d’établissements de qualité jusqu’alors inéligibles.
J’ai vivement encouragé l’adoption de la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, qui vise à créer un cadre favorisant l’accès de toutes les formes de commerce à la distribution des livres numériques. Cependant, la situation des librairies n’en est qu’au début de modifications nouvelles.
Vous m’avez interrogé, chère Catherine Morin-Desailly et cher Jacques Legendre, sur les modalités d’application du relèvement du taux réduit de TVA à 7 % dans le cas particulier des librairies. Après avoir consulté les professionnels et reçu les représentants des librairies, Valérie Pécresse et moi-même avons chargé Pierre-François Racine, conseiller d’État, d’accompagner la filière du livre. Les caractéristiques techniques propres au secteur du livre – importance des stocks qui constituent les fonds des librairies, détermination du prix de vente par l’éditeur, en application de la loi sur le prix unique du livre, et système d’information interprofessionnel – rendent nécessaires une attention particulière des pouvoirs publics sur la mise en place de cette hausse de la TVA. La mission s’attachera en particulier à faciliter, en concertation avec l’ensemble de la filière, la mise en place des modifications du prix des ouvrages décidées par les éditeurs. Un soutien financier spécifique sera par ailleurs mis en place par le Centre national du livre à l’intention de la librairie indépendante, pour faire face aux éventuelles difficultés liées à la transition.
Enfin, je voudrais préciser à Jacques Legendre que la mesure de plafonnement des taxes affectées au Centre national du livre n’aura pas d’impact sur l’activité du Centre.
Vous le savez, les principales industries culturelles sont aujourd’hui confrontées aux défis de la numérisation et de l’internet, qui représentent non seulement une grande opportunité de diffusion pour les artistes et les créations culturelles, mais aussi une menace pour la rémunération des créateurs et de l’ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans ce domaine, la politique de mon ministère repose sur deux volets indissociables : protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d’une offre légale diversifiée et attractive.
Le volet « protection des œuvres » s’appuie sur la mise en œuvre de la loi HADOPI. S’agissant du développement d’une offre légale diversifiée, une mesure innovante de soutien à la consommation légale, la carte musique pour les jeunes, a été lancée en octobre 2010 pour une durée de deux ans. Le budget alloué à cette opération est de 25 millions d’euros. La version physique de la carte musique est distribuée depuis quelques jours dans les grandes surfaces et un nouveau site internet fonctionnant sur les smartphones a été mis en place. Par ailleurs, une vaste campagne de communication a été lancée afin de mieux faire connaître le dispositif, qui, il faut bien le reconnaître, pour sa première édition n’avait pas bien fonctionné. Pour répondre à votre question, cher Jacques Legendre, sur la suppression, votée à l’Assemblée nationale, des crédits destinés à la carte musique en 2012, j’indiquerai que je souhaite qu’il y soit remédié.
Malgré les mesures prises, l’impact de la crise sur les acteurs du secteur, en particulier les plus fragiles, les petites et moyennes entreprises et les indépendants, reste patent. Aussi, sur ma proposition, le Président de la République a décidé de la création, en 2012, d’un centre national de la musique.
Pour répondre à l’ensemble des interrogations que vous avez formulées, Jacques Legendre, je tiens à souligner que la création de ce nouveau centre est une grande opportunité non seulement pour accompagner la sortie de crise, une crise absolument dramatique de toute la filière musicale, mais également pour fédérer l’ensemble des acteurs de cette filière et des dispositifs de soutien existants autour d’une institution pivot. C’est aussi une formidable opportunité pour financer la diversité musicale à l’ère numérique, en mobilisant des financements nouveaux, issus des acteurs du numérique, notamment les fournisseurs d’accès à internet, sans accroître la pression fiscale.
La réflexion est donc aujourd’hui en cours sur le véhicule législatif qui permettra la création du centre et qui précisera ses modalités de financement. J’ai confié une mission de préfiguration à M. Didier Selles, qui devra rendre ses premières conclusions très rapidement, d’ici à la mi-janvier, sur les modalités de mise en œuvre opérationnelles et budgétaires de l’établissement public, les conditions de sa gouvernance ainsi que les différents régimes d’aides administrés par le futur centre.
Enfin, en ce qui concerne le crédit d’impôt phonographique sur lequel vous m’avez interrogé, Jacques Legendre, l’intérêt pour la mesure est croissant : le nombre de nouvelles entreprises sollicitant l’agrément est passé de quarante en 2006 à plus de cent cinquante aujourd’hui. Cette augmentation concerne principalement les PME et les très petites entreprises et concerne tous les répertoires. Les réflexions sont en cours sur l’évolution du dispositif, en lien avec la création du centre national de la musique.
Pour compléter ce tour d’horizon des industries culturelles, je voudrais dire un mot du jeu vidéo. J’attends la remise prochaine, par Patrice Martin-Lalande, de ses conclusions sur le statut juridique du jeu vidéo.
Par ailleurs, nous travaillons actuellement avec le Commissariat général à l’investissement et le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, afin de faciliter l’accès des PME et des très petites entreprises du jeu vidéo au crédit bancaire.
S’agissant de l’audiovisuel, la législature a donc été particulièrement riche en réformes, qu’il s’agisse du passage à la télévision tout numérique, des nouvelles stratégies mises en place par France Télévisions et Arte, ou encore de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France. Nous avons ainsi accompagné, monsieur Domeizel, une évolution du paysage audiovisuel marquée par les défis technologiques et économiques.
La nécessaire évolution du paysage audiovisuel face aux défis technologiques ne s’arrête pas là. Ainsi, début octobre, d’importantes décisions pour préparer l’avenir ont été prises, sur ma proposition, par le Gouvernement : l’abrogation du dispositif des canaux compensatoires, le lancement d’un appel à candidature pour de nouvelles chaînes et la préparation, à plus long terme, à un changement de norme de diffusion de la télévision. Ainsi, six nouvelles chaînes seront prochainement lancées, que les Français pourront recevoir avec leur équipement actuel. L’enjeu est de donner une orientation claire à l’avenir de la télévision numérique terrestre : celle d’une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la télévision numérique terrestre, dont nous pouvons tous être fiers.
Les bouleversements que traverse le paysage audiovisuel rendent d’autant plus centrales les missions assumées par le service public audiovisuel, dans un paysage qui s’atomise, où la logique qui prévaut est non plus celle de la rareté de l’offre de programmes, mais au contraire l’hyper-choix.
En 2012, les crédits publics alloués aux organismes de l’audiovisuel public progresseront de 1,4 %, pour atteindre 3,9 milliards d’euros. Je le répète, les 20 millions d’euros que chacun de ces organismes consacrera aux efforts d’économies annoncés par le Premier ministre ne remettent en cause ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.
Pour France Télévisions, les objectifs fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens pour 2011-2015, qui a été signé mardi dernier, sont ambitieux : fédérer tous les publics, en bénéficiant de la complémentarité des antennes du bouquet France Télévisions, investir massivement dans la création originale, la seule à même d’exister et de rassembler dans un univers où l’offre de programmes s’est démultipliée. Ces objectifs ne sauraient être remis en cause au motif des audiences de quelques programmes, sur lesquels tous les commentateurs portent leur attention, sans même relever les succès importants enregistrés par le groupe, notamment en termes d’information, de fiction ou de sport.
Afin de permettre à France Télévisions de remplir ces objectifs, le projet de contrat d’objectifs et de moyens prévoit une croissance de la ressource publique de 2,2 % par an en moyenne. Cette progression reflète l’engagement fort de l’État pour accompagner dans la durée la mise en œuvre d’une stratégie visant à fédérer tous les publics, orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira ainsi chaque année un minimum de 420 millions d’euros dans les œuvres audiovisuelles dites patrimoniales – fiction, documentaire, animation, spectacle vivant – et 60 millions d’euros dans le cinéma.
Je souhaite également appeler votre attention sur la rigueur qui a été la nôtre dans l’élaboration du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont réalistes, tout en restant puissamment incitatifs. La période instable de 2008-2010, marquée par la crise et le bouleversement du marché publicitaire, rendait très difficile la prévision des revenus publicitaires, mais cette époque est aujourd’hui certainement derrière nous. En particulier, le groupe France Télévisions est conscient de la part qu’il doit prendre à l’effort national d’économies. Aussi, sa dotation publique pour 2012 est réduite de 15 millions d’euros et la répartition des éventuels excédents publicitaires de France Télévisions est aujourd’hui en débat.
S’agissant enfin du contentieux en cours relatif à la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, sur lequel vous m’avez justement interpellé, cher monsieur Assouline, je voudrais rappeler – quelle que soit l’issue de ce contentieux – que cette taxe est non pas affectée au financement de France Télévisions, mais au budget général de l’État. Il importe d’autant plus de bien distinguer les enjeux que la Commission européenne a clairement validé, il y a plus d’un an, le dispositif de financement du groupe France Télévisions.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Ce n’est pas si clair !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Concernant la réforme de l’audiovisuel extérieur, sur laquelle Mmes Garriaud-Maylam, Lepage, Laborde et Morin-Desailly et MM. Rome, Duvernois et Belot m’ont légitimement interrogé, je veux souligner qu’elle est en voie d’achèvement.
De nombreuses étapes ont été franchies au cours de ces cinq dernières années. La société holding et le groupe AEF ont été créés. La montée en puissance de France 24, qui est, depuis 2010, distribuée mondialement, est indéniable : à la mi-2011, cette chaîne pouvait ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde.
Par ailleurs, depuis le mois d’octobre 2010, France 24 est diffusée vingt-quatre heures sur vingt-quatre en langue arabe, et elle dispose désormais de trois canaux, en français, en anglais et en arabe. On a d’ailleurs vu, lors des récents événements qui sont intervenus dans le monde arabe, que la notoriété de France 24, notamment en Tunisie, était un acquis, ce qui est un réel succès pour une chaîne aussi jeune.
Je n’ignore pas les troubles qu’a connus AEF, et qui se sont manifestés jusque dans mon bureau, d’autant plus que j’ai œuvré autant que possible à leur résolution. Mais je ne doute pas de l’achèvement, en 2012, de la réforme voulue, en 2008, par le Président de la République. Les différents chantiers restants avancent, en effet, désormais de façon satisfaisante. Surtout, les négociations relatives au contrat d’objectifs et de moyens viennent de reprendre de manière active. Un calendrier a été défini : le plan d’affaires associé au contrat d’objectifs et de moyens 2011-2014 sera arrêté au tout début de l’année 2012.
S’agissant de l’exercice de la tutelle, un sujet qu’a plus particulièrement abordé M. Duvernois, la remise en cause de son organisation n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas souhaitable. Que je sache, le corps diplomatique n’est pas à même de réaliser des émissions de télévision.
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Sur le plan budgétaire, sur lequel vous m’avez également interrogé, cher Louis Duvernois, la dotation publique d’AEF s’élève à un peu moins de 320 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012 : elle enregistre une baisse par rapport à l’an dernier, qui tient compte des premiers effets des synergies engendrées par la réforme. Toutefois, AEF devrait bénéficier d’une ouverture de crédits de 45 millions d’euros dans le collectif de fin d’année, afin de couvrir notamment les coûts liés au déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya à proximité de France 24. Cette décision est salutaire en ce qu’elle assure les conditions d’une meilleure mutualisation. Ainsi, AEF disposera, en 2012, j’en suis intimement persuadé, des moyens nécessaires à son activité et à l’achèvement de sa réforme.
Enfin, concernant, l’Institut national de l’audiovisuel, la dotation publique proposée en 2012 s’élève à près de 95 millions d’euros, soit une progression de 2 %, ce qui lui permettra de réaliser les objectifs stratégiques que sont la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l’activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site « ina.fr » et l’élargissement des activités du dépôt légal à internet. La nouvelle présidence de l’INA devrait mener à bien ce programme de la manière la plus satisfaisante qui soit.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, chère Catherine Morin-Desailly, la mise en œuvre par l’INA de ses missions n’est pas remise en cause par sa participation à l’effort national d’économies.
