Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
M. Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann.
2. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la commission des finances ; MM. Ronan Dantec, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.
Mme Évelyne Didier, MM. Jean-Claude Requier, Aymeri de Montesquiou, Jean-Claude Lenoir, Jean-Jacques Mirassou, Antoine Lefèvre, Jean-Luc Fichet.
Mme Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Mme la rapporteure spéciale.
Rejet des crédits de la mission.
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
MM. Christian Bourquin, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Évelyne Didier, rapporteure pour avis de la commission de l’économie ; MM. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis de la commission des lois pour le programme « Développement des entreprises et de l’emploi ».
Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Claude Lenoir, Jean-Yves Leconte, Mme Mireille Schurch, M. André Reichardt, Mme Renée Nicoux, M. Yves Chastan.
Suspension et reprise de la séance
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Amendement n° II-85 de M. Michel Teston, rapporteur pour avis. – MM. Michel Teston, rapporteur pour avis ; Christian Bourquin, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Gérard Cornu. – Adoption.
Amendement n° II-18 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. Christian Bourquin, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Mme Évelyne Didier, M. André Reichardt. – Adoption.
Amendement n° II-171 de M. Jacques Mézard. – MM. Jean-Claude Requier, Christian Bourquin, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Michel Teston, Mme Évelyne Didier. – Adoption.
Rejet des crédits modifiés de la mission « Économie »
M. Christian Bourquin, rapporteur pour avis.
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
3. Communication du Conseil constitutionnel
4. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
MM. Aymeri de Montesquiou, Robert Hue, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jean-Louis Carrère, Christian Bourquin, Christian Cambon, Mme Claudine Lepage.
MM. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération ; Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
M. le ministre.
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales ; Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
Mme Françoise Laborde, M. Jean-Louis Lorrain, Mmes Claire-Lise Campion, Isabelle Pasquet, MM. Jean Desessard, Georges Labazée.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° II-216 du Gouvernement. – Mme Claude Greff, secrétaire d'État chargée de la famille ; MM. le rapporteur spécial, Roland Courteau. – Adoption.
Amendement n° II-173 rectifié ter de M. René-Paul Savary. – MM. Jean-Louis Lorrain, le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Rejet des crédits modifiés de la mission.
Article additionnel après l'article 61
Amendement n° II-161 rectifié de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur spécial, Mmes la secrétaire d'État, Aline Archimbaud, rapporteure pour avis ; M. Alain Néri. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-163 de M. Claude Jeannerot. – MM. Georges Labazée, le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° II-164 de M. Yves Daudigny. – MM. Georges Labazée, le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 61 bis
Amendement n° II-168 de M. Yves Daudigny. – MM. Georges Labazée, le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
MM. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances ; Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et le soutien de la politique de défense ; André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et le soutien de la politique de défense ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces ; Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces ; Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces ; Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le soutien des forces ; Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le soutien des forces.
MM. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; François Trucy, rapporteur spécial.
MM. Jean-Pierre Chevènement, Jean-Marie Bockel, Daniel Reiner, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Gautier, Didier Boulaud, René Beaumont, Alain Richard, Xavier Pintat, Jeanny Lorgeoux, Mme Josette Durrieu, M. Rachel Mazuir.
MM. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants ; le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Amendement n° II-158 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. Yves Krattinger, rapporteur spécial ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° II-104 de M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. – MM. Daniel Reiner, rapporteur pour avis ; Yves Krattinger, rapporteur spécial ; le ministre, Jacques Gautier, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Défense ».
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
M. le ministre.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Politique des territoires
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».
La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’en tiendrai ce matin, compte tenu du temps qui m’est imparti, à un exposé rapide et synthétique des faits marquants du projet de loi de finances pour 2012 concernant la politique des territoires.
J’observe tout d’abord que la mission conserve en 2012 un périmètre interministériel stable ainsi qu’une organisation inchangée pour ses deux programmes.
Elle constitue dans le présent projet de loi de finances, par le volume de ses crédits, la plus petite mission du budget général dotée d’objectifs de performance : 334,07 millions d’euros en autorisations d'engagement et 340,81 millions d’euros en crédits de paiement.
J’ai relevé que ces montants sont conformes aux plafonds prévus par la loi de programmation des finances publiques en vigueur, qui couvre la période 2011-2014.
Ces dotations ont même été ramenées par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, à moins de 330 millions d’euros en autorisations d'engagement et à 336,5 millions d’euros en crédits de paiement, et ce en application des plans d’économies supplémentaires annoncés par le Premier ministre les 24 août et 7 novembre 2011.
Mais je reviendrai sur ce point en conclusion.
La mission est placée au cœur de la politique transversale d’aménagement du territoire. Cependant, les actions de l’État participant de cette politique, naturellement au carrefour de nombreuses interventions publiques, excèdent de loin son périmètre.
Chaque année, en effet, 5 milliards d’euros environ sont engagés pour l’aménagement du territoire. La mission « Politique des territoires » ne représente en 2012 que 6,5 % de la totalité de ces crédits ; c’est dire à quel point elle est modeste.
La mission se singularise, en outre, par des dépenses fiscales supérieures à ses crédits budgétaires, soit 421 millions d’euros, mais j’aurai l’occasion de revenir sur ce point sensible.
J’en viens maintenant aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2012.
Le premier programme, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dont l’acronyme est PICPAT, piloté par le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, correspond aux moyens mis à la disposition de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR.
Ses crédits seront employés au financement de nombreux dispositifs, dont je ne rappelle que les quatre principaux : les contrats État-région, dont la « génération » 2007-2013 entrera en 2012 dans sa sixième année d’exécution ; la prime d’aménagement du territoire, outil d’aide à la localisation d’activités et d’emplois dans certaines zones prioritaires du territoire ; le plan d’accompagnement du redéploiement des armées ; enfin, la politique des réseaux d’entreprises, pôles d’excellence rurale, pôles de compétitivité et « grappes d’entreprises », qui constituent une sorte de variante des pôles de compétitivité pour des réseaux d’entreprises de petite taille.
Je constate qu’un premier appel à projets a permis de sélectionner 42 grappes d’entreprises en 2010 et 84 en 2011, mais je mets en garde contre le risque de « saupoudrage » dans ce domaine.
J’en arrive au second programme de la mission, baptisé « Interventions territoriales de l’État », couramment désigné sous le nom de PITE, qui relève du Premier ministre mais qui a été confié à la gestion du ministère de l’intérieur.
Dérogatoire aux règles du droit commun budgétaire, ce programme a été reconduit et recomposé en 2009 sous la forme de quatre actions, qui correspondent à quatre plans interministériels de portée régionale, la majorité de ces crédits se trouvant affectée à l’action relative à la Corse.
Le programme d’investissements en faveur de la Corse sera, de plus, abondé par des fonds de concours, à hauteur de 40 millions d’euros en crédits de paiement, en provenance de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ou AFITF, ce qui constitue une forme de « débudgétisation » regrettable.
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de nous indiquer si vous partagez bien notre préoccupation de limiter les débudgétisations.
Le PITE retrace aussi trois autres actions : la « reconquête » de la qualité de l’eau en Bretagne, qui comporte notamment le « plan d’urgence nitrates » et le plan de lutte contre les algues vertes ; les dépenses consacrées à l’écologie du marais poitevin ; enfin, les actions mises en œuvre à la Guadeloupe et à la Martinique pour faire face aux dangers du chlordécone, ce pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.
J’ai relevé que la composition du PITE pourrait évoluer après 2012 et que le ministère de l’intérieur a demandé aux préfets de région de faire remonter des projets territoriaux.
Dans ce contexte, je m’interroge sur la possibilité d’inscrire au PITE une action spécifique destinée à résoudre les problèmes particuliers du Pays basque, qui pourrait compléter la convention dédiée à ce territoire et pour laquelle, à ce jour, le Gouvernement n’a donné aucune garantie de reconduction.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous éclairiez sur ce sujet.
Avant de conclure, je voudrais formuler deux principales critiques.
En premier lieu, l’efficacité des mesures mises en œuvre par la mission me paraît incertaine et insuffisamment mesurée. Améliorer l’évaluation de ces dernières est donc nécessaire. Il faut connaître les résultats effectifs des pôles de compétitivité et des grappes d’entreprises, mais aussi des pôles d’excellence rurale ou encore de la prime d’aménagement du territoire, outil en faveur de l’emploi sur lequel la Cour des comptes a émis des réserves.
En second lieu, l’évaluation que je préconise concerne les dépenses fiscales rattachées au programme que gère la DATAR.
Trente dépenses fiscales lui sont en effet rattachées pour un montant total minimal estimé de 421 millions d’euros en 2012, soit un montant supérieur aux crédits de la mission. La tendance au saupoudrage en la matière est inacceptable.
Je m’inquiète réellement du résultat des évaluations issues du rapport Guillaume d’août 2011 consacré aux niches fiscales et sociales. Ce rapport s’est en effet montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi systématiquement inefficaces : sur les vingt et une dépenses fiscales de la mission évaluées, dix-huit ont le score le plus faible, à savoir zéro.
Déjà, en octobre 2010, le conseil des prélèvements obligatoires avait évoqué des dispositifs à « l’efficacité incertaine ».
Monsieur le ministre, quelles conséquences tirez-vous de ces évaluations assez calamiteuses ? Je rappelle que notre collègue François Marc, ancien rapporteur spécial, avait à plusieurs reprises exigé que ces dépenses fassent l’objet d’une évaluation rigoureuse de leurs performances. J’ajoute, pour ma part, qu’une remise à plat globale de ces mesures me semble à terme inévitable.
Pour conclure, je souligne ici que les fondements de la politique d’aménagement du territoire conduite par le Gouvernement depuis des années sont très largement responsables de l’impression de saupoudrage qui ressort des dispositifs que j’ai rappelés.
Il en résulte sur le terrain la perception d’une politique d’aménagement du territoire sans réelle lisibilité, ce qui est aggravé par l’extrême instabilité du rattachement ministériel de la DATAR.
Cette instabilité fragilise notre ambition en matière d’aménagement du territoire et laisse à penser qu’il ne s’agirait plus que d’une politique subsidiaire et marginalisée. Pourquoi le Gouvernement fait-il ce choix ?
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. Je ne m’étendrai pas non plus sur le manque de concertation qui caractérise les interventions unilatérales de l’État dans les territoires ; je pense au Grand Paris, mais aussi à la généralisation des projets d’intérêt général au travers desquels l’État impose ses vues aux collectivités. Qu’est donc devenue la décentralisation ?
En bref, je juge nécessaire d’accroître globalement l’efficacité des politiques d’aménagement du territoire, au delà même de la présente mission, dans une démarche de solidarité accrue entre les territoires et de recherche d’une plus grande cohérence.
Le choix de minorer de 4,3 millions d’euros les crédits de la mission ne va pas dans ce sens : une telle contraction des moyens de cette dernière risque en effet de fragiliser ses dispositifs d’intervention et de mettre à mal la « soutenabilité » des engagements des actions concernées.
C’est pourquoi la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de la mission « Politique des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis.
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en période de crise, la politique des territoires est un enjeu essentiel pour aider ceux-ci à affronter les difficultés, pour accompagner les mutations et pour éviter que les inégalités ne se creusent entre les mieux armés et les plus défavorisés.
Le rapport pour avis que nous vous présentons aujourd’hui a donc pour objet de traiter cette question : la politique des territoires répond-elle aujourd’hui à cette mission essentielle de cohésion nationale dans une période de crise économique dont il n’est pas nécessaire, ici, de souligner la gravité ?
Nous avons donc examiné tant les crédits de la mission elle-même que, plus généralement, les crédits rassemblés dans le document de politique transversale, en resituant cette politique dans le cadre de la réforme de la politique européenne de cohésion.
Nous nous sommes enfin penchés sur les actions menées dans le cadre des PITE. Faute de temps, ce matin, pour développer ce point dans cette enceinte, mes chers collègues, je vous renvoie à mon rapport écrit.
Les crédits de la mission elle-même diminuent pour 2012 de 4,6 % en autorisations d’engagement, mais augmentent de 5,9 % en crédits de paiement.
L’évolution pourrait paraître contrastée, mais, si nous additionnons ces chiffres à ceux de l’évolution entre 2010 et 2011, soit une baisse de 5,1 % en autorisations d'engagement et de 11,1 % en crédits de paiement, on voit se préciser une réduction incontestable des moyens de l’aménagement du territoire en France, que le coup de rabot de l’Assemblée nationale – une baisse de 3 millions d’euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement – ne fait que confirmer.
Cette réduction se retrouve aussi dans les moyens humains de la DATAR, avec douze équivalents temps plein travaillé de moins en deux ans, soit une baisse de 8 % des effectifs.
Il est une autre illustration de cette absence de signal de l’État sur l’importance accordée à l’aménagement du territoire : aucun comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire n’a été organisé en 2011, le dernier remontant maintenant à mai 2010.
Nous serons évidemment attentifs aux conclusions de la réflexion engagée dans le cadre de la prospective « Territoires 2040 », mais nous pouvons déjà regretter l’absence d’intervention de la DATAR sur la hiérarchisation des projets inscrits au schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT.
Nous savons pourtant qu’il ne sera pas possible de financer la totalité d’un tel catalogue – cela a été dit dans cet hémicycle ces derniers jours – et que la responsabilité de l’État serait justement d’établir une priorité parmi les projets en fonction de leur impact sur les territoires et de limiter ainsi le gaspillage de financement entre des infrastructures et des modes de transport souvent en concurrence – autoroutes, lignes à grande vitesse et nouveaux aéroports.
Ce manque d’engagement pour une politique volontariste d’aménagement du territoire se retrouve plus généralement dans la réduction forte de l’effort budgétaire global en faveur de l’ensemble des politiques contribuant à l’aménagement du territoire, rassemblées dans le document de politique transversale.
Entre 2010 et 2012, le total des autorisations d’engagement est passé à 5,87 milliards d’euros – une diminution de 8,8 % –, soit 500 millions d’euros de moins investis sur nos territoires.
Je ne détaillerai pas ici ces baisses, faute de temps ; le rapporteur pour avis que je suis s’étonne cependant que le document présenté par l’État ne permette guère de se faire une idée précise des raisons de ces diminutions, parfois spectaculaires : baisse de 29,6 % des crédits consacrés à l’accompagnement des mutations économiques et au développement de l’emploi, baisse des deux tiers des crédits consacrés aux infrastructures de services de transport, pour ne prendre que ces deux exemples.
Monsieur le ministre, nous serions intéressés par des explications sur de telles réductions, s’agissant de politiques publiques pour le moins essentielles.
Quelques lignes de mon rapport écrit traite également du financement de l’action culturelle. Je ne citerai qu’un seul exemple : les moyens consacrés au développement culturel des territoires les moins favorisés – périphéries des zones urbaines, ou zones rurales isolées – passent de 4 millions d’euros, somme déjà modeste, à 343 000 euros, soit une baisse record de 91,4 %.
Quel signal terrible et inquiétant, monsieur le ministre, lorsque l’on sait l’enjeu que représente la culture pour la cohésion sociale et pour l’attractivité des territoires les moins développés ou en mutation !
Permettez-moi de vous livrer en conclusion un sentiment sur cette « errance administrative » de l’aménagement du territoire, pour reprendre un terme entendu lors des auditions. Aujourd’hui accolé à l’agriculture, sans même un secrétaire d’État spécifique – vous avez exprimé ce regret lors de votre audition au Sénat voilà quelques semaines –, l’aménagement du territoire a perdu de sa lisibilité et de son importance. Nous n’avons par exemple guère fait entendre la voix de la France sur la réforme des fonds structurels concernant des points aussi intéressants que la création des régions intermédiaires, en préférant, si je reprends la réponse gouvernementale au cinquième rapport de la Commission européenne, privilégier la préservation des budgets de la politique agricole commune. Nous ne pouvons que le regretter, et serons vigilants à la réponse qu’apportera le Gouvernement aux nouvelles propositions de la Commission.
En tout état de cause, au vu de la baisse sensible des budgets tant de la mission « Politique des territoires » que de la politique transversale, et de l’absence de lisibilité générale de la politique d’aménagement du territoire, le rapporteur pour avis que je suis a proposé d’émettre un avis défavorable, lequel a été confirmé par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire le 15 novembre dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Si les crédits de cette mission pour 2012 sont certes présentés en baisse en autorisations d’engagement, ils sont en hausse en crédits de paiement, ce qui permet la poursuite des politiques engagées.
Ainsi, les pôles de compétitivité fonctionnent plutôt bien. Depuis leur lancement en 2005, 71 pôles ont été labellisés. L’enveloppe prévue pour la période 2009-2012 s’élève à 1,5 milliard d’euros. La politique des pôles de compétitivité est articulée avec celle des grappes d’entreprises, qui se positionnent sur des actions plus proches du marché. Un total de 126 grappes d’entreprises a été sélectionné à l’issue de deux appels à projets, et une enveloppe de 24 millions d’euros sur deux ans est mobilisée par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Je considère que la proximité territoriale doit être un facteur important de développement des relations entre les grappes d’entreprises et les pôles de compétitivité.
D’une manière générale, j’estime que les politiques d’appels à projets, grâce à l’émulation qu’elles favorisent, donnent de meilleurs résultats que les politiques de « guichet ».
C’est cette procédure d’appels à projets qui a permis de sélectionner les pôles d’excellence rurale en deux vagues successives de 379, puis 263 PER. Les conventions des PER de la deuxième vague sont actuellement en cours de signature. L’enveloppe globale de 235 millions d’euros d’une génération à l’autre ayant été reconduite, le montant moyen d’aide par PER devrait être accru de 620 000 à 890 000 euros, ce dont je me félicite.
Je me suis également intéressé à l’action de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, qui se trouve sous la double tutelle du ministre chargé de l’aménagement du territoire et du ministre chargé de l’économie et des finances.
L’AFII paraît très dynamique. L’évaluation de ses actions, qui a été faite au printemps 2011, montre qu’elle parvient à de bons résultats même en période de crise : 782 projets d’investissements étrangers en France ont été annoncés en 2010 contre 639 en 2009, soit une hausse de 22 %. Le nombre d’emplois induits s’élève à 31 815.
Cette bonne performance s’explique largement par l’ensemble des mesures prises au cours des dernières années pour renforcer l’attractivité de notre pays : réforme du crédit d’impôt recherche en 2008, lancement du Grand Paris en 2009, réforme de la taxe professionnelle et lancement du programme national des investissements d’avenir en 2010.
Toutefois, il me paraît important de lutter contre la concentration géographique des investissements étrangers sur quatre régions seulement, qui accueillent 61 % des projets, en assignant comme priorité à l’AFII la promotion des pôles de compétitivité et le soutien aux zones en mutation économique.
Le dispositif de la prime d’aménagement du territoire, la PAT, est financé pour 2012 par une dotation de 38,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 33 millions d’euros en crédits de paiement, soit des niveaux stables depuis 2010.
Il a certes fait l’objet de critiques de la part de la Cour des comptes, qui s’est interrogée sur le caractère réellement incitatif de ces aides, dont les montants unitaires par projet demeurent modiques. Mais j’estime que c’est un élément de persuasion de la part de l’État, qui peut faire la différence dans la dernière ligne droite de la négociation de dossiers délicats. On estime que le dispositif PAT a permis en 2010 de créer 3 000 emplois et d’en maintenir 8 400.
C’est aussi dans le cadre de cette mission « Politique des territoires » que le Gouvernement soutient des politiques indispensables à l’attractivité des territoires ruraux. Ainsi, je me félicite de la pérennisation du dispositif des zones de revitalisation rurale, dont le coût fiscal, évalué à environ 130 millions d’euros, paraît modeste au regard de son grand intérêt pour les territoires ruraux concernés.
L’accent est mis cette année sur l’amélioration de l’offre de soins en milieu rural. Si j’approuve l’amélioration apportée par le programme des 250 maisons de santé pluridisciplinaires, je considère cependant que le redressement de la démographie médicale en zone rurale dépend à la fois du numerus clausus, qui est en inadéquation avec la réalité sur le terrain, et de la volonté de mettre en œuvre des mesures plus directives pour l’installation des médecins en milieu rural.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Quant à l’accord national « Plus de services au public » signé en septembre 2010 entre l’État et neuf opérateurs, il est expérimenté dans un premier temps dans vingt-trois départements. Les conventions départementales sont en cours de finalisation. Je constate toutefois une certaine frilosité des opérateurs à s’investir plus fortement dans cette opération.
Enfin, je voudrais évoquer le programme national de déploiement du très haut débit présenté en juin 2010, programme qui a pour objectif de parvenir à une couverture de 100 % des foyers en 2025.
Monsieur le ministre, peut-être serez-vous en mesure de nous apporter dès cette année des indications sur ce que pourraient être les recettes pérennes qui doivent alimenter le Fonds d’aménagement numérique du territoire, le FANT, destiné à prendre le relais de cette enveloppe de départ ?
Globalement, je crois que la mission « Politique des territoires » a réussi à préserver les marges de manœuvre permettant d’assurer la continuité de la politique de soutien aux territoires.
C’est pourquoi, à la différence de la majorité de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’émettrai à titre personnel et au nom du groupe UMP de la commission, un avis favorable à l’adoption de ces crédits et de ces différentes politiques à conforter. Je rappelle que, dans un contexte de crise économique, ce n’est pas tant le montant global des crédits qui importe que la qualité des actions menées et l’effet levier qu’elles procurent pour un aménagement du territoire fondé sur une logique de projets plutôt que sur une logique de guichet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, nous examinons au sein de cet hémicycle les crédits de la mission « Politique des territoires » en déplorant que cette mission ne reflète qu’à la marge la politique d’aménagement du territoire, par nature transversale. À ce titre, je rappelle notre incompréhension de voir ces crédits passer de ministère en ministère au gré des remaniements.
Concernant l’action Attractivité économique et compétitivité des territoires, la politique des pôles de compétitivité engagée depuis 2005 est une nouvelle fois confirmée. Pourtant, nous répétons inlassablement qu’une telle politique est erronée dans le sens où elle suppose d’identifier les territoires qui ont du potentiel de ceux qui en seraient dépourvus. Une telle conception entérine donc un désengagement de moyens et de compétences de pans entiers du territoire pour concentrer l’ensemble des ressources au sein de quelques pôles identifiés selon un principe de spécialisation dans un contexte de compétition internationale. Nous nous éloignons de la conception républicaine d’aménagement du territoire pour aller toujours plus vers celle de compétitivité, qui exclut toute dimension de solidarité, de cohésion et de péréquation entre les territoires.
Par ailleurs, en termes d’accompagnement de la mutation économique, c’est-à-dire, pour parler clair, de la désindustrialisation des territoires, nous estimons qu’un tel phénomène ne peut se combattre à coup d’exonérations fiscales ou sociales, d’aides ponctuelles au travers de la prime d’aménagement du territoire, mais qu’il requiert une réelle politique industrielle menée par le Gouvernement s’appuyant sur un pôle public de financement desserrant l’étau de l’accès au crédit, notamment pour les PME. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, et nous continuons de déplorer la perte de 500 000 emplois industriels depuis 2002. Dans ce cadre, la stagnation du niveau de crédits accordé à la PAT depuis 2010, à hauteur de 32,6 millions d’euros en crédits de paiement, nous semble problématique.
Nous noterons au passage que le niveau des crédits de paiement pour l’ensemble de la mission, à hauteur de 341 millions d’euros, est inférieur à la dépense fiscale liée à cette mission, soit 397 millions d’euros. Cela nous interpelle et nous permet de qualifier les mesures gouvernementales en la matière de « saupoudrage » dont l’efficacité est contestable.
Concernant l’action n°2 du programme principal de cette mission, Développement solidaire et équilibré des territoires, comme Mme la ministre du budget le reconnaissait récemment, « le socle du modèle républicain, ce sont les services publics ».
Pourtant, le ministre en charge de ce budget, dans le cadre de l’examen en commission à l’Assemblée nationale de ces crédits, s’est permis de déclarer que « chacun doit bien comprendre que, faute de moyen, les services publics de demain ne pourront disposer des mêmes infrastructures ni fonctionner au même coût qu’aujourd’hui ». Ces propos ont le mérite de la franchise sur l’ambition du Gouvernement en la matière, c’est-à-dire la réduction progressive de la présence des services publics sur le territoire national.
Nous déplorons à ce titre la perte d’ingénierie publique au sein des collectivités comme de l’administration centrale. En effet, l’application de la révision générale des politiques publiques à l’ensemble des secteurs de manière mécanique et autoritaire par la suppression d’un fonctionnaire sur deux aboutit à des situations déplorables.
En effet, dans tous les secteurs d’intérêt général, l’État se désengage et rétracte la présence des services publics, comme cela a été organisé avec la réforme de la carte judiciaire, scolaire ou encore hospitalière. La présence postale a également été remise en cause au travers de la loi adoptée en 2009 par le Parlement.
Tous ces éléments conduisent à une dévitalisation des zones rurales, dévitalisation que vous ne pourrez combattre uniquement avec l’avènement des pôles d’excellence rurale, d’autant plus que, concernant ces PER, on assiste à la restriction des aides à chaque nouvel appel à projet.
L’attractivité des territoires passe d’abord – nous le réaffirmons – par la présence de services publics.
Les collectivités qui, dans ce cadre, sont également un acteur majeur de l’aménagement du territoire font aussi les frais de la rigueur gouvernementale. L’assèchement des ressources par le gel des dotations et la réforme de la taxe professionnelle conduisent à rétracter leur capacité d’investissement et donc leur capacité à faire vivre des services publics locaux. Cette situation est aggravée par le nouveau plan de rigueur annoncé par le Premier ministre, qui entérine une ponction de 200 millions d’euros sur le budget alloué aux collectivités locales.
On nous parle des ambitions du Gouvernement en termes d’offre de transport ainsi que d’aménagement numérique du territoire. Mais qu’en est-il réellement ?
Le fret, outil puissant d’aménagement du territoire, est purement abandonné ou laissé à l’appréciation d’opérateurs privés de proximité. Le réseau ferré est maintenu dans un état de délabrement tel que des lignes sont abandonnées. Certes, des efforts sont entrepris, mais il y a encore beaucoup à faire. Nous sommes dans ce cadre bien loin des engagements du Grenelle de rééquilibrage modal et des déclarations d’intention entourant l’élaboration du syndicat national d’infrastructures de transport, le SNIT.
Concernant l’aménagement numérique, vous comprendrez bien que l’horizon de 2025 pour l’accès de tous au très haut débit nous semble bien loin et très hypothétique. Nous regrettons la confiance de ce gouvernement en l’initiative privée pour développer ce réseau, car seuls les secteurs rentables sont développés. À terme, ce seront une nouvelle fois les collectivités qui devront intervenir pour garantir à nos concitoyens l’accès au service public dans les zones non rentables. C’est regrettable !
Pourquoi donc ne pas solliciter financièrement le secteur privé, dont les bénéfices sont importants, notamment pour alimenter le fonds d’aménagement numérique du territoire créé en 2009 ? Pourquoi ne pas intégrer, comme nous vous le demandons depuis de nombreuses années, l’accès au très haut débit dans le service universel ?
Aujourd’hui, l’accès à l’information et à la communication est plus que jamais un facteur structurant pour l’attractivité des territoires, comparable à celui de la desserte en infrastructures essentielles. Il nous faut en prendre la mesure et réaliser le fibrage optique de l’ensemble du territoire. Il s’agit de l’un des défis majeurs du XXIe siècle.
Pour la téléphonie mobile, je rappelle que 279 communes restent aujourd’hui en zone blanche. Les 600 millions d’euros d’investissements prévus permettront-ils de résoudre cette question et également de limiter les zones grises ?
Je voudrais, pour conclure, dire quelques mots sur les maisons de santé pluridisciplinaires dont le Gouvernement souhaite voir porter le nombre à 250.
Nous sommes pour notre part favorables à cette démarche, à la condition – j’y insiste – que les professionnels n’y pratiquent pas de dépassements d’honoraires.
Sur le fond, l’ensemble de ces politiques menées par le Gouvernement ont entraîné un malaise au sein des territoires, malaise qui n’est sans doute pas pour rien dans le basculement du Sénat à gauche. Il est temps que le Gouvernement entende le message des élus locaux et de la population.
La richesse de la France, c’est l’ensemble de ses territoires et de leurs habitants qu’il ne faut pas, au nom de la rigueur et de l’austérité, de l’appétit des banques et des fonds spéculatifs, abandonner au jeu de la concurrence mondialisée, concurrence qui accentue la fracture sociale au sein de notre pays.
La France va-t-elle devenir un désert avec quelques oasis qui concentreront toutes les activités ? C’est tout sauf de l’aménagement du territoire.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » est, par le volume de ses crédits, la plus petite du budget général dotée d’objectifs de performance, mais aussi, paradoxalement, l’une des plus importantes par son objet, puisqu’elle vise à garantir la cohésion de la République.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Chacun a pu mesurer, lors du congrès des maires de France, qui s’est tenu la semaine dernière à Paris, combien les élus locaux sont inquiets pour l’avenir de leur territoire. Aux incertitudes sur les capacités financières futures des collectivités locales, que ne clarifie pas ce PLF pour 2012 – loin s’en faut – s’ajoute, pour beaucoup, un sentiment d’abandon.
Touchés de plein fouet par la mondialisation, par les mutations économiques et industrielles, les territoires ruraux voient se multiplier les fermetures ou les délocalisations d’usines. Ils sont victimes aussi de la politique menée par le Gouvernement, qui répond malheureusement à une logique de concentration ou de rentabilité dictée par la RGPP, laquelle s’assimile à un véritable jeu de Monopoly, avec élimination programmée des participants…
Avec la carte militaire, la carte judiciaire, la carte hospitalière, la carte scolaire, la carte pénitentiaire, tout un ensemble de services de l’État sont transférés sur les métropoles régionales ou économiques. Mais tous les départements ne sont pas irrigués par de telles métropoles !
Vous allez sans doute me dire, monsieur le ministre, qu’il ne sert à rien de se lamenter, mais je suis élu d’un département, le Lot, qui, s’il est attractif par la richesse de son patrimoine architectural, naturel et culinaire, avec sept restaurants étoilés au guide Michelin,…
M. Jean-Claude Requier. … cumule aussi certains handicaps tels qu’une agriculture peu demandeuse de main-d’œuvre et donc peu pourvoyeuse d’emplois, un habitat dispersé – ce que l’on appelle le « mitage » –, très apprécié des habitants mais coûteux en services, un éloignement des grandes métropoles ou encore l’absence de TGV, couplée à une desserte ferroviaire précaire et cahotante qui fait les frais de la démarche de rentabilité de la SNCF.
Alors oui, il faut trouver les moyens de revitaliser ces territoires fragiles où il fait bon vivre, de leur ouvrir de nouvelles perspectives, d’y créer de nouvelles filières pour que les emplois s’y installent.
J’admets que nous avons bénéficié d’initiatives intéressantes comme les pôles de compétitivité, les grappes d’entreprises ou les pôles d’excellence rurale, pour lesquels des moyens significatifs ont été dégagés.
Ces actions ont eu plusieurs vertus, dont la première est d’avoir redonné confiance et fierté aux territoires, de leur avoir permis de révéler et d’exprimer des talents et, ainsi, d’avoir su créer des dynamiques positives. Il faut aujourd’hui les inscrire dans les politiques régionales européennes, dont les fonds, en particulier ceux qui sont issus du Fonds européen de développement régional, le FEDER, sont trop peu mobilisés. Il faut dire que les procédures sont complexes, qu’il faut jongler avec axes, mesures et autres sous-mesures, et attendre bien longtemps l’arrivée des financements européens.
Cependant, vous le savez bien, la réussite de ces initiatives dépend de la combinaison de multiples facteurs.
Le maintien des services de l’État et des services publics est évidemment essentiel, en particulier pour les territoires les plus isolés et à faible densité démographique. Je peux comprendre l’intérêt de mutualiser les moyens des opérateurs, mais, au-delà du problème de la formation des agents, soyons clairs, la mise en place des points relais multiservices ne doit pas conduire, une fois encore, à une concentration des services dans quelques villes.
L’accès aux soins est aussi un point incontournable. Les solutions de la loi Bachelot-Narquin ne correspondent pas à la réalité de ce que nous vivons sur le terrain. Il faut attendre parfois cinq ou six mois pour avoir accès à un spécialiste, contre deux ou trois semaines dans la région parisienne ou certaines villes du sud-est de la France. Le Lot, par exemple, n’a plus de pédiatres.
Les mesures incitatives comme le contrat d’engagement de service public ou le contrat santé solidarité sont, à l’évidence, insuffisantes. La loi Fourcade, adoptée en juillet dernier, a d’ailleurs enterré ce dernier contrat en supprimant la pénalité qui s’y attachait.
Quant aux maisons de santé pluridisciplinaires, c’est sans doute l’initiative qui répond le mieux aux aspirations des professionnels, notamment des jeunes et des femmes qui ne veulent plus exercer dans l’isolement. Cela étant, l’objectif de 250 maisons de ce type est loin de couvrir les besoins. Ayez aussi la franchise de reconnaître que ces créations sont possibles parce que les collectivités locales jouent le jeu, en les finançant presque autant que l’État.
Je crains que nous ne puissions à l’avenir faire l’économie de mesures plus directives, voire coercitives, qui dépasseront, nécessité oblige, la liberté d’installation. Les patients attendent des médecins ! Or, sur un plan strictement financier, ces derniers peuvent très bien vivre à la campagne. Leur présence confortera les pharmacies rurales et rassurera les populations.
L’accès aux nouvelles technologies constitue un autre enjeu de taille. En matière de téléphonie mobile, on nous dit que les fameuses zones blanches sont en voie de résorption. Certes, mais encore faut-il s’entendre sur la notion de couverture ! Je vous invite, monsieur le ministre, à venir dans le Lot : vous verrez qu’il y subsiste de nombreuses zones grises… Dans certaines communes, la réception varie, pouvant être nulle à certains endroits alors qu’elle est satisfaisante à proximité. Il faut alors héler un passant et lui demander où passe le mobile : ce peut être en haut du bourg, devant l’église ou même dans le cimetière. (Sourires.) En outre, les calculs de couverture sont effectués à l’extérieur des bâtiments et sans déplacement, les téléphones n’ayant alors de mobiles que le nom.
Quant à Internet, 95 % de la population aurait accès au haut débit. Là encore, il faut nuancer ! Vous avez fixé l’objectif du très haut débit pour tous d’ici à 2025, avec 900 millions d’euros destinés aux territoires ruraux dans le cadre de ce plan. C’est bien, mais je crois qu’un engagement plus substantiel serait bienvenu pour accélérer le processus et rapprocher l’échéance. Vous le savez, certaines zones moins rentables pour les opérateurs privés sont laissées à la charge des collectivités.
Bien d’autres aspects mériteraient des commentaires. En particulier, le maintien d’une agriculture forte et diversifiée apparaît comme la condition de la vitalité des territoires ruraux, de même que le développement des infrastructures de transport. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de dire vendredi ce que je pensais du schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT.
Sur tous ces sujets, le Gouvernement doit tenir ses engagements. Le malaise des territoires est réel. Il faut aujourd’hui renouveler le pacte de confiance entre les collectivités et l’État. Pour les territoires les plus fragiles, la solidarité nationale est plus que jamais nécessaire et le groupe du RDSE, dans la tradition radicale et républicaine, milite plus que jamais pour un État péréquateur et aménageur. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu du Gers, le département le plus rural de France, avec 16 % de sa population active dans le secteur agricole, je vois bien sûr l’aménagement du territoire à travers le prisme rural.
Je suis convaincu du potentiel de la ruralité, mais l’égalité des chances ne pourra pleinement s’exprimer qu’au moyen de la péréquation financière. Priorité proclamée du Gouvernement, qui doit en démontrer la réalité, la ruralité est placée sous votre autorité, monsieur le ministre, au même titre que l’agriculture et l’aménagement du territoire. J’en suis très heureux, car les profondes mutations de l’espace rural ont, depuis quelques années, bouleversé les territoires.
La mission « Politique des territoires », la plus petite en termes budgétaires, avec 334 millions d’euros de crédits – on atteint toutefois 5,1 milliards d’euros si l’on regroupe les quinze missions transversales –, est fondamentale pour la structuration de notre pays.
Hélas, nous constatons, sans nous résigner pour autant, que les contraintes budgétaires pèsent sur cette mission comme sur l’ensemble de la loi de finances.
Dans son rapport, le comité présidé par Henri Guillaume juge que, sur les vingt et une niches fiscales de la mission, dix-huit sont inefficaces. Prenez-vous en considération ce rapport ? Quel sort réserverez-vous à ces niches ? Quel serait le montant des économies générées par l’éventuelle suppression des niches qui ont reçu un zéro en efficacité, monsieur le ministre ?
L’économie de 3 millions d’euros sur les crédits non consommés des contrats État-régions est une mesure de bon sens, qui contribue à la maîtrise des dépenses publiques mise en œuvre dans ce PLF pour 2012.
Les 235 millions d’euros alloués à la deuxième vague d’homologation des pôles d’excellence rurale encouragent la création de projets innovants et porteurs d’emplois. Ils constituent une réelle incitation à investir dans la ruralité. J’ai personnellement soutenu les PER gersois, qui participent au dynamisme de l’agriculture.
Quelle est votre position, monsieur le ministre, sur la prime à l’aménagement du territoire, de 32,6 millions d’euros cette année ? Que répondez-vous aux critiques la Cour des comptes ? La PAT est pourtant, me semble-t-il, une mesure déterminante pour inciter les entreprises à s’installer dans les zones fragiles et dans celles qui sont ouvertes aux investissements étrangers.
L’application du programme national « très haut débit » pour la téléphonie mobile est décisif, car les zones rurales souffrent indubitablement d’une pénurie chronique dans les communications, que ce soient les routes, l’accès à l’internet ou la téléphonie mobile.
Mme Nathalie Goulet. Et le train !
M. Aymeri de Montesquiou. Tous les orateurs ont aujourd’hui mis l’accent sur ces insuffisances.
M. Aymeri de Montesquiou. Chacun s’accorde sur le fait que l’horizon 2025 pour la couverture de l’ensemble du territoire est trop lointain. Envisagez-vous un nouveau calendrier, monsieur le ministre ? Il le faut ! Afin de contribuer à résorber les zones blanches et les zones grises, plus nombreuses en réalité que l’évaluation faite par l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, j’ai saisi les ministres Éric Besson et Philippe Richert de la candidature du Gers pour devenir département rural pilote dans la mise en place de la technologie 4G. Je vous demande de soutenir ce projet, monsieur le ministre.
Vous serez jugé sur la réalité de votre politique visant à l’égalité des chances, en particulier si les territoires disposent d’une couverture numérique, absolument indispensable pour permettre l’implantation de PME.
L’attractivité et la compétitivité sont au cœur de la politique des territoires. Elles sont les éléments cardinaux de l’action de la DATAR, qui prépare, impulse et coordonne les politiques d’aménagement du territoire. La DATAR établit études et analyses sur les nouvelles ruralités à l’horizon 2030-2040, en relation avec des centres de recherche comme l’INRA, et formule des scénarios prospectifs permettant d’anticiper les évolutions. Pour une meilleure stratégie, envisagez-vous un rapprochement de la DATAR avec le Commissariat général à l’investissement ?
L’Agence française pour les investissements internationaux, nous le savons, promeut auprès des investisseurs étrangers l’attractivité territoriale et la compétitivité économique de notre pays, deuxième en Europe pour les investissements étrangers, après le Royaume-Uni et avant l’Allemagne. Nous pourrions renforcer sa régionalisation.
Nos atouts pour attirer les investissements sont nombreux dans les territoires ruraux : qualité de la main-d’œuvre, productivité horaire, formation, infrastructures ou qualité de vie. Néanmoins, il serait indispensable d’analyser la réalité des investissements internationaux sur notre sol. Quelle est la part des acquisitions immobilières ? Ces investissements ne constituent-ils pas souvent une prise de contrôle de PME ou de start-up destinée à acquérir savoir-faire et brevets avant, éventuellement, d’abandonner, dans un second temps, une coquille vide et des salariés à juste titre révoltés ?
Pour attirer de nouvelles entreprises et de nouvelles populations, il est indispensable d’avoir une large offre de services au public. Nous ne pouvons plus avoir une vision conservatrice des services publics. Elle doit évoluer de façon pragmatique et stratégique sur l’ensemble du territoire, car la cohérence et l’équilibre sont les principes inhérents à l’aménagement du territoire. À ce titre, pouvez-vous tirer des enseignements de l’application de l’accord national « Plus de services au public » dans les vingt-trois départements pilotes ?
Monsieur le ministre, la politique des territoires est certainement, aujourd’hui, l’une des missions les plus essentielles du budget. Vous devez donc être habité par une réflexion politique sur le long terme. L’aménagement harmonieux du territoire est un thème majeur, à travers lequel le Gouvernement doit nous présenter sa vision prospective de la France.
Dans une démarche de résilience, tentons de positiver la crise économique et les efforts budgétaires qu’elle entraîne pour stimuler toute notre créativité. Nous avons certes peu de moyens financiers, alors démontrons notre capacité imaginative ! Vous devez être lucide et créatif, avoir du bon sens et une forte volonté d’agir. Encouragez les initiatives innovantes et les talents pour rendre espoir à nos territoires. Ils vous démontreront qu’ils possèdent l’indispensable courage et l’intelligence nécessaire.
Le rapport du Conseil d’analyse économique, Créativité et innovation dans les territoires, est une mine de propositions pertinentes et audacieuses nous invitant à faire preuve de cette originalité nécessaire pour dynamiser l’économie des territoires, trop souvent endormie.
La crise accentue notre tendance au pessimisme et au culte du déclin, mais je suis convaincu que notre pays est très riche en ressources et talents. J’ajouterai aussi que nous devons avoir confiance en notre jeunesse !
Vos propositions doivent constituer un appel au courage et au bon sens, monsieur le ministre. Ce sont les vertus de la ruralité, et il faut que votre politique leur permette de se concrétiser. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UCR.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, vous me permettrez de commencer, à titre personnel, par des compliments. J’apprécie en effet votre action, votre présence sur le terrain. Vous êtes attaché au monde rural, et vous le montrez. Vous êtes un voisin de l’Orne, et vous connaissez ce département. Vous connaissez le dynamisme de ses élus, ses responsables, et nous comptons beaucoup sur vous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je n’irai pas jusqu’à dire que, ayant à rencontrer quelques-uns de vos collaborateurs dans les prochains jours pour soutenir des projets auxquels je tiens, je souhaitais, bien entendu, vous adresser ces quelques propos élogieux. (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Et voilà !
M. Jean-Claude Lenoir. Bien entendu, vous allez penser que je vais maintenant les atténuer quelque peu. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
En vérité, monsieur le ministre, vous avez eu raison de dire devant la commission que quelque chose manquait dans le dispositif gouvernemental. Vous pensiez à un secrétariat d’État (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) ; mon opinion est un peu différente.
L’aménagement du territoire et l’aménagement rural devraient, me semble-t-il, relever du Premier ministre, car tous les ministères sont concernés. Il était un temps où la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, était rattachée directement au Premier ministre et avait donc la possibilité d’avoir une véritable influence sur l’ensemble des actions ministérielles. Mon propos va vous le démontrer.
Je crois au monde rural tout simplement parce que je suis moi-même issu de ses territoires. Je sais aussi les faiblesses d’un territoire rural intermédiaire, c’est-à-dire relativement proche de Paris, avec tous les atouts que l’on peut imaginer, mais en même temps situé à proximité de villes plus importantes, avec pour conséquence une diminution de certains services offerts aujourd'hui à la population.
Je souhaite attirer votre attention sur différents points.
Tout d’abord, l’emploi, qui est évidemment le problème sur lequel nous travaillons le plus.
Loin de moi, loin de vous, loin de tous, l’idée que l’activité industrielle forte doit se développer dans des centres importants. De nombreux pays – je pense notamment à l’Italie – ont démontré que l’entreprise a la capacité de se développer de façon extraordinaire en milieu rural. À ce titre, vous le savez, dans le département de l’Orne, un certain nombre de pôles industriels se sont développés, fortifiés par l’action, bien sûr, des dirigeants mais également des salariés, soutenus par les élus et aussi fortement par les pouvoirs publics, y compris lorsqu’il y a eu des reconversions ou des menaces sur certaines entreprises.
Il faut créer les conditions permettant à ces entreprises de continuer à se développer, notamment en ce qui concerne la formation des hommes et les transports.
Avec les transports, monsieur le ministre, nous sommes au cœur d’un vrai sujet. Nous sommes un territoire intermédiaire et nous voyons les liaisons ferroviaires décliner, en qualité et en quantité.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Jean-Claude Lenoir. J’étais samedi dernier dans mon département, à la gare du Theil-sur-Huisne, avec un certain nombre de manifestants. Nous sommes restés très sagement sur le quai, mais nous avons manifesté auprès de la SNCF notre refus de voir que, en raison de l’étroitesse du fuseau qui dirige les voyageurs venant de plus loin vers Paris, la cadence diminue et des trains passent sans s’arrêter.
À l’heure où l’on parle d’aménagement du territoire, de développement durable, d’attractivité des territoires pour des personnes qui doivent utiliser le mode de transport offert par la SNCF, il n’est pas possible de se retrouver devant ce genre de situation.
En ce qui concerne maintenant les services publics, un certain nombre d’adaptations ont été acceptées, consenties par les élus, ces derniers ont même largement participé à leur modernisation. C’est que, au départ, un contrat avait été passé entre les élus et certains services publics, je pense notamment à La Poste.
Dans mon département, un certain nombre d’élus ont ainsi accepté d’accompagner La Poste dans l’aménagement des points relais. Aujourd’hui, on s’aperçoit que, dans un second temps, La Poste souhaite encore modifier son déploiement sur le terrain et diminuer le temps de présence de ses salariés.
Ce n’est pas possible, là aussi, monsieur le ministre, et j’appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de faire en sorte que le contrat soit respecté.
Autre élément concernant l’aménagement du territoire : la présence médicale. J’ai été heureux d’entendre des représentants de la majorité sénatoriale soutenir que les pôles de santé, que vous nous avez proposé de créer dans nos territoires, étaient une excellente idée et que c’était sans doute la meilleure solution pour attirer des médecins et assurer la présence médicale sur notre territoire.
Là encore, monsieur le ministre, nous sommes prêts, bien sûr, à accompagner ces projets – certains figurent d’ailleurs dans le rapport – mais nous avons besoin d’une aide soutenue, car le coût de ces pôles de santé est particulièrement élevé.
J’en viens à la question du numérique.
Je lis dans le rapport que, selon les affirmations de l’ARCEP, 99,5 % du territoire serait couvert par le haut débit.
M. Aymeri de Montesquiou. N’importe quoi !
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut appeler l’attention des responsables qui avancent de tels chiffres : qu’ils viennent sur place et ils pourront constater qu’une superficie importante de notre département n’a toujours pas accès au haut débit !
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Jean-Claude Lenoir. À un moment où l’on parle du très haut débit, les élus, très naturellement, relaient la demande de leurs concitoyens, qui réclament qu’au moins le haut débit fonctionne…
Les collectivités locales se sont beaucoup engagées en faveur du développement du numérique, du haut débit, et du très haut débit de demain. Il est important que les chiffres annoncés correspondent à la réalité.
Nous avons la possibilité d’attirer sur nos territoires une population plus jeune, qui travaille, qui entreprend, mais la condition est posée : c’est, bien entendu, le développement du numérique.
J’aborderai un autre sujet important, monsieur le ministre : l’action culturelle.
Il a existé pendant des décennies un vrai fossé entre le monde urbain et le monde rural.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Le monde rural n’avait pas les mêmes droits.
Moi-même, étant plus jeune, je me souviens du temps qu’il fallait pour que des films à grand succès arrivent dans les salles de nos petites communes. C’était tellement long que les camarades rencontrés dans des colonies vacances ou à la faveur de quelques déplacements nous avaient raconté dans le menu détail ces films de sorte que, quand on les voyait pour la première fois, on les connaissait évidemment du début à la fin ! (Sourires.)
Aujourd’hui, monsieur le ministre, le monde rural est riche en initiatives qui permettent d’offrir une programmation culturelle de qualité et il est extrêmement attaché aux actions de ce type. Encore faut-il, bien entendu, les soutenir !
Tels sont, monsieur le ministre, quelques-uns des points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention, tant je suis convaincu que le mot « ruralité » rime avec « modernité ».
Nous avons aujourd’hui une population nouvelle qui, pour des raisons évidentes liées au cadre de vie et à la qualité des prestations offertes, préfère vivre à la campagne, mais les conditions que j’évoquais précédemment sont évidemment des préalables pour fortifier ces territoires.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget dont j’ai entendu certains à cette tribune nous expliquer avec un art consommé du sophisme qu’il fallait voter contre. Je suis persuadé qu’avec le même budget une autre majorité se serait extasiée devant ce beau budget ! Est-ce à dire que, maintenant, au Sénat, il faut être contre le budget issu de nos délibérations pour soutenir le Gouvernement, et pour si on ne le soutient pas ? (Sourires.)
Non, monsieur le ministre, je vous soutiendrai, car je ne crois pas aux acréantements de la gauche telle qu’elle se présente aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » ne retrace pas l’intégralité de l’investissement de l’État – ou plutôt de son désengagement – dans les territoires ; pour autant, elle est hautement symptomatique et on est en droit de se demander si la présentation du budget concernant l’aménagement du territoire n’est pas volontairement fractionnée pour mieux cacher ses insuffisances.
De ce point de vue d’ailleurs, l’affaiblissement de la DATAR, outil stratégique et prospectif s’il en est, est tout à fait révélateur du manque de volonté politique qui devrait animer le Gouvernement dans ses choix.
L’augmentation des crédits de paiement largement tempérée – le mot est faible – par la diminution des autorisations d’engagement n’augure rien de bon pour l’avenir. Comme si cela n’était pas suffisant, voilà que nos collègues députés, sans doute moins attachés que nous aux territoires, n’ont rien trouvé de mieux que de donner un coup de rabot de 3 millions d’euros sur ces mêmes autorisations d’engagement et crédits de paiement.
Bref, là peut-être plus qu’ailleurs, on réduit la voilure en introduisant le double risque non seulement de l’accentuation du phénomène de saupoudrage, mais aussi d’une mise en concurrence potentiellement malsaine des territoires entre eux.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à ce stade du constat, d’élargir mon propos et d’être un peu plus généraliste, car l’actualité l’exige. Je pense, bien sûr, aux craintes exprimées avec force voilà quelques jours par l’ensemble des élus locaux, à l’occasion du Congrès des maires de France, sur le devenir des territoires qu’ils représentent.
Personne ne saurait ignorer le rôle essentiel que jouent les collectivités dans le cadre de l’aménagement du territoire. Elles sont parfois, et tour à tour, à l’origine des opérations et les assument à 100 %, ou interviennent dans le cadre d’un partenariat avec l’État ou d’autres collectivités territoriales.
Personne ne saurait non plus faire l’impasse sur quelque chose qui est omniprésent dans la discussion de ce projet de loi de finances et dans ce budget, mais qui n’est jamais nommément cité, je veux parler de la désormais tristement célèbre « révision générale des politiques publiques » qui, depuis maintenant quelques années, méthodiquement, consciencieusement, affaiblit nos territoires.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Mirassou. En clair, et pour être rapide, monsieur le ministre, car vous connaissez ces chiffres aussi bien que moi, cela se traduit par la bagatelle de 150 000 emplois de fonctionnaires supprimés en cinq ans, sacrifiés les uns sur l’autel de la carte judiciaire, d’autres sur l’autel de la carte scolaire, d’autres encore au nom de la réforme de la Poste, de la gendarmerie ou des trésoreries principales. Aujourd’hui, nous sommes devant ce formidable paradoxe qui veut que l’on demande aux collectivités territoriales de se substituer à l’État, notamment dans le cadre des services publics de proximité, tout en stigmatisant les conseils généraux et les conseils régionaux, trop dépensiers et pléthoriques en personnel aux yeux du Gouvernement. On sait comment cela a fini le 25 septembre 2011, lors des élections sénatoriales !
Le document présenté fait également allusion – il est peut-être utile de l’évoquer, monsieur le ministre – à la suppression de la taxe professionnelle, sans pour autant procéder à un bilan d’étape qui se voudrait objectif. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) S’il existait, ce bilan révélerait d’ailleurs inévitablement que la suppression de cette taxe a entraîné mécaniquement la diminution des capacités d’investissement des collectivités territoriales, des capacités qui sont passées – mais, là encore, vous le savez aussi bien que moi – en ce qui concerne l’investissement public de la nation, de 75 % à 63 %. Bien entendu, cela a suscité des difficultés sérieuses pour les PME, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Ce marché de dupes – car c’est bien de cela qu’il s’agit ! – méritait d’être dénoncé.
Mais cela va plus loin encore : la baisse des investissements publics se traduit forcément par une altération de l’attractivité des communes et des territoires, ce qui est totalement antinomique par rapport au rééquilibrage souhaité à l’échelon de notre pays.
Tout cela va donc à l’encontre du but recherché.
Dans un autre registre, j’évoquerai le SNIT, le schéma national des infrastructures de transport.
La rédaction de ce document a, vous le savez, connu bien des difficultés, notamment du fait d’un manque de cohérence et de perspective politique, qui lui a trop souvent donné les apparences d’un cahier de doléances, s’éloignant, de ce fait, du texte destiné à orienter, pour les décennies à venir, notre politique des transports avec son corollaire, les infrastructures.
Ce manque de vision globale est sans doute dû à l’éloignement – et pour cause ! – de la DATAR, qui aurait pu jouer un rôle d’éclaireur et de fédérateur. On avait pourtant, là encore, l’occasion d’éviter les inexplicables inégalités de traitement entre les territoires, qui ont, du reste, été relevées par nombre de nos collègues.
Je conclurai mon propos en parlant des fonds consacrés, dans le cadre de la politique interministérielle du territoire, à l’offre de soins, des fonds qui ne connaissent qu’une évolution timide.
Ceux qui connaissent bien ce dossier approuvent la multiplication des maisons de santé pluridisciplinaires : cette nouvelle organisation des soins constitue un point de passage forcé. Toutefois, il est illusoire de penser que ces structures pourront, à elles seules, éradiquer les déserts médicaux, de plus en plus nombreux dans nos territoires.
Concernant la sécurité, il est impératif de mettre à la disposition de ce corps médical des plateaux techniques opérants et performants, leur permettant de travailler dans de bonnes conditions ; je pense notamment aux hôpitaux généraux, qui jouaient pleinement leur rôle.
Vous mettez en exergue un certain nombre de solutions innovantes, mais, malheureusement, force est de constater que les moyens ne suivent pas. En effet, avec la loi HPST, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, vous êtes en train de démanteler, au nom d’une rentabilité illusoire, ces structures hospitalières en mettant en place la fameuse T2A, la tarification à l’activité.
Vous l’aurez compris, nous estimons que la mission « Politique des territoires », à l’instar de ce projet de loi de finances, ne témoigne d’aucune vision stratégique et n’est donc pas en mesure de donner à la France l’élan dont elle a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » est là pour tendre au plus près du principe d’égalité entre les territoires. À cet égard, je salue, dans le contexte budgétaire actuel plus que contraint, l’évolution, certes légère, mais existante, voulue par le Gouvernement, des crédits octroyés à cette mission.
Couverture des territoires en téléphonie mobile, accès aux soins, maintien de socles de services publics, aménagement numérique des territoires, tels sont les quatre piliers retenus pour la politique d’aménagement en vue de renforcer la compétitivité et la solidarité de nos territoires et entre nos territoires.
Parallèlement, la réforme des implantations des armées a nécessité la mise en place d’un plan national d’accompagnement des territoires touchés par les restructurations militaires : 82 sites sont concernés.
Le nord-est de la France, qui comprend le département de l’Aisne, concentre l’essentiel des fermetures des sites militaires décidées dans le cadre de la RGPP. Une mission spécifique d’accompagnement a même été créée et confiée au préfet Hubert Blanc.
Dans le cadre de la mise en œuvre du Livre blanc sur la défense, le site de Laon-Couvron fermera ses portes en juillet 2012. Le 1er régiment d’artillerie de marine sera transféré à Châlons-en-Champagne, dans la Marne, département voisin. Cette fermeture concernera plus de 900 militaires et quelque 100 personnels civils, alors que ce territoire connaît déjà de grandes difficultés économiques.
Si l’année 2012 paraît, en partie, consacrée à la redynamisation des territoires affectés par le redéploiement des armées, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur le maintien des crédits de reconversion prévus pour le site Laon-Couvron dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, à savoir 10 millions d’euros.
Dans le cadre du CRSD, le contrat de redynamisation des sites de défense, les collectivités territoriales ont souhaité assurer le portage foncier et bénéficier de l’acquisition de cession à l’euro symbolique du site de Laon-Couvron, conformément au décret du 3 juillet 2009.
En effet, y est envisagé le développement d’une infrastructure dédiée à la conduite automobile sportive de loisirs, grâce à l’implication de partenaires spécialisés reconnus.
Comme vous pouvez le constater, les acteurs locaux travaillent à la reconversion du site, et certains investisseurs ont aujourd’hui confirmé leur intérêt.
C’est pourquoi il est nécessaire de recueillir une prompte estimation de la valeur de cette emprise militaire, afin de pouvoir concrétiser, dès le départ de l’armée, un projet qui est porté par tous les élus et attendu par la population.
Au début du mois de septembre dernier, j’avais d’ailleurs alerté Mme la ministre du budget sur le caractère urgent de cette question. À la mi-octobre, les services ministériels se sont rendus sur le site, mais nous ne disposons toujours pas, à ce jour, d’estimation.
Je souhaiterais aussi savoir, monsieur le ministre, où en est le rapport sur la mission Grand Nord-Est que devait remettre le préfet Hubert Blanc en 2009, soit il y a maintenant deux ans.
Enfin, je veux attirer l’attention du Gouvernement sur les opérations de dépollution conduites sur les sites militaires. Il semble que cette variable, au fort impact financier, ne soit pas toujours prise en compte dans le cadre des discussions portant sur le transfert de propriété des emprises venant à être libérées.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses sur ces questions essentielles, qui concernent de nombreux territoires français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à saluer la pertinence du travail de notre collègue rapporteur pour avis Ronan Dantec, qui a su montrer l’insuffisance de ce budget en direction des territoires pour ce qui concerne tant le programme « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » que les quatre actions du programme « Interventions territoriales de l’État ».
Vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, lors de la présentation de votre budget en commission, le 2 novembre dernier, la charge de travail est lourde en matière d’aménagement du territoire, et le besoin est considérable.
Or vous nous apportez pour toute réponse un budget de misère pour une mission dont l’examen ne nous occupera pas plus d’une heure trente sur la totalité de la discussion du projet de loi de finances… Les collectivités territoriales sont donc la dernière des préoccupations du Gouvernement !
Je concentrerai plus particulièrement mon propos sur l’aménagement du territoire.
La mission « Politique des territoires » représente 334 millions d’euros en autorisations d’engagement et 340 millions d’euros en crédits de paiement.
Alors que les collectivités locales expriment un mal-être frappant et que vous avez rappelé l’importance de ce budget, je m’étonne que l’Assemblée nationale, avec votre bénédiction d’ailleurs, soit parvenue à le minorer de 3 millions d’euros, et ce en vue de « contribuer au redressement des finances publiques ».
Pour ce qui concerne le principal programme « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », vous prévoyez, en 2012, une baisse des autorisations d’engagement de 5,14 %. C’est autant d’argent en moins pour un programme qui finance des dispositifs essentiels en termes de préservation et de création d’emplois mais aussi d’attractivité de nos territoires.
Ce sont précisément dans les territoires que se jouent aujourd’hui les grands enjeux de demain, et c’est grâce aux politiques d’aménagement du territoire que l’État montre sa confiance aux collectivités locales et, au-delà, aux citoyens. Mais tel n’est, malheureusement, plus le cas depuis plusieurs années.
Les zones rurales et les zones peu denses sont ignorées par votre gouvernement, quand elles ne sont pas vilipendées parce qu’elles seraient dispendieuses ; seules comptent aujourd’hui les grandes agglomérations, et leur centre-ville.
Nous sommes plutôt ici dans une politique dite de « déménagement » du territoire. C’est peut-être un lieu commun que de le dire, mais c’est malheureusement la réalité.
Pour finir de montrer le manque d’engagement de l’État derrière les belles déclarations d’intention faites en matière de développement des territoires, je reprendrai trois exemples, que mes collègues ont déjà cités, mais il m’importe de les exposer de nouveau, ne serait-ce que pour mieux vous convaincre, monsieur le ministre.
Permettez-moi tout d’abord d’évoquer la question du très haut débit.
Malgré la mise en œuvre prévue, en 2012, du programme national « très haut débit » à hauteur d’1,5 million d’euros pour les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique des collectivités, l’engagement de l’État reste très insuffisant pour lutter contre la fracture numérique. Ce sont les collectivités territoriales qui n’ont plus qu’à mettre de l’argent sur la table !
Monsieur le ministre, les zones rurales attendent toujours des outils de financement. À l’heure actuelle, nos collectivités sont en première ligne pour financer les infrastructures du très haut débit dans les zones non rentables. La responsabilité est à chercher dans la liberté totale que vous avez laissée aux opérateurs privés, lesquels favorisent, naturellement, les secteurs à plus forte densité. Les associations d’élus demandent un engagement budgétaire plus substantiel, et c’est ce que préconise également notre collègue Hervé Maurey dans le rapport d’information qu’il a remis.
Mme Nathalie Goulet. Excellent rapport !
M. Jean-Luc Fichet. Tout à fait !
Monsieur le ministre, que faites-vous concrètement aujourd’hui ?
Dans ma région, la Bretagne, les opérateurs privés ont annoncé un investissement sur seulement 42 % du territoire ! Cela va se traduire par un besoin de financement par les collectivités locales de 1,12 milliard d’euros a minima, avec une participation de l’État avoisinant les 290 millions d’euros. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
L’État n’a pas mis en place de dispositif analogue à celui qui est en vigueur pour l’électricité ou les déchets ménagers, qui permettait d’apporter une source de financement : il sera souvent impossible aux collectivités d’assumer cet investissement colossal. La date butoir de 2025 est absolument incompréhensible, a fortiori celle de 2030, dont il est également fait état.
L’État n’a pas pris la mesure de l’enjeu pour l’ensemble du territoire, mais a simplement fait en sorte de résoudre l’équation pour les zones « rentables », qui sont, en fait, les zones urbaines. La France ne se résume pas à une collection de quelques zones agglomérées denses. Les collectivités ne pourront faire face à cet enjeu – plus de 1 milliard d’euros pour la seule région Bretagne – qu’en mobilisant leurs sources communes de financement.
À l’heure où il est fait état de la « gabegie financière des collectivités locales », on ne peut que s’interroger. Il est plus que temps que l’État, qui a été alerté par de très nombreux élus, quelle que soit leur appartenance politique, prenne réellement conscience de l’enjeu, car, sans le numérique, il n’y aura pas, dans une économie désormais mondialisée, de croissance durable.
Permettez-moi maintenant d’aborder les maisons de santé pluridisciplinaires, un sujet qui a aussi été évoqué à plusieurs reprises.
Pour faciliter l’accès aux soins, il est prévu de créer 250 maisons de santé pluridisciplinaires, pour un budget de 10 millions d’euros en 2012.
Les maires, notamment dans les communes rurales, sont de plus en plus confrontés aux demandes de leurs concitoyens en termes d’offre médicale. Il faut le répéter, la création des maisons médicales est en soi une bonne chose, mais les agences régionales de santé demandent aujourd'hui, à juste titre, que tout projet de maison de santé soit également porté par une association de professionnels de santé. Les collectivités locales ne veulent pas que la maison médicale ait été financée en vain ou qu’elle ne soit pas suffisamment attractive pour des médecins.
Mais si l’on ne construit des maisons pluridisciplinaires de santé que là où il y a des médecins, on n’aura pas vraiment réglé le problème de la désertification médicale !
Ce n’est pourtant pas une fatalité : il nous faudra, à un moment donné, travailler en collaboration avec les médecins pour prévoir des méthodes plus coercitives.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Luc Fichet. On le sait, le départ du médecin généraliste, c’est d’abord une perte de chiffre d’affaires pour la pharmacie, puis la fermeture de l’officine, et le groupe infirmier resté sur place qui voit sa tâche tellement compliquée qu’il finit, lui aussi, par rejoindre le centre-ville. Voilà comment ces zones rurales – mais les zones périurbaines sont aussi concernées – deviennent de véritables déserts médicaux.
Cela avait été répété à maintes reprises lors de l’examen de la loi HPST, mais on ne nous avait pas entendus. Puis, progressivement, on s’est rendu compte que le mal faisait son œuvre et que les effets étaient absolument dévastateurs.
La loi HPST avait permis quelques petites avancées, que la loi Fourcade a complètement fait disparaître.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jean-Luc Fichet. Même au Sénat, les élus de la majorité présidentielle s’en sont émus.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Jean-Luc Fichet. Certes, les maisons de santé pluridisciplinaires constituent une première réponse, mais la participation de l’État n’est pas, je le répète, assez élevée.
Quant aux bourses incitatives de 1 200 euros par mois, elles ne changent rien. Toutes les analyses le prouvent, ce n’est pas de l’argent que veulent les médecins. Ce n’est pas en versant des financements complémentaires que l’on motivera les internes. Ce n’est pas la bonne réponse.
En revanche, on sait que 58 % des Français ont renoncé à consulter un spécialiste à cause des délais. Il faut, en moyenne, 103 jours pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, et encore, en invoquant l’urgence…
La lutte contre les déserts médicaux est devenue aujourd’hui une nécessité pour tous les élus. La prise de conscience est collective. Mais cette nécessité criante n’a pas encore atteint les oreilles du Gouvernement ! Pourtant, il y a bien urgence.
Dans mon département, la moyenne d’âge des médecins généralistes est aujourd’hui de cinquante-six ans. Par conséquent, si rien n’est fait, dans les quatre ou cinq ans, vous imaginez bien qu’il n’y aura tout simplement plus aucun médecin !
On peut aussi s’interroger sur les coopérations hospitalières mises en place par la loi Bachelot-Narquin. Ce qui, à l’origine, semblait être une bonne chose se traduit, en fait, aujourd’hui, par le renforcement des grands centres hospitaliers et la fermeture de services hospitaliers, voire d’hôpitaux de proximité, ce qui est très grave ! De plus, nous constatons qu’il y a de moins en moins de spécialistes, ceci étant la conséquence de cela.
Le dernier point que je voudrais évoquer, bien que mon temps de parole soit bientôt écoulé, concerne les algues vertes.
Le programme 162 comprend bien une action Eau - Agriculture en Bretagne sur la problématique des nitrates. Mais qu’observe-t-on, sinon que, parallèlement, à cette politique de lutte contre les algues vertes que vous menez, les dispositions que vous avez prises permettent d’augmenter les quantités d’azote épandues à l’hectare ! Cette attitude paradoxale exacerbe les conflits entre une partie du monde agricole et les défenseurs de l’environnement. On croirait presque à un acte volontaire pour empêcher le dialogue et une évolution positive vers de vraies réponses partagées.
Je ne vais pas prolonger mon intervention.
M. le président. Non, en effet, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Fichet. Comme vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous ne voterons pas les crédits que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Un scoop ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de présenter aujourd’hui les crédits pour 2012 de la mission « Politique des territoires ». Ce budget doit nous permettre de relever deux défis majeurs : le renforcement de l’attractivité de tous les territoires et la garantie de l’équilibre entre les territoires.
L’objectif de notre politique – car il en existe bien un, contrairement à ce que j’ai entendu ici ou là ! – est, sur le long terme, de garantir que, malgré les déplacements de plus en plus rapides de la population française, notamment vers le littoral, malgré le renforcement des atouts économiques de certaines régions au détriment d’autres, tout le monde, en France, trouvera sa place, pourra participer au développement économique et bénéficier du même accès aux services publics et au développement des technologies nouvelles comme le numérique.
Derrière la politique des territoires et l’aménagement du territoire, il y a une dimension à laquelle ce gouvernement et cette majorité sont profondément attachés, c’est celle de la fraternité entre les Français et entre les territoires.
Cette mission « Politique des territoires » est dotée de 331 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 337,8 millions d’euros en crédits de paiement. Elle représente seulement 6 % des 5,4 milliards d’euros qui sont consacrés par l’État à l’aménagement du territoire. Cela étant, je le précise notamment pour M. Jean-Jacques Mirassou, mais cela a été aussi abordé par M. Jean-Claude Lenoir, tous les départements ministériels sont évidemment concernés par l’aménagement du territoire, et cette politique reste bien placée sous l’autorité du Premier ministre.
Cette mission comprend deux programmes.
Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » est géré par la DATAR et doté de 284 millions d’euros. On y trouve la fameuse prime d’aménagement du territoire, la PAT, dont certains d’entre vous ont fait mention dans leurs interventions et dont, je tiens à le dire, je souhaite le maintien.
Nous avons maintenu, à l’euro près, les crédits de la prime d’aménagement du territoire pour 2009-2010. J’ai parfaitement entendu les critiques de la Cour des comptes. Le problème, c’est que, n’étant pas soumise au suffrage des électeurs,...
Mme Nathalie Goulet. Cela dépend ! (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. ... à la sanction des citoyens français, ce qui n’est d’ailleurs, bien entendu, pas son rôle, la Cour n’a pas à rendre compte, en termes de maintien des emplois, de fermeture des usines ou d’installations, de la politique qui est conduite.
Or une politique qui a permis de maintenir 42 000 emplois entre 2007 et 2011, même si elle peut certainement être recentrée, améliorée, mérite, selon moi, d’être maintenue. Par conséquent, nous maintiendrons la prime d’aménagement du territoire et, avec elle, les emplois qu’elle permet de conserver.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État », le PITE, géré par le ministère de l’intérieur et doté de 47 millions d’euros, finance notamment – je le précise pour Jean-Luc Fichet – la lutte contre la prolifération des algues vertes en application du plan de lutte contre les algues vertes, dont je suis certain qu’il donnera des résultats sur le long terme.
Comme vous l’avez rappelé, c’est uniquement grâce au travail de coordination et au dialogue entre les agriculteurs, les associations et les responsables locaux que nous arriverons à trouver les bonnes solutions.
Dans le cadre du plan de retour à l’équilibre des finances publiques, les crédits de cette mission diminueront de 4,5 millions d’euros, ce qui représente moins de 1,4 % du budget de cette mission présenté dans le projet de loi de finances pour 2012.
L’effort est réparti de manière équitable.
Les crédits alloués aux contrats de projets État-région, les CPER, sont réduits de 1 million d’euros, mais cela ne remet pas en cause les projets engagés.
Les crédits consacrés aux pôles de compétitivité et aux grappes d’entreprises sont réduits de 2 millions d’euros, mais ils seront réajustés en fonction du nombre de projets qui devraient être soutenus en 2012.
Enfin, les crédits du Fonds national d’aménagement du territoire, le FNADT, sont réduits de 1,5 million d’euros. L’effort portera sur la section générale de ce fonds.
Malgré ces efforts d’économies, qui sont indispensables et dont cette mission ne peut s’exonérer pas plus que n’importe quelle autre d’ailleurs, nous serons en mesure de maintenir les deux grands objectifs de notre politique d’aménagement du territoire.
Le premier objectif consiste à renforcer l’attractivité du territoire, ce qui suppose que trois conditions soient remplies.
La première est l’amélioration de la couverture numérique du territoire, point qui a été souligné par l’ensemble des orateurs.
Aujourd’hui, et c’est un atout majeur, la France est l’un des pays développés les mieux couverts en numérique, avec un accès qui est l’un des moins coûteux, en particulier pour les ménages. Nous devons absolument maintenir et développer cet atout stratégique.
En juin 2010, nous avons lancé un programme national « très haut débit », avec comme objectif 70 % des foyers français raccordés au très haut débit en 2020 et 100 % en 2025. L’objectif est ambitieux, mais il devrait être atteint grâce, notamment, à l’enveloppe initiale de 2 milliards d’euros prévue pour financer les premiers travaux de couverture numérique.
Sur ces 2 milliards d’euros, 900 millions d’euros seront spécifiquement réservés aux projets de raccordement des collectivités dans les zones pour lesquelles les opérateurs n’ont pas pris l’engagement de déployer leurs propres réseaux. J’aurai l’occasion de rencontrer une nouvelle fois les principaux opérateurs pour leur rappeler leurs responsabilités en la matière, car tout ne peut pas reposer sur les efforts de l’État et des collectivités territoriales. Les opérateurs doivent également jouer leur rôle en matière d’aménagement du territoire et ne pas délaisser les territoires les moins peuplés.
Cent millions d’euros seront consacrés à des technologies autres que la fibre pour assurer la montée en débit des zones les plus difficilement accessibles.
J’ai parfaitement conscience que les 900 millions d’euros pour équiper les zones les moins denses ne suffiront pas à couvrir tous les besoins. Nous devons réfléchir au financement du Fonds d’aménagement numérique des territoires, afin de disposer de ressources à la fois suffisantes et pérennes pour garantir la poursuite de ce projet.
M. Hervé Maurey, sénateur de l’Eure, département cher à mon cœur, a fait en ce sens des propositions qui me paraissent intéressantes,...
Mme Nathalie Goulet. Excellentes !
M. Bruno Le Maire, ministre. ... mais il faudra que nous prenions rapidement des décisions sur le financement pérenne de ce Fonds d’aménagement numérique des territoires.
La deuxième condition nécessaire au renforcement de l’attractivité du territoire est la mise en commun de nos atouts à travers la politique des pôles et des grappes.
Je tiens à le dire à Mme Évelyne Didier, avec qui j’avais un point de désaccord sur ce sujet, les politiques de pôles, de regroupement de nos forces, de travail en commun, tout cela marche ! C’est même, à mon avis, l’une des perspectives essentielles pour ce pays, où il existe encore trop de divisions, trop de querelles entre les uns et les autres, trop de difficultés à faire travailler les PME avec les grandes entreprises, trop de difficultés à faire travailler ensemble les laboratoires de recherche et les entreprises qui doivent utiliser les résultats de ces recherches. J’ajoute, en tant que ministre de l’agriculture, qu’il y a encore trop de querelles entre les différents intervenants des filières, les producteurs, les industriels, les transformateurs et les distributeurs.
Ce pays s’en sortira si chacun apprend à travailler un peu mieux avec son voisin...
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. ... et si on laisse de côté les querelles au profit de la coopération et du dialogue. Voilà ce qui fera la force de la France !
Les pôles de compétitivité et les grappes d’entreprises répondent à cette logique de travail en commun.
S’agissant des pôles de compétitivité, nous avons consacré 1,5 milliard d’euros pour la période 2009-2011 au lancement d’une seconde phase.
S’agissant des grappes d’entreprises, elles doivent permettre aux petites entreprises d’améliorer leur compétitivité et leurs performances en mettant en commun un certain nombre de richesses. Cent vingt-six grappes ont été sélectionnées pour un budget total de 24 millions d’euros sur deux ans.
Pour vous parler très franchement, nous sommes plutôt débordés par la demande, parce que le dispositif donne des résultats. Il permet aussi de mettre en commun des services qui seraient coûteux pour une très petite entreprise, mais qui, à l’échelle de deux, trois, quatre ou cinq petites entreprises, le sont évidemment beaucoup moins.
Enfin, les pôles d’excellence rurale, dont Rémy Pointereau a beaucoup parlé dans son intervention, font également partie des moyens efficaces de redynamisation du territoire rural.
Depuis 2006, nous avons lancé quatre appels à projets nationaux. Au total, nous avons financé 652 projets pour près de 475 millions d’euros. Près d’un demi-milliard d’euros pour les pôles d’excellence rurale, c’est un effort considérable !
Je tiens à dire à Rémy Pointereau que ces pôles continueront à bénéficier de tout le soutien du Gouvernement, en particulier du ministre de l’agriculture.
Une troisième condition est nécessaire au renforcement de l’attractivité du territoire : le soutien à l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, qui joue un rôle essentiel pour le développement de l’emploi et la création de richesses dans nos territoires.
M. Aymeri de Montesquiou l’a dit aussi, la France est l’un des pays les plus attractifs en termes d’investissements étrangers.
Les résultats de l’Agence ont été remarquables en 2010 : 782 nouveaux projets d’investissements, en progression de 22 % par rapport à 2009, et près de 32 000 emplois nouveaux ou maintenus. C’est bien la preuve qu’il faut poursuivre cette politique d’attractivité et ce renforcement de l’Agence française pour les investissements internationaux.
À ce titre, la DATAR verse à l’Agence une subvention de 7 millions d’euros pour 2012, complétée par une aide de 15 millions d’euros du ministère de l’économie.
Mme Nathalie Goulet. Quinze ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le second grand objectif de notre politique d’aménagement du territoire est de garantir l’équilibre entre les territoires.
Au-delà de ce terme quelque peu technocratique d’« équilibre », c’est le principe de fraternité au sein de la République française qui est en jeu. Je parle de fraternité entre des citoyens qui, n’ayant pas choisi leur lieu de naissance, se retrouvent soit dans des régions dotées de tous les équipements numériques, tous les emplois, organismes de recherche, universités, soit, au contraire, dans des territoires ruraux plus délaissés, où l’accès au numérique est beaucoup plus compliqué, l’accès aux services publics est plus difficile, l’université est plus lointaine. Ce sont ces territoires ruraux qui doivent impérativement bénéficier d’un soutien plus important de la part du Gouvernement.
Les premiers territoires qui connaissent des situations difficiles sont ceux qui sont touchés par les restructurations de défense dont parlait M. Antoine Lefèvre.
Jeudi dernier, j’étais à Bordeaux, pour signer, avec Alain Juppé et Gérard Longuet, un accord pour la revitalisation d’une zone de défense. Nous ne laissons pas, nous ne laisserons pas à l’abandon les territoires qui étaient d’anciennes zones de défense ou qui comportaient d’anciens équipements militaires. Au contraire, nous prévoyons des dispositifs de soutien et de développement économique.
C’est ainsi que, pour le site de Laon-Couvron, dont vous nous avez parlé, les engagements de l’État, à savoir les 10 millions d’euros prévus, seront maintenus. Le rachat à l’euro près sera prévu également. Monsieur le sénateur, l’ensemble des engagements qui ont été pris auprès de vous seront donc tenus.
De manière plus générale, 320 millions d’euros sont consacrés à l’accompagnement de ces territoires, dont un tiers financé par le FNADT.
Certes, chaque territoire touché par une fermeture, qu’il s’agisse d’une base aérienne ou d’une base de l’armée de terre, subit bien évidemment, au-delà des pertes d’emplois et des pertes économiques, un véritable traumatisme. C’est toujours un déchirement de voir partir d’une commune ou d’un canton des militaires qui y étaient installés depuis des décennies. Il est donc impératif que nous continuions d’assurer l’accompagnement de ces territoires.
J’en viens au point qui me tient sans doute le plus à cœur : les territoires ruraux. Je le dis à M. Jean-Luc Fichet, s’il y a, au sein du Gouvernement, un ministre attaché au développement et à la défense des territoires ruraux, c’est bien le ministre de l’agriculture ! Et s’il y a bien un ministre qui s’occupe plus des territoires ruraux et des communes rurales que des zones urbaines, c’est bien le ministre de l’agriculture ! On me le reproche d’ailleurs parfois.
Oui, les territoires ruraux sont l’avenir de ce pays. Oui, ils ont été trop longtemps délaissés. Oui, on ne leur a pas apporté un soutien suffisant et, pendant des années, ils n’ont pas bénéficié d’une politique aussi cohérente que celle qui était destinée à un certain nombre de quartiers proches des grandes agglomérations.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Les territoires ruraux font partie de nos priorités politiques.
C’est vrai pour l’ensemble des territoires ruraux, et c’est vrai aussi en particulier pour l’un d’entre eux, qui me tient à cœur. Ce n’est pas à moi qu’il faut recommander, madame Espagnac, de soutenir le Pays basque ! (Sourires.) Je passe en effet beaucoup de temps dans ce pays merveilleux, auquel je suis profondément attaché. Un contrat territorial couvre la période 2007-2013, et nous travaillons d’ores et déjà à un nouveau contrat pour l’après-2013. D’ailleurs, si je veux pouvoir continuer de me rendre régulièrement et en toute quiétude dans ma ferme de Saint-Pée-sur-Nivelle, j’ai tout intérêt à porter le développement d’un nouveau contrat territorial après 2013 ! (Nouveaux sourires.)
Ce sera fait, madame le rapporteur spécial, j’en prends l’engagement !
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. Merci !
M. Aymeri de Montesquiou. Et le Gers ?...
M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, avant d’en venir à des développements plus précis, je rappelle que l’avenir des territoires ruraux est intimement lié au maintien des exploitations agricoles et au développement agricole : pas d’avenir pour ces territoires si les exploitants agricoles français mettent la clé sous la porte !
Le développement des territoires ruraux passe par le soutien à la politique agricole commune et le maintien de la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, la PNSVA, et de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, sans laquelle il n’y aurait plus de développement agricole dans les zones de montagne. Aucun agriculteur ne restera en Savoie, dans les Pyrénées, dans les Vosges ou dans le Jura, sans une ICHN permettant de compenser la difficulté du travail agricole dans ces territoires.
Le sort de l’agriculture dans les zones rurales dépend aussi du maintien de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et de l’ensemble des primes européennes en faveur de l’agriculture.
Oui, l’agriculture a toute sa place, y compris dans les territoires les plus reculés. Je le dis avec toute la conviction qui est la mienne, mesdames, messieurs les sénateurs, le jour où nous aurons abandonné les exploitations rurales installées dans ces zones de France les plus difficiles d’accès, plus un seul autre emploi ne s’y créera.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre. Aucune activité économique ne prendra la place des exploitations rurales que nous aurons laissé péricliter. C’est pour cette raison qu’il faut se battre pour leur maintien.
Au-delà de cette dimension agricole de la problématique des territoires ruraux, deux autres sujets sont particulièrement importants, la santé et les services publics.
Pour ce qui concerne la santé, mon département, l’Eure, est régulièrement classé quatre-vingt-dix-neuvième sur cent. Jean-Claude Lenoir le sait, même si son territoire est un peu mieux loti en termes d’accès aux médecins.
M. Jean-Claude Lenoir. Cela s’améliore !
M. Bruno Le Maire, ministre. Les chiffres sont éloquents : on compte un médecin pour 200 habitants dans les Bouches-du-Rhône et un médecin pour 515 habitants dans l’Eure. Cela n’est pas acceptable !
M. Jean-Luc Fichet. Voilà !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ne pouvons pas continuer ainsi, les difficultés liées à l’accès aux soins sont trop importantes. C’est que nous savons bien quelle réalité se cache derrière la sécheresse des chiffres. Nous voyons arriver à nos permanences d’élus des mères de famille dont les enfants ne savent pas lire parce qu’ils ne voient pas bien. Comme, pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste, il leur faut attendre six ou sept mois, l’année scolaire sera perdue, tout simplement parce que ces enfants n’auront pas eu accès à un spécialiste dans des délais acceptables.
Nous avons pris un certain nombre de décisions. Ainsi 250 maisons de santé pluridisciplinaires sont-elles programmées, 200 déjà opérationnelles, monsieur Requier. En outre, 160 bourses destinées aux étudiants en médecine qui décident de s’installer à la campagne ont déjà été attribuées.
Je vous ai déjà fait part de ma conviction personnelle en matière d’accès aux soins, mesdames, messieurs les sénateurs : si les mesures incitatives ne sont pas suivies d’effet, nous devrons aller plus loin. (Applaudissements.) Jamais les citoyens n’accepteront une telle rupture d’égalité dans un domaine aussi essentiel à leurs yeux, à savoir leur santé et celle de leurs proches.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ce qui concerne l’accès aux services publics et leur fonctionnement, nous devons penser différemment. Ayons le courage de dire aux Français que l’on ne gardera pas dans chaque commune de France une poste avec deux employés présents matin, midi et soir !
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’en est plus là !
M. Bruno Le Maire, ministre. L’accord de partenariat qui a été signé avec onze opérateurs nationaux doit permettre de faire fonctionner différemment, de manière aussi efficace mais plus économe, les services publics.
Pour les transports, monsieur Lenoir, il en est de même. Nous avons décidé le maintien des liaisons ferroviaires d’équilibre. Celles-ci sont effectivement essentielles dans votre territoire pour la vie quotidienne de vos concitoyens. Il ne s’agit pas de garder toute la ressource pour les seules lignes à grande vitesse.
Au-delà de ces deux priorités, la santé et les services publics, nous devons bien évidemment soutenir le développement économique des territoires ruraux, grâce à la fois aux zones de revitalisation rurale et aux fonds de cohésion.
S’agissant des zones de revitalisation rurale, nous avons mis en place, à votre demande, un groupe de travail parlementaire sur les critères de zonage. Toutefois, au vu des premiers résultats que vous m’avez remis, il me semble prématuré de revoir ce zonage. Je ne souhaite donc pas que nous prenions de décisions en la matière, sauf à exclure du dispositif de nombreuses communes rurales, lesquelles seraient alors confrontées à des difficultés insurmontables.
Enfin, pour financer le développement des territoires les plus fragiles, nous devons nous appuyer sur les fonds de cohésion. Monsieur Dantec, vous auriez dû assister à mon intervention sur ce sujet au congrès des maires de France. J’ai indiqué très clairement que le Gouvernement français était favorable à la création d’une nouvelle catégorie intermédiaire, regroupant les régions en transition.
Pourquoi n’ai-je pas annoncé plus tôt une telle décision ? La raison est très simple : nous devions auparavant réussir à maintenir le budget de la politique agricole commune. Nous avons livré une bataille très difficile, la Commission européenne souhaitant diminuer, voilà moins de deux ans, le budget de la PAC de 30 %. Or nous avons obtenu son maintien à l’euro près !
Après cette bataille, nous avons pu discuter des fonds de cohésion. La nouvelle catégorie intermédiaire, qui regroupera les régions en transition, permettra à dix régions françaises de sortir des dispositifs par paliers, et non pas brusquement.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous présenter aujourd’hui sur la politique des territoires.
Il s’agit, j’en suis convaincu, d’un enjeu absolument essentiel pour nos compatriotes, lesquels ont parfois le sentiment que, selon que l’on habite dans une commune rurale un peu reculée, en zone de montagne ou dans un secteur d’accès difficile, ou que l’on vit dans le centre-ville de Paris, de Lyon, de Nantes ou de Marseille, les chances ne sont pas les mêmes. À nous de faire en sorte que cette politique leur permette d’accéder de la même manière à la République, où que ce soit sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Politique des territoires |
329 762 613 |
336 497 558 |
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire |
282 781 299 |
300 433 383 |
Dont titre 2 |
10 467 873 |
10 467 873 |
Interventions territoriales de l’État |
46 981 314 |
36 064 175 |
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. La commission a décidé d’inviter le Sénat à rejeter ces crédits.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires ».
Économie
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
La parole est à M. Christian Bourquin, rapporteur spécial.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est pour moi tout à la fois un grand bonheur et un grand honneur de siéger parmi vous et de succéder à François Rebsamen en tant que rapporteur des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes financiers », conjointement avec mon collègue André Ferrand.
Pour le sénateur fraîchement élu que je suis, l’exercice est nouveau. Aussi, pour aller à l’essentiel, je ne reviendrai pas sur la répartition des crédits programme par programme, vous renvoyant au rapport écrit, qui a été distribué.
Je souhaite en premier lieu partager quelques remarques d’ordre général sur les crédits de la mission. Ensuite, j’exprimerai l’avis de la commission sur la position à adopter concernant le vote des crédits de la mission et du compte de concours financiers.
Dans le contexte de crise économique et de restrictions budgétaires que nous connaissons, il n’est pas surprenant de constater que, par rapport aux crédits ouverts pour 2011, le budget de la mission « Économie » pour 2012 enregistre une diminution de 2,6 %. Une telle contraction de 54 millions d’euros ramène ce budget de 2 063 millions d’euros pour 2011 à 2 009 millions d’euros pour 2012.
Alors que les dépenses de fonctionnement et de personnel sont épargnées par le « coup de rabot » budgétaire, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que l’effort d’économie se concentre sur les seules dépenses d’intervention. Le budget pour 2012 pénalisera donc particulièrement les moyens d’intervention de la mission pour ce qui concerne le soutien aux entreprises et le développement de leur activité et de l’emploi.
Je pense en particulier au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui enregistre une réduction de sa dotation de 23,1 millions d’euros, soit 36 % de moins qu’en 2011, passant ainsi de 64 millions d’euros à 40,9 millions d’euros.
Ensuite, une série de dispositifs voient leur dotation diminuer pour 2012 : les actions pour le développement et l’initiative en faveur des entreprises, la subvention aux centres techniques industriels, qui est réduite de 2 millions d’euros, la dotation des politiques industrielles, la compensation par l’État des surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse par La Poste, et, enfin, les dépenses de promotion de l’image touristique de la France, sujet plus particulièrement dévolu à mon collègue André Ferrand.
Les réductions de crédits que je viens d’énumérer ne représentent certes que 3 % du budget global de la mission. Pourtant, elles portent sur des dispositifs particulièrement sensibles, notamment le FISAC, pour ce qui est du secteur du commerce et de l’artisanat dans les territoires.
En définitive, il apparaît paradoxal que, dans une période de croissance faible et même de crise, les seuls crédits de la mission « Économie » revus à la baisse soient ceux qui sont susceptibles de soutenir l’activité et d’exercer un effet contracyclique !
Comment, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement compte-t-il soutenir la croissance avec un budget en décroissance ?
M. Roland Courteau. C’est une bonne question !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. C’est bien le constat de cette insuffisance, monsieur Courteau, qui motive la décision de la commission des finances d’émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission « Économie ».
Je souhaite à présent aborder le problème de la délocalisation à Metz de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE.
Notre collègue, et mon prédécesseur dans ces fonctions, François Rebsamen, avait déjà alerté le Gouvernement sur la complexité de cette opération, ainsi que les risques de surcoût et de retard par rapport à l’échéancier de réalisation.
De fait, le budget de la mission « Économie » entérine un surcoût lié à la nécessité de recruter en plus grand nombre que prévu des agents destinés à rejoindre le nouveau centre statistique, ainsi qu’au report de 2013 à 2015 de la livraison des bureaux et de l’achèvement de la nouvelle réalisation.
Permettez-moi, monsieur le président, d’informer mes collègues que mon groupe, le RDSE, a déposé un amendement portant sur la réduction drastique du budget de fonctionnement de l’INSEE pour 2012. Après avoir été réduit de 5 % cette année, voilà qu’il le serait de 12 % l’année prochaine ! C’est, du moins, ce qu’ont prévu les députés.
En fait, comme les lignes budgétaires du FISAC et de l’INSEE sont juste côte à côte, on a procédé à un transfert : 1,8 million d’euros qui avaient été retirés à l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, une composante du FISAC bien connue des élus locaux, lui ont ensuite été rendus par prélèvement sur le budget de l’INSEE.
En apparence, l’honneur est sauf pour l’EPARECA… Mais cette somme de 1,8 million d’euros manquera à l’INSEE ; pour avoir travaillé avec l’ensemble des responsables de cet organisme, je puis vous dire qu’ils n’arriveront pas à produire, l’an prochain, les statistiques dont notre pays a besoin.
Je ne pense pas que nous voulions, ni les uns ni les autres, supprimer l’indice mensuel des prix à la consommation, les chiffres du chômage ou ceux de l’inflation…
M. Roland Courteau. Ils cassent le thermomètre !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Les résultats de la politique menée, à laquelle je suis pour ma part défavorable, ne sont pas bons ; mais la nécessité est impérieuse de conserver le thermomètre !
Pour conclure, je vais vous faire part de l’avis de la commission des finances sur les crédits de la mission « Économie ».
Je constate que nos collègues de l’Assemblée nationale, pourtant majoritairement favorables au Gouvernement, ont eux aussi regretté les déséquilibres de ce budget, comme je le fais.
C’est dans le but de le rééquilibrer qu’ils ont abondé de 1,8 million d’euros, de la manière que je viens d’expliquer, la subvention allouée à l’EPARECA. Mais ce supplément de moyens ne suffira pas à rendre à cet établissement sa capacité d’action en faveur du tissu économique dans les territoires.
De plus, au cours des débats à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a réduit de 22 millions d’euros les crédits de la mission « Économie », en application des plans présentés par le Premier ministre, les 24 août et 7 novembre derniers, pour réaliser des économies supplémentaires.
Cette diminution, se répartissant entre ses quatre programmes, rend encore plus sévère la contraction des moyens d’intervention de la mission « Économie ». Pour cette raison, la commission des finances propose au Sénat d’en rejeter les crédits.
En revanche, elle propose l’adoption sans modification des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien ! Une analyse fine mais sans concession !
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, rapporteur spécial.
M. André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie » est composée de quatre programmes budgétaires dont notre collègue Christian Bourquin, qui a succédé à François Rebsamen, et moi-même partageons désormais la charge d’être les rapporteurs.
Bien sûr, j’aurais aimé que nous partagions aussi les conclusions, en particulier sur le vote des crédits de la mission…
M. Roland Courteau. C’est impossible !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. Vous comprendrez que ce ne soit pas le cas. En effet, je proposerai pour ma part l’adoption des crédits de la mission « Économie », ainsi que ceux du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Je souhaite d’abord vous faire part de mes observations générales sur le champ de la mission.
Celui-ci étant particulièrement vaste, et le temps qui m’est imparti très court, je mettrai l’accent sur deux sujets qui me paraissent aujourd’hui essentiels pour la situation économique et sociale de notre pays ; ils comptent aussi, je l’avoue, parmi les principaux centres d’intérêt et d’action du sénateur des Français de l’étranger que je suis.
Il s’agit de notre présence économique à l’étranger…
Mme Nathalie Goulet. Aïe !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. … et de nos performances dans le domaine du tourisme.
Ces deux sujets correspondent à des actions majeures de la mission, dirigées vers l’international et particulièrement créatrices d’emplois et de richesses.
J’aborde, pour commencer, la question de notre présence économique à l’étranger, notamment celle du rôle d’UBIFRANCE.
Je vous rappelle la situation très préoccupante du solde de nos échanges extérieurs : nous avons accusé un déficit de 75 milliards d’euros en 2011, l’Allemagne enregistrant au même moment un excédent de quelque 160 milliards d’euros.
Je ne me risquerai pas à tenter d’analyser de façon exhaustive les raisons de cette dégradation, qui paraît s’accélérer d’année en année ; toutefois je ne crois pas inutile de mettre brièvement en évidence un certain nombre de problèmes, afin de vous convaincre qu’il faut agir en priorité sur eux.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. On sait bien, d’abord, que nous ne disposons pas de l’exceptionnel réseau d’entreprises de taille intermédiaire, les ETI, dont l’Allemagne bénéficie. Il faut nous demander quelles en sont les raisons et comment nous pourrions donner à nos patrons de PME l’envie de grandir !
On constate ensuite, en particulier lorsqu’on visite des usines et des entreprises à l’étranger, dans différents secteurs d’activités, que nous ne produisons pas les biens d’équipement spécifiquement nécessaires aux pays en fort développement, qui tirent la croissance mondiale.
La désindustrialisation de notre pays est malheureusement passée par là… Aujourd’hui, la reconquête est le grand enjeu. Comment regagner le terrain perdu ? Comment nous réindustrialiser ? Tels sont nos défis majeurs.
Le moment est venu d’une grande mobilisation. Ensuite, il sera trop tard.
Bien que toujours excédentaire, le solde de notre secteur agricole et agroalimentaire se dégrade et, en Europe, nos concurrents hollandais et allemands nous ont dépassés !
Même notre industrie automobile, dont nous étions naguère légitimement fiers, contribue aujourd’hui à la détérioration du solde de notre balance commerciale…
S’agissant enfin de la part des activités financée par le capital risque, notre situation est peu brillante par rapport à celle de nos voisins européens : il nous faudrait des business angels plus nombreux !
Notre secrétaire d’État au commerce extérieur dispose de pouvoirs trop limités pour pouvoir agir réellement sur les données fondamentales que je viens d’évoquer ; il s’efforce néanmoins d’améliorer le dispositif de promotion internationale de notre économie.
Avec « l’équipe de France de l’export », qui doit réunir tous les acteurs de France et de l’étranger et organiser leur jeu collectif,…
Mme Nathalie Goulet. Aïe !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. … il a entrepris un réel effort d’organisation et de synergie qui commence à produire des résultats tangibles sur le terrain.
Mais il faut, à l’étranger, mobiliser toujours davantage nos représentations diplomatiques…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. … et obtenir aussi que le conseiller économique, qui représente la direction générale du Trésor auprès de l’ambassadeur, considère qu’il entre dans sa mission d’assurer la communication et la coordination entre tous les acteurs présents à l’étranger : UBIFRANCE, l’AFII, les chambres de commerce, OSEO, l’Agence française de développement, Atout France, tous nos chercheurs – quel que soit l’organisme dont ils dépendent –, la SOPEXA, PROMOSALONS, les conseillers du commerce extérieur de la France, pour ne citer que ceux-là.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que votre collègue chargé du commerce extérieur, M. Pierre Lellouche, s’est particulièrement penché sur la fonction de conseiller du commerce extérieur de la France, afin d’essayer d’en apprécier la contribution.
Il a demandé au Conseil économique, social et environnemental comment cette cohorte de quelque 4 200 dirigeants d’entreprises, parmi lesquels plus de 2 500 sont installés à l’étranger, pourrait apporter davantage à notre présence économique hors de nos frontières.
Quant à moi, j’espère vivement que ces conseillers, devenus des acteurs de notre commerce extérieur, sauront trouver la réponse à cette question.
L’agence UBIFRANCE, quant à elle, voit ses moyens budgétaires préservés dans le cadre d’un nouveau contrat d’objectifs et de performance conclu avec l’État ; il faut s’en réjouir, car son champ d’action, du moins théorique, va s’étendre en 2012 à l’ensemble du monde.
Forte de réels succès quantitatifs, l’Agence, désireuse de suivre les recommandations de la Cour des comptes, s’efforce de mettre au point des indicateurs efficaces pour apprécier ses résultats qualitatifs, c’est-à-dire les effets de son action sur les réelles implantations d’entreprises françaises à l’étranger.
Cet établissement public industriel et commercial souhaite aussi améliorer l’efficience du dispositif de promotion de nos exportations agroalimentaires, en coopération avec la SOPEXA, la société pour l’expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires français, déjà citée ; il a conscience, en effet, qu’il reste quelques marges de progrès dans le sens d’une plus grande synergie.
Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !
M. André Ferrand, rapporteur spécial. J’en viens maintenant au second sujet que je souhaite aborder et qui, monsieur le secrétaire d’État, vous concerne directement : le tourisme.
Je vous rappelle que j’ai récemment présenté avec notre collègue Michel Bécot, lui pour la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, moi pour la commission des finances, un rapport intitulé Le tourisme, un atout formidable pour la France.
Je ne vais pas reprendre ici les conclusions et les recommandations de ce rapport ; je renvoie toutes celles et tous ceux d’entre vous que le sujet intéresse, mes chers collègues, à la lecture de ce document.
Mais à vous, monsieur le secrétaire d’État, ainsi qu’à tous les acteurs concernés, je demande de nous aider à assurer le suivi et la mise en œuvre de ces recommandations.
Croyez bien que, de notre côté, nous serons attentifs aux résultats concrets de votre initiative en faveur de l’amélioration de la qualité de l’accueil en France, initiative que nous saluons.
Il est en effet extrêmement important, nous en sommes tous conscients, que l’accueil réservé par la France à ses visiteurs étrangers soit radicalement amélioré, en particulier lorsque ceux-ci arrivent à Roissy...
Nous suivrons donc avec une grande attention les progrès obtenus après la signature, le 1er mars dernier, de la charte que vous avez conclue avec de nombreux partenaires dont Aéroports de Paris, la RATP, la SNCF, France Congrès, la chambre de commerce et d’industrie de Paris, la Fédération nationale des artisans du taxi, etc.
Nous avons d’ailleurs observé qu’Aéroports de Paris avait déjà lancé une campagne de communication sur la qualité de ses services.
Mme Nathalie Goulet. Mais comme en même temps ils font grève…
M. André Ferrand, rapporteur spécial. J’espère sincèrement que la charrue a bien été attelée après les bœufs, c’est-à-dire que les améliorations ont bien précédé leur annonce ! (Sourires.)
Nous savons que le groupement d’intérêt public Atout France est le fer de lance d’une politique aux acteurs extrêmement nombreux et divers, dans un secteur qui représente – on ne le rappellera jamais assez – 6,2 % de notre PIB, c’est-à-dire autant que le secteur agricole et agroalimentaire, et plus de un million d’emplois directs, dont il faut souligner qu’ils ne sont pas délocalisables.
C’est pourquoi je regrette naturellement la réduction de 2 % de la dotation d’Atout France pour 2012.
Mais l’enjeu principal est probablement ailleurs. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer les 44,7 millions d’euros de crédits du programme 223 « Tourisme » avec les quelque 1,2 milliard d’euros représentés par l’ensemble des moyens publics contribuant à la politique du tourisme.
Reste que ces moyens sont extrêmement dispersés entre les offices de tourisme et les syndicats d’initiative, les comités départementaux et les comités régionaux du tourisme.
C’est pourquoi nous avons recommandé, dans notre rapport, d’optimiser l’emploi de ces ressources et d’en orienter une partie plus importante vers la promotion internationale de la destination France, en essayant de développer des synergies entre ces acteurs.
Nous avions aussi émis l’idée de sécuriser le recouvrement de la taxe de séjour et d’élargir son assiette au bénéfice des collectivités locales, tout en explorant la piste de la création d’une part additionnelle de cette taxe qui serait dédiée à la promotion de la destination France. Face à la communication très efficace de nos concurrents – je pense notamment à celle de l’Espagne –, il est indispensable que la marque touristique « Rendez-vous en France » s’impose auprès du grand public, en particulier sur les nouveaux marchés émergeant très rapidement, comme la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. L’intitulé exhaustif de votre qualité rend compte de l’étendue du champ de vos fonctions. Je sais cependant tout l’intérêt que vous portez au tourisme. Je connais la conscience que vous avez de sa très grande importance en matière de créations de richesse et d’emploi. Je tiens à en témoigner devant la Haute Assemblée. Je tiens aussi à renouveler notre engagement aux côtés de tous les acteurs du tourisme et particulièrement de ceux qui ont la charge, avec vous monsieur le secrétaire d’État, de doter la France d’une grande politique volontariste en matière de tourisme. Je pense, vous le savez, à la partie de l’équipe de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, dédiée au tourisme ainsi, bien sûr, qu’au fer de lance de cette politique, Atout France !
Ainsi, au regard des observations que je viens de livrer, et même si je regrette la contrainte budgétaire que doit globalement supporter la mission « Économie » – il semble toutefois que ce soit la règle générale en ce moment –, je propose au Sénat, à titre personnel seulement, ce que je déplore, d’adopter les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes financiers ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de l'économie ayant désigné plusieurs rapporteurs pour avis, je laisserai le soin à Michel Teston de parler des crédits de manière générale.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. « De manière générale », c’est beaucoup dire !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Je ciblerai quant à moi mon intervention sur un domaine qui m’est très cher : le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC.
La question du financement du FISAC, qui a tendance à revenir à chaque discussion budgétaire, se pose malheureusement une nouvelle fois cette année.
Pour 2012, le projet de loi de finances initiale prévoit en effet de doter le FISAC de 41 millions d’euros. Par rapport à 2011, cela représente, on l’a dit, une baisse de 22 millions d’euros, soit une diminution de 34 % des crédits. Je me demande si beaucoup de fonds d’intervention, de programmes ou d’opérateurs de l’État sont confrontés à une restriction de crédits aussi sévère que celle connue par le FISAC !
Mme Nathalie Goulet. C’est injuste !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Ces 41 millions d’euros de crédits proposés pour le FISAC en 2012 correspondent en fait, je vous le rappelle, à ce qui était déjà prévu par la loi de finances pour 2011 dans sa version initiale. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Si le FISAC a finalement pu disposer en 2011 de 64 millions d’euros au lieu des 43 millions d’euros initialement prévus, c’est parce que j’avais proposé un amendement pour limiter la baisse de ses moyens.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Nous nous étions tous mobilisés, d’une façon très consensuelle, pour le faire adopter, malgré l’avis contraire du Gouvernement.
M. Roland Courteau. Je m’en souviens !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Nous avions ainsi obtenu qu’en 2011 le FISAC obtienne une « rallonge » de 21 millions d’euros.
Les chiffres que j’ai pu recueillir auprès de la DGCIS concernant l’exécution des crédits du FISAC prouvent a posteriori que notre engagement était justifié.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Roland Courteau. Nous avons eu raison !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Ces 64 millions d’euros n’étaient en effet pas de trop. L’année qui vient risque de commencer avec un volume de crédits reportés sur 2012 et donc déjà pré-engagés.
Imaginons un peu ce qui se serait passé si nous n’avions pas obtenu en 2011 la rallonge pour le FISAC… Avant même que l’année ne commence, la capacité d’intervention du FISAC était vraisemblablement obérée, et les nouveaux projets déposés en 2012 ne pouvaient être satisfaits.
Nous nous trouvons, me semble-t-il, devant une situation absurde. Le FISAC est un outil utile pour soutenir le développement du commerce de proximité ; la DGCIS dispose d’ailleurs de plusieurs études qui le prouvent. L’argent mis dans le FISAC est de l’argent bien dépensé : l’investissement génère activité économique, cohésion sociale et rentrées fiscales par la TVA.
Je rappelle d’ailleurs que le législateur, sur l’initiative du Sénat, avait inscrit dans la loi de modernisation de l’économie, la LME, un renforcement des missions du FISAC et une sécurisation de ses crédits.
Mme Nathalie Goulet. C’est juste !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Notre collègue Élisabeth Lamure, en tant que rapporteur de la LME, avait défendu des amendements allant dans ce sens.
Aujourd’hui, le FISAC est donc sous-doté au regard de ses missions.
M. Roland Courteau. Force est de le constater !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Cependant, fait positif, à la suite de la déconcentration de l’instruction des dossiers au niveau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRRECTE, les délais de traitement des dossiers ont été raccourcis. C’est une très bonne chose.
Pour revenir au FISAC, le constat est implacable, et je ne le démentirai pas. Néanmoins, compte tenu de la situation financière de la France, je ne proposerai pas d’amendement pour relever les crédits du FISAC, contrairement à ce que j’avais fait l’année dernière.
Mme Nathalie Goulet. Oh !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est dommage !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. C’est dommage, mais il faut être responsable ; il faut être sérieux, mon cher collègue.
Cela dit, lorsque l’effort de redressement des comptes publics aura porté ses fruits, il me semble que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire devra rouvrir le dossier du FISAC, de ses missions et de ses moyens.
S’agissant des missions, le FISAC est peut-être victime de son succès. Il faudrait sans doute réfléchir à recentrer son action prioritairement sur le soutien au commerce de proximité, notamment en milieu rural et dans les quartiers sensibles.
Plus largement, je crois qu’il faut penser le FISAC comme un outil intégré au service d’une politique plus globale, comme le Sénat avait tenté de le faire dans la LME. Il me semble donc impératif de doter le FISAC de ressources stables et suffisantes pour en faire le bras armé d’une politique faisant du commerce de proximité un atout, au service à la fois du développement économique et de l’aménagement du territoire.
Vous l’avez compris, bien que je déplore la moindre dotation du FISAC par rapport à l’année dernière, je voterai, compte tenu de la situation financière de la France, l’ensemble de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
M. Roland Courteau. Le ton va changer !
Mme Évelyne Didier, rapporteure pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité porter mon attention sur les missions et les moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
C’est un sujet d’actualité, puisque le Sénat va bientôt examiner un projet de loi visant à améliorer l’information et la protection des consommateurs. Ce texte donne à ces derniers de nouveaux droits et impose des obligations renforcées aux professionnels. Cependant, nous savons tous que créer des obligations et des droits formels est insuffisant si, dans le même temps, ne sont pas créées ou renforcées les institutions qui pourront aider les personnes, en l’occurrence les consommateurs, à effectivement exercer ces droits et à faire valoir ces obligations.
La DGCCRF étant la principale institution chargée de protéger les consommateurs, la question est donc simple : après cinq ans de révision générale des politiques publiques, est-elle encore en état d’assumer effectivement le rôle renforcé que la loi veut lui attribuer ?
J’aurais aimé répondre par l’affirmative. Malheureusement, mon sentiment est que la DGCCRF est aujourd’hui une administration sinistrée.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Évelyne Didier, rapporteure pour avis. Tout d’abord, elle est confrontée à un effet de ciseaux entre l’extension du champ de ses missions et la limitation continue de ses moyens.
D’un côté, loi après loi, directive européenne après directive européenne, sa charge de travail se trouve considérablement augmentée. Ainsi, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, dont je viens de parler, crée de nouvelles règles pour encadrer les relations d’affiliation entre les commerçants indépendants et leur tête de réseau dans le domaine de la grande distribution. C’est la DGCCRF qui sera chargée de veiller au respect de ces règles nouvelles. Elle devra contrôler aussi le respect des indications géographiques étendues aux produits artisanaux et industriels, contrôler les activités de syndic de copropriété ou encore l’exercice de la profession de diagnostiqueur…
M. Roland Courteau. Et tout cela, sans moyens supplémentaires !
Mme Évelyne Didier, rapporteure pour avis. Tout cela est louable, puisque les abus sont nombreux dans ces secteurs. Mais il s’agit de missions très lourdes pour la DGCCRF.
Si l’on se souvient par ailleurs que ces missions nouvelles s’ajoutent à celles qui ont été créées par la loi de modernisation de l’économie, par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, puis par la loi Lagarde portant réforme du crédit à la consommation ; si l’on considère en outre que la législation européenne impose chaque année à la DGCCRF des contrôles sur un nombre croissant de produits alimentaires et non alimentaires, le tableau alors obtenu est celui d’une DGCCRF croulant littéralement sous le poids de ses missions nouvelles.
D’un autre côté, et dans le même temps – c’est la seconde lame des ciseaux –, la DGCCRF voit, année après année, ses crédits et ses effectifs baisser. En 2012, elle perdra une centaine d’agents. Entre 2008 et 2012, ses effectifs seront passés de 3 500 à 3 000 agents, soit une baisse de 15 %.
Comment la DGCCRF peut-elle faire face à l’écart croissant entre le champ des contrôles qu’elle doit effectuer et les moyens dont elle dispose pour les réaliser ?
Selon le discours officiel, monsieur le secrétaire d’État, tout va bien : la réorganisation des services permettrait de dégager des gains de productivité et d’adapter les moyens aux missions grâce à une efficacité accrue.
Je ne partage pas cet optimisme. En effet, les chiffres sont là : le recul de 15 % des effectifs de la DGCCRF s’est accompagné d’une baisse de 13 % des contrôles effectués. On comptait en effet un million de contrôles en 2006 ; on n’en dénombre plus que 870 000 en 2010.
Les suites données à ces contrôles changent elles aussi fortement. La DGCCRF se contente de plus en plus de simples rappels à la réglementation, qui demandent peu de temps aux agents mais donnent de moins en moins lieu à des actions administratives ou judiciaires. Celles-ci ont baissé de 10 % depuis 2007.
N’étant plus en mesure de couvrir le champ entier de ses missions, la DGCCRF organise son programme de contrôles de telle sorte que les moyens dont elle dispose soient, par définition, toujours en quantité suffisante. Elle définit ainsi chaque année, sur la base d’une directive nationale d’orientation, ses champs de contrôle prioritaires. De la sorte, des pans entiers des échanges échappent tous les ans à ses contrôles.
Par principe, donc, les moyens ne manquent jamais, puisque ce sont les missions qui s’adaptent aux moyens et non l’inverse !
Au-delà des chiffres, on peut s’interroger aussi sur la capacité de la DGCCRF à maintenir la qualité des contrôles effectués.
D’une part, en effet, certaines remontées de terrain suggèrent que la réorganisation des services déconcentrés, particulièrement au niveau départemental, a conduit à marginaliser les agents de la DGCCRF au sein des nouvelles structures avec, à la clé, une désorganisation de leur travail et une perte d’efficience de leur action.
D’autre part, la nature des contrôles change, manque de temps et culte du chiffre obligent. On demande de plus en plus aux agents de faire de simples inspections, c’est-à-dire de vérifier un nombre de points prédéfinis à partir d’une grille d’évaluation standardisée. Ils font par exemple le tour des restaurants d’un secteur pour vérifier que les restaurateurs ont bien apposé sur leur vitrine les affiches adéquates, comme : « La TVA baisse, les prix aussi. » En une heure, un agent peut ainsi contrôler quelques dizaines de restaurants, avec un effet marginal sur le bien-être des consommateurs mais un impact très positif sur les statistiques de performance du ministère. En revanche, les enquêtes de terrain approfondies, qui permettent de détecter les vraies fraudes, sont en recul.
M. Roland Courteau. Eh oui ! C’est très vrai !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Mais non !
Mme Évelyne Didier, rapporteure pour avis. La DGCCRF est donc en train de passer d’une activité de police économique dans le domaine de la concurrence et de la consommation à un simple travail d’audit et d’accompagnement des entreprises. Ce n’est pas ce que nos concitoyens attendent en priorité de cette administration.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Évelyne Didier, rapporteure pour avis. Pour toutes ces raisons, on peut affirmer que les moyens ne sont pas au niveau des ambitions affichées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein de la mission « Économie », j’ai choisi de m’intéresser cette année au programme « Tourisme », qui regroupe une partie des moyens consacrés par l’État au développement de ce secteur essentiel pour l’économie nationale.
La révision méthodologique des comptes satellites du tourisme, qui était en cours depuis plusieurs années, est enfin achevée. Elle conduit à réévaluer à la hausse l’importance économique du tourisme, dont la part dans le PIB s’élèverait à 7,1 % en 2010, au lieu de 6,2 % pour la dernière année connue, 2007.
D’autres chiffres-clés permettent de mesurer l’importance du tourisme dans l’économie française : les recettes touristiques se sont élevées à 35,1 milliards d’euros en 2010 ; elles dégagent un solde positif de 6,1 milliards d’euros, ce qui fait du tourisme l’un des premiers postes excédentaires de la balance des paiements.
En outre, le secteur du tourisme fournit près de 1 million d’emplois directs.
Dans un contexte de forte reprise du tourisme mondial, avec une hausse de 7 % des arrivées internationales en 2010, la France demeure la première destination touristique mondiale, devant les États-Unis et la Chine. Toutefois, notre pays n’est que troisième en termes de recettes du tourisme international, derrière les États-Unis et l’Espagne. Nous avons encore des marges de progression et il est urgent d’œuvrer pleinement en ce sens.
Le programme « Tourisme » est l’un des plus petits programmes budgétaires. Pour 2012, sa dotation présente une réduction par rapport à 2011. Cette baisse s’explique principalement, il faut le souligner, par l’achèvement de l’opération de participation à l’exposition universelle de Shanghai, entre mai et novembre 2010, qui a été un grand succès. Le pavillon de la France a été le plus visité, avec 10,2 millions de visiteurs, devançant même le pavillon chinois !
Toutefois, je veux souligner que le soutien de l’État à la politique du tourisme ne se limite pas aux seuls crédits du département ministériel chargé du tourisme. Nous disposons, pour la première fois cette année, d’un document de politique transversale qui recense les crédits consacrés par d’autres ministères à la politique de soutien de l’activité touristique.
Le montant total des crédits, répartis entre vingt-quatre programmes relevant de douze missions différentes, s’élève pour 2012 à 1,9 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Le lien entre ces crédits et la politique du tourisme semble parfois très indirect, mais il était utile de rappeler tous ces chiffres qui sont intéressants à connaître pour mieux apprécier les ordres de grandeur.
L’action de l’État dans le domaine du tourisme est relayée par certains établissements autonomes, qui jouent un rôle de levier efficace. Je pense, notamment, à Atout France, qui résulte de la fusion en 2009 de Maison de la France, chargée de la promotion de l’image de la France à l’étranger, et d’ODIT France, chargé de l’ingénierie touristique.
Atout France, qui dispose de trente-deux bureaux à l’étranger, a déployé en 2011 la nouvelle marque de destination de notre pays, baptisée « Rendez-vous en France ». L’Agence a également mis en place cette année un nouveau site internet grand public faisant office de vitrine commerciale de la diversité de l’offre touristique française ; il sera progressivement enrichi grâce à l’apport direct des départements et des régions.
À ce sujet, je suis tout à fait favorable à la mise en réseau des offices de tourisme départementaux et régionaux afin qu’ils travaillent dans le même sens et optimisent leurs moyens au travers des conseils régionaux du tourisme.
Le budget d’Atout France fait largement appel au partenariat : sur un total de 76,4 millions d’euros pour 2011, la subvention pour charges de service public devrait s’élever à 34,7 millions d’euros et les ressources issues du partenariat à 36,1 millions d’euros. Cet effet multiplicateur est intéressant, mais suppose le maintien à un niveau suffisant de la subvention de l’État. Si celle-ci devait diminuer davantage, c’est la crédibilité même d’Atout France à l’égard de son millier de partenaires qui se trouverait compromise.
À côté des crédits, il existe un certain nombre de dépenses fiscales en faveur du tourisme.
La décision récemment annoncée par le Gouvernement de relever de 5,5 % à 7 % le taux réduit de TVA, avec un certain nombre d’exceptions pour les biens et services de première nécessité, me paraît acceptable, car elle ne remet pas en cause le bénéfice du taux réduit de TVA pour la restauration, qui a produit des effets en termes de création d’emplois et a aidé, ne l’oublions pas, à traverser la crise. Surtout, par sa portée générale, cette décision évite de stigmatiser la profession.
En revanche, je serai plus critique quant à la taxe de 2 % sur les nuitées de 200 euros ou plus, qui a été instaurée dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 septembre dernier.
Cette taxe, qui était initialement ciblée sur les hôtels de luxe des catégories 4 ou 5 étoiles, représentant 5 % du parc hôtelier, est désormais calée sur un seuil qui ne correspond pas forcément à la notion de luxe. À Paris, 70 % des nuitées seraient concernées. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer l’intention du Gouvernement de supprimer cette taxe afin qu’elle ne s’ajoute pas au relèvement du taux réduit de TVA ?
Je voudrais, pour finir, évoquer le problème du vieillissement du parc des hébergements touristiques. La question est particulièrement cruciale pour les résidences de tourisme à l’issue de la période de défiscalisation qui a suivi leur construction. On se retrouve ainsi, dans les stations de tourisme, avec des « volets clos » ou des « lits froids », qui ne font plus l’objet d’aucune offre locative. Ces logements sont obsolescents et les structures de propriété éclatées nuisent à leur bon entretien.
J’approuve donc la mise en place, au mois de février dernier, d’un groupe de travail qui associe élus du littoral et élus de la montagne afin de bâtir un plan d’action pour la rénovation de l’immobilier de loisir. Ce plan, sorte de boîte à outils juridiques et financiers, serait mis à la disposition des élus pour piloter la rénovation, en s’inspirant des techniques utilisées pour la rénovation urbaine.
En conclusion, à la différence de la majorité de la commission de l’économie, je donnerai à titre personnel un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie », que je voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, les crédits de la mission « Économie » font, cette année encore, les frais des mesures de rigueur et enregistrent une baisse nominale de 2,8 %, ou de 4,5 % en tenant compte de l’inflation.
Depuis 2010, à périmètre constant, ces crédits ont baissé de 4,8 %, voire de 8,2 %, si l’on tient compte de l’inflation !
Mon intervention portera plus particulièrement sur les actions 134 et 13, consacrées au service postal et aux communications électroniques, dont les crédits reculent de 3,1 %.
Les budgets de ces actions illustrent parfaitement les carences de l’État dans le financement des quatre missions de service public de La Poste.
Le service universel n’est plus financé, en partie, par le secteur réservé. À la place de ce monopole résiduel, il est prévu de créer un fonds de compensation alimenté par les opérateurs. Or ce système existe pour la téléphonie fixe et il fonctionne mal.
La dotation budgétaire pour le transport et la distribution de la presse se situe à 202,35 millions d’euros, soit un recul de 4,4 % !
L’accessibilité bancaire est compensée par une « rémunération complémentaire de l’État » qui décroît continuellement sur la période 2012-2014.
Enfin, la mission de présence territoriale est financée, en partie, par un fonds de péréquation, qui certes passe de 135 millions d’euros à 170 millions d’euros, mais dont le financement repose sur les collectivités locales et non sur l’État.
Dans le domaine des communications électroniques, les lacunes et les incertitudes sont aussi nombreuses.
Les opérateurs des réseaux à très haut débit mobile, la 4G, ceux qui sont déjà retenus pour la bande de fréquences des 2,6 gigahertz et ceux qui vont l’être pour la bande de fréquences des 800 mégahertz, auront respectivement douze et quinze ans pour remplir leurs obligations de couverture… Ne trouvez-vous pas cela un peu long ?
Pour la téléphonie mobile 2G et 3G, comme l’ont relevé par ailleurs nos collègues Bruno Sido et Hervé Maurey, les critères de couverture en zones blanches ne sont pas pertinents et des zones grises subsistent.
En matière de haut débit, il faut aller vers le haut débit pour tous à un niveau suffisamment élevé, et en tout cas bien supérieur aux 512 kilobits du plan « France numérique 2012 ».
S’agissant du très haut débit et du programme national « très haut débit », le PNTHD, le constat est fait que les moyens d’atteindre les objectifs ambitieux fixés par le chef de l’État ne sont pas mobilisés. Les opérateurs privés peuvent se déployer partout et ne sont en rien tenus par leurs engagements. Par ailleurs, au titre du grand emprunt, 900 millions d’euros seulement sont prévus pour accompagner les collectivités locales cantonnées dans des zones peu denses.
Ma conclusion est la suivante : en période de crise, il est plus que jamais nécessaire de s’interroger sur la pertinence d’un certain nombre de niches fiscales. Ne faudrait-il pas supprimer celles qui sont économiquement inefficaces et socialement injustes ? Ne faudrait-il pas redéployer les crédits ainsi libérés pour bien assurer les services essentiels et préparer l’avenir ?
Or, avec ce budget, l’État n’accompagne pas La Poste pour maintenir la présence postale. Il réduit ses contributions pour les trois autres missions de service public de La Poste ou il diminue les crédits du FISAC, qui sont partout essentiels pour le maintien des services à la population, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines sensibles.
L’État n’accompagne pas non plus suffisamment les collectivités en matière de désenclavement numérique des zones peu denses.
Pour ces raisons, la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Économie ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis.
M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le programme « Développement des entreprises et de l’emploi ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, la commission des lois a décidé de se saisir pour avis des crédits du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » de la mission « Économie ».
En effet, notre commission a souhaité, par cet avis, vérifier l’emploi des crédits correspondant à son domaine traditionnel de compétences en matière d’amélioration et de simplification de l’environnement juridique des entreprises, de protection et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en œuvre du droit de la concurrence.
Je ne reviendrai pas sur la réduction forte, déjà évoquée, des crédits du programme. Dans ce contexte budgétaire difficile, qui appelle, bien sûr, des mesures fortes de la part du Gouvernement, je souhaite néanmoins vous faire part de notre inquiétude quant à la capacité des administrations concernées à continuer à exercer leurs missions correctement, en particulier en matière de protection des consommateurs, c’est-à-dire notre protection à tous.
À cet égard, je tiens à saluer le travail accompli par les agents de l’État qui sont chargés de cette mission.
Monsieur le secrétaire d’État, en ces temps de crise, ce programme budgétaire apporte beaucoup à nos entreprises, en particulier à nos PME. Aussi, plutôt que de m’appesantir sur ce qui fonctionne, je pense par exemple à l’efficacité économique de l’accompagnement de nos entreprises par OSEO, vous me permettrez de présenter trois observations sur les sujets qui nous préoccupent.
Premièrement, dans le sillage de la révision générale des politiques publiques, la réforme de l’administration territoriale de l’État a profondément transformé l’organisation des services déconcentrés au sein de nouvelles directions régionales, aux compétences plus larges, et surtout au sein de vastes directions départementales interministérielles placées sous l’autorité des préfets, au nombre de deux ou trois par département.
Ainsi, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ne dispose plus de ses propres services déconcentrés, mais doit s’adresser aux préfets pour transmettre ses instructions en matière de contrôle, par exemple. Comme l’a souligné ma collègue Évelyne Didier, les missions des anciennes directions régionales et surtout départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent paraître diluées, voire délaissées par manque d’effectifs, au sein des nouvelles directions. Nous éprouvons des inquiétudes à ce sujet.
Le consommateur victime de comportements condamnables de la part d’un professionnel saura-t-il trouver, au sein de la nouvelle direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, les fonctionnaires chargés de le défendre ?
Deuxièmement, la commission des lois a souhaité dresser un premier bilan du nouveau statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL, créé par la loi du 15 juin 2010 dont Jean-Jacques Hyest était rapporteur.
Ce nouveau statut, qui s’ajoute aux statuts existants, permet à un entrepreneur individuel de séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel, sans avoir à créer de société, de sorte qu’en principe seul son patrimoine professionnel est appelé à supporter ses dettes professionnelles. Ainsi, une défaillance économique ne menace plus ses biens personnels ni la vie de sa famille.
Ce texte était réclamé et attendu depuis très longtemps par les milieux de l’artisanat. Le dispositif est opérationnel depuis le mois de janvier et a donné lieu à une intense campagne de communication, même si tous les décrets d’application ne sont pas encore parus. Or, au 30 octobre 2011, on ne recensait que 4 908 EIRL. Je rappelle que, selon l’étude d’impact du projet de loi, la prévision était de 100 000 EIRL pour la fin de 2012, hypothèse jugée réaliste. Au rythme actuel, il est particulièrement douteux que nous atteignions ce chiffre. Cette situation rappelle le modeste succès de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL, créée en 1985.
Quand bien même le cumul des deux régimes est possible, le statut de l’auto-entrepreneur, dont le succès ne se dément pas, ne freine-t-il pas le développement de l’EIRL en le rendant moins attractif, en dépit de la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés ? Sur le fond, la multiplication des statuts ne rend-elle pas plus difficile le choix de l’entrepreneur ? La simplification véritable ne consisterait-elle pas à rationaliser le paysage ?
Enfin, troisièmement, la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a procédé au regroupement auprès de l’Institut national de la consommation de la Commission des clauses abusives, de la Commission de la sécurité des consommateurs et de la nouvelle Commission de la médiation de la consommation.
Ce regroupement est très positif, car il mutualise les moyens et les effectifs, ce qui permet de réaliser des économies, tout en donnant à chaque organisme des capacités d’action et d’expertise démultipliées, grâce à la mise en place de services communs.
Or, à ce jour, plus d’un an après la publication de la loi, le regroupement de ces instances n’est toujours pas effectif, car les crédits de personnel correspondant au fonctionnement des commissions n’ont, semble-t-il, toujours pas été transférés à l’Institut national de la consommation. Il n’y a donc toujours pas de services communs. Cette situation d’incertitude fragilise nécessairement les missions exercées par ces instances. Je ne doute pas que le Gouvernement saura rapidement prendre les décisions administratives nécessaires pour y remédier.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous ici attachés à ce que la législation que nous votons soit correctement et réellement appliquée. Je vous remercie donc, monsieur le secrétaire d'État, de nous fournir les réponses qui, je l’espère, sauront rassurer le Sénat et sa commission des lois. Celle-ci a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission, mais, à titre personnel, je les voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que membre de la commission des affaires étrangère, j’ai une assez bonne expérience des relations internationales. Le fait d’avoir été vice-présidente de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires explique aussi mon intérêt pour cette mission.
Monsieur le secrétaire d’État, sans surprise, je m’attacherai, au sein du programme 134 relatif à l’attractivité du territoire, à l’action n° 7, Développement international et compétitivité des territoires.
Non sans constance, j’égrènerai les remarques que je fais chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances et que j’ai également formulées lors des débats sur la loi de modernisation de l’économie.
Je rejoins l’avis de M. André Ferrand, mais je suis sans doute un peu plus sévère que lui. L’équipe France marche en ordre dispersé, parfois avec des snipers, parfois avec des joueurs qui tirent contre leur camp. (M. Antoine Lefèvre s’exclame.)
Tout bien considéré, le programme 134 montre les limites de la loi organique relative aux lois de finances, qui, de ce point de vue, me semble périmée....
L’action de votre ministère est transversale et devrait être mieux coordonnée. Vœu pieux ! En baisse de 4,5 % inflation comprise, la mission « Économie » mérite que l’on s’attache à l’efficacité des dépenses. Puisqu’il faut dépenser moins, dépensons mieux !
Monsieur le secrétaire d’État, l’attractivité commence à la porte de nos consulats. Que dire de cette absurde politique des visas, dénoncée par Adrien Gouteyron dans de multiples rapports, qui nuit à notre image en interdisant notre pays à de jeunes diplômants chercheurs ?
Une fois franchi le seuil des ambassades, nous tombons sur les missions économiques. Vaste sujet ! On y trouve peu de coopérants parlant la langue du pays. Ces missions, qui facturent des prestations, bénéficient de financements publics sans aucune obligation de résultat.
À ce stade, je vous ferai deux propositions simples.
Tout d’abord, je vous suggère d’instaurer une obligation de résultat avec une incidence sur les primes d’expatriation. Vous verrez, cela ira beaucoup mieux !
Ensuite, pourquoi ne pas créer un escadron de fiscalistes volants dans les pays à forte capacité financière, les pays du Golfe, que je connais un peu, le Japon et même les États-Unis ?
En effet, les postes et les ambassades sont absolument incapables de renseigner les futurs porteurs de projets économiques ou immobiliers, qui sont souvent surpris et rebutés, quand ils arrivent sur notre territoire, par un système dont la lisibilité est, avouons-le, aléatoire.
Vous me répondrez qu’il y a UBIFRANCE et l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII. Vaste sujet encore ! J’ai le souvenir d’un brillant colloque d’UBIFRANCE sur les investissements dans les pays du Golfe organisé… le premier jour du ramadan. (Sourires.)
Quant à l’AFFII, l’État finance à hauteur de 22 millions d’euros cette structure, qui permet de « vendre la destination France » pour des implantations d’entreprises internationales.
J’émets le vœu que la commission des finances du Sénat puisse exercer son pouvoir d’enquête sur place et sur pièce ou qu’elle demande à la Cour des comptes un contrôle sur ces deux institutions, afin que nous ayons une idée un peu plus claire des tenants et des aboutissants de leur gestion.
Il serait opportun que ces appuis à l’implantation d’entreprises soient assortis de mesures d’interdiction des licenciements boursiers. Je pense notamment au site de Honeywell dans le Calvados, dont la fermeture, qui se ressent aussi dans mon département de l’Orne, est toujours d’actualité alors que l’entreprise connaît une hausse de 45 % de ses bénéfices. Ce licenciement purement boursier, qui concerne plus de 320 personnes, est absolument scandaleux !
Je me suis associée à la question orale qui vous a été posée la semaine dernière par Jean-Pierre Godefroy, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de me donner quelques explications sur le suivi de la table ronde qui est programmée.
Je n’oublie pas que j’ai fait partie de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires. Je vous communiquerai la liste des licenciements et des fermetures d’emplois dans le Grand Ouest, publiée par Ouest France ce week-end ; c’est absolument alarmant.
Je souhaiterais – brièvement, car mon temps de parole est limité – formuler d’autres propositions et quelques remarques, monsieur le secrétaire d’État.
Premièrement, je veux parler de l’optimisation des réseaux, et, au premier chef, des réseaux étudiants. Les mesures que je suggère ne coûteraient rien, ce qui, en matière budgétaire, est toujours bon à prendre !
Quand ils ont étudié en France, les jeunes ne sont pas suivis. Comment, dès lors, constituer ou animer un réseau ? Personne aujourd’hui en France n’a une idée précise du nombre et de la qualité des stagiaires qui sont venus étudier dans notre pays.
Quand un industriel français veut se rendre à l’étranger, il ne dispose même pas de la liste des gens qui, dans son secteur d’activité, ont travaillé ou ont été formés en France, bien souvent d'ailleurs grâce à des bourses ou des programmes d’échanges. D’ailleurs, les ambassades n’ont pas non plus ces listes.
Il s’agit donc d’une valeur ajoutée créée par la France sans aucun effet sur l’économie.
Nos partenaires anglais et allemands parviennent, eux, à rester en contact, par adresse électronique, avec 70 % des anciens stagiaires. Le taux de suivi, chez nous, est d’un peu moins de 10 %, sur la base du volontariat et par courrier postal. À l’ère de l’informatique et du numérique, je pense que l’on pourrait faire beaucoup mieux pour animer ces réseaux.
Deuxièmement, je souhaite évoquer la coopération décentralisée.
Au total, 4 754 collectivités territoriales françaises mènent près de 12 000 projets dans 139 pays, ce qui vous donne déjà, mes chers collègues, une idée de leur répartition. Les collectivités territoriales ont financé à plus de 70 millions d’euros, sur leurs fonds propres, ces coopérations. Les cofinancements ont été accordés par différents ministères.
La région Basse-Normandie a une coopération avec le Fujian – 38 millions d’habitants –, dont les responsables semblent avoir du mal à comprendre pourquoi la Haute-Normandie, elle, mène une coopération avec Zhijiang, qui compte 51 millions d’habitants. Nous retrouvons à l’international les aberrations de notre système.
Troisièmement, tout aussi grave est la méfiance à l’égard de la diplomatie parlementaire.
Contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les autres pays anglo-saxons, les parlements sont mal considérés et les parlementaires ne sont pas assez utilisés à l’appui de nos entreprises.
Les parlementaires en mission sont regardés par les administrations comme de joyeux vacanciers voyageant sur argent public. (Sourires.) Une suspicion de principe prévaut. Pourtant, je pense que les industriels peuvent être soutenus par les parlementaires, comme c’est le cas en Allemagne et au Royaume-Uni.
Mon temps de parole étant épuisé, monsieur le secrétaire d’État, je conclurai mon intervention par une dernière proposition : je suis candidate à toute mission que vous pourrez me confier afin d’étudier dans quelles conditions – on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! (Sourires.) – les parlementaires peuvent venir à l’appui de nos entreprises dans les opérations internationales.
M. François Trucy. Elle a raison !
Mme Nathalie Goulet. Je l’ai vu faire dans les Émirats arabes unis et au Qatar à une autre époque, et je vous assure que notre assemblée constitue une plus-value importante pour l’équipe France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de la mission « Économie » faisant immédiatement suite à celle de la mission « Politique des territoires », j’y retrouve un certain nombre de points qui inspireront mon propos.
Votre périmètre d’action, monsieur le secrétaire d’État, est considérable, puisque vous êtes en charge du tourisme, mais aussi du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, des services, des professions libérales et de la consommation… Je vous félicite, car vous exercez bien vos différentes missions.
D’ailleurs, je veux témoigner, comme pourra également le faire le président de la commission de l’économie, que lors de votre audition devant la commission vous avez tenu un long mais très intéressant propos, et personne ne s’en est plaint.
Le premier point que j’évoquerai a trait au tourisme, plus précisément à l’accueil des étrangers à Paris, non pas dans la capitale, mais dans les aéroports de Paris. Chaque fois, nous sommes consternés par les conditions, en particulier matérielles, dans lesquelles nous sommes accueillis.
M. Pierre Hérisson. C’est vrai, cela ne date pas d’aujourd'hui !
M. Jean-Claude Lenoir. Queues interminables, services de police insuffisants – à qui la faute ? Je l’ignore –,…
M. Pierre Hérisson. À la passerelle ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. … longues files d’attentes pour obtenir un taxi…
M. Pierre Hérisson. La passerelle !
M. Jean-Claude Lenoir. … encore qu’ils soient très nombreux à finalement se présenter, surtout, grandes difficultés pour rallier la capitale par le RER, lequel véhicule à la fois des banlieusards et des touristes qui portent des valises, ce qui n’a rien de surprenant ; le problème est que les voitures sont justement conçues pour ne pas accueillir de valises, pour des raisons de sécurité.
Cela étant, dans un contexte budgétaire difficile, il faut s’attacher, je le répète, à dépenser moins mais à dépenser mieux. J’évoquerai deux points sur lesquels il est possible de faire beaucoup mieux.
Tout d’abord, dans nos territoires, nous le savons, et je me réfère au débat de tout à l'heure, l’activité économique repose beaucoup sur le commerce et l’artisanat. Les collectivités locales s’emploient avec beaucoup de succès à favoriser l’accueil de commerçants, le renouvellement de leurs équipements, la modernisation et la mise aux normes des ateliers d’artisans.
Pour cela, nous disposons du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dispositif financier qui nous permet de nourrir des opérations collectives de modernisation, les OCM.
Je rejoins ceux de mes collègues qui se sont exprimés sur ce sujet à cette tribune : franchement, il n’est pas possible, eu égard à la valeur ajoutée qu’apporte le FISAC, à l’effet de levier qu’il permet, de demeurer muets et immobiles devant la réduction de ses crédits.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous en avons besoin. La valeur ajoutée, c’est-à-dire la plus-value apportée par ces crédits, est considérable ; il est d'ailleurs possible, monsieur le secrétaire d’État, de vérifier en permanence le rapport entre les crédits, au demeurant assez modestes, qui sont accordés, et les effets produits sur l’activité des commerces et des ateliers d’artisans.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, d’examiner cette question avec beaucoup d’attention. Il y va du développement de l’artisanat, qui est le premier employeur de France, mais aussi du développement de nos territoires, notamment ruraux.
Le second thème que j’aborderai concerne l’exportation.
Tout d’abord, je rappelle que les missions économiques n’existent plus et qu’elles ont été remplacées par UBIFRANCE.
Je me souviens, pour avoir participé par le passé à des déplacements de parlementaires dans certains pays, des volumineux rapports qui nous étaient fournis nous expliquant en détail ce qu’il fallait savoir sur le pays. Nous portions un intérêt poli à ces documents, qui, généralement, étaient oubliés dans la chambre d’hôtel, pour le seul bénéfice, peut-être, de la femme de chambre… (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Aujourd’hui, nous disposons de cette force de frappe qu’est UBIFRANCE. Pour avoir accompagné deux missions organisées par cette structure, l’une en Chine et l’autre au Brésil, je peux témoigner de la qualité des prestations qui sont proposées par UBIFRANCE et de l’efficacité des actions qui sont conduites.
Ce sont avant tout les petites entreprises – ne nous y trompons pas – qui profitent des services d’UBIFRANCE, et même parfois les très petites entreprises, venues prospecter un marché pour un produit, que ce soit un produit du terroir, tel qu’un vin, une technologie, un produit issu d’un atelier mécanique ou un produit lié à l’informatique.
La prise en charge est immédiate et rien n’est laissé au hasard. Les rendez-vous sont préparés. Le chef d’une petite entreprise se retrouve devant un interlocuteur selon un calendrier et un horaire préétablis. Le taux de satisfaction atteint 80 %. Pour ce qui concerne les recommandations qui ont un effet induit sur l’activité de l’entreprise, le taux est de 84 %.
Est-il permis de dire – de temps en temps, il est bon de se remonter le moral ! – que, en 2010, pour la première fois depuis longtemps, le nombre des exportateurs a augmenté, le solde est positif. Cette situation ne s’était pas produite depuis des années.
Bien sûr, cela ne s’est pas fait par hasard ; le savoir-faire et le travail des entreprises l’expliquent, mais il y a aussi des agents qui sont d’utiles relais.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que ce message soit entendu : l’action menée est bonne, me semble-t-il ; les moyens accordés apparaissent – y compris au rapporteur spécial André Ferrand – suffisants ; mes chers collègues, c’est de l’argent public bien employé ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, faut-il rappeler que notre dernier excédent commercial remonte à 2002 ? Depuis lors, la dégradation est constante et, en 2011, nous devrions établir un nouveau record, avec un déficit de 75 milliards d’euros.
Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes a analysé les facteurs expliquant cette situation : un taux de change euro-dollar défavorable, une compétitivité insuffisante de nos entreprises, une concentration trop importante de nos exportations autour de quelques filières et des « gros contrats » qui ne sont pas toujours rentables.
Trois années après la réforme d’UBIFRANCE, on constate que le succès des programmes d’accompagnement de cette structure est plus évalué à l’aune du nombre d’entreprises accompagnées ou de contacts réalisés qu’en fonction du lien entre l’entreprise suivie et l’intérêt pour l’économie française.
L’effet de cette politique du chiffre sur notre balance commerciale est d’ailleurs invisible. Corollaire de cette politique, les bureaux d’UBIFRANCE sont installés non pas là où il faudrait aider les entreprises à être présentes à long terme, mais là où des prestations peuvent être vendues rapidement.
En voulant vendre au maximum son expertise, UBIFRANCE communique plus sur ses services que sur l’intérêt des marchés : cette attitude n’aide pas les entreprises à avoir une démarche réfléchie sur leurs priorités à l’international.
Les prestations proposées par UBIFRANCE étant fortement subventionnées, elles sont destructrices pour les sociétés de conseil ou les chambres de commerce françaises à l’étranger, qui ne peuvent lutter contre cette distorsion des règles du marché.
Des régions entières du monde se trouvent dépossédées de toute structure dédiée à l’aide aux entreprises françaises, comme l’Europe balkanique, alors que les perspectives d’adhésion de certains pays de la zone à l’Union européenne ouvrent de formidables occasions, ou l’Afrique subsahélienne, qui bénéficie pourtant d’une croissance économique soutenue et d’un marché de plusieurs centaines de millions de consommateurs ! Comment inciter les entreprises françaises à se développer à l’exportation lorsque l’État se désengage de zones entières du monde ?
La séparation entre UBIFRANCE et la mission économique a supprimé toute possibilité de mêler l’analyse macroéconomique et l’analyse macroéconomique. Pourtant, cette synergie était très utile pour défendre nos intérêts lors de négociations commerciales et pour favoriser les analyses de long terme ; elle l’était aussi dans les pays où le rôle de l’État dans l’économie est décisif et où une intervention d’un service de l’ambassade avait, pour une PME, une signification.
Tandis que les grandes entreprises et les grands contrats ont encore droit aujourd'hui, ce qui est bien normal, aux services, bien souvent non tarifés, des ambassades et des missions économiques qui les aident à obtenir de gros contrats, les PME sont orientées directement vers UBIFRANCE, aux prestations payantes, et seulement dans les zones où des bureaux de cette structure sont présents.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous demandez de doter l’action n° 7, Développement international et compétitivité des territoires, de 120 millions d’euros, dont 80 millions d’euros pour UBIFRANCE.
Malgré les belles brochures que cet organisme édite, l’efficacité d’UBIFRANCE n’est pas prouvée. Nous ne pouvons nous passer d’une stratégie globale pour aider nos entreprises à acquérir la culture de l’expansion économique et à disposer de moyens financiers pour y parvenir, tout en favorisant l’orientation de l’épargne des Français vers le financement des entreprises plutôt que vers la spéculation sur la dette souveraine ou l’immobilier. C’est à cette condition que notre commerce extérieur pourra s’appuyer sur un socle élargi d’entreprises, comme chez nos voisins allemands, italiens ou autrichiens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Économie » marquent un net recul. Une fois encore, un amendement du Gouvernement a tendu à grever cette mission de plus de 12 millions d’euros.
Aucune véritable priorité ne semble se dégager, si ce n’est la nécessité de réconforter les agences de notations. Or cette mission contient des programmes essentiels, qui concernent aussi bien le développement des entreprises, des PME, de l’artisanat, des professions libérales et de l’emploi que l’industrie, la filière énergétique et le développement des télécommunications.
Monsieur le secrétaire d'État, ces domaines sont des secteurs clefs, fragilisés par la crise actuelle, qui a été provoquée par les marchés financiers, ces entités virtuelles opposées à la réalité productive et économique dont nous parlons ce matin. Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial Christian Bourquin, comment pouvez-vous affirmer soutenir la croissance avec un tel budget ?
Ainsi, le programme emblématique « Développement des entreprises et de l’emploi » est en baisse de 7,3 % par rapport à 2011 et connaît un reflux de 12 % par rapport à 2009. Ce programme est celui qui est le plus affecté par la politique d’austérité annoncée par le Gouvernement. Cela vient d’être démontré, la diminution de sa dotation pénalise particulièrement les moyens d’intervention de la mission pour le soutien aux entreprises et le développement de leur activité et de l’emploi, moyens qui sont en baisse de 25 %.
Pis, en cette période critique, vous accentuez la fragilité de certaines entreprises et territoires. Ainsi, et ce n’est qu’un exemple, les crédits du FISAC, dont nous avons longuement parlé ce matin, diminuent d’année en année, avec une baisse de 33 % en 2011 et de 36 % annoncée pour 2012. C’est l’offre commerciale et artisanale de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées qui est touchée. Vous prenez le risque de faire disparaître des emplois non délocalisables, qui irriguent pourtant notre territoire. La lutte contre le chômage, qui connaît des hausses record, devrait pourtant être la priorité du Gouvernement !
De même, la dotation en faveur des politiques industrielles diminue de 9 %. La politique industrielle promise par le Président de la République n’a jamais vu le jour. Au contraire, la spirale de la fermeture de sites, des délocalisations, de la précarisation des emplois et de la hausse du nombre de travailleurs pauvres n’a pas été enrayée. La désindustrialisation que nous vivons met en danger notre pays. Pour rester dans une actualité alarmante, tout le monde à Peugeot, monsieur le secrétaire d'État, se souvient du triste épisode de Gandrange.
Selon l’INSEE, pour le seul mois de septembre dernier, la production de l’ensemble de l’industrie a diminué de 2 %. Pourtant, M. Baroin se félicitait que le solde en matière d’emplois nets dans l’industrie était positif, pour la première fois en dix ans. C’était oublier que plus de 700 000 emplois salariés directs ont été supprimés pendant cette même période !
Nous espérions que ce budget serait l’occasion d’affirmer l’émergence d’une politique volontariste destinée à soutenir la filière industrielle dans son ensemble et à faire émerger une filière liée aux énergies nouvelles. Nous espérions que ce budget permettrait à la France de « demeurer une grande nation industrielle », et de « pérenniser l’emploi industriel sur le long terme », comme l’annonçait le Président de la République l’an dernier. Il n’en est rien, et c’est même visiblement le contraire qui se produit. Or l’État ne peut continuer à se désintéresser à ce point de son tissu productif. Nous refusons d’abdiquer face à ce qui nous est présenté comme une fatalité.
Les crédits en direction du développement et régulation des télécommunications, des postes et de la société de l’information sont en baisse de 4 %. Or, monsieur le secrétaire d'État, c’est aujourd'hui que le déploiement du haut et très haut débit est indispensable pour assurer l’installation et la pérennité des entreprises sur les territoires. Le Président de la République a annoncé, à l’issue des Assises des territoires ruraux, que son objectif était d’assurer la couverture du territoire national à très haut débit en 2025. Il sera bien sûr trop tard ! C’est aujourd’hui que le territoire économique se construit et que la fracture numérique se creuse.
Pourtant, le Fonds d’aménagement numérique du territoire, créé par la loi du 17 décembre 2009, n’est toujours pas alimenté, alors que tout le monde, à droite comme à gauche, s’est prononcé en faveur d’un financement pérenne de ce fonds. Monsieur le secrétaire d'État, quand et comment sera-t-il alimenté ? Taxer les opérateurs privés est, selon nous, incontournable. Cette vérité n’est pas dangereuse : c’est un impératif d’aménagement du territoire et un enjeu industriel pour notre pays.
Pour conclure, alors que le Gouvernement présente un projet de loi renforçant le droit des consommateurs, les crédits en faveur de leur protection économique et de leur sécurité sont en baisse de 1 %. Cette incohérence pourrait prêter à sourire si elle ne caractérisait pas le budget de la mission « Économie » et si elle n’était pas contradictoire avec la mission d’accompagnement qui doit être celle de l’État pour aider nos entreprises à traverser cette crise sans précédent.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons décemment pas voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’interviens traditionnellement pour parler de l’artisanat, mais, aujourd'hui, mon propos portera sur les crédits du programme 223 relatif au tourisme.
Je voudrais, à cet égard, rappeler le poids considérable du tourisme au sein de l’économie française.
La politique du tourisme est également soutenue dans d’autres programmes budgétaires, ainsi que par les collectivités locales. Avec mes collègues, nous nous félicitons, monsieur le secrétaire d'État, de pouvoir désormais disposer d’un document de politique transversale, tant réclamé, montrant que les crédits du tourisme atteignent au total près de 2 milliards d’euros pour l’année 2012.
Disposer d’un document horizontal qui récapitule l’ensemble des crédits consacrés au tourisme dans tous les budgets de l’État permettra, à l’évidence, une meilleure identification des acteurs et une meilleure orientation des actions stratégiques à mener en faveur du tourisme, pour une plus grande efficacité.
En effet, le tourisme est indéniablement un secteur clef pour l’économie et le rayonnement international de notre pays. Il l’est d’autant plus aujourd’hui, dans le contexte économique que nous connaissons.
Malgré de terribles contraintes budgétaires, le Gouvernement est bien conscient qu’il est nécessaire de maintenir une politique ambitieuse en faveur des secteurs qui sont les moteurs de notre économie, ceux qui sont les plus stratégiques pour la croissance et l’emploi. Il est toutefois nécessaire d’accentuer la coordination entre le niveau national et l’échelon local sur ce sujet. Vous l’avez d’ailleurs bien compris, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez déjà signé des conventions avec les régions Île-de-France et Rhône-Alpes.
Il faut bien évidemment continuer dans cette voie pour définir une stratégie touristique plus efficace et de meilleure qualité.
En Alsace, nous réfléchissons à une réunion du comité régional du tourisme et des agences de développement touristique dans le cadre de nos travaux, dont la presse s’est largement fait l’écho, sur le Conseil d’Alsace, Avec Philippe Richert, j'espère que nous pourrons porter le Conseil d’Alsace sur les fonts baptismaux le 1er décembre prochain. Nous pourrons ultérieurement, si vous y agréez, monsieur le secrétaire d'État, signer à notre tour une convention avec l’État.
Cela a été dit, la France dispose depuis 2009 d’un opérateur unique, Atout France, chargé du développement et de la promotion de la « Destination France ». Je me réjouis que la dotation de cet opérateur pour 2012 reste à un niveau quasiment stable, avec 33,3 millions d’euros, tandis que nos principaux concurrents européens ont diminué, depuis cette année, leurs dotations de manière importante, de 25 % pour l’Espagne et de 50 % pour l’Italie. Il est vrai que ces pays connaissent des difficultés, mais ils ont, contrairement à nous, toujours fait porter, de façon substantielle, leurs efforts sur le tourisme.
La modification du plafond des crédits de la mission « Économie » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre de la mise en œuvre du plan d’économies supplémentaires d’un milliard d’euros, annoncé par le Premier ministre le 24 août dernier, n’aura que peu d’incidences sur la politique du tourisme poursuivie par le Gouvernement. En effet, les crédits nécessaires à la mobilisation des partenariats, qui sont de droit, n’ont pas été touchés.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, ce qui importe, c’est que 2 milliards d’euros soient mobilisés pour le tourisme en 2012, et tel est bien le cas.
Je voudrais maintenant aborder la question de l’immobilier touristique dans les stations du littoral et de montagne, qui datent le plus souvent des années soixante-dix. Nous sommes tous conscients qu’un mouvement massif de réhabilitation s’impose aujourd'hui. Les investissements en matière d’hébergement fléchissent depuis 2008, alors même que le secteur de l’hôtellerie et des résidences du tourisme nécessite un nouvel effort afin de procéder à la rénovation et à la montée en gamme des établissements, dans le cadre de la réforme du classement hôtelier et des nouvelles normes de sécurité et d’accessibilité.
Un groupe de travail a été mis en place en février dernier, sur votre initiative, monsieur le secrétaire d'État. Pouvez-vous d’ores et déjà nous dresser un bilan d’étape ?
Le risque que de nombreux hôtels de taille modeste, notamment en milieu rural, disparaissent du fait des exigences en matière de mise aux normes est réel. En effet, après les normes incendie, les normes d’accessibilité aux personnes handicapées sont, dans un grand nombre de cas, très difficilement réalisables par les petits hôtels. Qu’en est-il, monsieur le secrétaire d'État, des engagements qui avaient été pris pour assouplir la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation ?
Je conclurai mon propos en rappelant que vous avez signé, en mars dernier, une charte pour l’amélioration de la qualité de l’accueil des touristes. On ne peut que se féliciter de cette initiative, qui tend à renforcer l’attractivité de notre offre.
Il est important de faire observer que, si la France reste la première destination touristique au monde, elle n’est qu’au troisième rang mondial derrière les États-Unis et l’Espagne en termes de recettes touristiques globales. Cela signifie qu’une bonne partie des 77 millions de touristes qui viennent en France ne fait que traverser notre pays pour se rendre chez nos voisins. Or la France ne peut naturellement pas devenir un pays de transit où les visiteurs ne séjourneraient pas suffisamment longtemps. Il faut agir sur ce plan : on ne fera jamais assez pour mieux accueillir les touristes en France.
Dans notre pays, le tourisme a bien résisté à la crise économique mondiale qui sévit depuis trois ans. Toutefois, le maintien de la place de la France comme première destination touristique mondiale suppose que le Gouvernement poursuive la politique ambitieuse et volontaire entreprise en la matière.
Monsieur le secrétaire d’État, c'est la raison pour laquelle les membres du groupe UMP et moi-même tenons aujourd'hui à vous renouveler leur confiance en votant les crédits réservés au tourisme pour l’année 2012. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera elle aussi sur le montant des crédits alloués au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC. Ce montant est source d’inquiétude depuis maintenant plusieurs années.
En effet, à chaque projet de loi de finances, le Gouvernement s’évertue à réduire les crédits alloués à ce fonds, malgré les objections des parlementaires, de gauche comme de droite.
Malheureusement, 2012 n’échappe pas à la tradition. Ainsi, pour la quatrième année consécutive, les crédits du FISAC enregistrent une baisse substantielle, de 36 %. Ils sont ainsi passés de 100 millions d’euros en 2009 à 78 millions en 2010, puis à 64 millions en 2011, avant d’atteindre, cette année, le triste record de 40,9 millions d’euros.
Le calcul est simple : en quatre ans, les fonds alloués au FISAC auront enregistré une baisse vertigineuse de 54,6 % !
Et encore, la situation aurait pu être bien pire l’année dernière, si les parlementaires ne s’étaient pas mobilisés pour que le budget initial de 43 millions d’euros soit abondé de 21 millions d’euros en crédits de paiement, et cela, je tiens à le rappeler, contre l’avis du Gouvernement.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à déplorer cette situation. Le FISAC est un outil privilégié du maintien et du développement des activités sur les territoires, particulièrement dans les zones rurales ou urbaines fragiles. Dans la période de crise que nous traversons, il est impensable de réduire une nouvelle fois la capacité d’intervention du fonds, d’autant plus que, nous le savons tous, les crédits de ce dernier étaient déjà insuffisants les années passées, au vu des besoins de nos territoires.
Pourtant, le Gouvernement semble s’obstiner, année après année, à le raboter encore et encore. Les justifications sont nombreuses : on nous parle de budget contraint, de redressement nécessaire des comptes publics…
M. Antoine Lefèvre. Telle est la réalité !
Mme Renée Nicoux. Ainsi, alors même que certaines injustices fiscales coûtent des milliards d’euros à la France et aux Français chaque année, le Gouvernement préfère économiser quelques millions sur des outils aussi utiles pour nos territoires que le FISAC !
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas seulement le cas pour le FISAC !
Mme Renée Nicoux. C’est vrai, ma chère collègue.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais que, pour votre part, vous préférez justifier cette diminution des crédits par une volonté de « recentrage » des activités du FISAC vers le soutien au commerce de proximité.
Lors de votre audition au Sénat, le 9 novembre dernier, vous indiquiez vouloir faire de l’artisanat « un des éléments majeurs de croissance et d’emploi » pour notre pays. Or, si vous baissez le budget du FISAC tout en le recentrant sur le commerce de proximité, cela se fera forcément et inévitablement au détriment des petites entreprises et de l’artisanat. Je suis de ceux qui s’interrogent sur la possibilité de faire mieux avec moins ! (M. Gérard Cornu s’exclame.)
M. Antoine Lefèvre. Et comment fait-on ?
Mme Renée Nicoux. Pourtant, l’efficacité du FISAC n’est plus à prouver : les indicateurs de performance de la mission montrent que le taux de pérennité à trois ans des entreprises aidées est de 91 % ! J’ai donc du mal à comprendre votre logique, monsieur le secrétaire d'État.
Je tiens également à préciser que, au-delà du manque flagrant de moyens, le FISAC connaît aujourd’hui de graves dysfonctionnements, qui mettent en péril de très nombreuses entreprises, notamment dans le cadre des « démarches collectives territorialisées », les DCT, portées par les pays. On relève dans certains territoires, dont celui dont je suis l’élue, que le versement des crédits de l’État accuse plus de deux ans de retard, preuve s’il en est que nous sommes confrontés à un manque cruel de moyens ou, peut-être, de personnels pour traiter les dossiers.
Comme vous pouvez l’imaginer, de nombreux artisans et commerçants se retrouvent ainsi, à cause de ce retard, dans des situations dramatiques. En effet, après avoir reçu un avis favorable des comités de pilotage des DCT, où siègent les services de l’État, ils ont engagé des frais d’investissement importants, contracté parfois des emprunts, monté des plans de financement tenant compte de l’aide accordée. Or ils attendent toujours que l’État leur verse la part qu’il leur doit !
Mes chers collègues, le budget pour 2012 maltraite donc une nouvelle fois le FISAC. Notre collègue Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, tentera d’en limiter les dégâts en vous proposant d’adopter un amendement de la commission abondant le fonds de 9 millions d’euros.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Renée Nicoux. Pour conclure, je tiens à rappeler que l’un des objectifs du FISAC est de répondre « aux menaces pesant sur l’existence de l’offre commerciale et artisanale de proximité dans les zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales ».
Or, aujourd’hui, nos territoires ruraux et périurbains traversent une crise profonde, tant économique et politique que sociale. Il serait donc plus que jamais nécessaire de les soutenir.
Le FISAC fait partie des outils qui le permettent.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Renée Nicoux. Je déplore donc profondément qu’il soit sacrifié sur l’autel de la rigueur budgétaire, qui n’aura d’autre résultat que l’aggravation de la situation de l’emploi dans le commerce et l’artisanat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la durée de mon intervention – quelques minutes, conformément au temps de parole qui m’a été accordé – sera proportionnelle à la portion congrue que le Gouvernement attribue à un secteur économique majeur pour la France : le programme 223 « Tourisme » est doté, dans le projet de loi de finances, de moins de 2,5 % des crédits de la mission « Économie ».
Par rapport à l’année précédente, ce budget est en baisse de 12 % en crédits de paiement et de 18 % en autorisations d’engagement. En montant, environ 44 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour le tourisme, sur 2 milliards d’euros pour l’ensemble de la mission « Économie ». À titre de comparaison, 44 millions d’euros correspondent au budget de certains départements pour l’entretien des routes !
Autant dire que ce budget n’est absolument pas à la hauteur des enjeux que représente le tourisme, qui constitue le poste excédentaire le plus élevé de la balance des paiements, avec un solde positif de près de 7 milliards d’euros, et totalise plus d’un million d’emplois non délocalisables ! Je regrette d’autant plus le mauvais traitement budgétaire du tourisme que celui-ci est, lui aussi, soumis aux aléas climatiques ou économiques – je pense notamment à la baisse du pouvoir d’achat – : pour la troisième année consécutive, le Gouvernement diminue de plus de 10 % les crédits consacrés au tourisme, à sa promotion internationale et à son développement.
C’est d’autant plus regrettable que la position de la France régresse dans le tourisme international en termes de recettes globales : nous ne sommes plus qu’au troisième rang, après les États-Unis et l’Espagne, et nous devons faire face à la montée en puissance de nouvelles destinations et aux efforts fournis par certains de nos concurrents directs.
Dans un récent rapport d’information du Sénat, daté de juin 2011, nos deux collègues UMP André Ferrand et Michel Bécot constatent d’ailleurs très justement qu’« il manque encore [en France] une “grande politique du tourisme” et les moyens nécessaires pour la mettre en œuvre ».
La loi de 2009 de développement et de modernisation des services touristiques n’aurait-elle donc eu comme objectif que de préparer ce désengagement de l’État ?
Présenté comme une « carte maîtresse », Atout France, l’opérateur unique chargé du développement et de la promotion de la destination France, voit sa dotation baisser de 4 % à la suite de l’examen du budget à l’Assemblée nationale, alors que ses missions avaient été renforcées et continuent à l’être.
Je souhaite, à cet égard, qu’un bilan de l’action d’Atout France puisse nous être présenté, après deux années de fonctionnement, pour que nous puissions également apprécier son rôle et l’adéquation de ses moyens avec les objectifs qui lui sont assignés.
J’insisterai sur deux points en particulier.
Le premier concerne la très coûteuse mise aux normes, en matière d’incendie et d’accessibilité, pour les petits établissements hôteliers, notamment dans les zones rurales.
Monsieur le secrétaire d’État, dans un rapport, le Contrôle général économique et financier, le CGEF, a alerté sur cette situation, sur laquelle je vous ai moi-même interpellé en avril dernier par un courrier resté sans réponse à ce jour.
Dans ce rapport, le CGEF révèle que les mesures sur la sécurité, couplées aux dispositions relatives à l’accessibilité aux handicapés des lieux recevant du public, applicables avant 2015 – mesures que nous approuvons par ailleurs – pourraient entraîner la disparition de 3 000 à 4 000 établissements familiaux en cinq ans, soit 30 % du parc hôtelier indépendant.
Certes, un arrêté du 26 octobre dernier rétablit la catégorie précédemment supprimée des très petits hôtels pouvant accueillir au maximum vingt personnes, pour lesquels certaines normes de sécurité, comme l’encloisonnement des escaliers, ne s’appliqueront pas ; ce texte offre également la possibilité de déposer un échéancier des mises en conformité. Toutefois, cela ne résoudra pas toutes les difficultés.
Plutôt que de baisser la TVA dans la restauration, mesure qui coûte 3 milliards d’euros par an aux recettes de l’État, il aurait été plus pertinent de prévoir un plan de soutien, ne serait-ce que de quelques millions d’euros par an, pour l’hôtellerie indépendante, de même d'ailleurs que pour les résidences de tourisme… Un tel plan aurait eu en outre une incidence positive sur le secteur du BTP et sur l’emploi.
J’en viens à mon second point.
J’évoquerai un dernier chiffre, attristant et alarmant : cette année, en France, trois millions de personnes supplémentaires ne sont pas parties en vacances, du fait de la crise et de la baisse du pouvoir d’achat. En réponse, le Gouvernement a réduit de plus de 16 % l’action n° 3 du programme « Tourisme », Politiques favorisant l’accès aux vacances, via l’ANCV et les chèques-vacances : le nombre prévisionnel de personnes bénéficiaires passerait ainsi de 300 000 à 240 000, ce qui bat en brèche la dimension sociale et familiale du tourisme et des loisirs.
Vous comprendrez donc que je sois déçu par le projet de budget du tourisme pour 2012 : un secteur aussi important en termes économiques, créateur d’emplois et pourvoyeur de devises pour notre balance commerciale très mal en point mériterait une politique plus ambitieuse et plus cohérente.
Privilégier les économies sur le court terme pour satisfaire les agences de notation aura des conséquences sur la santé de ce secteur essentiel pour la France.
En outre, à moyen terme, plusieurs milliers d’emplois sont menacés. Votre stratégie ne s’en soucie guère, pas plus qu’elle ne se préoccupe du service rendu, ni même des vertus économiques, sociales et culturelles du tourisme : c’est la raison pour laquelle nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Économie », la parole est à M. le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai tous écoutés avec attention et j’ai pris bonne note de vos remarques. Toutefois, la teneur de certaines interventions m’incite à penser qu’il ne serait pas inutile de vous rappeler le contexte dans lequel nous discutons ce projet de loi de finances.
Depuis trois ans, notre pays, comme le reste du monde, vit une crise multiforme : crise bancaire, crise économique, crise des dettes souveraines. Dans ce contexte de crise sans précédent depuis la déroute boursière des années trente, le Gouvernement n’a qu’un seul but : permettre à la France de conserver sa souveraineté sur les plans économique, politique et social.
Le projet de loi de finances préparé par le Gouvernement a subi des ajustements pour tenir compte de la réalité économique, parce que nous devons la vérité à nos compatriotes. Il ne vise qu’un seul objectif : épargner à la France le sort de certains de ses voisins, comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne ou même l’Italie. C’est pourquoi nous avons toujours tenu un cap, depuis le début du quinquennat : rationnaliser et redéfinir les missions de l’État, pour en faire un État fort, qui dépense moins, mais qui dépense mieux !
Depuis quatre ans, vous le savez, le redressement des finances publiques est une priorité absolue pour le Gouvernement : permettez-moi de vous rappeler la révision générale des politiques publiques, que certains ont parfois critiquée, y compris dans cette assemblée, le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique, la réforme des retraites, qui n’est pas toujours bien comprise par nos compatriotes ni par un certain nombre de parlementaires, alors qu’elle constitue un enjeu essentiel de cette politique de redressement, de même que la progression strictement limitée des dépenses de santé.
La trajectoire que nous traçons est claire : le déficit public sera ramené de 5,7 % du PIB en 2011 à 4,5 % en 2012 et à 3 % en 2013, avec un retour à l’équilibre budgétaire en 2016. Ces engagements seront tenus, quelle que soit l’évolution de la conjoncture.
Le Gouvernement a fait preuve de réactivité et de sincérité, en s’adaptant à l’évolution de la situation économique.
Dès le 24 août dernier, François Fillon a révisé la perspective de croissance pour 2012 à 1,75 % et annoncé de nouvelles économies à hauteur de 12 milliards d’euros. Le 28 septembre dernier, François Baroin et Valérie Pécresse ont présenté le projet de loi de finances qui prévoit un effort de 45 milliards d’euros en 2012. Le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé que la France, comme l’Allemagne, ramènerait sa prévision de croissance pour 2012 à 1 % et que le Gouvernement prendrait des mesures tendant à réduire les dépenses et à augmenter les recettes fiscales afin de réaliser un effort supplémentaire de 6 milliards d’euros à 8 milliards d’euros.
Je tiens à rappeler que ces perspectives de croissance se fondent, notamment, sur les dernières enquêtes de l’INSEE qui, malgré le contexte actuel, montrent que les entreprises tablent sur une croissance de 4 % de leurs investissements en 2012, soit une performance très honorable.
C’est la raison pour laquelle j’ai eu l’occasion d’annoncer la mise en œuvre d’un certain nombre de mécanismes de soutien : je vous ai d’ailleurs adressé un courrier à ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs. Par exemple, le dispositif « Soutien TPE-PME » permettra à ces petites entreprises, si elles rencontrent une difficulté de crédit, de prendre directement contact, grâce à un numéro de téléphone – le 0810 00 12 10 –, avec les services du médiateur du crédit aux entreprises ou avec le correspondant des PME, en cas de blocage administratif. De la même façon, il a été décidé que René Ricol coordonnerait l’ensemble des outils de financement, afin de mieux « coller » à la réalité économique de notre pays.
En effet, notre objectif est le soutien à la croissance et notre devoir est de nous mobiliser pour qu’elle soit au rendez-vous.
De surcroît, une réserve de 6 milliards d’euros est prévue, comme François Baroin et Valérie Pécresse l’avaient annoncé, afin d’affronter toutes les situations qui pourraient se présenter. C’est aussi cela, la prudence et la vérité.
Je veux cependant insister sur un point : nous devons, les uns et les autres, continuer à être volontaristes, dynamiques, aux côtés des acteurs économiques. Trois fois par semaine, je parcours la France à leur rencontre, et je constate que beaucoup d’entre eux sont audacieux, veulent investir et attendent un soutien, notamment en matière de financement, comme le confirment les chiffres de l’INSEE que j’ai cités.
François Fillon a présenté, le 7 novembre dernier, une série de décisions qui s’ajoutent aux précédentes. Ce nouveau plan représente un effort supplémentaire de 17,4 milliards d'euros d’ici à 2016, dont 7 milliards d'euros dès 2012. Grâce à ces économies, la dette sera allégée de 65 milliards d'euros d’ici à 2016. Au total, l’effort de redressement de nos finances publiques programmé jusqu’en 2016 sera de 115 milliards d'euros, dont les deux tiers portent sur les dépenses.
Le présent projet de budget n’est évidemment pas épargné. Certains dénoncent la diminution des crédits de tel ou tel programme, mais l’effort auquel nous avons appelé nos compatriotes doit être partagé et il est parfaitement normal que l’État s’impose une réduction de sa dépense. Ce qui importe, c’est le soutien à la croissance, qui doit en permanence être privilégié.
Nous avons veillé à préserver les secteurs créateurs d’emplois. Les services à la personne, vous le savez, ne sont pas affectés. Les allégements de charges sur les bas salaires, fortement créateurs d’emplois, sont maintenus. L’impôt sur les sociétés pour les PME reste identique. Dans la restauration et le bâtiment, nous avons fait le choix de maintenir un taux réduit de TVA et de ne pas revenir au taux de 19,6 %, comme beaucoup nous le suggéraient, y compris dans cet hémicycle.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Comme je vous le disais, tous les ministères sont mis à contribution : les crédits de la mission « Économie » n’y échappent donc pas. Toutefois, avec ce projet de budget, les conditions restent remplies pour que nous maintenions une politique efficace en faveur des acteurs économiques de notre pays, mais aussi au bénéfice de tous les Français.
Contrairement à ce qu’a indiqué M. Michel Teston dans son rapport pour avis, l’approche du Gouvernement en matière budgétaire n’est pas étroitement comptable ; elle est, au contraire, économiquement responsable.
J’ai précédemment rappelé, en réponse à Christian Bourquin, rapporteur spécial, comment le Gouvernement avait fondé ses perspectives de croissance, notamment sur l’étude de l’INSEE montrant que les perspectives d’investissement des acteurs économiques augmentaient de 4 % en 2012.
L’attitude de responsabilité du Gouvernement dans ce projet de loi de finances pour 2012 se vérifie aussi bien en matière de développement touristique, de politique en faveur des consommateurs, de soutien aux TPE et aux commerces qu’en matière de commerce extérieur ou d’industrie.
J’évoquerai tout d’abord le tourisme, secteur clef pour l’économie et le rayonnement international de notre pays, sur lequel beaucoup d’entre vous sont intervenus.
Ce secteur regroupe 235 000 entreprises, soit 1 million d’emplois directs, et représente, en termes de valeur ajoutée, 7,1 % du PIB, voire 9,1 % du PIB si l’on tient compte de l’impact indirect. Les ministres du tourisme du G20, rassemblés à l’occasion du T20, présidé par la France, ont acté ces chiffres.
La valeur ajoutée du tourisme est supérieure à celle de nombreux autres secteurs. M. André Ferrand, rapporteur spécial, le sait bien. Ainsi, le montant de la valeur ajoutée est de 30 milliards d'euros pour l’énergie, de 11,5 milliards d'euros pour l’automobile et de plus de 41 milliards d'euros pour le tourisme. C’est dire combien nous devons soutenir ce secteur !
Nous nous glorifions trop souvent d’être la première destination touristique au monde. En termes de fréquentation, nous accueillons, il est vrai, 20 millions de touristes de plus que les Américains, mais nous devons fournir un effort en matière de durée de séjour, afin de construire un tourisme plus créateur de valeur.
Nous avons été amenés à réviser à la baisse les crédits de l’opérateur Atout France, ce qui entraîne des efforts de réorganisation de notre politique du tourisme. Comme l’a souligné André Ferrand, il faut procéder à des changements de stratégies, nouer de nouveaux partenariats avec les collectivités locales, afin de défendre le tourisme de manière moins dispersée. Observons ce que fait l’Espagne, qui a bien réussi en la matière.
Les crédits de fonctionnement d’Atout France subissent certes un coup de rabot de 4 %, mais ils doivent être comparés, comme l’ont relevé André Ferrand et Pierre Hérisson, à ceux dont disposent les acteurs économiques concurrents : en Espagne, les crédits de l’institut du tourisme Turespaña ont diminué de 24 %, et ils ont été divisés par deux en trois ans en Italie.
Dans ce contexte, il est essentiel, comme l’a souligné André Reichardt, de renforcer les coopérations avec les différents acteurs institutionnels compétents en matière de tourisme. Je rappelle que les collectivités locales consacrent environ 850 millions d'euros au tourisme, dont 280 millions d'euros à la promotion.
Plusieurs sénateurs ont salué la démarche de transparence du Gouvernement, qui a rassemblé pour la première fois dans un document l’ensemble des crédits destinés à valoriser le tourisme dans notre pays, lesquels ne se limitent pas, bien évidemment, aux seuls crédits de mon ministère. Nous disposons ainsi d’une vision globale.
Tel est le sens des conventions que j’ai signées en Île-de-France, en Rhône-Alpes et en Corse. Je souhaite poursuivre de tels partenariats, notamment avec les régions et les départements du Val de Loire, avant la fin de l’année. J’ai bien entendu, cher André Reichardt, vos propositions pour l’Alsace.
Je tiens également à rappeler que le programme « Tourisme » n’est pas le seul levier budgétaire, comme vous avez été plusieurs à le rappeler.
Je confirme à Pierre Hérisson que le Gouvernement a décidé, dans le nouveau plan de rétablissement des finances publiques, de ne pas cumuler la taxe de 2 % sur les nuitées d’hôtel supérieures à 200 euros avec le relèvement du taux réduit de TVA dans le secteur de l’hôtellerie et de l’hébergement touristique.
Il s’agit simplement de faire preuve de logique. La taxe spécifique de 2 % sur le chiffre d’affaires des établissements hôteliers dont le prix de la nuitée est supérieur à 200 euros, née à l’Assemblée nationale, s’ajoutait à la TVA. Dès lors que l’augmentation générale du taux réduit de TVA est prévue, il est normal que le dispositif spécifique ne soit pas maintenu.
C’est la même logique de préservation des emplois qui prévaudra en matière d’application des normes d’accessibilité aux hôtels des personnes handicapées, comme nous l’avons fait pour les normes de sécurité et d’incendie. Telles qu’elles étaient définies, elles pouvaient en effet menacer l’équilibre économique de nombreux petits établissements. Je confirme à André Reichardt et à Yves Chastan que le Gouvernement a revu de manière pragmatique ces dispositions par un arrêté du 26 octobre 2011.
Une nouvelle catégorie de petits hôtels, d’une capacité d’accueil maximale de vingt personnes, est recréée. Les dispositions de sécurité seront adaptées à ce format. L’entrée en vigueur de ces nouvelles normes est progressive, à compter du 4 novembre 2011. Les responsables d’établissements ont d’ailleurs jusqu’au 1er janvier pour transmettre un échéancier de travaux de mise en sécurité à la commission locale de sécurité. Enfin, le responsable d’établissement pourra proposer des mesures alternatives fondées sur une analyse de risques.
Nous devons être pragmatiques et coller à la réalité économique : c’est tout le sens de l’action que je conduis.
Parmi les actions que j’ai définies pour assurer une croissance durable des recettes touristiques, j’ai souhaité poursuivre l’amélioration de la qualité de l’offre d’hébergement touristique.
Pour répondre aux observations d’André Reichardt et de Pierre Hérisson, de nombreuses initiatives avaient été expérimentées pour tenter d’apporter une solution au problème des « lits froids », sans toutefois obtenir à ce jour des résultats significatifs et durables.
C'est pourquoi j’ai installé, le 23 février 2011, un groupe de travail sur le sujet, en réunissant les opérateurs et les élus des stations de montagne et du littoral qui sont confrontés à cet enjeu.
Nous devons, j’en suis convaincu, nous inspirer autant que possible des pratiques de rénovation urbaine. Beaucoup reste à faire sur ce sujet, mais il faut avancer. J’ai donc décidé de confier à Atout France la réalisation d’une boîte à outils. L’agence expérimentera ces derniers à partir du mois de février prochain sur le terrain.
S'agissant de la volonté du Gouvernement de faire du tourisme social l’une de ses priorités, je veux dire à M. Yves Chastan que, contrairement à ce qu’il a indiqué, le taux de départ a augmenté cet été de 0,8 point, pour atteindre 57,2 %. Je voudrais souligner à cet égard l’action exemplaire de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, l’ANCV : en 2012, ses aides au départ mobiliseront 21,2 millions d'euros, contre 6,9 millions d'euros en 2008.
Je ne reviendrai pas sur ce qu’a très bien dit M. Ferrand concernant la stratégie en matière de tourisme. Le rapport qu’il a publié sur ce sujet fait d’ailleurs référence.
J’en viens maintenant à la politique en faveur des consommateurs.
Le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs caractérise la politique en matière de consommation que j’ai mise en œuvre depuis que j’appartiens au Gouvernement : c’est une politique qui apporte des solutions concrètes aux préoccupations des consommateurs.
Une telle politique ne saurait se faire sans une Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – la DGCCRF – renforcée – j’insiste sur ce terme– et modernisée. Nul doute que Mme Didier et M. Lefèvre partagent comme moi cette appréciation. Toutefois, il faut ensuite discuter des moyens d’y parvenir. Je sais que cette question suscite un certain nombre d’interrogations.
Cette consolidation et cette modernisation sont en marche depuis 2010, dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale de l’État, laquelle a permis, tant à l’échelon de la région qu’à celui du département, de rationaliser les structures et de rendre plus efficiente l’action de la DGCCRF : les indicateurs de performance présentés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 en témoignent. J’insiste, madame Didier, sur ce point.
En dépit des réductions de ses effectifs, la DGCCRF a fixé de grandes priorités à ses services déconcentrés : présence sur le terrain et effectivité des suites données aux contrôles. Plaçons-nous une fois encore du point de vue du terrain et des consommateurs : le volume de contrôles est resté stable entre 2010 et 2011 : près de 660 000 points de réglementation ont été contrôlés dans 125 000 établissements, soit des chiffres voisins de ceux de 2010, alors que l’année 2011 n’est pas encore terminée.
Les suites données aux contrôles, si elles sont moins nombreuses, sont plus rapides et mieux ciblées. La DGCCRF fait ainsi un usage de plus en plus fréquent des nouveaux pouvoirs qui lui ont été confiés en matière de suites administratives.
Tel était bien l’objectif que nous visions ensemble. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs que nous examinerons prochainement, en commission d’abord, en séance publique ensuite.
Le temps gagné grâce à des procédures administratives plus souples et plus rapides permettra d’économiser autant d’équivalents temps plein travaillés. Ces agents seront redéployés sur toutes les nouvelles missions dont nous serons amenés à discuter lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.
Entre 2009 et 2011, j’insiste sur ce point, le nombre des réclamations traitées en moins de deux mois a augmenté, madame Didier, madame Schurch, de 3,2 %. Les réponses aux demandes d’information se font maintenant en moins de dix jours dans 93 % des cas. Vous voyez qu’il ne faut pas être dogmatique et que l’on peut revoir crédits et effectifs : si on réorganise, si on renforce les pouvoirs, si on simplifie les procédures, les résultats sont au rendez-vous.
Mme Évelyne Didier. On en reparlera !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le deuxième chantier de modernisation de la DGCCRF est celui que j’ai engagé dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
J’évoquerai maintenant le soutien au commerce de proximité. Dans ce domaine, l’enjeu dépasse le strict cadre de l’économie.
Soutenir le commerce de proximité, c’est répondre à une attente forte de nos compatriotes. Je suis aux côtés des commerçants, des artisans – j’effectue, je l’ai dit, trois déplacements par semaine, sur tout le territoire – et je mesure l’impact et l’efficacité du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, que vous avez, les uns et les autres, salué lors de vos interventions,…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Abondamment !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.
Les commerces de proximité sont un rempart contre l’exclusion sociale, notamment dans les quartiers sensibles ou les zones menacées par la désertification rurale. Ils sont un vivier d’emplois pour la jeunesse, mais également des lieux de convivialité et de sociabilité.
Je me souviens des débats auxquels a donné lieu l’examen de la loi de modernisation de l’économie. Beaucoup craignaient que le petit commerce et le commerce de proximité ne soient affaiblis, et ils en faisaient le reproche au Gouvernement.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. C’est exactement ce qui s’est passé !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or c’est tout l’inverse qui s’est produit, comme en attestent les statistiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Toutes montrent un retour de nos compatriotes vers le commerce de proximité, ce que confirment les commerçants, dont vous pouvez interroger la totalité des responsables.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Je n’aurais pas osé le dire !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est une chance pour le commerce dans notre pays, qui doit nous amener les uns et les autres à continuer de préparer l’avenir avec ces outils. Voilà pourquoi nous avons réorienté les actions du FISAC en direction de leur mission originelle : encourager le commerce de proximité.
À cet égard, je salue le rapport détaillé sur le FISAC de Gérard Cornu, qui connaît bien ce sujet, comme il l’a montré au cours des années passées. Je veux lui dire, ainsi qu’à tous ceux – Christian Bourquin, Nathalie Goulet, Jean-Claude Lenoir, Renée Nicoux – qui se sont exprimés sur ce sujet, que la procédure administrative définie dans la circulaire que j’ai signée peu de temps après ma prise de fonctions en décembre 2010 réduit les délais de traitement des dossiers et vise précisément à renforcer l’efficacité du FISAC.
Si l’action du FISAC est plus efficace, c’est aussi parce qu’on l’a recentrée sur les missions les plus favorables aux petits commerces, auxquels sont désormais consacrés 88 % des crédits du fonds, contre 80 % en 2010 et 70 % en 2009.
J’ai demandé à l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, qu’a évoqué tout à l’heure Christian Bourquin, de se mobiliser en faveur des villages d’artisans, notamment.
J’ai visité dans l’Eure l’un des premiers villages d’artisans, qui a pu être mis en place en 2006 grâce au FISAC. Dans le Nord, où je me suis rendu il n’y a pas très longtemps, un nouveau village d’artisans a pu être inauguré grâce à l’EPARECA. Le FISAC et l’EPARECA concentrent aujourd'hui leur action sur le commerce de proximité et sur l’artisanat.
Nous devons chercher des réponses efficaces, car nous sommes contraints de participer à l’effort national engagé du fait de la situation économique. Je reviendrai plus longuement sur cette question tout à l’heure lorsque nous examinerons un amendement visant à augmenter les crédits du FISAC, et je montrerai que ceux-ci, en réalité, ont déjà été considérablement accrus par rapport à ce qui était initialement prévu.
L’environnement juridique des entreprises s’est amélioré. Par ailleurs, le Gouvernement travaille inlassablement depuis le début du quinquennat à faciliter la vie quotidienne de nos entrepreneurs. À cet égard, je souscris totalement aux propos de Nathalie Goulet : il faut « donner de l’air et simplifier l’environnement règlementaire » des entreprises. J’en ai même fait une priorité.
J’ai ainsi annoncé 80 décisions, dont 25 trouveront une traduction concrète dans la proposition de loi de Jean-Luc Warsmann, laquelle sera soumise à l’examen du Sénat, sans doute dans la première quinzaine du mois de janvier.
Vous avez raison, Antoine Lefèvre, de dire que cette démarche de simplification doit être un processus continu, à mesure de l’élaboration des textes législatifs et réglementaires. Tel est l’objet d’un certain nombre de nouvelles mesures de simplification que j’annoncerai le 6 décembre prochain à l’occasion des deuxièmes « Assises de la simplification au service de la compétitivité ». Un certain nombre de ces mesures seront applicables immédiatement ou rapidement, car elles relèvent du domaine réglementaire. D’autres sont de nature structurelle, car il nous faut aller beaucoup plus loin.
La création de l’auto-entrepreneur, grâce à la simplicité de ce statut, a donné un nouveau souffle entrepreneurial. Toutefois, un certain nombre d’éléments de ce statut devaient être corrigés, afin d’éviter toute concurrence déloyale. André Reichardt le sait, je procède à ces modifications depuis un an. Si une certaine souplesse est nécessaire, il faut également veiller à préserver l’équité et à ne pas créer d’injustice. Au 31 août 2011, l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dénombrait 738 400 comptes d’auto-entrepreneurs.
J’ajoute que la création de l’EIRL, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, très attendue des artisans, à un moment où la situation économique, du fait du caractère multiforme de la crise, fait peser sur eux un certain nombre de risques, permet de protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur.
Je vous invite, les uns et les autres, à l’expliquer autour de vous aux acteurs économiques. C’est pour eux que nous mettons en place ce statut, qui était demandé depuis plus de vingt ans. Le Président de la République avait pris un engagement en 2009 ; cette mesure est entrée en vigueur le 1er janvier de cette année.
J’ajoute que j’ai pris mon bâton de pèlerin et que j’ai signé un accord avec OSEO et la SIAGI afin que les prêts puissent être garantis à hauteur de 70 %. J’ai ensuite signé un accord avec les réseaux bancaires afin qu’ils ne prennent pas de sûreté supplémentaire sur les 30 % restants. Enfin, la neutralité fiscale, que les acteurs du secteur réclamaient en cas de changement de régime, a été votée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Le dispositif est donc aujourd'hui opérationnel.
Je précise à Antoine Lefèvre que les derniers décrets d’application ont été pris très récemment et que le décret définissant les biens nécessaires est actuellement en cours d’examen par le Conseil d’État.
En période de crise et d’inquiétude, ce dispositif permet aux acteurs économiques, notamment aux plus petits d’entre eux – les artisans et les commerçants – de continuer à prendre des risques sans en faire prendre à leurs familles, car tel est bien pour eux le danger majeur.
Je tiens à dire à Nathalie Goulet que, contrairement à l’idée qu’elle s’en fait, l’ouverture de l’économie française est source de croissance et d’emploi, puisque plus de deux millions de salariés sont employés par des entreprises étrangères implantées dans notre pays.
Mme Nathalie Goulet. Très bien…
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est particulièrement actif à « doper » l’attractivité de notre territoire. En dix ans, l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, a contribué à la création de 300 000 emplois suscités par des implantations étrangères.
M. Jean-Louis Carrère. Et il y a de moins en moins de chômage ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il faut certes, chacun en est d’accord, aller plus loin et continuer de se mobiliser. Toutefois, j’indique que, dans une période difficile, le nombre moyen de projets engagés en France par des entreprises étrangères s’est maintenu depuis 2008. Il a même augmenté entre 2009 et 2010, passant de 639 à 782. Le nombre d’emplois créés ou protégés par ces investissements s’est maintenu aux alentours de 30 000 chaque année, y compris durant la crise.
Je vais maintenant évoquer la politique française en matière de commerce extérieur et répondre aux observations d’André Ferrand. La situation que décrit Nathalie Goulet en matière d’appui au commerce extérieur ne correspond plus à la réalité depuis longtemps. En particulier, la terminologie « poste d’expansion économique » n’est plus utilisée depuis une dizaine d’années.
Au-delà des mots, c’est une réforme en profondeur qui a été lancée en 2007 par Christine Lagarde dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Une véritable politique publique de l’accompagnement des PME à l’international a été mise en place. Pour la première fois, la décision a été prise de doter la France d’une agence chargée de l’internationalisation des PME, UBIFRANCE, dont André Ferrand a d’ailleurs salué l’action.
En trois ans, en dépit d’une conjoncture économique très difficile, UBIFRANCE a remporté tous ses paris. Elle a d’abord réussi le pari de la réforme de l’État : sans heurts, plus de 1 000 collaborateurs sont passés de l’État à l’agence. Elle a ensuite réussi celui de la productivité : le nombre des opérations à l’étranger a été multiplié par deux et celui des clients par trois. Enfin, elle a réussi le pari de la qualité : l’agence dispose aujourd’hui d’un réseau très professionnel de 66 missions économiques dans 46 pays.
Dans son contrat d’objectifs et de performance 2012-2014, UBIFRANCE, comme l’a relevé Jean-Claude Lenoir, s’est engagée à ce que plus d’une entreprise cliente sur trois transforme l’essai et suscite un véritable courant d’affaires à l’issue de la prestation de l’agence.
Le partage des rôles est donc très clair entre les missions économiques d’UBIFRANCE, qui réalisent les prestations commerciales facturées, et les services économiques des ambassades, désormais concentrés sur les tâches régaliennes. J’espère que cela ravira Nathalie Goulet. (Sourires.)
Ce même travail d’optimisation du dispositif public a été mené en France grâce à la Charte nationale des partenaires de l’export, qui prévoit la création dans chaque région d’un guichet unique rassemblant l’État, le conseil régional, le réseau consulaire, OSEO, la Coface, UBIFRANCE et les conseillers du commerce extérieur.
J’aborderai enfin les questions soulevées dans le domaine industriel et numérique par Michel Teston et Nathalie Goulet.
En ce qui concerne la mission de transport et de distribution de la presse de La Poste, l’État s’est engagé, monsieur Teston, à compenser les surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse entre 2009 et 2015 dans le protocole d’accord signé le 23 juillet 2008 – les accords Schwartz – entre l’État, la presse et La Poste.
Ces accords prennent en compte les baisses prévisionnelles de trafic du transport de presse, lesquelles sont estimées à environ 5 % sur la période considérée. La contribution de l’État a été diminuée peu à peu, conformément aux prévisions initiales. L’engagement de l’État est donc bien respecté, monsieur Teston.
En ce qui concerne la mission d’accessibilité bancaire, le code monétaire et financier prévoit que « dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A ».
Les modalités de partage du financement du coût net de la mission d’accessibilité bancaire de la Banque postale résultent des engagements conjoints de l’État et de La Poste figurant dans le contrat de service public 2008-2011 et dans l’avenant à ce contrat qui sera signé très prochainement.
Depuis 2009, le mode de rémunération de la Banque postale pour la gestion du livret A a été modifié : au lieu d’une rémunération de 1,3 % sur les encours, une commission de 0,75 % a été fixée pour 2011. Le montant prévu de cette rémunération additionnelle, pour tenir compte du coût net de la mission d’accessibilité bancaire, sera de 250 millions d’euros en 2012. C’est donc un montant significatif, monsieur Teston.
S’agissant de la présence postale, le montant de l’allégement de fiscalité directe locale pour La Poste en 2011 sera de l’ordre de 170 millions d’euros. Il est établi en cohérence avec la prévision du montant des ressources du Fonds postal national de péréquation territoriale figurant dans le contrat tripartite de la présence postale territoriale, signé le 26 janvier 2011 entre l’État, l’Association des maires de France et La Poste.
Dans un contexte budgétaire pourtant difficile, cette compensation a été substantiellement accrue, puisqu’elle passe à 170 millions d’euros en 2011, contre près de 140 millions d’euros en moyenne par an au cours de la période précédente.
Par ce soutien accru à La Poste, le Gouvernement a souhaité répondre au besoin du maintien de la présence postale exprimé par nos concitoyens et relayé par tous les sénateurs, sur quelque travée qu’ils siègent.
La compensation accordée par l’État à La Poste, à hauteur de 170 millions d’euros, constitue bien une dépense fiscale de l’État, puisque les impôts directs locaux acquittés par La Poste sont affectés au budget général de l’État.
Cette compensation, monsieur Teston, est donc neutre pour le budget des collectivités locales. Vous avez également appelé mon attention sur la desserte en 4G, dont vous jugez la mise en œuvre excessivement longue. Je vous rappelle qu’il aura fallu près de vingt ans aux opérateurs pour atteindre le niveau de couverture demandé en quinze ans – 99,6 % de la population – pour la bande 800 mégahertz. Le déploiement d’un réseau de téléphonie mobile est une opération de grande ampleur, qui nécessite la mobilisation de moyens financiers et humains considérables.
Les obligations et le calendrier imposés aux opérateurs de réseaux 4G sont en réalité très ambitieux au regard de l’ampleur du travail à accomplir.
Vous savez également que le déploiement de nouvelles antennes se heurte parfois à la réticence de certains élus et de certains riverains, qui s’inquiètent des risques d’exposition aux ondes radio. Ce sont les mêmes élus qui, quelque peu contradictoirement, réclament un déploiement rapide de la 4G ! Ces contradictions, que nous gérons, ne remettent pas en cause notre engagement déterminé.
Michel Teston et Mireille Schurch ont évoqué le financement du plan national « très haut débit ». Le Gouvernement a ouvert le 27 juillet 2011 le guichet destiné à cofinancer les projets de déploiement de fibre optique des collectivités territoriales. Ce guichet est doté de 900 millions d’euros du Fonds national pour la société numérique.
Il s'agit d’une somme importante, qui permettra de soutenir, pendant les premières années, les investissements des collectivités intervenant en complémentarité avec l’initiative privée.
Cette enveloppe de 900 millions d’euros préfigure le Fonds d’aménagement numérique des territoires.
Par ailleurs, le Gouvernement a commandé une étude pour préciser, au vu des premiers projets, les évaluations du coût des déploiements d’un réseau à très haut débit. Avec cette étude et l’expérience acquise avec le Fonds national pour la société numérique, nous pourrons définir les conditions optimales de l’abondement du Fonds d’aménagement numérique des territoires.
S’agissant de l’articulation entre réseaux d’initiative publique et réseaux d’initiative privée, il faut savoir que, en vertu du droit communautaire sur les aides d’État, une subvention publique à un projet de déploiement est possible dans les zones où l’on constate une absence de projet de déploiement privé à un horizon de trois ans.
Je dirai un mot sur la situation d’Honeywell à Condé-sur-Noireau.
Mme Nathalie Goulet. Merci !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nous avons obtenu qu’Honeywell participe à un groupe de travail, dont vous êtes membre, madame Goulet, pour déterminer les conditions d’un réinvestissement sur le site.
Le Gouvernement souhaite que le groupe identifie, de façon loyale et transparente, des fabrications capables de succéder aux productions actuelles. En tout état de cause, Honeywell devra contribuer au maintien d’une activité industrielle – je l’ai dit ici même voilà quelques jours en réponse à une question orale – pour protéger les emplois des 323 salariés concernés.
L’avenir du site Honeywell de Condé-sur-Noireau est suivi de très près par le ministre de l’industrie, qui organisera très prochainement une table ronde sur le sujet avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les syndicats et les parlementaires concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez constaté, malgré les contraintes budgétaires, nous menons une politique ambitieuse en faveur des secteurs qui sont les moteurs de notre économie.
Cette politique, faite de réalisme et de sincérité, permettra de sauvegarder notre économie et de protéger l’ensemble des Français en les mettant à l’abri d’une explosion de la dette. Sachez que nous maintiendrons ce cap durant les mois à venir.
Deux vertus cardinales animent notre action : la réduction des déficits publics et la relance de l’économie. Prochainement, nous mettrons en place un certain nombre de plans dans le domaine des services – notamment le télétravail – et de l’artisanat.
L’objectif de croissance est une obsession du Gouvernement. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Ce budget sous-tend des choix qui sont la traduction de cette action en faveur du développement économique, de la croissance et de l’investissement.
C’est la raison pour laquelle j’espère que chacun ici aura à cœur de voter les crédits de la mission « Économie ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
économie
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Économie |
1 975 509 158 |
1 986 751 575 |
Développement des entreprises et de l’emploi |
983 311 527 |
995 653 944 |
Dont titre 2 |
415 296 541 |
415 296 541 |
Tourisme |
41 966 836 |
43 466 836 |
Statistiques et études économiques |
445 124 794 |
442 524 794 |
Dont titre 2 |
374 378 749 |
374 378 749 |
Stratégie économique et fiscale |
505 106 001 |
505 106 001 |
Dont titre 2 |
148 500 201 |
148 500 201 |
M. le président. L'amendement n° II-85, présenté par M. Teston, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et de l’emploi Dont Titre 2 |
9 000 000 |
|
9 000 000 |
|
Tourisme |
|
|
|
|
Statistiques et études économiquesDont Titre 2 |
|
|
|
|
Stratégie économique et fiscaleDont Titre 2 |
|
9 000 000 |
|
9 000 000 |
TOTAL |
9 000 000 |
9 000 000 |
9 000 000 |
9 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Michel Teston, rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce est incontestablement la grande victime de la réduction des crédits de l’action n° 2 du programme 134 « Moyens des politiques du tourisme et actions en faveur des PME, du commerce, de l’artisanat et des services ».
Ces crédits se montent, pour 2012, à 40,9 millions d’euros, contre 64 millions d’euros en 2011 et 78 millions d’euros en 2010. C’est dire si la coupe budgétaire est sévère.
Pourtant, chacun reconnaît que le FISAC est un outil précieux et efficace pour maintenir une offre commerciale et artisanale dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles.
Aussi, sur l’initiative de Daniel Raoul, j’ai déposé cet amendement, qui a pour objet d’abonder de 9 millions d’euros l’action n° 2 du programme 134, en prélevant une somme de même montant sur l’action n° 1, Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen, du programme 305 « Stratégie économique et fiscale ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Comme vient de l’expliquer M. Teston, cet amendement vise à abonder de 9 millions d’euros les crédits alloués au FISAC au moyen d’une ponction de même montant sur l’action n° 1.
Sur le fond, je partage entièrement la préoccupation exprimée par notre collègue et les membres de la commission de l’économie. Comme je l’ai rappelé au cours de mon intervention, la dotation au FISAC, aux termes du texte qui nous est présenté par le Gouvernement, enregistre une baisse de 36 %, soit 23 millions d’euros de moins qu’en 2011 – 40,9 millions d’euros au lieu de 64 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d'État, l’an dernier, le Sénat, qui disposait d’une autre majorité, avait pris l’initiative de relever de 21 millions d’euros la dotation au FISAC pour la porter, donc, à 64 millions d’euros.
Nos collègues de l’Assemblée nationale, pour « limiter la casse », ont ponctionné 1,8 million d’euros sur les crédits de l’INSEE, ce qui n’est pas satisfaisant.
Cet amendement étant avant tout un amendement d’appel, puisque les crédits de la mission seront certainement rejetés, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le contexte économique actuel s’impose à tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment qu’un certain nombre d’entre vous pensent que le FISAC est l’unique outil permettant de soutenir l’artisanat dans notre pays. Or je rappelle que, sur l’ensemble du triennal, le Gouvernement a accru l’effort de l’État et de ses opérateurs en faveur du commerce et de l’artisanat.
En 2010, grâce aux interventions d’OSEO, dans ses solutions à la fois de prêts et de garanties, plus de 20 % des garanties accordées, soit 2,6 millions d’euros, concernent des PME et TPE commerciales et artisanales. Cet engagement a été multiplié par deux en trois ans.
Les chambres de métiers et de l’artisanat bénéficient pour mener leurs actions d’une fiscalité affectée dynamique – 302 millions d’euros en 2010 et 338 millions d’euros estimés pour 2012 – et des subventions publiques de l’État et des collectivités territoriales, qui agissent au quotidien au côté des artisans.
Le Gouvernement a multiplié les dépenses fiscales au profit de certains secteurs de l’artisanat. Je pense évidemment au bâtiment et à la restauration, dont le Gouvernement n’a pas souhaité remettre en cause le taux réduit de TVA.
Ainsi, les efforts consentis en direction de l’artisanat sont très importants, même si l’on n’en retrouve pas la traduction directe dans les crédits de la mission « Économie ».
La réforme du FISAC, intervenue en 2008, a eu pour objet de mettre ce dernier au service d’un meilleur exercice des activités commerciales, artisanales et de services de proximité dans les communes rurales et dans les villes.
Elle a orienté de manière prioritaire les interventions du fonds en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés, ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Cette réforme – et j’ai en tête les propos qu’a tenus tout à l’heure Gérard Cornu – a fortement amélioré les modalités d’intervention du fonds au bénéfice des opérations territoriales, au titre desquelles le FISAC alloue des aides aux collectivités locales et aux petites entreprises de proximité afin de créer, de fortifier ou de conserver un environnement favorable aux activités commerciales et artisanales.
J’ai souhaité que les actions du FISAC soient réorientées en direction de sa mission originelle, à savoir encourager le commerce de proximité : 57 millions d’euros y seront consacrés en 2011, contre 51 millions d’euros en 2010, soit respectivement 88 % et 80 % des crédits ouverts en loi de finances.
Comme l’a rappelé Gérard Cornu, l’année dernière, alors même que cette augmentation n’était pas programmée, les crédits alloués au FISAC ont connu une hausse sensible.
L’effort de recentrage et de sélectivité des actions aidées devra être poursuivi et même accru en 2012. L’année prochaine, le budget permettra de réaliser près de cinq cents opérations territoriales. J’ai demandé que l’ensemble de ces actions territoriales, sauf circonstances exceptionnelles, concernent le commerce de proximité, car nous le devons à nos compatriotes, me semble-t-il.
Certes, les crédits du FISAC diminuent globalement cette année, mais un recentrage de l’action du fonds pour le commerce de proximité a été engagé voilà deux ans. J’ai accéléré ce mouvement cette année et j’entends bien qu’il se poursuive l’an prochain.
La commission des finances s’en étant remise à la sagesse du Sénat, peut-être n’est-il pas inutile d’éclairer ce dernier sur la contrepartie proposée par l’auteur de l’amendement pour compenser l’augmentation des crédits du FISAC.
M. le rapporteur spécial a dit le peu de bien qu’il pensait de la décision prise par les députés de réduire les crédits de l’INSEE. Moi-même, avec des arguments identiques, je leur ai affirmé qu’il n’était pas raisonnable de procéder ainsi. Pareillement, je veux dire à M. Teston qu’il n’est pas raisonnable non plus de réduire de 9 millions d’euros les crédits prévus au titre du remboursement par l’État de missions exercées pour son compte par la Banque de France, essentiellement la gestion des commissions de surendettement.
Si l’on considère que le surendettement doit être combattu – je ne doute pas que j’entendrai encore ce discours lorsque sera examiné ici le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs –, alors cette proposition soulève un grave problème de cohérence. En effet, réduire le surendettement, c’était tout l’objet de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde ».
Puisque ce sont des dépenses, de surcroît, obligatoires, la minoration en loi de finances initiale devra nécessairement être compensée par des ouvertures de crédits en gestion 2012 et contribuera à dégrader le déficit public, ce qui n’est pas responsable.
En écoutant la fin de votre propos, monsieur le rapporteur spécial, j’ai cru comprendre que, de toute façon, cet amendement n’avait pas vraiment lieu d’être, puisque vous entendiez repousser la totalité des crédits. Donc, même si vous étiez amenés à adopter ces dispositions, vous voteriez contre elles dans quelques minutes en vous opposant aux crédits dans leur globalité !
Comme vous m’avez tendu la perche en disant que la commission appelait à la sagesse du Sénat, je pense que tous ces éléments sont de nature à rendre plus sages les uns et des autres dans cet hémicycle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Une proposition comme celle-ci pourrait recueillir l’unanimité, puisque tout le monde semble d’accord pour qu’une enveloppe supplémentaire de 9 millions d’euros soit affectée au FISAC. Toutefois, l’année dernière, dans cet hémicycle, nous n’avons pas déshabillé Paul pour habiller Pierre ; nous avons demandé, tous ensemble, 21 millions d’euros pour abonder le FISAC, mais sans retirer quelque crédit que ce soit à cette mission.
Il faut être raisonnable : la situation de l’année dernière n’est pas la même que celle que l’on connaît à l’échelon international.
Les propos que vient de tenir M. le rapporteur spécial de la commission des finances sont éloquents : il parle d’amendement d’appel. C’est le bal des faux-culs ici !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes des experts en la matière !
M. Gérard Cornu. Vous savez très bien, car vous venez de le dire dans toutes vos interventions, que vous ne voterez pas les crédits. Par conséquent, vous présentez ces trois amendements en sachant qu’ils peuvent être adoptés sans risque, puisqu’ils seront « retoqués » plus tard.
M. Jean-Louis Carrère. Qu’est-ce que vous en savez ?
M. Gérard Cornu. Cela revient à déposer des amendements sur un article tout en sachant que, même s’ils sont adoptés, l’article sera rejeté. Franchement, ce n’est même plus de l’appel, c’est presque de l’hypocrisie !
Nous devons tous être responsables et ne pas dénaturer l’institution. Personne n’avait jamais agi de la sorte au Sénat.
M. Jean-Louis Carrère. Demandez aux grands électeurs ; ils vous ont répondu !
M. Gérard Cornu. Nous avons tous le devoir de valoriser l’institution. Or, en l’occurrence, ce n’est pas ce que vous faites.
C’est pourquoi, pour tous les principes que j’ai évoqués, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Je voudrais réagir aux propos que je viens d’entendre, et en premier lieu à ceux de Gérard Cornu.
J’étais présent en séance l’an dernier, comme cette année, lors de l’examen des crédits de cette mission, et il m’étonnerait fort que les crédits supplémentaires affectés au FISAC n’aient pas été gagés en se servant sur un autre poste budgétaire. Ou alors je n’ai rien compris à la LOLF !
En second lieu, j’ai entendu l’argumentation de M. le secrétaire d’État, mais il nous l’avait déjà présentée lors de son audition récente devant la commission de l’économie, et il ne nous avait pas convaincus.
Pour ces raisons, je maintiens le présent amendement et j’appelle le Sénat à le voter.
M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et de l’emploi Dont Titre 2 |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
Stratégie économique et fiscale Dont Titre 2 |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de le dire, le Sénat va examiner un projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
Les usagers et les consommateurs ont une réelle attente en ce domaine. Il est nécessaire et urgent de renforcer leurs droits et de leur donner les moyens de se défendre et de faire valoir ces droits renforcés.
Je ne reviendrai pas sur la DGCCRF, que ma collègue Évelyne Didier a évoquée.
Par cet amendement, nous soulevons une incohérence du Gouvernement qui affiche de nouveaux droits protecteurs du consommateur. En effet, alors que l’information et la défense de ce dernier sont mises en avant par le Gouvernement, l’un des principaux organes actifs en la matière, 60 millions de consommateurs, se trouve, lui, complètement abandonné par les pouvoirs publics.
Ce journal, conçu par des professionnels indépendants, remplit une mission de service public et fait partie intégrante de l’Institut national de la consommation. Si l’on adosse les activités de presse de l’INC au secteur privé, le journal perdra inévitablement son indépendance.
Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de renforcer de 3 millions d’euros le programme 134 de la mission « Économie » en direction de l’action n° 17, Protection économique du consommateur, afin que les comptes de la revue 60 millions de consommateurs puissent revenir dès 2012 à des résultats positifs.
Pour assurer durablement l’équilibre financier de l’INC, il faut atteindre 150 000 abonnés, ce qui représente un investissement de 4 millions d’euros en campagne d’abonnements.
Je rappelle que le nombre d’abonnés du journal est actuellement descendu à 94 000 abonnés, contre 136 000 en 2009. Pour cette publication, qui dispose de quelques réserves mobilisables, ce serait une chance de continuer à remplir ses missions dans des conditions satisfaisantes et en garantissant une réelle information des consommateurs.
Le journal 60 millions de consommateurs participe à un service public et peut, à ce titre et de manière ponctuelle, bénéficier d’une telle dotation. D’ailleurs, ses ventes étaient venues compléter la subvention destinée aux missions de service public de l’INC à hauteur de 97 756 euros en 2006 et de 23 256 euros en 2007.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Cet amendement, qui tend à modifier le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », vise à abonder de 3 millions d’euros les crédits alloués à l’action n° 17.
Soyons clairs, monsieur le secrétaire d’État : il s’agit d’un amendement d’appel.
M. André Reichardt. Encore !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Nos collègues souhaitent notamment augmenter les ressources allouées à l’Institut national de la consommation. Or j’observe que, même si la dotation globale de l’action n° 17 baisse de 2 millions d’euros entre 2011 et 2012, le montant des dépenses d’intervention affectées à l’Institut national de la consommation, au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, et aux associations de consommateurs est maintenu au même niveau que cette année, soit 11,8 millions d’euros.
Compte tenu de ces éléments, un tel transfert de crédits n’apparaît pas justifié.
M. Cornu a été assez véhément en affirmant lors de l’examen du précédent amendement que nous dénaturions l’institution en prévoyant 9 millions d’euros pour financer le FISAC. Or je lui dirai que, l’année passée, ces 21 millions d’euros ont bien dû être pris quelque part. Je préciserai même, puisque je dispose du rapport de l’an dernier, que leur source est identique à celle de ces 9 millions d'euros.
Mme Évelyne Didier. Exactement !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Par conséquent, l’affaire est close. Si j’ai répondu à M. Cornu alors que je ne le devais pas, c’est pour éviter à celui-ci de nous répéter le même propos incohérent.
M. Jean-Louis Carrère. Il a compris qu’il s’était trompé et il est parti !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Il pourra lire ma réponse dans le compte rendu des débats.
Ne m’en veuillez pas, madame Schurch, mais j’agis en cohérence avec la position de la commission des finances. C’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je remercie M. le rapporteur spécial d’avoir demandé à Mme Schurch de bien vouloir retirer son amendement, qui est inutile, puisque les crédits ont été maintenus.
J’ajoute que la dotation de la DGCCRF permet à cette direction d’assurer les missions qui lui incombent et que ces crédits ont été épargnés par les rabots intervenus récemment dans le cadre des plans anti-déficit qui ont été annoncés par le Gouvernement, comme vient de le rappeler M. le rapporteur spécial de la commission des finances.
De surcroît, la contrepartie proposée, qui est toujours aussi peu opérationnelle que pour l’amendement précédent, viendrait alourdir encore la note, puisque le gage porte toujours sur les crédits prévus pour le remboursement, par l’État, des missions exercées pour son compte par la Banque de France, telles que la gestion des commissions de surendettement. D'ailleurs, si j’ai compris les propos réaffirmés par M. le rapporteur spécial, il s'agit d’amendements d’appel.
Par conséquent, il ne faudrait pas que quelqu’un dans cet hémicycle ait le sentiment que ces propositions auront des conséquences : en réalité, même si ces amendements sont adoptés, ils seront immédiatement rejetés du fait du vote global sur l’ensemble des crédits. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) C’est bien ce que vous nous avez dit, monsieur le rapporteur spécial !
M. André Reichardt. Exactement.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je tiens à préciser ce point parce que Jean-Claude Lenoir, par exemple, est intervenu très brillamment tout à l’heure sur la question du FISAC, en expliquant en détail combien ce dispositif était essentiel. Or chacun ici aura à cœur de ne pas laisser croire qu’une disposition votée, mais qui n’aura en réalité aucune suite, pourrait changer la situation. La clarté s’impose !
M. Jean-Louis Carrère. Il faut attendre quelques mois !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne sais pas si Mme Schurch retirera cet amendement sur la DGCCRF, mais M. le rapporteur spécial était convaincant. Madame Schurch, vous l’avez compris, il a convaincu le Gouvernement. (Mme Mireille Schurch rit.)
M. Jean-Louis Carrère. Mais pas nous !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Schurch, l'amendement n° II-18 est-il maintenu ?
Mme Mireille Schurch. Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, vous ne m’avez pas convaincue, moi. Je demande ces trois millions d’euros parce que cette somme pourrait susciter un effet de levier en faveur de ce journal d’intérêt public, qui est très utile aux consommateurs.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. J’ai bien entendu M. le rapporteur spécial Christian Bourquin, ainsi que M. le secrétaire d’État. Néanmoins, pour les raisons qui ont été invoquées par Mireille Schurch, le groupe socialiste soutiendra cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. On fait comme si tout avait changé. Bien sûr, la majorité sénatoriale s’exprime, mais il y a bien un gouvernement qui propose le budget et une opposition à ce gouvernement qui exprime, à travers un certain nombre de positions et d’amendements, son idée sur la question. Je ne vois vraiment pas, de ce point de vue, pourquoi la démarche qui était tout à fait naturelle l’an dernier ne le serait plus aujourd'hui.
Nous exprimons des positions à travers les amendements que nous proposons, mais ils n’ont pas trouvé grâce et ont été rejetés. Ce sera encore le cas cette fois. Je ne vois pas où est le changement !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Si j’ai bien compris, il s’agit d’éponger quelque 3 millions d’euros de déficit de la revue 60 millions de consommateurs.
Mme Évelyne Didier. C’est l’organe nécessaire pour travailler avec l’INC !
M. André Reichardt. Je voudrais simplement interroger mes collègues siégeant sur les travées de gauche : envisagez-vous aussi de nous demander d’éponger les éventuels déficits des autres organes de presse ?
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas le problème !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Je suis obligée de répondre, cher collègue, parce que nous ne parlons pas de n’importe quelle revue : le magazine 60 millions de consommateurs est intégré dans l’Institut national de la consommation. Il s’agit donc d’un service public.
Mme Évelyne Didier. Renseignez-vous, cher collègue !
M. le président. L'amendement n° II-171, présenté par MM. Mézard, C. Bourquin, Collin, Fortassin, Baylet et Bertrand, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Développement des entreprises et de l’emploi Dont Titre 2 |
|
1 842 000 |
|
1 842 000 |
Tourisme |
|
|
|
|
Statistiques et études économiquesDont Titre 2 |
1 842 000 |
|
1 842 000 |
|
Stratégie économique et fiscaleDont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 842 000 |
1 842 000 |
1 842 000 |
1 842 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2012 est caractérisée par une diminution générale des crédits d’intervention.
Il s’agit d’un choix pour le moins paradoxal, puisque cette baisse porte sur les seules dépenses susceptibles de relancer la croissance. Or cette dernière, faut-il le rappeler, fait cruellement défaut dans notre pays. Actuellement, malgré un léger rebond de 0,4 % au troisième trimestre de 2011, la croissance prévue pour le quatrième trimestre est nulle et le Gouvernement a revu à la baisse ses prévisions pour 2012.
Ces diminutions de crédit touchent également les dotations allouées au FISAC, qui joue un rôle essentiel dans le soutien de l’artisanat local.
Or l’Assemblée nationale, visiblement inquiète de ces évolutions, a décidé de suppléer indirectement à la diminution des crédits du FISAC en abondant la subvention de l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Cette décision, a priori louable, n’en résulte pas moins d’une opération qu’il convient de rectifier.
En effet, la somme de 1,842 million d’euros destinée à abonder le budget de cet organisme a été prélevée sur le budget de l’INSEE, qui a cruellement besoin de ces fonds pour mener à bien ses missions.
L’Assemblée nationale a justifié cette ponction par l’augmentation que le budget de l’INSEE aurait connue entre 2011 et 2012. Il ne s’agit pourtant que d’une illusion comptable, les calculs en question incluant des crédits spéciaux destinés à des opérations exceptionnelles, tels que les recensements de Polynésie française et de Mayotte, ou encore l’installation de l’INSEE à Metz.
Par ailleurs, la population française ayant cru, ainsi que le nombre de logements, la dotation que l’INSEE verse aux communes au titre du recensement a également augmenté.
En réalité, une fois pris en compte ce prélèvement supplémentaire de 1,842 million d’euros, il apparaît que les crédits de fonctionnement dont dispose l’INSEE pour financer ses missions diminuent de 12 % entre 2011 et 2012 ; ces restrictions font suite à une baisse de 5 % intervenue entre 2010 et 2011.
Ces coupes successives remettent directement en cause la capacité de l’INSEE à assumer l’ensemble de ses attributions.
Or, mes chers collègues, je vous rappelle le caractère essentiel des missions régaliennes confiées à cette institution – telles que l’élaboration des indices de prix, le recensement de la population, l’établissement de l’état-civil ou du fichier électoral –, ainsi que de la réalisation d’enquêtes permettant d’analyser les évolutions économiques et sociales de notre pays et qui éclairent d’un jour indispensable les décisions des pouvoirs publics, particulièrement en période de crise économique.
Afin de permettre à l’INSEE d’assumer l’ensemble de ses attributions, la grande majorité des membres du groupe RDSE vous propose d’adopter le présent amendement, qui tend à rétablir l’état antérieur des comptes de l’institut, en diminuant de 1,842 million d’euros les crédits de l’EPARECA, et en inscrivant de nouveau cette somme au budget de l’INSEE. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. L’amendement n° II-171 tend à réparer une profonde injustice organisationnelle : en effet, l’Assemblée nationale a frustré l’INSEE de plus d’1,8 million d’euros, tout simplement, m’a-t-on dit, parce que la ligne budgétaire de cet établissement était voisine de celle de l’EPARECA ! À mon sens, la République ne peut se satisfaire de semblables méthodes.
Monsieur le secrétaire d’État, en écoutant votre intervention, j’ai cru comprendre que vous en admettiez l’augure. J’ignore par quel artifice vous parvenez à justifier une telle position. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, il me semble juste de rétablir ces crédits et de témoigner, ce faisant, notre confiance à l’INSEE.
Je suis, ainsi que M. Requier, cosignataire de l’amendement n° II-171. Comme je l’ai évoqué à la tribune il y a quelques instants, l’INSEE a déjà été fortement déstabilisé par son déménagement. La Nation a réalisé de fausses économies en délocalisant son siège à Metz, tout en maintenant à Paris les personnels qui ne souhaitaient pas s’y rendre ; chacun en est conscient, et chacun peut déplorer l’important déséquilibre financier qui en résulte.
M. Requier vient de le rappeler, l’INSEE a dû consentir un effort de 5 % l’an passé ; aujourd’hui, le Gouvernement souhaite renouveler ces coupes sombres sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 12 %. À ce rythme, cette institution sera bientôt hors service !
Monsieur le secrétaire d’État, sans vouloir vous provoquer, je crains que le Gouvernement ne cherche à casser ce thermomètre qui, il est vrai, depuis quelque temps, indique de mauvais chiffres, qu’il s’agisse de l’indice des prix ou du chômage. (M. André Trillard s’exclame.)
L’INSEE a toute sa place dans notre République, car cet organisme est nécessaire à chacun des Français. De surcroît, il s’est vu confier cette année des missions supplémentaires, notamment le recensement en Polynésie française, qui représente un travail considérable. Or les documents de base, tels que les plans cadastraux, n’existent pas dans ces territoires, et leur établissement coûte très cher. À moins de renoncer à ces travaux, il convient donc d’attribuer à l’INSEE les moyens nécessaires à leur réalisation.
Monsieur le secrétaire d’État, vous constatez au passage que je suis apte à distinguer les nuances de la situation !
Mes chers collègues, au nom de la commission, j’émets un avis de sagesse, mais, à titre personnel, je suis très favorable à l’amendement n° II-171.
M. André Trillard. Il faut bien distinguer avis de la commission et avis personnel !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’éprouve parfois quelques difficultés à vous suivre, je vous l’avoue.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cela ne nous étonne pas !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En effet, nous venons d’examiner l’amendement n° II-18 tendant à augmenter de 9 millions d’euros les crédits du FISAC, que vous avez adopté. Et voilà qu’à présent M. Requier nous suggère de réduire les fonds alloués au FISAC !
M. Pierre Hérisson. Exact !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Non !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Permettez-moi de vous exposer la situation, puisque vous semblez en ignorer les tenants et les aboutissants.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Vous n’avez pas compris, monsieur le secrétaire d’État !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si, précisément, monsieur le rapporteur spécial. En effet, l’amendement dont vous êtes cosignataire tend à préserver les moyens de l’INSEE, objectif auquel je souscris, car, comme je l’ai affirmé devant l’Assemblée nationale, il serait inopportun de déshabiller cette institution à l’heure où elle doit partir pour Metz.
L’Assemblée nationale a adopté un dispositif destiné à augmenter d’1,8 million d’euros les crédits destinés au FISAC au titre de l’EPARECA ; il s’agit en effet d’une sous-enveloppe, que j’ai distinguée dans mon intervention.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai du reste fourni des éléments précis concernant mes déplacements des dernières semaines. Récemment encore, j’ai visité un village d’artisans dans l’Eure, puis j’en ai inauguré un second dans le Nord…
M. Michel Teston. On le sait !
M. Jean-Louis Carrère. Vous vous répétez !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ainsi, vous proposez de réduire d’1,8 million d’euros les crédits destinés aux artisans et commerçants, dans le cadre de l’EPARECA.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas cela !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or, il y a quelques instants, vous proposiez d’augmenter cette enveloppe de 9 millions d’euros.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. D’où une hausse de 7,2 millions d’euros !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Certes, monsieur le rapporteur spécial, mais, quoi qu’il en soit, ces fonds ne seront jamais alloués, puisque le Sénat devrait rejeter l’ensemble de ces crédits.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Vous avez remarqué que nous ne sommes pas le Gouvernement !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas du Gouvernement, mais du Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite simplement attirer votre attention sur la cohérence de ce débat.
M. Pierre Hérisson. Parfaitement !
M. Jean-Louis Carrère. Car la droite est experte en la matière, n’est-ce pas, monsieur Hérisson !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. À mes yeux, chacun d’entre vous doit veiller à la cohérence de ses positions et de ses votes.
Ainsi, il me semble difficile de défendre l’artisanat tout en proposant de réduire les crédits qui lui sont attribués…
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes guère convaincant !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, ces amendements seront sans conséquences, puisque vous vous apprêtez à rejeter les crédits de la mission tout entière !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Vous confondez les amendements, monsieur le secrétaire d’État : prononcez-vous sur l’INSEE !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Concernant l’INSEE, je répéterai ce que j’ai affirmé devant l’Assemblée nationale.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Qui ne vous a pas écouté !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’en conviens, monsieur le rapporteur spécial. Toutefois, je veille avant tout à rester cohérent.
M. Jean-Louis Carrère. Nous préférons notre incohérence à votre cohérence !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, c’est la raison pour laquelle je souligne la nécessaire lisibilité des votes au sein de cet hémicycle ! (M. Jean-Louis Carrère manifeste son impatience.)
Ainsi, M. Jean-Claude Lenoir s’est expliqué, comme M. André Ferrand d'ailleurs, au sujet d’UBIFRANCE. Répondant aux critiques, il a souligné que cet organisme menait une action exemplaire sur le terrain. Par ailleurs, il a déclaré que le FISAC constituait un outil indispensable, qu’il ne fallait en aucun cas fragiliser. Pour ma part, j’ai invoqué le nécessaire recentrage des crédits. (M. Michel Teston s’exclame.)
M. Jean-Louis Carrère. Lieux communs ! Périphrases !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Teston, vous-même avez souligné avec beaucoup de talent et d’efficacité que le FISAC était indispensable afin de soutenir nos compatriotes artisans. Or le présent amendement tend à priver ces derniers de nombreux crédits.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas cohérent !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’ignore les votes des uns et des autres, mais j’imagine que vous avez voté en faveur de cet amendement que vous avez présenté, monsieur Teston.
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas la peine de vous répéter !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Telle est la simple mise au point à laquelle je souhaitais procéder.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Il ne s'agit pas ici du FISAC. Nous débattons de l’INSEE !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas de leçons de cohérence à recevoir, et vous savez d’ailleurs que, par définition, nous sommes tous cohérents dans cet hémicycle.
Cet amendement tend certes à restituer à l’INSEE une somme qui lui a été retirée à tort, au profit du FISAC. L’amendement n° II-18, adopté précédemment, ne vise pas moins à augmenter de 9 millions d’euros les crédits dudit fonds.
Mes chers collègues, il semble logique que l’INSEE puisse disposer des moyens suffisants pour accomplir ses missions ; c’est la raison pour laquelle le groupe socialiste-EELV est favorable à l’adoption de l’amendement n° II-171.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je formulerai trois remarques.
Premièrement, nous sommes prisonniers du carcan de la LOLF, que notre groupe dénonce depuis longtemps et qui, à vous entendre, chers collègues de l’opposition, nous empêcherait de présenter le moindre amendement sur le projet de loi de finances ! Pour augmenter les crédits d’un programme, il faut réduire d’autant ceux d’un autre... Cet exercice ridicule rend tout choix politique impossible.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si nous ne servons à rien, dites-le clairement et nous nous en irons ! Dans le cas contraire, souffrez que les sénateurs s’opposant au Gouvernement puissent s’exprimer par le biais des amendements qu’ils présentent !
Deuxièmement, lors de l’examen de la première partie du budget, nos collègues de la majorité sénatoriale ont formulé des propositions et ont dégagé des crédits supplémentaires. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-les et ce problème sera résolu !
Troisièmement, aux adeptes de la concurrence libre et non faussée, dont on nous chante la louange sur tous les tons, je réponds que, sans les instruments de mesure mis au point par l’INSEE, dont 60 millions de consommateurs se charge de diffuser les résultats, il ne reste plus rien aux consommateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, devant la commission de l’économie, j’ai déjà répondu en détail à chacune des questions posées et chacun s’en était félicité.
Madame Didier, je conçois tout à fait que votre remarque concernant la LOLF s’adresse non à moi mais aux sénateurs de la majorité présidentielle.
Mme Évelyne Didier. Pas du tout !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Par ailleurs, je comprends parfaitement que chacun dépose des amendements et que vous en présentiez au sujet de l’INSEE ou de 60 millions de consommateurs.
Comme je l’ai souligné devant la commission, je suis le plus acharné défenseur du pluralisme dans l’expression des consommateurs. Je défends donc l’indépendance de cet organe, madame Didier : vous connaissez parfaitement les décisions que j’ai été conduit à adopter, qui n’obèrent en rien l’avenir de 60 millions de consommateurs, bien au contraire. Nous souhaitons bien sûr que ce journal conserve son indépendance, mais force est de tenir compte de sa situation commerciale.
Mme Évelyne Didier. C’est une question de cohérence !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’entends parfaitement votre appel à la cohérence, madame Didier. Permettez-moi simplement de souligner que les amendements nos II-18 et II-171 visent des objectifs exactement opposés !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Quel est le problème ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. De telles décisions sèmeraient la pire des confusions dans l’esprit de nos compatriotes.
En outre, en votant contre les crédits de la mission « Économie », comme vous l’avez d’emblée annoncé, vous allez vous-mêmes faire tomber les amendements.
Mme Évelyne Didier. De toute façon, ils auraient été supprimés en commission mixte paritaire !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il est important de souligner ces contradictions, que nos compatriotes ne manqueront pas d’apprécier.
Mme Odette Herviaux. Il s’agit simplement de deux problèmes différents !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
10 500 000 |
10 500 000 |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
500 000 |
500 000 |
Prêts pour le développement économique et social |
10 000 000 |
10 000 000 |
Prêts à la filière automobile |
0 |
0 |
Prêts et avances au Fonds de prévention des risques naturels majeurs |
0 |
0 |
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, rapporteur spécial.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. La commission des finances appelle le Sénat à adopter ces crédits, monsieur le président.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
3
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 28 novembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-219 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
4
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
Compte d’affectation spéciale : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission qui nous occupe ne regroupe qu’un tiers des crédits que la France consacre à l’aide publique au développement, l’APD, soit 3,3 milliards d’euros en crédits de paiement. À cet égard, la non-transmission dans les délais, une fois encore, du document de politique transversale retraçant l’ensemble des crédits concourant à l’aide publique au développement n’a pas facilité les travaux des rapporteurs spéciaux et a contrevenu au nécessaire effort de transparence du Gouvernement en ce domaine.
Ce document nous est en effet parvenu sous format électronique le 4 novembre, c’est-à-dire deux jours après l’examen des crédits par la commission des finances. L’an dernier déjà, les rapporteurs spéciaux et pour avis du Sénat avaient protesté contre la communication très tardive de cette annexe au projet de loi de finances ; manifestement en vain !
Avec une APD évaluée à 9,7 milliards d’euros en 2010, la France est loin d’être sur la voie de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles, en 2005, de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015.
Dans cette perspective, un rendez-vous avait été fixé par les pays européens : ils devraient, en 2010, allouer 0,56 % de leur revenu national brut à l’aide publique au développement. Or, cette année-là, ce ratio n’a atteint que 0,50 % pour notre pays, et la stabilité des crédits consacrés à l’APD dans la programmation pluriannuelle des finances publiques ne permet guère d’envisager de dépasser ce niveau en 2013. Pourtant, d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, ont accompli un effort significatif pour atteindre, quant à eux, le seuil de 0,56 % à l’échéance prévue. En 2010, le Royaume-Uni a ainsi remplacé la France à la deuxième place du classement des plus forts contributeurs au titre de l’APD.
S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le montant des crédits de paiement est stable pour 2012, à 3,33 milliards d’euros. Ces crédits retracent les actions de trois ministères : le ministère de l’économie, pour le programme « Aide économique et financière au développement », le ministère des affaires étrangères et européennes, pour le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », enfin le ministère de l’intérieur, pour les actions du programme « Migrations et développement solidaire », dont les crédits, modestes et en net recul, soulèvent la question de l’existence d’une vraie politique française de développement solidaire, considérant mieux l’apport des étrangers originaires des pays en développement à la formation de notre richesse nationale.
S’agissant des crédits de personnel de la mission, la correction technique du plafond d’emplois pour 2012 porte sur 3 % des effectifs. Le ministère des affaires étrangères et européennes connaît-il donc précisément le nombre de ses agents travaillant dans le domaine de la coopération ? M. le ministre nous répondra certainement sur ce point.
La logique de maîtrise comptable des dépenses a parfois des effets particulièrement défavorables au rayonnement international de notre pays, surtout eu égard au montant des sommes en jeu, dont le poids dans la réduction du déficit public est somme toute marginal. Je pense notamment aux crédits consacrés à la francophonie, qui ont régressé de 64 millions à 61 millions d’euros entre 2007 et 2012, et plus encore à la diminution drastique des contributions volontaires de notre pays aux agences des Nations unies : leur montant, qui était de 86 millions d’euros en 2007, a connu un point bas à 49 millions d’euros en 2011, avant de s’établir à 51,4 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances.
Par ailleurs, une grande partie de notre APD transite par un quasi-opérateur de l’État, l’Agence française de développement, l’AFD. J’ai l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat au sein de son conseil d’administration. À cet égard, comme les autres membres de celui-ci, j’ai reçu, le 7 juillet dernier, une lettre ouverte des syndicats traduisant un malaise tangible des personnels. L’AFD est engagée dans une importante opération de maîtrise de ses dépenses, ayant conduit en 2010 à une forte réduction des frais généraux. Si cet effort doit être salué, les mesures mises en œuvre ne peuvent l’être qu’en étroite concertation avec le personnel et ses organisations représentatives.
Toujours en ce qui concerne l’AFD, je souhaiterais connaître le lien existant entre le résultat financier annuel et les dividendes versés à l’État par l’AFD, estimés à 220 millions d’euros en 2010.
De même, je m’interroge, monsieur le ministre, sur la suppression, l’an dernier, d’une niche fiscale, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat : je veux parler du dispositif attaché au compte épargne co-développement, qui, selon le Gouvernement, ne concernait que 31 souscripteurs. Or le projet de loi de finances pour 2012 fait état de 625 ménages bénéficiaires ! Qu’en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est l’élaboration de l’instruction fiscale prévue suite à la disparition de ce dispositif ?
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l’État en faveur de l’aide au développement et, depuis mai 2010, celles qui s’inscrivent dans le cadre du soutien financier européen décidé en faveur de la Grèce, à hauteur de 3,89 milliards d’euros en crédits de paiement.
La première section du compte retrace les versements et les remboursements des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation d’infrastructures. Les montants alloués, relativement faibles, traduisent l’insuffisante présence industrielle de la France dans les pays émergents.
La deuxième section porte sur les prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes des pays pauvres très endettés. Je me félicite aujourd’hui de ce que, sur les quarante États éligibles, trente-deux aient franchi le point d’achèvement autorisant le traitement de leur dette.
La troisième section du compte retrace des prêts octroyés à l’AFD afin que celle-ci consente des prêts à des conditions préférentielles aux pays pauvres très endettés.
Enfin, la quatrième section du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » correspond à la deuxième année de mise en œuvre du plan de soutien européen à la Grèce. Pour les nouvelles tranches de prêts dont bénéficie la Grèce, ainsi que pour les appels à la solidarité européenne en faveur de l’Irlande et du Portugal, un autre instrument financier a été utilisé : le nouveau Fonds européen de stabilité financière.
Je voudrais enfin évoquer la mission de contrôle budgétaire que j’ai effectuée en Haïti en juillet dernier. J’ai pu apprécier, à l’occasion de ce déplacement, l’effort remarquable conduit sur place par notre ambassadeur et ses services, mais aussi l’engagement efficace de l’équipe de l’AFD, après le terrible séisme qui a touché ce pays. Néanmoins, si la France a répondu présente, le taux d’engagement des crédits n’est à l’évidence pas satisfaisant, puisqu’il n’atteignait que 20 % à la mi-juin 2011. L’action de la France retirerait un grand bénéfice d’une coordination accrue, et sans doute encore plus étroite, entre le directeur local de l’AFD et notre ambassadeur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat quant à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jacques Legendre applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer quelques éléments de réflexion, en complément de l’intervention très claire et très étayée de M. Yvon Collin. Je souligne d’emblée que je fais pleinement miennes ses observations sur la nécessité, pour notre pays, d’élever le niveau de son aide publique au développement, afin de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles. Cela étant, je me réjouis que les crédits de cette mission aient été sanctuarisés.
En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », créé par l’article 63 de la loi de finances initiale pour 2011, il vise à financer des actions dans les pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation. Son financement est couvert par la cession de « quotas carbone » sous forme d’unités de quantité attribuées à notre pays, telle que prévue par le protocole de Kyoto.
Or l’absence de ventes de « quotas carbone » n’a pas permis, à ce jour, d’engager les actions prévues dans le cadre de ce compte d’affectation spéciale, en matière d’imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale, de gestion forestière durable en Indonésie et de coopération régionale sur le plateau des Guyanes. Alors que s’ouvre aujourd’hui la conférence de Durban, cette situation nous interpelle quant au fonctionnement des mécanismes du protocole de Kyoto.
S’agissant des financements innovants, le succès de la contribution de solidarité sur les billets d’avion, dont d’aucuns s’étaient moqués quand elle avait été annoncée, plaide aujourd’hui pour la création d’une taxe sur les transactions financières.
Je rappelle que, depuis son entrée en vigueur, la contribution de solidarité sur les billets d’avion, gérée par l’AFD, a rapporté 707 millions d’euros. Elle finance UNITAID, dont on connaît le rôle en matière de promotion de l’accès aux vaccins et aux médicaments dans les pays en développement.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais souligner combien le Président de la République s’est placé à l’avant-garde sur ce thème, en l’inscrivant à l’ordre du jour de la présidence française du G20.
Le 28 janvier 2011, le Président de la République a mandaté M. Bill Gates pour réaliser un rapport qui a été remis voilà quelques jours, lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 qui s’est tenu à Cannes.
Le 14 juin 2011, sur l’initiative de plusieurs de nos collègues, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution relative à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières.
Fin septembre 2011, la Commission européenne a adopté une proposition en vue de la création d’une telle taxe, en évaluant son rendement à 55 milliards d’euros.
Je voudrais plaider en faveur de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Que le secteur financier, dont les dérives secouent le monde et ont provoqué la crise, soit ainsi sollicité répond d’abord à une nécessité sur le plan moral. En outre, créer cette taxe devient désormais nécessaire pour les marchés financiers eux-mêmes : les obliger à déclarer le volume et la nature des flux financiers permettra la mise en place de régulations internationales d’ordre public.
Enfin, cette taxe est indispensable au financement de l’aide au développement et de la lutte contre le changement climatique, dont les pays du Sud subissent les conséquences alors qu’ils n’y ont que très marginalement contribué.
Un consensus se dégage dans notre assemblée sur la création d’une telle taxe à un taux faible et avec une assiette large. Je me félicite du dépôt de nombreux amendements à cette fin, notamment ceux de la commission des affaires étrangères, de M. Yvon Collin et des membres de son groupe, du groupe socialiste-EELV. Il est politiquement important que nous portions tous ensemble ce projet.
En ce qui concerne la coopération décentralisée, le ministère des affaires étrangères et européennes intervient pour des cofinancements, à hauteur de 9,8 millions d’euros. Je voudrais plaider pour cette forme moderne de coopération technique qui mobilise les compétences dans les collectivités territoriales. Il serait souhaitable qu’une synergie accrue puisse s’établir avec l’action de l’État. On estime aujourd’hui l’investissement des collectivités territoriales à environ 60 millions d’euros, mais les dépenses de personnel sont largement sous-évaluées.
En particulier, la loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau, dite « loi Oudin », permet aux communes de financer l’aide au développement, dans la limite de 1 % de leurs budgets alloués aux services publics de l’eau et de l’assainissement.
M. Christian Cambon. Excellent !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. J’aborderai enfin la question de l’accompagnement des changements politiques intervenus dans le Maghreb arabe. Ces mutations exigent une réponse politique qui soit à la hauteur des enjeux. Le Président de la République a évoqué ce sujet majeur lors du sommet du G8 de mai 2011. Un plan de soutien à l’Égypte et à la Tunisie a été annoncé à cette occasion. La France y contribuera à hauteur de 1 milliard d’euros sur trois ans. Les États membres du G8 ont également appelé à l’extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, à la rive sud de la Méditerranée, en décidant la création d’un fonds dédié au sein de cette banque.
Notre pays a évidemment, pour des raisons historiques et culturelles, un rôle essentiel à jouer dans les révolutions arabes.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Cependant, les opérateurs de l’État ne disposent pas toujours de ressources à la hauteur des attentes placées en notre pays.
Mme Nathalie Goulet. Ils manquent aussi d’informations !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Je pense en particulier à l’opérateur de la coopération audiovisuelle du ministère des affaires étrangères et européennes, Canal France International, dont la dotation continue de s’éroder alors qu’il a été en première ligne lors du printemps arabe.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que le maintien de l’aide publique au développement française dans un contexte de sobriété budgétaire doit être salué, sans que nous puissions toutefois nous satisfaire de la reconduction de l’existant.
Si la commission des finances a décidé, comme l’a indiqué M. Yvon Collin, de s’en remettre à la sagesse du Sénat, je voterai pour ma part les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont dit les orateurs précédents, ce projet de budget prévoit une stabilisation de l’effort de la France en faveur du développement. C’est bien, cependant cet effort risque de ne pas permettre à notre pays de tenir un des engagements majeurs pris par la communauté internationale voilà cinq ans, celui d’atteindre, en 2015, un taux d’effort de 0,7 % du revenu national brut. Passer de 10 milliards d’euros en 2013 à 17 milliards d’euros en 2015 semble, en effet, hors de portée.
Que dire, dès lors, de l’attitude de l’administration des finances, qui a jugé qu’il valait mieux ne publier le document de politique transversale qu’après le sommet du G20 ? Ce n’est pas correct ! L’information du Parlement ne doit pas dépendre de l’appréciation de l’administration sur le caractère satisfaisant ou non des prévisions. D’ailleurs, en ces temps difficiles, nous ne recevrions plus beaucoup de documents budgétaires s’il ne fallait publier que ceux qui annoncent de bonnes nouvelles…
Comme l’a souligné l’évaluation à mi-parcours de la France par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, le CAD, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire permettant de définir une stratégie crédible pour atteindre cet objectif. C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne, qui ne manque d’ailleurs pas de le faire savoir, ainsi que d’autres pays, comme le souligne le rapport de M. Bill Gates aux États membres du G20.
Cet engagement n’est pas le seul qui a été pris par la France ces dernières années, toutes majorités confondues. Nous retraçons, dans notre rapport écrit, l’ensemble de ces engagements, dont le bilan est inégal, pourrait-on dire sous forme de litote !
Si l’on tient compte des engagements de financements additionnels pris ces deux dernières années, notamment par le Président de la République, à Copenhague, à Muskoka, à New York ou à Londres, on atteint 680 millions d’euros annuels additionnels… et tout cela sans recettes supplémentaires ! Comment diable va-t-on financer tout cela ?
Nous déclarons à l’OCDE 10 milliards d’euros d’aide au développement. Plus de 20 % de cette somme correspond à des dépenses qui n’ont qu’un rapport très indirect avec l’aide au développement ; en particulier, de 10 % à 30 %, selon les années, du montant de l’aide au développement consiste en annulations de dettes. Par ailleurs, il faut souligner la part croissante des prêts. Notre aide au développement comporte deux fois plus de prêts que celle des autres bailleurs de fonds en moyenne. Notre coopération prête de plus en plus et donne de moins en moins, et c’est moins la croissance de ces prêts qui nous préoccupe que la diminution des dons.
Les dons programmables pour les quatorze pays prioritaires au titre de notre aide publique au développement ont baissé de 30 % entre 2006 et 2009. Cette diminution est en contradiction avec nos objectifs de concentration sur l’Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires de la coopération française, dont la capacité d’endettement est faible.
On se trouve ainsi devant une situation très paradoxale : les quatorze pays dits prioritaires ne représentent que 8 % de l’activité de l’Agence française de développement. Autrement dit, l’opérateur pivot de la coopération française exerce 92 % de son activité ailleurs que dans les pays qui ont été considérés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, comme la cible prioritaire de notre coopération.
Vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, l’objectif de l’État est de concentrer 60 % de l’effort budgétaire sur l’Afrique subsaharienne et d’accorder 50 % des subventions aux quatorze pays prioritaires, mais l’enveloppe des subventions bilatérales est tellement faible que ces derniers n’ont que 150 millions d’euros à se partager, soit environ 10 millions d’euros par pays, ce qui est trop peu pour être significatif. Sur les 10 milliards d’euros d’APD déclarés, ces pays dits prioritaires représentent en fait un centième de notre aide.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous souhaiterions que notre action dans ces pays constitue un des volets de l’évaluation biennale dont vous nous avez proposé de définir ensemble le contenu.
Ces critiques ne sont pas minces. Elles doivent conduire le Parlement à être très vigilant pour l’année budgétaire à venir et à veiller à la mise en œuvre des évolutions positives que nous appelons de nos vœux.
En attendant, certains signes permettent de penser que nous sommes sur une bonne – ou une meilleure – voie. En particulier, nous nous félicitons de la sanctuarisation des crédits de la mission, dans un contexte financier extrêmement difficile. C’est le point positif essentiel de ce projet de budget.
Par ailleurs, la part de l’aide bilatérale devrait passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012. Il faut s’en féliciter, car cela permettra de dégager des crédits de subventions pour financer notre action bilatérale dans ces zones.
Enfin, les événements qui se déroulent dans nombre de pays que nous aidons, en particulier parmi ceux de la rive sud de la Méditerranée, et l’attente que suscite notre aide, même si elle est trop faible, nous incitent à ne pas envoyer un signal négatif qui pourrait être mal interprété.
Telles sont les trois raisons qui ont conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jacques Legendre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, au nom de la commission des affaires étrangères, j’aurais voulu pouvoir, à la suite de M. Peyronnet, résumer les 250 pages de notre rapport commun…
Monsieur le ministre, nous avons examiné les crédits de cette mission en cherchant, à budget constant, à redéployer de 300 millions à 500 millions d’euros vers des crédits de subventions à destination des quatorze pays prioritaires désignés dans le document-cadre de coopération au développement. Force est de constater, malheureusement, que les marges de manœuvre sont particulièrement étroites.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une diminution des contributions multilatérales et une augmentation des subventions au titre de l’aide bilatérale. Nous nous en félicitons, car nous l’avions demandé il y a un certain nombre d’années déjà.
Nous aurions pu, certes, amplifier le mouvement, mais il faut avoir à l’esprit que le montant de nos contributions détermine notre place dans les conseils d’administration des institutions multilatérales. Les efforts consentis pour limiter nos contributions multilatérales se sont déjà traduits, ces dernières années, par un recul de la position de la France à la Banque mondiale, à la Banque africaine de développement et dans de nombreuses organisations dépendant de l’Organisation des Nations unies. Si nous voulons conserver notre influence sur la programmation de ces institutions, si nous voulons maintenir notre statut à l’ONU, il faut veiller à ne pas trop rogner sur ces contributions. Notre latitude en la matière est d’autant plus limitée, à court terme, que la France a déjà participé à de nombreuses reconstitutions de fonds, qui nous engagent jusqu’en 2013, voire au-delà.
Si l’on se penche sur l’aide bilatérale, qui représente environ 1 milliard d’euros pour les deux programmes, les marges de manœuvre ne sont pas beaucoup plus importantes. Nous pourrions réduire le nombre des pays dans lesquels nous intervenons, mais il faut bien distinguer l’ensemble des zones géographiques dans lesquelles l’AFD intervient en tant que banque et les pays où l’AFD dépense de l’argent public.
Il est vrai qu’il est parfois étrange de voir l’Agence française de développement s’investir en Chine, en Inde et bientôt en Asie centrale. Mais il faut comprendre aussi que, dans ces zones géographiques, l’Agence française de développement exerce une activité de « banque d’influence », fait de la coopération d’intérêt mutuel plus que du développement. Nous croyons même comprendre qu’elle y gagne de l’argent : nous avons beaucoup de mal à savoir combien, mais c’est un point important. De fait, l’effort budgétaire bilatéral est relativement concentré sur l’Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires.
Dans les grandes masses, il est difficile de trouver des marges de manœuvre. Il faudrait en vérité entrer dans l’examen détaillé de chaque volet de notre coopération pour mieux distinguer ce qui marche de ce qui marche moins bien.
C’est là que l’évaluation doit jouer un rôle central. Il nous faut un budget de la coopération suffisamment souple pour pouvoir être redéployé dans le temps en fonction des priorités, sur la base d’éléments d’évaluation. On nous dit que c’est complexe ; certes, mais l’aide au développement n’a pas le monopole de la complexité.
Nous sommes comptables devant les citoyens et les contribuables des sommes que nous discutons ici. Des outils, des organismes, des évaluations existent. La difficulté est tout autant d’évaluer que de tirer des leçons de l’évaluation et d’adapter nos instruments en fonction des résultats.
Vous nous avez proposé, monsieur le ministre, de nous associer à un exercice d’évaluation de l’ensemble de la politique de coopération. Nous y sommes plus que favorables, et souhaitons même que les choses avancent à un rythme plus soutenu.
La France consacre, proportionnellement, deux fois moins de crédits à l’évaluation que la moyenne des autres bailleurs de fonds bilatéraux. Il faut progresser dans ce domaine, pour produire des évaluations de résultats. On ne peut se contenter d’évaluer le bon déroulement des procédures ou le respect d’objectifs de moyens. On ne peut pas manier des milliards sans mesurer les effets de cet argent public dans les pays que nous aidons.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaiterions que vous vous engagiez à mettre en œuvre, en 2012, des évaluations dans les trois domaines suivants.
Concernant les quatorze pays prioritaires, quels sont les moyens mis en œuvre, et pour quels résultats ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Quelle est la place de la France par rapport aux autres bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ? Quel est notre degré de coordination avec eux ?
Par ailleurs, concernant les pays émergents, quels sont nos objectifs ? Quel est le bilan non seulement politique, mais aussi financier, de notre action ?
Enfin, quelle est la cohérence des politiques nationales et des politiques européennes avec les objectifs de notre coopération ? Il faut restituer l’aide publique au développement dans le cadre plus global des politiques et des initiatives ayant une incidence sur le développement.
Voilà trois thèmes que la commission des affaires étrangères souhaite voir traités dans les évaluations décennales et biennales.
Il y aurait évidemment bien d’autres sujets à aborder, notamment la question de la transparence, avec l’adhésion souhaitable de la France à l’initiative internationale pour la transparence de l’aide ou à l’initiative pour la transparence des industries extractives, les questions climatiques, la conférence de Durban débutant aujourd’hui, ou encore la lutte contre la fragmentation de l’aide aux échelons international et communautaire, mais le temps de parole qui m’a été imparti ne me permet pas de le faire…
En conclusion, je vous propose, mes chers collègues, à l’instar de M. Peyronnet, d’adopter ce projet de budget, dans la mesure où il prend en compte les orientations que nous avions formulées quant à la sanctuarisation des crédits et au redressement de l’aide bilatérale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc de la commission. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, mes chers collègues, la présence conjointe parmi nous du ministre chargé de la coopération et du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur signifierait-elle enfin la reconnaissance d’une corrélation entre le développement et les entreprises ?
L’aide publique au développement s’est engagée, à bien des égards, dans un processus de mutations qui concerne tant les intervenants institutionnels que la structure de nos interventions.
À l’issue de ce processus de mue, l’enveloppe traditionnelle, faite de dons et de subventions, fait place à une peau plus neuve et plus souple, où les activités de prêt ont une part importante. Néanmoins, je ne suis pas sûr que cette nouvelle peau soit déjà confortable…
Comment cette évolution est-elle ressentie au sein de l’Agence française de développement ?
Se comportant à la fois en organisme donateur et en banque de développement, l’AFD subit les convulsions mondiales, qui lui imposent de respecter l’exigence de solidarité internationale et de gérer les biens publics mondiaux.
Dans ces conditions, l’aide publique au développement française perd une grande part de sa spécificité. Son découplage de la stratégie économique nationale à l’égard des grands pays émergents et du monde en développement perd également de sa légitimité, car ni les ministères techniques ni les forces vives de notre pays ne participent aux organes de direction de l’agence.
Je suis heureux, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de pouvoir vous poser directement la question suivante : allons-nous prendre acte de ces évolutions majeures et engager une réflexion sur la gouvernance de l’AFD, afin de l’intégrer comme opérateur de la politique économique nationale ?
Par ailleurs, le poids économique des pays émergents et la forte croissance enregistrée par certains pays africains donnent une importante dimension commerciale à la problématique de l’AFD, outre la contribution de celle-ci aux objectifs du Millénaire, orientant ses financements vers des infrastructures marchandes comme celles de l’eau, de l’assainissement, de l’énergie.
Je prendrai l’exemple de l’énergie, domaine dans lequel l’AFD intervient au titre notamment de la lutte contre le changement climatique.
L’AFD alloue des prêts, mais d’autres acteurs comme l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, la DGT, la direction générale du Trésor, parfois des entreprises, contribuent à la réalisation des infrastructures, qui seront, à terme, payées par les usagers. Où est la frontière entre commerce extérieur et aide au développement ?
Je prendrai un autre exemple : les problématiques énergétiques sont-elles à ce point différentes en Chine, au Kazakhstan et en Russie pour qu’elles relèvent toutes les trois de situations différentes au regard de l’AFD, et donc d’intervenants et de logiques d’intervention différents ? Seule la Chine voit coopérer la DGT, l’ADEME et l’AFD ; en Russie sont présentes l’ADEME et la DGT, mais non l’AFD ; au Kazakhstan, l’AFD et la DGT sont appelées à coopérer depuis le mois de juin dernier, l’ADEME étant hors jeu : tout cela est-il bien cohérent ?
La réflexion engagée par l’Allemagne a conduit à une intégration plus poussée de son dispositif institutionnel, lui-même traditionnellement plus interministériel que le nôtre. Il est temps, pour la France, d’engager les réformes nécessaires.
Soyons lucides et concrets : l’AFD travaille trop peu en lien avec les entreprises. Or une telle collaboration est absolument indispensable, au regard du pragmatisme et de l’efficacité économique, pour contribuer à combler l’abyssal déficit de notre balance commerciale.
Parmi les quatre priorités retenues par le Gouvernement, je voudrais mettre en exergue l’action en direction des pays émergents.
Les incompréhensibles prêts à la Chine, l’évaluation des marges bancaires en Inde, l’ouverture de l’expérimentation à des pays trop riches pour être éligibles aux prêts de l’AFD sont à l’origine de bien des interrogations. Pourtant, cette priorité donnée aux pays émergents à enjeux planétaires, dont la croissance constitue un élément significatif de la préservation des biens publics mondiaux, est pertinente. Je partage votre analyse, monsieur le secrétaire d’État : c’est en effet un moyen pour réduire des inégalités et insérer ces pays dans le commerce mondial.
De plus, les prêts aux États n’entraînent aucun coût budgétaire pour la France et permettent un fort effet de levier. Je me réjouis de l’expérimentation de l’intervention de l’AFD dans certains pays de l’Asie centrale, région stratégique économiquement et politiquement en raison de ses richesses et de sa proximité avec l’Afghanistan.
La coopération décentralisée peut être un outil fondamental de l’aide publique au développement si elle prend la forme d’une coopération technique. C’est à ce niveau que les projets très importants pour les populations doivent se mettre en place. Il suffit de considérer, par exemple, les actions en matière de santé en Géorgie que vous avez mises en œuvre, monsieur le ministre. Vous l’avez-vous-même relevé à juste titre, la coopération décentralisée est une part essentielle de l’action extérieure de la France.
Enfin, les financements sont devenus plus difficiles, comme dans toutes les missions. La France maintient difficilement l’objectif européen de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’APD à l’horizon de 2015. Cette année, notre effort sera de 0,46 % du RNB.
Comme je l’ai souligné à propos d’autres missions, il est vital d’être novateur et audacieux. Je suis convaincu de la pertinence des financements innovants, que l’on s’accorde à considérer comme une dimension déterminante de l’effort international consacré au développement. À cet égard, je citerai la taxe sur les billets d’avion mise en place par certains pays, les dividendes tirés des ventes de quotas de CO2, hélas ! non encore totalement opérationnels en raison des difficultés financières des États, la taxe sur les transactions financières qui fait son chemin et qui a un été un peu plus qu’évoquée lors du G20 « développement ».
Enfin, au-delà de ces financements innovants, je suis persuadé que les fondations philanthropiques, donc privées, vont jouer un rôle de plus en plus important.
Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !
M. Aymeri de Montesquiou. Ainsi, la fondation Clinton œuvre en faveur de la santé et des vaccins et la fondation Gates, qui concentre son action sur les innovations en matière de santé, s’ouvre à l’agriculture et à l’alimentation. En effet, nourrir les quelque 7 milliards de Terriens est le défi majeur que nous avons à relever. Le G20 « agriculture » a abordé les questions de la production agricole mondiale, de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la volatilité des prix agricoles.
La fondation de l’Aga Khan, exemple emblématique de ces fondations privées, est très présente en Asie centrale. Malgré les difficultés rencontrées dans la stratégie et la gestion de l’aide au développement, l’Aga Khan a pu constater, dans des pays qui se considéraient comme abandonnés par la communauté internationale, la réalisation effective de ses projets dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé, du développement rural et économique, mais aussi de l’énergie. Comme il a pu l’affirmer, « le développement, ça marche » ! Oui, mais à condition de rendre plus lisible, plus cohérente et plus forte notre aide publique au développement.
En conclusion, je citerai ces propos tenus à Davos par le Premier ministre canadien, M. Stephen Harper : « J’ai pu voir le leadership mondial à son meilleur. L’aperçu d’un avenir plein d’espoir, où nous agissons ensemble pour le bien de tous. […] C’est la “souveraineté éclairée”. »
Le groupe de l’UCR votera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d’emblée souligner la qualité du rapport de M. Yvon Collin et de Mme Fabienne Keller et, plus particulièrement encore, celle du rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon. Je serai plus sévère en évoquant les choix proposés par le Gouvernement…
En ce qui concerne le budget de l’aide publique au développement, les années se suivent et, malheureusement, se ressemblent. Derrière les grands discours et les promesses empreints de générosité, on découvre une triste réalité : l’action de la France n’est pas à la hauteur des enjeux, et surtout de ses engagements.
Alors que la crise enfonce encore un peu plus les pays les plus pauvres dans le chaos, il faut bien admettre que la France considère souvent, à bien des égards, l’aide publique au développement comme une variable d’ajustement de son propre budget.
Au plan mondial, même si notre pays a été, en 2010, le troisième bailleur de fonds, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, les professionnels du secteur s’inquiètent de la diminution, depuis dix ans, de la part de la France.
En 2010, l’aide publique française au développement a difficilement atteint 0,5 % du revenu national brut, retrouvant ainsi tout juste le niveau des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. En 2011, notre aide ne représentera que 0,46 % du RNB et, pour 2012, vous envisagez « audacieusement », monsieur le ministre, de la porter à 0,5 % du RNB.
Ces chiffres illustrent parfaitement les choix du gouvernement actuel : ils sont sans ambition et emportent des conséquences douloureuses pour les pays concernés.
À de nombreuses reprises, et de façon solennelle, la France s’est pourtant engagée à porter son APD à 0,7 % du revenu national brut en 2015. En raison d’une absence de volonté politique et faute d’une programmation budgétaire adaptée, notre pays, sauf à prendre des orientations sensiblement différentes dans les années qui viennent, n’atteindra pas cet objectif en 2015.
L’excellent rapport de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est d’ailleurs très clair sur ce point. Pour tenir l’engagement pris, il faudrait porter l’APD française à plus de 17 milliards d’euros en 2015, ce qui suppose une augmentation annuelle de l’APD de 17 % de 2012 à 2015 : disons-le, les politiques de rigueur imposées par le Gouvernement rendent cet objectif inatteignable.
Pour avoir une chance de remplir ces engagements, à l’instar du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou de la Suède, il aurait surtout fallu, dès 2007, établir un plan budgétaire progressif, en clair une feuille de route !
En privilégiant la visibilité médiatique plutôt que la cohérence, la politique française de l’aide au développement a parfois perdu de sa crédibilité. On constate un manque de cohérence du fait des promesses successives non tenues, mais également un manque de cohérence et de clarté en raison de la dispersion de l’aide française.
D’une part, cette année encore, c’est un véritable projet de budget « fourre-tout » qui nous est soumis, comportant des crédits certes importants et nécessaires, comme ceux qui sont destinés à l’accueil d’étudiants étrangers ou à l’hébergement des demandeurs d’asile, mais qui n’ont sans doute pas leur place dans le budget de l’aide au développement.
D’autre part, la moitié de notre aide transitant par des organismes multilatéraux et européens, la France perd de sa visibilité et compromet son influence. En effet, pour peser dans les nouveaux rapports de force mondiaux, notre pays doit illustrer sa crédibilité par ses engagements financiers. De plus, en abandonnant petit à petit l’aide bilatérale, nous délaissons un élément essentiel de notre rayonnement international.
Je veux également insister sur la mystification que représente une large part de nos crédits.
En effet, la légère hausse de notre APD pour 2012 s’explique par de nouvelles annulations de dettes, lesquelles ont très peu d’incidence sur le développement. Certes, cela constitue une perte de créances pour l’État français, mais, dans la plupart des cas, ces dettes étaient considérées comme irrécouvrables. Par conséquent, je regrette que l’on présente sans nuance ces annulations de dettes comme une aide au développement.
Le Gouvernement a également choisi de poursuivre sa politique, à mon sens dangereuse, de prêts accordés par l’Agence française de développement. En confiant la mise en œuvre de son action en matière de coopération à une agence qui se comporte d’abord comme un établissement bancaire, la France ne démontre-t-elle pas son manque d’ambition, d’autant que certains prêts sont proposés à des conditions de taux et de durée proches de celles du marché ? On peut ainsi légitimement s’interroger sur le caractère d’« aide » de ces prêts et sur le risque qu’ils représentent au regard de la crise du surendettement des pays bénéficiaires de l’aide au développement.
Alors que l’Agence française de développement a élargi ses zones d’intervention de 30 % depuis 2005, je regrette qu’à aucun moment le Parlement n’ait été associé à ces choix stratégiques. Plus généralement, je m’interroge à mon tour sur les moyens que nous nous donnons en matière d’évaluation et de contrôle de l’utilisation et de l’efficacité de l’aide. Ne pourrions-nous pas prendre en compte la méthode pratiquée par d’autres pays – je pense, par exemple, au Royaume-Uni – et adapter nos critères, voire corriger nos éventuelles défaillances, afin de répondre efficacement aux immenses besoins ?
En ces temps d’austérité budgétaire, la France doit montrer l’exemple et encourager la mise en œuvre de financements innovants, plus indépendants des budgets nationaux. La taxe sur les transactions financières est, de ce point de vue, une solution qu’avec d’autres nous préconisons, ici et ailleurs, depuis des années. Les revenus de cette taxe permettraient aussi de compenser en partie les effets d’une mondialisation aujourd’hui dominée par les marchés.
Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, vous vous êtes réjoui que le communiqué consécutif au sommet du G20 de Cannes fasse, pour la première fois, référence à une taxe sur les transactions financières.
M. Robert Hue. Il est plus que temps de passer des déclarations aux actes ; cette taxe ne doit surtout pas devenir un serpent de mer que l’on met à toutes les sauces !
Je conclurai mon propos en évoquant l’Afrique.
Si la coopération française fait toujours de l’Afrique subsaharienne une zone prioritaire, il n’en demeure pas moins que, dans les faits, les objectifs ont été difficiles à atteindre ces dernières années, en raison de la diminution des crédits de subventions de l’aide bilatérale.
La vérité, c’est que la France – j’entends par là son gouvernement – ne se donne pas les moyens de financer une politique de coopération à la hauteur de ses ambitions. À un moment où l’Afrique noue des partenariats de plus en plus importants avec les pays émergents, il n’est pas compréhensible que la France et l’Europe soient en retrait.
Au final, je constate que ce projet de budget de l’aide publique au développement pour 2012 cache, derrière une sanctuarisation qui ne doit pas faire illusion, un nouveau recul. Ces crédits ne nous permettront pas de respecter nos engagements du Millénaire ni de répondre à des besoins décuplés par une crise financière, climatique et alimentaire gravissime.
Voilà autant de raisons, pour mon groupe, de ne pas voter les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période de crise économique et financière, la tentation pouvait être forte d’utiliser l’aide publique au développement comme variable d’ajustement. Aussi est-ce une vraie satisfaction que de constater la préservation de ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2012 et le respect des engagements du cycle triennal budgétaire.
Je tiens à saluer la détermination du président Nicolas Sarkozy, qui, notamment lors du sommet du G20 de Cannes, a souligné que la crise ne devait pas être une excuse pour diminuer notre aide publique au développement mais que, au contraire, elle rendait la coopération avec les pays en développement plus nécessaire et urgente que jamais, tant dans leur intérêt que dans le nôtre. Monsieur le ministre, je tiens également à vous remercier de votre grande vigilance sur ce sujet.
Ainsi, l’aide publique au développement est en hausse depuis 2007 et la France est le troisième pourvoyeur mondial d’aide au développement, même si on ne peut que regretter que l’objectif d’y consacrer 0,7 % du revenu national brut, déjà dépassé par certains pays du nord de l’Europe, soit encore loin d’être atteint.
Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur deux dimensions qui me semblent avoir été quelque peu laissées de côté dans le présent projet de loi de finances, alors même qu’elles sont au cœur de la stratégie française pour la coopération au développement, telle que définie dans le document-cadre d’avril 2011 : il s’agit, d’une part, de la prise en compte des questions de genre, et, d’autre part, des engagements français au titre de l’initiative pour un socle universel de protection sociale.
« Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » est le troisième des huit objectifs du Millénaire pour le développement adoptés sous l’égide de l’ONU. La création d’ONU Femmes atteste aussi de l’importance croissante accordée à cette question.
Le document-cadre sur la stratégie française de coopération qualifie quant à lui la promotion du statut de la femme de « haute priorité », soulignant que « celui-ci se révèle un puissant moteur de développement ».
Mais cette priorité doit encore trouver réellement sa traduction en termes de choix opérationnels et budgétaires. À cet égard, je constate que la dimension du genre est cruellement absente de la planification budgétaire pour 2012. Hormis le soutien à l’initiative Muskoka, la prise en compte de cette thématique n’est spécifiée dans aucun des axes prioritaires de coopération présentés dans les documents budgétaires, alors même que les enjeux en matière de lutte contre la pauvreté, de gouvernance ou de codéveloppement appelleraient à des actions spécifiques en faveur du renforcement de la participation des femmes. Cette omission surprend, à l’heure où le rôle des femmes dans les printemps arabes est unanimement salué, y compris par le jury du prix Nobel.
Je me réjouis, bien sûr, que, sur le plan multilatéral, dans le cadre de l’initiative de Muskoka sur la santé maternelle et infantile, la France ait joué un rôle important pour que des financements internationaux soient consacrés à l’amélioration de la santé des jeunes filles et des jeunes mères. Je salue également la dotation de 25 millions d’euros en faveur de cette cause au titre de notre coopération bilatérale.
Toutefois, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte la dimension du genre au-delà de la seule question de la santé des mères et des jeunes filles.
Déjà, en 2007, le document d’orientation stratégique sur le genre réalisé sous l’égide du Quai d’Orsay soulignait la difficulté de la France à prendre en considération, dans son aide au développement, la question du genre en dehors des secteurs de l’éducation, de la santé et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Quatre ans plus tard, où en sommes-nous ?
Nous ne pouvons plus considérer les femmes comme un groupe « vulnérable » qu’il conviendrait de protéger. Il est essentiel de voir aussi en elles des actrices stratégiques pour le développement et, en conséquence, de leur donner les moyens d’apporter leur contribution non seulement dans les sphères de la famille et du social, mais aussi dans les choix économiques, politiques et environnementaux.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Tout à fait !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pour éviter un saupoudrage lié à des intentions louables, mais parfois purement incantatoires, il est indispensable d’adopter une budgétisation tenant compte du genre. Celle-ci permettrait de contrôler la façon dont les budgets de la coopération française répondent aux besoins prioritaires des femmes et des filles, non seulement en matière de santé publique et de réduction de la pauvreté, mais aussi en termes d’égalité des droits et d’accès des femmes aux responsabilités économiques et politiques.
Les instruments pour ce faire existent. Le Fonds de développement des Nations unies pour la femme, l’UNIFEM, a élaboré un manuel en ce sens et un gros travail a déjà été réalisé en lien avec le Comité d’aide au développement de l’OCDE. Mais il reste à appliquer systématiquement le mainstreaming et ces « marqueurs de l’égalité des sexes » à tous nos projets de coopération, tant en amont, lors de la planification des interventions, qu’a posteriori, au moment de leur évaluation.
Un tel effort d’amélioration de la lisibilité des financements liés au genre s’inscrirait parfaitement dans l’esprit de la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement de 2005 et du quatrième forum sur l’efficacité de l’aide, qui commence demain à Busan. Il faudrait aussi l’appliquer à notre aide bilatérale, notamment celle qui est octroyée sous forme de subventions. Ne serait-il ainsi pas possible qu’une part du budget de la division du partenariat avec les organisations non gouvernementales de l’Agence française de développement soit affectée aux actions de lutte contre les discriminations subies par les femmes et les filles ?
Le service du ministère des affaires étrangères et européennes chargé des questions de genre réalise déjà un formidable travail de coordination, mais il est essentiel de dégager un budget spécifique pour ces questions.
La dotation de 3 millions d’euros accordée en 2009 à un fonds de solidarité prioritaire triennal « genre et économie » a constitué un véritable progrès vers une meilleure intégration des questions de genre dans notre aide publique au développement. La participation de douze ONG françaises et de leurs partenaires du Sud, ainsi que la concertation étroite avec les postes diplomatiques, semblent particulièrement exemplaires en termes de pilotage et d’implication de la société civile. Trois ans plus tard, peut-on tirer des leçons de cette expérience ? Une capitalisation de cette expérimentation à plus grande échelle sur le plan des orientations stratégiques en faveur de l’égalité entre femmes et hommes est-elle prévue ?
Le second sujet sur lequel je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, est celui du socle universel de protection sociale. La présidence française du G20 a réellement joué un rôle moteur pour placer cette thématique au cœur de l’ordre du jour international. C’est pourquoi je m’étonne que cette priorité stratégique nouvelle semble quelque peu oubliée des prévisions budgétaires.
Depuis le sommet de Pittsburgh, en 2009, sous l’impulsion de l’Organisation internationale du travail et de la commission Bachelet, la communauté internationale reconnaît l’importance des systèmes de protection sociale, en matière tant d’assurance santé que de garantie d’un revenu minimum.
La protection sociale n’est pas un luxe de pays développés ; c’est un instrument essentiel de lutte contre la pauvreté, d’amortissement des conséquences sociales des crises économiques et de stabilité sociale. La coopération française œuvre à la mise en place de systèmes de santé plus efficaces. C’est excellent, mais il est indispensable, en parallèle, d’aider les gouvernements à mettre en place des dispositifs de protection sociale rendant l’accès aux soins réellement possible pour les populations.
La mise en place de socles de protection sociale dans chaque pays est rendue plus urgente encore par l’évolution démographique. De nombreux pays en développement vont devenir « vieux » avant d’être devenus « riches ». La proportion des plus de soixante ans va doubler en Chine d’ici à 2020 ! De plus, la mise en place d’allocations sociales ou familiales conditionnées, par exemple, à la scolarisation des enfants ou à leur suivi médical peut jouer un rôle de levier considérable.
L’instauration de dispositifs de protection sociale plus étoffés dans les pays en développement ne répond pas qu’à des préoccupations humanistes, que certains pourraient juger naïves ; elle s’inscrit dans une logique gagnant-gagnant pour les pays du Nord.
D’abord, elle contribuerait à résorber les déséquilibres du commerce mondial en élevant les coûts salariaux dans les pays du Sud et en favorisant l’émergence d’un marché intérieur dans ces derniers : en résumé, moins de dumping social et plus de débouchés commerciaux à l’étranger pour nos entreprises.
L’amélioration de l’accès aux systèmes de santé limiterait aussi les phénomènes de tourisme médical. Il me semblerait donc souhaitable de renforcer sur ces sujets les budgets d’assistance technique et de convaincre nos partenaires internationaux d’en faire autant. Monsieur le ministre, un appui au développement de réseaux internationaux sur cette thématique est-il prévu ?
À l’heure où, enfin, la réflexion sur les financements innovants prend de l’importance dans le débat public, avec, notamment, la taxe sur les transactions financières, qu’il me semble bien sûr indispensable de créer, le champ de la protection sociale offre des occasions de promouvoir les bonnes pratiques. Je pense notamment à l’initiative du groupe Danone pour garantir une couverture en matière de santé à l’ensemble de ses salariés dans le monde, quelle que soit leur nationalité. Mais une réflexion est aussi à mener en termes de fiscalité des fondations, afin d’encourager les donateurs privés à investir dans ces programmes.
Je terminerai en rappelant la principale conclusion du rapport Bachelet : oui, il possible de bâtir un socle de protection sociale de bonne qualité avec un investissement modeste. Il suffirait pour cela à un pays en développement dont le taux de croissance est de 5 % d’y consacrer 0,5 % des fruits de cette croissance pendant une décennie. Un « coup de pouce » de notre part serait alors décisif pour accélérer le processus. La mobilisation de l’aide publique au développement selon cette thématique pourrait devenir le modèle d’une coopération réussie, dans laquelle l’aide internationale jouerait un rôle de catalyseur avant que les gouvernements du Sud ne prennent le relais. Ce serait là un moyen plus efficace et réaliste que la « démondialisation » pour lutter contre les délocalisations et la perte de compétitivité de nos entreprises, tout en améliorant le bien-être et la dignité des populations des pays en développement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si la France est une puissance moyenne à vocation universelle, c’est parce qu’elle est capable d’avoir une vision du monde qui dépasse ses propres intérêts. Notre aide au développement est là pour en témoigner.
Ce fut longtemps l’honneur de la France que d’être à la tête de la lutte contre le sous-développement, d’agir sans relâche pour l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, à la vie, à la santé, à l’éducation, qu’on soit né à Paris, à Ziguinchor ou à Ndjamena.
C’est également l’intérêt des Français que de contribuer à l’avènement d’un monde plus sûr. La persistance du terrorisme, la résurgence de la piraterie, le retour des pandémies ont bien montré que le sous-développement constituait un terreau favorable à des menaces qui touchent les pays du Sud aussi bien que ceux du Nord et dont nul ne sera à l’abri.
Pourtant, les ambitions de la France en matière d’aide au développement ont significativement faibli.
Nous sommes fiers de déclarer à l’OCDE 10 milliards d’euros d’aide publique au développement, mais nous savons tous ici que ce chiffre ne correspond aucunement à la réalité des financements véritablement disponibles pour des projets de coopération sur le terrain au Tchad, au Mali ou au Niger. Je ne vous parlerai pas des centaines de millions d’euros que nous déclarerons au titre de l’accueil des réfugiés ou des étudiants étrangers en France, du loyer de la Maison de la francophonie ou des subventions à des territoires d’outre-mer français : tout cela est connu.
Prenons simplement l’exemple des prêts que nous octroyons à la Chine. Le Gouvernement nous assure que ceux-ci ne comportent plus de bonification et qu’ils contribuent à la défense des entreprises françaises, lesquelles devraient donc se redresser ! Voilà plusieurs centaines de millions d’euros qui sont déclarés au titre de l’aide publique au développement, alors qu’il ne s’agit ni d’une aide, ni d’un effort public, ni même de développement. C’est dire si nous mesurons notre générosité au moyen d’un thermomètre largement faussé !
Je crois que les autorités françaises, toutes majorités confondues, ont fini par croire elles-mêmes à ces chiffres, alors que, en réalité, depuis une dizaine d’années, nos moyens d’intervention en subventions dans les zones prioritaires de la coopération française – je veux parler de l’Afrique subsaharienne et des quatorze pays prioritaires – sont en diminution, comme l’a souligné Jean-Claude Peyronnet.
La réalité, c’est que notre coopération s’est éloignée, sans le dire, de son « cœur de métier », de l’Afrique subsaharienne et des secteurs traditionnels de l’éducation et de la santé. Entendons-nous bien : je me félicite de ce qu’elle se soit émancipée des pays qui composaient ce qu’on appelait le « champ », pour ne pas dire les ex-colonies. Il est important de tisser des partenariats durables avec de nouveaux pays émergents. L’Agence française de développement le fait avec professionnalisme, et à un coût budgétaire très limité.
Ce qui nous inquiète, c’est la diminution des moyens budgétaires pour intervenir sous forme de subventions dans des pays dont la capacité d’endettement est limitée, voire nulle.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Les exemples à cet égard sont nombreux ; je prendrai celui de l’éducation.
Alors que la France a joué un rôle moteur dans la mise en place des fonds internationaux « fast track » destinés à la scolarisation primaire universelle, la diminution des crédits de subventions consacrés à l’éducation ne permettra pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de tenir les engagements pris en faveur de la scolarisation de 8 millions d’enfants d’Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d’abandonner notre soutien au système éducatif de ces pays, qui sont pourtant l’espoir de la francophonie.
M. Jacques Legendre. C’est vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Nous rêvons de 600 millions de francophones en Afrique en 2050, mais regardons la réalité en face : dans des pays comme le Sénégal ou le Mali, 10 % de la population tout au plus sait lire et écrire le français. Les systèmes éducatifs de ces pays sont exsangues et s’effondrent sous le poids d’une jeunesse qui représente, au sud du Sahara, les deux tiers de la population.
Il faudrait parler de l’agriculture, si essentielle à la sécurité alimentaire du continent ; nous avions un savoir-faire reconnu dans ce domaine, que nous avons trop longtemps délaissé.
La diminution des subventions au titre de notre aide bilatérale ne nous empêche pas de multiplier les promesses, mais l’Afrique n’a pas besoin de belles paroles ! Si nous voulons réinventer notre relation avec les pays africains, il nous faut commencer par clarifier nos engagements, à l’aune de nos moyens, et les tenir.
Il existe une Afrique dynamique, une Afrique qui, dans son développement, a enjambé l’étape du téléphone fixe pour passer directement au portable et à internet. À Accra, à Pretoria et ailleurs, le taux de croissance est de 5 %. Cette Afrique-là est courtisée par les pays émergents ; elle a besoin d’investisseurs et de financements publics et privés sous forme de prêts.
Mais de telles régions côtoient une Afrique de la misère, une Afrique sans eau courante ni électricité, une Afrique dont l’économie de subsistance est plus que jamais soumise aux aléas des saisons, des cours des matières premières et du réchauffement climatique. Des territoires immenses, à l’image du Sahel, ont été désertés par des administrations impuissantes à en assurer le développement.
Cette Afrique-là, dont nous disons faire notre priorité, a besoin de nos subventions. Or nous la délaissons progressivement. Je ne citerai que deux chiffres pour illustrer ce fait : les subventions aux quatorze pays prioritaires sont passées, de 2005 à 2009, de 219 millions d’euros à 158 millions d’euros, soit une baisse de près de 30 %.
En 2010, l’AFD n’a consacré que 8 % de son activité de subventions, de prêts et de garanties à ces pays, dont on a estimé qu’ils étaient le cœur de cible de notre coopération. Je le répète, nous ne sommes pas opposés à la stratégie mondiale de l’AFD, surtout si elle permet de dégager une marge bancaire susceptible d’être réinvestie en Afrique subsaharienne. Mais lorsqu’on constate que, faute de moyens en subventions, l’opérateur pivot de la coopération française déploie 92 % de ses engagements en dehors de la cible prioritaire unanimement définie par les pouvoirs publics, on ne peut être que dubitatif.
M. Robert Hue. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Même à l’échelon de l’Afrique, les quatorze pays prioritaires ne représentent que 24 % des engagements de l’AFD. Cela signifie que notre coopération préfère travailler dans les pays africains les plus développés, qui sont souvent les moins francophones…
Certes, l’aide au développement ne peut pas tout. Mais, entre risques et opportunités, elle peut faire pencher le fléau de la balance du bon côté. Il revient aux Africains de décider pour eux-mêmes. Les mieux intentionnés de leurs amis ne pourront se substituer à leurs choix d’investissements, à leur combat pour la démocratie et la croissance.
Dans un monde dont le centre stratégique est en train de se déplacer vers l’Asie, l’Europe a autant besoin du développement de l’Afrique que l’Afrique de notre aide au développement.
Monsieur le ministre chargé de la coopération, vous avez hérité d’une situation budgétaire dont vous n’êtes guère responsable. Nous avons noté, depuis votre entrée en fonctions en 2011, une tentative de redressement de l’aide bilatérale et des moyens en subventions allant dans le sens des préconisations de la commission. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, malgré un regard critique sur les équilibres financiers de la coopération, a voté ce projet de budget, estimant qu’il reflétait le début d’un redressement.
Toutefois, il faut regarder la situation en face : compte tenu de l’état de nos finances publiques, nous ne pourrons pas honorer nos engagements pour 2015 et financer l’effort en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique si nous ne développons pas de nouvelles sources de financement. C’est notre conviction, c’est la vôtre, c’est aussi celle du Président de la République, qui, lors du sommet du G20, avait jugé que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières était « techniquement possible, financièrement indispensable et moralement incontournable ».
De ce point de vue, je ne peux que m’étonner que ni le Gouvernement ni le groupe UMP n’aient approuvé l’amendement que le Sénat a adopté sur l’initiative de la commission des affaires étrangères et de celle des finances. Nous avons tous nos contradictions, mais, avouez-le, vous aviez là l’occasion de faire avancer l’idée de créer une taxe à l’assiette très large et au taux très bas, ce qui permettrait à la France de montrer l’exemple sans prendre de risques excessifs en matière de délocalisations. Il est dommage, monsieur le ministre, qu’il y ait loin des paroles aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conditions d’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » me laissent perplexe.
Le document de politique transversale destiné à éclairer le Parlement sur l’ensemble des orientations globales de la politique de coopération de la France ne nous a pas été transmis en temps utile. Au-delà, je note que les deux rapporteurs spéciaux, M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, n’ont pu obtenir de l’Agence française de développement les données actualisées nécessaires à l’examen approfondi des crédits de la mission. Ce que je dis crument, Yvon Collin l’a exprimé avec élégance tout à l’heure.
Sur le fond, comment ne pas être perplexe devant le maintien de Mayotte, devenue département français le 1er janvier dernier, sur la liste des bénéficiaires de l’aide bilatérale dispensée par notre pays ?
M. Christian Bourquin. En matière d’aide publique au développement, force est de constater que le Gouvernement a emprunté, depuis 2007, une voie radicalement différente de celle qui prévalait auparavant, en faisant relever d’un même ministère immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire. Nous sommes nombreux, sur ces travées, à ne pas regretter la disparition de ce ministère…
Désormais placée sous la triple tutelle de Bercy, de la place Beauvau et du Quai d’Orsay, l’aide publique au développement semble toutefois subir l’influence de plus en plus marquée des deux premiers de ces ministères : elle tend à privilégier, en effet, des considérations marchandes et sécuritaires. C’est la philosophie même de l’aide au développement qui a été ainsi pervertie. Sa finalité a changé : il s’agit davantage, dorénavant, de limiter les flux migratoires que de tenir compte de considérations humanistes.
C’est bien ce nouveau paradigme qui sous-tend les actions de la mission « Aide publique au développement », avec le conditionnement du versement des aides à la signature d’accords de retour au pays, l’octroi de prêts bonifiés plutôt que de subventions, le délaissement des pays les plus pauvres au profit de ceux qui, parce qu’ils sont émergents, offrent des perspectives commerciales plus alléchantes !
Au total, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a clairement fait le choix de conduire, en matière d’aide au développement, une politique aussi tiède dans les actes qu’elle est opportuniste dans les annonces.
C’est ainsi que le Président de la République a profité de la tenue du sommet du G20 à Cannes, au début du mois de novembre, pour organiser une réunion des États membres consacrée au développement. Si l’initiative est louable, elle ne saurait faire oublier que, de toute évidence, les engagements qu’il a pris à Doha voilà trois ans ne seront pas tenus. Sur ce point, invoquer la crise économique ne saurait camoufler ce qui relève, en réalité, d’un choix politique.
La preuve en est que des pays comme la Belgique et le Royaume-Uni ont su se donner les moyens de remplir leurs objectifs en matière d’aide au développement, en respectant le ratio entre l’aide accordée et le revenu national brut fixé comme seuil transitoire à atteindre en 2010.
En l’état actuel des choses, les sénateurs du groupe RDSE, prenant acte de la relative stabilité des crédits de la mission « Aide publique au développement », s’abstiendront.
Pour ma part, eu égard au revirement récent opéré par le Président de la République, qui a fini par faire sienne l’idée d’instaurer une taxation sur certaines transactions financières,…
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Il la défend depuis longtemps !
M. Christian Bourquin. … dont « une partie à définir, majoritaire », pour reprendre ses propres termes, du produit devrait être affectée au développement, je veux espérer que ce qui pour l’instant demeure de l’ordre du slogan trouvera bientôt une traduction dans les actes.
L’appel à la recherche de solutions complémentaires innovantes que le Président de la République a lancé lors de la réunion du G20 à Paris, le 21 octobre dernier, mériterait également de ne pas rester sans suite. Une fois encore, c’est du côté de nos expériences locales que certaines de ces solutions peuvent être trouvées.
Nos régions, par exemple, sont aujourd’hui engagées dans des projets de coopération décentralisée partout dans le monde. Il en a été question, tout à l’heure, lors de l’examen des crédits du programme « Tourisme ». Malgré la crise, elles n’ont pas cessé d’investir. Elles n’ont pas non plus déserté les pays soumis à des épisodes de grande violence : le maintien de leur présence à Madagascar est une illustration exemplaire de ce fait.
Le mode opératoire des régions en matière de coopération est particulièrement intéressant : agissant, bien entendu, dans le droit fil de notre politique étrangère et dans le respect des droits de l’homme, elles interviennent, dans le cadre de leurs compétences, sur une demande économique. Elles dialoguent avec les collectivités ou les villes bénéficiaires, sans exercer de rapport de force ; leur intervention repose sur la recherche de partenariats dont chaque partie prenante tire bénéfice. Parler de « gabegie » à ce propos serait leur faire offense !
Pour les aider à développer leur action, il serait bon que le Gouvernement agisse auprès de l’Union européenne afin de faire reconnaître la particularité de leurs interventions – mais je doute, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous soyez persuadés de l’utilité d’une telle démarche –, qu’il faut distinguer de celles des organisations non gouvernementales. Il faudrait obtenir qu’une plus grande place soit donnée aux collectivités territoriales au titre du programme européen « acteurs non étatiques et autorités locales dans le développement », dont seulement 20 % des crédits leur sont destinés à l’heure actuelle.
Mes chers collègues, sur le fondement de ce constat mitigé, je m’abstiendrai, comme mes collègues du groupe RDSE, lors du vote des crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le contexte nouveau que connaît le Sénat depuis près de deux mois, il pourra sembler paradoxal que je salue, en préambule à mon intervention, le nouveau président de la commission des affaires étrangères, M. Carrère, mais cet hommage est parfaitement sincère. Depuis son élection, il a fait preuve d’un esprit d’ouverture tout à fait républicain dans l’organisation de nos travaux, en reprenant, pour l’amplifier, la pratique des doubles rapporteurs, l’un appartenant à la droite, l’autre à la gauche, qu’avait introduite le président de Rohan et qui rend notre travail plus intéressant et certainement plus efficace.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Merci, monsieur Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, laissons un instant les chiffres et prenons une carte…
Lorsque l’on considère le sud de la planète, on observe que le monde dit « en développement » est, en réalité, en effervescence.
Je ne parlerai pas des pays émergents, dont l’essor économique et diplomatique est en train de modifier les équilibres géopolitiques du monde. Laissons aussi de côté, avant d’y revenir tout à l’heure, les printemps arabes, qui constituent, pour le Maghreb, un tournant historique.
Concentrons-nous plutôt sur le continent africain. Nous voyons que, à côté de la famine sévissant dans la Corne de l’Afrique et de la déliquescence d’un certain nombre d’États du Sahel, il y a des pays, des régions qui, depuis plus de dix ans, bénéficient d’une croissance très largement supérieure à la nôtre. Plus que jamais, l’Afrique est un continent de contrastes ; plus que jamais, la notion de « pays en développement » est dépassée.
Devant ces évolutions, notre politique de coopération n’est, fort heureusement, pas restée inactive ; elle a même fait preuve d’une grande capacité d’adaptation, par un renouvellement de ses structures, de ses modes d’intervention et de sa stratégie.
À cet égard, il faut vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour avoir fait adopter coup sur coup, en l’espace de deux ans, un document-cadre de coopération au développement qui renouvelle complètement notre stratégie pour les dix prochaines années et le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement, qui constitue sa déclinaison opérationnelle.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. C’est vrai !
M. Christian Cambon. Malgré des délais très courts, vous avez su, en outre, associer pleinement le Parlement à l’élaboration de ces documents ; nous savons que vous y êtes très attaché.
Mes chers collègues, les temps ont changé : nous n’en sommes plus à l’époque du forage des puits, même s’il est évident que beaucoup doivent encore être construits. Aujourd’hui, notre politique de coopération cherche à créer des coalitions d’acteurs, bilatéraux et multilatéraux, publics et privés, pour obtenir, avec nos partenaires africains, des résultats concrets dans des secteurs fondamentaux comme ceux des infrastructures, de l’éducation, de l’économie, de la santé ou de l’agriculture.
Bien sûr, nous aurions souhaité une France plus riche, un déficit et une dette moindres. Nous aurions voulu pouvoir être à la tête d’une coalition capable de financer un véritable « plan Marshall » des infrastructures régionales africaines et de créer les conditions d’un renouveau de l’agriculture, pour faire face au défi alimentaire. Nous aurions voulu être les acteurs d’une éradication des épidémies qui tuent encore des millions d’Africains et d’un renforcement des systèmes éducatifs francophones, qui doivent faire face à un doublement de la population africaine.
Mais voilà, il nous faut faire avec ce que nous sommes devenus : un pays endetté. Dans ce contexte, la sanctuarisation du budget de la coopération est un soulagement. Puisque nous ne pouvons pas poursuivre tous nos objectifs avec autant d’intensité que nous l’aurions souhaité, il nous faut concentrer notre action selon quelques priorités.
Pour ma part, j’en distingue trois : le développement du Sahel, l’accompagnement des printemps arabes et l’essor d’une coopération triangulaire avec les pays émergents.
Les pays du Sahel sont confrontés à des défis économiques, démographiques et alimentaires majeurs. Certaines régions sont en train de devenir des zones de non-droit, où prolifèrent des trafics en tout genre et un nombre croissant de cellules terroristes. Notre politique de coopération doit apporter un soutien aux populations de ces pays. Il nous faut aider au rétablissement des services essentiels et conforter les États de cette région dans l’exercice de leurs missions régaliennes. Nous ne pouvons pas laisser le Sahel s’enfoncer dans un sous-développement qui fait le lit du terrorisme. Une solution uniquement militaire ne serait pas viable et risquerait même d’être contre-productive.
S’agissant de l’accompagnement des printemps arabes, il n’est nul besoin de souligner combien la réussite de ce processus historique est importante pour tous. Parce que la clé en sera la capacité des pays du Maghreb à favoriser la création d’emplois, nous devons les accompagner dans leur développement industriel : c’est notre intérêt commun. Le décollage économique d’un Maghreb démocratique peut être une chance pour l’Europe ; son échec ferait peser une menace sur la stabilité de notre continent.
Dans ces pays, nous intervenons essentiellement sous la forme de prêts ; il nous faudra aussi verser des subventions pour accompagner la réforme de la gouvernance. Les majorités qui ont remporté les élections en Tunisie et au Maroc et celles qui, demain, pourraient les remporter en Égypte et en Libye suscitent évidemment des inquiétudes. Mais nous n’avons pas à dicter leur conduite à des pays qui ont pris leur destin en main !
Nous pouvons, en revanche, grâce à la coopération, les aider à conforter leur démocratie. De ce point de vue, monsieur le ministre, on ne peut que se féliciter des résultats du sommet de Deauville. Sur le plan de la méthode, le partenariat de Deauville constitue un modèle de coordination entre bailleurs de fonds, nationaux et multilatéraux, publics et privés. C’est un exemple de ce que notre diplomatie peut faire de meilleur ! Toutefois, concernant le montant des financements annoncés, le Parlement devra rester vigilant, pour que les promesses soient tenues.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Christian Cambon. S’agissant enfin des partenariats triangulaires avec les pays émergents, le sommet du G20 n’a pas été le succès que nous attendions en matière de développement, même s’il y a eu des résultats concrets, exagérément passés sous silence, comme la mise en place d’un système de réserves alimentaires humanitaires d’urgence ou le financement de projets d’infrastructures régionales exemplaires.
D’autres questions, qui n’ont pas donné lieu à des mesures concrètes, s’imposent aujourd’hui de manière incontournable dans l’agenda du G20 : c’est le cas de la production agricole, de la sécurité alimentaire, de la mise en place d’un filet minimal de protection sociale et de la taxe sur les transactions financières.
L’un des enseignements du G20 est évidemment que nous n’avancerons pas sans construire de véritables partenariats avec les pays émergents. Ces pays ont une formidable expérience d’un développement économique rapide et disposent d’une capacité de financement qui nous fait aujourd’hui défaut. De notre côté, du fait de l’histoire et de la géographie, nous avons avec l’Afrique une relation d’intimité. Multiplier, sur le terrain, les expériences de coopération triangulaire est donc une nécessité stratégique.
Le projet de budget qui nous est présenté permet-il de répondre à ces trois priorités ?
Je le répète, nous devons nous féliciter de ce que, dans leur ensemble, les moyens de la coopération soient préservés. Pour avoir de l’aide au développement une vision plus approfondie, il faut considérer trois grandes masses : les contributions multilatérales et leur répartition, l’enveloppe des subventions et celle des bonifications des prêts de l’AFD.
M’étant déjà exprimé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, sur la question des contributions multilatérales, je n’y reviendrai pas.
C’est assurément pour l’enveloppe des subventions qu’il faudrait trouver des moyens supplémentaires, afin d’être plus en phase avec nos priorités géographiques. Je me félicite du mouvement de redressement de l’aide bilatérale opéré depuis 2011 ; les membres du groupe UMP estiment qu’il devra être prolongé. Des gains budgétaires peuvent sans doute être réalisés par le biais d’une optimisation du réseau et du partage des compétences entre l’AFD et les ministères. C’est une question qu’il faudra sûrement aborder en 2012, à l’occasion de l’évaluation décennale de la coopération française.
Mais parce que les marges de manœuvre susceptibles d’être dégagées au sein des crédits de cette mission sont malheureusement faibles, deux voies sont à explorer.
La première est celle de l’approfondissement de la coopération européenne : nous devons progresser, au moyen de programmations conjointes, vers une meilleure coordination de l’action des bailleurs de fonds européens et de celle des instances communautaires, de façon à mutualiser les efforts ; tel est le sens de la construction européenne.
La seconde voie est celle de la mise en place d’une taxe sur les transactions financières. Nous nous trouvons, d’une certaine façon, devant une impasse budgétaire, d’autant plus préoccupante que nous nous sommes engagés, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, dans un processus international qui exigera des financements considérables.
Nous avons entendu la réponse du Gouvernement au sujet de l’amendement présenté par la commission des affaires étrangères. Nous espérons qu’un consensus se dégagera sur ce sujet prochainement. L’adhésion d’autres pays à ce dispositif est naturellement nécessaire.
Ces constats nous ont conduits à considérer que seuls des financements innovants pourraient desserrer la forte contrainte budgétaire que connaît la France, et lui permettre d’honorer ses engagements.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, telles sont les observations que je souhaitais faire au nom du groupe UMP, qui votera ce projet de budget sans réserve. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 63 % des Français « soutiennent la poursuite de l’aide publique au développement », malgré les difficultés budgétaires que connaît la France. Fantastique, me direz-vous ; certes, mais ils sont, dans le même temps, 66 % à demander plus d’informations sur cette aide, en particulier sur les projets financés par la France. Cette adhésion globale ne masque donc pas le besoin des Français d’être convaincus par l’action de leur pays, ni leur attente d’une meilleure visibilité en la matière. Oserais-je parler de méfiance ? Il semble qu’il le faille : les Français refusent qu’on leur jette de la poudre aux yeux, et ils ont raison de vouloir juger sur pièces.
Or qu’en est-il cette année des crédits de la mission « Aide publique au développement » ?
Comme je le dénonçais déjà l’année passée, à l’instar de nombre de mes collègues, ce budget, certes « stabilisé », selon l’expression consacrée, demeure parfaitement insincère. L’entreprise de camouflage se poursuit au titre de l’exercice 2012, notamment avec le développement des prêts aux pays émergents, plus solvables et offrant les perspectives commerciales les plus intéressantes, et le désengagement simultané du financement des projets bilatéraux par des dons.
La simple comparaison de la liste des premiers bénéficiaires de l’aide publique au développement bilatérale française avec celle des quatorze pays pauvres prioritaires établie par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement témoigne de cette approche utilitaire et instrumentalisée de la France.
L’analyse de l’aide publique au développement dans le secteur de l’eau et de l’assainissement est à cet égard particulièrement révélatrice. La spectaculaire croissance de l’aide bilatérale depuis 2001 dont se targue la France résulte essentiellement de l’augmentation massive des prêts bancaires, à l’encontre des recommandations du Comité d’aide au développement de l’OCDE et des pratiques de nos voisins européens, par exemple le Royaume-Uni, qui alloue la totalité de son aide dans le secteur de l’eau sous forme de dons.
Pourtant, l’accueil par la France du sixième Forum mondial de l’eau, en mars prochain, n’aurait-il pas dû l’inciter à faire preuve d’exemplarité ? À moins que celui-ci ne se résume à une « foire commerciale », comme le craignait Danielle Mitterrand, cette grande dame à qui je rends ici hommage. (M. Jean-Jacques Mirassou applaudit.) À la tête de la fondation France Libertés, elle luttait aux côtés des « porteurs d’eau » pour faire admettre l’idée que « l’eau n’est pas une marchandise ».
Les manipulations auxquelles se livre l’État se manifestent encore à travers l’instrumentalisation des annulations de dettes, dont le montant s’élève cette année à quelque 1,8 milliard d’euros, soit le double de l’an passé, ou la désormais traditionnelle prise en compte de dépenses au lien pour le moins distendu avec l’aide publique au développement, tels les dépenses pour l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile ou les frais d’écolage des étudiants étrangers.
La francophonie multilatérale me fournira un autre exemple de cet ordre. Nul ne peut nier, me semble-t-il, que la francophonie est bien plus l’une des armes de la France dans son combat en faveur de la diversité culturelle qu’un outil au service de la coopération multilatérale. Or, ses crédits sont inscrits au programme 209 de la mission « Aide publique au développement » et viennent ainsi gonfler le budget que la France est censée consacrer à celle-ci, dont ils dévoient la philosophie.
Qu’ajouter, lorsque l’on constate que, malgré ces manipulations, le respect de l’engagement pris par la France au sommet de Gleneagles, en 2005, de parvenir à un effort en matière d’aide publique au développement de 0,7 % de son revenu national brut en 2015 est une perspective qui s’éloigne inexorablement ? Pour que cet engagement soit tenu, il faudrait que les crédits de l’aide publique au développement française augmentent de 17 % d’ici à 2015 !
Cette politique d’affichage menée par la France est d’ailleurs déplorée de toutes parts. Elle a été justement stigmatisée par nos collègues Christian Cambon et André Vantomme dans leur rapport d’information de mai dernier intitulé « L’AFD, fer de lance de la coopération française ». Selon eux, la France a « les ambitions des États-Unis avec le budget du Danemark ». De son côté, la rapporteure pour avis de la mission « Aide publique au développement » à l’Assemblée nationale, Mme Martinez, ne s’y trompe pas non plus lorsque, évoquant le poids des prêts et des annulations de dettes, elle s’inquiète de l’image de la politique française en matière d’APD sur la scène internationale.
Pour terminer, je souhaite aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la situation en Haïti, notamment depuis le séisme, et l’aide que la France apporte à ce pays, dans le cadre tant bilatéral qu’européen et multilatéral.
Je m’étais rendue en Haïti lors de l’été 2010 avec mon collègue Richard Yung. Le dévouement et l’engagement des personnels de l’ambassade, de l’AFD, des militaires, des gendarmes français et des nombreuses ONG qui travaillaient sur place dans des conditions extrêmement difficiles m’avaient particulièrement touchée. J’avais d’ailleurs relevé que la partie humanitaire des opérations était conduite avec efficacité.
Dans le même temps, je regrettais déjà, à l’époque, la lenteur avec laquelle les projets et programmes de coopération se mettaient en place, qui induisait un fort sentiment d’inefficacité et était très mal perçue par la population locale.
Le compte rendu de la récente mission en Haïti du rapporteur spécial, M. Collin, ne me rassure malheureusement pas. Il me conforte au contraire dans la crainte que cet immobilisme n’entrave encore davantage la reconstruction du pays. M. Collin nous indique que, à la mi-2011, seulement 19,3 % des 57,1 millions d’euros alloués à Haïti dans le cadre de douze conventions avaient été attribués, 46,1 millions d’euros restant à verser. L’argent ne manque pas, mais il n’est pas utilisé !
La reconstruction d’un pays passe certes, au premier chef, par une solide planification et une concertation sérieuse. De multiples raisons, tenant à la communauté internationale ou à l’État haïtien, peuvent engendrer des retards. Je partage l’analyse de M. Collin quand il estime qu’un réexamen de certains projets trop mal engagés serait peut-être souhaitable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier les différents orateurs de leurs interventions particulièrement documentées. Connaissant depuis longtemps l’intérêt du Sénat pour la politique d’aide publique au développement, je ne suis pas surpris de la qualité de ce débat. Je voudrais saluer plus particulièrement l’acuité de l’analyse des rapporteurs, qui permet, aujourd'hui comme hier, de faire émerger des idées et des perspectives dans un univers complexe et multiforme.
Nous pouvons globalement être fiers de ce que la France accomplit en matière d’aide publique au développement. Certes, on peut toujours faire mieux, mais quand je me livre à des comparaisons sur ce thème avec d’autres pays, je pose sur notre effort un regard quelque peu différent de celui de certains intervenants. Au sein des enceintes internationales, la voix de la France, en matière d’aide publique au développement, est particulièrement attendue et entendue. En effet, dans ce domaine, et depuis déjà longtemps, notre pays a fait la démonstration de sa détermination, de son efficacité et de son humanité à l’égard de populations souvent accablées par des malheurs ne leur permettant pas de bénéficier des évolutions auxquelles elles aspirent légitimement.
La politique française d’aide publique au développement est menée, me semble-t-il, avec une certaine continuité par les gouvernements et les majorités successifs, ce dont je me réjouis.
Je voudrais, en préambule, vous renouveler toutes mes excuses pour le retard avec lequel, encore une fois, le document de politique transversale a été publié et vous a été remis.
Le niveau de notre aide publique au développement pour 2012 ne constitue pas une surprise, puisqu’il était déjà annoncé dans le document de politique transversale de l’année dernière. Le passage de 0,5 % à 0,46 % du RNB est dû, pour une large part, au fait que le montant des annulations de dettes a diminué cette année, ce qui a une répercussion immédiate sur ce taux, qui remontera l’année prochaine à environ 0,5 %.
Cela a été rappelé, la France a pris l’engagement de consacrer 0,7 % de son RNB à l’aide publique au développement en 2015. Nous n’y sommes pas, certes, mais 0,5 %, ce n’est pas si mal !
M. Alain Néri. Vous vous contentez de peu !
M. Henri de Raincourt, ministre. C’est votre appréciation, monsieur Néri !
L’effort d’aide publique au développement des États-Unis ne s’élève qu’à 0,3 % de leur RNB. Quant au Royaume-Uni, je suis assez étonné que l’on en fasse un modèle en la matière. Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner dans le détail la configuration de la politique d’aide publique au développement britannique, sur le plan géographique et par programmes. Vous verrez alors que si le Royaume-Uni a effectivement fait des efforts, les bénéficiaires de ces derniers sont beaucoup plus ciblés, si je puis dire, que ceux de la politique d’aide publique au développement de la France. Des coupes drastiques ont été pratiquées, ce qui permet aux Britanniques de manifester une grande générosité lorsque survient un événement fâcheux. Cela est plus difficile quand on a, comme nous, maintenu les crédits alloués à l’aide publique au développement ! On pense toujours que l’herbe est plus verte chez les voisins, mais, en la matière, nous pouvons aisément soutenir la comparaison.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les crédits de la mission, tous les chiffres ayant déjà été détaillés. Certains orateurs ont critiqué ce projet de budget, que Mme Lepage a même qualifié, me semble-t-il, d’insincère. Or il est totalement sincère et transparent. Les critères de déclaration au titre de l’aide publique au développement sont ceux qu’a établis l’OCDE et qui s’appliquent à l’ensemble des pays.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à sanctuariser sur une période triennale les crédits de l’aide publique au développement. Le projet de budget pour 2012 traduit cet engagement. À ceux qui trouveraient que ce n’est pas suffisant, je rappellerai que trois missions seulement voient cette année leurs crédits maintenus : tous les autres budgets sont marqués par une baisse des dépenses.
M. Jean-Jacques Mirassou. Enfin quelqu’un qui le reconnaît !
M. Henri de Raincourt, ministre. Je confirme que l’aide publique au développement est affectée à 60 % à l’Afrique subsaharienne. En outre, même si l’on est en droit de considérer que leur niveau n’est pas assez élevé, je souligne que 50 % de nos subventions sont destinées aux quatorze pays définis comme prioritaires.
Voilà quelques éléments factuels très simples sur la composition de ce budget qui ne peuvent être contestés.
Un certain nombre d’entre vous ont évoqué notre engagement en matière de promotion de la santé. Notre aide à ce titre s’élève à près de 1 milliard d’euros et s’adresse pour l’essentiel aux populations africaines.
En ce qui concerne l’éducation, monsieur Carrère, il s’agit d’une priorité absolue. Cependant, en l’état actuel de nos capacités d’intervention, nous ne sommes pas en mesure de faire en sorte que tous les petits enfants africains aillent à l’école. Les scolariser tous représenterait un effort de 16 milliards d’euros par an, et les crédits de la mission « Aide publique au développement » n’y suffiraient pas. On peut le regretter, mais c’est une réalité qui s’impose à nous. C’est une des raisons pour lesquelles nous militons ardemment, avec d’autres, pour la mise en œuvre de financements innovants.
Notre pays souhaite, avec ses partenaires européens, promouvoir davantage encore les droits de l’homme, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Nous agissons avec détermination, par exemple, pour instaurer la transparence dans le secteur des industries extractives. C’est aussi suivant cette logique d’équilibre et de clarté que nous renouvelons, en ce moment même, tous les accords de défense nous liant à nos partenaires africains.
De nombreux orateurs ont évoqué l’intervention de l’AFD dans les pays émergents. Cette orientation a un coût budgétaire très faible, s’agissant de prêts qui ne coûtent quasiment rien au budget, voire qui rapportent. À nos yeux, cette politique est utile. J’admets tout à fait que l’on puisse le contester, mais selon nous elle favorise une croissance plus équitable et surtout plus respectueuse de l’environnement. De plus, elle permet de placer les pays émergents au cœur d’une politique planétaire de développement. C’est cette logique qui nous a conduits, lors du dernier G20, à les associer le plus possible à la mise en œuvre d’une nouvelle politique mondiale de développement.
Je ne reviendrai pas sur la coopération décentralisée, à laquelle le Gouvernement est sans réserve favorable. Elle se révèle en effet très efficace et nous n’avons aucune critique à formuler à son encontre.
En ce qui concerne la problématique du genre et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, madame Garriaud-Maylam, le document-cadre « genre et développement » de 2007 nous engage à la prendre en compte dans l’ensemble de notre politique. Cette dimension est donc présente dans l’évaluation de tous nos projets. Par ailleurs, nous avons mis en place des outils spécifiques, comme le fonds de solidarité prioritaire « Genre et économie, femmes actrices du développement », qui permettra de soutenir, jusqu’à fin 2012, les femmes d’Afrique de l’Ouest, très largement impliquées dans de nombreux secteurs, en particulier dans l’agriculture et le commerce.
Je remercie M. Cambon d’avoir relevé que la politique française d’aide publique au développement était aujourd’hui formalisée dans un certain nombre de documents à l’élaboration desquels le Parlement avait été associé. L’évaluation est la clé de toute politique publique efficace et économe des deniers publics. L’aide publique au développement ne doit pas y échapper. Je m’engage ce soir devant le Sénat à ce que l’action à destination des quatorze pays prioritaires, l’intervention dans les pays émergents et la cohérence de notre APD avec la politique européenne soient prises en compte ainsi que vous l’avez demandé, monsieur Cambon.
Vous avez également évoqué le partenariat de Deauville. La France contribuera à hauteur de 2,7 milliards d’euros d’ici à 2013, mais sous forme de prêts. Cette action n’aura donc pour nous pas de poids budgétaire.
S’agissant des transitions africaines, nous mobiliserons 3,5 milliards d’euros au bénéfice de la Côte d’Ivoire. Nous n’oublions pas non plus le Niger et les pays voisins, qui ont de grands besoins en matière de sécurité et de développement.
Le bilan du G20 « développement », qui s’est réuni pour la première fois à Cannes, est très largement positif, puisqu’il a repris les conclusions présentées sur les quatre thèmes prioritaires par les ministres des finances et du développement à Washington, au mois de septembre dernier.
Je laisse le soin à mon collègue Pierre Lellouche d’évoquer la taxe sur les transactions financières, à la création de laquelle le Président de la République est très attaché. Nous partageons la volonté manifestée par le Sénat de dégager des financements innovants, non pas pour les substituer à l’aide publique au développement telle qu’elle existe aujourd’hui, mais pour faire face à des besoins nouveaux, qu’il s’agisse d’agriculture, d’éducation, de santé ou de lutte contre le changement climatique. Il serait tout à fait moral et éthique que le secteur financier, qui est l’un de ceux qui profitent le plus de la mondialisation, apporte sa contribution.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je voulais vous apporter. Je vous remercie une fois encore de tout le travail que vous accomplissez. Soyez assurés que le Gouvernement entend continuer à œuvrer avec vous pour aider les pays bénéficiaires de l’aide publique au développement et leurs habitants à connaître un meilleur destin : ils le méritent, et nous le leur devons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de souligner que le projet de budget que nous avons l’honneur de vous présenter cet après-midi est bien plus transparent et lisible que les années précédentes, contrairement à ce qu’a dit Mme Lepage, en raison d’un certain nombre de modifications dans la préparation des documents de synthèse qui vous ont été remis.
En effet, il existe désormais un document-cadre de coopération au développement qui identifie les grandes priorités de notre aide, autour de quatre partenariats et de cinq secteurs clefs : la santé, l’éducation et la formation professionnelle, l’agriculture et la sécurité alimentaire, le développement durable et le soutien à la croissance.
Au document de politique transversale, nous avons ajouté de nouvelles données rétrospectives, mais aussi et surtout des données prévisionnelles permettant de mesurer précisément la réalisation de nos objectifs géographiques et sectoriels. Ce travail a notamment permis de faire ressortir des éléments de pilotage intéressants. Pour ne prendre qu’un exemple, nous avons pu constater que l’aide distribuée par les institutions financières internationales était, dans les faits, conforme à nos priorités. Nous avons donc confirmé que 50 % des engagements de l’Association internationale de développement, l’AID, qui est le fonds concessionnel de la Banque mondiale, sont orientés vers l’Afrique subsaharienne, cette part représentant près de 75 % des engagements concessionnels du FMI. La France ne peut que s’en réjouir.
Je ne reviendrai pas sur les masses budgétaires qui vous ont été exposées par M. de Raincourt et les rapporteurs. J’ai entendu exprimer à la fois des critiques et la reconnaissance d’un effort de la part du Gouvernement. Les chiffres reflètent l’attachement continu de la France à la politique d’aide publique au développement, dans un contexte où la consolidation des finances publiques est non plus un luxe, mais un impératif. Contrairement à ce qu’a affirmé M. Robert Hue, la France est à la hauteur des enjeux. Cela a été souligné, ce budget est l’un des rares à avoir échappé aux réductions de dépenses. L’effort de notre pays est donc à la mesure de ses ambitions et des valeurs qu’il porte depuis toujours.
La première caractéristique du projet de budget pour 2012 de la mission « Aide publique au développement » est de maintenir les grands équilibres qui permettent à la France de tenir son rang de troisième bailleur mondial, monsieur Hue, et de respecter ses engagements internationaux, tout en renforçant l’efficacité et le ciblage de son aide et en adaptant sa « boîte à outils » à un monde qui change.
Malgré la crise économique, les crédits d’aide au développement ont non seulement été maintenus, mais ils ont continué leur progression régulière depuis 2005, conformément à nos engagements.
L’APD de la France a atteint 10,85 milliards d’euros en 2010. C’est, tout simplement, la première fois de notre histoire que nous dépassons le seuil des 10 milliards d’euros ! Je veux dire à M. Carrère, qui a critiqué la dispersion et le caractère parfois hétéroclite de certains crédits, que nous avons appliqué les critères établis par l’OCDE. Il n’est pas juste de critiquer l’affectation des crédits à l’APD par la France, puisque nous ne faisons rien d’autre que ce que font tous nos partenaires internationaux.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Soyons meilleurs qu’eux !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Pour 2012, les crédits de la mission sont stabilisés à 3,34 milliards d’euros, soit 10 milliards d’euros au total sur le triennum budgétaire. Les crédits de paiement du programme 110 resteront ainsi à leur niveau de l’an passé, seules les autorisations d’engagement variant en fonction des reconstitutions triennales des fonds multilatéraux.
Contrairement à ce que certains orateurs ont tout à l’heure affirmé, les annulations de dettes coûtent à notre budget et contribuent au développement, car elles allègent les charges pesant sur les pays concernés.
À l’heure où l’ensemble des dépenses de l’État doivent faire l’objet d’une modération sans précédent, vous conviendrez avec moi que la stabilité budgétaire a été un effort majeur consenti par le Gouvernement et par notre pays.
De cela découle le deuxième message qu’il me paraît important de vous délivrer : à l’heure où chaque euro public se mérite, la politique d’aide publique au développement doit, elle aussi, faire des choix. Des choix d’efficacité et d’équité ont été définis autour de trois priorités.
La première est le rééquilibrage qui a été réalisé en faveur de l’aide bilatérale, et je remercie Jean-Claude Peyronnet de l’avoir noté. Cette dernière a augmenté de près de 840 millions d’euros en 2010 par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de l’AFD et à nos dons bilatéraux. L’ensemble des membres de la Haute Assemblée avaient appelé de leurs vœux un tel rééquilibrage l’an dernier.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. C’est vrai !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Nous l’avons fait !
La deuxième priorité est la différenciation, point soulevé par M. Aymeri de Montesquiou, c’est-à-dire le choix d’adapter nos outils d’intervention à la situation de plus en plus hétérogène des pays récipiendaires de l’aide. Les écarts de richesse n’ont en effet cessé de se creuser parmi les pays en développement. Le G77 n’est plus qu’un regroupement de circonstance, derrière lequel s’abritent les grands pays émergents pour conserver encore quelques années le bénéfice politique et financier d’un statut qui ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. La Chine, le banquier de la planète, n’est pas le Burkina Faso.
Ces derniers mois, je n’ai cessé, dans mes fonctions de secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, d’inciter à plus de différenciation – aussi bien en interne qu’à Bruxelles – dans la politique commerciale européenne. Cette démarche trouve une application très concrète dans les accords commerciaux de l’Union européenne : il s’agit de réserver les préférences tarifaires aux pays les plus démunis ou les moins bien intégrés dans les échanges mondiaux. Il en va en matière d’APD comme en matière commerciale : en d’autres termes, il faut concentrer les volumes d’aide, l’effort budgétaire et les préférences tarifaires en direction des pays qui en ont le plus besoin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de différenciation, il faut se féliciter que les nouveaux prêts d’APD que nous faisons à la Chine à travers l’AFD ne coûtent désormais plus un centime au contribuable français. On ne peut plus aujourd’hui accorder les mêmes libéralités aux pays les moins avancés d’Afrique et à leur bailleur chinois, par ailleurs créancier de l’Europe, fort de ses 10 % de croissance par an et de ses 3 200 milliards de dollars de réserves de change.
Au-delà du seul cas de la Chine, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens liant l’État à l’AFD pour 2011-2013 prévoit que 90 % au minimum de l’effort financier de l’État en matière d’APD soit consacré aux pays en développement de l’Afrique et de la Méditerranée et aux pays en crise. Nous faisons même mieux puisque, aujourd’hui, cet effort est à 93 % orienté vers les pays qui en ont le plus besoin.
Enfin, la troisième priorité est le ciblage géographique de notre aide. Il faut se féliciter que l’Afrique subsaharienne – je remercie M. Cambon de l’avoir noté –, qui est devenue la première région d’intervention de la coopération française avec près de 1,5 milliard d’euros de décaissements et 2,5 milliards d’euros d’engagements en 2010, concentre plus de 60 % de notre effort budgétaire à titre bilatéral.
De même, il faut se féliciter que la Méditerranée et le Moyen-Orient absorbent près d’un cinquième de l’effort financier de l’État en 2010, conformément à l’objectif fixé par le document-cadre de coopération au développement.
Monsieur Hue, vous avez critiqué le manque de cohérence. Or ce ciblage sur le Maghreb, sur le monde musulman, qui est en pleine évolution, est parfaitement cohérent avec notre effort diplomatique pour accompagner les transitions dites du printemps arabe.
Cette région, je l’ai sillonnée tout au long de l’année dans son intégralité avec les entreprises françaises. Chacun a compris que la stabilité de l’Europe dépendait du succès des transitions démocratiques dans le monde arabe, au-delà des péripéties électorales. Chacun a compris que la finalité de ces transitions, c’est le développement économique, comme l’a justement noté M. Cambon. Entre 40 % et 70 % des habitants ont moins de vingt-cinq ans ; c’est donc la cause principale de ces mouvements démocratiques, et tout l’objet de l’effort que nous devons faire est de trouver un emploi, une stabilité pour ces pays.
Oui, la Méditerranée mérite de figurer parmi les grandes priorités de notre politique d’aide au développement ! C’est tout le sens de l’initiative qu’avait lancée le Président de la République, dès 2008, avec l’Union pour la Méditerranée et qui a été amplifiée par le partenariat de Deauville, qu’il faut également mettre au crédit de Nicolas Sarkozy.
Le partenariat de Deauville, c’est 38 milliards de dollars mobilisés conjointement par les principales banques de développement sur la période 2011-2013, y compris la BERD, en faveur de la croissance et de la démocratie dans le monde arabe. C’est aussi un plan d’intégration économique ambitieux que j’ai porté à Bruxelles, au nom de la France, auprès de mes collègues européens le 26 septembre dernier et qui a d’ailleurs été adopté par le Conseil européen. J’ai ainsi proposé la création d’un espace économique commun entre l’Union européenne et les pays de la Méditerranée. Plus d’intégration commerciale, à travers des accords de libre-échange complets et approfondis, et plus de convergence au niveau des normes, voilà ce que l’Union européenne, sur l’initiative de la France, propose aux pays de la Méditerranée !
Enfin, troisième axe, il nous faut aussi avoir le courage d’affronter un autre volet sur lequel des progrès restent à faire : les retombées économiques de notre aide pour les entreprises françaises. Je suis heureux d’ouvrir ce débat avec vous. Ce n’est pas un sujet tabou, et je remercie MM. de Montesquiou et Cambon d’y avoir allusion.
Je sais bien que certains, comme Mme Eva Joly, présidente de la commission du développement du Parlement européen, soutiennent que l’aide publique au développement est une fin en soi,…
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Elle n’est pas sénatrice !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … qu’elle relève exclusivement de l’aide humanitaire et qu’elle n’a aucune retombée, ni politique ni économique.
Je ne partage pas ce point de vue, car je considère que les retombées économiques de l’aide doivent être prises en compte, d’autant que la France est, statistiques à l’appui, pratiquement la championne du monde du déliement, c’est-à-dire des aides accordées sans contrepartie directe pour ses entreprises. Notre aide bilatérale est déliée à 87 % depuis 2006, contre 75 % pour l’Allemagne, 71 % pour l’Espagne, 69 % pour les États-Unis et 63 % pour l’Italie !
En ce qui me concerne, avec un déficit commercial programmé de 75 milliards d’euros en 2011, je ne me résous pas à ce que la France accorde plus de 10 milliards d’euros par an de financements d’aide publique au développement sans même se demander comment nos entreprises, c’est-à-dire nos emplois, pourraient mieux en tirer profit. Voilà une question qu’il me semble légitime de poser devant l’ensemble des parlementaires des deux assemblées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. J’ai justement demandé à l’Inspection générale des finances de me remettre un rapport sur le sujet dans le courant du mois de février 2012 afin de comprendre les raisons de cette différence avec nos partenaires. En effet, à côté de l’argument idéologique sur la nécessité de délier les aides – il faut être pur et humanitaire, n’est-ce pas ? –, il y a l’argument des retombées économiques et de l’emploi, qui mérite aussi d’être considéré sans naïveté.
Ce sont les mêmes questions que nous nous posons à propos de nos financements d’aide liée. La France fait beaucoup d’études en amont dans le cadre du Fonds d’études et d’aide au secteur privé, le FASEP, mais ces financements n’ont de sens que s’ils servent de tremplin à nos entreprises pour remporter de grands contrats d’équipement dans les pays en voie de développement. Croyez-moi, je veille à cela attentivement. La France mérite mieux que de devenir un simple guichet d’aide ou un grand bureau d’études gratuit au profit des firmes étrangères et sans lendemains commerciaux pour nos entreprises.
Pour conclure, je veux vous convaincre que le Gouvernement fait le meilleur usage des crédits qui vous sont demandés pour accroître l’influence de notre pays. L’année 2011, avec la présidence française du G8 et du G20, l’atteste, je le crois, avec éclat.
Le G8 a assumé pleinement ses responsabilités, dans un contexte dramatique, marqué par la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon. À l’occasion des vingt-cinq ans de la catastrophe de Tchernobyl, 740 millions d’euros ont ainsi pu être mobilisés pour sécuriser pleinement et définitivement le sarcophage du réacteur de cette centrale nucléaire. Aux côtés des principaux donateurs que sont la BERD, les États-Unis, l’Allemagne et la Russie, la France a contribué pour plus de 51 millions d’euros à la reconstitution de ces fonds nucléaires.
En ce qui concerne le G20, Henri de Raincourt a parlé du plan d’actions en faveur du développement adopté lors du sommet de Cannes au début du mois de novembre. Je voudrais moi aussi insister sur le fait que c’est la première fois que le G20 se penchait sur la question du financement du développement ; la première fois aussi que les pays émergents ont pris l’engagement d’accroître leur soutien aux autres pays en développement, juste retour des responsabilités nouvelles qu’ils assument sur la scène internationale.
Le G20 a en effet reconnu que des financements innovants devaient être trouvés pour répondre aux besoins du développement. Les chefs d’État et de gouvernement ont discuté d’un menu de financements innovants, tels que les garanties d’achats futurs, l’émission d’obligations pour les diasporas, la taxation des soutes des navires ou des avions, la taxation du tabac et toute une panoplie de taxes financières, et se sont engagés à en mettre en œuvre certains. Pour la première fois dans un communiqué du G20 a été inscrit le principe d’une taxe sur les transactions financières visant à soutenir le développement.
Il ne fait désormais plus de doute que la mise en œuvre de cette taxe est une option techniquement crédible, et le Président de la République a encore accru le soutien à une telle taxation.
À ce sujet, je précise à M. Christian Bourquin que le Président de la République est partisan de cette taxe depuis fort longtemps.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Il était également favorable au vote des étrangers !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. J’ouvre par ailleurs une petite parenthèse pour signaler à M. Bourquin que Mayotte ne fait pas partie du périmètre de l’AFD.
À Cannes, outre la France, la Commission européenne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Argentine, l’Union africaine, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud, le Secrétaire général des Nations unies et le Brésil ont exprimé leur intérêt pour une telle taxe. Sans aller aussi loin, le Président des États-Unis lui-même a exprimé sa disponibilité sur le principe de la contribution du secteur financier à la résolution de la crise.
La discussion, au début de 2012, du projet de directive de la Commission européenne – sur l’initiative de la France, je le rappelle – visant à instaurer un « système commun de taxe sur les transactions financières » constitue la prochaine étape dans ce combat.
Nous sommes repartis de Cannes avec beaucoup d’espoir. Je sais qu’il y a un large consensus dans cette assemblée en faveur de cette taxe. Lors de l’examen du projet de loi de finances la semaine dernière devant la Haute Assemblée, j’ai redit que votre soutien était essentiel, que le Gouvernement souhaitait procéder, comme à l’Assemblée nationale, par voie de résolution plutôt que par le vote d’un texte qui, au fond, serait contre-productif dans la mesure où il amènerait à disperser le consensus entre les nations.
La taxe sur les transactions financières ne peut exister que si l’ensemble des nations, à commencer par les Européens, la prépare ensemble. Il ne sert à rien de légiférer de façon dispersée. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous remercie de votre soutien sur cette taxe et vous engage à travailler par voie de résolution.
Des progrès importants ont également été enregistrés lors du G20 sur la mobilisation des ressources nationales pour le développement : le G20 a demandé aux entreprises multinationales d’améliorer la transparence, en particulier dans le domaine des industries extractives. Lors des travaux du B20 sur ces sujets, que j’ai présidés, à la veille du sommet de Cannes, j’ai pu constater que les entreprises des pays du G20 avaient réellement pris conscience des enjeux existant en matière de transparence et de lutte contre la corruption et qu’elles s’engageaient à des efforts véritables.
Le G20 s’est également engagé à contribuer à réduire le coût moyen des transferts des migrants de 10 % à 5 % d’ici à 2014, contribuant ainsi à libérer chaque année 15 milliards de dollars supplémentaires au profit des familles bénéficiaires.
Comme Henri de Raincourt, je pense honnêtement que ce budget est le meilleur possible dans la situation que connaît actuellement notre pays. Je remercie les sénateurs, sur l’ensemble des travées, de l’avoir reconnu explicitement.
Je crois que la France fait du bon travail, que c’est l’image qu’elle renvoie à travers le monde, et que cela dépasse les clivages politiques existant entre nous. L’essentiel est de maintenir l’effort, d’ouvrir les yeux sur un certain nombre de choses. J’insiste sur la différenciation, sur les retombées économiques de l’aide, qui sont de véritables enjeux pour l’avenir.
Au total, nous sommes fiers, Henri de Raincourt et moi-même, de vous présenter ce budget et nous vous remercions par avance de bien vouloir l’approuver. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
aide publique au développement
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aide publique au développement |
2 757 703 909 |
3 322 990 246 |
Aide économique et financière au développement |
649 461 363 |
1 191 903 953 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
2 083 242 546 |
2 106 086 293 |
Dont titre 2 |
222 400 283 |
222 400 283 |
Développement solidaire et migrations |
25 000 000 |
25 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : prêts à des états étrangers
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts à des États étrangers |
1 798 640 000 |
5 588 640 000 |
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure |
400 000 000 |
390 000 000 |
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France |
986 640 000 |
986 640 000 |
Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers |
412 000 000 |
318 000 000 |
Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro |
0 |
3 894 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique |
30 000 000 |
30 000 000 |
Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce |
30 000 000 |
30 000 000 |
Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre vote, auquel Pierre Lellouche et moi-même sommes extrêmement sensibles.
Le développement est une belle et noble cause. Faisons en sorte que ce bel idéal auquel nous souscrivons tous contribue à l’édification d’un monde meilleur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 61 et 61 bis).
La parole est à M. Éric Bocquet, rapporteur spécial.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » rassemble des programmes hétéroclites : lutte contre la pauvreté, actions en faveur des familles, handicap et dépendance, égalité entre les hommes et les femmes ou encore un programme « support » des ministères sociaux.
Cette variété nous montre en réalité la diversité des situations de fragilité et de détresse sociale auxquelles la puissance publique doit apporter son secours. Je dis bien « puissance publique », car l’intervention de l’État, qui n’est d’ailleurs pas entièrement comprise dans cette mission, est complétée, parfois suppléée, par les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales ou même des acteurs privés. La vision que nous offre la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » n’est donc pas exhaustive.
Cette mission comprend 12,75 milliards d’euros de crédits de paiement, parmi lesquels 11 milliards d’euros, soit près de 90 %, sont des dépenses d’intervention, pour la plupart des dépenses des guichets : le RSA activité, l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation supplémentaire d’invalidité, etc.
Au-delà du budget, l’État met également en œuvre une politique fiscale de solidarité. Les dépenses fiscales rattachées à la mission représentent un coût de 12,5 milliards d’euros, soit un montant quasi équivalent à celui des crédits. Nous examinons par conséquent une politique publique dont le substrat est autant budgétaire que fiscal.
À cet égard, nous disposons désormais du rapport de l’Inspection générale des finances sur l’évaluation des dépenses fiscales, dit rapport Guillaume. Or nous constatons que, sur trente-deux niches étudiées, dix-huit sont notées 0 ou 1, pour un montant total de 9 milliards d’euros.
En réalité, les dispositifs se sont empilés, sans cohérence et sans réflexion d’ensemble. Il est regrettable, compte tenu de l’état de nos finances publiques, que les outils fiscaux en matière sociale n’atteignent pas ou mal leur objectif.
La solution de facilité serait bien sûr de trancher d’un coup net, définitif, ce nœud gordien et de supprimer ainsi l’ensemble des niches jugées inefficaces. Pourtant, je ne crois pas à cette solution. Le droit fiscal est constitué d’un embrouillamini de dispositions qui supportent mal toute révolution en forme de big-bang. Appliquée aux dépenses fiscales de solidarité, une telle méthode aurait des conséquences désastreuses avec des effets de bord qui léseraient de nombreux foyers fragiles.
Avant toute chose, nous devons affiner le diagnostic et avoir une vision exhaustive de nos dispositifs d’aide, qu’ils soient sociaux, budgétaires ou fiscaux, et cela pour chaque catégorie de bénéficiaires : les familles, les personnes âgées, handicapées ou invalides. Nous devrons tendre vers deux objectifs : assurer un montant de redistribution au moins équivalent à celui d’aujourd’hui – et encore, nous constatons, au quotidien, qu’il est bien insuffisant – et assurer une plus grande redistributivité des mécanismes fiscaux.
J’en viens maintenant aux considérations plus strictement budgétaires.
Je l’ai dit, la mission rassemble plus de 12,75 milliards d’euros de crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3,14 % par rapport à l’an passé. En réalité, cette augmentation résulte du très fort dynamisme de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, en hausse de 6 %, et dissimule la réduction, souvent inappropriée, des dotations des autres programmes.
Je me limiterai ici à quelques rapides observations.
Le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » porte, à titre principal, la dotation d’équilibre du Fonds national des solidarités actives, le FNSA, qui finance le RSA activité, c’est-à-dire le complément de revenus versé aux « travailleurs pauvres ». Eh oui, aujourd’hui, dans notre pays, une activité salariée ne protège ni de la pauvreté ni de la précarité !
Par le passé, du fait d’une lente montée en charge du RSA activité, le FNSA a accumulé les excédents de trésorerie, jusqu’à 1,3 milliard d’euros à la fin de 2010.
Pour 2012, la dotation du fonds est fixée à 535 millions d’euros, contre 700 millions d’euros en 2011. Néanmoins, sa trésorerie devrait toujours s’établir autour de 488 millions d’euros à la fin de 2011 et de 277 millions d’euros à la fin de 2012.
Par conséquent, je n’ai pas d’inquiétude sur la dotation destinée à financer le revenu de solidarité active, le RSA. Je regrette simplement que l’État accumule les excédents sur le RSA activité pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer le RSA socle et les dispositifs d’insertion qui en sont le corollaire indispensable.
Les années passées, le Gouvernement a profité des excédents disponibles du FNSA pour financer la prime de Noël. Celle-ci devrait être inscrite de manière pérenne dans le budget, ce qui serait plus conforme aux règles budgétaires et qui, de surcroît, permettrait de lever l’hypocrisie selon laquelle la prime ne serait qu’un dispositif exceptionnel, alors même qu’elle a été renouvelée chaque année depuis 1998.
Le prochain collectif budgétaire devrait néanmoins nous apporter pleinement satisfaction puisque le Gouvernement a enfin décidé de pérenniser la prime de Noël. Je regrette simplement que cette dépense passe par l’intermédiaire du FNSA, alors qu’elle devrait relever du budget de l’État. Il manquera d’ailleurs au moins 80 millions d’euros pour financer la prime de Noël de 2012. Madame la ministre, comment comptez-vous remédier à cette difficulté ?
En ce qui concerne le programme « Actions en faveur des familles vulnérables », je constate une absence de dotation du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le FNPE, laissant les conseils généraux supporter une charge croissante en matière d’aide sociale â l’enfance. Une fois de plus, le Gouvernement marque son refus d’appliquer les obligations issues de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Combien de fois encore faudra-t-il que l’État soit condamné pour qu’il assume ses responsabilités ?
Par ailleurs, le programme porte, très majoritairement, des crédits destinés à financer la protection juridique des majeurs, à hauteur de 216 millions d’euros. Nous aurons bientôt l’occasion d’étudier en détail ce chapitre lors de la présentation d’une enquête que la Cour des comptes vient de remettre à notre commission.
En ce qui concerne le programme « Handicap et dépendance », le plus important de la mission, les crédits de l’AAH représenteront, en 2012, la somme substantielle de 7,5 milliards d’euros. Et encore, il devrait manquer près de 200 millions d’euros à la fin de l’année ! Nous savons que cette dépense progresse de près de 8 % par an sous l’action d’un « effet-prix », la revalorisation du montant de l’AAH de 25 % sur cinq ans, et d’un « effet-volume », la hausse du nombre de bénéficiaires, qui est, en réalité, mal comprise.
Le Gouvernement nous annonce son intention de réaliser 100 millions d’euros d’économies sur cette prestation. J’en prends acte, mais permettez-moi d’en douter ! En commission, nous nous sommes notamment interrogés sur les modalités d’harmonisation des pratiques des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Combien de personnes vont-elles être exclues de l’allocation aux adultes handicapés de ce fait ?
Sur un tout autre sujet, je note avec satisfaction la création de 1 000 places dans les établissements et services d’aide par le travail, ESAT, à compter du 1er décembre 2012. Je reste néanmoins inquiet car je sais que certaines places demeurent inoccupées faute de moyens de transport appropriés. Madame la ministre, comment pourrions-nous agir pour remédier à ces difficultés que rencontrent au quotidien les familles concernées ?
Quant au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », il n’est, à mon sens, pas réellement à sa place dans cette mission. La politique d’égalité entre les hommes et les femmes relève non pas d’une logique de solidarité, mais d’un véritable projet de société ! Je note d’ailleurs avec regret que vous n’avez pas cru bon de maintenir un secrétariat d’État dédié.
L’examen des crédits confirme que cette politique ne constitue plus l’une de vos priorités puisque vous avez réduit la dotation du programme de 5 %. Est-ce bien à la hauteur de l’engagement nécessaire sur un sujet aussi fondamental que celui de la condition féminine ?
À qui cet argent va-t-il manquer ? Aux associations ! Ce sont les rouages essentiels de cette politique sur le terrain au quotidien. Les chargées de mission départementales et régionales, prises dans le rouleau compresseur de la RGPP, vont également se sentir bien seules. Notre collègue de la commission des finances Michèle André pourrait en dire long à ce sujet.
Bref, vous avez choisi de faire des économies de bout de chandelle, qui représentent un peu plus de 1 million d’euros. Il faut craindre que, in fine, cette charge doive être assumée par les collectivités territoriales, dont vous réduisez par ailleurs les budgets, si nous voulons maintenir l’activité de ces indispensables associations.
Enfin, en ce qui concerne le programme support « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », je me limiterai à une observation.
Les crédits de personnel représentent 1,2 milliard d’euros, en baisse de près de 5 %. Le Gouvernement nous vante régulièrement les mérites du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui est effectivement mis en œuvre. Mais, en l’espèce, la diminution des crédits s’explique surtout par le transfert de personnels vers d’autres missions du budget général et non par la maîtrise de la dépense.
En conclusion, je constate, d’abord, que l’État accumule des excédents sur le RSA pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer leurs dépenses sociales et d’insertion.
Ensuite, le Gouvernement refuse délibérément de doter le FNPE et, là encore, fait peser sur les départements une charge croissante en matière d’aide sociale à l’enfance.
Par ailleurs, la politique du handicap fait l’objet d’un effort, certes méritoire, de budgétisation par rapport aux années passées, mais nous savons déjà qu’il ne sera pas suffisant.
Enfin, en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, les choix d’économies sont dérisoires au regard du déficit public, mais particulièrement brutaux pour les associations concernées.
Pour l’ensemble de ces raisons, je ne peux adhérer au budget qui nous est proposé : il reflète une politique qui prend insuffisamment en compte nos concitoyens parmi les plus fragiles et les plus modestes dans un contexte de crise aggravée, que nous ne manquons pas d’évoquer ici même régulièrement.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose de rejeter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et d’adopter, sans modification, les articles rattachés 61 et 61 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission, composée de cinq programmes au poids budgétaire très inégal, est assez hétéroclite puisqu’elle traite aussi bien de la politique du handicap, de la lutte contre la pauvreté que de l’égalité entre les hommes et les femmes ou du financement des administrations sociales.
Les crédits demandés pour 2012, d’un montant de 12,75 milliards d’euros, sont globalement en hausse de 3,14 %, mais cette évolution favorable ne se retrouve pas dans tous les programmes. En réalité, seul le programme « Handicap et dépendance » voit ses crédits progresser, tandis que les autres enregistrent une baisse très nette, et pour certains très grave, révélatrice d’un désengagement de l’État en matière de politique sociale.
Le programme « Handicap et dépendance » est doté de près de 10,5 milliards d’euros pour 2012, soit une augmentation de 6 % par rapport à cette année. Ces moyens significatifs sont majoritairement destinés à l’achèvement du plan de revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés pour la période 2008-2012, conformément aux engagements pris par le Président de la République. À l’issue de ce plan, l’AAH atteindra 776,59 euros par mois et bénéficiera à près de 950 000 personnes.
Cet effort financier ne doit cependant pas nous aveugler : en même temps que le Gouvernement revalorise le montant de l’AAH, il en restreint, sous prétexte de clarifier les règles juridiques et d’harmoniser les pratiques entre départements, les conditions d’octroi.
Jusqu’à présent, en effet, chaque « maison du handicap » disposait d’une certaine marge de manœuvre pour apprécier la « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi » des personnes présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %. Or, faute de définition claire de cette notion, l’interprétation varie selon les MDPH, d’où un risque d’inégalité de traitement entre les personnes sur l’ensemble du territoire.
Un décret et une circulaire, publiés cet été, sont venus préciser les choses. Désormais, pour apprécier la « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi », seul le handicap, sous son aspect médical, est pris en compte. L’environnement économique et social du demandeur – par exemple, sa chaîne de déplacement ou le bassin d’emploi dans lequel il vit – ne fait plus partie des critères d’appréciation. Cette approche pose problème et risque de diminuer le nombre d’allocataires. Il a aussi décidé de ramener de cinq ans à deux ans le délai de réexamen de la situation de ces mêmes bénéficiaires, ce qui, compte tenu de la charge de travail qui incombe aux MDPH et du fait qu’il leur faut, en moyenne, plus de huit mois pour traiter un dossier, paraît tout à fait irréaliste.
Le programme finance également, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, le fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail. Là encore, je déplore que cet effort budgétaire méritoire soit affecté par la mise en œuvre de la convergence tarifaire, qui pose de réelles difficultés aux ESAT. Nous pourrons peut-être l’aborder plus précisément dans le débat.
J’en viens maintenant au programme « Lutte contre la pauvreté », qui regroupe les crédits destinés au financement de la partie « activité » du revenu de solidarité active et ceux de l’économie sociale et solidaire. Ce programme phare de la mission accuse un recul spectaculaire : de 692 millions d’euros en 2011, les crédits passent à 535 millions d’euros en 2012, soit une baisse de 22,7 %.
Cela a déjà été dit, le RSA est composé de deux prestations : le RSA socle, financé par les départements, et le RSA activité, pris en charge par l’État via le FNSA. Ce fonds est alimenté, notamment, par une recette fiscale qui lui est intégralement affectée.
Depuis sa création en 2009, le RSA activité a connu une montée en puissance beaucoup plus faible qu’envisagé, avec 731 000 bénéficiaires prévus pour 2012, alors que la cible attendue était de 1,6 million d’allocataires. Ainsi, d’importants excédents de trésorerie ont été engrangés ces trois dernières années. Or, au lieu de rediriger les crédits non consommés du RSA activité vers des actions destinées, par exemple, à renforcer l’information et l’accompagnement des bénéficiaires potentiels de cette allocation ou vers des politiques d’insertion dont toutes les associations et entreprises d’insertion nous indiquent avoir grand besoin compte tenu de la gravité de la situation sociale, le Gouvernement s’en est servi pour financer la prime de Noël ou pour soutenir la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Plus grave encore, une ponction de 211 millions d’euros doit être opérée en 2012 sur les réserves de trésorerie du fonds, soit une diminution de 23 % de la contribution du Gouvernement au RSA activité. Autrement dit, le FNSA est devenu une cagnotte pour financer diverses promesses du Gouvernement. Je pense notamment à l’aide exceptionnelle aux services d’aide à domicile, d’un montant de 50 millions d’euros sur deux ans, votée récemment à l’Assemblée nationale.
Il faudrait s’interroger sur les raisons de la faible montée en puissance du RSA activité. Je n’ai pas le temps d’évoquer ce point maintenant ; peut-être pourrai-je le faire au moment de l’examen des amendements.
Permettez-moi de prononcer encore quelques mots sur l’extension du RSA aux jeunes, effective depuis le 1er septembre 2010. Les conditions d’accès à cette allocation sont beaucoup trop restrictives et ne tiennent pas compte de la réalité sociale vécue actuellement par les jeunes, quels qu’ils soient, puisque, pour toucher ce RSA, ces derniers doivent avoir travaillé deux ans à temps complet dans les trois années précédant la demande.
Les résultats sont sans appel : à ce jour, un peu plus de 10 000 personnes seulement en bénéficient.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. Le financement de l’économie sociale et solidaire me paraît pour sa part devoir être extrêmement renforcé.
Je n’ai plus le temps d’évoquer les crédits alloués à la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ni ceux destinés aux familles vulnérables et à la protection de l’enfance ; peut-être pourrai-je y faire allusion dans la suite du débat.
En conclusion, le projet de loi de finances n’est pas à la hauteur des enjeux qui se posent en matière de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances. Aussi, vous comprendrez, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que je propose de voter contre les crédits de la mission.
S’agissant des articles rattachés, je suis favorable à leur adoption, même si ces deux mesures ne sont pas entièrement satisfaisantes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois cette année, la commission des lois s’est saisie pour avis des crédits du programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Les violences faites aux femmes, quelles qu’elles soient – violences conjugales, agressions sexuelles, mariages forcés,… –, comme les inégalités dont sont victimes les femmes dans l’ensemble des sphères de la société – face au marché de l’emploi, face aux responsabilités dans les entreprises et la fonction publique ; question de la parité, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne progresse pas – sont autant de sujets de préoccupation pour la commission des lois.
J’évoquerai deux sujets d’inquiétude majeure.
Le premier concerne la diminution des subventions accordées aux associations.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Les crédits du programme 137 diminueront de 5 % en 2012, passant de 21,16 millions d’euros à 20,10 millions d’euros.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Ces « économies de bout de chandelle », comme les appelle le rapporteur spécial Éric Bocquet, risquent de déstabiliser des associations menant pourtant un travail remarquable sur le terrain,…
M. Roland Courteau. C’est certain !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. … alors même que la crise économique qui traverse notre pays affectera au premier chef les femmes, comme c’est malheureusement toujours le cas.
M. Roland Courteau. On le vérifie tous les jours !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Je tiens d’ailleurs à souligner que la promotion des droits des femmes ne constitue pas nécessairement une charge budgétaire. Par exemple, le Sénat examinera très prochainement un projet de loi sur la fonction publique. Or, à ma connaissance, au titre de la promotion de la parité, celui-ci n’inclut en tout et pour tout que la simple remise d’un rapport. En ces temps de crise économique et de réductions budgétaires, l’État se doit d’être exemplaire. Pourtant, seul un quart des postes à responsabilité dans la fonction publique sont aujourd’hui occupés par des femmes.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Madame la ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il proposer pour remédier à cette situation ?
J’en viens à notre second sujet de préoccupation.
Nous avons voté, il y a bientôt un an et demi, une importante loi sur les violences conjugales : la loi du 9 juillet 2010.
Mme Françoise Laborde. Oui !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Or la mise en œuvre de cette loi est encore très largement insuffisante.
Je rappelle qu’on a recensé 232 morts et un peu plus de 56 000 faits de violences non mortelles au sein du couple en 2009. Ces chiffres sont pourtant bien en deçà de la réalité : il est en effet établi que plus de 80 % des victimes de violences conjugales ne se déplacent ni à la police ni à la gendarmerie. Sans doute des efforts notables ont-ils été accomplis par ces deux services pour améliorer l’accueil des victimes. Sans doute les politiques pénales des parquets – du moins de certains d’entre eux – sont-elles également mieux coordonnées. Mais l’ordonnance de protection – dispositif introduit par la loi de 2010 – est très mal connue des professionnels et elle est, de ce fait, appliquée de façon très inégale par les juridictions.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. En outre, l’expérimentation du dispositif électronique de rapprochement n’a pas encore débuté.
Par ailleurs, le cursus de formation de certains professionnels – en particulier celui des personnels de santé – n’inclut toujours aucune formation au caractère spécifique des violences conjugales, notamment la notion de violence psychologique dans le couple, dont on mesure mieux maintenant le caractère insidieux et particulièrement dévastateur pour les victimes.
Enfin, le nombre de places d’hébergement spécialisé à destination des femmes victimes est largement insuffisant. Il n’existe ainsi que 3 000 places, alors que, d’après les associations, il en faudrait 6 000.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Et je ne m’en tiens ici qu’aux principales observations m’ayant été adressées lors des auditions !
Par ailleurs, aucun des trois rapports prévus par la loi du 9 juillet 2010 n’a été remis au Parlement.
Tout cela me conduit à douter de la réalité de l’engagement du Gouvernement à mieux lutter contre les violences conjugales. (M. Roland Courteau approuve.) Or nous savons à quel point celles-ci sont destructrices, non seulement pour les femmes qui en sont victimes, mais également pour les enfants qui en sont les témoins impuissants.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en œuvre pour permettre aux outils créés par la loi du 9 juillet 2010 de fonctionner ?
Comme l’ont observé plusieurs des personnes que j’ai entendues dans le cadre de la préparation de ce rapport, la lutte contre les violences faites aux femmes ne nécessite pourtant pas de mobiliser des moyens financiers considérables. Il est possible de faire beaucoup mieux, pour peu qu’un réel travail de coordination des acteurs soit mené et que la détermination des pouvoirs publics soit totale. Or, d’une part, la diminution de 5 % des crédits et, d’autre part, les retards pris dans la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 nous font craindre une détérioration de la situation des femmes dans les mois qui viennent.
Vous le comprendrez, pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 137 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, de saluer le travail, l’implication et le dévouement sans faille des associations et des bénévoles qui s’engagent quotidiennement auprès des plus démunis et des plus fragiles.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Françoise Laborde. « Dormir sur un quai de métro au milieu de la foule ou sur une bouche d’aération pour se réchauffer ; vivre dans sa voiture parce que son salaire ne permet pas de payer un loyer ; chercher tous les soirs un abri pour passer la nuit : c’est cette réalité terrible que certains de nos concitoyens affrontent chaque jour. […] Cette réalité est incompatible avec notre conception de la République. » Peut-être aurez-vous reconnu, madame la ministre, l’auteur de ces propos : ils sont extraits du discours que vous avez prononcé il y a tout juste un an, lors de la cérémonie de clôture de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Nous aurions aimé que votre budget se fasse l’écho de cette déclaration.
Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont, pour 2012, en hausse de 3,14 %. Nous devrions nous en réjouir. Hélas ! Il ne s’agit en fait que d’une augmentation en trompe-l’œil, résultant de la seule progression du programme « Handicap et dépendance », progression que je ne remets bien sûr pas en cause.
L’examen des ressources que le projet de loi de finances alloue notamment à la solidarité démontre, s’il en était encore besoin, que le Gouvernement se détourne des plus démunis. Pourtant, dès 2007, le Président de la République s’était fixé comme objectif de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans. Mais encore aurait-il fallu s’en donner les moyens !
Le constat est implacable : les crédits octroyés au programme « Lutte contre la pauvreté » ont baissé de 22,7 % par rapport à l’année dernière. En outre, je note que le programme consacré aux familles vulnérables subit lui aussi une baisse importante. Dans cette période de crise économique et sociale particulièrement difficile, qui frappe de plein fouet nos concitoyens, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle diminution. A-t-on le droit de laisser des hommes, des femmes et des enfants ne pas manger à leur faim ou dormir dans la rue ? Devons-nous rester indifférents aux maux qui rongent notre société ?
Madame la ministre, comme vous le savez, huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Lors de la vingt-septième collecte de denrées, qui a eu lieu vendredi et samedi derniers, le réseau des banques alimentaires a reçu 12 500 tonnes de nourriture, ce qui représente l’équivalent de vingt-cinq millions de repas, soit un million de plus qu’en 2010. Pour mémoire, les banques alimentaires sont venues en aide à près de 750 000 personnes l’année dernière.
Si nos concitoyens les plus défavorisés peuvent compter sur le formidable élan de générosité des Français, même en période de crise, que peuvent-ils attendre du Gouvernement ?
Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous notamment nous apporter sur le maintien à terme, à savoir après 2013, du Programme européen d’aide aux plus démunis ?
Faire de la solidarité un levier central de la politique sociale : telle était pourtant la mission que vous vous étiez fixée. À cet égard, il me semble particulièrement regrettable que les crédits destinés à financer le RSA activité accusent un recul de 23 %. Si la France devait connaître une reprise économique, nous pourrions comprendre cette décision. Mais nous savons tous que nous en sommes très loin !
Vous nous soutenez que la demande de crédits s’adapte au rythme de la montée en puissance du RSA activité. Certes, le nombre d’allocataires est inférieur à ce qui était attendu. En fait, la raison est simple : la complexité du dispositif et le manque d’informations ont conduit bon nombre de bénéficiaires potentiels du RSA activité à ne pas le réclamer.
Je voudrais également dire un mot des jeunes, de plus en plus touchés par la précarité. En France, aujourd’hui, une partie de la jeunesse vit en dessous du seuil de pauvreté : le taux de chômage des jeunes est deux fois supérieur au taux de chômage de l’ensemble de la population.
Si, jusqu’alors, les jeunes diplômés étaient relativement épargnés par la précarité, réservée aux moins diplômés, tel n’est plus le cas. Ils n’échappent pas au cercle vicieux de l’enchaînement des stages, des contrats à durée déterminée, du chômage, puis à nouveau des CDD. Il leur est donc de plus en plus difficile, dans ces conditions, d’accéder à une relative indépendance financière.
Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans représentent aujourd’hui la classe d’âge la plus pauvre de France : ils éprouvent des difficultés à trouver un emploi, à se loger, à se soigner. Cette situation de détresse n’est pas acceptable.
Pour les aider, vous nous avez proposé d’étendre le RSA aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans qui ont travaillé à temps complet au cours de deux des trois dernières années. Malheureusement, cette mesure ne permettra pas d’endiguer ce phénomène, car la condition posée est en effet beaucoup trop restrictive pour nombre de jeunes qui alternent des périodes de petits boulots, de stages non rémunérés ou de travail à temps partiel. C’est la raison pour laquelle un peu plus de 10 000 personnes seulement bénéficient du RSA jeunes. C’est très peu, trop peu ! Pourquoi ne pas étendre cette allocation à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-cinq ans afin qu’ils puissent connaître un réel changement dans leur vie quotidienne ?
Avant de conclure, je voudrais aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Je regrette profondément que le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » ait subit une baisse de 5 % de ses crédits, alors que des discriminations existent toujours dans la vie privée et dans le milieu professionnel.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. La violence faite aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » en 2010. Pour autant, les violences conjugales perdurent : cent quarante-six femmes sont décédées en 2010 sous les coups de leur compagnon et, chaque année, trois millions de femmes sont victimes de violences. Ces chiffres sont terrifiants. Madame la ministre, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas rester indifférents à la détresse de ces femmes.
S’agissant de l’égalité professionnelle, tout le monde s’accorde à reconnaître que la situation des femmes n’a pas connu d’évolution. Les inégalités persistent : différences de traitement entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles l’augmentation des formes d’emplois précaires et des écarts de rémunération au détriment des femmes ; maintien du « plafond de verre » pour les femmes qui tentent d’accéder aux instances de décision dans l’entreprise ; par ailleurs, près de trois femmes sur dix attendent d’atteindre soixante-cinq ans pour liquider leur retraite, faute de n’avoir pu rassembler les trimestres nécessaires, contre un homme sur deux. Il est grand temps, madame la ministre, de favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle pour faire progresser l’égalité au travail et dans l’emploi.
Pour toutes ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE ne pourra pas voter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent budget montre que le Gouvernement poursuivra en 2012 une politique volontariste en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances. Les crédits de cette mission s’élèvent à 12,7 milliards d’euros, et progressent ainsi de 3,1 %. Cet effort consenti au nom de la solidarité nationale est d’autant plus remarquable que la crise financière pèse sur les comptes publics. La présentation de cette mission par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ne reflète donc pas la réalité selon moi, car les chiffres sont là !
Le programme « Handicap et dépendance », qui concentre 80 % des crédits de la mission, augmente de 6 %, après avoir enregistré une hausse de 8,5 % en 2011, de 5,5 % en 2010 et de 6,5 % en 2009. Je pense que le traitement de la question du handicap lors de cette législature mérite un satisfecit.
La loi du 11 février 2005 a donné un nouveau cadre à notre politique du handicap. De plus, des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République devant la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 et le présent budget permet de les respecter. Étaient ainsi prévues la revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés d’ici à 2012, la création sur cinq ans de 50 000 nouvelles places en établissements spécialisés pour personnes handicapées, une orientation plus systématique des bénéficiaires de l’AAH vers l’emploi.
L’allocation aux adultes handicapés a été revalorisée au rythme nécessaire, pour atteindre 25 % d’augmentation entre 2008 et 2012. Ainsi, l’AAH s’élèvera à 776 euros à la fin de 2012, contre 621 euros en 2007.
Pour notre rapporteur pour avis, cet effort financier ne devrait pas « nous aveugler ». Selon elle, en même temps que le Gouvernement revalorise le montant de l’AAH, il restreindrait ses conditions d’octroi, afin de diminuer le nombre de bénéficiaires. Je lui ferai cependant remarquer que, d’après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le nombre d’allocataires augmente : la prévision d’évolution annuelle devrait être de 3,4 % en 2011 et de 2,5 % en 2012. Le décret du 16 août 2011 soumet à conditions l’accès à l’AAH, dans le but de limiter les risques de divergence d’appréciation entre les territoires et non pour exclure qui que ce soit.
L’insertion des personnes handicapées constitue un autre sujet important, car l’intégration professionnelle des personnes handicapées joue un rôle essentiel dans leur participation à la société et leur accès à une vie autonome.
Le budget de l’enseignement scolaire révèle une augmentation de 60 % du nombre d’enfants handicapés scolarisés par rapport à 2007. Le nombre d’assistants scolaires pour accompagner ces élèves a doublé entre 2007 et 2010.
L’insertion par l’emploi doit également se réaliser en priorité en milieu ordinaire. On peut se réjouir, sur ce point, de l’évolution de cette question depuis la loi du 11 février 2005, même s’il faut rester très exigeant dans ce domaine. N’oublions pas que la loi fixait pour objectif un taux d’emploi de 6 % de personnes handicapées dans les entreprises d’au moins vingt salariés et que le taux d’emploi des personnes handicapées atteint d’environ 4 % dans la fonction publique et 3 % dans le secteur privé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Dans la fonction publique, on est déjà à 5 % !
M. Jean-Louis Lorrain. La formation professionnelle joue un rôle essentiel pour lutter contre le chômage des personnes handicapées. Aujourd’hui, plus de 70 000 personnes handicapées entrent en formation chaque année, contre 50 000 environ avant l’entrée en vigueur de la loi de 2005.
Lorsque le travail en milieu ordinaire n’est pas possible, la maison départementale des personnes handicapées peut décider d’orienter la personne handicapée vers le milieu de travail protégé, c’est-à-dire les établissements et services d’aide par le travail. Une enveloppe de plus de 1,4 milliard d’euros permettra de financer les 118 000 places existantes dans les établissements et services d’aide par le travail et de créer 1 000 nouvelles places. L’augmentation du nombre de places en établissement constitue une évolution bienvenue, compte tenu du retard de la France en la matière. J’espère que nous pourrons ainsi combler les disparités territoriales et résorber les listes d’attente des personnes orientées vers ces établissements.
Je tiens enfin à souligner le rôle essentiel joué par les maisons départementales des personnes handicapées, guichets uniques d’accès aux droits et aux prestations, qui évaluent les besoins de la personne sur la base de son « projet de vie ».
La dotation aux maisons départementales des personnes handicapées a fortement augmenté. Les crédits s’établissent à 57 millions d’euros en 2012, contre 47 millions d’euros en 2011 et 21,7 millions d’euros en 2010. Il s’agit de contribuer au fonctionnement général des MDPH et également de compenser les vacances d’emplois au titre des personnels initialement mis à disposition par l’État qui ont pris leur retraite ou réintégré leur administration d’origine sans être remplacés par des personnels de même statut.
Je pense que la dynamique créée par la loi du 11 février 2005 doit être poursuivie et approfondie en permanence, et je me réjouis qu’une loi résultant d’une initiative sénatoriale, puisqu’elle fut l’œuvre de notre ancien collègue Paul Blanc, ait permis, cette année, de traiter trois types de questions : l’instabilité des personnels et la diversité de leurs statuts ; la garantie insuffisante des ressources à court terme ; certaines lourdeurs administratives qui subsistaient dans l’instruction des demandes.
Je souhaiterais maintenant dire quelques mots du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », qui relève également de la mission. L’essentiel des crédits de ce programme correspond à la dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives, chargé de mettre en œuvre le dispositif du revenu de solidarité active.
Je rappelle que, parmi les personnes en situation de pauvreté, on compte autant de personnes exclues de l’emploi que de travailleurs pauvres. C’est en partant de ce constat que le Gouvernement a engagé la révolution sociale que constitue le RSA, afin de sortir d’une logique de statut au profit d’une logique de revenu.
Généralisé en 2009, le revenu de solidarité active poursuit quatre objectifs : offrir des moyens d’existence convenables à toute personne privée de ressources – il reprend en cela les objectifs assignés au revenu minimum d’insertion, ou RMI – ; permettre que toute heure travaillée se traduise effectivement par une augmentation du revenu ; compléter les ressources des personnes exerçant une activité pour réduire la pauvreté laborieuse ; simplifier les mécanismes de solidarité.
Le RSA activité a permis d’augmenter le pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens à revenus faibles, faisant en sorte que le travail soit toujours plus avantageux que l’assistance.
Une contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine a été affectée au Fonds national des solidarités actives, dont les ressources sont complétées par une subvention d’équilibre de l’État. Celle-ci, certes, est en baisse, mais cela n’aura aucune répercussion sur le FNSA, dans la mesure où, la subvention 2011 s’étant révélée légèrement surcalibrée, le fonds pourra mobiliser une fraction de son excédent.
La crise économique est venue contrarier l’efficacité du dispositif, en poussant mécaniquement à la hausse le nombre de bénéficiaires du RSA socle et en freinant la montée en charge du RSA activité, faute d’offres d’emplois. On peut discuter les résultats de cette politique, car il n’est pas facile de disposer de chiffres en ce domaine, mais je suis certain qu’en alliant solidarité et reprise de l’emploi, le dispositif du RSA constitue un bon principe, permettant de remettre à l’honneur la valeur travail et de moderniser les dispositifs d’assistance sociale.
Concernant les attaques contre le dispositif du RSA jeunes, je tiens à préciser que l’existence de conditions d’obtention – travail au moins deux ans au cours des trois dernières années – montre qu’il s’agit bien d’une incitation au travail, dans la logique voulue par le Président de la République, et non d’une mesure d’assistanat.
Le Président de la République a confié une mission à Marc-Philippe Daubresse en avril dernier, pour faire le point sur la mise en œuvre du RSA et renforcer le « volet insertion » du dispositif. Vingt-deux recommandations ont été formulées, dont la mise en place de contrats uniques d’insertion d’une journée par semaine. Je salue cette expérimentation qui permet de ne pas laisser de côté ceux qui rencontrent des difficultés sociales ou de santé ni ceux qui sont éloignés du marché du travail depuis trop longtemps.
Enfin, je veux dire quelques mots sur un sujet ayant trait à l’aide sociale à l’enfance : il s’agit de la prise en charge des mineurs étrangers isolés. Cette année, près de 6 000 mineurs étrangers isolés ont en effet dû être pris en charge, sur notre territoire, au titre de l’aide sociale à l’enfance. Je tiens à relayer auprès de vous, madame la ministre, l’inquiétude des départements.
Je citerai un passage du rapport que notre collègue Isabelle Debré a consacré à cette question, et qui résume parfaitement la situation.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. M. Lorrain dépasse son temps de parole, monsieur le président, et vous avez interrompu notre rapporteur pour avis !
M. Jean-Louis Lorrain. Elle explique que les départements « considèrent que l’État devrait exercer son rôle de chef de file dans le dispositif d’accueil des mineurs isolés étrangers, le contrôle des flux migratoires relevant de sa compétence régalienne, et que c’est en raison de la carence étatique qu’une réponse a dû être organisée localement. Les élus départementaux considèrent en outre que leur compétence générale en matière de protection de l’enfance ne saurait être mise en avant par l’État pour justifier sa propre absence de réponse à un phénomène qu’ils disent subir largement ».
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Lorrain. Sur cette question, j’aurai l’occasion de présenter tout à l’heure un amendement que je soutiens à titre personnel.
Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles. Or, s’il est un domaine où l’effort de la nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité. Avec le groupe de l’UMP, j’apporterai mon soutien et ma voix à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est en période de crise, comme celle que nous traversons aujourd’hui, que la solidarité doit trouver toute sa signification. Elle est essentielle pour le maintien d’une cohésion sociale.
Force est de constater que les écarts entre les Français se creusent et que les inégalités se développent. Le nombre de nos concitoyens en situation d’exclusion ne cesse de progresser. Ce constat, je le faisais déjà, devant vous, il y a deux ans. J’observe malheureusement qu’il s’est encore aggravé.
Une première lecture de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dont nous débattons ce soir pourrait nous faire croire, cette année, à un effort. En effet, l’allocation aux adultes handicapés, principale dépense de la mission, connaît une évolution dynamique. Cependant, les crédits alloués au titre des programmes « Actions en faveur des familles vulnérables » et « Égalité entre les hommes et les femmes » ne connaissent pas la même progression, loin s’en faut.
S'agissant des actions en faveur des familles vulnérables, une lecture plus approfondie de la mission met en évidence le peu d’ambition du Gouvernement et, bien souvent, son désengagement face à l’ampleur des enjeux et de la situation dramatique de ces familles.
Certes, l’État n’est pas le seul à financer la solidarité nationale. Les départements, les régions et les communes prennent à leur charge une large part de sa mise en œuvre et de sa redistribution. Les collectivités territoriales suppléent l’État, voire se substituent à lui lorsqu’il manque à ses obligations. Le soutien de l’État, en recul, se fait de plus en plus à la marge.
Mme Claire-Lise Campion. Voilà quelques jours, Mme la secrétaire d’État chargée de la santé a annoncé un nouveau plan d’aide à la parentalité. Les « maisons pour les familles », au cœur de ce nouveau dispositif qui regroupe les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents et les Points Info Famille, pourraient permettre une meilleure visibilité. Toute amélioration pour prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leur responsabilité éducative doit être accompagnée.
Derrière ce discours, toutefois, la réalité de l’engagement de l’État est tout autre. Car, concrètement, les crédits de l’action n° 1 du programme sont en diminution de 17 % par rapport à 2011. Une éventuelle subvention supplémentaire des caisses d’allocations familiales ne suffira pas à compenser ce net recul.
L’annonce de ce nouveau plan n’aurait-elle pas pour objectif de masquer la baisse de 1,9 million d’euros réalisée sur les Points Info Famille et les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ?
Ce décalage entre les discours et la réalité est tout aussi sensible concernant le soutien apporté par l’État à la protection de l’enfance. Aucune dotation du Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’est prévue cette année.
L’État persiste dans son refus de se soumettre à ses obligations légales en la matière. Créé après une longue bataille juridique, ce fonds trouve son origine dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Il devait être doté de 150 millions d’euros sur trois ans, afin de compenser, pour les départements, les charges induites par cette loi. Il aura fallu plusieurs recours de conseils généraux devant le Conseil d’État et une menace d’astreinte journalière pour que l’État publie enfin le décret créant ce fonds, décret qui a lui-même été l’objet de nombreuses insatisfactions du fait du montant, ridiculement bas, alloué au fonds et de l’absence de compensation des dépenses engagées par les départements depuis 2007.
À ce jour, il n’est provisionné que de 40 millions d’euros, une partie provenant d’un abondement de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, l’autre d’un transfert des excédents du RSA activité voté par le Parlement.
Les départements ne peuvent supporter cette charge, à laquelle vient s’ajouter la question de plus en plus sensible de l’accueil des mineurs étrangers isolés. Notre collègue Jean-Louis Lorrain a commencé à aborder cette question avant de devoir conclure son intervention, ayant épuisé son temps de parole.
Faute de dispositif d’accueil, l’État, une fois encore, se décharge sur les départements sans aucune compensation financière. Cette question doit faire l’objet d’un partage des missions, des responsabilités et des charges entre l’État et les conseils généraux. Il y a une réelle urgence.
Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont la dotation est déjà très modeste, voit ses crédits baisser de 5 % par rapport à 2011. L’essentiel de la réduction concerne la nouvelle action n° 11 dont les crédits sont consacrés à la promotion de la place de la femme dans la sphère professionnelle ou publique.
Les constats sont édifiants : absence de parité, sous-emploi, précarité, inégalité des salaires. Les discriminations et inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel perdurent, malgré la loi de 2005. De surcroît, en période de crise économique, les femmes sont les plus touchées par les fins de contrat ou par leur non-renouvellement.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est la vraie vie !
Mme Claire-Lise Campion. La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle a certes permis d’augmenter le nombre de femmes dans les conseils d’administration, mais nous sommes loin de l’objectif de 40 % assigné par la loi, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial.
Par ailleurs, les femmes sont toujours faiblement représentées aux postes d’encadrement. Selon les chiffres de l’INSEE, dans le secteur privé, seul un poste d’encadrement sur quatre est occupé par une femme.
Dans la fonction publique, très féminisée, puisque 60 % des fonctionnaires sont des femmes, seuls 16 % des emplois publics de dirigeants d’administration sont occupés par des femmes. On ne compte que 9,9 % de préfètes, 11 % d’ambassadrices… Où est l’exemplarité de l’État ?
Le même constat prévaut en politique : la parité régresse, les dernières élections sénatoriales en sont le triste exemple, et la réforme sur les collectivités locales, si elle était appliquée, aggraverait encore la situation.
Comment peut-on croire à une réelle volonté du Gouvernement d’agir, alors que les crédits consacrés à ces actions baissent ?
La nouvelle action n° 12, quant à elle, est consacrée à la promotion des droits, à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes.
La loi du 9 juillet 2010 constitue une avancée ; elle accentue les mesures de prévention et de protection des femmes.
Les violences faites aux femmes – qu’il s’agisse d’agressions au sein du couple, d’agressions dans le milieu professionnel, de viols, de mutilations sexuelles, de mariages forcés, de prostitution – ne sont pas une fatalité. Nous ne pouvons nous y résigner ; nous devons y mettre fin par une politique volontariste.
Aujourd’hui, seuls 40 % des départements sont dotés d’un référent violence unique, comme le prévoyait la loi.
Faute de formation spécifique des personnels judiciaires, les plaintes n’aboutissent pas toujours et les ordonnances de protection des victimes sont trop peu nombreuses.
Alors que la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » en 2010 par le Gouvernement et que celles-ci ont augmenté de 13% cette même année, le Gouvernement diminue ou supprime les subventions attribuées aux associations, qui sont pourtant des acteurs de terrain indispensables. Je citerai, pour exemple, la suppression de la subvention à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.
Aurait-on affaire, une fois encore – une fois de trop ! – à une simple politique d’affichage ?
En conclusion, cette mission n’est pas à la hauteur des ambitions qu’elle affiche. Je rejoins nos rapporteurs en considérant que c’est bien le désengagement qui la caractérise : désengagement et renoncement du Président de la République, puisque l’objectif de réduction de la pauvreté ne fait plus partie du projet annuel de performances pour l’année 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la note de présentation stratégique de la mission indique que « la construction d’une société davantage sur l’inclusion sociale et l’égalité des chances est une priorité essentielle du Gouvernement ». Qu’en est-il réellement ?
Dans un article du quotidien Le Monde en date du 30 août 2011, Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, confiait son inquiétude face au tableau de la pauvreté, en réaction à l’étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques. En effet, selon cette étude, 13,5 % de la population de France métropolitaine était considérée comme pauvre, c'est-à-dire vivant avec moins de 954 euros par mois, contre 13 % en 2008. Il y avait, en France, 8,2 millions de pauvres en 2009, contre 7,8 millions l’année précédente.
L’inquiétude est d’autant plus importante que la situation s’est considérablement aggravée depuis, comme le souligne le Secours catholique dans son rapport annuel de 2010, rendu public mardi 8 novembre dernier.
L’association constate une hausse régulière des personnes ayant eu recours à ses services, dont une majorité de familles. Près de 1,5 million de personnes ont bénéficié en 2010 de l’aide du Secours catholique, soit une progression de 2,3 % par rapport à 2009, dont 702 000 enfants. Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans sont les plus touchés par la pauvreté. Par ailleurs, plus de 30 % d’entre eux sont sans ressource et plus de 40 % au chômage.
Voilà, à grands traits, les défis que nous avons à relever avec cette mission. Les Restos du Cœur, qui démarrent aujourd'hui leur vingt-septième campagne, n’y parviendront pas seuls !
Certes, les crédits de la mission progressent de 3,14 %, mais cette hausse masque des évolutions contradictoires entre les différents programmes. En effet, seule l’enveloppe du programme « Handicap et dépendance » progresse de 6,04 % pour 2012.
Cette mesure est évidemment une bonne chose. Toutefois, je mettrai un bémol en raison du décret pris le 16 août 2011 par le Gouvernement concernant l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés. En effet, le décret réduit la durée d’attribution de l’AAH de cinq ans à deux ans maximum. En conséquence, les personnes handicapées seront en situation de demandeur permanent, nuisible à l’indemnisation, dans la mesure où il faut compter en moyenne trois mois pour remplir un dossier d’AAH et un délai réel de neuf à dix-huit mois pour que les MDPH et les CAF l’instruisent.
Par ailleurs, de nombreuses associations dénoncent la modification de la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, compte tenu du handicap ». En clair, pour les personnes en situation de handicap, le ministre donne la consigne aux autorités de ne retenir que les contraintes liées directement au handicap. C’est une négation totale des situations handicapantes que l’on pourrait qualifier de « surhandicaps ».
En ce qui concerne le revenu de solidarité active, on constate que la montée en charge du RSA activité est bien plus faible que celle du RSA socle. Le contexte économique n’est guère propice à l’embauche des travailleurs les moins qualifiés. C’est donc très logiquement que la part du budget consacrée au RSA activité baisse.
Le RSA devrait susciter un vrai débat. Celui-ci ne joue pas suffisamment son rôle en matière d’insertion professionnelle. On peut même craindre, avec le maintien de la crise, l’explosion des dépenses sociales des départements, financeurs du RSA socle, avec le risque que ces derniers ne compensent ces dépenses nouvelles par la réduction d’autres actions en faveur de la réduction des inégalités ou de l’insertion professionnelle.
Dans son avis rendu le 16 mai 2011, le CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, estime indispensable le développement du volet insertion du RSA. Il rappelle que, pour lutter efficacement contre la pauvreté, l’exclusion et les discriminations, il est indispensable d’avoir pour levier une véritable détermination politique et pour instrument une stratégie d’action globale, multidimensionnelle et multipartenariale.
Enfin, pour ce qui est de la protection de l’enfance, sans revenir sur l’historique de la création du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, chargé principalement de compenser les charges des départements, je me permets de rappeler que ses ressources sont constituées d’un versement de la CNAF, arrêté par la loi de financement de la sécurité sociale, et par un versement de l’État, arrêté par la loi de finances. Or ni l présent projet de loi de finances ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne prévoient de dispositions relatives à l’abondement du FNPE. Nous ne pouvons que dénoncer cette situation dans laquelle les départements sont contraints de financer des mesures à la place de l’État, dans un sens contraire aux engagements pris par le Gouvernement.
En conclusion, d’autres ambitions sont nécessaires : stopper la révision générale des politiques publiques, mettre l’homme, la femme, l’enfant au cœur de toutes les politiques, instaurer une nouvelle répartition des richesses, pour que cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se donne réellement les moyens de ses attributs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous attendions avec d’autant plus d’impatience l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion, et égalité des chances » que les chiffres du chômage augmentent, que la crise financière, économique et sociale prend de l’ampleur, que les économies des pays voisins vacillent et que la dette, le manque de solidarité européenne et internationale conduisent les pays les plus fragiles à s’effondrer, tels des châteaux de cartes.
Nous l’attendions, madame la ministre, parce que nous ne voulons pas que la France, à l’image de la Grèce ou de l’Italie, sombre à son tour dans une crise structurelle et qu’elle se retrouve au bord du gouffre.
Nous l’attendions, madame la ministre, parce que nous pensons que c’est non pas l’austérité qui sauve les pays de la faillite, mais une politique à long terme de redistribution des richesses et un État en bonne santé faisant office de parachute sans dorure, mais efficace.
La Grèce, incapable de lever l’impôt, s’est placée dans l’œil du cyclone. Elle ne s’est pas donné les moyens de mettre en œuvre une politique redistributive autrement qu’en s’endettant dans des proportions insoutenables.
Les derniers chiffres de l’INSEE sont parlants et sans ambiguïté : 50 % des richesses de notre pays appartiennent à 10 % des Français. La redistribution n’est pas au rendez-vous en France. Les inégalités sociales, tels des termites invisibles, rongent petit à petit la cohésion nationale. Or, on le sait maintenant, la crise financière de 2008, qui ne cesse de s’aggraver, résulte largement des inégalités existant au sein même des pays riches.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, madame la ministre, les conclusions du rapport sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont pour le moins préoccupantes.
Si les crédits alloués à la réduction des inégalités et à l’insertion sont en légère hausse, cette augmentation est tout entière affectée au programme « Handicap et dépendance ». En clair, cela signifie que les crédits des autres programmes diminuent. Ceux du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » sont en baisse de 5 %, ceux du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » connaissent une diminution de 4 % et ceux du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » – et là, c’est le pompon ! – subissent une baisse de 23 %. On croit rêver – que dis-je ? –, on nage en plein cauchemar !
Le RSA, comme je l’ai dit il y a trois ans à M. Hirsch, était au départ une très belle idée : il constituait les prémices d’un revenu universel garanti, destiné à permettre à tous de bénéficier d’une sécurité fondamentale et de retrouver le chemin de l’emploi.
Non seulement le RSA est une bonne idée, mais il est une nécessité face à l’augmentation du chômage de longue durée, du travail discontinu et donc du nombre de personnes sans ressources perdant leur statut social et leur logement. Voilà la réalité contre laquelle il faut lutter !
Amortisseur social, le RSA pourrait aussi être un tremplin permettant à celles et à ceux qui sont au bord du déclassement social de repartir. Aussi baisser le budget dévolu à cette allocation est-il une aberration.
Je rappelle que M. Hirsch avait initialement estimé qu’il était nécessaire de consacrer à la mise en place du RSA une enveloppe de 5 milliards d’euros, mes chers collègues : 5 milliards d’euros ! In fine, le dispositif a été mis en place avec 1,5 milliard d’euros. Aujourd'hui, telle une peau de chagrin, cette enveloppe est réduite à 535 millions d’euros pour 2012. C’est scandaleux, madame la ministre !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est honteux !
M. Jean Desessard. Je ne vois pas d’autre mot pour qualifier cette baisse, à part peut-être « irresponsable ».
Cette baisse intervient alors que votre majorité, madame la ministre, a annulé lors de l’examen du PLFSS le relèvement de 0,5 point de la contribution sur les revenus du capital que nous avions proposée. Elle intervient alors que les parachutes dorés demeurent d’actualité et que les niches fiscales réservées aux plus riches sont préservées.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et les stock-options aussi !
M. Jean Desessard. Savez-vous que, sans toutes les baisses d’impôt accordées en France depuis 2000 par la droite, le déficit de la France serait seulement de 1 % aujourd’hui ? Ce n’est pas moi qui le dis, mais des parlementaires de l’UMP dans un rapport qu’ils ont publié en juillet 2010 !
Avec les 100 milliards d’euros par an que représentent ces baisses, nous aurions largement les moyens de mettre en place un RSA digne de ce nom et d’entamer une reconversion vers une économie durable. Vous allez me dire, madame la ministre, que c’est là un autre sujet, mais dois-je vous rappeler que le RSA a été voté en même temps que le bouclier fiscal ? Et que l’on ne me dise pas qu’une telle fiscalité pénaliserait l’économie puisqu’elle était de mise en 2000 et que personne n’y trouvait alors à redire !
Par ailleurs, le RSA mériterait d’être revu à la hausse non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement, car, depuis le début, il ne permet pas de remplir la mission qui est la sienne. La réalité, madame la ministre, c’est que la mise en œuvre du RSA pose d’immenses problèmes. Le bilan n’est pas bon.
Il y a trois ans, je craignais déjà que cette idée juste ne serve de caution à une politique profondément inégalitaire et que ses effets pervers ne trahissent l’intention louable initiale de M. Hirsch. J’avais alors dit qu’il s’agissait d’un bon concept dans un mauvais contexte.
J’avais expliqué que M. Hirsch avait eu l’intelligence de produire un concept d’assistance dynamique, mais que, compte tenu de la politique menée par le Gouvernement, le RSA ne pouvait être au mieux qu’un palliatif. Il ne constituait pas l’ébauche d’une politique de solidarité, de partage du travail, de justice sociale.
Je soulignais également les effets collatéraux d’un RSA mal mis en œuvre. J’indiquais en particulier qu’il contraindrait ses bénéficiaires à accepter des conditions de travail pénibles, des horaires décalés. Le problème du RMI était qu’il n’incitait pas au retour à l’emploi. Le problème du RSA est qu’il contraint les allocataires à accepter le premier travail venu, parce que « c’est déjà ça ». Toutefois, pour la plupart des allocataires, le petit boulot, les quelques heures effectuées par-ci par-là ne se muent pas en poste à plein temps. Le travailleur pauvre reste un travailleur pauvre.
Ainsi, aucun des objectifs que visaient à atteindre le RSA et son initiateur n’est atteint pour la majorité des allocataires. Pour mémoire, je vais vous les rappeler, en m’appuyant sur l’excellent rapport coordonné par les sociologues Dominique Méda et Bernard Gomel en novembre 2011.
Le premier objectif était de faire en sorte que chaque heure travaillée améliore le revenu final afin que la majorité des bénéficiaires du RSA puisse retrouver un revenu décent. Résultat aujourd'hui : « La grande partie des allocataires se rend compte que pour elle rien n’a changé et qu’elle doit continuer à tenter de survivre avec 467 euros par mois pour une personne seule. S’agit-il vraiment de "moyens convenables d’existence"? », s’interrogent les deux experts.
Le deuxième objectif était de garantir aux allocataires que, en cas de travail discontinu, leurs ressources globales leur permettraient de franchir le seuil de pauvreté. Résultat aujourd'hui : la lourdeur administrative, le manque de moyens de Pôle emploi, ainsi que des procédures inadéquates, telles que la déclaration trimestrielle, que je dénonçais déjà en 2008, favorisent des ruptures administratives lourdes à contrecarrer pour des personnes qui sont déjà en rupture de ban et financièrement très fragilisées.
Le troisième objectif était de permettre aux familles de disposer de revenus plus prévisibles en rendant le système plus lisible pour tous et en évitant les effets de seuil du RMI. Dès qu’il retravaillait, le bénéficiaire du RMI perdait la plupart de ses allocations. Résultat aujourd'hui : « il semble que les effets de seuil n’ont pas été supprimés mais simplement déplacés [...] », concluent les sociologues.
Le constat est sévère. Les crédits que nous examinons aujourd’hui auraient dû être à la hauteur du défi. Ils ne le sont pas.
Je n’évoquerai même pas le RSA jeunes lancé quelque temps plus tard : le résultat est carrément désastreux. Comme nous l’a indiqué Mme la rapporteure pour avis, à peine 10 000 jeunes en bénéficient. Et pour cause : il est quasiment impossible d’y accéder, car il faut avoir travaillé deux années pleines au préalable. C’est une blague ! Le résultat était couru d’avance.
Pour faire face à l’exclusion des jeunes, en particulier de ceux ayant déjà un pied dehors, il faudrait revoir complètement le dispositif et permettre à tous, dès l’âge de dix-huit ans, de pouvoir accéder dans les mêmes conditions à un revenu garanti. Nous vous l’avions dit, mais vous ne nous avez pas écoutés.
Nous sommes très déçus, madame la ministre, et surtout profondément inquiets. Quand la cohésion sociale sera détruite, il sera trop tard, en tout cas pour celles et ceux qui en auront le plus subi les dommages, c'est-à-dire les plus pauvres.
Chers collègues, vous qui aimez tant les expériences internationales, n’oubliez pas le cas significatif du Brésil : ce n’est pas en imposant des mesures d’austérité, ce n’est pas en mettant en œuvre des politiques de défiscalisation en faveur des plus riches que l’économie de ce pays a décollé. C’est en revalorisant les salaires et en instaurant des prestations sociales que les Brésiliens ont pu relever la tête et se prendre en main.
Qu’attendez-vous, qu’attendons-nous, madame la ministre, pour tirer les leçons d’expériences qui ont permis à tous de réagir ensemble ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les mesures insuffisantes et parfois dangereuses proposées dans cette mission, à l’exception, comme l’indiquait Mme la rapporteure pour avis, des articles 61 et 61 bis, aussi insuffisants soient-ils. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’ensemble des intervenants qui m’ont précédé ayant fourni à notre assemblée des données chiffrées sur les situations de pauvreté dans notre pays, je n’y reviendrai pas.
L’examen attentif des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » nous conduit à porter un regard sur notre pays. Réformer la France suppose d’agir avec discernement et en respectant les équilibres institutionnels de notre République. Or nous sommes las de constater, jour après jour, que le chemin emprunté par le Gouvernement et le Président de la République est celui de l’affrontement avec les collectivités locales.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Georges Labazée. Parmi elles, les départements vivent une situation spécifique liée au différentiel de plus en plus grand entre ce qu’ils paient pour financer les trois allocations individuelles de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le RSA, et ce qui leur est remboursé par l’échelon national.
La pression de plus en plus forte de ces dépenses sur les budgets des départements risque de les contraindre à limiter les dépenses dans les domaines de l’éducation et du développement des territoires, ce qui fragiliserait le tissu des acteurs culturels, sportifs, éducatifs et sociaux.
Permettez-moi de citer l’exemple de l’APA. Dans les Pyrénées-Atlantiques, le différentiel entre la dotation de l’État et ce qui était attendu par le département s’élève à 45 millions d’euros par an. La situation est extrêmement tendue.
Au-delà des conséquences budgétaires, le financement des allocations individuelles de solidarité pose une question fondamentale, qui engage notre volonté de vivre ensemble : comment préserver notre modèle de solidarité inspiré de l’héritage du Conseil national de la Résistance ? Pensons-nous que les piliers fondamentaux de notre système de solidarité – la sécurité sociale, les allocations familiales et la retraite – puissent être financés un jour, ne serait-ce qu’en partie, grâce à des impôts locaux basés sur des maisons ou des « bouts de jardin » ? C’est ce qui se passe aujourd’hui pour ces trois allocations.
J’affirme que tout ce qui concerne les allocations de solidarité – le montant des dépenses et des recettes, ainsi que les règles applicables – doit être décidé par le Parlement à l’échelon national afin que l’équité soit garantie pour tous dans tous les départements de la République.
C’est l’échelon départemental qui, dans la proximité et la sérénité financière retrouvée, doit organiser l’accueil et l’accompagnement des allocataires. Cette position est d’ailleurs commune aux départements de droite comme de gauche.
La situation financière des départements va s’aggraver compte tenu de la chute prévisible des droits de mutation et de la non-compensation intégrale de la taxe professionnelle.
Plutôt que d’aborder d’autres points, je préfère m’attarder quelques instants sur le RSA, qui est au cœur de nos débats.
Le RSA socle, ainsi qu’il en avait été décidé en 2004, devait être financé par une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Or le produit de cette taxe est aujourd’hui inférieur à l’évaluation qui avait été faite en 2003. Ainsi, entre 2004 et 2008, après des ajustements complexes et successifs, les départements n’ont reçu que 25 milliards d’euros de TIPP, soit 85,6 % de dépenses engagées au titre du RSA socle. Nous sommes loin d’un taux de couverture de 100 % et le décalage ne fait que croître.
Un certain nombre de départements connaissent un taux de couverture inférieur à 85 % : le Cher, le Doubs, l’Eure-et-Loir, la Haute-Saône, le Loir-et-Cher, le Loiret, la Moselle, le Bas-Rhin, la Seine-et-Marne, les Yvelines, le Jura, la Meuse, le Val-d’Oise, les Vosges et le Territoire de Belfort. Ces départements sont dirigés tant par des élus de droite que par des élus de gauche.
Les départements subissent donc une perte financière considérable, cependant que la carence de l’État est manifeste pour gérer une situation de pauvreté qui ne cesse de s’aggraver et qui touche de plus en plus de foyers.
Le mot « carence » n’est peut-être pas le bon. En tout cas, c’est la première fois que l’indicateur de performance « réduction de la pauvreté » est supprimé. Je m’interroge sur les raisons d’une telle décision.
Beaucoup a été dit sur le programme « Handicap et dépendance ». La loi de finances pour 2011 avait inscrit 1 million d’euros de crédits pour le financement de nouvelles places dans les établissements et services d’aide par le travail, ce qui était déjà insuffisant. Cette année, vous inscrivez 2,3 millions d’euros. Dans le projet de loi de finances pour 2013, ce sont donc 8 millions d’euros qu’il faudra inscrire pour mettre en œuvre le dispositif triennal. Cette promesse devra donc être honorée par le futur gouvernement…
Les taux directeurs des conventions tripartites, fixés par l’État, sont trop faibles et rendent inapplicables les conventions collectives. Pour cette raison, l’élaboration des budgets sera extrêmement difficile pour les départements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de cette mission inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 augmenteront de plus de 327 millions d’euros. Cela traduit la volonté du Gouvernement d’épargner les politiques sociales et les dépenses d’intervention en direction des publics fragiles, puisque, à eux seuls, les crédits de l’allocation aux adultes handicapés représenteront, en 2012, près de 60 % du total des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Vous l’avez presque tous fait remarquer.
En effet, la revalorisation de 25 % de l’AAH entre 2008 et 2012, décidée durant son mandat par le Président de la République, sera bien mise en œuvre et représentera au total une dépense supplémentaire pour l’État de 2,3 milliards d’euros, dont plus de 924 millions d’euros en 2012.
Si la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » contribue à l’effort de consolidation de notre stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques d’ici à 2016, les dépenses d’intervention portées par les quatre programmes de cette mission – hors programme 124, programme « support » – ne seront réduites que de 60 millions d’euros, soit un plus de 0,5 % des crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances. Cela reste modeste rapporté au 1,5 milliard d’économies supplémentaires que porte ce texte. Je reviendrai plus en détail sur la répartition de ces 60 millions d’euros d’économies.
S’agissant des politiques en direction des personnes âgées, conformément à l’engagement du Président de la République, nous proposons dès cette année plusieurs mesures financières d’effet immédiat. J’ai eu l’occasion de présenter les principales d’entre elles lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, en particulier dans le domaine médico-social.
S’agissant du projet de loi de finances pour 2012, je vous indique que j’ai obtenu que l’on apporte une réponse aux difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontées les associations ou les entreprises chargées des services d’aide à domicile.
En 2012, le Gouvernement mobilisera 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement, qui seront placés auprès de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et qui permettront d’accompagner la restructuration des services d’aide à domicile, dont le pilotage sera confié aux agences régionales de santé. Ces dernières seront chargées, en lien avec les conseils généraux, d’instruire les demandes portées par les services d’aide à domicile en difficulté et signeront bien des conventions de retour à l’équilibre à hauteur de 50 millions d’euros. Cette aide sera néanmoins mise à la disposition de ces structures en deux tranches.
Ces crédits seront abondés à partir du budget général de l’État – programme 157 « Handicap et dépendance ». C’est le sens de l’amendement que le Gouvernement a déposé lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement n° II–163 du groupe socialiste-EELV.
J’en viens maintenant à mon deuxième point, à savoir la mise en place d’une expérimentation d’un contrat d’une journée par semaine pour les bénéficiaires du RSA.
Je souhaite que le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » finance, dès l’année prochaine, et dans la limite de 3 millions d’euros, une expérimentation visant à créer ce nouveau contrat. Il s’agira d’activités rémunérées, sur la base du volontariat, limitées dans un premier temps au secteur non marchand. Les bénéficiaires seront rémunérés sur la base du SMIC, continueront à percevoir le RSA socle et seront éligibles au RSA activité. Dix mille contrats de ce type sont prévus pour 2012.
Plusieurs conseils généraux ont déjà manifesté leur souhait d’expérimenter ce dispositif. À cet égard, je souhaite que leurs présidents bénéficient d’une grande souplesse pour choisir le mode d’organisation le plus approprié. Certains m’ont d’ailleurs exposé des démarches originales très intéressantes. Nous aurons à les évaluer.
Le pilotage de l’expérimentation que je souhaite mettre en place regroupera d’ailleurs, outre les directions centrales concernées, les représentants des départements expérimentateurs.
Si ce contrat à vocation sociale est une réussite, l’expérimentation sera généralisée à l’ensemble des conseils généraux, car toutes les innovations sont les bienvenues dans ce domaine.
Troisième point : la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, qui constitue l’une de nos priorités.
Il faut renforcer la collaboration opérationnelle entre les caisses d’allocations familiales et de nombreuses autres administrations ou organismes « partenaires », à commencer par les conseils généraux. C’est grâce à cette coopération plus étroite que nous détecterons plus tôt les faits générateurs de fraudes les plus répandus. Les prestations qui donnent lieu aux plus de fraudes sont les minima sociaux. C’est précisément pour développer ces coopérations que j’ai lancé, le 4 avril dernier, une expérimentation de coopération renforcée. Elle a été menée durant quatre mois dans quatorze départements.
Je suis en mesure aujourd’hui de vous livrer les résultats définitifs de ces opérations : elles ont permis de doubler le taux de détection des fraudes, qui est passé à 10 %, contre 5 % en 2010, sur le total des prestations.
Le RSA représenterait plus du tiers des fraudes détectées. Le taux de détection rapporté au montant total de RSA « contrôlé » est en progression de 2 % par rapport à 2010, soit un taux de détection de fraudes au RSA de 9 % en 2011.
En retenant cette même base pour 2012, soit un préjudice au titre des fraudes au RSA en progression de 12,8 millions d’euros, les caisses d’allocations familiales seraient en mesure de recouvrer 70 % de ces indus de RSA dès 2012, soit près de 9 millions d’euros.
En considérant que ces indus portent, pour 75 % d’entre eux, sur le RSA activité, l’État ferait une économie supplémentaire de 6,6 millions d’euros.
Prenant acte de ces premiers résultats, j’ai décidé de diminuer le montant pour 2012 des crédits dévolus au RSA activité, portés par le programme 304, de 6,6 millions d’euros.
Les crédits de ce même programme seront diminués de 50 millions d’euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, afin d’aligner le montant des frais de gestion du RSA sur ceux des aides personnalisées au logement supportées par la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, et compensés par l’État, soit une diminution de 19 millions d’euros en retenant, au titre de ces frais de gestion, un taux de 2 % sur le montant des dépenses devant être supportées en 2012 par le Fonds national des solidarités actives, soit un montant proche de 2 milliards d’euros.
Deuxièmement, afin de tenir compte des reprises d’excédents des crédits de l’aide personnalisée de retour à l’emploi versés à Pôle emploi, soit une diminution de 20 millions d’euros.
Troisièmement, afin de retenir une prévision de consommation des crédits prévus pour le financement du RSA jeunes pour 2012 plus en ligne avec la consommation des crédits attendue en 2011, soit une diminution de 11 millions d’euros.
Je précise en outre que les 3,4 millions d’euros d’économies supplémentaires portent uniquement sur le programme 157 et se répartissent comme suit : une économie de 1,3 million d’euros au titre de la réduction des opérations d’investissement dans les ESAT – le projet de loi de finances prévoit le financement d’opérations d’investissement dans les ESAT à hauteur de 4 millions d’euros en autorisations d'engagement, tandis que les crédits de paiement s’établissent désormais à 1 million d’euros pour financer ces opérations de modernisation, ce qui ne remet nullement en cause leur effectivité – ; une économie de 2,1 millions d’euros au titre de l’allocation supplémentaire d’invalidité. Cela ne soulève aucune difficulté dans la mesure où l’ASI connaît depuis plusieurs années une baisse soutenue de ses allocataires en moyenne annuelle. Le projet de loi de finances a retenu une diminution de 3 % du nombre de bénéficiaires, ce qui est tout à fait réaliste.
Quatrièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont abordé le sujet de l’accueil des mineurs étrangers isolés.
Le Gouvernement a parfaitement conscience des difficultés auxquelles plusieurs départements sont confrontés. Il s’agit certes d’une compétence intégralement dévolue aux conseils généraux, mais les pouvoirs publics ne peuvent pas rester insensibles aux évolutions mises en lumière par nombre d’entre vous. C’est pourquoi, avec mon collègue Michel Mercier, garde des sceaux, nous avons décidé de réunir, sous l’égide du Premier ministre, un groupe de travail chargé de réfléchir aux évolutions envisageables concernant la prise en charge des mineurs étrangers isolés par les départements. Ce groupe rendra son avis sur la mobilisation éventuelle d’une partie des moyens du Fonds national de financement de la protection de l’enfance disponibles en 2012, afin d’accompagner les départements les plus concernés par ce phénomène.
En outre, d’autres solutions sont actuellement mises en œuvre par le Gouvernement, notamment afin de répartir d’une manière plus équitable et plus homogène les placements ordonnés par le juge des enfants sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’accorder un soutien budgétaire aux plates-formes chargées de l’accueil et de l’orientation des mineurs isolés.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accueil des mineurs étrangers constitue une préoccupation majeure pour le Gouvernement. Je remercie d’ailleurs M. Lorrain, ainsi que plusieurs autres sénateurs et sénatrices, d’avoir à nouveau appelé mon attention sur ce sujet. En conséquence, je demande aux auteurs des amendements relatifs à ce sujet de bien vouloir retirer leurs textes, au bénéfice de ces explications.
Cinquièmement, enfin, j’évoquerai la compensation par l’État des charges des départements.
Les crédits figurant dans ce projet de loi de finances pour 2012, et tout particulièrement les fonds de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoignent de la volonté du Gouvernement de compenser au mieux les compétences transférées aux collectivités territoriales, en matière de politiques sociales.
Tel est notamment le cas concernant la participation de l’État au fonctionnement des MDPH. Une partie des personnels de l’État qui, à l’origine, a été mise à la disposition de ces établissements, a fait valoir ses droits à la retraite ou a réintégré son administration d’origine. Il est impératif que l’État respecte son engagement de doter ces groupements d’intérêt public des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.
Ainsi, en 2012, l’augmentation de près de 10 millions d’euros de la contribution de l’État par rapport au dispositif triennal, que j’ai obtenue, permettra de compenser ces vacances d’emplois.
Enfin, le Gouvernement vient de déposer un amendement au présent projet de loi de finances visant à tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la compensation due au titre des transferts de personnels des services des ministères chargés des affaires sanitaires et sociales qui participent à l’exercice des compétences transférées non seulement aux départements au titre du revenu minimum d’insertion, de la lutte antivectorielle, du Fonds d’aide aux jeunes, des centres locaux d’information et de coordination, des comités départementaux des retraités et personnes âgées, du Fonds de solidarité logement, des fonds d’aide concernant l’eau, l’énergie et le téléphone, mais aussi aux régions, au titre des formations paramédicales et de sages-femmes, des formations des travailleurs sociaux, des aides aux étudiants de ces formations.
En 2012, dernier exercice au titre duquel interviendra une compensation en la matière, les transferts de l’État seront très limités : de fait, les deux dernières collectivités bénéficiaires sont les départements des Côtes-d’Armor et des Pyrénées-Atlantiques, à hauteur d’un équivalent temps plein respectivement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nombreux sont ceux qui m’ont interrogée au sujet du programme 137. Toutefois, un grand nombre des critiques résulte d’une mauvaise lecture des documents budgétaires. En effet, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un abondement supplémentaire de près de 2 millions d’euros par rapport au budget triennal 2011-2013. Ce faisant, il permet de remettre en base les 2 millions d’euros que l’amendement de Mme Chantal Brunel, députée, avait permis d’apporter au programme 137 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.
Cette somme devrait permettre de financer le surcoût du nouveau plan triennal de prévention des violences faites aux femmes, dont les fonds seront augmentés de plus de 30 % par rapport au plan précédent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet exemple illustre ma détermination à œuvrer dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Il faudrait faire de même avec les crédits du RSA !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite du débat, nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
12 726 208 763 |
12 692 982 308 |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
428 181 487 |
453 181 487 |
Actions en faveur des familles vulnérables |
233 440 792 |
233 440 792 |
Handicap et dépendance |
10 531 313 698 |
10 504 613 698 |
Égalité entre les hommes et les femmes |
20 264 381 |
20 264 381 |
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative |
1 513 008 405 |
1 481 481 950 |
Dont titre 2 |
732 252 670 |
732 252 670 |
M. le président. L'amendement n° II-216, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
|
|
|
|
Actions en faveur des familles vulnérables |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Égalité entre les hommes et les femmes |
|
|
|
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative |
|
120 324 |
|
120 324 |
Dont Titre 2 |
120 324 |
120 324 |
||
TOTAL |
|
120 324 |
|
120 324 |
SOLDE |
- 120 324 |
- 120 324 |
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Le présent amendement vise à tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de l’ajustement des transferts de compétences et de services aux collectivités territoriales.
Ainsi, en application du décret n° 2008-791 du 20 août 2008, les crédits de titre 2 du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » sont minorés de 120 324 euros. Ces crédits correspondent à la rémunération de deux agents du ministère du travail, de l'emploi et de la santé participant à l’exercice de compétences transférées par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dans les domaines de la solidarité, de l’action sociale et de la santé.
Par coordination avec le présent amendement, le plafond des autorisations d'emplois du ministère du travail, de l’emploi et de la santé figurant à l’article 36 du présent projet de loi de finances fera l’objet d’une minoration de deux équivalents temps plein travaillé, par voie d’amendement distinct.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement technique visant à tirer les conséquences sur le budget du transfert déjà effectif de deux agents du ministère à des collectivités territoriales.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je voudrais revenir sur un sujet qui me préoccupe tout particulièrement.
Nicole Bonnefoy a appelé, à juste raison, l’attention de Mme Bachelot-Narquin sur le problème de société que représentent les violences faites aux femmes en général et celles qui sont commises au sein des couples en particulier. Je veux rappeler que ces violences constituent une grave atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine. C’est même la plus répandue en France.
C’est pourquoi nous avions, voilà quelques années, déposé une proposition de loi, qui, avec celle du groupe CRC, fut à l’origine de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. À l’époque, nous ne disposions dans notre législation que de textes épars, preuve du peu d’importance que l’on accordait à un tel problème, certainement par ignorance, mais peut-être aussi parce que l’on considérait que le meilleur moyen de s’accommoder d’un mal qui dérange est de l’ignorer.
En réalité, c’est bien parce que la lutte contre les violences à l’égard des femmes et au sein des couples…
M. le président. Il ne s’agit pas d’une explication de vote, mon cher collègue.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, j’interviens dans le cadre du projet de loi de finances. Précédemment, il a été question de réduire les crédits alloués aux associations, et je tiens à dénoncer un certain nombre de faits, notamment la non-application de la loi du 4 avril 2006 et de certaines dispositions de la loi du 9 juillet 2010 !
M. le président. Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l’amendement du Gouvernement, monsieur Courteau.
M. Roland Courteau. Mais la parole est libre, que je sache !
M. le président. Libre, mais organisée.
M. Roland Courteau. Vous me censurez !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-216.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° II-173 rectifié ter, présenté par MM. Savary, Béchu, Karoutchi, Lorrain, Milon et de Montgolfier, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
75 000 000 |
75 000 000 |
||
Actions en faveur des familles vulnérables |
75 000 000 |
75 000 000 |
||
Handicap et dépendance |
||||
Égalité entre les hommes et les femmes |
||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
75 000 000 |
75 000 000 |
75 000 000 |
75 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Je me permettrai, pour présenter cet amendement, de m’alimenter des réflexions de notre collègue René-Paul Savary.
Cet amendement vise à compenser les dépenses engagées par les départements pour l’accueil des mineurs isolés étrangers, afin de ne pas accentuer davantage les difficultés des départements liées à l’accroissement des dépenses sociales.
Cette proposition fait également suite au rapport de Mme Isabelle Debré paru en mai 2010.
Du fait de leur jeune âge, les mineurs isolés étrangers sont systématiquement accueillis en établissement, les familles d’accueil étant réservées à des enfants plus petits, aux problématiques éducatives complexes.
Les mineurs isolés étrangers ne sont pas autonomes. Ils relèvent d’abord de la politique de l’immigration, puis sont confiés aux conseils généraux, qui doivent en assurer la charge.
Ces mineurs étant isolés, ils sont accueillis 365 jours sur 365 dans nos départements. Le coût moyen journalier en établissement s’établit, pour un département comme la Marne, à 180 euros, ce qui représente un coût annuel de plus de 65 000 euros par mineur. Je vous laisse, mes chers collègues, le soin de calculer le coût imputé à chaque département en fonction du nombre de mineurs isolés accueillis. Il est considérable !
Devant l’accroissement du nombre de mineurs isolés étrangers, et dans le but de compenser aux départements les charges résiduelles induites par leur accueil, il convient que le Fonds national de financement de la protection de l’enfance soit abondé.
Il nous semble que cette somme peut être prélevée sur les crédits non utilisés du Fonds national des solidarités actives, ce qui nous évite ainsi de tomber sous le coup du principe d’irrecevabilité énoncé à l’article 40 de la Constitution !
Les ressources nécessaires seraient donc prélevées sur l’action n° 1, Revenu de solidarité active, du programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », pour être redistribuées à l’action n° 3, Protection des enfants et des familles, du programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Cet amendement vise à transférer 75 millions d’euros du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » vers le programme « Actions en faveur des familles vulnérables », afin de renforcer la dotation du Fonds national de financement de la protection de l’enfance.
Les auteurs de cet amendement entendent ainsi compenser les charges résultant, pour les départements, de l’accueil des mineurs étrangers isolés.
En tant que tel, cet amendement ne serait toutefois pas pleinement opérant, la mission du FNPE se limitant à la compensation des charges résultant de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 reformant la protection de l’enfance et de la conduite d’expérimentations dans ce domaine.
Nous savons que la situation des mineurs étrangers isolés devient un sujet de plus en plus préoccupant pour les conseils généraux, notamment dans les territoires comprenant de grandes zones urbaines.
Quoi qu’il en soit, si je rejoins les préoccupations des auteurs de cet amendement, qui sont d’ailleurs partagées par nombre de nos collègues sur ces travées, je ne peux émettre un avis favorable. En effet, le programme destiné au financement du RSA ne comprend plus suffisamment de crédits pour opérer un tel transfert. Nous avons déjà évoqué ce problème lors de la discussion générale, et souligné qu’il manquait déjà près de 80 millions d’euros pour financer la prime de Noël 2012.
Je rappelle en outre que, si le Gouvernement n’avait pas refusé de doter le FNPE, les marges de manœuvre des départements en matière d’aide sociale à l’enfance seraient certainement plus grandes.
En conséquence, l'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Monsieur Lorrain, votre proposition se fait l’écho des difficultés réelles rencontrées par certains départements pour accueillir des mineurs étrangers isolés. Je vous remercie, ainsi que les coauteurs de cet amendement, de donner l’occasion au Gouvernement de clarifier ses intentions sur ce dossier important.
Afin d’aider les départements les plus impactés par la prise en charge de ces mineurs, nous avons entrepris de répartir de façon plus équitable et plus homogène les placements ordonnés par le juge des enfants sur l’ensemble du territoire.
Nous avons également décidé d’octroyer un soutien budgétaire aux plateformes chargées de l’accueil et de l’orientation des mineurs étrangers.
Enfin, aujourd’hui même, nous avons constitué un groupe de travail regroupant des représentants des ministères de l’intérieur, de la justice et des solidarités, dont la mission sera de proposer des solutions concrètes et rapides au problème de l’accueil de ces mineurs. Ce groupe de travail pourra ainsi étudier la possibilité de consacrer une partie des disponibilités du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, que nous avons estimées à environ 10 millions d’euros en 2012, pour aider les départements les plus en difficulté.
Telle qu’elle est rédigée, votre proposition impliquerait de prélever, en 2012, une grande partie des disponibilités du Fonds national des solidarités actives, au moment même où la situation sociale commande de sanctuariser au maximum ces moyens destinés à accompagner ceux de nos concitoyens qui sont les plus fragilisés.
De surcroît, compte tenu des pistes d’amélioration qui pourraient émerger de la conférence nationale d’évaluation du RSA, qui se tiendra dans moins de deux semaines, il me semble impératif de ne pas hypothéquer aujourd’hui d’éventuelles marges de manœuvre.
Je vous demande en conséquence de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement sera contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lorrain, l’amendement n° II-173 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lorrain. La situation dans laquelle nous nous trouvons est en fait le résultat d’absence de réponses. L’État, par son pouvoir régalien, joue un rôle sur les flux et le Gouvernement met en avant, comme Mme la ministre l’a fait dans sa réponse un peu précipitée tout à l'heure, …
M. Jean-Louis Carrère. Il n’a pas à prendre la parole : il doit dire simplement s’il retire ou non son amendement !
M. Jean-Louis Lorrain. … la compétence des départements en matière d’aide sociale à l’enfance. Je le comprends parfaitement.
Mes collègues et moi-même n’avons pas le monopole de cette préoccupation ; les préfets se trouvent également mis en difficulté par l’absence de réponses.
Quand il s’agit de redistribution, vous savez très bien que nous sommes tous solidaires, mais, lorsqu’il s’agit de mettre la main à la poche,…
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une explication de vote !
M. Jean-Louis Lorrain. … les choses ne sont pas aussi simples que l’on voudrait nous le faire croire.
M. le président. Monsieur Lorrain, retirez-vous votre amendement ?
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, j’ai pris acte des réponses de Mme la ministre. Elle m’a dit avoir constitué un groupe de travail important…
M. Jean-Louis Carrère. Il le retire ou pas ?
M. Jean-Louis Lorrain. Vous permettez que je termine ma phrase, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas possible !
M. Jean-Louis Lorrain. Je vais retirer l’amendement, mais j’ai tout de même le droit d’expliquer pourquoi ! Je souhaite avoir un certain nombre d’assurances pour les départements car je ne me satisferai pas de la promesse d’une simple réunion.
M. le président. L’amendement n° II-173 rectifié ter est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
J’ai été saisi, dans le délai limite, d’une demande d’explication de vote de la part de Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Vous avez la parole, ma chère collègue.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’égalité entre les femmes et les hommes est encore loin d’être une réalité et tout nous conduit à penser que, compte tenu de la politique gouvernementale, elle restera longtemps un vœu pieu.
Il y a quelques mois, en imposant le conseiller territorial, le Gouvernement et les parlementaires qui le soutiennent, ont porté un grand coup à la parité dans la mesure où, avec le mode de scrutin prévu, la proportion des femmes parmi les conseillers territoriaux ne devrait pas excéder 17 %.
Il y a de cela quelques jours, le Gouvernement et les députés UMP supprimaient l’amendement que nous avions déposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et que le Sénat avait adopté, visant à conditionner les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui respectent l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est à croire que le Gouvernement ignore le fait que, aujourd’hui, malgré les lois en vigueur, 27 % des femmes subissent, à qualifications et activités professionnelles égales, un salaire inférieur aux hommes.
Dès lors, nous n’avons pas la même lecture du budget que Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, car tous les crédits consacrés au programme 137 sont en baisse et accusent bien une réduction de 27 000 euros de crédits alloués aux lieux d’accueil des femmes victimes de violences, notamment conjugales.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mme la ministre a évoqué le plan triennal de 31 millions d’euros, oubliant de préciser que seuls 11 millions d’euros relèvent du ministère de la cohésion sociale, le reste des efforts n’étant qu’une nouvelle ventilation des moyens.
Pourtant, les professionnels de terrain, les acteurs associatifs formulent tous un constat identique : le nécessaire renforcement de ces structures qui permettent aux femmes violentées de s’extraire du domicile, lieu de violence.
Vous diminuez également les subventions accordées à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail. Or celle-ci jour un rôle important qu’il ne faut pas limiter à une simple permanence téléphonique.
De même, la mission ne financera plus que 33 contrats d’égalité et de mixité des emplois, contre 165 en 2011. Ces contrats, bien que très imparfaits, prévoyaient une aide financière pour les contrats conclus entre l’entreprise, une femme nommément désignée et l’État. Le contrat pour la mixité des emplois a pour objectif l’embauche, la mutation ou la promotion d’une salariée sur un métier ou une qualification jusqu’à présent peu féminisée.
C’est un nouveau mauvais coup porté aux droits des femmes et une raison supplémentaire pour ne pas adopter les crédits de cette mission.
M. Robert Hue. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. La commission est défavorable à l’adoption des crédits de la mission.
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 61 et 61 bis et les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
Article 61
Pour l’année 2012, par exception aux dispositions de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, le fonds national des solidarités actives finance la totalité des sommes payées au titre de l’allocation de revenu de solidarité active versée aux personnes mentionnées à l’article L. 262-7-1 du même code. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 61
M. le président. L'amendement n° II-161, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au plus tard, le 31 janvier 2012, un rapport portant sur les coûts financiers et les avantages pour les bénéficiaires, de l’instauration d’une allocation d’autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Comme le soulignait la journaliste Anne Rodier, « depuis bientôt trente ans, le marché du travail est peu accueillant pour les jeunes. Derniers entrés, premiers sortis : en période de crise les moins de 25 ans sont les premiers à être “remerciés” par l’entreprise ». Les statistiques sont claires et, selon un rapport de l’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, en date de septembre 2010, huit mois après la sortie de l’école, le taux des jeunes diplômés en emploi est passé de 77 % pour la promotion 2007 à 64 % pour la promotion 2009.
On parle d’emplois, mais ce sont des emplois dont la règle voudrait qu’ils soient nécessairement précaires, limités dans leur durée et surtout dans le montant de leur rémunération, un peu comme s’il était normal que les jeunes parce qu’ils sont jeunes, soient exposés à la précarité.
Et ces jeunes devraient se sentir privilégiés si on les compare à l’immense majorité des jeunes d’une même classe d’âge qui ne connaissent que les stages peu ou pas rémunérés, ou qui ne vivent que des quelques heures effectuées dans les fastfood ou des quelques euros que leurs parents peuvent leur donner !
Comme le souligne fort à propos le Secours catholique dans son dernier rapport, « les jeunes subissent de plein fouet la crise économique et sociale ». Ce constat, unanimement partagé par les acteurs de terrain, ne vous a toutefois pas empêchés, à l’Assemblée nationale, de supprimer l’exonération de taxe sur les conventions d’assurance, ou TSCA, sur les contrats solidaires et responsables souscrits par les étudiants, comme s’ils n’étaient pas suffisamment précarisés. La réalité est bien plus dure et nous savons tous dans nos départements que le nombre de jeunes ayant recours aux aides alimentaires et aux structures d’urgences est de plus en plus important. À titre d’exemple, ils sont 36 % à habiter dans des substituts de logement de type centres d’hébergement, caravanes ou hôtels et 50 % font face à des impayés.
Dans ce contexte, il nous semble important de tout faire pour mettre progressivement en œuvre une allocation d’autonomie jeunesse, c’est-à-dire, comme le décrit l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, de créer un véritable statut social pour les jeunes, nécessaire pour couvrir la période de formation initiale et d’insertion.
Nous souhaiterions que cette allocation soit délivrée à tous les jeunes de 18 à 24 ans, sur la base de leur propre situation, sans référence à la situation financière des parents. Ce serait une aide universelle, comme cela existe déjà pour d’autres allocations, comme les aides au logement ou les allocations familiales, permettant aux jeunes de mener à bien leur projet de formation et d’insertion.
Cette mesure, dont nous estimons qu’elle doit être évaluée, présenterait par ailleurs l’avantage de lutter contre le salariat contraint qui concerne bon nombre d’étudiants. Je pense en l'occurrence à la situation des jeunes qui travaillent au détriment de leurs études.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Par cet amendement, il est demandé la remise d’un rapport sur une allocation d’autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis tout à fait favorable.
Je formulerai une suggestion : serait-il possible de reporter la date de remise du rapport du 31 janvier 2012 au 31 mars 2012 afin que le Gouvernement puisse travailler plus sereinement ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, tout simplement parce que nous avons vu comment Martin Hirsch a travaillé – vous en êtes évidemment, vous aussi, tous conscients – en respectant toujours les droits et devoirs de chacun.
Vous demandez un énième rapport, je vous rappelle simplement qu’il y en a déjà eu un.
La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion prévoyait, justement dans son article 5, la remise d’un rapport par le Gouvernement – rapport qui a été réalisé – sur la situation des jeunes non étudiants âgés de moins de 25 ans au regard de l’insertion sociale et professionnelle, de l’accès au service public de l’emploi et des sommes qu’ils perçoivent au titre de la prime pour l’emploi et du revenu de solidarité active.
Sans attendre ce rapport, le Président de la République a lancé un plan « Agir pour la jeunesse »…
M. Jean-Louis Carrère. Cela n’a pas fait agir beaucoup !
M. Alain Néri. Il y a 2 millions de jeunes en dessous du seuil de pauvreté !
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. … et plusieurs dispositifs d’aide visant à renforcer l’autonomie financière des jeunes de moins de 25 ans ont été mis en place.
Ainsi, introduite par l’article 135 de la loi de finances pour 2010, l’ouverture du revenu de solidarité active – le fameux RSA – aux jeunes actifs de moins de 25 ans a été mis en œuvre par le décret du 25 août 2010 relatif à l’extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans.
Ce texte, sans instaurer une prestation nouvelle ou un régime juridique du RSA dérogatoire pour une population ciblée, permet depuis le 1er septembre 2010, d’accorder à un jeune inséré dans la vie active et âgé au moins de 25 ans, les mêmes droits que ceux dont jouit un travailleur de plus de 25 ans exerçant la même activité…
M. Robert Hue. Cela ne marche pas !
M. Robert Hue. Il faut aller plus loin !
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. … sans distinction d’âge sous la seule réserve qu’il ait exercé une activité professionnelle antérieure équivalant à deux ans d’activité à temps plein sur une période de référence de trois ans précédant la date de la demande.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Deux ans, c’est énorme !
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Par ailleurs, a été autorisée également par la loi de finances de 2010 la création, à titre expérimental pour trois ans, d’un revenu contractualisé d’autonomie et d’une dotation d’autonomie financée par le Fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes.
Ces prestations sont attribuées à des jeunes volontaires de 18 ans à 25 ans répondant à des conditions de ressources, de difficultés d’insertion et de situation familiale, sélectionnés de manière aléatoire et résidant dans des territoires présentant un intérêt particulier au regard de l’objet des expérimentations et de la situation des jeunes qui y résident.
Compte tenu de tous ces éléments, la remise d’un rapport par le Gouvernement sur les coûts financiers et avantages pour les bénéficiaires de l’instauration de ces différentes mesures d’aides financières accordées aux jeunes de moins de 25 ans n’apparaît évidemment pas opportun.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. Madame la secrétaire d’État, l’explosion de la pauvreté et de la précarité dans la jeunesse est suffisamment dramatique actuellement pour que l’on s’émeuve du fait – nous l’avons dit tout à l’heure – que le RSA jeunes fonctionne mal : ils ne sont que 10 000 sur l’ensemble des jeunes à en bénéficier actuellement. Il y a manifestement des difficultés et il faut réexaminer le problème.
Cette proposition d’un rapport permettrait au moins, me semble-t-il, d’analyser la situation.
M. Robert Hue. Très bien !
Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. Il n’est pas possible d’accepter la situation actuelle, qui est dramatique.
Madame la secrétaire d’État, il s’agit simplement de réaliser un rapport ! La commission des affaires sociales pourrait en fixer le cadre et définir son objet d’une façon plus large de façon à répondre à la question suivante : comment faire aujourd’hui reculer la pauvreté dans la jeunesse ? On ne peut pas accepter la situation actuelle qui est extrêmement préoccupante.
M. le président. Madame Pasquet, acceptez-vous la rectification suggérée par M. le rapporteur spécial ?
Mme Isabelle Pasquet. Oui, c’est une excellente idée.
Je le répète, madame la secrétaire d’État, il ne s’agit que d’une demande de rapport. Vous n’étiez pas présente lors de mon intervention générale, mais vous devez bien avoir conscience du fait que le chômage et la précarité des jeunes sont inquiétants pour l’avenir de notre société.
Ce rapport serait donc bienvenu, car il faut absolument procéder à une évaluation précise de la situation.
M. Robert Hue. Absolument !
Mme Isabelle Pasquet. Le RSA n’est pas la bonne réponse : aujourd'hui, le RSA jeunes concerne 10 000 jeunes, alors que 25 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans sont au chômage. On est donc très loin de la réponse à apporter aux jeunes qui vivent dans la précarité.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-161 rectifié, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au plus tard, le 31 mars 2012, un rapport portant sur les coûts financiers et les avantages pour les bénéficiaires, de l’instauration d’une allocation d’autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans.
La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Madame la secrétaire d'État, vous nous refusez un rapport visant à analyser les causes d’un mal endémique qui frappe notre pays, à savoir le chômage des jeunes.
Pourtant, les derniers chiffres publiés par le ministère du travail devraient vous conduire à la prudence : la France compte ce mois-ci 37 000 chômeurs de plus !
Aujourd'hui, ce sont plus de 3 millions de jeunes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 954 euros par mois ; …
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Néri. … ils ont des emplois précaires, des emplois à temps partiel subi et non pas voulu. En réalité, que leur offrez-vous, madame la secrétaire d'État ? Vous ne voulez pas d’un rapport plus détaillé, faisons donc une analyse rapide de la situation !
Le Président de la République a dit : « Il faut agir, agir… » Ce sont des mots, mais qu’en est-il de l’action ? Les chiffres du chômage que je viens d’annoncer le démontrent à l’évidence. Comment voulez-vous, madame la secrétaire d'État, que ces jeunes aient confiance en l’avenir ?
Que leur proposez-vous ? D’être chômeur ou, au mieux, d’être travailleur pauvre ?
Mme Isabelle Pasquet. Ou de travailler le dimanche !
M. Alain Néri. Comment voulez-vous qu’ils aient la possibilité de fonder une famille, de s’installer, en ayant un travail précaire, souvent à durée déterminée, ce qui ne leur permet même pas de contracter un prêt bancaire ?
Madame la secrétaire d'État, je veux attirer votre attention sur le fait suivant : dans notre pays, les parents sont convaincus que leurs enfants vivront moins bien qu’eux, et les jeunes en sont aussi persuadés.
Aujourd'hui, nous devons tous ensemble nous mobiliser pour leur apporter une solution. Mais encore faut-il procéder à une analyse précise de la situation ! Et c’est pour cette raison que nous demandons ce rapport !
Nous avons connu l’urgence sociale. Aujourd’hui, l’exaspération est dépassée ; je crains que nous ne soyons en situation de pré-explosion sociale à cause de la politique que conduit le Gouvernement depuis quatre ans, une politique qui ne prend pas en compte l’avenir de cette jeunesse. Pourtant, un pays n’est fort que s’il s’appuie sur une jeunesse qui a foi en l’avenir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 61.
Article 61 bis (nouveau)
I. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 14-10-4 et aux dispositions du IV de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, une dotation de l’État de 50 millions d’euros est versée à la section définie au même IV. Cette dotation finance une restructuration exceptionnelle des services d’aide et d’accompagnement à domicile relevant des 1° et 2° de l’article L. 313-1-2 du même code. Elle est versée en deux tranches de 25 millions d’euros en 2012 et en 2013.
Le montant de cette dotation, les critères et les modalités de sa répartition entre les services mentionnés au premier alinéa sont définis par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et de la cohésion sociale.
Les agences régionales de santé sont chargées de la répartition des crédits à l’issue d’une instruction par la commission de coordination des politiques publiques de santé dans le domaine des prises en charge et des accompagnements médico-sociaux.
Ces crédits font l’objet :
1° Pour les services visés au 1° de l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles, de la signature d’une convention de financement entre le directeur général de l’agence régionale de santé, le président du conseil général du territoire sur lequel est situé le service, le cas échéant les organismes de sécurité sociale finançant le service, et la personne physique ou morale gestionnaire du service demandeur ou d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens en application de l’article L. 313-11 du même code, financé par un forfait global et d’une durée n’excédant pas trois ans ;
2° Pour les services visés au 2° de l’article L. 313-1-2 du même code, de la signature d’une convention de financement entre le directeur général de l’agence régionale de santé, le président du conseil général et le préfet du territoire sur lequel est situé le service, le cas échéant les organismes de sécurité sociale finançant le service, et la personne physique et morale gestionnaire du service demandeur.
Les conventions de financement mentionnées aux 1° et 2° du présent I fixent les obligations respectives des parties signataires, notamment au regard des objectifs contractuels permettant de déterminer les conditions financières et organisationnelles de retour à l’équilibre financier.
Le contenu du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens mentionné au 1° du présent I est défini par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la cohésion sociale.
II. – Des expérimentations relatives aux modalités de tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, autorisés au titre de l’article L. 313-1 du même code, peuvent être menées à compter de la date de publication de la présente loi pour une durée n’excédant pas trois ans. Elles peuvent notamment associer les conseils généraux ayant signé un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens dans le cadre de la mise en œuvre de la restructuration conformément au 1° du I du présent article.
Ces expérimentations peuvent inclure des modalités particulières de conventionnement entre les conseils généraux et les services visés au 2° de l’article L. 313-1-2 et, le cas échéant, les organismes de protection sociale.
Elles respectent un cahier des charges approuvé par arrêté des ministres chargés de la famille, des personnes âgées et des personnes handicapées, du budget et des collectivités territoriales.
Les conseils généraux ayant choisi de participer à l’expérimentation remettent, en fin d’expérimentation, un rapport d’évaluation aux ministres chargés de la famille, des personnes âgées et des personnes handicapées, du budget et des collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement n° II-163, présenté par MM. Jeannerot, Cazeau, Daudigny, Labazée et Desessard, Mmes Campion, Alquier, Claireaux, Demontès, Duriez, Génisson, Ghali, Meunier, Printz et Schillinger, MM. Carvounas, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Teulade, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 1, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Le cumul de plusieurs mesures, notamment sur la TVA et d’autres mesures fiscales, ainsi que les difficultés de financement des conseils généraux accrues par le report de la réforme de la dépendance mettent à mal l’équilibre du secteur de l’aide à domicile. Il est donc nécessaire de prendre des mesures d’urgence.
C’est pourquoi cet amendement prévoit de concentrer l’action et les restructurations sur l’année 2012.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Par cet amendement, il est proposé que l’intégralité de l’enveloppe exceptionnelle destinée à la restructuration des services d’aide à domicile d’un montant de 50 millions d’euros soit entièrement consommée en 2012 et non pour moitié en 2012 et pour l’autre moitié en 2013.
La commission n’a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j’émets un avis de sagesse bienveillante.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Le Fonds de restructuration est mis en œuvre par le biais de la convention de retour à l’équilibre signée par les financeurs et les services ayant accès à l’aide. Ces conventions ont une durée maximale de trois ans, monsieur le rapporteur spécial. La première année, les services d’aide à domicile recevront 50 % de l’aide prévue par la convention et les crédits supplémentaires prévus au contrat seront évidemment versés au fur et à mesure de la réalisation des objectifs.
Compte tenu du fait que l’aide est la contrepartie de la mise en œuvre d’un contrat pluriannuel, il n’est pas nécessaire de disposer de crédits de paiement à hauteur de 50 millions d’euros en 2012. Les contrats signés par les agences régionales de santé le seront sur la base de cette somme.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-164, présenté par MM. Daudigny, Jeannerot, Labazée, Cazeau et Desessard, Mmes Campion, Alquier, Claireaux, Demontès, Duriez, Génisson, Ghali, Meunier, Printz et Schillinger, MM. Carvounas, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Teulade, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 9 à 12
Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :
II. – La restructuration des services d’aide et d’accompagnement à domicile prestataires visés aux 1° et 2° de l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles, accompagnée, le cas échéant, par la dotation prévue au I du présent article peut notamment prendre la forme d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens en application de l’article L. 313-11 du même code.
Ce contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens constitue un acte de mandatement au sens de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Il est conclu entre le président du conseil général du département d’implantation du service et l’organisme gestionnaire du service. Il peut être aussi signé par le directeur général de l’agence régionale de santé et le président de la caisse régionale d’assurance retraite, si ces derniers y contribuent financièrement dans le cadre notamment des missions visées aux 4° et 5° du présent II.
Ce contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens précise notamment :
1° le nombre annuel de personnes prises en charge, lequel prend en compte les facteurs sociaux et environnementaux et, pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile relevant du 6° du I de l’article L. 312-1, la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
2° le plafonnement des heures effectuées en dehors des temps d’interventions directes au domicile des personnes prise en charge ;
3° les objectifs de qualification des personnels ;
4° les missions d’intérêt général, notamment en matière de prévention de la maltraitance, de prévention de la précarité énergétique, d’éducation et de prévention en matière de santé, de prévention des accidents domestiques, à assurer en lien avec les organismes compétents sur leur territoire d’intervention ;
5° la participation en tant qu’opérateur du schéma régional de prévention prévu aux articles L. 1434-5 et L. 1434-6 du code de la santé publique et par conventionnement avec les organismes de protection sociale complémentaire et les fonds d’action sociale facultative des caisses de sécurité sociale aux actions d’aide au retour et au maintien à domicile à la suite d’une hospitalisation.
Ce contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens est financé sous la forme d’un forfait globalisé déterminé au regard des objectifs fixés en application des 1° à 5° du présent II.
Les transformations de services agréés en services autorisés, les mutualisations de moyens et les extensions de capacités programmées dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs ne sont pas soumises à la procédure d’appels à projets prévue à l’article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles.
III. – À l’issue d’une période de trois ans après la promulgation de la présente loi, ce mode d’organisation et de tarification des services prestataires visés au 2° de l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles est étendu à l’ensemble de ces services prestataires selon des modalités fixées par décret.
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. L’objet de cet amendement, qui est d’ailleurs soutenu par l’Assemblée des départements de France et les principales fédérations de l’aide à domicile, est de sécuriser juridiquement ce dispositif.
La rédaction de cet article introduit par amendement gouvernemental déposé à la dernière minute a eu pour conséquence une rédaction irréfléchie, qui est, nous semble-t-il, le fruit de la précipitation, et qui précarise juridiquement le dispositif.
Eu égard aux problèmes d’équilibre financier que connaissent bon nombre d’associations et de services prestataires, il est indispensable de mettre en œuvre ce dispositif dans des conditions juridiques sécurisées. Il pourra ensuite être corrigé et étendu. À l’issue de la période de trois ans, il faudra prévoir un dispositif de sortie, afin d’éviter de se retrouver dans un vide juridique.
Par ailleurs, le fonds d’urgence de 50 millions d’euros pour les services d’aide à domicile doit être mobilisé de manière optimale. Cela permettra d’accélérer les restructurations des services prestataires autorisés ou agréés, mais seulement sur le fondement d’une volonté partagée entre les conseils généraux et ces services.
Pour les services agréés commerciaux, il serait contraire au droit français et européen qu’une partie de ce fonds leur soit accordée, alors que les pouvoirs publics – principalement l’ARS – prendront le risque d’être accusés d’avoir favorisé une « distorsion de concurrence » et de pratiquer des « comblements abusifs de passif ».
L’ADF et les principales fédérations de l’aide à domicile ont mis au point une réforme de l’aide à domicile, qui a fait l’objet d’une convention signée par la majorité du mouvement et le réseau représentatif, à l’échelon national, de ces services.
Ce fonds doit donc permettre d’enclencher cette refondation de l’aide à domicile prestataire autorisée.
Les services agréés qui veulent aussi passer un contrat d’objectifs et de moyens doivent pouvoir le faire à condition d’accepter les mêmes contraintes, notamment pour ce qui concerne les missions d’intérêt général, et sans passer par la procédure d’appel à projet prévue à l’article L. 313-3-1 du code de l’action sociale et des familles.
Aujourd’hui, il n’y a aucune autre alternative acceptée par les acteurs du secteur aux propositions de refondation et de restructuration sur lesquelles l’ADF et les fédérations se sont accordées. Le dispositif proposé est donc parfaitement en adéquation avec les besoins du secteur et reconnu officiellement par la grande majorité des acteurs du secteur.
Ce contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens doit, compte tenu de son caractère novateur, voir son principe déterminé et encadré par la loi, mais il ne paraît pas de bonne administration de renvoyer la définition de celui-ci à un arrêté interministériel.
Il est préférable de laisser les parties – l’ARS, les conseils généraux, les services prestataires – en discuter, mais de manière encadrée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. L’amendement prévoit notamment le remplacement de la tarification horaire des services d’aide à domicile par un forfait global dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales avait émis un avis de sagesse très favorable sur un amendement quasiment identique. Je ne saurais mieux dire : sagesse du Sénat !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. J’entendais vos arguments, monsieur le sénateur. Il n’y a pas lieu de se précipiter pour retenir un modèle de tarification.
Il est vraiment nécessaire d’attendre les trois années d’expérimentation pour savoir si le meilleur modèle est celui du forfait global ou s’il faut en mettre un autre en place. Plusieurs solutions ont été envisagées, qui vont être évaluées, comparées. Et je crois très sincèrement que la meilleure solution sera retenue in fine.
Je vous rappelle que l’article 61 bis renvoie à un arrêté le contenu du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Il n’est pas nécessaire de préciser de manière détaillée le contenu des contrats dans ce projet de loi de finances, qui autorise la signature des contrats et le financement au forfait global.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’exclure les services agréés du Fonds de restructuration, sous peine de causer une rupture d’égalité selon le mode d’intervention.
Vous parlez des services agréés ; je vous rappelle que nombre d’entre eux sont des services agréés associatifs. Il importe de les aider parce qu’ils apportent une assistance nécessaire à nos concitoyens. Il faut vraiment sortir des combats idéologiques (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) pour se concentrer sur les services apportés aux personnes handicapées ou dépendantes, de même qu’aux familles fragilisées ou fragiles.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 61 bis, modifié.
(L'article 61 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 61 bis
M. le président. L'amendement n° II-168, présenté par MM. Daudigny, Cazeau, Jeannerot, Labazée et Desessard, Mmes Campion, Alquier, Claireaux, Demontès, Duriez, Génisson, Ghali, Meunier, Printz et Schillinger, MM. Carvounas, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Teulade, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 61 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : «, et sous réserve de leur compatibilité avec les enveloppes limitatives de crédits mentionnées à l’article L. 313-8 et aux articles L. 314-3 à L. 314-5 ».
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Bien que ces dispositions soient susceptibles de profiter à tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux financés par le budget de l’État, les conseils généraux et la sécurité sociale, le poids des dépenses, sur le budget de l’État, de la masse salariale des établissements et services sociaux et médico-sociaux serait de 20 %.
Cela justifie qu’elles soient proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances. L’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles a d’ailleurs déjà été modifié à plusieurs reprises dans le cadre des précédents projets de loi de finances.
La masse salariale n’est pas connue et n’est pas maîtrisée, et c’est l’une des explications des dépassements des enveloppes limitatives de crédits, notamment celles de l’État dans des secteurs où les budgets sont tendus ; avant la suspension, on a parlé notamment des ESAT.
Cet amendement vise à accorder une primauté aux articles du code de l’action sociale et des familles relatifs aux crédits limitatifs des financeurs publics, l’État, l’assurance maladie et les conseils généraux.
Cela permettra de mettre fin « aux contrariétés » soulignées par les juridictions de la tarification entre ces derniers articles et l’article L. 314-6 sur la procédure d’agrément des conventions collectives, ce qui entraîne de coûteuses condamnations pour les financeurs.
Par ailleurs, les partenaires sociaux et les organismes gestionnaires seront responsabilisés et ne devraient donc plus proposer des évolutions non soutenables financièrement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Cet amendement vise à mieux maîtriser l’évolution de la masse salariale dans les établissements médicosociaux. La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement est défavorable à son adoption.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 61 bis.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Défense
Compte d’affectation spéciale : Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » et du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur spécial.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, dans le présent projet de loi de finances, les crédits de la mission « Défense » s’élèvent à 38,3 milliards d’euros en crédits de paiement et à 40,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement, pensions militaires comprises. Toutefois, comme l’avaient déjà craint les rapporteurs spéciaux de la commission des finances les années antérieures, nous nous éloignons progressivement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
Selon le ministère de la défense lui-même, 2 milliards d’euros de crédits de paiement devraient manquer entre 2009 et 2013 par rapport à la loi de programmation militaire, sous l’effet notamment du plafonnement de l’évolution des crédits dans la loi de programmation des finances publiques.
La trajectoire des dépenses militaires n’est pas satisfaisante. Compte tenu de la dynamique inhérente aux crédits de fonctionnement, notamment de personnels, ce sont les grands équipements, hors dissuasion nucléaire, qui seront le plus durement touchés. Entre 2010 et 2013, ils devraient s’établir à un niveau inférieur de 2,7 milliards d’euros par rapport à la loi de programmation militaire.
En cette fin d’année 2011, les dotations du budget de la défense seront pour la première fois complétées par des recettes exceptionnelles issues de la cession de fréquences hertziennes qui étaient utilisées par nos armées. Cette solution palliative ne constitue pas une politique viable. Comme l’avait déjà dit votre commission des finances lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, il existe un risque majeur qui est double.
Le premier est que ces fréquences ne soient pas ou pas totalement cédées, ou encore pas pour le montant espéré, créant ainsi un grave manque à gagner.
Le second est qu’elles soient effectivement cédées, mais qu’une partie de ces recettes soit, par obligation budgétaire, affectée au désendettement de l’État et non à l’atteinte des objectifs de la loi de programmation militaire.
En 2008, le Livre blanc avait fixé des objectifs à l’horizon 2020 établis sur la base d’une croissance en volume des dépenses de 1 % par an. Or la programmation révisée des finances publiques a retenu le principe d’un gel en volume des crédits de paiement de la mission « Défense », méconnaissant les coûts de la modernisation technologique des équipements.
Si l’on prend comme hypothèse une évolution des dépenses militaires sur une base zéro volume ou sur une base zéro valeur encore plus restrictive, il manquerait de 10 milliards à 30 milliards d’euros pour les dépenses cumulées de la défense jusqu’en 2020 par rapport aux objectifs du Livre blanc.
À cet égard, en première délibération, puis en deuxième délibération, l’Assemblée nationale a réduit de quelque 280 millions d’euros les crédits de la mission « Défense », dans le cadre des mesures d’économies annoncées par le Premier ministre le 24 août, puis le 7 novembre 2011. Ces sommes représentent près de 1 % des crédits de la mission, hors pensions.
En volume, aucune autre mission n’a vu ses crédits aussi fortement réduits. Non seulement les objectifs de la loi de programmation militaire ne sont pas atteints, mais l’examen des crédits à l’Assemblée nationale a conduit à aggraver encore un peu plus la situation budgétaire du ministère de la défense.
Dès aujourd’hui, le ministère de la défense avoue ne plus être en mesure d’assurer une pleine capacité de projection de nos troupes terrestres à hauteur de 30 000 combattants pendant un an, sans relève. L’indicateur de performance associé à cet objectif s’élevait à 100 % en 2009, avant de baisser à 95 % lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 et de diminuer encore, suivant la prévision pour 2012, à 82,5 %.
Face à cette limitation des crédits budgétaires, les choix du Gouvernement ne sont pas satisfaisants. Selon des demandes de crédits complémentaires faisant actuellement l’objet d’un décret d’avance, les opérations extérieures ou OPEX doivent atteindre un montant record de 1,17 milliard d’euros en 2011, dont 294 millions d’euros en crédits de paiement et 370 millions d’euros en autorisations d’engagement pour l’opération « Harmattan » en Libye. Au total, le surcoût des OPEX en 2011 aura été multiplié par deux et demi depuis les années 2000-2001.
Quelle est notre capacité réelle à mener à bien ces opérations ? Une question fait aujourd’hui débat : devons-nous adapter notre format à nos ambitions ou nos ambitions à nos capacités réelles ?
Par ailleurs, seize Rafale, et non plus treize comme prévu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, doivent être commandés par l’État pour pallier le faible niveau d’exportation de cet avion. Au total, ces seize appareils représentent une dépense de plus de 1 milliard d’euros, qui s’impute sur les autres dépenses d’équipement. Pourrons-nous, devrons-nous tenir ce niveau de commande si le marché mondial nous reste fermé ?
Pourtant, certains programmes ne peuvent plus attendre si l’on veut maintenir les capacités opérationnelles de notre pays. Je pense en particulier à l’hélicoptère NH90, à la Frégate multimission ou FREEM et au sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda. Ces programmes doivent être menés essentiellement après 2014. Tout indique que les menaces budgétaires, en l’absence probable de ressources exceptionnelles hertziennes après cette date, conduiront à de cruels réexamens.
Lors de la discussion des amendements, je reviendrai sur la nécessité pour notre pays de se doter d’un programme de production de drones, à l’instar de tous les autres grands pays industrialisés.
Dans ce contexte, j’estime que d’autres choix sont possibles. Que penser des externalisations conduites par le ministère de la défense et épinglées dans le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes ? Certaines opérations d’externalisation présentent un rapport bénéfices/coûts négatif, d’autres touchent le cœur même de métier de notre armée.
Que penser du montage financier du regroupement sur un même site des fonctions d’état-major à Balard ? Conçu sur le modèle du Pentagone, ce projet donnera lieu à un investissement par le promoteur retenu à hauteur de 700 millions d’euros, tandis que l’État doit verser 4,2 milliards d’euros dans le cadre d’un partenariat public-privé qui s’étalera sur vingt-sept ans. Or le regroupement des fonctions d’état-major aurait pu être moins ambitieux, s’inspirant de l’exemple britannique et non du Pentagone américain.
Je me veux, enfin, le relais des inquiétudes qui s’expriment, sur l’ensemble de notre territoire, face à de lourdes opérations de restructuration.
Le 21 juin 2011, le Gouvernement a annoncé la mise en place de cinquante et une bases de défense. Mais a-t-on mené la nécessaire concertation préalable avec nos soldats et les élus locaux ? Y a-t-il eu une étude d’impact sur les conséquences économiques, sociales et territoriales ? Comment le Gouvernement chiffre-t-il les économies attendues ? J’espère, monsieur le ministre, que le débat budgétaire sera l’occasion d’obtenir des réponses à ces questions.
Au regard de ces critiques, mais prenant en compte l’engagement de nos armées sur les théâtres d’opérations extérieures, vous comprendrez donc, mes chers collègues, pourquoi la majorité des sénateurs s’est abstenue en commission des finances sur le vote des crédits de la mission « Défense », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
Pour ma part, je m’abstiendrai à nouveau lors du vote en séance publique, en appelant de mes vœux une révision de certains choix effectués par l’actuelle majorité nationale, à l’occasion de la révision de la loi de programmation militaire prévue en 2012. Il convient, en effet, d’assurer une croissance des dépenses de la mission « Défense » d’au moins 1 % par an jusqu’à l’horizon 2020 fixé par le Livre blanc, pour seulement maintenir le niveau de personnels et d’équipements.
Je tiens à saluer l’effort de nos soldats à la défense de notre pays, mais il faut donner à notre sécurité nationale des moyens à la hauteur de nos ambitions. Si nous continuons à appliquer la règle de la croissance zéro volume, la part de la défense nationale dans le PIB va progressivement descendre à 1 % d’ici à 2020, c’est-à-dire le ratio des forces armées d’autodéfense japonaise, alors que le Japon a un PIB qui est plus de deux fois supérieur au nôtre !
Je souhaite, pour ma part, délivrer un message d’ambition et d’espoir, au regard de la place qu’occupe notre pays sur la scène internationale en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, doté du droit de veto. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, lors de l’examen du budget de la défense en commission, j’ai beaucoup irrité la majorité par les critiques que j’ai portées contre elle et ses décisions concernant le budget. On me l’a fait connaître sans ménagements excessifs.
J’en suis vraiment désolé, mais, votre honneur, j’ai des circonstances atténuantes… En effet, monsieur Krattinger, une heure avant cette réunion, j’ignorais, faute d’information, quelle serait votre décision. J’en étais resté au fait que la majorité s’apprêtait à voter contre le budget.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. C’est arrivé à la droite aussi !
M. François Trucy, rapporteur spécial. De ne pas informer ?
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. De ne pas voter le budget de la défense.
M. François Trucy, rapporteur spécial. On ne va pas remonter aux calendes !
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. Ce n’est pas si vieux que cela : en 1997 et en 2002 !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Je règle un petit problème relationnel avec mon collègue Yves Krattinger, pas avec vous, monsieur Boulaud ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Alain Néri. Monsieur le président, la parole est libre ici quand même !
M. le président. La parole est à l’orateur !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Non, monsieur le président, car je ne vais pas parler dans ces conditions-là ! (Exclamations. – L’orateur quitte la tribune et regagne sa place.)
Il faudra que vous vous habituiez à être la majorité et à avoir un peu plus de sérénité !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et le soutien de la politique de défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, globalement, les dotations du programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », que j’ai l’honneur de vous présenter, ont été préservées.
Je pense, en particulier, aux crédits des services de renseignement, qui sont en progression, conformément aux priorités définies par le Livre blanc et la loi de programmation militaire.
Mon inquiétude porte davantage sur l’effort de recherche, notamment les études amont. Celles-ci plafonnent depuis quelques années à moins de 700 millions d’euros, loin de l’objectif de un milliard d’euros fixé par le Livre blanc pour maintenir l’ensemble de nos capacités technologiques et en acquérir de nouvelles, notamment en matière spatiale. Notre collègue Jeanny Lorgeoux y reviendra dans son intervention.
Je voudrais, pour ma part, concentrer mon propos sur le renseignement.
La direction générale de la sécurité extérieure voit ses crédits augmenter de 9 % en 2012. Elle devrait également bénéficier de 135 emplois supplémentaires, ce qui est conforme au plan de recrutement de près de 700 postes d’ici à 2014.
L’effort est d’autant plus significatif qu’il porte sur des personnels de haut niveau, en particulier des ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique.
De plus, la réforme de l’encadrement supérieur devrait permettre de rendre les carrières plus attractives et de favoriser la mobilité avec les autres services et l’administration publique.
La création d’un corps d’administrateurs, en partie recrutés à la sortie de l’ENA, est un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement.
Enfin, l’effort mis sur les moyens techniques et les infrastructures ne se relâche pas. Il devra être poursuivi, en accord avec l’augmentation des effectifs et les besoins croissants de traitement des flux de communication. L’accentuation des moyens humains et techniques de la DGSE engagée depuis trois ans est donc une réalité dont je me félicite.
Restons conscients, toutefois, qu’elle se chiffre en dizaines de millions d’euros, ce qui reste modeste par rapport à l’ensemble du budget de la défense. Il s’agit surtout, à mon sens, d’un rattrapage nécessaire qui devra être poursuivi dans la durée.
Il faut reconnaître que, par le passé, les moyens de la DGSE n’avaient pas vraiment suivi l’augmentation des besoins liés au nouveau contexte stratégique et aux nouvelles technologies de communication.
J’ajoute que la DGSE bénéficie également de moyens, comme les satellites de renseignement, qui ne relèvent pas de son budget.
Le programme MUSIS semble heureusement préservé. J’ai en revanche quelques inquiétudes sur le décalage que subit le satellite d’écoute CERES. En effet, une capacité d’écoute spatiale, en particulier des communications, me semble indispensable pour des zones d’intérêt, comme le Sahel. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point ?
Toujours sur le renseignement, j’évoquerai brièvement la DPSD, la direction de la protection et de la sécurité de la défense, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu, qui est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense.
À l’exact opposé de la DGSE, la DPSD doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 agents. Cette diminution de son personnel ne devrait toutefois pas affecter la capacité du service, car elle est liée à la mise en place d’une procédure centralisée et entièrement numérisée de traitement des demandes d’habilitation, dite SOPHIA. Toutefois, ce projet semble connaître un certain retard, ce qui pourrait entraver la nécessaire modernisation du service.
Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur les conséquences de la récente décision du Conseil constitutionnel sur les lieux classifiés secret défense.
Le 10 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution une partie des dispositions introduites par la loi de programmation militaire relatives aux perquisitions dans les lieux classifiés secret défense, tout en reportant les effets de sa décision au 1er décembre. À quelques jours de cette échéance, le Gouvernement a-t-il tiré toutes les conséquences de cette décision ?
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.
M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et le soutien de la politique de défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur les deux actions à vocation internationale du programme 144 : le soutien aux exportations d’armements et le réseau diplomatique de défense.
Sur le premier point, je rappelle que notre pays est aujourd’hui le quatrième exportateur mondial d’armement, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, et devant Israël, les cinq pays se partageant 90 % du marché mondial.
La part de marché de la France est de l’ordre de 7 %, contre près du double pour le Royaume-Uni et plus de 50 % pour les États-Unis.
Par zones géographiques, le Proche-Orient et le Moyen-Orient représentent 27 % des commandes, devant l’Amérique du Sud, qui totalise 19 % des commandes, et l’Asie, qui représente 18 % de celles-ci.
Nos principaux clients sont le Brésil, l’Arabie Saoudite et l’Inde. L’Europe, en revanche, ne compte que pour 13 % de nos exportations, ce qui illustre les faiblesses du marché européen de défense.
Les contrats les plus importants concernent la vente de sous-marins Scorpène au Brésil, de bâtiments de projection et de commandement à la Russie, d’hélicoptères au Mexique et à la Malaisie et d’un système d’observation par satellite au Kazakhstan.
En revanche, la vente du Rafale se fait toujours attendre et vous pourriez peut-être, monsieur le ministre, faire le point sur ce dossier sensible.
Plus généralement, alors qu’il faut s’attendre à une concurrence accrue sur le marché mondial de l’armement, avec la forte diminution des budgets de la défense en Europe et aux États-Unis, en raison de la crise économique et financière, et l’arrivée de nouveaux concurrents issus des pays émergents, quelles sont les mesures que compte prendre le Gouvernement pour maintenir la place de notre pays ?
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer concerne notre réseau d’attachés de défense. Depuis 2008, il a été profondément réorganisé. Cette rationalisation a conduit, sur trois ans, à une réduction des effectifs, qui sont passés de 422 à 286 postes permanents à l’étranger implantés dans 86 pays, soit une baisse de plus de 30 % pour un réseau de taille inchangée.
Cette diminution des effectifs a été rendue possible par la mutualisation des services de gestion au sein des ambassades. Ainsi, les fonctions de secrétariat, de comptabilité ou encore de chauffeur ont été mutualisées avec les autres services des postes diplomatiques.
En matière de gestion des personnels, diverses mesures ont été prises. Par exemple, des postes d’attachés de défense ne sont plus réservés comme auparavant aux officiers des armées, mais peuvent être ouverts à des ingénieurs de l’armement, en fonction de la situation locale.
Enfin, des procédures nouvelles ont été mises en place pour assurer la sélection des attachés de défense, sur des critères liés à leurs nouvelles fonctions, et veiller à une meilleure adéquation entre les profils des candidats et les postes à pourvoir.
En définitive, je crois qu’il faut saluer la réforme de notre diplomatie de défense, qui constitue une véritable réussite.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense », que je vous invite, mes chers collègues, à adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein du programme 146 « Équipement des forces », je suis plus particulièrement chargé des deux actions : Dissuasion et Commandement et maîtrise de l’information.
Pour ce qui concerne la dissuasion, les dotations qui lui sont consacrées en 2011 sont de 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement. Une telle évolution des crédits traduit l’état d’avancement normal des programmes et les variations des besoins financiers d’une année sur l’autre ; elle n’appelle pas de commentaires particuliers.
C’est en 2012 notamment qu’est prévue la commande des deux dernières adaptations des SNLE Le Triomphant et Le Téméraire au missile balistique M 51.
Concernant la seconde action Commandement et maîtrise de l’information, je ferai trois observations.
Tout d’abord, comme les années précédentes, il est prévu de financer une partie des programmes concernés, à hauteur de 750 millions d’euros, par des ressources extrabudgétaires du compte d’affectation spéciale « Fréquences hertziennes ». Certes, le calendrier de vente n’a pas été respecté, mais cela a été sans conséquence sur le financement des programmes, puisque le budget de l’État a compensé par des crédits budgétaires le décalage temporel de ces recettes. Toutefois, il faut bien le dire, ces dernières ne serviront qu’une fois. Il faudra, pour les prochains exercices, soit augmenter les crédits budgétaires, soit accepter une diminution des dépenses.
Ma seconde observation porte sur les programmes spatiaux, qui constituent l’une des priorités du Livre blanc. Les crédits affectés à l’espace connaissent de grandes fluctuations, elles-mêmes liées en grande partie au lancement des programmes. Ainsi, l’écart constaté entre 2010 et 2011 résulte principalement de l’affectation en 2011 des autorisations d’engagement permettant de compléter les tranches de réalisation des programmes MUSIS et SYRACUSE III.
Il n’en reste pas moins que, sur une longue période, on constate une diminution constante des crédits de paiement liés à l’espace, ce qui pourrait être préoccupant.
Les crédits destinés aux satellites d’observation MUSIS ont été majorés, afin de pouvoir lancer le programme sur une base nationale, sans attendre le cofinancement par des partenaires européens. La commande de deux satellites doit intervenir d’ici à la fin de l’année, avec une mise en service prévue en 2016 pour le premier et 2017 pour le second. La continuité devrait ainsi être garantie avec Helios II. Plusieurs pays européens devraient à terme rejoindre ce programme et apporter une contribution financière.
En revanche, le lancement du programme de satellite de renseignement électromagnétique CERES est de nouveau décalé. La mise en orbite, initialement envisagée en 2016, a été reportée en 2020. L’écoute spatiale présente un double intérêt : détecter les signaux radars adverses en cas d’opération et intercepter les communications. Nous avons déjà effectué avec succès, sur ce plan, des réalisations expérimentales, avec des démonstrateurs. C’est le cas des quatre microsatellites Essaim, dédiés à l’interception des communications, qui ont été lancés fin 2004, mais dont l’exploitation se termine cette année. Fin 2011 sera lancé le démonstrateur Elisa, destiné à la détection des signaux radar. Le report du programme CERES va incontestablement créer un « trou » capacitaire entre ces démonstrateurs, très utiles, qui ont fourni du renseignement intéressant, et une future capacité opérationnelle pérenne.
Enfin, toujours dans le domaine spatial, la réalisation d’un satellite d’alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques a été reportée en 2020, tandis qu’a été décidé, dans le cadre du programme 144, de lancer les études amont permettant de construire un démonstrateur pour un radar de surveillance très longue portée. Le radar lui-même pourrait être lancé en 2015 pour une mise en service en 2018. Je rappelle que l’utilité optimale de ce radar nécessite qu’il se trouve à proximité de la menace potentielle. En l’occurrence, il serait judicieux de le placer dans un pays du Golfe ou en Turquie. À défaut d’utilisation dans une configuration antibalistique, mes collègues Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même nous interrogeons sur son utilité.
J’évoquerai enfin les drones. C’est un domaine que le Sénat a suivi de près ces dernières années. Vous trouverez cette année dans notre rapport écrit tous les tenants et aboutissants qui ont conduit la commission à suggérer l’adoption d’un amendement. Je n’y reviens pas, mais je confirme que, en tant que rapporteur de la commission, mais aussi à titre personnel, je le soutiens.
En conclusion, monsieur le ministre, je porte une appréciation positive sur les actions qui relèvent de mon rapport : la dissuasion, avec un déroulement très satisfaisant des programmes et l’engagement d’une coopération franco-britannique, qui constitue un aspect très positif ; les programmes liés à la fonction connaissance et anticipation, en particulier les programmes spatiaux, qui, en dépit de quelques glissements, sont globalement maintenus dans la nouvelle programmation financière.
Sous le bénéfice de ces observations, il me revient de vous indiquer, en tant que rapporteur pour avis, que la majorité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a émis un avis favorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vous conseillant naturellement de prendre connaissance du rapport écrit où vous trouverez tous les détails sur les programmes d’équipement en cours, je me contenterai ici de quelques considérations, d’une part, sur les caractéristiques financières du programme 146 « Équipement des forces », d’autre part, sur le contenu des programmes d’équipement.
S’agissant des caractéristiques financières du programme 146, ma première observation porte sur ses crédits, qui s’élèveront en 2012 à 11,13 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,2 %, et à 11,97 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une diminution de près de 10 %.
Cette augmentation dans un budget sensiblement identique d’une année sur l’autre traduit une priorité marquée en faveur des équipements.
Au sein des crédits d’équipement, la production supplémentaire de Rafale pour pallier l’absence d’exportations de cet avion conduit à reporter de nouveau les programmes déjà reportés en 2009. C’est le cas en particulier, comme vient de le rappeler mon collègue Xavier Pintat, de la rénovation des Mirage 2000D, du programme d’avions ravitailleurs multirôle MRTT et du programme de satellite d’écoute CERES.
S’agissant du report du programme de rénovation des Mirage 2000, le Livre blanc prévoyait, je le rappelle, que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D. Ce dernier est un excellent avion, qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d’armes, être opérationnel jusqu’en 2024. Le report de sa rénovation, si elle était de nouveau confirmée l’an prochain, pourrait conduire à une obsolescence de ces appareils dès 2014 et réduire dans des proportions considérables le format de l’aviation de combat française. Or, nous le savons, la qualité est indispensable. Mais la quantité compte également si l’on veut pouvoir se défendre.
Le deuxième report concerne le programme MRTT, déjà reporté, comme je l’ai dit, l’an dernier. Cet avion, qui sera vraisemblablement l’A330 est destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, actuellement composée de Boeing KC-135. Une telle situation nous contraindra à trouver des solutions palliatives, toute rupture capacitaire étant de ce point de vue inacceptable, notamment pour les forces aériennes stratégiques.
Nous avons bien lu la déclaration du chef d’état-major de l’armée de l’air selon laquelle une quarantaine de millions d’euros seront consacrés en 2012 à la levée des risques de ce programme, ce qui devrait permettre une commande ferme en 2013 pour des premières livraisons en 2017 ; monsieur le ministre, vous nous le confirmerez. Mais, d’ici là, il faudra tenir ! Une fois de plus, nous payons la priorité accordée au Rafale…
Au total, le report de ces programmes menace la cohérence d’ensemble de nos forces armées aériennes.
Ma deuxième série de considérations porte sur la mise en œuvre des programmes.
Au titre des motifs de satisfaction, je veux citer, parmi d’autres, la remise sur pied du programme successeur au missile Milan : le programme missile moyenne portée, dit MPP, sur lequel le Sénat, depuis plusieurs années, a gardé un œil vigilant. Il fournira à l’armée de terre un missile performant et moderne susceptible d’être adapté sur des porteurs terrestres comme aériens – hélicoptères ou drones.
Vos rapporteurs, qui ont suivi de façon constante le développement de ce programme, seront naturellement satisfaits d’assister à son lancement en 2012.
Pour ce qui est des sujets d’inquiétude, je limiterai cette année mon propos aux drones MALE. Ce sujet complexe appelle un débat, qui ne doit pas être médiocre, sur les raisons ayant conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Sur cette question, nous sommes entrés dans des considérations aussi fouillées qu’il était possible, compte tenu du temps dont nous disposions ; vous les trouverez dans notre rapport. Vous savez sans doute que nous ne partageons pas la position du Gouvernement. J’aurai tout à l’heure l’occasion d’en reparler, d’abord en tant qu’orateur du groupe socialiste, puis en tant que rapporteur pour avis chargé de défendre l’amendement n° II-104.
La semaine dernière, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a adopté cet amendement à une très large majorité : par 33 voix contre 3. Il a pour objet de vous proposer des solutions un petit peu différentes de celles du Gouvernement…
Compte tenu de ces observations et sous réserve de l’adoption de l’amendement n° II-104, je vous proposerai donc, mes chers collègues, de vous abstenir sur les crédits du programme 146 « Équipement des forces » en particulier et de la mission « Défense » en général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jacques Gautier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue André Dulait vous exposera dans quelques instants la situation des personnels. Pour ma part, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Ceux-ci s’élèvent à 6,087 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de 5,4 % par rapport à 2011.
Je rappelle que 20 millions d’euros ont été supprimés, lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, sur le maintien en condition opérationnelle, le MCO. Selon M. le ministre de la défense, cette coupe sera compensée par « la perspective d’une nouvelle plus-value sur la cession des fréquences Félin de 800 MHz en 2012, voire de cessions de matériels ».
Or ces recettes exceptionnelles sont attendues en vain depuis des années ! Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur le sort qui leur sera réservé en 2012…
J’aborde à présent les actions du titre 3, en vous rappelant que, au total, soixante bases de défense sont déployées depuis le 1er janvier 2011. La base de défense constitue, selon le ministère de la défense, « le principal levier de la mutualisation de l’administration générale et de soutien commun sur l’ensemble du territoire ».
Le déploiement de ces bases suppose une harmonisation des procédures, actuellement différentes selon les armées, en matière de systèmes d’information, de gestion du personnel et de paiement des soldes. Simple dans son principe, cette harmonisation est complexe à mettre en œuvre ; elle demande du temps pour être évaluée avec pertinence. Et je ne parle pas du déploiement du logiciel Chorus.
Je crains donc que le processus de mise en place des bases de défense n’ait été trop hâtif ; d’ailleurs, certains chefs d’état-major ne cachent pas leurs réserves à son sujet.
Je rappelle que, dans son référé du 7 mars 2011, la Cour des comptes a considéré que « la valeur ajoutée de la nouvelle organisation en termes de recentrage sur l’opérationnel et de gains de mutualisation n’a pas été démontrée. »
Il serait donc souhaitable, monsieur le ministre, que vos services établissent rapidement un bilan financier de la mise en place des bases de défense, ainsi qu’un chiffrage fiable des économies réalisées.
J’en viens aux difficultés financières et d’organisation soulevées par le maintien en condition opérationnelle, le MCO, de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.
Je rappelle qu’un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d’action des armées. La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation qu’à partir des années 1990, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés.
Ces réorganisations ont au moins permis une stabilisation des coûts. La globalisation, dans les contrats passés avec les industriels, des commandes d’équipements et des opérations de maintenance requiert une plus forte implication des industriels dans l’organisation de la maintenance ; elle constitue la piste la plus sérieuse pour atténuer le coût des MCO.
Je veux dire quelques mots, pour finir, de l’entraînement des forces armées.
Les temps d’entraînement réalisés, armée par armée, ont été meilleurs en 2010 qu’en 2009.
Mais le fort engagement opérationnel en Afghanistan et en Libye a altéré ces bons résultats, sauf pour l’armée de terre. La marine et, surtout, l’armée de l’air, très engagées sur le théâtre libyen, ont été pénalisées en matière d’entraînement : les plus jeunes pilotes de chasse n’ont ainsi bénéficié que de 120 heures de vol, alors que la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009-2014 fixe un objectif de 180 heures.
En définitive, on peut se demander si la création de ces bases permettra vraiment l’harmonisation, aussi souhaitable que complexe à obtenir, des procédures entre les armées et quelles seront les économies effectivement réalisées.
Pour limiter les coûts du MCO, il faut poursuivre la passation de contrats globaux incluant fabrication et maintenance.
J’ajoute enfin que les armées sont touchées par l’application de la révision générale des politiques publiques, la trop mauvaise RGPP, qui entraîne déflation des effectifs et réductions budgétaires. Dans ces conditions, un niveau d’entraînement suffisant sera-t-il assuré à nos jeunes recrues ?
Pour conclure, je rappelle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est déclarée favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », dans la mesure où, il faut en tenir compte, une large majorité de ses membres se sont abstenus. Pour ma part, je m’abstiendrai également. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer, pour ma part, les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
Le budget de la mission « Défense » pour 2012 s’inscrit dans le cadre fixé par la LPM. Comme vous le savez, celle-ci prévoit la suppression de 54 000 postes. Mais plus encore que la déflation des effectifs, c’est la réorganisation des méthodes qui constitue l’enjeu majeur de la réforme.
La mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le déploiement des bases de défense et la poursuite des expérimentations d’externalisation – toutes réformes qui ont été menées de front – constituent autant de défis pour nos armées.
Les opportunités offertes par ces réformes sont réelles : une organisation rationalisée et mutualisée est une condition de la fiabilité de notre outil opérationnel.
Mais l’effort de transformation demandé à notre armée est considérable, surtout dans une année où elle a engagé en opérations, de manière permanente, plus de 12 000 hommes sur neuf théâtres d’opération.
Les économies de personnel doivent provenir des réorganisations et des mutualisations : tel est l’enjeu de la réforme. Réduire les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur fragiliserait l’outil militaire dans sa globalité.
En 2011, le pilotage de la déflation a été satisfaisant. Pour l’instant, le seul volet de la manœuvre qui ne fonctionne pas est le reclassement des militaires vers la fonction publique. Ce n’est pas une surprise : les administrations, qui réduisent leurs effectifs, n’accueillent pas nos militaires à bras ouverts.
Comme le chef d’état-major des armées l’a souligné au cours de son audition par notre commission, la fin des déflations programmées sera sans doute plus difficile à réaliser. En effet, les réductions d’effectif doivent résulter non plus de la dissolution massive de structures, mais de rationalisations dans de multiples métiers : c’est un véritable défi.
Je veux parler maintenant des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».
L’une des difficultés de la manœuvre réside manifestement dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.
Plusieurs évolutions ont conduit, alors même que les effectifs ont diminué, à une augmentation de la masse salariale par rapport aux objectifs fixés par la LPM. Des engagements avaient été pris, en particulier, d’améliorer la situation des militaires.
Certaines dépenses supplémentaires ont été souhaitées : c’est le cas de celles liées à la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, qui s’est traduite par un surcoût de près de 26 millions d’euros en 2011, au doublement des effectifs de la base d’Abou Dhabi ou au maintien de certains effectifs en Côte-d’Ivoire.
D’autres dépenses, comme l’augmentation du coût de l’indemnisation chômage des militaires, ont été subies. Cette hausse a représenté plus de 100 millions d’euros depuis 2009. Le coût de l’indemnisation chômage atteint aujourd’hui des records, démontrant l’impérieuse nécessité de réussir la reconversion.
L’autre difficulté consiste à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels avec les besoins de réductions de postes.
De ce point de vue, il faut prendre en compte l’incidence de la réforme des retraites sur la déflation des effectifs. Le prolongement des carrières, en effet, va à l’encontre de la réduction du format. Les premiers effets de la réforme des retraites se feront sentir en 2012, réduisant le nombre des départs spontanés d’environ 600 chaque année.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour que cette réforme ne se traduise pas par une déformation de la pyramide des âges ?
Pour conclure, je veux souligner l’ampleur des réformes en cours : peu d’organisations publiques ou privées de cette taille se sont lancées dans une modification aussi profonde de leur mode de fonctionnement, de leurs implantations géographiques et de leur effectif.
Je tiens à saluer M. le ministre, à qui j’adresse nos vœux de complète réussite, mais également le personnel des armées, qui conduit cette réforme.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l’adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis.
Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le soutien des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si le 9 novembre 2011 fera date dans l’histoire sociale ou parlementaire, mais il me semble que c’est la première fois, à une petite exception près, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a entendu les représentants des syndicats des personnels civils de la défense à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances.
Il est très important que cette expérience soit renouvelée plus souvent car les syndicats nous permettent d’entrevoir l’envers du décor de la réforme de la défense ; leur approche réaliste nous permet de lire avec un œil plus critique les six cent huit pages du « bleu » budgétaire consacré à la mission « Défense ».
Je vais vous exposer, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quatre principales raisons, tirées de l’analyse du programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour lesquelles j’ai exprimé devant la commission des affaires étrangères l’opposition de mon groupe à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».
Sur le plan financier, ma principale inquiétude porte sur le projet Balard. Je me demande si la fascination excessive pour les grands projets n’a pas conduit à signer, avec ce contrat, une sorte de bombe à retardement financière…
D’abord, ce contrat engage l’État et les générations futures pour une durée de trente ans, au moment où les évolutions financières et politiques n’ont jamais été aussi rapides.
Ensuite, a-t-on tiré toutes les leçons de l’expérience du partenariat public-privé conclu pour la construction de l’hôpital sud-francilien ? Cette démarche, initialement présentée comme exemplaire, s’est révélée en pratique catastrophique, les travaux conduisant à des malfaçons et à des surcoûts inacceptables.
Enfin, on prétend que la redevance de 130 millions d’euros par an – hors taxes ! – sera financée par des économies de fonctionnement. Certains doutent de la pertinence des calculs qui conduisent à une telle affirmation. J’ajoute que, si l’hypothèse présentée par le Gouvernement se vérifie – souhaitons-le ! –, on pourra alors s’interroger rétrospectivement sur l’efficacité de la gestion des crédits de la défense. Je signale que la Cour des comptes vient de tenir un raisonnement analogue : elle conclut que la réduction du nombre d’applications informatiques est un révélateur des redondances auxquelles ont conduit la gestion et les cloisonnements antérieurs.
Plus généralement, je dénonce le décalage important entre l’affichage budgétaire et la réalité humaine et territoriale.
Les difficultés des collectivités territoriales confrontées aux restructurations sont souvent bien analysées et relayées par le Sénat. Je saisis l’occasion pour citer le cas du territoire du Cambrésis, qui doit aujourd’hui faire face aux bouleversements liés à la fermeture de la base aérienne de Cambrai-Épinoy. Dans cette partie de la France, les friches militaires succèdent aux friches industrielles. La seule perspective consiste en une hypothétique reconversion aidée par un État qui procède à des coupes budgétaires de plus en plus rigoureuses.
Je souhaiterais que le Sénat défende la cause des personnels aussi bien que celle des territoires. Les restructurations en effet portent en elles l’éclatement des communautés de travail au sein de la défense. Cet éclatement est amplifié par le transfert au secteur privé d’un certain nombre de fonctions de soutien. Certes, le Gouvernement semble aujourd’hui hésiter à intensifier sa politique d’externalisation, dont nous demandons solennellement un bilan précis. Ce dernier montrera vraisemblablement que les économies de fonctionnement ne sont pas systématiquement au rendez-vous. La notion de réorganisation semble véhiculer, pour le Gouvernement, une image de progrès, alors qu’elle est un facteur d’épuisement et de stress pour les agents. Par-dessus tout, la suppression des 54 000 emplois dans la défense s’accompagne d’une destruction de nos savoir-faire qui met en péril à la fois notre communauté de travail et notre indépendance nationale.
En ce qui me concerne, je suis très sensible au sort réservé aux personnels civils. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a posé un principe très clair : « Les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien. » Dans ces conditions, pourquoi, monsieur le ministre, ne pas offrir de meilleures perspectives de carrière aux personnels civils ? Comme nous l’ont rappelé les syndicats que nous avons auditionnés, on trouve des militaires à des postes ne présentant aucun caractère opérationnel tandis que les postes d’encadrement sont rarement occupés par des personnels civils, qui en ont pourtant la capacité.
Je me demande enfin si la modernisation de notre défense est bien en phase avec celle de la société française. En effet, il faut constater que la féminisation de la défense n’est pas encore très développée. Ce n’est pas seulement une question de genre. Faut-il rappeler qu’un certain nombre d’études spécialisées montrent que la participation accrue des femmes aux fonctions de management d’une structure renforce son efficacité et sa rentabilité, tout en y réduisant les conflits ? C’est pourquoi, pour une meilleure visibilité, il serait nécessaire qu’au milieu de la grande profusion de chiffres et de données qui accompagnent la présentation du budget de la défense figurent aussi des indicateurs chiffrés sur la place des femmes dans la défense de notre pays.
Telles étaient, mes chers collègues, mes principales remarques concernant le programme 212.
À titre personnel, je ne voterai donc pas les crédits de la mission défense, mais je rappelle que la commission des affaires étrangères a suggéré au Sénat de les adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le soutien des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviendrai en complément de ma collègue Michelle Demessine sur la mission « Défense ».
Convaincu, en ce qui me concerne, de la nécessité des mutations en cours, je m’attacherai, au nom de la commission, à souligner les efforts destinés à limiter les inconvénients de ces transformations en analysant certains aspects du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».
Nous avons entendu en commission, je tiens à le souligner, les propos rassurants du secrétaire général pour l’administration. Il a d’abord rappelé que l’État perfectionnerait sa démarche pragmatique en matière de cessions d’emprises aux collectivités territoriales, en tenant compte des difficultés rencontrées dans le passé. Il s’est également engagé sur la dimension humaine des restructurations.
Le programme 212 est le reflet budgétaire fidèle des mutations en cours. Ses deux piliers sont les crédits liés à la politique immobilière, qui représentent 47 % du total, et aux restructurations, qui totalisent 16 % des crédits du programme. Techniquement, il connaît un déséquilibre structurel entre les autorisations d’engagements et les crédits de paiement. Il ne faut d’ailleurs pas surinterpréter les brusques variations d’une année sur l’autre des autorisations de programmes, qui sont inhérentes à une politique immobilière active.
La commission m’a spécialement chargé d’interroger le Gouvernement sur le « rabot » adopté par l’Assemblée nationale, qui minore de plus de 1 % les crédits de ce programme. Nous nous demandons, monsieur le ministre, si le Gouvernement est en mesure de nous confirmer que le premier et le second « rabots » ne porteront pas atteinte au plan de financement économique des restructurations, dont les 213 millions d’euros financés par le Fonds pour les restructurations de la défense, le FRED.
J’en viens au volet spécifique des dépenses immobilières ou d’infrastructure et de leur financement. Au cours des années précédentes, la fragilité des prévisions de recettes issues des cessions immobilières a été soulignée par notre commission. Aujourd’hui, le bilan des cessions et les perspectives de recettes me paraissent comporter quelques éléments positifs d’évolution.
S’agissant notamment des ventes d’emprises régionales, je crois que nous sommes sur le bon chemin pour trouver le meilleur point d’équilibre entre l’intérêt de l’État et celui des collectivités territoriales. Je rappelle que la moitié des emprises est éligible au dispositif de cession à l’euro symbolique. C’est un progrès considérable par rapport à la situation qui prévalait dans le passé. Comme nombre de responsables de collectivités, je puis en témoigner. Responsable de territoires en difficulté, j’ai en effet souvent été confronté à des négociations bien compliquées en la matière. Cela constitue donc un vrai progrès, que l’on peut aussi porter au crédit de la RGPP. Le bilan détaillé de l’application de ce dispositif démontre que c’est un succès.
La première priorité, à la fois pour l’État et les collectivités territoriales, est d’éviter de laisser s’installer des zones de friches militaires. Je veux sur ce point aussi apporter mon témoignage. Il s’agit de problèmes auxquels nous avons été confrontés par le passé, notamment du fait de la dégradation très rapide des immeubles. Ainsi, les cessions rapides, réalisées dans les conditions que je viens de mentionner et comportant, pour chacune d’entre elles, la clause de retour à meilleure fortune, permettent à l’État de réaliser des économies en coûts d’entretien – des crédits sont d’ailleurs prévus sur ce poste, comme cela nous a été rappelé lors des auditions – et aux collectivités territoriales de s’engager dans la réalisation de projets susceptibles de générer de nouvelles recettes.
À Paris, le regroupement des administrations centrales à Balard doit permettre de libérer des immeubles de grande valeur. En 2013, le montant prévisionnel des cessions est évalué à 672 millions d’euros. On a beaucoup épilogué sur ce processus de cession : je mentionne simplement qu’il pourrait aboutir à vendre de l’immobilier parisien dans une conjoncture favorable. On ne s’en plaindra donc pas.
Je voudrais faire une autre remarque sur le projet Balard, qui a été critiqué par certains. Il s’agit d’une démarche à la fois importante, inédite et certainement fructueuse en termes de qualité de travail et d’efficacité, qui consiste en l’installation de 9 300 personnes en 2014 sur un site nouveau dont la construction, l’acquisition et le fonctionnement, dans toutes ses composantes, seront couverts par une redevance de 130 millions d’euros par an jusqu’en 2041. Je précise surtout que cette redevance sera versée à un opérateur qui a remporté le marché public sans que personne conteste la régularité de la procédure, ce qui constitue, à tout le moins, un indice du sérieux de cette opération. Cela méritait d’être dit.
Un mot, enfin, sur le sort réservé à l’hôtel de la Marine. La commission et le rapporteur pour avis que je suis saluent les perspectives d’affectation de ce monument exceptionnel – je pense notamment au rapport de la commission de l’hôtel de la Marine, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, qui a fait un travail tout à fait intéressant et approfondi – qui semblent bénéfiques culturellement, touristiquement et symboliquement, puisque le lien avec la marine est soigneusement préservé.
Je voudrais finir mon intervention en posant quelques questions au Gouvernement. Elles portent sur les modalités juridiques du dispositif de préfiguration, sur la future gestion immobilière de l’hôtel de la Marine, et sur le financement des travaux puis du fonctionnement courant du nouvel ensemble. Il s’agit là de questions très concrètes dont les réponses seront déterminantes pour la réussite de ce projet. Monsieur le ministre, le diable se situe dans les détails, mais je suis sûr que vous nous apporterez les réponses susceptibles de nous rassurer !
Pour toutes ces raisons, je recommande, avec la commission, de voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. La majorité se doit d’être exemplaire. C’est pourquoi monsieur le président, je souhaiterais que vous demandiez à M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, de présenter son rapport. Cela nous ferait à tous extrêmement plaisir. (Applaudissements.)
M. François Trucy, rapporteur spécial. C’est embarrassant !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mais non, on n’est jamais embarrassé au pays du rugby ! (Sourires.)
M. François Trucy, rapporteur spécial. C’est vrai !
M. le président. La parole est donc à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Je suis désolé d’avoir perturbé ainsi la séance, et je suis très sensible à la démarche du président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Carrère, à qui il m’était difficile d’opposer un refus !
Je reprends donc mon exposé. Comme je le disais, à la conclusion près du rapporteur spécial de la commission des finances, que j’appelle le « rapporteur principal », M. Krattinger, qui recommandait de s’abstenir, j’aurais cosigné assez facilement l’ensemble du rapport. Je m’explique.
Je relève avec satisfaction, comme vous tous, la somme considérable de 38,3 milliards d’euros de crédits de paiement figurant dans le présent budget, en hausse de 2,3 % par rapport à 2011. Je relève en outre que les chapitres majeurs de cette mission sont pourvus et que les crédits affectés sont conformes, dans la plupart des cas, aux dispositions de la loi de programmation militaire pour la période 2009-2014 ; dans la plupart des cas seulement car, au final, cette année encore, la LPM ne sera pas respectée dans son intégralité. L’écart entre elle et la programmation budgétaire triennale pour 2011-2013 se monte à 1,35 milliard d’euros selon mes recherches, même si les chiffres peuvent varier d’une source à l’autre. La faute en revient à cette « bulle programmatique » qu’il semble difficile de résorber totalement.
Ce décalage entre la programmation et la réalisation n’étonnera néanmoins que ceux qui prenaient pour argent comptant les données de la LPM, données qui, pour satisfaire les options du Livre blanc, se nourrissaient de bien trop d’espérances. Ainsi étions-nous sceptiques, en particulier lors du précédent vote, quant aux recettes provenant des cessions immobilières et des ventes de fréquences hertziennes, qui semblent maintenant arriver à échéance. Nous craignions que les unes et les autres nous réservent d’importantes déceptions, tant sur le calendrier des réalisations que sur le plan de leur rendement. La suite nous a partiellement donné raison.
J’éprouve personnellement le même scepticisme à l’égard de la réalisation du projet Balard, le « Pentagone à la française ». Compte tenu de son coût et des difficultés multiples qu’il rencontre, compte tenu, en outre, de la quasi-impossibilité de réaliser dans le même temps les cessions immobilières nécessaires au financement du projet et dont certaines – je pense à l’hôtel de la Marine dont M. Bockel vient de parler – sont déjà déprogrammées, je me permets de penser que ce projet était déraisonnable.
S’il y avait, à l’évidence, un intérêt de confort à regrouper en un seul lieu tous les services de la défense, était-ce cependant le moment d’y procéder ?
Je note que le génial promoteur de ce projet, quand il était ministre de la défense, est maintenant le premier à critiquer et attaquer ceux de ses amis à qui il a laissé le soin de payer l’addition…
Monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs qui soutiennent le Gouvernement dont vous faites partie sont inquiets de la situation actuelle du budget de la défense et des perspectives d’avenir. D’ores et déjà, ce budget est amené, alors qu’il n’est même pas encore voté, à contribuer aux efforts d’économies que réclame la conjoncture économique et financière de notre pays. La RGPP, depuis quelque temps, contredit la LPM. Un décret d’avances a déjà été octroyé et des gels de crédits assez conséquents ont été annoncés.
Dans ces conditions, quel sort sera réservé aux grands programmes de matériel ? Que deviendront les programmes du nouveau NH90, du Rafale, des frégates FREMM ou de l’A400M ?
Au fond, plus que des critiques, la minorité sénatoriale tient surtout à exprimer des inquiétudes. Cette année, monsieur le ministre, compte tenu des conditions de préparation de l’examen du budget au Sénat, il ne nous a pas été possible de faire le point, comme c’était habituellement le cas, sur les sujets essentiels que sont la condition militaire, les activités des forces, le maintien en condition opérationnelle de tous les matériels, au-delà du simple matériel engagé dans les opérations extérieures, les OPEX.
Si M. le rapporteur principal, Yves Krattinger, en est d’accord, voilà des points qu’il nous faudrait éclaircir durant l’année 2012, qui, comme chacun sait, va nous réserver beaucoup de temps libre.
Il faudrait aussi préciser dans quelles proportions le plafond des autorisations d’emplois est sous-exécuté.
En effet, en 2012, à une réduction programmée de 7 462 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, s’ajoute la notion persistante de la sous-exécution de la programmation elle-même. Est-elle vraiment de 4 000 ETPT ?
Si c’est le cas, comme les années précédentes, c’est que la programmation n’a pas été réaliste sur ce point et que les autorités militaires, confrontées à une sous-estimation de la masse salariale, ne peuvent que piloter à vue. Il serait important pour nous d’obtenir des informations sur ce point, car elles seront déterminantes lors du vote de la future loi de programmation militaire de 2012.
Je souhaite aussi vous dire, monsieur le ministre, à quel point nous avons été choqués, l’an passé, par le rapport qu’a publié la Cour des comptes sur le service de santé des armées. Nous sommes quelques-uns, ici, à considérer certaines des critiques comme injustes et déplacées dans la mesure où elles ne tiennent aucun compte des contraintes spécifiques de ce service – et Dieu sait qu’elles sont lourdes ! – ni de l’aide immense qu’il rend aux militaires, à leurs familles et aux populations des pays où nos forces sont engagées. Dans cette affaire, la Cour des comptes, pour laquelle nous avons le plus grand respect par ailleurs, nous semble être à côté de la plaque !
Dernier point : d’année en année, les OPEX sont un sujet permanent d’angoisse pour le ministre, qui ne sait jamais comment lui sera compensé le déficit considérable entre les crédits votés et la dépense réelle.
Elles sont également un sujet d’irritation tout aussi permanent pour le Parlement, qui n’apprécie guère ces impasses et encore moins les moyens que le Gouvernement utilise chaque année pour boucler le budget.
Cette année encore, faute de pouvoir estimer la dépense, ce qui est compréhensible, il faudra nous contenter d’une sorte de provision dont on reconnaîtra qu’elle a heureusement beaucoup augmenté en 2010 et en 2011.
Ce budget, particulièrement difficile à structurer et à exécuter, va à l’essentiel, c’est un fait, mais il est fortement impacté, comme tous les autres, par les difficultés financières que connaît notre pays. De plus, il s’écarte chaque année davantage de sa programmation, comme le rapporteur Krattinger l’a souligné d’entrée de jeu.
Je souhaite conclure sur des propos plus personnels et que je n’ai pas la prétention d’imposer à mes collègues de la minorité.
Monsieur le ministre, si la France n’a pas ou n’a plus, en matière de défense, la possibilité de tout faire, de tout construire, de tout acheter, si elle n’a pas les moyens de maintenir en condition opérationnelle tous les éléments du matériel de nos armées, si elle n’a plus la capacité de projection qui a été programmée, il vaudrait mieux le reconnaître et ajuster à nos ressources les efforts financiers que réclameront toujours les intérêts vitaux de notre pays, c'est-à-dire la défense de ses territoires et l’essentiel de sa présence et de son rôle dans le monde.
S’agissant des OPEX, par exemple, je constate qu’en 2010, sur 867 millions d’euros de dépenses, 231 millions d’euros, soit 27 % du total, ont été consommés pour le Kosovo – 59 millions d’euros –, pour la Côte d’Ivoire – 82 millions d’euros – et pour le Liban – 90 millions d’euros.
En 1993, après la mission parlementaire qui m’avait amené au Sud-Liban avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, je m’interrogeais déjà sur la justification de notre présence dans ce pays ami. Entre 1993 et 2011, il s’est écoulé dix-huit ans, monsieur le ministre ! Est-ce raisonnable ?
À ne pas savoir partir de certains pays, nous nous interdisons de participer à d’autres opérations majeures que l’ONU nous demandera de couvrir. À moins que l’abandon de notre droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU ne règle ce problème et ne nous dispense, demain, de toute intervention hors de nos sacro-saintes frontières.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai la charge de vous faire connaître que, sur ma proposition, la minorité de la commission des finances du Sénat vous recommande un vote favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».
Elle le fait non seulement à l’intention des sénateurs et sénatrices qui appartiennent à l’opposition dans cette assemblée, mais aussi à l’intention de tous les autres, puisque la recommandation de sagesse du rapporteur Krattinger les laisse libres de leur décision. Un tel vote exprimerait une solidarité légitime envers nos soldats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Yves Krattinger, rapporteur spécial, applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il serait injuste, monsieur le ministre, de prétendre que vous n’avez pas cherché à préserver l’enveloppe de crédits de la défense, en principe garantie par la loi de programmation militaire.
Le budget que vous nous présentez se situe, cependant, sensiblement en dessous de ces enveloppes : abattements budgétaires, surcoûts des OPEX, opération Harmattan, qui se chiffre à 1,308 milliard d’euros, financement de la taxation interministérielle à la suite de la condamnation de Thales, surcoûts de la transition liée à la transformation des armées, épuisement des reports de crédits, retard des recettes exceptionnelles.
Je suis d’abord conduit à vous poser la question de savoir si la clause de sauvegarde prévue par la loi de programmation militaire pour les OPEX va être activée et à quelle hauteur. À défaut, il serait temps de mettre un terme à la dérive expéditionnaire, mais c’est un vaste sujet.
Je m’inquiète, ensuite, des réductions de crédits qui affectent le maintien en condition opérationnelle des hommes, dont je tiens à saluer la valeur. Mais celle-ci ne saurait compenser le défaut d’entraînement. Comme l’a déclaré l’Amiral Guillaud dans une expression toute en litotes : « La nouvelle trajectoire financière […] en retrait par rapport à celle prévue par la loi de programmation militaire […] nous a conduits à accentuer la préparation opérationnelle différenciée, en nous efforçant d’éviter l’écueil d’une armée à deux vitesses. »
C’est la cohérence de l’outil qui est en jeu. Ainsi, le nombre de journées de préparation et d’activité opérationnelles dans l’armée de terre passe de 120 jours en 2010 à probablement 105 jours en 2013, selon les déclarations du chef d’état-major de l’armée de terre, s’éloignant ainsi de la cible des 120 jours.
S’agissant de l’équipement des forces, il y aurait beaucoup à dire. Il faut noter l’entrée en service de matériels majeurs. Je rappelle cependant que l’entretien programmé des matériels est une priorité et qu’il est préoccupant de voir retarder la rénovation à mi-vie du Mirage 2000-D, la livraison des A-400 M et l’étalement de la livraison des avions multiravitailleurs MRTT. Pour l’armée de terre, je vous donne acte de la commande du lance-roquettes unitaire, c’est un bon point.
S’agissant de la direction générale de l’armement, la DGA, je tiens à saluer la manière dont elle s’acquitte de sa mission de préparation de l’avenir.
Essayons de voir, justement, ce que nous réserve l’avenir.
Les États-Unis se désinvestiront de plus en plus de l’Europe. Ils s’engagent en Asie et dans le Pacifique. J’observe l’extension rapide des incertitudes et même des « trous noirs » en Asie de l’Ouest et en Afrique : Afghanistan, Pakistan, Iran, Syrie, Yémen. Les révolutions démocratiques dans les pays arabes démontrent la puissance des courants islamistes dans les sociétés. Ce qui se passe en Égypte, en Tunisie, au Maroc et au Sahel nous concerne directement.
L’évolution du contexte géostratégique doit nous conduire à redéfinir nos priorités en matière d’équipements. Plus que jamais, la fonction connaissance et anticipation est décisive. Il faut donc donner une claire priorité aux moyens de renseignement. À cet égard, l’éloignement dans le temps du lancement du satellite CERES, dont plusieurs rapporteurs se sont inquiétés, est fâcheux. Peut-être s’agit-il d’une question d’appellation ? (Sourires.)
S’agissant de la dissuasion, il serait irresponsable de ne pas continuer un effort dont la valeur tient à son inscription dans la durée. Enfin, il faut le dire, il est temps de mettre un terme aux réductions de format des armées. L’effort de défense de la France est très sensiblement inférieur à l’objectif de 2 % du PIB pris, en 2007, par Nicolas Sarkozy, alors candidat à l’élection présidentielle.
Le maintien nécessaire de notre effort de défense se télescope avec la crise qui secoue la monnaie unique, qu’on décrit de manière réductrice comme une crise de la dette alors que c’est d’abord une crise politique, une crise de conception. Mal pensée, la monnaie unique, loin d’unir les nations, les divise. Or, en Europe, la position de la France s’est détériorée. Le président du groupe CDU-CSU a déclaré récemment au Bundestag : « L’Europe s’est mise à parler allemand ! »
Un ministre de la défense, soucieux de l’avenir de son budget, ne peut pas ignorer ce que préparent, par ailleurs, Mme Merkel et M. Sarkozy. Chacun sait que celui-ci est engagé dans une négociation où l’Allemagne entend imposer aux autres États de la zone euro un strict contrôle de leur budget par les institutions européennes qu’elle influence fortement. On entend parler de noyau dur, avec une monnaie encore plus surévaluée. M. Sarkozy a proposé une « règle d’or », en fait d’airain, pour supprimer, les déficits. Des dispositions coercitives seraient mises en œuvre par la Commission européenne. M. Barroso vient de déposer des projets de règlement d’où il résulte que, désormais, les pays de l’Union monétaire devront soumettre leurs projets annuels de budget à la Commission et à l’Eurogroupe avant le 15 octobre de l’année précédant l’exécution du budget. Si un projet de budget ne respecte pas les exigences du pacte de stabilité et de croissance, qui interdit un déficit supérieur à 3 % du PIB, ce qui est aujourd’hui le cas de la France, la Commission aura le droit de donner son avis et de demander des changements.
Je passe sur les autres propositions, notamment sur l’institution de conseils budgétaires indépendants. C’est le début de ce qu’Hubert Védrine a appelé l’Europe post-démocratique. Des dirigeants politiques élus sont écartés au profit de véritables gouverneurs technocrates européens, non élus mais formatés dans le moule de dogmes obsolètes !
Revenons à la mission « Défense ». Tout cela est très inquiétant, monsieur le ministre, pour l’avenir de la programmation militaire. Comment le budget militaire ne serait-il pas impacté non seulement par la récession qui s’annonce et par les resserrements budgétaires que la pression des marchés financiers ne manquera pas de susciter, mais aussi par la contestation de l’arme nucléaire par l’Allemagne et par plusieurs autres pays européens, ralliés au pacifisme en même temps qu’à l’OTAN et à la garantie ultime des armes nucléaires américaines ? Mais vous savez très bien tout cela !
L’Allemagne, à laquelle les traités refusent l’accès aux armes nucléaires, voit dans la dissuasion française au mieux un anachronisme.
Les affaires de défense sont des choses trop sérieuses pour être laissées aux institutions européennes dont la logique, malgré les apparences, n’est pas technocratique, mais politique : c’est une logique d’empire et d’un empire où la France serait réduite à un rôle d’accompagnement. Je vous renvoie à un article, que je ne vous cite pas, car mon temps de parole s’épuise, de M. Westervelle paru dans Le Figaro du 20 novembre dernier.
Quel serait, dans cette perspective, l’avenir de notre dissuasion ? On ne l’imagine que trop bien.
La coopération franco-britannique, utile, ne dispensera jamais d’un effort propre très important, sanctuarisant les crédits de la dissuasion au sein d’un budget de la défense, lui-même protégé par une nouvelle loi de programmation.
Si l’Europe de la défense devait avoir un sens, il faudrait qu’il soit entendu que les dépenses militaires, en tout cas celles de la dissuasion, seront soustraites du calcul du déficit selon les règles du pacte de stabilité. De lourdes menaces se dessinent à l’horizon.
Je ne voterai pas contre les crédits de la mission « Défense », mais mon abstention, monsieur le ministre, traduira l’inquiétude que j’éprouve pour l’avenir de notre outil militaire dans le contexte des négociations européennes que M. Sarkozy a engagées avec Mme Merkel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, ce budget réaliste et sincère dans un contexte économique difficile, est marqué par une vision cohérente et pérenne de notre politique de défense nationale, mais également par son rayonnement européen et international.
Les bons résultats obtenus cette année, nous les devons aux compétences militaires, mais également à la qualité des équipements utilisés, qu’il s’agisse des aéronefs, des navires, des sous-marins nucléaires d’attaque, des missiles, de l’optronique embarquée, des techniques d’imagerie ou encore des chaînes de transmission de données à haut-débit. Un seul bémol toutefois : l’échec du drone européen.
La priorité accordée aux crédits d’équipement a donc été maintenue, tout en préparant l’avenir et en améliorant la condition du personnel, grâce au volet défense de la révision générale des politiques publiques, considéré comme exemplaire.
Le budget de la défense représente des masses financières importantes, qui sont investies dans le tissu industriel national. C’est un point essentiel par les temps qui courent. Les 20 milliards d’euros injectés chaque année dans notre économie font travailler quelque 5 000 entreprises à haute valeur ajoutée, qui emploient directement 250 000 personnes dans le secteur de la défense et indirectement près de 1 million de personnes.
La crise financière que nous vivons actuellement est un nouveau révélateur des interdépendances et des fragilités de chacun. Aucun pays dans le monde, aujourd’hui, n’est à l’abri des conséquences économiques de cette crise. Nul, désormais, ne peut penser que le monde de demain sera identique à celui d’hier.
Depuis un demi-siècle, les Européens sont conscients de la nécessité d’une coopération entre les États.
Nous avons su construire un système où nous avons privilégié le partenariat, l’interdépendance assumée, le respect de l’autre et la coopération entre les États, un système politique où l’état de droit prime sur le rapport de force, ce qui n’est déjà pas si mal.
La construction européenne et l’Alliance atlantique ont été, au cours du dernier demi-siècle, les deux piliers d’une ambition pour les Européens : établir un cadre de sécurité collective susceptible d’assurer la prospérité et la stabilité du continent.
Il y a dix ans ou presque, l’Europe de la défense était un concept purement intellectuel, et même un objet de méfiance pour ceux qui y voyaient une source de nuisance ou d’affaiblissement de l’Alliance atlantique ou encore d’atteinte à la souveraineté nationale.
Aujourd’hui, nous l’avons vu, la place de la France sur la scène internationale, particulièrement au sein de l’OTAN, est essentielle, j’en suis pour ma part convaincu. L’Europe de la défense, même si elle est encore balbutiante – soyons réalistes ! – se précise à bien des égards.
Dans un premier temps, nous avons donné à notre armée les moyens nécessaires pour que la France puisse prendre toutes ses responsabilités sur la scène internationale, comme on a pu le voir en Côte d’Ivoire, en Afghanistan ou, plus récemment, en Libye. Je tiens moi aussi à rendre hommage à tous nos soldats qui sont tombés sur ces théâtres d’opération, particulièrement en Afghanistan.
S’agissant de la Libye, dans l’espace aérien et naval libyen, les aviateurs de l’armée de l’air, les marins de l’aéronavale et les équipages de l’aviation légère de l’armée de terre ont mené ensemble une formidable opération, en coopération avec l’OTAN et sous mandat de l’ONU, avec le souci permanent de limiter au strict minimum les dommages collatéraux au sol. Cette opération a été menée à bien, nous en connaissons les résultats, sans perte humaine ni matérielle pour nos forces. Il faut tout de même le rappeler.
J’ai d’ailleurs eu le plaisir d’assister, le 10 novembre dernier, en votre compagnie, monsieur le ministre, et avec plusieurs députés et sénateurs, notamment le président Jean-Louis Carrère, sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, au retour d’expérience des forces françaises engagées en Libye. Ce fut une occasion d’admirer l’excellence de leur performance, ainsi que la qualité des présentations, au travers desquelles, sans langue de bois, les soldats ont mis en évidence un certain nombre de manques ou d’attentes. Ce fut véritablement un moment très fort, révélateur du caractère démocratique de notre armée, qui, après avoir fait son devoir, s’exprime sans détour.
Cette intervention en Libye marque la naissance d’une identité européenne de défense au sein de l’OTAN, dont la France se veut le promoteur depuis soixante ans. C’est le signe que nous avons fait, au niveau du commandement intégré en tout cas – c’est là aussi ma conviction –, le bon choix.
Cette intervention illustre aussi toute la pertinence du renforcement de la coopération franco-britannique, opérée avec la conclusion, le 2 novembre 2010, des deux traités bilatéraux que nous connaissons.
Douze ans après le sommet de Saint-Malo, qui avait permis le lancement de cette dynamique, la France et le Royaume-Uni ont confirmé leur volonté de rester des acteurs majeurs en matière de défense.
À quelques jours du prochain sommet franco-britannique, prévu le 2 décembre prochain, peut-être pourrez-vous nous dire, monsieur le ministre, si l’on peut s’attendre à de nouvelles avancées.
II est important que les coopérations menées avec nos partenaires britanniques restent ouvertes à d’autres pays qui partagent les mêmes objectifs.
Je pense en particulier à nos amis allemands, qui disposent d’une industrie de défense importante et reconnue, d’une armée qui, elle-même, est en pleine restructuration et avec laquelle nous entretenons une relation forte et parfois compliquée pour différentes raisons, y compris politiques.
Avec l’Allemagne et la Pologne, qui a fait de ce sujet l’une des priorités de sa présidence de l’Union européenne, la France a formulé, dans le cadre du triangle de Weimar, des propositions concrètes sur l’Europe de la défense.
Je pense notamment au renforcement des capacités européennes de planification et de conduite des opérations, à l’augmentation des moyens de l’Agence européenne de défense – que j’ai d'ailleurs eu l’occasion de visiter avec plusieurs de mes collègues sénateurs il y a quelques jours –, au développement des groupements tactiques ou encore au lancement de nouvelles opérations.
Je sais que, sur ces questions, il y a souvent une grande distance entre les affirmations et la réalité pratique. Mais je ne crois pas faire preuve de naïveté en disant que ces propositions offrent de réelles perspectives et qu’elles constitueront des chantiers intéressants.
Peut-être pourrez-vous nous dire, monsieur le ministre, si l’on peut, sur ces questions de sécurité et de défense commune espérer des avancées, même dans le contexte géopolitique actuel.
Permettez-moi de vous interroger sur un sujet qui me tient à cœur pour m’y être beaucoup impliqué naguère : quid de la brigade franco-allemande ? On connaît sa force symbolique et réelle mais également les problèmes de doctrine d’emplois qui ont parfois pour conséquence qu’elle ne se voit pas confier toutes les missions qu’elle pourrait accomplir.
D’autres exemples plus spécifiques de cette coopération européenne sont à valoriser, comme cela a été dit tout à l’heure.
Je pense notamment au programme MUSIS, nouvelle génération de satellites d’information, qui sera un pilier de la future architecture ISR spatiale.
Je pense également à la continuation de la valorisation de l’Erasmus militaire, qui permet déjà de mettre progressivement en place ce qui sera – rêvons un instant ! – une culture militaire commune.
Je souhaite conclure mon propos par deux points qui me tiennent particulièrement à cœur.
Premièrement, j’ai constaté, je l’ai d’ailleurs dit à votre collègue secrétaire d’État Marc Laffineur, une réelle volonté d’améliorer la potentialité des réserves militaires. C’est un sujet sur lequel je m’étais beaucoup impliqué en 2009. J’avais, à l’époque, évoqué trois chantiers qui sont toujours d’actualité : la réorganisation et la clarification de la gouvernance de la réserve ; le renforcement du dialogue et de la concertation entre les réservistes et leurs employeurs ; enfin, l’amélioration du vecteur essentiel du lien armée-nation qu’est la réserve citoyenne.
N’ayant pas le temps de développer ce dernier point qui me paraît important, je ferai néanmoins une remarque, désormais habituelle de ma part : si la réserve opérationnelle disparaît, nos armées, du jour au lendemain, ne pourront plus fonctionner ; il ne faut jamais l’oublier. Nos collègues Jöelle Garriaud-Maylam et Michel Boutant ont effectué un travail très approfondi sur ce sujet, notamment sur le lien avec les autres réserves en cas de crise majeure.
Deuxièmement, je voudrais brièvement évoquer la cyberdéfense, sujet sur lequel la commission des affaires étrangères a bien voulu me confier un rapport. Ce sujet passionnant est toujours d’actualité, notamment depuis les attaques informatiques massives qui ont frappé l’Estonie en 2007. Notre ancien collègue M. Romani a d'ailleurs présenté entretemps, au nom de la commission des affaires étrangères, un rapport qui fait date sur ce sujet.
Nous savons aujourd’hui que la vulnérabilité des réseaux informatiques n’est pas seulement un problème technique mais une question de sécurité nationale. On imagine les conséquences pour notre pays d’une attaque informatique massive visant, par exemple, la distribution d’énergie, les transports, les hôpitaux, le système bancaire et qui conduirait à la paralysie de notre pays.
Avec la création de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information et l’adoption d’une stratégie, la France a renforcé ses outils en matière de cyberdéfense. Est-ce suffisant pour autant ?
Notre défense doit s’adapter aux risques nouveaux, aux nouvelles technologies opérationnelles comme au développement et à la protection de son cyberespace, et je déplore la diminution de 20 millions d’euros des crédits de recherche en amont.
La cyberdéfense et la cyberstratégie sont les nouveaux sujets fondamentaux d’une politique de défense moderne et renouvelée. Nous devons être à la pointe dans ce domaine, car les découvertes peuvent se traduire dans les domaines privé ou industriel et inversement.
Nous devons valoriser ces passerelles entre les sphères militaires publiques et privées afin que l’information soit mise à jour rapidement, ce qui est une donnée essentielle, et surtout qu’elle soit protégée.
Pourrait-on, par exemple, envisager l’obligation d’une déclaration en cas d’attaque informatique, afin que l’État soit au moins informé d’un tel risque ?
Nous pourrions également établir des ponts entre les différents centres de recherche européens, et discuter la mise en place de protocoles internationaux.
Si ce domaine reste encore largement terra incognita, comme le disait récemment le professeur François Géré devant l’Institut des hautes études de défense nationale, l’IHEDN, il faut rapidement trouver des repères en matière de doctrine stratégique.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de porter une attention particulière à la prise en compte des crédits alloués à la cyberstratégie, sachant que, dans ce domaine, comparaison n’est pas raison. Je connais les chiffres mais nous savons souvent en France faire mieux avec moins et, surtout, nous ne mettons pas dans les montants les mêmes éléments que certains de nos voisins ou autres pays de référence avec lesquels nous nous comparons. Néanmoins, cette question est importante.
Pour toutes ces raisons, le groupe UCR, en dépit de la situation budgétaire et dans l’attente de la prise en compte d’un certain nombre de propositions qui seront faites aujourd’hui, votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos à deux réflexions parmi celles que m’inspire ce budget.
La première tient naturellement au choix que vous avez fait en juillet dernier, en comité ministériel d’investissement, en faveur du drone Heron TP de Dassault, pour faire suite au système intérimaire actuellement en fonction. Vous connaissez mon sentiment sur votre décision, je l’ai exprimé en commission à maintes reprises, et il est aujourd'hui très partagé. Lorsque je tente de comprendre les principes qui ont guidé cette décision, j’en viens à penser qu’il s’agit d’un cas exemplaire de conflit entre les responsabilités industrielles de l’État et ses responsabilités de défense.
Pour exercer votre choix, vous avez dû arbitrer entre l’expression des forces armées d’un besoin opérationnel et des préoccupations économiques et industrielles. Comme je l’ai dit tout à l'heure, ce n’est pas un débat « intérieur » médiocre.
Vous avez choisi, de votre aveu même, la solution qui était financièrement la plus coûteuse …
M. Daniel Reiner. … et militairement la moins performante, et ce en connaissance des causes et des effets, à dessein, si j’ai bien compris, de permettre à un industriel national d’acquérir des compétences qu’il n’a pas, afin de forger plus tard le système d’armes dont notre pays aura besoin. Ce choix aurait eu toute sa justification il y a quinze ans. Mais, aujourd’hui, y a-t-il un marché en Europe pour ce type de drones ? Est-il sérieux de créer une filière industrielle pour sept exemplaires ?
La dotation aux armées des équipements dont elles ont besoin et qui est de votre responsabilité relève, selon le Livre blanc, de trois cercles d’appréciation : celui de la souveraineté nationale et, par là, de l’exclusivité industrielle nationale – c’est le prix de l’indépendance ; celui de la coopération avec d’autres pays ; enfin, celui de l’achat « sur étagère ».
Où se situent les drones MALE dans cette géométrie ? Certainement pas dans le premier cercle. La preuve, c’est que le Gouvernement a fait le choix de signer avec la Grande-Bretagne un accord qui comporte explicitement un partenariat dans ce domaine entre BAE et Dassault pour les années futures, et nous l’approuvons.
Cette décision n’était pas facile et je vous avais d’ailleurs indiqué à l’époque que, quelle qu’elle soit, elle prêterait à critique. Devant ce dilemme, je pense que vous avez fait prévaloir l’aspect industriel sur l’aspect opérationnel. Bref, vous vous êtes plus comporté en ministre de l’industrie – que vous avez été – qu’en ministre de la défense – que vous êtes.
Sur ce sujet des drones MALE, il faut reconnaître que, depuis un long moment, nous n’avons pas été bons : je pense à la DGA, à l’état-major, aux industriels, voire aux politiques. Mais aujourd’hui, l’urgence était de répondre au besoin opérationnel et de repousser les préoccupations industrielles à moyen terme. C’était tout à fait conciliable et financièrement avantageux, ce qui ne gâte rien en ces temps difficiles.
Lorsqu’on dispose en héritage d’une volonté historique, d’une base industrielle et technologique de défense qui est une des meilleures sinon la meilleure d’Europe, on peut et on doit y être attentif, et nous le sommes en général ; on nous le reproche parfois. Mais attention à ne pas en faire l’alpha et l’oméga d’une politique de défense, car cela peut être contraire à son intérêt !
Faut-il voir une application stricte de subsidiarité dans le choix de suppléer l’absence de commande des avions Rafale à l’export par une commande supplémentaire de l’État, ce qui est le cas cette année encore ? Cela a pour effet de désorganiser profondément la programmation d’ensemble du renouvellement des équipements. Je pense, entre autres, à la rénovation des Mirage 2000 D. Or il faut 10 millions d’euros pour rénover un Mirage 2000 D et dix fois plus pour acheter un Rafale. Cela est en contradiction avec la loi de programmation militaire, qui affichait la nécessité de ces deux avions pour l’armée de l’air. C’est encore un choix industriel, ce n’est pas un choix opérationnel.
Il arrive qu’on puisse atteindre les deux objectifs à la fois. Ce n’est pas simple et, si l’on y parvient, c’est évidemment satisfaisant pour tous. Nous pensons que, parfois, il faut dissocier les deux intérêts, et c’est le cas, à notre sens, pour le drone MALE, comme c’était le cas pour le missile successeur du Milan. Là, nous avons su traiter l’urgence opérationnelle – en achetant d'ailleurs du matériel américain – et préparer l’avenir industriel d’une nouvelle trame de missiles de courte et moyenne portée. Voilà pour la première réflexion.
La seconde tient à l’impression que l’actuel gouvernement serait tenté de réorganiser les entreprises industrielles de défense, avec pour objectif ultime d’aboutir à une organisation autour d’un producteur unique en matière d’équipements militaires.
Nous avons quelques exemples à l’esprit : lorsqu’il a fallu remplacer Alcatel-Lucent au capital de Thales et que l’État a fait opposition à l’entrée d’EADS ; nous avons de nouveau ce sentiment avec ce que l’on appelle pudiquement « la rectification de frontières » entre Thales et Safran, et ce n’est pas si simple, on le voit aujourd’hui.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Reiner. L’un étant dans l’autre et l’autre dans encore un autre, le schéma paraît se préciser. S’agirait-il de faire un BAE à la française ? Est-ce une bonne chose pour l’État que de se retrouver face à une entreprise en situation de monopole ? Je ne suis pas un libéral comme vous, monsieur le ministre, mais j’en doute !
L’histoire récente montre que les États se sont défaits peu ou prou de leurs arsenaux et qu’ils ont posé des règles afin de favoriser la mise en concurrence dans les marchés publics de défense ; je pense, en particulier, à la directive de 2009. S’agit-il de remettre en place des arsenaux confiés cette fois en gestion à des opérateurs privés ? Je ne suis pas sûr que nous y trouvions avantage, que ce soit sur le plan industriel ou sur le plan financier, a fortiori, évidemment, dans les temps qui viennent.
Donner vie et force à une base industrielle technologique de défense européenne aurait naturellement plus de sens, mais chacun s’étant fait à l’idée que c’est impossible, rien n’a été tenté.
Pourtant, ce gouvernement nous avait expliqué – et je reconnais qu’il avait été assez convaincant – qu’il fallait réintégrer le commandement militaire de l’OTAN afin, d’une part, d’y regagner une influence et, d’autre part, de construire plus vite une Europe de la défense et, par là, sa base industrielle.
Du traité de Lancaster House avec les Britanniques à l’accord avec Israël que vous êtes en train de négocier, nous n’arrivons plus à vous suivre. Monsieur le ministre, expliquez-nous votre politique industrielle et de défense ! Où allez-vous ? Nous aimerions comprendre ... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – MM. François Trucy, rapporteur spécial, et Jacques Gautier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme pour tout budget, les crédits de la mission « Défense » que nous examinons ce soir sont la traduction d’une politique.
Avec ces crédits, monsieur le ministre, vous voulez mettre en œuvre une politique de défense à laquelle mon groupe s’oppose vivement.
À l’intention des personnels militaires, je voudrais d’emblée préciser que, si nous ne votons pas ces crédits, c’est non par refus de donner à nos forces armées les moyens nécessaires pour remplir leur mission, mais en raison de nos profonds désaccords avec les orientations stratégiques définies par le Gouvernement, avec le format et le modèle d’armée qu’il choisit, ainsi qu’avec l’affectation des crédits qu’il propose.
Monsieur le ministre, vous nous proposez un budget « hors sol ». Dans votre projet initial, vous prétendiez scrupuleusement respecter la loi de programmation militaire, mais sans prendre véritablement en compte la crise financière internationale et les bouleversements géostratégiques survenus cette année, qui devraient pourtant nécessairement influer sur les choix concernant les équipements.
Je sais que ce sera le rôle de l’actualisation du Livre blanc en 2012, mais, d’ores et déjà, certaines modifications d’orientation budgétaire auraient dû être faites.
En réalité, vous vous éloignez des objectifs fixés par la LPM. Ce contexte fait que nous discutons ce soir au Sénat de crédits virtuels pour une mission, qui, comme l’ensemble du projet de loi de finances, repose sur des prévisions de croissance régulièrement revues à la baisse, et alors même qu’une nouvelle loi de finances rectificative a été présentée en conseil des ministres il y a près de quinze jours.
Ce projet de budget pour 2012 devrait permettre, selon vous, la poursuite de la réduction drastique du format de nos armées et la modernisation de nos forces en maintenant la priorité donnée aux équipements. Mais, dans le même temps, lorsque vous réalisez des économies, c’est au prix de réductions capacitaires.
Dans le contexte actuel de crise financière, je doute que vous puissiez conserver cet équilibre et faire réellement ce que vous annoncez.
En effet, la rentrée des recettes exceptionnelles se produira avec retard, les recettes immobilières attendues risquent de se déprécier, les reports de crédit ne sont pas inépuisables et les économies attendues de la création des bases de défense ne sont pas encore au rendez-vous en raison du surcoût, certes inévitable au début, des restructurations.
En outre, lors de la présentation de votre budget à l’Assemblée nationale, vous avez procédé à une diminution des crédits de 167 millions d’euros, imposée, semble-t-il, par la baisse des prévisions de croissance et par les dernières annonces d’économies budgétaires faites par le Premier ministre et destinées à réduire la dépense publique pour se conformer aux exigences des marchés financiers.
Ces mesures n’ont d’ailleurs eu aucun effet sur ces marchés, car les agences de notation continuent de menacer la France, actuellement titulaire d’un triple A, de déclassement, avec toutes les conséquences que cela pourrait emporter.
Les plus fortes réductions de crédits, avec 102 millions d’euros, portent notamment sur votre programme prioritaire d’équipement des forces. Vous nous assurez qu’elles seront partiellement compensées par la perception de recettes exceptionnelles supplémentaires au titre de la vente de fréquences hertziennes.
Une baisse de 30 millions d’euros portera sur le financement d’opérations d’infrastructures, sans, paraît-il, en modifier la programmation.
Enfin, les crédits du programme « Préparation et emploi des forces » seront, quant à eux, minorés de 25 millions d’euros, ce qui aura inévitablement des effets négatifs sur l’entraînement des forces et le maintien en condition opérationnelle des équipements.
On a aussi du mal à croire que ces diminutions de crédits n’entraîneront ni réduction ni retard de programmation des matériels et des infrastructures.
Il y a lieu d’être inquiet pour le maintien des capacités opérationnelles de notre pays si ces menaces budgétaires devaient affecter des programmes comme ceux des hélicoptères NH 90, des frégates multimissions ou bien encore du sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire de type Barracuda.
De même, certains experts craignent pour la rénovation des Mirage 2000 et pensent que le programme CERES de renseignement militaire sur l’écoute des signaux électromagnétiques sera décalé.
En revanche, le coût total des opérations extérieures de nos armées, en Afghanistan, en Libye, en Côte d’Ivoire, a explosé : il s’élève à 1,2 milliard d’euros, dont 350 millions pour la seule Libye, alors que 630 millions étaient inscrits en loi de finances initiale. Certes, la fin des opérations en Libye et le début de retrait de nos troupes d’Afghanistan peuvent raisonnablement nous faire espérer un allégement significatif des charges de nos OPEX.
À cet égard, je pense qu’il faut accélérer le retrait de nos troupes d’Afghanistan. Nous n’avons pas à calquer notre calendrier sur celui des États-Unis. En effet, puisque ce retrait est décidé, le demi-milliard d’euros annuels de cette opération s’effectue maintenant en pure perte. Et même s’il est financé par la réserve de précaution interministérielle, il faudra de toute façon payer cet énorme surcoût, qui aurait pu être utilisé à des fins plus pertinentes.
À ce propos, au-delà de la question de la légitimité et du bien-fondé de ces opérations extérieures, que je mets en cause, les difficultés de financement ne peuvent que nous conduire à nous interroger sur le modèle et le format d’armée que traduisent les choix budgétaires du Gouvernement.
Si toutes ces OPEX dépassent en fait nos capacités financières et humaines, c’est notamment parce que les crédits consacrés à la modernisation et au développement de l’arme nucléaire revêtent une trop grande importance. Cet argent est dépensé au détriment de nos équipements et de nos capacités conventionnelles.
Enfin, je voudrais souligner, après les avoir relevés dans le rapport sur le programme 212 « Soutien de la politique de défense », les risques de dérapage financier inhérents à l’opération Balard, les incertitudes de la politique d’externalisation, ainsi que les dégâts économiques et humains causés aux territoires et aux personnes par les restructurations.
Mais c’est avant tout pour des raisons de fond que je critique l’affectation de vos crédits pour les cinq missions stratégiques, les priorités au service desquelles vous réalisez des économies et le choix des secteurs dans lesquels vous les faites.
J’estime qu’il est inutile et dangereux de tant dépenser pour un modèle d’armée qui n’est plus adapté au monde d’aujourd’hui.
Vous prétendez dépenser mieux en réduisant de façon drastique le format de nos armées, mais cela vous permet surtout de payer fort cher des technologies qui ne sont pas efficaces pour le type de conflits ou d’opérations dans lesquels nos armées sont engagées.
C’est ainsi que, face à un appareil militaire qui rétrécit, la part de l’arme nucléaire grandit, au détriment des armements conventionnels. Les règles stratégiques ont pourtant changé depuis la fin de la guerre froide et il n’y a plus de menace nucléaire stratégique. Le coût et la puissance dévastatrice de cette arme ne se justifient donc plus. J’ajouterai même que, avec l’apparition de nouveaux acteurs stratégiques au comportement irrationnel, elle crée maintenant une source d’instabilité, menaçant l’ensemble de la planète.
Si l’on prend en compte les études, les opérations d’armement, l’entretien programmé du matériel et les infrastructures liées à la dissuasion, ce sont 3,4 milliards d’euros par an, soit près de 10 millions d’euros par jour, qui seront consacrés à l’arme nucléaire. À elles seules, nos forces nucléaires consomment 21 % des crédits d’équipement.
Le renouvellement des deux composantes nucléaires, avec la mise en service d’un nouveau missile air-sol de moyenne portée et celle du M51 pour la force océanique stratégique, représente une modernisation et un renforcement de notre arsenal qui entrent en contradiction avec le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires que notre pays a signé. Cette posture n’est plus conforme au principe de la « stricte suffisance » ni au seul maintien de la crédibilité technique de la dissuasion.
C’est pourquoi je proposerai un amendement supprimant les crédits de commande d’une tranche de production du missile balistique M51.2 pour les affecter à d’autres équipements de nos forces conventionnelles.
Cet aveuglement volontaire concernant l’arme nucléaire se retrouve dans le choix, politique autant que stratégique, du Président de la République, qui a accepté que notre pays participe au système de défense antimissile balistique. Ce système de haute technologie extrêmement coûteux, à la fiabilité et à la doctrine d’emploi incertaines, aux règles d’engagement qui laisseraient les Américains seuls maîtres des tirs, est de surcroît contradictoire avec notre doctrine de dissuasion nucléaire.
En outre, ce bouclier antimissile est de nature à relancer une course aux armements, comme vient de le démontrer la récente réaction de la Russie, qui a menacé de déployer ses missiles si l’OTAN et les États-Unis poursuivaient leur projet.
Dans ce domaine, la décision du Président de la République procède directement de son alignement atlantiste et de son souci de faire en sorte que nos industries de défense, grâce à leur savoir-faire, puissent recueillir quelques miettes de ce marché. Mais cette décision découle aussi directement de notre pleine réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN qui a remis en cause notre autonomie stratégique en nous plaçant au service d’une alliance politico-militaire strictement offensive.
Parce que nous nous opposons aux choix politiques et aux grandes orientations stratégiques que traduit ce budget, le groupe communiste, républicain et citoyen votera contre les crédits de la mission « Défense ».
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année qui s’achève aura été particulièrement dense pour nos forces armées, engagées dans plusieurs opérations de stabilisation ou de maintien de la paix sous mandat de l’ONU et trois interventions majeures en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et en Libye, soit au total sur vingt théâtres d’opérations. Je veux rendre hommage à l’ensemble des hommes et des femmes qui, témoignant leur engagement envers la Nation, ont mis leur professionnalisme, leur courage et parfois leur vie au service de notre pays.
Nous devons insister sur les réformes et les défis que le ministère de la défense et ses personnels ont dû relever depuis quinze ans avec, rien que pour ces dernières années, la réduction du format de nos armées, la mutualisation des moyens, la création des bases de défense, la réorganisation de notre implantation nationale. Aujourd’hui, compte tenu de la place de la France dans le monde et de notre approche globale des problèmes internationaux, nous ne pouvons, au-delà de la LPM, poursuivre la réduction des effectifs sans mettre à mal notre ambition et l’efficacité de nos engagements.
Il n’y a pas d’armée sans hommes, mais il n’y a pas non plus d’armée sans équipements. De ce point de vue, les événements de 2011 ont prouvé la justesse des choix réalisés depuis des années.
Cela est vrai dans le domaine de l’aviation, notamment avec le sans-faute du couple Rafale-A2SM, l’intervention efficace de l’ensemble de la gamme des Mirage 2000, mais aussi le travail moins connu des Mirage F1 RC, pourtant en fin de vie, et des C160 Gabriel.
Cela est vrai pour la marine, avec l’apport indiscutable du porte-avions Charles-de-Gaulle, des frégates de type Horizon, des bâtiments déployés en protection autour des navires français et alliés, y compris les SNA, mais aussi les BPC, qui ont permis de mener en Libye des actions héliportées depuis la mer, avec le redoutable hélicoptère Tigre – celui-ci y a démontré, comme en Afghanistan, sa puissance de feu –, ainsi que la participation déterminante des hélicoptères Gazelle Hot armées en Libye comme en Côte d’Ivoire.
En Côte d’Ivoire, justement, l’armée de terre et les forces spéciales ont montré avec des matériels parfois anciens – je pense au blindé Sagaie – le bien-fondé des choix français.
Enfin, le théâtre afghan, avec le volet aérien – Rafale, Mirage, hélicoptères Tigre, Gazelle, Caracal, Cougar – et le volet terrestre – protection de nos soldats, VBCI, VAB, canon Caesar – démontre quotidiennement, dans un environnement difficile et toujours plus dur, la pertinence des choix effectués il y a des années.
L’Afghanistan et la Libye ont aussi, malheureusement, démontré nos faiblesses, notamment, et de façon globale, en matière d’ISR – intelligence, surveillance et reconnaissance –, avec le drone MALE, ainsi que dans le domaine du ravitaillement en vol.
Monsieur le ministre, il vous appartient d’apporter le plus rapidement possible des réponses adéquates à ces points négatifs.
En ce qui concerne la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2012, je veux tout d’abord vous remercier. En effet, dans le contexte actuel d’une crise financière européenne et mondiale d’une ampleur historique, vous avez su défendre votre budget et obtenu que les coupes budgétaires effectuées sur la mission « Défense » ne l’affectent que marginalement, sur un total de 31,5 milliards d’euros. Ainsi, les crédits 2012 restent à un niveau quasi identique à ceux de 2011 ; c’est un point largement positif.
Toutefois, l’ampleur de la crise économique fait naître des incertitudes sur l’exécution budgétaire de 2012 et, plus encore, sur celles de 2013 et de 2014.
Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères ont détaillé l’ensemble des programmes relevant de la mission budgétaire correspondant à l’activité de votre ministère : je salue leur travail et la qualité de leur contrôle.
Dans ces conditions, je me bornerai à évoquer rapidement quelques sujets non seulement de satisfaction, mais aussi de mécontentement.
Les crédits pour 2012 permettent de répondre aux grandes actions qui structurent le programme 146, « Équipement des forces ».
Il en est de même en ce qui concerne l’activité et les moyens de la DGA et des trois armées, en matière de préparation et de conduite des opérations d’armement.
Comme Daniel Reiner, je me félicite que les dernières opérations de levée de risque soient conduites dans les prochaines semaines, en vue du lancement, en 2012 – du moins l’espère-t-on –, du programme du missile de moyenne portée, véritable successeur du Milan, qui fournira à l’armée de terre un missile performant et moderne, Fire and Forget et « homme dans la boucle », adaptable sur les porteurs terrestres. Pour la partie aérienne, je pense à nos hélicoptères, ainsi qu’au futur drone MALE.
Les crédits permettent la poursuite de la modernisation de nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération, avec l’implantation du missile M51, ce qui explique que je voterai contre l’amendement de Mme Demessine. Ils permettent également la livraison du troisième BPC, la continuité de la fourniture de matériels à l’armée de terre, avec notamment le système FELIN et la montée en puissance dans nos forces aériennes du Rafale – dont on ne soulignera jamais assez la dimension « omnirôle » exceptionnelle, et dont on continue de regretter unanimement que les exportations ne démarrent pas, alors qu’il est aujourd’hui le meilleur appareil sur le marché. Cela a été dit : cette absence de ventes à l’exportation nous oblige à acquérir chaque année cinq Rafale supplémentaires pour assurer le maintien de la chaîne de montage.
Je veux aussi saluer la qualité du « programme RAPID » de la DGA en direction des PME : ce programme soutient la R&D et commence à produire des résultats visibles, comme nous avons pu le constater au salon Milipol.
S’agissant du lancement du démonstrateur du radar à très longue portée – TLP –, élément de lutte antiaérienne mais aussi antibalistique, il impose, comme le rappelait mon collègue Xavier Pintat, de trouver un pays partenaire pour sa réalisation future et son implantation.
Monsieur le ministre, je veux vous donner acte de cet effort global sensible et soutenu en matière d’équipements et de programmes.
Toutefois, ce budget ne prend pas en compte un certain nombre de points qui, pour moi, sont essentiels.
Tout d’abord, mes collègues l’ont évoqué, le Mirage 2000D, excellent appareil, deuxième pilier de nos forces aériennes, le Rafale étant le premier, pourrait, sous réserve d’une rénovation de ses systèmes d’armes, être opérationnel jusqu’en 2024, ce qui éviterait d’avoir à réduire le format de notre aviation de combat de 77 appareils d’ici à la fin de la décennie.
De la même façon, je regrette, comme mes collègues, le report du programme MRTT. Lors de la crise libyenne, on a bien vu la nécessité de disposer d’une véritable flotte de ravitailleurs. En effet, sans le soutien, dans 80 % des cas, des ravitailleurs américains, la faiblesse des appareils européens n’aurait pas permis d’intervenir en Libye ou aurait rendu les choses beaucoup plus difficiles. De surcroît, la nécessité de ces ravitailleurs est indispensable pour la composante aérienne de notre dissuasion. Or, dans l’attente du programme MRTT, il est nécessaire d’intervenir et d’investir dans une rénovation partielle des C135 et KR ; à cet égard, une meilleure anticipation aurait certainement permis d’éviter ces travaux sur des appareils vieillissants.
Je regrette, moi aussi, qu’aucun crédit ne soit alloué à la défense antimissile balistique, alors qu’au sommet de Lisbonne, il y a un an, la France s’est engagée dans cette voie avec l’OTAN. Dans un récent rapport d’information, Xavier Pintat, Daniel Reiner et moi-même avons montré que, s’il n’y a pas de menace militaire directe, des investissements dans le domaine de la R&D sont néanmoins indispensables pour sauvegarder notre savoir-faire ainsi que notre base industrielle technologique de défense, et pour faire évoluer notre outil de dissuasion. Il me semble qu’au moins la mise en place d’un « centre français antimissile », dont nous préconisons la création, aurait pu être prévue ; cela n’aurait quasiment rien coûté. Un tel centre permettrait de faire dialoguer nos chercheurs et nos experts, notamment sous l’autorité, côté État, de la DGA et de l’ONERA.
Je salue un début de rénovation de nos radars de défense aérienne, mais ce budget est insuffisant pour passer de la défense antiaérienne à la défense antimissile. Or, au sommet de Chicago, en mai 2012, nos amis américains pousseront l’OTAN vers un C2 qu’ils auront conçu et qui ne nous permettra pas de garder la souveraineté sur l’espace exo-atmosphérique européen.
Monsieur le ministre, s’agissant de l’indigence du drone MALE, je peux vous assurer que nous partageons votre volonté de donner à la France des compétences dans ce domaine pour aboutir, en 2020, à un drone de troisième génération, si possible franco-britannique, et préparer l’UCAV – c'est-à-dire un avion de combat non piloté – du futur.
Nous pensons que le choix du Heron TP, à cent pour cent israélien, ne profitera que marginalement à Dassault- Thales et, surtout, qu’il prive nos armées d’un outil opérationnel, performant, éprouvé, armé et interopérable avec nos alliés, dont nos troupes ont un urgent besoin.
Je reviendrai sur ce dossier tout à l'heure lors de la discussion de l’amendement de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, ne voyez pas, dans ces quelques réflexions, une volonté de gêner votre action : il s’agit plutôt de faire avec vous les bons choix pour notre pays. Si le mot « délibérer » a bien un sens, c’est celui que nous lui donnons ce soir : peser le pour et le contre, au service d’une meilleure efficacité de la décision publique.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour, au nom de mon groupe, rendre un hommage tout particulier à l’ensemble de nos soldats ; nous avons une pensée spéciale pour ceux d’entre eux qui, cette année, ont fait le sacrifice de leur vie en Afghanistan.
Monsieur le ministre, le temps est venu de jouer cartes sur table. Les temps qui viennent seront difficiles pour le budget de la défense, comme pour l’ensemble des budgets.
Par conséquent, le Gouvernement serait bien inspiré de cesser de nous cacher la vérité – à nous, mais surtout aux militaires, qui ne sont plus dupes – en nous présentant des chiffrages fictifs, des programmations en trompe-l’œil, et en projetant d’année en année des ressources exceptionnelles dont tout le monde a compris qu’elles sont comme les mirages : elles s’éloignent au fur et à mesure que l’on croit s’en approcher.
C’est en réalité depuis 2002 que la défense fait l’objet d’une véritable fiction budgétaire. Et force est de constater que, depuis 2007, la situation ne s’est pas arrangée.
Hélas, mon propos n’est pas seulement partisan, tant l’inquiétude perce non seulement chez tous les parlementaires qui s’intéressent à ces questions, mais aussi chez les experts qui ne cessent de tirer le signal d’alarme : l’insincérité budgétaire nuit à la crédibilité militaire.
En 2012, notre pays devra faire des choix, trop longtemps repoussés, retardés ou ajournés, concernant nos équipements, nos matériels. Toutefois, si la dégringolade financière devait se poursuivre, la France serait contrainte une fois de plus de retoucher les formats, de revoir la carte militaire et, ainsi, de tailler dans nos capacités, ce qui est tout aussi grave.
Voilà l’héritage des gouvernements qui, depuis 2002, se succèdent, soutenus par une majorité docile.
Bien entendu, nous sommes tous conscients des difficultés financières, de « l’état de faillite » qu’aime à déplorer M. Fillon.
Mais je tiens à l’affirmer solennellement, pour le regretter : vos successeurs issus des élections de 2012, quels qu’ils soient, auront à prendre les décisions que vous aurez esquivées pendant dix années. Ce ne sera pas facile ; ce sera même probablement très douloureux.
Certes, les difficultés budgétaires ne concernent pas seulement la France. Si la Chine augmente encore et encore son effort de défense, elle constitue une exception, ou presque. Nous le savons, pour la première fois depuis trente ans, les États-Unis diminuent leur budget militaire, et ils ne le font pas en aveugles : ils opèrent des choix et rendent de vrais arbitrages. Ils ont ainsi décidé d’augmenter leurs dépenses d’investissement et de recherche, pour maintenir et même accroître leur avancée technologique sur les autres puissances.
Le Président de la République, pourtant si prompt d’ordinaire à emboîter le pas aux États-Unis, serait bien inspiré, cette fois, de suivre leur exemple.
Car, c’est le moins que l’on puisse dire, la situation en Europe n’est guère brillante. Tous les budgets sont à la baisse. Le Royaume-Uni et l’Allemagne, se refusant aux maquillages budgétaires dans lesquels nous sommes passés maîtres, ont annoncé publiquement une diminution – de 15 % pour le premier et de 14 % pour la seconde – de leur budget militaire, d’ici à 2014.
Pourtant, la réponse à nos problèmes devrait être européenne. Plus personne ne le conteste : une politique de défense et de sécurité exclusivement nationale n’a pas d’avenir.
Vue d’Amérique, l’Alliance atlantique n’a déjà plus l’importance qui fut la sienne au XXe siècle. Le redéploiement de la puissance militaire américaine épouse déjà les nouvelles lignes de ses intérêts stratégiques et commerciaux, ses intérêts de puissance, qui la mènent vers le Pacifique.
Or la politique en matière de défense européenne du Gouvernement français ne semble pas prendre en compte cette nouvelle donne : il semble qu’en dehors de l’OTAN et de la coopération franco-britannique, saupoudrée d’une bonne dose de suivisme à l’égard des États-Unis, il n’y ait point de salut !
Pour ma part, je considère que la France pourrait faire preuve de souci dans la recherche de compromis, d’un peu moins de naïveté et de plus d’imagination ; elle pourrait aussi marquer davantage de détermination dans la recherche de la construction européenne en matière de défense, dont on nous disait pourtant il y a peu qu’elle était l’un des deux points incontournables pour opérer le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.
D’abord, la France doit faire preuve de plus de souci dans la recherche du compromis. Pour ce faire, n’aurait-il pas été judicieux, en matière de défense, d’avancer vers la réalisation d’un Livre blanc européen associant tous les partenaires, à tout le moins ceux qui le souhaitent, pour une meilleure coordination de la planification de la défense, de ses besoins et de ses moyens ?
Ensuite, la France doit faire preuve de plus d’imagination. En effet, nous ne saurions rester cantonnés à un mouvement binaire et alternatif, consistant à marcher tantôt avec les Allemands, tantôt avec les Britanniques ! Nous ne devons pas nous enfermer dans des coopérations bilatérales qui sont loin de faire progresser l’ensemble et cristallisent les rancœurs parmi les pays qui se sentent écartés.
Enfin, la France doit faire preuve de plus de détermination, d’une part, pour mener une politique européenne cohérente, capable d’articuler sécurité, défense et développement, en tirant le meilleur parti du traité de Lisbonne afin de faire avancer la politique de sécurité et de défense commune et, d’autre part, pour résoudre la question récurrente de la création d’un centre de planification et de commandement militaire pour les opérations de l’Union européenne.
Monsieur le ministre, vous êtes pleinement responsable du « faire » ou du « ne pas faire » de la France en la matière ; c'est la raison pour laquelle je vous pose les questions suivantes.
Premièrement, nous avons été informés des difficultés que rencontrait le commandant de l’opération Atalante à avoir suffisamment de bâtiments sur place dans la lutte antipiraterie ; nous connaissons également le manque d’effectifs des unités de police au Kosovo. Ces difficultés s’ajoutent à celles d’EUPOL en Afghanistan, qui ne datent pas d’hier. Quelles sont exactement ces difficultés, et que fait-on pour les résorber ?
Deuxièmement, le Parlement européen a pris acte, dans un rapport, des diminutions sans précédent opérées dans les budgets de la défense des États membres de l’Union européenne. Pour en compenser les effets, il propose une démarche comprenant une meilleure coordination de la planification de la défense, une harmonisation poussée des exigences militaires, la mise en commun et le partage de certaines fonctions et moyens, une coopération améliorée dans la recherche et le développement technologique, la collaboration et la consolidation industrielles, l’optimisation du processus de passation des marchés et la suppression des entraves au marché.
Vaste programme ! me direz-vous… Il n’empêche que je souhaiterais entendre vos suggestions d’action sur chacun de ces points.
Troisièmement, enfin, permettez-moi de vous poser une question liée à l’actualité.
Monsieur le ministre, je n’ai attendu ni les prises d’otages – qui, hélas, se multiplient – ni les retombées de la guerre en Libye : cela fait dix ans qu’en commission j’interroge et j’alerte les Gouvernements successifs sur la dégradation de la situation au Sahel. Pourtant, je n’ai jamais eu que peu de réponses ; je n’ai parfois même pas eu de réponse du tout, alors que tout le monde s’accorde désormais à dire que la situation au nord du Mali, aux confins de l’Algérie et du Niger, devient particulièrement préoccupante.
Dans l’édition du 23 novembre dernier d’un journal du soir, M. Éric Peters, conseiller du président de la Commission européenne, l’a affirmé avec force, tout en regrettant que les plans envisagés restent dans les cartons.
Monsieur le ministre, cela signifie-t-il que, tout en étant consciente des risques et périls pour la sécurité commune, l’Europe resterait l’arme au pied ? Ce ne serait ni sérieux ni responsable, car ces événements se passent aux portes de l’Europe !
Attendons-nous que la situation devienne totalement ingérable, socialement et politiquement, au point que seule une intervention militaire puisse être alors envisagée ? Que faisons-nous ? La France a-t-elle proposé à l’Union européenne de réagir enfin et de sortir ces plans des fameux cartons bruxellois ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Défense » pour 2012 s’inscrit cette année dans un contexte des plus particuliers, et pas seulement parce que la majorité sénatoriale a changé…
Depuis 2008, notre pays est touché par l’une des crises économiques et financières les plus graves que nous ayons connues. En 2011, s’ajoute la crise de la dette, dont personne ne sait quand elle finira.
Que cela nous plaise ou non, nous touchons à la fin de l’ère où les États dépensaient sans compter, sans justifier leurs choix, quitte à hypothéquer l’avenir des générations futures.
Parallèlement, les bouleversements géopolitiques s’accélèrent et les menaces, qu’elles soient étatiques ou non, se multiplient. Aujourd’hui, les guerres sont asymétriques. Alors, mes chers collègues, permettez-moi de rester perplexe quand j’entends dire, comme on l’a fait cet été à La Rochelle, par exemple, que « le terrorisme n’est pas une menace militaire et qu’il ne peut être assimilé aux menaces d’invasion ou d’agression du passé ».
Reconnaître que, de la situation à Islamabad, à Kaboul, à Pyongyang ou à Téhéran dépend la sécurité des Français tant sur le sol national qu’à l’étranger, c’est voir le monde tel qu’il est. Ce sont précisément les orientations que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a mises en avant. Les enlèvements, les assassinats de nos concitoyens hors de nos frontières, et tout récemment encore, en sont, hélas ! de tragiques illustrations.
Même si le Livre blanc de 2008 a accordé une place trop importante, paraît-il, au terrorisme, il aura eu le mérite d’être élaboré en association avec les parlementaires des commissions des deux assemblées ; raison pour laquelle, sans doute, Mme Valter, secrétaire nationale à la défense rue de Solferino, l’a jugé « conservateur »...
Assurer la sécurité des Français et celle de nos intérêts vitaux, tel est le rôle de la défense. Mais la défense est aussi le bras armé de notre diplomatie : dans ce domaine, l’année 2011 marquera un tournant pour nos armées. Jamais la France n’a été présente sur autant de théâtres d’opérations. Que ce soit au Liban, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye, mais aussi aux confins de nos territoires d’outre-mer, les soldats français font l’honneur de notre pays. Leur courage, leur professionnalisme et leur dévouement sont à la hauteur des valeurs, des idéaux défendus par la France sur la scène internationale et du combat qu’elle mène pour la paix.
Alors, au moment où certains considèrent que les défilés militaires sont des réminiscences d’« une autre période » ou d’« une France guerrière », en tant qu’élu de la représentation nationale, je tiens à rendre un hommage solennel à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui font la défense française. Nous sommes fiers d’eux, et pas seulement le 14 juillet ! Cela dit, n’en déplaise à certains, le défilé du 14 juillet demeure un rendez-vous incontournable des Français avec leur histoire et avec leurs soldats, pour qui, depuis Valmy, la patrie a encore un sens.
L’année 2011 et les crises qui l’auront ponctuée nous imposent d’être responsables et raisonnables, au sens propre du terme : c’est notre devoir d’élus.
Assumer ses responsabilités dans le domaine de la défense, c’est répondre à un triple défi : être visionnaire et établir des priorités stratégiques entre les missions, sans pour autant sacrifier tel ou tel programme ; éviter, malgré les difficultés budgétaires, que l’outil de défense ne soit, comme ce fut malheureusement le cas par le passé, une variable d’ajustement des finances publiques ; enfin, assurer à nos soldats les moyens de leurs missions, depuis la préparation sur le terrain et jusqu’à la reconnaissance de la Nation.
Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres : les différents rapporteurs se sont exprimés largement sur chacun des programmes de la mission « Défense », et avec beaucoup de pertinence, au point que leur expertise fait, paraît-il, pâlir les bureaux et les techniciens aguerris du ministère.
Mais la discussion budgétaire sur les crédits de la défense doit, selon moi, prendre aussi en compte la réalité et les évolutions des dispositifs de défense à l’étranger, sur tous les territoires.
Avant tout, n’oublions pas que le ministère de la défense a déjà entrepris, et à plusieurs reprises, une politique de réforme. Ces restructurations ont créé un cercle économiquement vertueux puisque les économies réalisées ont été directement réinvesties au bénéfice des armées.
M. René Beaumont. Peu nombreux sont les ministères qui peuvent aujourd’hui se targuer d’une telle capacité ! Sur ce point, je me félicite de soutenir un gouvernement pour qui « gestion » ne rime pas systématiquement avec « création de postes ». Si certains crient encore haro sur la RGPP, en ce qui concerne le ministère de la défense, celle-ci aura néanmoins permis de mieux protéger et de mieux équiper nos soldats sur le terrain. (M. le ministre de la défense acquiesce.)
Dans un deuxième temps, je souhaite attirer votre attention sur un point essentiel. En période de crise, il est « moralement correct » de dire que les dépenses de défense sont immorales. Qui d’entre nous n’a pas été interpellé par les associations antimilitaristes, rouges ou vertes, qui nous accusent d’être inféodés aux marchands de canons ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Or la défense, c’est une économie, un savoir-faire, une garantie de souveraineté et d’indépendance. Le secteur de la défense et les industries qui le composent sont des leviers fondamentaux pour la société civile et pour notre économie. La défense, en France, ce sont aussi des filières d’étude et d’apprentissage d’excellence. Ce sont des ingénieurs, mais aussi des artisans chevronnés, dont le savoir-faire est précieux.
Justement, au moment où les taux de chômage en Europe progressent de façon vertigineuse, il faut rappeler que la défense représente en France 165 000 emplois directs et autant d’emplois indirects, que près de 4 000 PME vivent de la sous-traitance des grands groupes, que les investissements en recherche et développement de ces groupes industriels constituent le meilleur rempart contre un décrochage technologique et capacitaire. Plus que jamais, il nous faut préserver les domaines de haute technologie, tels que l’aéronautique et le spatial !
À l’heure où les dépenses militaires chinoises devraient atteindre 91,5 milliards de dollars, soit un budget en hausse de 13 % par rapport à 2010, il est primordial que la France et ses partenaires européens ne sacrifient pas ce qu’il reste de la défense européenne.
Je sais que, sur ces travées, nombre d’entre vous évoquent l’Arlésienne lorsqu’il est question de défense européenne ou de base industrielle technologique de défense européenne. Il est vrai que, en 2010, nos voisins européens ont procédé à de sévères coupes dans leur budget militaire. Toutefois, aux eurosceptiques qui pensent que la crise leur donnera raison on peut répondre que cette même crise oblige les États à mutualiser les efforts afin de mieux répartir les coûts.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mais ce n’est pas le cas !
M. René Beaumont. J’en veux pour preuve le traité de Lancaster House, signé entre la France et le Royaume-Uni. Cet accord a, en outre, permis de créer une dynamique de coopération entre les parlements des deux pays, et je souhaite, à cet égard, rendre un hommage particulier à l’action déterminante de l’ancien et éminent président de notre commission des affaires étrangères Josselin de Rohan.
En fait, deux traités ont été signés : le premier fixe le cadre et les orientations de la coopération. Il porte création d’une force expéditionnaire interarmées commune de plusieurs milliers d’hommes, mobilisable pour des opérations extérieures bilatérales ou placées sous les drapeaux de l’OTAN, de l’ONU ou de l’Union européenne.
Le deuxième traité permettra aux deux pays de simuler, à partir de 2014, le fonctionnement de leur arsenal atomique dans un même laboratoire implanté en Bourgogne, sur le site de Valduc. Parallèlement, un centre de recherche, ouvert aux spécialistes des deux pays, sera implanté dans le sud-est de l’Angleterre.
Pour la France et le Royaume-Uni, qui sont deux puissances nucléaires européennes, cette coopération instaure une interdépendance qui respecte la souveraineté de chaque partie. Cette mutualisation des technologies n’altère pas nos capacités de dissuasion nucléaire respectives et renforce nos capacités communes.
Par ailleurs, nos deux pays ont adopté une position commune sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN. Nos forces nucléaires participent pleinement à une dissuasion globale qui fonde le socle de défense collective. Je vous rappelle, mes chers collègues, que ces accords ne sont rendus possibles que par la réintégration de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René Beaumont. Monsieur le ministre, vous rentrez d’Allemagne, où vous avez été auditionné par le Bundestag. Pouvez-vous nous éclairer sur les futures possibilités de collaboration et de mutualisation de moyens ou de programmes avec l’Allemagne ? Depuis votre passage à Berlin, disposez-vous de nouveaux éléments qui pourraient permettre d’élargir le sommet franco-britannique du 2 décembre prochain ?
M. Daniel Reiner. Oh oui !
M. René Beaumont. Le très francophile secrétaire d’État à la défense allemand, M. Beemelmans, a formulé le vœu de faire « table rase du passé ». Quelles seront les grandes lignes du conseil franco-allemand de défense, prévu au début de l’année prochaine ?
Monsieur le ministre, il importe aux parlementaires que nous sommes de voter des politiques fondées sur des solutions équilibrées, surtout financièrement, qui puissent répondre aux défis nationaux et européens.
L’établissement d’une véritable base industrielle de défense européenne est indispensable. Les choix d’aujourd’hui engagent nos armées pour quinze ans, ainsi que notre outil de défense tout entier.
Si la France peut s’enorgueillir d’être l’une des premières puissances du monde, elle demeure l’un des rares pays, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, à être présent militairement de manière permanente sur les cinq continents. Cela n’est possible que si notre pays reste un leader politique et technologique, notamment à l’heure où les transferts de technologies constituent le véritable enjeu de notre outil de défense.
Mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission « Défense » tels qu’ils sont présentés par M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme aurait pu dire Magritte : ceci n’est pas une intervention budgétaire ! (Sourires.) Je voudrais en effet me borner, à l’occasion de ce débat budgétaire, à formuler quelques observations et recommandations sur les militaires de notre pays.
À raison des fonctions que j’ai occupées, je ne pense pas jouer un rôle utile dans le débat sénatorial, déjà très riche, en portant une appréciation publique sur la gestion du département par le ministre qui en a aujourd’hui la charge. De très bons rapports et d’excellentes interventions dans la discussion générale y ont largement pourvu.
En revanche, mes chers collègues, je voudrais vous livrer quelques réflexions, en dehors des clivages politiques, sur la condition sociale et professionnelle des personnels militaires. En effet, comme vous le savez, et c’est un des acquis de notre République, ces derniers ne détiennent pas de droit d’expression publique sur leur propre situation : il revient donc à d’autres instances, et tout particulièrement au Parlement, qui n’a pas tellement d’autres occasions de le faire, de relayer les préoccupations que cette situation peut susciter, de se pencher sur ses points de fragilité. Nous devons le faire dans un esprit d’équité et de justice sociale, mais aussi dans l’intérêt de la défense tant il est vrai que l’attractivité de la condition militaire est la clé d’une ressource humaine suffisante à l’avenir ; et cela reste vrai, en particulier, pendant la crise économique que nous vivons.
Je voudrais, de ce point de vue, évoquer trois sujets : la mobilité, le logement et la santé.
La mobilité s’est accélérée et intensifiée. Certes, elle fait partie des obligations des militaires, mais elle se fait plus contraignante et plus rapide en raison des restructurations ; c’est une situation que nous avons déjà connue. Ainsi, alors que la mobilité fait partie de la condition habituelle et assumée des officiers, en période de restructurations, elle s’étend très largement aux sous-officiers et aux militaires du rang.
Du fait de la prolongation et de l’intensité des réductions d’emplois que nous observons, on constate aussi des situations de double mobilité : certains personnels sont ainsi touchés deux fois de suite, en peu d’années, par des restructurations.
Je veux souligner, en quelques mots, les effets de cette obligation de mobilité intensifiée sur la situation des familles et sur l’emploi des conjoints.
Je crois que, comme l’a judicieusement observé le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le Gouvernement et le commandement doivent veiller à ce que les délais de préavis des mobilités soient les plus longs et les plus fermes possible. Je souhaiterais donc que le Gouvernement indique s’il peut nous donner des assurances à ce sujet.
S’agissant du logement, les difficultés, réelles, sont issues de la spécificité du métier militaire.
Je voudrais insister sur les difficultés qui pèsent plus spécialement sur les jeunes sous-officiers et sur les militaires du rang, en raison à la fois de leurs ressources limitées, mais aussi en fonction du lieu de leur affectation : chacun sait quels problèmes cela pose dans les grandes zones urbaines comme l’Île-de-France. Des efforts sont réalisés pour les aider à se loger de manière adéquate, mais les situations difficiles sont loin d’être toutes éliminées.
Les questions de santé et le traitement des lésions physiques sont d’abord l’occasion de rappeler le nombre de décès et de blessés graves parmi les militaires, qui s’élève, chaque année, à plusieurs dizaines, pour l’essentiel lors d’opérations ou du fait d’accidents de service.
Des progrès restent à faire, me semble-t-il, sur le suivi des blessés en opération qui ne sont plus aptes à reprendre un service militaire. En effet, les droits des militaires en matière d’accompagnement à la reconversion civile ne sont pas reconnus aux blessés devenus inaptes. J’attire l’attention du Gouvernement sur ce point, qui me paraît devoir être revu.
L’action d’accompagnement menée par les associations est tout à fait estimable, témoignant d’une forte solidarité au sein du milieu militaire, mais elle ne doit pas conduire l’État à être négligent à l’égard de ces situations douloureuses.
Je reprendrai à mon compte les propos de François Trucy et de plusieurs collègues concernant le service de santé des armées : il faut soutenir son rôle essentiel et sa spécificité au sein des forces armées.
Les discussions engagées à la suite du rapport de la Cour des comptes sur le coût du service de santé des armées sont certes légitimes, mais celui-ci ne saurait être évalué financièrement comme un système de santé civil. L’échelle de mesure n’est pas la même. Ce service a d’abord une fonction essentielle de soutien en opération, tout en étant un moyen privilégié de sauvegarde des populations civiles. Il est donc un support majeur de nos responsabilités internationales et stratégiques.
Je conclurai, monsieur le président, en soulignant l’importance du dialogue social spécifique qui doit être maintenu au sein de la communauté militaire. Les syndicats du personnel civil peuvent d’ailleurs y jouer un rôle, en complétant l’appréhension des problèmes sociaux par l’autorité. Les instances de concertation à la fois dans les unités et à l’échelle nationale sont essentielles. Monsieur le ministre, je souhaiterais que les points principaux relevés dans leurs débats par les conseils de la fonction militaire soient transmis au Parlement, afin de nourrir le dialogue républicain.
Je rappelle de nouveau le rôle précieux que joue le nouveau Haut Comité d’évaluation de la condition militaire : le Gouvernement serait bien inspiré de répondre en temps utile à ses préconisations.
Les ressources humaines sont le fondement même du potentiel de défense de notre pays. La défense a gardé une bonne image d’employeur, qu’il convient de sauvegarder, de manière que nos armées restent attractives pour les jeunes.
Au terme de ces quelques observations, je crois exprimer le sentiment de tous en disant notre respect et le soutien de la représentation nationale à la collectivité militaire de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais vous livrer plusieurs observations.
Premièrement, dans le contexte actuel marqué par une crise financière sans précédent et une contrainte budgétaire importante, l’effort de défense de notre pays reste significatif. On ne peut que s’en réjouir et je vous remercie, monsieur le ministre, d’y avoir veillé.
Par le passé, le budget d’équipement a trop souvent joué le rôle de variable d’ajustement. Or, on le sait, ce n’est pas de bonne pratique budgétaire.
Une réduction de la quantité d’unités commandées d’un programme se traduit mécaniquement par l’augmentation du coût unitaire des équipements, parfois dans des proportions excessives. Un avion de combat n’est pas un avion de ligne. Il y a des coûts non récurrents de recherche et développement qui ne peuvent être amortis que sur de longues séries, et réduire les quantités ne réduit pas les coûts. Cette pratique a été abandonnée ; c’est une bonne chose et j’espère qu’elle ne sera pas remise au goût du jour.
Deuxièmement, ne nous berçons pas d’illusions : le gouvernement au pouvoir l’année prochaine ne disposera plus de recettes exceptionnelles. Il devra donc faire le choix, soit d’augmenter les crédits budgétaires pour maintenir l’effort de défense français à son niveau actuel, soit de diminuer les dépenses, et donc très probablement les crédits d’équipement.
Nous sommes nombreux à avoir du mal à croire que, si la situation économique et budgétaire internationale ne s’améliore pas sensiblement, il nous soit possible de maintenir l’effort de défense au niveau auquel il se situe. Il faudra donc envisager des réductions. Autant nous y préparer tout de suite, quelle que soit notre appartenance politique, afin d’être prêts le moment venu et de ne pas opérer des choix au dernier moment, dans la précipitation.
Cela m’amène à ma troisième remarque. Quand on doit opérer des réductions de crédits en matière d’équipements de défense, il importe, d’une part, de faire des choix guidés par des principes et, d’autre part, de veiller à la cohérence d’ensemble du format des armées.
Pour ce qui est des principes de choix, le Livre blanc fournit une aide précieuse à la décision puisqu’il distingue trois cercles de souveraineté industrielle : les équipements dont il faut absolument conserver la maîtrise, c’est-à-dire être capables de les fabriquer entièrement, ceux que l’on peut réaliser en coopération et, enfin, ceux que l’on peut acheter sur étagères. La question est donc de savoir ce que l’on met dans chacun de ces cercles.
Or, de ce point de vue, monsieur le ministre, je suis étonné de constater que ce projet de loi de finances ne contient que très peu de chose concernant la défense antimissile balistique, sinon quelques crédits dans le programme 144 pour la réalisation d’un démonstrateur de radar à très longue portée, le TLP, pour 30 millions d’euros.
En revanche, 320 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont consacrés à la constitution d’une filière franco-israélienne de drones MALE, et nous savons tous que le chiffre final sera certainement plus proche du double, ce qui mettrait le drone MALE au prix du Rafale ! Et tout cela parce que nous ambitionnons de le construire seuls, au lieu d’acheter sur étagères des drones MALE identiques à ceux de nos amis européens, avec qui nous pourrions faire de la mutualisation, autrement dit du pooling and sharing, qui donnerait de la consistance à l’Europe de la défense.
Je me pose donc la question : est-il plus important de veiller à ce que la crédibilité de notre dissuasion nucléaire reste intacte, à ce que les industriels français et européens – je pense à Astrium, à MBDA, à Thales – puissent disposer des crédits d’études pour acquérir des technologies de rupture, ou bien de savoir fabriquer des drones de deuxième génération ? Cela se discute, j’en conviens.
Car il faut bien reconnaître que la menace balistique iranienne sur l’Europe en général et sur la France, puissance nucléaire, en particulier, n’est que peu probable. Je ne dis pas que cette menace n’existe pas, mais elle nous concerne peu. Nous connaissons les ennemis stratégiques de l’Iran : ils se situent au Moyen-Orient.
En fait, la défense antimissile balistique, pour nous, est tout sauf un objet militaire : c’est une locomotive industrielle et technologique qui permet d’accéder à la maîtrise de son propre espace atmosphérique ; c’est un levier commercial qui permet de vendre d’autres équipements ; c’est un outil diplomatique qui permet de structurer les alliances ; in fine, c’est un instrument stratégique qui risque d’émousser la crédibilité des forces de dissuasion nucléaire de l’ensemble des États dotés, y compris le nôtre.
De ce point de vue, il serait important que le Gouvernement fasse connaître ses orientations sur la façon dont il entend se préparer au sommet de Chicago. Nous regrettons d’ailleurs que le rapport que nous avions rendu à la demande du président Josselin de Rohan n’ait pas été pris en compte et que, comme le rappelait Jacques Gautier, même la constitution, pourtant peu onéreuse, d’un centre national de la défense antimissile, véritable forum d’aide à la décision, n’ait pas été concrétisée.
Cette absence d’engagement sur un sujet mettant en cause la souveraineté nationale et sur lequel nous sommes seuls en Europe à avoir les moyens de notre indépendance peut surprendre.
En regard de cela, vous le savez bien, monsieur le ministre, votre argumentaire en faveur de l’achat des drones israéliens Heron TP n’a pas convaincu notre commission.
Je ne dis pas que les drones ne sont pas importants ; je dis qu’il faut faire des choix. Nous sommes nombreux à préférer acheter des drones de deuxième génération sur étagères et mettre l’argent public dont nous disposons sur des satellites d’écoute, comme CERES, ou d’alerte avancée, comme le successeur de Spirale. D’autant que nous sommes convenus, par ailleurs, de construire des drones de troisième génération, les drones du futur, en coopération avec nos amis britanniques.
Pour ce qui est maintenant de la cohérence, quel que soit le format d’une armée, il faut s’assurer qu’elle dispose de l’ensemble des armements nécessaires, avec des personnels ayant reçu la formation adéquate et les heures d’entraînement requises.
Or nous avons parfois le sentiment que nous nous lançons dans de grands programmes d’équipement pour des raisons sans doute fondées du point de vue industriel, mais dont la cohérence d’ensemble nous échappe. Tout le monde sait, et ce gouvernement n’en est pas responsable, que le fait de lancer un seul porte-avions n’avait pas grand sens et qu’il valait mieux en prévoir deux ou aucun. De la même façon, était-il nécessaire, en termes militaires, de lancer un troisième BPC, alors que nous avons des difficultés à en équiper un ?
Enfin, dans le domaine aéronautique, nous avons le Rafale, qui est un avion d’excellente qualité, mais il faut maintenant avoir les pods de désignation d’objectifs adéquats, des avions ravitailleurs, des moyens de renseignement suffisants et peut-être des drones MALE capables de traverser la Méditerranée.
C’est cela, la cohérence, et j’ai le sentiment que nos choix en matière d’équipement sont trop souvent guidés par des considérations industrielles – ce qui est au demeurant tout à fait louable – et pas assez souvent par des considérations militaires.
Revenons-en au domaine de la défense antimissile, que je connais bien. Vous avez choisi de reporter à 2020 la réalisation d’un satellite d’alerte avancée et de lancer les études amont permettant de construire un démonstrateur de radar de surveillance à très longue portée. Le radar lui-même pourrait être commandé en 2015 pour une mise en service en 2018. Or l’utilité optimale de ce radar nécessite qu’il soit placé à proximité de la menace. En l’occurrence, cela aurait du sens de le placer dans un pays du Golfe ou en Turquie.
À défaut d’utilisation dans une configuration antibalistique, quelle sera l’utilité de ce radar ? N’aurait-il pas mieux valu, pour la même somme, effectuer des coopérations avec nos alliés néerlandais sur le radar SMART-L qui équipe les frégates Horizon ? Nous aurions ainsi pu disposer de la même capacité, interopérable, non seulement avec les Néerlandais, mais éventuellement avec les Italiens, qui ont aussi des frégates Horizon, et avec les Anglais, qui ont le même type de frégates et le même système de défense antiaérien, le PAAMS.
Telles sont, en résumé, monsieur le ministre, mes observations et mes interrogations sur ce projet de budget. Les quelques critiques et interrogations que je viens de vous livrer ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt et masquer l’appréciation globalement positive que le groupe UMP, auquel j’appartiens, porte sur l’ensemble du budget.
Depuis cinq ans, les forces françaises ont subi une transformation sans précédent. Elles ont, dans le même temps, bénéficié d’équipements de grande qualité, à un niveau que je qualifierai dans l’ensemble d’adéquat.
Elles ont, par ailleurs, fait preuve d’un grand professionnalisme, quel que soit le théâtre sur lequel elles ont été déployées, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye ou ailleurs. C’est pourquoi les rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ont souhaité leur rendre un hommage appuyé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
M. Jeanny Lorgeoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai été associé cette année à l’étude des crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et plus particulièrement à l’action relative aux études amont. Vous trouverez nos observations dans le rapport écrit. Me consacrant également au renseignement, j’accorde une attention particulière, dans le programme 146, aux satellites et aux drones. Je souhaiterais donc soumettre trois observations à votre sagacité.
Je veux tout d’abord dire que personne, au Sénat, ne sous-estime l’importance de l’industrie de défense française : tout le monde est conscient, en particulier, de son poids dans l’économie nationale.
Ce qui fait la force de l’industrie de défense et la rend éminemment stratégique, c’est la valeur de sa recherche, qui est une recherche par rupture et non par incréments. C’est grâce à la recherche militaire, en particulier américaine, qu’ont été trouvées par effet de sérendipité certaines des innovations les plus structurantes des cinquante dernières années, telles que l’internet, le téléphone portable, les micro-ondes – mais vous savez tout cela aussi bien que moi !
Or nous avons la chance d’avoir en France une industrie de défense polyvalente et de compter plusieurs champions nationaux de grande valeur : EADS, Dassault, MBDA, DNCS, Thales, Safran-Sagem, Nexter, capables de fabriquer toutes sortes d’armements, de l’avion de combat au véhicule blindé. Nos amis allemands excellent dans la fabrication de voitures ; nous, dans la fabrication d’armements.
J’en viens à ma deuxième observation. Pour encourager l’industrie de défense, il est primordial d’avoir un flux d’études amont significatif et important.
Les études amont font travailler les bureaux d’études des différents industriels de la défense. Nous consacrons en France des crédits budgétaires d’un niveau significatif à ce secteur : de l’ordre de 750 millions d’euros par an. On pourrait penser que ce n’est pas assez et qu’il faudrait atteindre le montant symbolique d’un milliard d’euros, mais ne nous faisons pas d’illusions : nous n’avons pas les moyens d’aller au-delà. Du reste, le volume des crédits n’est pas tout. Il faut aussi se concentrer sur la cohérence des plans d’investissement.
Un exemple ? Nous nous interrogeons sur l’opportunité de la construction d’un démonstrateur de radar à très longue portée, dont le rapport d’information de nos excellents collègues Jacques Gautier, Daniel Reiner et Xavier Pintat du mois de juillet dernier montre qu’il n’a d’utilité militaire que s’il est placé près de la menace, en l’occurrence le golfe Persique.
Si ce démonstrateur s’avère concluant et que nous passons à l’étape suivante, monsieur le ministre, où comptez-vous faire installer un tel radar ? N’y avait-il pas des études plus rentables à mener, sur les radars transhorizon par exemple ? Pourquoi avoir reporté la construction du satellite d’alerte avancée et privilégié la construction du radar ? S’agit-il juste de faire travailler les bureaux d’études les uns après les autres, Thales après Astrium ?
Cela m’amène à ma troisième observation : encourager l’industrie de défense française, c’est bien ; favoriser les bureaux d’études c’est bien aussi, mais à condition que cela ne se fasse pas au prix de la « desquamation », fût-elle progressive, de l’équipement de nos forces.
Mon excellent collègue Daniel Reiner a montré tout à l’heure qu’il semblerait que vous agissiez davantage en ministre de l’industrie, préoccupé de remplir le plan de charges de ses industriels – ce qui, en soi, est très louable –, qu’en ministre de la défense, garant de l’équipement de ses forces.
Trois exemples illustrent la primauté accordée aux considérations industrielles par rapport à l’intérêt de nos forces armées.
Le premier est bien évidemment le retard pris concernant la rénovation des Mirage 2000D. Cette rénovation, déjà reportée l’an dernier, l’est de nouveau cette année. Nous avons compris que vous n’aviez plus l’intention de faire procéder à cette rénovation et que nous nous orientions désormais vers une aviation de combat française dont le format va encore décroître et qui sera exclusivement équipée d’avions Rafale. C’est bien pour l’industrie, mais est-ce bon pour la défense ? En matière d’armée, la qualité est certes cruciale, mais il faut aussi prendre en compte la quantité.
Le second exemple est celui du pod de désignation d’objectifs Damoclès. Ce pod, conçu naguère en coopération avec nos amis émiratis, permet la désignation de cibles terrestres d’un volume important et relativement peu mobiles : typiquement, des chars d’assaut ! Or l’expérience libyenne, mais aussi afghane, a montré qu’il faut disposer d’un pod de désignation plus performant, capable de désigner des cibles plus petites et plus mobiles. Un tel pod n’a pas été développé, car l’industriel refuse d’autofinancer le développement d’un pod de nouvelle génération. Mais nous n’avons pas l’intention d’en acheter sur étagères ! Nous continuons donc d’équiper nos avions d’armes avec un élément important du dispositif qui se trouve être inadapté.
Troisième et dernier exemple : les drones MALE. Vous demandez au Parlement, monsieur le ministre, les crédits nécessaires à l’achat de la solution la plus chère – elle coûte 30 % de plus, mais vous sembliez tout à l’heure contester ce chiffre – et la moins performante – 20 % de moins. Cet achat vise à permettre à Dassault, notre fleuron national, d’acquérir, aux frais du contribuable – cela me fait un peu penser au « veau sous la vache », et je vous demande de pardonner au sénateur rural que je suis la rudesse ou la crudité de cette métaphore agricole ! (Sourires.) – une compétence industrielle spécifique qu’il n’a pas et dont, a priori, il ne devrait pas avoir besoin.
Nous nous sommes en effet engagés par traité à construire avec nos amis britanniques un drone de troisième génération. Ne parions pas sur l’échec de ce traité ! Comprenez, monsieur le ministre, que la perplexité soit grande dans les esprits.
Nos amis d’outre-Manche ont inventé en matière d’armement la théorie du best value for money. Vous ne méritez pas, monsieur le ministre, d’endosser la responsabilité ou la paternité, demain, du concept inverse, celui de worst value for money.
Ce sera la troisième fois que nous achetons des drones au même industriel : en 1997, nous avions acheté le drone Hunter ; en 2002, nous avons acheté le drone Heron ; en 2012 nous achèterons le drone Heron TP. Et je ne parle même pas du lancement du programme nEUROn en 2007 ! Certains esprits malins pourraient y voir plus que des coïncidences et parler, dans l’emballement, de « drone présidentiel », ce dernier adjectif renvoyant à l’élection, pas à la personne du Président.
Monsieur le ministre, balayez le doute, levez le soupçon, clarifiez le choix public ! Acceptez l’amendement « transpartisan » de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la voie de sortie honorable que vous propose le Sénat. Notre industrie s’y retrouvera. Souffrez donc que nous modifiions 80 millions d’euros sur les 31,5 milliards des crédits de la mission. Sinon, autant faire l’économie de l’autorisation budgétaire !
Cela étant dit, monsieur le ministre, mutatis mutandis, s’agissant de l’essentiel national, et nos soldats étant engagés sur des théâtres de guerre extérieurs, je m’abstiendrai sur ces crédits, mais, croyez-le bien, il s’agira d’une abstention positive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure avancée, j’évoquerai assez brièvement la défense européenne.
Après les événements de Libye, qui ont vu l’engagement de la France et de la Grande-Bretagne, nous constatons avec amertume la faiblesse politique de l’Europe et le manque de capacités militaires communes : dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas une surprise !
En résumé, nous pourrions dire que l’Alliance atlantique restera longtemps encore la seule défense européenne.
Les opérations en Libye, qui semblent avoir coûté, selon les estimations de la France et de la Grande-Bretagne, entre 300 millions d’euros et 350 millions d’euros, ont montré l’efficacité, très largement reconnue, du dispositif militaire français ; il faut évidemment s’en féliciter.
Ces opérations ont également apporté la preuve de la performance des matériels utilisés et de la qualité de nos soldats, que nous saluons. Elles ont été l’occasion d’effectuer les premiers tirs opérationnels de missiles de croisière SCALP-EG et AASM-IR. Enfin, elles ont montré la polyvalence du Rafale et l’efficacité du Tigre.
Néanmoins, nous déplorons, cela a été dit, d’évidents points faibles : les drones de surveillance, les capacités, notamment satellitaires, en matière de renseignement, le ravitaillement en vol, assuré à 90 % par les États-Unis.
Tout cela traduit la faiblesse de la défense européenne face à des conflits qui se déroulent à nos portes. Or, Jean-Pierre Chevènement l’a indiqué tout à l’heure, les Américains se désengageront de plus en plus de l’Europe.
À cet égard, j’évoquerai maintenant les menaces qui sont trop souvent passées sous silence et qui tiennent aux fameux conflits gelés, c'est-à-dire non réglés. Il s’agit de reliquats de la période post-soviétique, figés sur un statu quo : ni guerre ni paix.
Je citerai le conflit de 1994 concernant la Transnistrie, à l’est de la Moldavie. Je citerai encore l’Abkhazie et le conflit de 1994, qui s’est lui déroulé en Géorgie. On connaît mieux le cas de l’Ossétie du Sud, où un conflit a eu lieu entre 2008 et 2009. Je citerai enfin le Haut-Karabagh, dans le Caucase du sud.
Je rappelle que tous ces États sont membres du Conseil de l’Europe et que tous sont situés aujourd'hui dans la zone dite du « voisinage proche » déterminée par l’Union européenne en 2003.
Je rappelle également que certaines opérations, comme l’opération EUBAM, sur le barreau Tiraspol-Odessa, entre la Transnitrie et l’Ukraine, font l’objet d’un accompagnement de l’Union européenne, dans cette zone où se déploient de grands trafics de toutes natures et qui, il faut aussi le souligner, reste sous l’influence de la Russie, dont elle constitue une chasse gardée.
L’Europe doit s’intéresser à ces conflits.
À cet égard, je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions.
Quel pourrait être le format de la pacification ? Le Kosovo ne peut pas et ne doit pas être une référence !
Quels principes devons-nous faire prévaloir ? L’intégrité et la souveraineté des États, à coup sûr. Or je rappelle que ces principes-là n’ont pas été respectés en Géorgie, lorsque le président Sarkozy a fait cesser, et c’est heureux, le conflit, car il a aussi accepté l’occupation et la sécession. Le problème reste donc entier pour le futur.
Enfin, comment avoir des relations de bon voisinage avec la Russie, qui est toujours, directement ou indirectement, impliquée dans ces conflits ? Ce grand partenaire cherche sa place. Je pense qu’il doit la trouver et que nous devons l’y aider. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.
M. Rachel Mazuir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les observations formulées par plusieurs de mes collègues. Je déplore tout de même que nous débattions de crédits qui pourraient être prochainement revus à la baisse, Didier Boulaud l’a dit, à l’occasion d’un énième plan de rigueur imposé par les marchés, les agences de notation ou Mme Merkel, voire par les trois !
Comme mes collègues l’ont rappelé, le cap fixé par la loi de programmation militaire n’est pas atteint, il s’en faut. À cet égard, je vous rappelle que, lors des débats du 16 juillet 2009, le groupe socialiste avait souligné l’absence de sincérité de ce texte, compte tenu de la surévaluation des recettes et de l’importance des frais entraînés par la politique du Gouvernement. Je pense, par exemple, aux conséquences du plan social résultant de la révision générale des politiques publiques.
De fait, les coûts engendrés sont aussi incertains que les gains attendus. Il n’est donc pas concevable de continuer de bâtir des prévisions budgétaires hypothétiques : il devient primordial d’ajuster les besoins aux moyens réellement accordés.
Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, de vous interroger sur deux points : le premier a trait aux ventes de matériels d’occasion et le second, aux disparitions répétées d’armes de grande puissance dans certains pays particulièrement instables.
Sur le premier point, j’observe que le sort des équipements militaires anciens reste mal identifié et soulève cette double interrogation : doivent-ils être usés jusqu’à la corde, puis démantelés, ou doivent-ils être revendus tant qu’ils sont encore utilisables ?
Il semble bien que, pour des raisons essentiellement budgétaires, ces équipements soient généralement utilisés jusqu’au bout – ce n’est d’ailleurs pas sans risque –, puis démantelés.
Deux études ont été réalisées sur ce sujet par deux députés de votre majorité, monsieur le ministre, dont je salue le travail : l’une par Mme Lamour, en 2007, l’autre par M. Grall, en mars 2011. Des propositions ont été faites, mais elles n’ont pas à ce jour reçu le soutien du Gouvernement.
Je ne m’attarderai pas sur le démantèlement de produits spécifiques issus du nucléaire, si ce n’est pour rappeler qu’une filière française excelle en la matière, grâce au soutien d’industries publiques et privées très en pointe. Je déplore cependant que l’État n’abonde pas le fonds dédié au soutien de cette filière, plébiscitée et utilisée même par les Américains. Elle est notamment spécialisée dans le recyclage du plutonium, lequel, comme vous le savez tous, est le composant essentiel du MOX.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il réellement contribuer au financement de ce fonds à hauteur de 1,5 milliard d’euros, comme il s’y était engagé ?
Le stock constitué par les autres matériels à démanteler reste très important en France et son écoulement annuel est limité. Notre pays pourrait toutefois, là encore, accélérer ce processus si une réelle volonté politique se dessinait.
Je reconnais bien volontiers, monsieur le ministre, que le coût de ces travaux peut sembler démesuré au regard des retombées économiques immédiates. Pourtant, ce n’est pas lorsque nous serons confrontés à l’arrivée massive de matériels à la suite de l’application de directives rigoureuses concernant nos armées qu’il faudra trouver une solution. C’est une politique réfléchie, en partenariat avec les industries françaises compétentes, que nous devrions rapidement arrêter.
L’autre solution consiste donc à vendre ce matériel utilisé et encore exploitable à des pays demandeurs.
J’ai été surpris par la ressource financière que certains pays voisins pouvaient dégager de la revente de ces matériels d’occasion et je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur la stratégie de la France en ce domaine.
Comme le souligne le rapport de la commission, alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis – il est vrai que le cas de ce dernier pays est un peu particulier – ont su développer une réelle capacité à exporter leurs matériels anciens. Ainsi, l’Allemagne, entre 2000 et 2009, aurait vendu pour 1,4 milliard d’euros de matériels, le Royaume-Uni, sur une période un peu plus longue, pour 1 milliard d’euros. La France est à la traîne alors même qu’elle possède un réel potentiel.
Même si les règles juridiques communautaires et internationales, environnementales et comptables semblent être un frein au déploiement efficace de cette politique, elles pourraient être assouplies s’il y avait un pilote aux commandes de cette politique sans doute lucrative. Tout le monde a en mémoire les péripéties d’un de nos anciens porte-avions, qui a été finalement « désossé » l’an dernier, au bout de sept ans.
À l’heure où les recettes attendues peinent à arriver, pourquoi ne pas développer cette filière de revente de ces matériels à des pays intéressés ?
J’ai bien conscience qu’il faut déterminer à partir de quel âge un matériel est considéré comme dépassé, voire obsolète, et qu’une logique différente doit s’appliquer selon la nature même des équipements.
Il reste que ce marché de l’occasion risque d’être prochainement inondé par les équipements des armées américaines à la suite de leur prochain retrait d’Irak et d’Afghanistan. Il serait regrettable que la France passe à côté de cette opportunité.
Par ailleurs, nous avons, avec nos partenaires européens, déjà réalisé une grande avancée en ce domaine en transposant dans le droit français deux directives européennes qui portent sur le contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre. Ces dispositions ont été soutenues par le groupe socialiste, sous réserve de la publication rapide des décrets. J’espère, monsieur le ministre, qu’ils paraîtront prochainement.
Cette loi de transposition tend, par une simplification des procédures, à favoriser les échanges entre les différents pays européens et porte à la fois sur des matériels de guerre neufs et sur des matériels d’occasion.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Rachel Mazuir. Le second point sur lequel je souhaitais attirer votre attention a trait à la disparition inquiétante, en Libye, de matériel militaire, flambant neuf cette fois, plus particulièrement de missiles sol-air.
La situation au Sahel est préoccupante : y règnent la pauvreté et les injustices ; y sévit le terrorisme. Le conflit en Libye a eu et aura des conséquences directes sur cette région – détournements de matériels, risque de dissémination d’armes chimiques.
Une résolution du Conseil de sécurité datée du 31 octobre exprime la préoccupation de la communauté internationale devant la prolifération de ces armes et de ces matériels connexes.
Monsieur le ministre, comment la France peut-elle intervenir dans cette région, où nos intérêts sont nombreux, et en collaboration, notamment, avec l’Union européenne, pour faire cesser ce trafic ? Avez-vous les moyens en personnels et en matériels pour évaluer ces menaces et y faire face ? Quelle est la volonté du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je remercie l’ensemble des orateurs de leur participation à ce débat, de l’intérêt qu’ils ont manifesté, et les félicite de leur compétence. Je tiens à cet égard à souligner la grande qualité de leurs interventions.
Alors que va s’achever cette année 2011, marquée par des interventions de nos armées sur des théâtres d’opérations extérieures, opérations à la fois spectaculaires, difficiles et, dans le cas de l’Afghanistan, cruelles sur le plan humain, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de la communauté formée par nos trois armées, de la reconnaissance et de la gratitude que vous avez manifestées à nos militaires. Ceux-ci y seront sensibles.
Monsieur le rapporteur spécial Krattinger, vous avez exprimé une préoccupation commune à l'ensemble des orateurs : l’écart est-il supportable entre les objectifs fixés tant par le Livre blanc que par la loi de programmation et les contraintes résultant d’un environnement économique qui pèse sur nous comme il pèse sur toutes les grandes démocraties européennes ? Je le dis très clairement : cet écart est supportable.
En 2010, Hervé Morin a engagé une réduction en trois ans de 3,6 milliards d’euros des crédits de la mission « Défense », sur un budget total de 93 milliards d'euros. Cette réduction a pu être obtenue en tenant compte des perspectives de cessions d'actifs, à hauteur de 2,4 milliards d'euros.
Se sont ensuivis les deux coups de rabot supplémentaires sur lesquels je me suis expliqué devant la commission, qui conduiront à une diminution de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, soit 400 millions d'euros par an, des crédits de la mission « Défense », à savoir environ 1 % de leur montant total.
Je concède bien volontiers que cet écart s’est légèrement creusé en raison de l’effort supplémentaire de 280 millions d'euros demandé à mon ministère à la suite de l’annonce, par le Premier ministre, le 24 août, puis le 7 novembre de cette année, de deux plans de réduction des dépenses publiques – de 500 millions d'euros pour le dernier.
Cette réduction des crédits de la mission « Défense » remet-elle en cause les grands équipements prévus par le Livre blanc et inscrits en loi de programmation ? La réponse à cette question essentielle est négative, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. L'essentiel des efforts, comme je l'ai expliqué en commission, repose sur les cessions d'actifs ou de matériels anciens.
Rachel Mazuir m’a interrogé à l’instant sur ce dernier point, et je l’informe d’ores et déjà que j’ai signé tout récemment la cession d'un transporteur de chalands de débarquement à la République du Chili pour un montant de 40 millions d'euros.
Nous vendons bon an mal an pour 50 millions d'euros de matériels : c'est insuffisant et nous pourrions faire mieux. Très souvent, nous cédons gratuitement des matériels anciens à des pays avec lesquels nous avons des accords de coopération. Désormais, nous nous efforçons de vendre au mieux ces matériels.
Grâce à ces cessions d’actifs, mais aussi grâce à des reports dans la consommation de crédits, à des renonciations de dépenses et à des économies de fonctionnement, nous sommes en mesure de faire face à ces décisions budgétaires.
Je reviens à ma réponse à M. Krattinger pour lui indiquer que nous n'avons remis en cause aucun grand projet. L'armée de l’air achète chaque année onze Rafale. Ce nombre pourrait être réduit si, comme je l'espère vivement, nous réussissions à vendre cet avion à l'exportation. Tel n'est malheureusement pas le cas pour le moment.
Vous vous êtes demandé, monsieur le rapporteur spécial, si la réforme était rentable ?
Pour avoir tenu six réunions régionales – j’en tiendrai bientôt deux autres – sur l'organisation territoriale des nouveaux dispositifs et la mise en œuvre, par zone de défense, des bases de défense, je peux vous dire que les chiffres parlent d'eux-mêmes. La réorganisation par bases de défense permet d’économiser immédiatement 10 000 emplois dans la fonction soutien, soit un gain de productivité sur cette fonction de 25 % environ en cinq ans. C'est spectaculaire !
Évidemment, les habitudes s'en trouvant modifiées, cette réorganisation n'est ni confortable ni facile et requiert un effort de pédagogie, ainsi que, parfois, il faut le reconnaître, des adaptations. Cela étant, on doit parler non pas d'une application de la RGPP, mais plutôt d'une réorganisation de la fonction soutien.
Dans le cadre du nouveau format des armées, nous tablons sur une diminution des effectifs de 54 000 personnels, dont 18 000 au titre des unités combattantes et 36 000 – soit deux fois plus – au titre des fonctions de soutien au sens large.
L’organisation en bases de défense, qui est l'un des éléments de la réorganisation, la mise en place de la chaîne interarmées de soutien et des centres de services partagés nous permettent de réaliser de véritables économies de fonctionnement. La moitié de celles-ci seront consacrées à l’amélioration de la condition du soldat.
À cet égard, Alain Richard m’a très légitimement interrogé sur les trois sujets suivants : la santé, le logement et la mobilité. Ces trois sujets majeurs sont très librement évoqués devant le Conseil supérieur de la fonction militaire et l'armée sait s’exprimer de manière à la fois parfaitement loyale et très claire, traduisant des demandes tout à fait sincères.
Je remercie François Trucy d’avoir accepté de reprendre son intervention, car elle était passionnante, même si je n'en partage pas toutes les conclusions. (Sourires.)
Je crois profondément que Balard 2015 est un bon projet. Je le dis d’autant plus aisément que ce n’est pas moi qui en ai pris l’initiative, me contentant de « prendre le train en marche ». L'organisation de nos armées, contrairement à celle qui prévaut dans le système britannique, implique que l'état-major des armées, l'état-major de chacune des trois armes et le centre de planification et de conduite des opérations – le CPCO – soient regroupés sur un même site. Il en va de même pour les grands services qui sont directement rattachés au ministre, le secrétariat général pour l'administration et les corps de contrôle des services nationaux.
Le futur site accueillera près de 9 000 personnes ; certes, ce n’est pas rien, mais c’est un gage de productivité.
Cette opération est financée non pas par des cessions d'actifs, mais par le redéploiement de dépenses de fonctionnement.
Pour toutes ces raisons, cher François Trucy je vous invite à porter sur ce projet un regard différent.
En revanche, vous avez raison de souligner l'écart entre l’effectif moyen réalisé et les plafonds budgétaires : il est de l'ordre de 1,2 %. Cela étant, pour avoir été rapporteur, ici même, dans un passé lointain, du budget de l'enseignement scolaire, je puis vous dire qu’un tel écart n’est pas inhabituel s’agissant d’un très grand service public.
Didier Boulaud, avec d’autres orateurs, a exprimé ses inquiétudes sur les études amont. Les documents budgétaires indiquent que 683 millions d’euros leur seront consacrés. Toutefois, si l'on ajoute certaines études qui, pour des raisons d'organisation de la dépense, sont intégrées dans le budget de fonctionnement de la DGSE, ce sont bien 700 millions d'euros de crédits qui sont, en réalité, prévus pour ces études amont.
En tout cas, monsieur Boulaud, vous avez raison d’insister sur l’importance de ces études amont.
Vous avez d’ailleurs salué les efforts consentis pour la DGSE, tout en soulignant que la DPSD reste légèrement en retrait ; j’en conviens. Néanmoins, la mise en œuvre du projet SOPHIA devrait faciliter grandement l’intervention de ce service indispensable à notre sécurité.
Concernant le classement en secret défense, nous nous conformons non seulement à la législation en vigueur mais aussi aux conclusions du Conseil constitutionnel. À ce titre, nous n’avons aucun état d’âme : l’armée de la République est là pour agir dans le cadre de la loi. Les sites classés disparaîtront donc au profit d’emplacements destinés à la conservation de certains documents au sein des emprises militaires.
Je remercie André Trillard d’avoir salué les efforts de réorganisation des réseaux d’attachés de défense ; il s’agit en effet d’un volet parfaitement pertinent de la RGPP.
Par ailleurs, André Trillard a rappelé notre position de quatrième exportateur mondial en matière d’armement. Je tiens à souligner que les petits et moyens contrats en constituent une part très importante : leur caractère régulier, quasi récurrent, nous fait échapper à l’angoisse de ce qui va advenir lorsqu’un gros marché ne produit plus ses effets sur notre balance commerciale. De plus, le suivi des systèmes installés nous apporte aussi une certaine sécurité à cet égard et nous permet également de revendiquer ce rang de quatrième exportateur mondial.
Au demeurant, cette place n’a rien d’une prouesse puisque nous fournissons environ 7,5 % du marché mondial, tandis qu’Israël, pays sensiblement moins peuplé, en représente près de 5 %.
Dans ses deux interventions, Xavier Pintat a fait preuve d’une même conviction.
Je salue tout d’abord sa conclusion : il faut voter ce budget ! Cependant je ne partage pas les conclusions qu’il a présentées avec ses collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier concernant la solution intérimaire que nous avons adoptée au sujet des drones « moyenne altitude, longue endurance », ou MALE. Je reviendrai sur ce point lors de l’examen de l’amendement de la commission des affaires étrangères.
Xavier Pintat a rappelé l’importance de l’effort de dissuasion.
Il a relevé que les cessions d’actifs constituaient des fusils à un coup. Par définition !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Tout juste de quoi amuser les palombes ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, ministre. Il reste que la gestion optimale d’un patrimoine nécessite de céder des actifs inutiles pour dégager des liquidités et créer ainsi un patrimoine utile qui, à son tour, pourra devenir un appui et un relais.
Je tiens à apporter toutes assurances concernant les programmes de satellites MUSIS et CERES. Jean-Pierre Chevènement a rappelé, avec beaucoup d’humour, qu’il était très attaché à CERES. (M. Jean-Pierre Chevènement sourit.)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Moins qu’à une certaine époque ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, ministre. Nous le savions depuis longtemps ! Les délais seront respectés. Vous avez d’ailleurs bien voulu reconnaître que le programme MUSIS était en bonne voie.
Concernant le radar à longue portée, je procéderai à une brève mise au point technique. En effet, il est inexact d’affirmer qu’en matière de trajectographie, ce dispositif doit être placé au plus près de la menace ; d’une portée de 2 000 à 3 000 kilomètres, il peut en effet déceler le point d’impact probable depuis le territoire français. Ce faisant, il permet d’anticiper et de préparer une réaction à distance.
J’ajoute qu’en suggérant de placer un tel radar au plus près du territoire menaçant on exprime une conception de la politique internationale que je manierais pour ma part avec la plus grande prudence…
Je remercie Daniel Reiner de souligner la priorité accordée aux crédits d’équipements ; je considère son intervention comme un hommage.
Le Rafale ne s’oppose pas au Mirage 2000D. La rénovation de ce dernier a été reportée en 2010, dans le cadre des mesures que j’évoquais il y a quelques instants, mais nous mobilisons d’importants fonds pour tracer le périmètre et définir les objectifs de la rénovation des Mirage 2000D, laquelle reste d’actualité.
Parallèlement, concernant le ravitailleur, nous n’avons subi qu’un seul retard, en 2010, auquel ne s’ajoute aucun autre contretemps ; ainsi, nous conservons la perspective de 2017.
Monsieur Gilbert Roger, les bases de défense constituent un système complexe qui bouleverse nos habitudes. De fait, si elles forment un système pertinent qui se traduit par une économie considérable de moyens humains, elles supposent également une culture différente : le chef de corps ne dispose plus, sous sa seule autorité, de l’ensemble des moyens, qu’il ne contrôlait d’ailleurs pas entièrement dans le cadre du précédent système.
Monsieur le sénateur, je vous invite volontiers à prendre part à l’une des prochaines rencontres territoriales de la réforme, au cours desquelles nous consacrons près de trois heures à un sujet précis en la matière. Je ne m’appesantirai pas sur ce point, ne souhaitant pas décourager vos collègues par une précision qui ne relève pas directement de notre débat de ce soir !
Concernant le maintien en condition opérationnelle, notre ligne est satisfaisante.
Les temps d’entraînement constituent certes une valeur d’ajustement, je ne le conteste pas. Toutefois, les données pluriannuelles témoignent d’un niveau acceptable en la matière, et les pourcentages restent similaires, à quelques points près. Ainsi, en 2011, la réduction des temps d’entraînement sera compensée par l’augmentation des temps d’opération, tout particulièrement pour ce qui concerne l’armée de l’air.
J’en conviens, ce système ne saurait être durable, sauf à risquer de creuser un fossé entre les soldats qui ont acquis une expérience au combat et ceux qui, du fait de la consommation des crédits, ont été privés d’une partie de leur temps d’entraînement.
André Dulait est intervenu au sujet des ressources humaines ; il a eu raison de noter que le reclassement des militaires dans la fonction publique s’opérait difficilement.
Il apparaît que, à l’échelle du ministère tout entier, la conjoncture a des effets sur la masse salariale. De fait, par exemple, le volet « reconversion » – c'est-à-dire celui qui, tout en étant juridiquement différent, correspond à l’indemnisation du chômage en termes de prise en compte d’une réalité économique et sociale – devient plus coûteux lorsque la situation de l’emploi se dégrade puisque plus nombreux sont les jeunes titulaires de contrats à courte durée que nous avons alors à prendre en charge.
Mme Michèle Demessine nous a parlé de l’« envers du décor » : mais ce décor est transparent ! Depuis que je suis en charge de ce ministère, je constate avec satisfaction que, dans notre pays, la défense fait l’objet d’une information très large, documentée et fidèle à la réalité. Il n’existe donc pas de système caché, y compris pour ce qui concerne le projet Balard.
Madame le sénateur, vous qualifiez ce projet de « bombe à retardement financière », mais c’est exactement le contraire ! Le partenariat public-privé a précisément pour intérêt de fixer des clauses définitives avant le début des travaux.
Si le contrat comporte une erreur, le commanditaire en assume l’entière conséquence, j’en conviens tout à fait. Néanmoins, le partenariat public-privé présente l’avantage d’éviter les mauvaises surprises, caractéristiques des projets conduits en maîtrise d’ouvrage publique directe : lorsque s’achèvent les très grands chantiers, on constate généralement des écarts spectaculaires entre le coût prévu et le coût réel des travaux ! Ces décalages sont bien souvent dus à l’indécision du maître d’ouvrage et aux modifications qu’il a introduites au cours des travaux.
À l’inverse, dans le cadre d’un partenariat public-privé, les clauses du contrat encadrent très strictement le chantier, en imposant au prestataire de lourdes obligations envers le donneur d’ordre, en l’occurrence le ministère de la défense. Je ne redoute donc aucun risque à cet égard.
Madame, vous avez attiré l’attention sur le sort des personnels civils. Je souligne que nous n’avons pas souhaité fixer un taux obligatoire de civils au sein des bases de défense. En effet, si les civils ont vocation à y jouer un rôle croissant, notamment dans le cadre des groupes de soutien, ils ne peuvent être projetés sur les théâtres d’opération. Du reste, les militaires ne sont pas éternellement jeunes, sportifs et performants ; et, l’âge venant, ils peuvent souhaiter poursuivre leur carrière au service de l’armée dans des conditions physiquement moins contraignantes.
C’est la raison pour laquelle les bases de défense, tout en assumant des fonctions de soutien, ont également vocation à accueillir des militaires. Forts de leur expérience, ces derniers sont d’autant plus à même de répondre aux demandes des formations soutenues qu’ils connaissent la vie de chaque corps.
De surcroît, si les bases de défense n’étaient composées que de civils, un fossé culturel se creuserait entre les troupes opérationnelles et une administration qui, sans constituer une « quatrième armée » comme l’affirment certains militaires, serait totalement séparée d’avec les militaires envoyés en opération.
Je remercie Jean-Marie Bockel de sa conclusion, à laquelle je souscris pleinement : il faut voter ce budget.
Monsieur le sénateur, vous appelez par ailleurs notre attention sur un sujet majeur : le lien entre l’armée et les collectivités locales.
Cette année, nous avons progressé de manière décisive vers la signature des contrats de plans locaux de redynamisation, les PLR, ou de redynamisation des sites de défense, les CRSD. Excepté quelques cas difficiles outre-mer, la quasi-totalité de ces contrats seront conclus au mois de mars prochain. Le budget du fonds pour les restructurations de la défense, le FRED, n’est pas remis en cause : en effet, chacun de ces contrats pourra être exécuté en partenariat avec les collectivités territoriales concernées, dans des conditions de loyauté et de prévisibilité absolues.
Monsieur Bockel, concernant l’hôtel de la Marine, je crains de ne pas être en mesure de répondre aux questions très concrètes et très précises que vous m’avez posées.
L’ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing a remis un rapport sur ce sujet, et un consensus se dessine pour ériger ce monument en un lieu de culture ouvert au public, en transformant en bureaux tous les espaces ne pouvant accueillir de visiteurs. De fait, le quartier compte de nombreuses administrations d’État mal logées ou logées trop coûteusement – je songe à la Cour des comptes, au musée du Louvre... Toutefois, cette solution présenterait l’inconvénient de ne dégager aucune recette pour le ministère de la défense.
J’ignore encore quelle sera la fonction de l’hôtel de la Marine ; il convient cependant que cet édifice apporte quelques ressources au ministère, ce dont je n’ai pas encore la certitude.
Je ne suivrai pas Jean-Pierre Chevènement sur le terrain de l’euro et de l’avenir de la monnaie commune, qui commande l’unité européenne et dont les enjeux dépassent le cadre du débat de cette nuit.
En revanche, je répondrai indirectement à sa question relative à l’Europe de la défense.
Dans ce domaine, la France fait preuve de bonne volonté. Nous avons rejoint le commandement intégré de l’OTAN. En outre, l’expérience de la Libye prouve que nous pouvons mettre en application notre conception de la défense, non en pleine liberté – car il nous faut évidemment rester solidaires de nos partenaires –, mais en pleine responsabilité.
Cette expérience mériterait d’ailleurs de faire l’objet d’un débat parlementaire, le fonctionnement d’une telle coalition étant particulièrement intéressant. (M. Jean-Pierre Chevènement acquiesce.) Nous avons choisi cette solution parce qu’elle apportait une réponse immédiate et pratique au problème posé. Elle avait d’ailleurs la faveur de la Grande-Bretagne, autre grand pays européen à consacrer d’importants moyens à la politique de défense ou, à tout le moins, des fonds supérieurs à ceux que lui vouent la plupart des pays européens.
M. Didier Boulaud. Et aux nôtres !
M. Gérard Longuet, ministre. D’autres États membres demandent à l’Union européenne de s’organiser, sans pour autant mobiliser les moindres moyens à cet effet.
Nous sommes, en quelque sorte, dans une situation de trait d’union : au-delà du triangle de Weimar, qui associe la Pologne, l’Allemagne et la France, M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes essaie de mobiliser d’autres pays européens, notamment l’Espagne et l’Italie, sur un projet de création d’une unité de planification et de programmation européenne. Les Anglais refusaient toute idée de commandement opérationnel ; en revanche, ils ne sont pas hostiles à une réflexion sur une planification qui permettrait de mobiliser des moyens européens existants mais jamais utilisés.
Cela dit, l’Europe intervient d’ores et déjà en tant que telle. Plusieurs orateurs ont évoqué l’opération Atalante, et celle-ci est bien une réalité. La France se montre d’ailleurs exemplaire dans sa participation à cette opération ; amis elle a aussi, parfois, le sentiment que l’effort est principalement porté par un tout petit noyau de pays européens.
Sans évoquer toutes les réalisations européennes, j’insiste sur le fait que nous sommes attentifs à ne gaspiller aucune chance de coopération réaliste.
Je redis à Jean-Pierre Chevènement ce que j’ai dit à Yves Krattinger : nous avons un besoin absolu du MRTT et le décalage que nous observons n’empêchera pas de tenir le calendrier 2017.
Lorsqu’il est intervenu à titre personnel, Jean-Marie Bockel a largement évoqué la coopération franco-allemande.
L’Allemagne modernise aujourd’hui son armée comme nous l’avons fait voilà une dizaine d’années. Thomas de Maizière et moi-même n’avons donc aucune difficulté pour nous comprendre parce que nous allons dans la même direction. Le seul vrai problème est d’ordre culturel : nous avons une armée nationale, tandis que les Allemands ont une « armée parlementaire » : je veux dire par là qu’elle s’engage dans la mesure où le Parlement lui permet de le faire. Ce fossé culturel explique que, sur un certain nombre des sujets abordés par Jean-Marie Bockel, nous ayons quelque mal à avancer. Les décisions doivent en effet être approuvées par la coalition au pouvoir, tandis que, en France, la chaîne de décision et de commandement est plus courte, le Président de la République étant constitutionnellement le chef des armées.
Je reviendrai sur le choix du drone lors de la discussion de l’amendement de la commission des affaires étrangères, mais je veux tout de même dire ceci : de grâce, n’opposons pas politique industrielle et politique de capacité ! Le devoir du ministre de la défense est d’avoir une vision à moyen et long terme. Dès lors, refuser de privilégier une capacité opérationnelle de court terme qui nous rendrait, à moyen et long terme, dépendants d’un fournisseur qui fixerait ses conditions, ce n’est pas faire de la politique industrielle, c’est avant tout se projeter dans l’avenir pour garantir notre indépendance de manière pérenne. Voilà essentiellement pourquoi je m’oppose à la commission sur ce point.
S’agissant de la défense antimissile balistique, la DAMB, évoquée par Xavier Pintat – et aussi par Mme Demessine –, les Français ne sont pas fortement demandeurs, car le choix national de la dissuasion nucléaire, que vous soutenez par ailleurs, ne nous rend pas dépendants d’un tel dispositif de défense, contrairement à la plupart des autres pays européens qui, Royaume-Uni mis à part, n’ont pas fait le choix de la dissuasion et ont effectivement besoin d’une protection par DAMB.
En revanche, vous avez raison – je réponds par la même occasion à Daniel Reiner –, nous ne pouvons pas nous désintéresser de la DAMB. En matière de détection satellitaire avancée, le démonstrateur Spirale ou l’AISR sont autant de briques que nous proposons à nos partenaires européens, là où les Américains se contentent d’envoyer aux pays membres de l’OTAN la facture de la mise à disposition d’un système qu’ils définissent eux-mêmes. Avec les Britanniques, nous essayons d’utiliser pour la défense antimissile des technologies que nous avons, à l’origine, développées en vue de défendre et gérer notre propre système de dissuasion.
Cela me permet également de répondre à Jacques Gautier : le Mirage 2000D est un bel outil, qui n’est pas abandonné, et dont le périmètre de rénovation va être rapidement défini.
Le missile Aster est également un élément important de la DAMB, sur lequel nous travaillons avec MBDA. Là encore, il s’agit d’apporter une brique à un projet d’ensemble.
Didier Boulaud a fort joliment évoqué une sorte de mouvement binaire et alternatif qui nous rapprocherait tantôt des Anglais, tantôt des Allemands. Notre objectif serait plutôt de rassembler autour de nous ces deux partenaires. Les Anglais ont une culture militaire proche de la nôtre et les Allemands des moyens financiers et industriels indispensables à la réussite de nos actions. J’ajoute qu’il serait fou de ne pas les associer à nos projets et de ne pas les aider à surmonter leur prudence culturelle en matière de défense, que l’on comprend aisément pour des raisons historiques.
Pour en revenir aux opérations européennes, je dirai que le Kosovo est effectivement une affaire assez compliquée. Au total, plus d’une vingtaine d’opérations européennes ont été engagées ces cinq dernières années, ce qui n’est pas négligeable, même s’il ne s’agit pas d’opérations de premier plan.
La diminution des budgets militaires au sein des pays membres de l’OTAN est certes une réalité, mais vous ne pouvez pas en faire le reproche à la France, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous ne maîtrisons nullement les choix des autres pays.
Pour le Sahel, la France a proposé une initiative à l’Union européenne, sous forme d’aide, de développement et de partenariat. Toutefois, et même si une dizaine d’otages européens sont désormais retenus dans la région, nous ne devons pas oublier que ces pays restent souverains. Je participerai, le 10 décembre prochain, à Nouakchott, à une rencontre qui regroupera des représentants de cinq pays de la rive nord de la Méditerranée et de cinq pays de sa rive sud. Certains pays, comme le Mali ou l’Algérie, sont toutefois plus directement concernés par ce problème.
J’ai été très sensible à l’hommage que vous avez rendu à nos soldats, monsieur Beaumont. Et puisque vous êtes également intervenu sur la coopération franco-allemande, je vous informe que nous allons saisir l’occasion du prochain sommet semestriel, qui aura lieu début février, pour présenter, avec Thomas de Maizière, les conclusions d’un séminaire stratégique que nous avons organisé en septembre. Une vingtaine de mesures très concrètes associant les Français et les Allemands seront présentées, comme le développement de certifications communes sur certains matériels de défense ou d’autres initiatives techniques qui nous permettront de mieux travailler ensemble.
Monsieur Richard, je souscris totalement à votre analyse, notamment à propos du jugement porté par la Cour des comptes sur le service de santé des armées. La haute juridiction financière a oublié de valoriser les activités régaliennes de ce dernier, qui constituent pourtant sa principale légitimité.
Monsieur Lorgeoux, vous avez parlé du renseignement avec une passion et une compétence que je ne vous contesterai pas. En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur le démonstrateur de radar : il ne me paraît pas indispensable qu’il soit installé près de la menace. Quant au retard sur la rénovation du Mirage 2000D, nous subissons en effet les conséquences d’une décision prise en 2010, mais, au risque de me répéter, je redis que nous avons bien l’intention de rénover ces appareils.
Madame Durrieu, vos observations sur les risques ouverts sont très pertinentes. Vous auriez pu également évoquer le cas de Chypre : voilà un pays membre de l’Union européenne dont la légitimité est contestée par un grand pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Et l’on constate que l’exploitation de la Méditerranée autour de cette île reste conflictuelle. La réactualisation du Livre blanc permettra d’approfondir ces thèmes, que nous ne pouvons pas ignorer, car la vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Monsieur Mazuir, le démantèlement des vieux matériels navals a bien progressé. Quant au démantèlement nucléaire, il est engagé pour les usines de Pierrelatte et Marcoule, grâce à la soulte qu’EDF a versée en contrepartie des transferts de technologies militaires dont cette entreprise a bénéficié.
Vous avez eu raison de souligner le bienfait de la transposition de la directive européenne, telle qu’elle a été amendée par le Sénat, qui nous permet de conserver une certaine liberté de choix.
Enfin, nous sommes, comme vous, très préoccupés du supermarché des armes à ciel ouvert que constitue la Libye après leur abandon sur le terrain par les troupes du colonel Kadhafi. Cela dit, les missiles sol-air portables exigent pour fonctionner un certain soutien technique, notamment des piles dont la durée de vie est relativement brève et il n’est pas certain que ces matériels puissent être utilisés ; c’est en tout cas ce que nous pouvons tous souhaiter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère vous convaincre, dans quelques instants, du bien-fondé de ma position s’agissant des drones, et vous convaincre aussi de voter un budget traduisant la poursuite d’un effort maîtrisé au service d’une armée qui, sur le terrain, fait la preuve de son efficacité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre, des rumeurs de presse accréditent la thèse d’une annulation du sommet franco-britannique du 2 décembre prochain. Qu’en est-il au juste ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre. Ce sommet n’est pas annulé, mais « concentré ». MM. Cameron et Sarkozy ont exprimé le vœu de pouvoir réfléchir au plus haut niveau sur ce qui rapproche et divise vraiment nos deux pays.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Ce sera donc un super-sommet ! (Sourires.)
défense
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Défense |
39 961 987 879 |
38 001 433 791 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 902 884 765 |
1 788 993 378 |
Dont titre 2 |
596 825 496 |
596 825 496 |
Préparation et emploi des forces |
22 899 666 726 |
22 204 404 848 |
Dont titre 2 |
15 533 878 811 |
15 533 878 811 |
Soutien de la politique de la défense |
3 375 891 973 |
3 045 524 096 |
Dont titre 2 |
1 171 145 996 |
1 171 145 996 |
Équipement des forces |
11 783 544 415 |
10 962 511 469 |
Dont titre 2 |
1 893 664 546 |
1 893 664 546 |
M. le président. L'amendement n° II-158, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Préparation et emploi des forcesDont Titre 2 |
1 000 000 000 |
|
640 000 000 |
|
Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2 |
|
|
||
Équipement des forcesDont Titre 2 |
|
1 000 000 000 |
|
640 000 000 |
TOTAL |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
640 000 000 |
640 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement va me permettre d’aborder le problème posé par l’importance et la disproportion des crédits affectés à la dissuasion nucléaire par rapport au reste de l’équipement de nos armées.
En effet, les quelque 21 % de crédits d’équipement consacrés à la dissuasion nucléaire correspondent à mon avis à un modèle et à un format d’armées qui n’est plus adapté au contexte stratégique, ni aux menaces, ni aux conflits du monde d’aujourd’hui.
La dissuasion nucléaire pouvait être efficace lors de la guerre froide, dans le cadre de l’affrontement potentiel entre deux blocs et face à un puissant pays dont on pouvait attendre un comportement idéologique et politique rationnel.
Dans ce cadre, la doctrine de la dissuasion du « faible au fort » se justifiait pour notre pays.
Mais aujourd’hui, le contexte stratégique a radicalement changé. Les rapports de forces et de puissance ne sont plus les mêmes, et la menace nucléaire proviendrait essentiellement d’États ou d’entités aux comportements qu’il est difficile d’anticiper ou même de comprendre.
J’estime, en outre, que nous ne sommes plus non plus dans la doctrine de « la stricte suffisance » de notre armement nucléaire.
Les sommes dépensées servent non pas simplement, selon la nomenclature officielle, à « assurer la crédibilité technique » de la dissuasion, mais procèdent à la modernisation et au développement de cette dernière, et ce en contradiction avec l’esprit des traités internationaux que nous avons signés.
L’amendement n° II-158 a donc pour objet de transférer au maintien en condition opérationnelle de nos forces les crédits prévus pour la commande d’une tranche de production du missile balistique M 51.2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen nous proposent de supprimer les crédits prévus pour la commande d’une tranche de production du missile balistique M 51.2, et d’abonder en conséquence les crédits d’équipement des forces, afin de maintenir en condition opérationnelle les matériels de l’armée de terre.
Le vecteur M 51.2, qui doit être mis en service à partir de 2015, emportera la tête nucléaire TNO, ou tête nucléaire océanique. Il s’agit donc d’une des composantes de notre force de dissuasion nucléaire.
Le maintien en condition opérationnelle des matériels de l’armée de terre est une véritable inquiétude, que je partage pleinement : le non-respect des objectifs de la loi de programmation militaire conduit à une révision à la baisse des grands programmes d’équipement et, concurremment, à une dégradation de la capacité de projection de nos troupes terrestres.
Je comprends aussi la volonté de nos collègues de favoriser l’avènement d’un monde sans armes nucléaires. Mais pour atteindre cet idéal – idéal que nous partageons presque tous, je crois –, je préfère que la France s’engage dans des processus multilatéraux de désarmement et non qu’elle renonce unilatéralement à certaines des composantes de sa force de dissuasion nucléaire.
La doctrine nucléaire française en fait une arme de dissuasion, que nous ne voulons pas voir utilisée comme arme de guerre, mais qui constitue bien un instrument pour dissuader toute attaque contre notre pays.
Alors que les objectifs de dépenses de la loi de programmation militaire ne sont pas atteints et que tous les grands programmes d’équipement sont mis au régime sec, les dépenses relatives à notre force de dissuasion nucléaire sont globalement préservées. C’est un choix que je partage, car, dans un monde où les puissances nucléaires n’ont pas procédé à leur désarmement nucléaire militaire de manière complète et irréversible, la force de dissuasion nucléaire garantit l’indépendance de notre défense nationale, sans nous placer sous le « parapluie » d’une puissance étrangère.
Il faut que la France continue de s’engager sur la voie du désarmement nucléaire, dans un cadre multilatéral. Mais je crois qu’il faut aussi faire preuve de pragmatisme en maintenant notre indépendance et notre souveraineté militaires, qu’assure une force de dissuasion nucléaire complète et autonome.
C’est pourquoi, mes chers collègues, tout en me félicitant du débat que nous avons sur l’objectif, partagé, de voir advenir un monde sans armes nucléaires et, plus largement, un monde ayant renoncé aux armes de destruction massive, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Longuet, ministre. Le Gouvernement est hostile à cet amendement pour les excellentes raisons présentées par M. le rapporteur spécial.
M. le président. Madame Demessine, l'amendement n° II-158 est-il maintenu ?
Mme Michelle Demessine. Il l’est, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-104, présenté par M. Reiner, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
80 000 000 |
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Préparation et emploi des forcesDont Titre 2 |
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Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2 |
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Équipement des forcesDont Titre 2 |
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80 000 000 |
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TOTAL |
80 000 000 |
80 000 000 |
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SOLDE |
0 |
La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. Il s’agit là d’un amendement important.
Monsieur le ministre, le 20 juillet dernier, vous avez pris la décision d’entrer en négociations avec Dassault Aviation afin d’envisager à quelles conditions cette entreprise pourrait importer et franciser le drone Heron TP fabriqué par l’industriel israélien IAI.
Contrairement à ce qui a été écrit dans la presse, ces négociations n’étaient pas « exclusives », comme on nous l’a de nouveau précisé. Mais comme, en pratique, vous n’avez pas entamé de négociations similaires avec les seuls autres industriels capables de fournir une alternative à ce choix, à savoir l’industriel américain General Atomics, qui fabrique le drone Reaper, et EADS, qui aurait été susceptible de l’importer, cela revient de fait au même.
À la suite de cette décision, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2012 318 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui correspondent d’ailleurs à l’offre de l’industriel israélien, sans francisation.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a à l’égard de cette double décision plus que des réserves : des objections. et des forces armées.
Premièrement, s’agissant de la procédure, alors que nous sommes face à l’offre de deux industriels non européens, vous écartez a priori toute compétition, ce qui ne peut que nuire aux intérêts financiers de l’État.
Deuxièmement, et précisément d’un point de vue financier, cette décision se traduira, d’après les offres que nous avons entre les mains, par un surcoût d’une centaine de millions d’euros – 109 millions d’euros pour être précis – sans francisation ! Nous n’avons pas une idée très claire de ce que coûterait la francisation du Heron TP, car cela fait l’objet de négociations entre Dassault et IAI et les chiffres donnés l’été dernier par les deux industriels, à savoir 50 millions d’euros, nous paraissent assez peu sérieux. Nous savons en revanche qu’EADS propose, sur la base d’une auto-estimation, la francisation du Reaper américain pour environ 88 millions d’euros, soit 40 % du coût de l’appareil, ce qui permettrait d’avoir une complète maîtrise de la chaîne mission.
Troisièmement, d’un point de vue militaire, le drone Heron TP est un drone de surveillance et d’écoute. Or ce qui paraît nécessaire, à la lumière de l’expérience libyenne, par exemple, c’est un drone dit de « maraudage », capable d’emporter un armement polyvalent et d’effectuer des frappes d’opportunité.
Rendre le Heron TP apte à emporter des armements sera sans doute possible. Mais ce ne sera pas simple et restera, compte tenu de la structure de l’avion, qui est un avion bi-dérive, un peu du bricolage. Des modifications importantes et onéreuses seront nécessaires, ce qui laisse penser que ce drone ne sera pas disponible à la fin de l’année 2013, ni même en 2014 : peut-être en 2015, si tout se déroule au mieux. Nous aurons donc une rupture capacitaire à la fin de l’année 2013, date à laquelle le contrat de maintien en conditions opérationnelles des drones Harfang par la société EADS viendra à échéance.
Enfin, même en se plaçant d’un point de vue industriel, dont nous avons bien compris qu’il était votre point de vue privilégié, votre décision est difficile à comprendre. Nous sommes en effet face à l’acquisition d’un drone MALE – moyenne altitude longue endurance – de deuxième génération dont l’unique objectif est de permettre à Dassault d’acquérir, sur fonds publics, une compétence d’architecture qu’il n’a pas pour l’instant et dont il n’aura pas à se servir dans les drones MALE de troisième génération, puisque c’est plutôt BAE qui fabriquera le drone franco-britannique. Tout cela nous échappe un peu, d’autant que, en vertu des accords qui ont été passés entre BAE et Dassault, celui-ci serait responsable de l’UCAV – Unmanned Combat Air Vehicle –, le drone de combat qui viendra après le MALE de troisième génération et dont les technologies n’ont que peu de chose à voir avec les technologies des drones MALE, alors que, à l’évidence, le démonstrateur nEUROn est parfaitement inscrit dans cette perspective.
Tout cela n’a guère de sens, sauf à considérer que la coopération franco-britannique pourrait échouer et qu’il n’y aura pas de drone MALE commun. Dans ce cas effectivement, nous nous retrouverions avec des drones MALE français – le Heron TP – en petit nombre et répondant assez peu au besoin opérationnel, de surcroît non interopérables avec nos alliés de l’OTAN. Mais nous aurions il est vrai, si tout cela marche, un industriel capable de fabriquer des drones de deuxième génération. Le problème est que, de toute façon, nous n’aurions pas les moyens de les financer. Et à supposer que nous en ayons les moyens, personne ne souhaiterait nous les acheter puisque seraient disponibles sur le marché des drones MALE américains, en particulier, de troisième génération !
En résumé, vous êtes en train de nous proposer d’autoriser l’achat – en dehors des règles des marchés publics – d’un équipement militaire extra-européen à un prix plus élevé que ce que l’on pourrait obtenir auprès de nos fournisseurs américains, pour un rendement militaire moins performant, tout cela dans l’espoir qu’une entreprise française acquière une compétence qui n’aurait d’utilité que si l’accord franco-britannique signé par le Gouvernement échouait !
Est-ce sérieux ?
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat place, quant à elle, le besoin opérationnel des forces au-dessus de toutes les préoccupations.
Ce qui compte, avant toute chose, c’est la capacité de nos forces à remplir la mission qui leur est confiée. Ce qui compte avant toute chose, c’est l’équipement de nos soldats quand ils iront au feu. C’est cela votre responsabilité, ainsi que notre responsabilité de parlementaires.
Bien sûr, si cet amendement est voté, vous aurez le pouvoir de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. Soit ! Mais ce sera sans nous, car nous refusons d’apposer notre signature au bas de cette décision.
Ce que nous vous proposons est raisonnable et tient en trois propositions.
Il s’agit, en premier lieu, de lancer une compétition et, si tel en est le résultat, d’acheter le drone Reaper sur étagères afin de satisfaire au plus vite le besoin opérationnel de nos forces.
Il s’agit, en deuxième lieu, de réserver nos moyens aux créneaux sur lesquels nos industriels sont les plus compétents, les UCAV ou drones de combat, dont il reviendra à Dassault d’assurer la maîtrise d’œuvre dans le cadre des accords franco-britanniques. Cela représente 80 millions d’euros en programme d’études amont, ce qui n’est pas rien, d’autant que le futur de nEUROn n’est pas assuré aujourd’hui.
Il s’agit enfin, en troisième lieu, de faire en sorte que les accords franco-britanniques sur les drones de troisième génération prospèrent et de se donner d’ici là les moyens de prolonger le drone Harfang car, à ce pas, personne ne sera prêt en 2013.
Mes chers collègues, tel est l’objet de l’amendement que j’ai l’honneur de vous inviter à adopter, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. (Applaudissements.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. La commission des finances ne s’étant pas réunie pour examiner cet amendement, je m’exprimerai à titre personnel, en tant que rapporteur spécial.
Notre collègue Daniel Reiner a bien expliqué le principe de cet amendement : économiser l’achat de drones en achetant le modèle américain Reaper plutôt que le modèle israélien Heron TP. L’économie ainsi réalisée, soit 109 millions d’euros, permettra, d’une part, d’assurer la maintenance d’autres drones de nos forces armées – à hauteur de 29 millions d’euros – et, d’autre part, de réaliser les études amont nécessaires pour que la France s’engage sur le programme de drone du futur, pour un coût estimé à 80 millions d’euros.
Dans son rapport spécial, la commission des finances a formulé les observations suivantes :
« Il serait logique que la France, à l’instar de tous les grands pays industrialisés, produise des drones. Les sommes en jeu, se chiffrant en centaines de millions d’euros, sont relativement modestes, au regard de l’efficacité opérationnelle de ces avions sans pilote.
« Un tel choix permettrait d’éviter, dès 2013, une rupture capacitaire, l’acquisition de nouveaux drones devant assurer la jonction avec les drones de la génération suivante, prévus à l’horizon 2020.
« Mais la France vient de faire le choix contestable, en juillet 2011, d’acheter des drones étrangers – en l’occurrence israéliens – à un prix semble-t-il supérieur à celui des drones américains ».
Pour ces différentes raisons, l’amendement n° II-104 va à notre avis dans le bon sens, d’autant que la France est engagée dans la production de drones en coopération avec ses partenaires européens – je pense notamment au Royaume-Uni.
Choisir le drone Heron TP remettrait en cause le traité signé avec les Britanniques. J’ajoute que ce drone que le Gouvernement français entend acquérir n’est pas arrivé à la maturité technologique de son concurrent américain et qu’il ne sera probablement pas disponible avant la fin de l’année 2013. Il est donc encore temps pour la France, semble-t-il, de modifier ses choix industriels et économiques concernant l’équipement en drones de ses forces armées.
La commission des affaires étrangères a adopté l’amendement qu’elle vient de nous présenter à une très large majorité, par-delà les clivages politiques. Vous comprendrez pourquoi, à titre personnel, je le voterai, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Longuet, ministre. Cher Daniel Reiner, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement n° II-104. D’ailleurs, je pense que nos positions ne sont pas aux antipodes. Il n’y a pas de véritable opposition entre le point de vue que vous avez exprimé, de même que Jacques Gautier et Xavier Pintat, et la volonté du Gouvernement. C’est plutôt un malentendu, j’en suis désolé, qui existe entre nous, tenant tout simplement à la construction du raisonnement. Permettez-moi de vous exprimer le sentiment du Gouvernement.
Tout d’abord, un seul pays maîtrise la technologie des drones : les États-Unis d’Amérique. Israël, pour des raisons locales, a su développer un système, mais ce dernier est très incomplet, et sa mise en œuvre, notamment en Afghanistan, a montré ses limites, avec une communication impossible par satellite. De par la taille de son territoire, Israël n’a pas besoin de communication satellitaire, mais notre situation est différente.
Les États-Unis disposent d’une filière complète avec un volet aéronautique, qui n’est pas le plus important, et un volet communications, qui l’est beaucoup plus : pour commander l’avion, pour le maîtriser à partir du sol – il s’agit d’avions pilotés – et pour exercer toutes les missions d’identification. En effet, le drone appartient à ce que l’on appelle l’ISR, ou intelligence-surveillance-reconnaissance ; il contribue aux moyens d’observation, dont la gamme est très large puisqu’elle va des systèmes les plus élevés, avec les satellites, pour aller jusqu’aux plus modestes, avec le pod de reconnaissance placé sur l’avion traditionnel, en passant naturellement par tous les drones de très haute altitude pilotés à distance tels que le Global Hawk, de moyenne altitude, tel le MALE dont nous parlons, ou les drones tactiques de terrain, qui sont servis dans les unités.
Il s’agit d’un système complet, qui suppose une maîtrise totale de la communication, et cette complexité force notre admiration pour les entreprises qui sont capables de maîtriser ce type d’outil. Or il n’existe aujourd'hui qu’un seul acteur mondial susceptible de s’adosser à une industrie et à une commande publique suffisamment puissantes pour se développer et pour prospérer : je veux parler de General Atomics, entreprise évidemment soutenue par le gouvernement des États-Unis, ce qui, permettez-moi de le souligner, n’est pas rien.
Le drone Harfang moyenne altitude que nous avons aujourd'hui arrivera en fin de parcours en 2013. J’hérite de la nécessité absolue de prendre une décision. D’un côté, on peut peut-être prolonger l’existence de ce drone d’un an – pas beaucoup plus – et, de l’autre, nous avons passé un accord avec les Britanniques pour imaginer un drone de moyenne altitude longue endurance commun pour 2020.
Des deux côtés de la Manche, nous dépensons de l’argent et mobilisons nos compétences – des ingénieurs travaillent en effet sur ce dossier – pour définir cet objectif et avoir ce que l’on appelle « une levée de risques » au printemps prochain. Certes, le dossier avance, mais l’échéance est fixée à 2020.
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. Un drone de troisième génération !
M. Gérard Longuet, ministre. Troisième génération ? La vérité, c’est que l’évolution est constante et continue. Si vous manquez le train, il vous sera d’autant plus difficile de le rattraper qu’il aura pris de la vitesse.
Nous avons décidé d’ouvrir une consultation en interne pour savoir ce que nous pouvions faire durant cette période transitoire : la DGA, la direction générale de l’armement, à qui ce dossier a été confié, nous a proposé trois pistes.
Tout d’abord, nous pouvions nous appuyer sur le drone Harfang, et EADS nous a assurés qu’il était possible de nous faire une proposition en la matière.
Ensuite, il est apparu, eu égard aux éléments d’information que EADS a fournis à la DGA, que le Heron TP proposé par Dassault coûtait 8 % de moins que le Harfang nouvelle génération d’EADS. Au demeurant, soyons honnêtes, notre expérience avec EADS n’a pas été concluante. Exit donc cette solution.
Enfin, il restait le drone Reaper, qui fait partie de la famille des drones Predator. Il s’agit assurément aujourd'hui du produit le plus performant qui soit pour le prix le plus accessible. On a dit qu’il était 20 % moins cher et 30 % meilleur, ou l’inverse…
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. 30 % moins cher et 20 % meilleur !
M. Gérard Longuet, ministre. Quoi qu’il en soit, il est meilleur et moins cher, sous réserve de sa francisation.
Monsieur Reiner, vous avez évalué le coût de cette francisation dans votre rapport, mais notre interlocuteur américain ne nous a à aucun moment fait part de cette offre francisée. Peut-être a-t-il considéré qu’il n’avait pas été saisi officiellement de cette question, à moins qu’il n’ait pas procédé à ce travail d’investigation, qui représente un investissement assez lourd ? Quoi qu’il en soit, cette offre est nécessairement plus élevée que l’offre standard, et notre objectif est d’intégrer ce drone dans un système ; c’est là où je veux en venir.
Peu importe qu’il s’agisse d’un drone de deuxième ou troisième génération. C’est toute une famille de systèmes d’observation et de frappe qui va se rencontrer, et nous sommes aux deux bouts de la chaîne. Les satellites : nous en avons ! Les drones tactiques : nous en avons ! Les pod de reconnaissance sur nos avions : nous en avons d’excellents !
Concernant la frappe à distance, les drones sont des avions pilotés du sol qui permettent de frapper à distance. Vous avez évoqué la question des drones de maraudage, qui nous fait revenir à l’actualité libyenne. Un drone de maraudage tire parfois avec malheur – en témoigne la tragédie du Pakistan –, parfois avec bonheur – comme ce fut le cas en Libye –, mais, dans tous les cas, il tire avec efficacité. Toutefois, il existe des dizaines de façons d’intervenir à distance.
Nos missiles de croisière SCALP tirés en Libye ont été parfaitement pertinents. D’une certaine façon, ce sont des drones. Je veux dire par là que ce sont des avions qui sont télécommandés et qui portent le feu à distance. Il y a donc une gamme complète.
Pouvions-nous prendre le risque de ne pas disposer d’un lien entre le système de reconnaissance qui s’intègre dans le système de maîtrise numérique du théâtre d’opérations souhaité par l’armée française, notamment par l’aviation, et les instruments terrestres, puisque l’on est au niveau interarmées ? Pouvions-nous prendre le risque de ne pas pouvoir réunir toutes ces compétences, au prétexte que nous ne maîtrisons pas un outil important ?
Nous disposons des autres technologies de communication – les communications par satellite, les communications entre l’avion et le sol, entre les avions, avec des systèmes de réactivité parfaits –, mais pouvons-nous nous interdire d’explorer un domaine parce que l’on préfère acheter immédiatement un produit qui existe, solution à laquelle l’état-major était plutôt favorable ?
Toutefois, en procédant ainsi, nous aurions introduit un élément extérieur qui n’était pas compatible avec l’ensemble du système cohérent que nous construisons en permanence avec, d’une part, le système ISR et, d’autre part, l’ensemble des modes de frappe à distance.
C'est la raison pour laquelle nous n’avons pas fait ce choix. « Mais que va-t-il se passer avec les constructeurs BAE et Dassault ? », allez-vous me demander.
Monsieur Reiner, vous avez évoqué dans votre rapport écrit le drone nEUROn, et vous avez eu raison, car il est la préfiguration de ce que pourrait être l’UCAV français. On commence à travailler sur ce dossier, mais il m’importe aujourd'hui d’avoir un produit qui puisse s’intégrer dans un système. Or je sais que l’entreprise General Atomics ne fera jamais l’effort de nous transmettre toute la technologie dont elle dispose ni celui d’adapter son produit pour que nous puissions l’intégrer à notre système. Nous serions alors dans la situation d’un ensemblier qui comprendrait, à l’intérieur d’un ensemble complet, un élément hétérogène. C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour cette solution qui présente un écart financier.
Je souhaiterais vous convaincre, monsieur Reiner, et, si tel n’était pas le cas, j’en serais désolé. De toute façon, nous reprendrons cette conversation, je pense.
Il n’est pas simplement question ici de politique industrielle. Cette affaire comporte, je le reconnais, un volet sur la politique industrielle, mais elle a surtout trait à la cohérence du système dont nous discutons.
Nous avons besoin d’un trait d’union entre la fonction d’observation et la fonction de frappe à distance, avec toute la gamme d’engins qui contribuent à la maîtrise du théâtre d’opérations ou à la frappe à distance. Or, nous risquons d’avoir un élément extérieur, qui nous placera dans une situation quelque peu grotesque, semblable à ce qui arrive à un bricoleur essayant de brancher dans une prise à deux fiches une rallonge électrique avec une prise à trois fiches ! Par conséquent, si votre solution est choisie, nous perdrons des années.
C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour l’intégration de ce drone. Certes, ce choix est légèrement plus coûteux, mais il a l’immense mérite de donner un sens à cette politique d’ensemble, alors que l’acquisition extérieure continuerait de rendre hétérogène un système qui a besoin d’être cohérent.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Monsieur le ministre, si votre démonstration peut paraître convaincante, elle ne m’a pas convaincu. En effet, vous nous présentez une image superbe de quelque chose qui n’existe pas.
Depuis une quinzaine d’années, la France a fait le choix de travailler avec Israël malgré les faiblesses des matériels de ce pays, conçus par rapport à une superficie et à des menaces qui ne sont pas les nôtres. Nous n’avons pas les mêmes besoins opérationnels qu’Israël.
Nous avons déjà connu des échecs en matière de recherche industrielle avec la SAGEM, avec EADS et le Harfang. Or, aujourd'hui, vous nous proposez de nous marier une nouvelle fois avec un industriel qui, lui, va apporter 90 % de la technologie. Je vous rappelle que l’industriel israélien annonce que cela va lui rapporter 400 millions de dollars, soit 300 millions d’euros, sur un budget de 320 millions d’euros. Cela signifie, monsieur le ministre, que Thales et Dassault vont avoir une marge 20 millions d’euros pour franciser ce dossier. C’est le délégué général à l’armement israélien lui-même qui le dit !
Vous nous proposez d’acheter un drone dont nos armées ont besoin, mais qui – vous l’avez-vous-même reconnu – n’a pas les performances que nous espérons. J’irai même plus loin : les documents qu’on nous a fournis au niveau national sont de l’enfumage ! Nous, nous sommes allés à la source, et nous disposons donc des documents israéliens. (M. Jacques Gautier brandit les documents.)
On nous parle d’une altitude de 41 000 pieds, et pas au-delà, d’une endurance limitée à vingt heures, et les Israéliens sont fiers d’annoncer que le Heron TP est à 143 nœuds, alors que le Reaper est à 240 nœuds. Cela signifie que ce matériel dont la plateforme et la motorisation n’auront pas été prévues pour la vitesse ne pourra pas faire l’inter-théâtre dont nous aurons besoin dans les années à venir.
Monsieur le ministre, nous souhaitons bien sûr engager une coopération franco-britannique. Mais les Britanniques ont le Reaper et travaillent sur le drone de troisième génération. Pourquoi pourraient-ils avoir une complémentarité et pas nous ?
Aujourd’hui, compte tenu des performances du Reaper, de son endurance, de son tirage à des centaines d’exemplaires, du fait qu’il est armé et non pas armable, qu’il est, de plus, totalement interopérable et que nos alliés, américains ou européens, en disposent, il s’agit, me semble-t-il, d’une piste indispensable à ouvrir non seulement dans le travail en commun, de proposition et de préparation d’un drone moyenne altitude longue endurance de troisième génération, ou drone MALE, mais aussi dans le maintien en condition opérationnelle, ou MCO.
Monsieur le ministre, je vous comprends d’autant moins qu’il ne s’agit pas de s’équiper d’un drone transitoire qui dure ; il s’agit de se doter d’un équipement qui réponde aux besoins opérationnels de nos forces pendant les six prochaines années. Au-delà, la réponse n’est pas le Reaper ; c’est le drone de troisième génération sur lequel nous aurons travaillé avec les Britanniques, même si j’en doute.
Je rappelle que 55 % du chiffre d’affaires de BAE Systems, le partenaire de Dassault, est réalisé avec les États-Unis. Les Britanniques ont toujours dit qu’au moment de choisir ils mettraient en concurrence tous les produits existants sur étagère et chercheraient le produit le plus performant et le moins cher. Je connais par avance le résultat de leur choix en 2020 !
Par conséquent, nous nous égarons et, pendant les six ans qui viennent, nous aurons un engin dépassé, prétendument en réseau ! Pardonnez-moi, mais, alors que nous connaissons les faiblesses du Sperwer, actuellement opérationnel dans nos forces, on préparerait le successeur, qui n’est pas forcément celui auquel nous avions pensé ? En effet, on commence à parler d’un rapprochement avec les Britanniques sur le Watchkeeper.
Par conséquent, le réseau dont vous nous parlez n’existe pas encore ! Peut-être vaudrait-il mieux investir a minima sur une période de sept ans et, comme nous le suggérons dans cet amendement, reverser les 80 millions d’euros économisés – ce n’est pas rien ! – au bureau d’études de Dassault, afin de lui permettre d’acquérir les compétences et de travailler sur un programme d’un drone de troisième génération avec la liaison de données et les fonctions d’interopérabilité, que vous évoquiez, et d’évolution.
Enfin, au niveau satellitaire, nous avons constaté que Zodiac avait bien réussi avec la liaison SATCOM qui équipe le Harfang. Pourquoi recommencer avec Thales, que j’apprécie par ailleurs, ce que Zodiac a déjà fait avec EADS ? Pourquoi dépenser deux fois et perdre à nouveau trois années pour arriver au même résultat ?
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je voterai sans la moindre hésitation cet amendement, qui sauvegarde les intérêts français, qui permet de doter nos armées d’un drone efficace et opérationnel dans les années qui viennent, et qui permet de consacrer 29 millions d'euros à la prolongation du contrat de maintenance du Harfang avec EADS. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre. Monsieur le sénateur et cher Jacques Gauthier, je crains que les mêmes raisons qui vous font aujourd’hui choisir le Reaper ne vous conduisent à choisir le Reaper de nouvelle génération en 2020. Cela signifie que vous renoncez, parce que ce drone, fabriqué à des centaines d’exemplaires, sera moins cher. Le F-16, également fabriqué à des milliers d’exemplaires,...
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mais on consacrera 80 millions d’euros à la recherche !
M. Gérard Longuet, ministre. ... est moins cher que le matériel français.
Dites alors très clairement, tranquillement, que vous demanderez aux États-Unis de nous procurer durablement un élément important du système de reconnaissance.
Votre raisonnement peut être appliqué à d’autres produits, jusqu’au jour où, voulant librement choisir nos conditions d’intervention dans une opération, nous constaterons que le matériel choisi ne nous permet pas cette totale liberté !
C’est votre choix, mais ce n’est pas le mien, car je considère au contraire que nous avons aujourd’hui une chance historique, celle de donner à cet élan consacré aux avions télécommandés à terre une base non seulement française pour une fois rassemblée, alors qu’au départ elle était insuffisante, mais aussi rapidement franco-anglaise !
Or, si vous choisissez le Reaper aujourd’hui, vous le choisirez forcément demain. Je ne vois pas pour quelles raisons il en serait autrement, puisqu’il n’y aura eu ni expérience de faite, ni démonstration d’une maîtrise et d’un savoir-faire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre, à ce stade de la discussion – elle est certes très intéressante, mais nous la conduisons depuis plusieurs mois déjà –, je suis tenté de vous dire que les arguments que vous venez de développer, même si je les respecte, n’en sont pas ! Comment voulez-vous que nous les recevions ?
Nous n’avons pas produit certains matériels pourtant utilisés par l’armée française – je pense, par exemple, aux AWACS, Airborne Warning and Control System, qui sont des matériels américains –, et cela ne nous a pas empêchés d’acheter des matériels français, tels que les avions Dassault ! Par conséquent, cet argument-là ne tient pas, d’autant que nous avons la volonté politique de consacrer une partie des crédits à la recherche, afin de produire le matériel dont nous avons besoin.
C’est donc l’inverse que nous sommes en train de vous expliquer ce soir ! C’est vous qui tentez de nous faire franchir la ligne d’abandon, d’une part, de notre souveraineté et, d’autre part, de la recherche au niveau national !
Non, l’esprit qui sous-tend cet amendement n’est pas celui que vous pensez. Bien que mes connaissances sur ce sujet soient moins pertinentes que celles de mes collègues, même si je débute ma thèse en l’espèce (Sourires.), j’ai compris que cet amendement était fondé sur l’idée que le choix que vous avez fait n’est pas le meilleur !
Si nous ne sommes pas persuadés que notre choix est extraordinaire, nous sommes en revanche sûrs qu’il est meilleur que le vôtre. Aussi nous conseillons-vous de nous suivre dans cette voie-là. Pour ce qui nous concerne, monsieur le ministre, nous voterons cet amendement, car nous sommes convaincus en notre âme et conscience qu’il correspond aux attentes de l’armée française. (M. Jacques Gautier applaudit.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien |
900 000 000 |
900 000 000 |
Désendettement de l’État |
0 |
0 |
Optimisation de l’usage du spectre hertzien |
900 000 000 |
900 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens en cet instant à remercier les sénateurs présents de leur assiduité, de leur engagement, de leur intérêt pour les choses de la défense. Même si le ministre n’a pas eu toutes les satisfactions qu’il espérait obtenir, un débat de qualité est ouvert.
Personnellement, ayant siégé pendant trente-trois ans au Parlement français, je suis très attaché à la vie parlementaire. J’y trouve là une raison d’espérer dans la solidité de notre démocratie. Et je vous convaincrai ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense » et du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 29 novembre 2011, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).
Examen des missions :
- Santé (+ articles 60, 60 bis et 60 ter)
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 25) ;
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome V).
- Action extérieure de l’État
MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 1) ;
MM. Jean Besson et René Beaumont, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (avis n° 108, tome I) ;
Mme Hélène Conway Mouret et M. Robert del Picchia, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (avis n° 108, tome II) ;
Mme Leila Aichi et M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (avis n° 108, tome III) ;
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome I)
- Ville et logement (+ articles 64 et 64 bis)
M. Jean Germain, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 31) ;
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome VIII) ;
MM. Thierry Repentin et Claude Dilain, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 111, tome VII).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 29 novembre 2011, à trois heures dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART