Mme Bernadette Bourzai. Elle a disparu !
M. Jean-Claude Requier. Le somptueux wagon-restaurant, lieu de rencontres et de convivialité, a été remplacé par un chariot sur lequel est proposée une nourriture standardisée, aseptisée et sans saveur. (Sourires.)
En matière ferroviaire donc, les concours de l’État stagnent, le montant des péages s’envole et la dette de RFF explose. Dans le même temps, RFF est lourdement mis à contribution : on lui demande de financer ses infrastructures ; la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires augmente de 75 millions d’euros à 115 millions d’euros entre 2011 et 2012 quand la taxe d’aménagement du territoire perçue sur les sociétés d’autoroutes reste, elle, stable à 35 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, envisagez-vous de transférer des ressources nouvelles au profit du financement du secteur ferroviaire ? À défaut, vous devrez nécessairement abandonner des projets.
Plus largement, la question qui se pose est bien celle du financement du SNIT. Des pistes sont-elles envisagées ou avez-vous déjà renoncé au financement de ce schéma, comme semble l’indiquer une lecture attentive des crédits de la mission ?
Avant de conclure mon propos, qu’il me soit permis d’évoquer un sujet d’actualité qui inquiète les campagnes et le monde de la ruralité auquel j’appartiens, et qui n’est pas sans lien avec l’examen des crédits de la mission ni avec la thématique énergétique qui nous préoccupe aujourd’hui. Je veux parler des menaces qui pèsent sur la pérennité du FACE, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification.
Le FACE a été créé en 1936 pour électrifier les campagnes. Financé par des contributions des gestionnaires de réseau de distribution – cinq fois supérieures dans les zones urbaines que dans les zones rurales –, c’est un excellent et indispensable outil de péréquation et d’aménagement du territoire. En 2010, les 356 millions d’euros des crédits du FACE ont permis plus de 500 millions d’euros de travaux de renforcement et de dissimulation.
Cependant, le FACE est aujourd’hui menacé et soumis à des attaques. Les pouvoirs publics ont opportunément découvert que le mode de fonctionnement actuel, bien que n’ayant jamais fait l’objet d’une quelconque remarque de la Cour des comptes, n’était pas conforme aux règles de la comptabilité publique, et qu’il fallait par conséquent le modifier.
Aussi le Gouvernement propose-t-il de transformer le FACE en CAS, compte d’affectation spéciale, et l’a introduit dans un article du projet de loi de finances rectificative actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale et qui doit donc venir prochainement devant notre Haute Assemblée.
M. Jacky Le Menn. On l’attend !
M. Jean-Claude Requier. Tout cela inquiète fortement le monde de l’électrification rurale. En effet, le CAS en question ne donne pas de garantie absolue sur la sécurisation et la pérennisation des crédits ; le conseil du FACE continuera à proposer des affectations mais le Gouvernement mettra la main sur la caisse !
M. Jean-Claude Requier. En cas de besoin…
Rappelez-vous, mes chers collègues, ce qu’il est advenu du FNDAE (M. Michel Teston opine.), le Fonds national pour le développement des adductions d’eau, qui a vu les crédits d’adduction d’eau se perdre dans les sables des finances de l’État, et plus récemment encore du « contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dont les crédits ont été ponctionnés de 32,6 millions d’euros par le programme de désendettement de l’État, au détriment des aides aux collectivités territoriales.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de modification du statut du FACE interpelle fortement le monde de l’électrification rurale. C’est donc par les fils aériens et souterrains que l’inquiétude gagne les campagnes car, du FACE, dépendent des travaux pour les entreprises, des emplois non délocalisables et une conception historique de la péréquation et de l’aménagement du territoire.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la majorité des membres du RDSE et l’ensemble des sénateurs radicaux de gauche ne se retrouvent pas dans l’essentiel des choix budgétaires contenus dans la mission « Écologie, développement et aménagement durables », et ils n’en approuveront donc pas les crédits. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est évidemment pas aisé pour moi de faire un discours sur les crédits du ministère de l’écologie compte tenu de mes anciennes responsabilités. Mais le sujet me tient à cœur et je crois que, quoi qu’en disent certains, le Grenelle doit rester notre feuille de route…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. On n’en prend pas le chemin !
Mme Chantal Jouanno. … au moins jusqu’en 2020.
Deux sujets, très souvent méprisés, me tiennent à cœur dans ce budget : les risques – y compris la santé environnementale – et la biodiversité. Je constate que ce sont les deux grands gagnants de ce budget.
C’est une très grande satisfaction de constater que la Stratégie nationale pour la biodiversité annoncée en juin dernier par Mme la ministre de l’écologie trouve enfin ses financements.
C’est une grande satisfaction de constater que le parc national des Calanques devrait être finalisé l’année prochaine.
C’est aussi une grande satisfaction de constater que la trame verte et la trame bleue se concrétisent, qu’elles avancent sur le terrain et, surtout, qu’elles font leur chemin dans les esprits.
J’ai entendu dire tout à l’heure que cela n’allait pas assez vite. Personnellement, je tiens à rendre hommage au remarquable travail accompli sur ce sujet par Paul Raoult, qui justement s’est efforcé de lever tous les blocages qui entravaient le développement de la trame verte et de la trame bleue.
Je connais les traditionnelles critiques qui sont émises sur la réglementation, le coût de la biodiversité. Je veux simplement rappeler à ceux qui les formulent que la biodiversité est le socle de toute richesse, que ce soit pour l’alimentation en eau, pour l’agriculture ou encore pour la pharmacopée.
Nous avons pris des engagements à Nagoya, probablement l’un des sommets les plus importants après celui de Copenhague (Mme Laurence Rossignol s’exclame.) ; nous devons les respecter. J’aimerais d’ailleurs savoir, monsieur le secrétaire d'État, où en est la mise en œuvre de Nagoya.
À cet égard, je ne peux que souhaiter que le fonds pour la biodiversité, un fonds qui permettrait d’accélérer les projets sur le terrain, voie le jour. Je souligne que j’ai déjà eu l’occasion, dans cet hémicycle, de voter l’amendement visant à accroître la TVA sur les produits phytosanitaires, ce qui pourrait utilement permettre d’alimenter ce fonds.
Le second sujet que j’aborderai est celui des risques, sujet que, malheureusement, nous redécouvrons régulièrement en percevant notre vulnérabilité face aux catastrophes naturelles ou industrielles.
Je sais que la mise en place des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, a pris du temps. Toutefois, 90 % de ces PPRT seront prescrits d’ici à la fin de l’année. Depuis 2007, aucun ministre n’a fléchi sur ce sujet, même si c’était parfois très difficile.
J’éprouve une satisfaction toute particulière concernant la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la table ronde sur les risques industriels. Je suis très contente en effet que Nathalie Kosciusko-Morizet ait obtenu ce que je n’ai jamais réussi à obtenir : le financement tripartite des PPRT, car je crois, comme vous, que ce sera un moyen de débloquer les situations sur le terrain, ainsi que le relèvement du plafond sur le crédit d’impôt.
Toujours au chapitre des risques, j’en viens à la question de la santé environnementale.
Nous avons constaté dans ce budget que le deuxième Plan national santé-environnement avançait ; nous en avons tellement adopté qui n’ont jamais vu le jour…
Je vous invite tout particulièrement, chers collègues, à suivre les travaux sur la cohorte Elfe, ou étude longitudinale française depuis l’enfance, qui nous permettra de mieux appréhender l’effet des pollutions diffuses sur la santé de nos enfants.
Je vous invite aussi à suivre avec attention les amendements qui permettront d’augmenter les crédits consacrés à la recherche sur les radiofréquences.
J’aimerais que nous puissions disposer d’un bilan sur l’application du plan Ecophyto 2018, car nous avons entendu sur ce sujet tout et son contraire. Je sais que le ministère de l’écologie n’est pas nécessairement le ministère pilote en ce domaine, mais il serait vraiment très utile de disposer d’un bilan très clair par rapport à la feuille de route que nous nous étions fixée sur Ecophyto 2018.
Je ferai une autre requête concernant le rattachement clair à un seul ministère de l’ensemble des crédits consacrés à la santé environnementale. J’ai connu cette difficulté lorsque j’étais secrétaire d'État chargée de l’écologie. Les crédits consacrés à la santé environnementale sont aujourd'hui très éclatés entre différents ministères et il faudrait qu’ils soient clairement rattachés à un ministère pilote.
Enfin, un point d’inquiétude concerne l’ADEME. On ne se refait pas ! (M. le secrétaire d'État sourit.)
L’ADEME est l’opérateur clé du Grenelle et elle reste précurseur en termes d’idées. Elle est d’ailleurs au cœur de la table ronde sur l’efficacité énergétique.
J’aimerais avoir de nouveau des assurances sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Nous avons renforcé l’ADEME pour qu’elle puisse mettre en œuvre le Grenelle. Il ne faudrait pas faire machine arrière sur les engagements qui ont été pris au sein de l’ADEME, car cet établissement a beaucoup trop souffert des fluctuations en matière de politique et en termes de moyens supplémentaires. C’est dit !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Et bien dit !
Mme Chantal Jouanno. Pour conclure, je sais qu’il y aura au cours de ce débat – on les a du reste déjà entendus – les éternels discours selon lesquels « on n’en fait pas assez », « il faut abandonner le nucléaire » – je souligne que ce n’était d'ailleurs pas un engagement du Grenelle – ou encore « nous avons renoncé ».
C’est vrai, tout n’est pas parfait. Nous aurions aimé que l’éolien soit plus consensuel, que l’on puisse aller plus loin dans le développement de l’énergie solaire, par exemple, ou que les modèles de consommation évoluent beaucoup plus rapidement. Malheureusement, les publicités actuelles ne me rendent pas très optimiste sur ce point.
J’aurais aimé que la gauche ne fasse pas de recours sur la contribution carbone.
Mais, depuis quatre ans, quoi que vous en disiez, l’écologie progresse sur le terrain,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Lentement !
M. Bruno Sido. Mais sûrement !
Mme Chantal Jouanno. … qu’il s’agisse du solaire, de l’éolien, de la biomasse, des véhicules électriques, de la rénovation des bâtiments ou encore des énergies marines.
Mme Laurence Rossignol. Grâce aux collectivités locales !
Mme Chantal Jouanno. Et vous pouvez lancer des slogans, toujours un peu les mêmes, moi, je vous renvoie à la réalité des chiffres et je vous invite aussi à écouter les associations, qui, toutes, nous disent que, certes, elles auraient aimé que les progrès soient plus importants, mais qu’un pas a tout de même été franchi.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Regardez les chiffres qui figurent dans le rapport ! (M. Roland Courteau brandit le document.)
Mme Chantal Jouanno. C’est pourquoi je vous demande de ne pas sacrifier sur l’autel des querelles politiciennes qui vont tous nous agiter à l’approche de l’élection présidentielle ce qui a été fait, et de ne pas l’instrumentaliser outre mesure.
Monsieur le secrétaire d'État, même si vous auriez aimé avoir plus de marges budgétaires, vous avez tout notre soutien pour défendre votre budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Demande d'un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 5312–6 du code du travail, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de solliciter l’avis de la commission compétente en matière d’emploi sur le projet de désignation de M. Jean Bassères aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires sociales.
Acte est donné de cette communication.
5
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 25 novembre, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011–198 QPC et 2011–199 QPC).
Acte est donné de ces communications.
6
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte de concours financiers : Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres (ligne supprimée)
Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres (ligne nouvelle)
(suite)
M. le président. Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », la parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le besoin de mobilité est un bouleversement sociétal largement partagé sur le territoire. Sociétal en effet, en particulier dans le milieu rural, puisque l’évolution des modes de vie et l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail conduisent à des attentes qui ne sont plus l’apanage des seules agglomérations. Le besoin de transports en commun se fait de plus en plus pressant dans les petites villes-centres. Celles-ci réfléchissent aujourd’hui à des solutions qu’elles n’auraient pas imaginées il y a dix ans.
À l’évidence, le projet de budget pour 2012 ne répond pas à ces préoccupations, qui intéressent plusieurs millions de Français. C’est regrettable, monsieur le secrétaire d'État, car si le Gouvernement était attentif, il aurait engagé une vaste réforme, mobilisant les autorités organisatrices de transports, afin d’engager un programme au long cours, avec – cela va de soi – les moyens nécessaires.
Pour le coup, nous aurions eu une véritable réforme. Investir dans la mobilité participe à l’équilibre entre le rural et l’urbain. À côté des grands projets en site propre, des transports express régionaux, les TER, il y a urgence à mailler le territoire. J’entends par là qu’il faut enclencher des programmes de rabattement vers les gares TER et vers les points d’arrêts des cars départementaux et redéfinir l’accès des agglomérations par la remise en état des étoiles ferroviaires et, bien sûr, le tram-train. Cette mutation est essentielle à plus d’un titre pour le désenclavement, pour l’économie et pour la qualité de vie.
L’amendement de la commission des finances qui vise à satisfaire, hors périmètre de transports urbains, PTU, des besoins nouveaux de déplacement en utilisant le versement transport va dans le bon sens. Cette mesure permettra de bonifier les projets des régions. Demain, il faudra bonifier, dans les mêmes conditions, ceux des petites villes-centres, pour leur permettre d’exercer de nouvelles compétences décisives pour l’usage des transports en commun.
Dans une autre vie, j’ai présidé le Conseil supérieur du service public ferroviaire. Il a malheureusement été supprimé par votre majorité, monsieur le secrétaire d'État, ce que je déplore. Il jouait un rôle décisif et actif en ce qui concerne les grands enjeux du ferroviaire français. À l’époque, je considérais comme une erreur aux lourdes conséquences la séparation institutionnelle entre la gestion de l’infrastructure et des services ferroviaires, décidée par la loi du 13 février 1997. J’ose rappeler que les directives européennes n’imposent toujours qu’une séparation comptable renforcée.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Jean-Jacques Filleul. La création de Réseau ferré de France, RFF, devait alors contribuer à désendetter la SNCF. Certains zélateurs de cet éclatement avaient sans doute l’idée que cela puisse permettre d’aboutir, à terme, à une privatisation.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Certainement !
M. Jean-Jacques Filleul. Nos critiques de l’époque se vérifient, hélas ! aujourd’hui. Créer deux entités qui défendent des intérêts opposés ne peut qu’aboutir à un affaiblissement de la qualité et de la sécurité. Cela engendre par ailleurs des doublons, des surcoûts stupides et des suspicions réciproques.
L’une freine l’évolution de l’autre, et les besoins financiers de RFF sont tels que les péages siphonnent l’excédent d’exploitation de la SNCF. Ceux-ci, multipliés par 3,5 depuis 1997, mettent en cause aujourd'hui jusqu’au TGV. J’avais proposé, dès 2001, dans mon rapport à l’Assemblée nationale, la création d’une holding qui chapeauterait les deux entités par une direction commune du service public ferroviaire, avec des objectifs d’entreprise publique, le même discours, le retour à un système ferroviaire intégré.
Aujourd’hui, le malaise est profond, et nous découvrons que la direction de la SNCF est nostalgique de cette solution, qui a, d'ailleurs, été adoptée par notre voisin allemand. Grand bien lui fasse ! Aujourd’hui, la Deutsche Bahn est le premier opérateur au monde.
Mme Mireille Schurch et M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Voilà !
M. Jean-Jacques Filleul. Je n’aurai pas le temps d’aborder la question du fret et de sa chute constante, mais j’observe tout de même que l’ouverture à la concurrence n’a pas contribué à le revitaliser. De plan fret en plan fret, la part du fret ferroviaire dans le total des marchandises transportées est passée de 17 %, il y a dix ans, à 8 % ou 9 % aujourd'hui.
Mme Mireille Schurch. Et voilà !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vraiment triste !
M. Jean-Jacques Filleul. Le cadencement des trains, en soi, est un bon projet.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il faut le reconnaître !
M. Jean-Jacques Filleul. Mais sa généralisation interpelle. Pourquoi cette précipitation ? Elle inquiète les agents de la SNCF, les passagers et les élus. Sans doute RFF a-t-il comme point de mire la privatisation de sillons, voire l’industrialisation de la confection des horaires, pour supprimer de nombreux postes très qualifiés d’horairistes, au prix d’une fragilisation supplémentaire.
Mme Mireille Schurch. Eh oui !
M. Jean-Jacques Filleul. Aujourd'hui, le mécontentement est grand. Des comités d’usagers se réunissent, pétitionnent, s’inquiètent, car dix minutes de plus ou de moins, cela a parfois des conséquences plus importantes que ce que pouvaient imaginer les technocrates.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Filleul. Ce sont sans doute les mêmes qui, à RFF et à la SNCF, ont pensé que l’on pouvait, en un seul mouvement, changer 70 % des horaires de train en décembre prochain, c’est-à-dire réaliser en quelques mois ce que les chemins de fer suisses ont mis quinze ans à mettre en place, moyennant de gros investissements.
Mme Mireille Schurch. Voilà !
M. Jean-Jacques Filleul. Il ne faut pas se voiler la face : les dysfonctionnements seront plus nombreux que la centaine annoncée par Guillaume Pepy. Certains syndicats en évoquent plusieurs milliers sur l’ensemble du réseau, ce qui, d’ailleurs, justifie l’engagement, par la SNCF, d’une médiatrice.
Monsieur le secrétaire d’État, je terminerai mon propos de quelques minutes en évoquant un point positif. L’état du réseau ferroviaire est tellement déplorable et les besoins de régénération sont tant attendus qu’il fallait bouger. Le programme de rénovation arrive donc à point. Mais, s’il s’agit d’une étape appréciable, il en reste de nombreuses à franchir si l’on veut que le service public ferroviaire joue pleinement son rôle dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien ! Excellente intervention !
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera sur les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Le rapporteur pour avis de la commission de l’économie M. Roland Courteau en a déjà souligné les faiblesses : ce programme est en baisse, aussi bien en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement, et il manque de vision globale et à long terme.
Je souhaite aborder certains points relatifs aux questions énergétiques, en particulier au regard des priorités affichées du Grenelle de l’environnement, dont, quoi qu’en dise Mme Jouanno, les objectifs ne sont pas tenus.
J’évoquerai tout d’abord l’efficacité énergétique et le crédit d’impôt « développement durable », ou CIDD, qui bénéficie d’importantes dépenses fiscales rattachées, pour des dépenses d’équipement telles que l’isolation thermique, l’installation d’une chaudière à condensation, d’une pompe à chaleur ou de panneaux photovoltaïques ou encore pour la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique, toutes choses qui améliorent la vie quotidienne de nos concitoyens en allégeant leurs charges.
Les propositions du Gouvernement pour 2012 se traduisent par une diminution vertigineuse des moyens.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Oh oui !
Mme Bernadette Bourzai. Ils s’établiront en effet à 1,4 milliard d’euros, contre 2,625 milliards d’euros en 2010, soit 1,2 milliard d’euros de moins : le coup de rabot est devenu un coup de varlope !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. En effet, il ne reste pas grand-chose !
Mme Bernadette Bourzai. Et le Premier ministre a annoncé une nouvelle diminution – de 20 % – du taux du CIDD, dans le cadre du nouveau plan de rigueur.
Par ailleurs, l’article 43 du projet de loi de finances recentre le dispositif sur les rénovations importantes, qui apportent de meilleurs résultats en termes d’efficacité énergétique. Le taux sera bonifié en cas de réalisation de plusieurs travaux, et il pourra désormais être cumulé avec l’éco-prêt à taux zéro, sous conditions de ressources, ce qui est opportun. Mais, dans le même temps, le taux de TVA sur la rénovation des bâtiments passe de 5,5 % à 7 %…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Bernadette Bourzai. On peut s’interroger sur la logique de l’opération.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il n’y a pas beaucoup de logique !
Mme Bernadette Bourzai. Comprenne qui pourra !
Je rappelle que la France s’est donné pour objectif de réduire de 38 % la consommation énergétique des bâtiments d’ici à 2020. La réforme du CIDD va forcément avoir des conséquences sur les choix de rénovation des ménages, en particulier des plus modestes, alors qu’il est indispensable d’orienter ces choix dans le sens de l’amélioration de l’efficacité énergétique.
J’en viens au développement des sources d’énergies renouvelables, qui, lui aussi, est largement insuffisant.
Si la production de biocarburants s’est beaucoup développée depuis 2006, passant de 0,6 million à 2,7 millions de tonnes équivalent pétrole, il est légitime, dans le contexte de volatilité des cours des matières premières et de crise alimentaire, de s’interroger sur les conflits d’usage que ces biocarburants génèrent avec les productions alimentaires (M. Roland Courteau opine.) ainsi que sur la nécessité de réserver les terres agricoles en priorité à des usages alimentaires. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)
L’Europe et la France devraient même lancer un plan « protéines végétales pour l’alimentation animale », afin de limiter les importations et la dépendance européenne dans ce secteur.
Il importe maintenant de mettre l’accent sur la recherche et la recherche et développement en faveur des biocarburants de deuxième et de troisième génération,…
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Voilà !
Mme Bernadette Bourzai. ... qui doivent prendre le relais. Mais, là encore, les crédits reculent, et c’est regrettable.
S’agissant de l’électricité d’origine renouvelable, elle progresse, certes, mais nous sommes loin du saut quantitatif dont nous aurions besoin. L’hydraulique n’offrant que peu de marges de progression, c’est l’éolien qui devra fournir, d’ici à 2020, la majorité des capacités nouvelles d’électricité d’origine renouvelable. Or nous avançons à un rythme trop lent, avec une réglementation toujours plus lourde pour les porteurs de projets.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Exactement !
Mme Bernadette Bourzai. En ce qui concerne l’éolien en mer, on peut espérer que les appels d’offres permettront non seulement de remplir les objectifs du Grenelle de l’environnement, mais aussi de favoriser la création d’une véritable filière industrielle éolienne en France.
Je laisserai à mon collègue Jacques Chiron, sénateur de l’Isère, le soin d’évoquer la situation catastrophique de la production photovoltaïque, qui le concerne directement.
Pour ce qui est de la production d’électricité à partir de biomasse – forestière ou non –, le tarif d’achat de l’électricité et les appels d’offres avantagent les centrales de cogénération de plus de 5 mégawatts. Or cela ne correspond pas au besoin de faire croître cette filière au plus près des territoires, via de petites unités favorisant le développement local.
J’ajoute que les appels d'offres successifs de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, ont fortement perturbé le marché des produits forestiers et des produits connexes de scierie, le plus souvent en vain, car ils ne sont pas tous suivis de réalisation.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Bernadette Bourzai. Il est donc souhaitable que les tarifs d’achat favorisent les petites unités, et notamment les réseaux de collectivités locales, à partir de 1 mégawatt, avantage dont bénéficient, actuellement, les scieries.
Enfin, je veux parler de la production de chaleur, qui représente la moitié des objectifs du Grenelle de l’environnement en matière de développement des sources d’énergie renouvelable. L’objectif pour 2020 est d’atteindre les 19 millions de tonnes équivalent pétrole ; nous en sommes encore loin.
Certes, le fonds chaleur renouvelable a permis de favoriser en deux ans plus de 1 000 installations énergétiques. Les engagements de l’État ont été de 169 millions d’euros en 2009 et de 256 millions d’euros en 2011 ; selon les objectifs du Grenelle, ils devaient atteindre 500 millions d’euros en 2012 et 800 millions d’euros en 2020.
Or, le 9 novembre dernier, à l’occasion de son audition par notre commission, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a indiqué qu’il fallait s’attendre non pas à une augmentation des financements actuels, mais, au mieux, à leur maintien. Cela ne permettra pas de soutenir les nombreux projets locaux, ce qui est tout à fait dommageable.
Pour toutes ces raisons et parce que nous n’atteindrons pas les objectifs définis par la directive européenne 2020, traduite dans le Grenelle de l’environnement, nous voterons contre les crédits du programme 174. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)