Tels sont les points que je souhaitais aborder avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui sont, je l’espère, des éléments de réponse aux questions légitimes que vous m’avez posées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
médias, livre et industries culturelles
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
1 248 263 591 |
1 268 379 591 |
Presse |
385 820 042 |
390 320 042 |
Livre et industries culturelles |
259 381 850 |
274 997 850 |
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
452 974 391 |
452 974 391 |
Action audiovisuelle extérieure |
150 087 308 |
150 087 308 |
M. le président. L'amendement n° II-147 rectifié bis, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Presse |
|
103 717 780 |
|
103 717 780 |
Livre et industries culturelles |
|
|
|
|
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
|
|
|
|
Action audiovisuelle extérieure |
|
|
|
|
TOTAL |
|
103 717 780 |
|
103 717 780 |
SOLDE |
- 103 717 780 |
- 103 717 780 |
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Compte tenu des arguments que j’ai entendus au cours du débat sur le nécessaire maintien du pluralisme de la presse, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-147 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-146 rectifié, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Presse |
|
|
|
|
Livre et industries culturelles |
|
|
|
|
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
|
28 000 000 |
|
28 000 000 |
Action audiovisuelle extérieure |
|
|
|
|
TOTAL |
|
28 000 000 |
|
28 000 000 |
SOLDE |
- 28 000 000 |
- 28 000 000 |
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Je tiens à formuler deux remarques sur le budget de l’audiovisuel, que j’ai déjà faites en commission des finances.
Tout d’abord, je n’ai pas entendu dire, ni de la part du Gouvernement ni de la part de nos collègues de la majorité sénatoriale d’ailleurs, que l’audiovisuel constituait une priorité budgétaire dans le contexte actuel. Peut-être en est-ce une, mais j’aimerais que cela soit annoncé plus clairement, afin notamment que les Français puissent donner leur avis sur le sujet.
Ensuite, des réformes ont été entreprises et menées à bien dans le secteur de l’audiovisuel, mais nombreuses sont celles qui restent à engager, concernant notamment l’audiovisuel public.
Je considère qu’une réforme d’ensemble est nécessaire en vue de diminuer le nombre de chaînes publiques : nous en avons beaucoup trop ! Personnellement, je suis favorable à l’existence d’une chaîne généraliste, culturelle, régionale ; d’une chaîne européenne, qui pourrait être Arte ; d’une chaîne internationale et d’une chaîne civique citoyenne, qui regrouperait Public Sénat et LCP.
Au vu de ces éléments, je considère que le budget alloué à l’ensemble de l’audiovisuel public est trop important. C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements visant à diminuer certains crédits. Pour commencer, l’amendement n° II-146 rectifié tend à réduire de 28 millions d’euros la dotation accordée à France Télévisions, soit à due concurrence du report de crédits non versé par l’État en 2011.
M. le président. L'amendement n° II-102, présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Presse |
|
|
|
|
Livre et industries culturelles |
|
|
|
|
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
19 914 500 |
|
19 914 500 |
|
Action audiovisuelle extérieure |
|
|
|
|
TOTAL |
19 914 500 |
|
19 914 500 |
|
SOLDE |
19 914 500 |
19 914 500 |
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Cet amendement est en soi un « contre-amendement » à celui que vous venez de présenter, monsieur Delahaye. Vous, vous voulez diminuer encore les crédits attribués à l’audiovisuel public, tandis que la commission de la culture souhaite rétablir les crédits de France Télévisions tels qu’ils avaient été présentés dans le projet de loi de finances initial.
Cela étant, je veux faire une remarque sur la méthode, monsieur le ministre.
Le projet de budget a été examiné en commission. J’ai rédigé un rapport. Mais ce n’est qu’ensuite qu’on a appris que des réductions de crédits allaient intervenir à hauteur de 15 millions d’euros pour France Télévisions, de 1 million d’euros pour Arte France, de 2 millions d’euros pour Radio France, de 1 million d’euros pour l’INA et de 1 million d’euros pour la société Audiovisuel extérieur de la France. Ces éléments n’avaient pas été versés au débat !
On nous avait indiqué que les 20 millions d’euros qui doivent être ponctionnés dans le cadre de ce que le Gouvernement appelle les « nouvelles mesures de rigueur » et que nous qualifions de « mesures d’austérité » feraient l’objet d’une discussion lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Or c’est lors d’une seconde délibération à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, que vous avez supprimé ces crédits dans le projet de budget qui nous est soumis. Je le dis nettement : la méthode employée n’est pas de nature à garantir la sincérité de nos débats.
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement. J’ai d’ailleurs trouvé, me semble-t-il, le meilleur argumentaire qui soit pour le défendre : « Le niveau de la dotation publique globale de France Télévisions dans le projet de loi de finances pour 2012, accompagné d’un report de crédits de 2011, a été calculé au plus juste dans le cadre de l’élaboration du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’entreprise. Au plus juste !
« Or, au moment où la nouvelle présidence de France Télévisions accomplit un travail absolument considérable de remise en ordre de cet énorme navire, rassemblant des chaînes dont chacune a sa propre culture d’entreprise pour les amener à acquérir la culture d’entreprise de l’audiovisuel public, qu’elles peinent parfois à avoir, même si chacune d’elles est de très grande qualité et dotée de professionnels remarquables ; au moment où ce travail considérable est, enfin, entrepris par une direction et une présidence issues de la “maison” – ayant donc une forte légitimité ; au moment où l’on finalise un contrat d’objectifs et de moyens sur lequel un travail intensif a fini par conduire à un consensus, allons-nous revenir sur ce contrat d’objectifs et de moyens dans un dispositif financier certes marginal mais ô combien symbolique […] ? Allons-nous donner à la nouvelle présidence une marque de manque de confiance, au moment précis où nous sommes parvenus à construire avec elle un rapport de confiance, dont elle a absolument besoin pour mener à bien cette profonde réforme de son économie, de sa politique, voire du consensus interne qui lui est si nécessaire ?
« Je pense que ce serait une grave erreur. »
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Ce plaidoyer, qu’on pourrait attribuer à notre ancien collègue Jack Ralite, il est de vous, monsieur le ministre. Ces propos, vous les avez tenus lors de l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles » à l'Assemblée nationale avant la ponction des 20 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012 !
Je ne résiste pas à l’envie de vous citer à nouveau : « Le niveau de la dotation […] a été calculé au plus juste ». Qu’est-ce qu’on peut dire de plus, monsieur le ministre ? Si, peut-être une chose : la dotation a été tellement calculée au plus juste qu’elle fragilisait déjà le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, la direction du groupe et la réforme entreprise. Je présenterai donc tout à l'heure un autre amendement visant à supprimer l’article 52 ter, qui tend à permettre à l’État d’empocher tous les surplus de recettes publicitaires de France Télévisions.
En tout cas, monsieur le ministre, sachez que j’adhère totalement à votre plaidoyer. J’espère que vous n’allez pas vous contredire en l’espace de quelques semaines à peine.
Aussi, j’invite le Sénat à voter cet amendement, qui a été adopté par tous les membres de la commission de la culture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances, dans toutes ses composantes – je pense notamment à Mme la rapporteure générale – a émis un avis défavorable sur l’amendement n° II-146 rectifié ainsi que sur l’amendement n° II-102.
Certes, la commission de la culture œuvre pour l’éternité, mais elle doit comprendre que l’on ne peut pas vivre hors du temps. Notre pays connaît actuellement une pression financière considérable à laquelle le Gouvernement est soumis, et le budget de la culture ne saurait y échapper. D’ailleurs, nous n’avons pas encore, à mon avis, mesuré toutes les difficultés auxquelles nous allons être confrontés dans les mois qui viennent. Il est inimaginable de ne pas prendre en compte la situation financière dans laquelle se trouve notre pays.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes en contact avec la direction de France Télévisions. Mais, moi aussi, je le suis, tout comme l’est également le Gouvernement. Or je puis vous affirmer que le président de France Télévisions m’a confié récemment au téléphone que, même s’il aurait bien évidemment préféré disposer de dotations accrues, il ne voyait pas d’inconvénients majeurs à cette diminution des crédits, car il ne pouvait ignorer la situation actuelle. Je tenais à vous apporter ces précisions importantes.
Par ailleurs, permettez-moi, mes chers collègues, de formuler une remarque quant au fonctionnement de notre assemblée.
Le Sénat est composé d’une majorité et d’une opposition. Il en va ainsi de toutes les assemblées comme la nôtre. Mais il n’est pas convenable que les positions prises ici au sein d’une même majorité soient aussi divergentes.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. C’est de trop ce que vous dites !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Non, ce n’est pas de trop ! J’ai une certaine idée de notre assemblée et, si le Sénat ne fait pas son métier comme il doit le faire, c’est l’Assemblée nationale qui le fera ; mais, ce jour-là, on pourra s’interroger sur l’utilité de notre maison !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je ne me contredis pas, cher David Assouline, je lubrifie ! (Sourires.)
Je pense que nous avons réussi à défendre le budget de la télévision de la manière la plus efficace possible. Et ce n’est pas au moment où nous avons réussi à restreindre le plus possible la ponction et où nous avons « piqué », comme l’on dit familièrement, 15 millions d’euros au service public que nous allons aller plus loin. Ce n’est pas non plus pour cette raison-là que nous allons agir en sens inverse et rétablir les 19 millions d’euros que vous évoquiez.
Nous n’allons plus rien toucher ! Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Le groupe CRC votera ces deux amendements.
Nous vivons tous avec notre temps et dans l’époque qui est la nôtre. Mais nous pouvons avoir des appréciations différentes. Le débat politique, c’est précisément respecter la diversité des idées, sans en arriver aux invectives, et cela même à une heure tardive !
Des choix ont été faits par le Gouvernement et par la majorité à l’Assemblée nationale. Au sein de cet hémicycle, nous en avons fait d’autres, notamment sur les recettes de la loi de finances. Nous pensons qu’il existe d’autres solutions pour dégager des recettes supplémentaires dans notre pays, afin d’apporter les moyens nécessaires à un certain nombre de missions, et que nous devons et pourrons rétablir les moyens de l’audiovisuel.
La méthode qui a prévalu à l’Assemblée nationale et qui a consisté à retirer rapidement, à la hussarde, ces crédits-là n’est pas digne d’un fonctionnement satisfaisant et équitable du Parlement ; c’est un manque de respect du travail qui doit se faire entre les deux Chambres !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’expliquerai mon vote sur les deux amendements.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Qui n’ont rien à voir !
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour ma part, je suivrai l’avis défavorable du rapporteur spécial sur les deux amendements.
J’indique à mon collègue Vincent Delahaye que l’audiovisuel est, au même titre que la presse, tout à fait nécessaire et qu’il participe à l’expression de la démocratie dans notre pays.
Nous avons eu largement l’occasion de débattre du périmètre de l’audiovisuel public au sein de la Commission pour la nouvelle télévision publique en 2008 et lors de l’examen de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, en 2007. Nous nous sommes posé la question des valeurs que devaient véhiculer les missions effectuées par les chaînes de l’audiovisuel public.
J’imagine que l’avis de mon collègue Claude Belot s’appuie aussi sur le rapport d’information Les comptes de France Télévisions : quelle ambition pour la télévision publique ?, que nous avons déposé ensemble, au nom de la commission de la culture et de la commission des finances.
Je l’ai déjà dit dans mon intervention liminaire, ce rapport définissait les justes besoins de France Télévisions, ni plus ni moins, de façon à respecter un équilibre, équilibre qui me semble aujourd’hui atteint, même si l’on tient compte de l’effort temporaire nécessaire pour, comme l’a souligné M le ministre de la culture, participer à l’effort national d’économie.
Cela dit, l’effort demandé ne doit pas mettre en péril cet équilibre, ni remettre en cause le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, ainsi que l’a dit le nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, lors de son audition devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Je voudrais maintenant répondre à David Assouline. Mon cher collègue, s’il manquait autant d’argent que cela, pourquoi n’avez-vous pas voté votre propre amendement sur l’extension de la contribution à l’audiovisuel public la semaine dernière ? J’avais défendu un amendement semblable l’année dernière et la commission de la culture a toujours milité pour une telle extension depuis la suppression de la publicité commerciale. Notre ancien collègue Louis de Broissia ne cessait de le dire ! Un tel élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public aurait apporté 200 millions d’euros de recettes complémentaires, monsieur Assouline !
Comme l’a fait M. Belot, je veux à mon tour vous mettre face à vos propres contradictions. À un moment donné, il faut savoir prendre ses responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. M. Belot m’a convaincu de ne pas voter ces amendements. Toutefois, il a eu, me semble-t-il, une parole malheureuse quand il a dit que la commission de la culture vivait en dehors des réalités, en dehors du monde.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. C’est ce qu’il pense au fond !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Nous devons nous épargner ce genre de commentaire. Il n’y a pas, d’un côté, une commission courageuse qui affronterait la réalité et, de l’autre, une commission qui vivrait dans le luxe et la mollesse ! Il n’y a ici que des parlementaires siégeant dans leur commission et, s’ils ont parfois des priorités légèrement différentes, tous n’en recherchent pas moins le bien du pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je souscris tout à fait aux propos M. Jacques Legendre, mais ce n’est pas sur ce point que portera mon intervention.
Je voudrais seulement préciser que le groupe socialiste votera contre l’amendement n° II-146 rectifié, car il ne veut pas aggraver encore la réduction de 15 millions d’euros des crédits opérée à l’Assemblée nationale.
En revanche, il votera l’amendement n° II-102, ne serait-ce que par esprit de cohésion, puisque nous l’avons adopté en commission.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je veux seulement vous rappeler que l’amendement n° II-102 est porté par la commission de la culture, qui a tout bien pesé avant d’émettre son jugement, et que nous restons cohérents et dans la continuité en suivant le pas de côté intelligent qu’elle a toujours su faire et que rappelait à l’instant Jacques Legendre.
Ce que vous qualifiez de distorsions de majorité ne sont que des différences de regard, et celles-ci ont toujours existé. Je pense à Jean-Pierre Leleux, qui, sur le cinéma, n’a pas été suivi par l’ensemble de son groupe ; je pense à Louis de Broissia, qui n’avait pas été suivi par la commission des finances ; je pense à Jacques Ralite à qui il est arrivé la même chose qu’à David Assouline aujourd’hui !
Nous sommes parfaitement en accord avec notre temps. Et, en cette période de crise aiguë, nous sommes plus convaincus que jamais que la culture évitera la barbarie !
En conséquence, nous ne voterons pas l’amendement n° II-146, qui va à l’encontre de ce que nous souhaitons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Ces amendements, y compris l’amendement quelque peu provocateur sur la presse que vous avez retiré, monsieur Delahaye, traduisent bien ce qui vient d’être exprimé, à savoir l’existence de regards différents, de conceptions différentes sur la culture, la presse et l’audiovisuel.
Je l’ai déjà dit lors du débat que nous avons eu sur le Centre national de la cinématographie, et mon propos va dans le sens de ce que vient d’exprimer M. Legendre, la commission de la culture ne doit pas être considérée par la commission des finances, indépendamment des tendances politiques de chacun, comme une commission de rêveurs, loin des réalités et ne travaillant que sur un « supplément d’âme », pour reprendre la formule d’un homme célèbre.
Il n’y a pas que les membres de la commission des finances qui ont les pieds sur terre, qui vivent dans le monde réel et qui sont conscients de la nécessité de faire des économies compte tenu de l’ampleur de la dette !
Lors des crises qui ont eu lieu par le passé, y compris lors de la grande mutation industrielle des années quatre-vingt qui a fortement touché des villes comme Metz, Lille ou encore Bilbao, pour reprendre les exemples cités par le Président de la République dans le discours qu’il a prononcé vendredi dernier, c’est chaque fois la culture qui a permis de redynamiser les zones atteintes, y compris sur le plan économique, en favorisant la création de dizaines de milliers d’emplois !
Défendre les emplois, défendre les entreprises de presse, telles que France-Soir, La Tribune, dont les personnels sont jetés à la rue par des plans sociaux, ne pas réduire l’aide à la presse, mais au contraire la maintenir, en l’orientant, en la ciblant mieux – je pense à l’aide au portage qui est une réussite : voilà des impératifs que nous devons nous fixer !
Depuis que je suis membre de la commission de la culture, je ne vois dans les combats qu’ont menés les socialistes ni incohérence, ni exagération.
Je pense à l’audiovisuel public, que nous défendrons bec et ongles pour maintenir son mode et son niveau de financement, pour lui conserver son périmètre et l’ensemble de ses chaînes. À cette fin, aujourd’hui, le moins que nous puissions faire est de rétablir le budget initial que vous proposiez voilà encore une semaine !
Je pense aussi à la proposition que j’ai faite, et qui a été adoptée, de créer une taxe sanctionnant la vente à plus de 280 millions d'euros d’une chaîne de la TNT attribuée par l’État et donc achetée zéro centime, comme c’est le cas actuellement !
Nous pouvons donc travailler ensemble pour trouver de l’argent, même dans le secteur de la culture, où il existe des niches, des pratiques qui ne sont pas supportables.
Mais il n’est pas possible de toucher à l’audiovisuel public qui ne tient qu’à un fil, sans le fragiliser et lui rendre la vie encore plus difficile qu’elle ne l’est aujourd'hui.
M. le président. L'amendement n° II-134 rectifié ter, présenté par Mmes Garriaud-Maylam, Morin-Desailly et Farreyrol et MM. Magras, Fontaine, Laufoaulu, Frassa et Ferrand, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
|
Presse |
|
|
|
|
Livre et industries culturelles |
|
|
|
|
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
|
1 300 000 |
|
1 300 000 |
Action audiovisuelle extérieure |
1 300 000 |
|
1 300 000 |
|
TOTAL |
1 300 000 |
1 300 000 |
1 300 000 |
1 300 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La chaîne TV5 Monde, généraliste et francophone, a, jusqu’à aujourd’hui, bénéficié d’une couverture par satellite dans les départements et régions d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer, les DROM-COM, couverture étendue à d’autres territoires, comme Haïti ou Madagascar.
Cette couverture est aujourd’hui remise en question du fait d’un regrettable vide juridique. En effet, il n’est pas précisé, dans l’article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que l’obligation de must carry de TV5 Monde en métropole s’applique aussi aux DROM-COM.
Canal Overseas réclame donc aujourd’hui à TV5 Monde des frais de location de ses capacités satellitaires pour un montant de 1,3 million d’euros, surcoût que le budget actuel de la chaîne TV5 Monde ne peut supporter.
Aussi, mes chers collègues, à défaut d’un amendement à cette loi, nous souhaitons que le Gouvernement parvienne, soit à persuader Canal Overseas de continuer à laisser TV5 Monde diffuser dans les DROM-COM, soit à abonder le budget de cette chaîne à hauteur de 1,3 million d’euros, afin de lui permettre de continuer à être diffusée sur ces territoires.
Cela est extrêmement important, non seulement pour la chaîne TV5 Monde elle-même, mais aussi pour le rayonnement de notre pays, pour nos relations diplomatiques avec tous nos partenaires et pour la francophonie.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement d’appel, car je ne saurais, bien sûr, étant moi-même très attachée à l’audiovisuel public, souhaiter sérieusement amputer France Télévisions d’un million d’euros, comme cela est suggéré dans cet amendement.
En revanche, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous preniez un engagement clair : soit d’obtenir de Canal Overseas de changer sa position, soit de prendre des mesures pour que la loi soit modifiée, le vide juridique comblé, et que TV5 Monde puisse continuer sa diffusion dans les DROM et COM.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission, qui n’ignore pas le problème que vous posez, madame Garriaud-Maylam, est défavorable à cet amendement.
TV5 Monde regroupe plusieurs actionnaires, dont la France, mais aussi le Québec et les pays francophones. Est-il logique de faire payer seulement à la France le coût de la diffusion de TV5 ?
Par ailleurs, TV5, comme France Télévisions, fournit des milliers d’heures de programmes gratuitement ; mais c’est prévu par contrat. En outre, fait nouveau très important, les populations d’outre-mer reçoivent désormais les chaînes françaises grâce au déploiement de la TNT, qui est effective dans la quasi-totalité des territoires, mis à part Mayotte, qui en bénéficiera très bientôt.
Par conséquent, le problème est en grande partie résolu pour ce qui concerne les programmes de la télévision française. Pour les programmes québécois, c’est un autre sujet. Il faudra peut-être que les responsables concernés prennent des positions un peu différentes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, ce n’est pas au moment où nous sommes en train de nous mobiliser, avec M. Assouline et d’autres, pour protéger, de toute la force de notre conviction, le budget de France Télévisions, que nous allons décider de grignoter son budget pour en faire bénéficier TV5 !
De surcroît, des négociations sont en cours avec Canal Overseas.
Enfin, les propos tenus par M. le rapporteur sont tout à fait exacts : compte tenu de la gouvernance interne de TV5, que je connais bien pour en avoir fait partie pendant trois ans, je vois mal comment obtenir de chacun une avancée. Il ne faut pas toucher à tout cela ! C’est déjà tellement compliqué et fragile.
Mme Cécile Cukierman. On est d’accord !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Il n’est pas possible de soutenir cet amendement, qui vise à retirer de l’argent à France Télévisions.
Cependant, j’ai été, comme vous, alerté par nos amis, notamment des DROM et TOM sur ce sujet. De nombreux foyers ne recevront bientôt plus TV5, en raison du vide juridique qui contraint la chaîne à payer des frais de location de capacités satellitaires.
Monsieur le ministre, lors de l’examen du texte sur les chaînes bonus, nous pourrions tenter de combler ce vide juridique, afin de régler cette question. Ce serait une bien meilleure solution que de ponctionner le budget de France Télévisions !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaite simplement rectifier une erreur matérielle. J’apparais en effet comme cosignataire de cet amendement, ce qui n’est pourtant pas le cas.
Bien que je sois solidaire de TV5 Monde face aux problèmes qu’elle rencontre, je ne suis pas favorable à un amendement visant à retirer de l’argent à France Télévisions.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je ne suis pas sûr que l’amendement tel qu’il est formulé puisse être adopté.
En effet, personne n’a envie, aujourd’hui, de diminuer les ressources de France Télévisions. En revanche, nous souhaitons tous défendre la diffusion de TV5 Monde. De ce point de vue, je soutiens l’initiative prise par Joëlle Garriaud-Maylam et me réjouis du débat qu’elle soulève dans l’hémicycle.
Monsieur le ministre, nous vous demandons de faire le maximum pour que TV5 puisse continuer à être présent dans nos DROM, COM et POM. Le message ayant été entendu, il me paraîtrait sage de retirer l’amendement.
M. le président. L’amendement n° II-134 rectifié ter est-il maintenu, madame Garriaud-Maylam ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Comme je l’avais dit, il s’agit d’un amendement d’appel, destiné à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité, pour TV5 Monde, de se maintenir dans les DROM et les COM.
Il est bien évident, je l’ai dit aussi, que je ne maintiendrai pas un amendement visant à soustraire une somme aussi importante à France Télévisions. Je le retire donc.
Toutefois, j’aimerais tout de même vous entendre sur ce sujet, monsieur le ministre. En effet, votre précédente réponse ne prenait pas en compte la demande exprimée par MM. Assouline et Legendre, que je remercie de leur contribution et de leur appui.
M. le président. L’amendement n° II-134 rectifié ter est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
3 290 400 000 |
3 290 400 000 |
France Télévisions |
2 131 399 421 |
2 131 399 421 |
ARTE France |
269 166 230 |
269 166 230 |
Radio France |
627 721 010 |
627 721 010 |
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure |
169 243 179 |
169 243 179 |
Institut national de l’audiovisuel |
92 870 160 |
92 870 160 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-129 rectifié, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
France Télévisions |
||||
ARTE France |
|
10 200 000 |
|
10 200 000 |
Radio France |
||||
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure |
||||
Institut national de l’audiovisuel |
||||
TOTAL |
10 200 000 |
10 200 00 |
||
SOLDE |
- 10 200 000 |
- 10 200 000 |
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. C’est le second amendement que je dépose sur ces crédits audiovisuels, qui augmentent fortement, notamment pour Arte, puisqu’il est proposé une hausse de 7,3 %, pour porter le projet ambitieux défendu par sa présidente. Je l’ai dit en commission, des projets ambitieux, mais à crédit, je suis moi-même tout à fait capable d’en faire !
Je souhaite donc que ces projets soient réalisés avec des crédits en moindre augmentation. C’est pour cette raison que je vous propose, mes chers collègues, de diminuer de 10,2 millions d’euros la dotation accordée à Arte.
M. le président. L'amendement n° II-103, présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
France Télévisions |
5 105 000 |
5 105 000 |
||
ARTE France |
1 021 000 |
1 021 000 |
||
Radio France |
2 042 000 |
2 042 000 |
||
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure |
1 021 000 |
1 021 000 |
||
Institut national de l’audiovisuel |
1 021 000 |
1 021 000 |
||
TOTAL |
5 105 000 |
5 105 000 |
5 105 000 |
5 105 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Il s’agit de rétablir, comme nous l’avons fait tout à l’heure pour France Télévisions, les crédits d’Arte, de Radio France, de l’AEF et de l’INA tels qu’ils étaient présentés dans le projet de loi de finances initial.
Avant même que nous sachions que les crédits de Radio France seraient rabotés de 2 millions d’euros, son personnel, que j’avais reçu, m’avait alerté sur le fait que la tension devenait importante à l’intérieur de l’entreprise. La pression d’un chantier qui n’en finit plus pèse sur l’ensemble des investissements. Tout cela, chacun peut le sentir, ne va pas tenir longtemps. Ainsi, le fait de retrancher deux millions d’euros d’une dotation que le personnel estimait déjà très serrée serait ressenti de façon extrêmement douloureuse !
Cet amendement vise également à rétablir les crédits de l’INA, qui fait l’objet, vous le savez, d’un conflit social, accompagné d’une grève. Pense-t-on améliorer la situation et prétendre qu’on a entendu les revendications en retirant un million d’euros supplémentaires ?
Pour toutes ces raisons, nous proposons de rétablir ces crédits, qui sont déjà gagés par l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission est défavorable aux amendements nos II-129 rectifié et II-103.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. J’hésite entre deux solutions, monsieur le président : soit donner le numéro de téléphone de Véronique Cayla, la présidente d’Arte, à M. Delahaye, pour qu’ils s’expliquent ensemble, mais cela risque de se terminer dans le sang ; soit, plus prudemment, émettre un avis défavorable sur l’amendement n° II-129 rectifié, compte tenu de la nécessité à la fois d’éviter qu’un crime ne se déroule dans les heures qui viennent et de préserver – c’est un peu plus sérieux ! – un équilibre extrêmement fragile, pour lequel nous nous sommes tellement battus. Il ne serait vraiment pas sage de revenir dessus.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos II-129 rectifié et II-103.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Nous sommes défavorables à l’amendement présenté par M. Vincent Delahaye, car il n’est pas nécessaire de fragiliser Arte, qui se doit de continuer d’être en pointe en matière de nouvelles technologies.
Nous sommes, en revanche, favorables à l’amendement n° II-103, présenté par la commission de la culture.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Je souhaite simplement expliquer, très brièvement, la cohérence de la position de la commission de la culture.
Nous avons rétabli, par l’adoption de deux amendements, ce qui avait été ponctionné dans le budget de la mission.
Si nous considérions auparavant qu’il convenait de rejeter le budget initial, nous ne souhaitons pas aujourd’hui nous inscrire dans la politique du pire. À partir du moment où nous avons « sauvé » vingt millions pour l’audiovisuel public, nous considérons, dans l’esprit de construction que nous avons adopté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, qu’il convient de voter en faveur de ces crédits modifiés, pour défendre l’essentiel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances émet un avis défavorable sur les crédits.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 52 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Médias, livre et industries culturelles
Article 52 ter (nouveau)
Le dernier alinéa du VI de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, le montant de cette compensation est réduit à due concurrence du montant des recettes propres excédant le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d’objectifs et de moyens ou ses éventuels avenants conclus entre l’État et la société mentionnée au même I. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-110 est présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
L'amendement n° II-133 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Maurey, Mme Férat et MM. Guerriau et Détraigne.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-110.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Cet amendement, que nous avons présenté en commission, est à nos yeux très important. Quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, mes chers collègues, il vous est facile d’en comprendre l’objet.
La régie publicitaire de France Télévisions concourt, grâce à l’argent des annonceurs qu’elle va chercher, à un équilibre absolument nécessaire au groupe.
D’ailleurs, quand on a projeté de vendre cette régie, on a reculé parce qu’on s’est rendu compte que d’aussi bons résultats, une telle manne récoltée, les fruits d’un travail si efficace ne pouvaient pas être bradés.
Peut-on imaginer que, si l’État retirait à la régie publicitaire de France Télévisions ses excédents de recettes, les personnels qui y travaillent garderaient le même enthousiasme, la même énergie et le même esprit d’entreprise dans leur travail de collecte des fonds ? En fait, on aboutirait à ce que même l’objectif fixé dans le contrat d’objectifs et de moyens ne soit pas atteint, tant la démotivation du personnel serait générale !
Je sais que des discussions sont en cours et que la navette permettra de poursuivre la réflexion.
Pour ma part, je pense qu’il n’est vraiment pas de bonne politique de ponctionner les excédents de recettes de la régie publicitaire de France Télévisions.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à supprimer l’article 52 ter.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° II-133.
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour les raisons que j’ai déjà exposées dans le débat, je vous propose, avec plusieurs de mes collègues, de supprimer la disposition, introduite par les députés, qui prévoit la restitution à l’État des recettes publicitaires de France Télévisions excédant le montant anticipé par le contrat d’objectifs et de moyens.
Il ne s’agit pas d’une idée nouvelle. Mais, en ce qui me concerne, je la trouve toujours aussi injustifiée.
D’une part, il est évident qu’elle contribuera à démotiver grandement tout le personnel de la régie publicitaire.
D’autre part, je rappelle que France Télévisions a déjà consenti l’effort nécessaire de 15 millions d’euros dont nous avons parlé tout à l’heure.
Dès lors, contraindre France Télévisions à restituer ses excédents de recettes publicitaires reviendrait à lui imposer une pénalité non justifiée.
Lors de l’audition du nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, à l’Assemblée nationale, mercredi dernier, certains députés ont estimé que les prévisions de recettes publicitaires inscrites au contrat d’objectifs et de moyens pour les années à venir étaient follement optimistes… Pourquoi donc prévoir une mesure qui n’aura pas l’occasion d’être appliquée ?
Je rappelle enfin que nous avons choisi de proposer un moratoire jusqu’à 2016, c’est-à-dire le temps que l’indexation et la revalorisation de la contribution à l’audiovisuel public, que nous avons décidées, produisent leurs effets.
Dès lors qu’on fait le choix de maintenir la publicité avant 20 heures, il faut être cohérent et en accepter toutes les implications, y compris celles qui pourraient, éventuellement, être très positives.
Il est souhaitable que des excédents de recettes puissent être réinvestis dans la modernisation de l’audiovisuel public, en particulier dans son évolution vers le global media.
C’est donc par souci de cohérence que nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Nous assistons ce soir à un jeu de rôle : M. le ministre est plein d’humour et les séances de nuit permettent, à partir d’une certaine heure, de ne plus compter le temps…
J’ai pour ma part le rôle de l’affreux et je persévère dans ce jeu ! La commission des finances est en effet défavorable à ces deux amendements.
Je suis tout à fait d’accord avec Mme Morin-Desailly lorsqu’elle souhaite le développement du média global. Il est évident que ce développement est nécessaire. Il y faut certes des moyens, mais aussi une volonté et une capacité technique. Or, à mon avis, France Télévisions se cherche un peu sur ce terrain – il est vrai que ce n’est pas facile.
S’agissant des recettes publicitaires, notre débat me rajeunit d’un certain nombre d’années… Ici même, j’ai été rapporteur sur la loi de privatisation du 19 juillet 1993. Dans ce cadre, j’avais reçu les représentants d’une bonne partie des entreprises du CAC 40 d’aujourd’hui. Ils m’avaient dit « en avoir marre » d’essayer de faire des bénéfices que Bercy leur cravatait le 2 janvier au matin !
Je comprends ce qu’une telle situation peut avoir de décourageant. Toutefois, mes chers collègues, je vous rappelle que la régie publicitaire de France Télévisions est un cas très particulier.
Le contrat d’objectifs et de moyens doit obéir à un certain nombre de principes budgétaires : sincérité des comptes et sincérité des prévisions.
Or ces prévisions sont très difficiles à réaliser dans le domaine de la publicité, parce que la facturation repose sur l’audimat qui est une donnée constatée : à la commande, le prix d’une heure de télévision n’est pas connu. C’est une situation assez unique dans l’ensemble du droit commercial.
Quand on négocie un contrat d’objectifs et de moyens, on émet une certaine prévision ; ensuite, l’audimat peut se révéler très favorable. C’est ce qui s’est passé avec l’embellie générale de la conjoncture que France Télévisions a connue.
Or il y a des besoins d’argent criants partout et les recettes ainsi dégagées peuvent servir de leviers pour diverses actions.
La commission des finances demande donc aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer.
Si toutefois il y a d’autres solutions, elles seront les bienvenues.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-110 et II-133.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 52 ter est supprimé.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 28 novembre 2011 :
À dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).
Examen des missions :
- Politique des territoires
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 19)
MM. Ronan Dantec et Rémy Pointereau, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie (avis n° 111, tome V).
- Économie
Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
MM. Christian Bourquin et M. André Ferrand, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 11)
M. Gérard Cornu, Mme Évelyne Didier, MM. Pierre Hérisson et Michel Teston, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie (avis n° 111, tome III)
M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis de la commission des lois (Développement entreprise et emploi - avis n° 112, tome VIII)
- Aide publique au développement
Compte spécial : Prêts à des États étrangers
Compte spécial : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 4)
MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Aide publique et financière - avis n° 108, tome IV)
- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 61 et 61 bis)
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 28)
Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome VI)
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commission des lois (Égalité entre les hommes et les femmes - avis n° 112, tome IX)
- Défense
Compte spécial : Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
MM. Yves Krattinger et François Trucy, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 8)
MM. Didier Boulaud et André Trillard, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Environnement et soutien - avis n° 108, tome V)
MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Équipement des forces - avis n° 108, tome VI)
MM. Gilbert Roger et André Dulait, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Préparation et emploi des forces - avis n° 108, tome VII)
Mme Michelle Demessine et M. Jean-Marie Bockel, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères (Soutien des forces - avis n° 108, tome VIII)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 26 novembre 2011, à deux heures cinquante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART