M. Jean-Jacques Hyest. Vous deviez inscrire cette proposition de loi au nom de la commission, mais vous avez préféré la proposition de loi organique !
Mme Catherine Troendle. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest. En fait, vous instrumentalisez l’ordre du jour ! La plupart du temps, vous voulez détricoter toutes les lois qui ont été votées précédemment…
M. Alain Anziani. Nous voulons surtout respecter la Constitution !
M. Jean-Jacques Hyest. … pour tenter de faire croire que vous détenez seuls la vérité.
En fait, le débat de ce soir ne sera qu’un exercice de style politicien assez dérisoire : nous n’y participerons pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur Hyest, votre question préalable est une question dilatoire, vous le savez bien.
Pour ce qui est de la proposition de loi relative à la contrefaçon, je tiens à vous rassurer, mon cher collègue, nous pourrons l’introduire dans la proposition de loi Warsmann 4…
Je ne reviendrai pas sur le calendrier ni sur les cinq ans qui se sont écoulés. Durant cette période, monsieur le garde des sceaux, vous l’avez dit, mais sans en tirer les vraies conséquences, la « substantifique moelle » en quelque sorte, le Gouvernement a présenté cinq projets de loi organique destinés à rendre applicable la réforme constitutionnelle de 2008 – ne manque plus que celle qui a trait au référendum dit « d’initiative populaire ». Pourquoi ne pas avoir fait les choses dans l’ordre et permis d’abord l’application de la réforme constitutionnelle de 2007 ?
Cette réforme est intervenue dans une atmosphère de fin de règne, un règne « assiégé » par les procédures judiciaires. Le Président de la République de l’époque, avec, il faut bien le dire, la complicité active du président du Conseil constitutionnel et de quelques professeurs de droit, a fait voter une réforme qui n’a aucun sens.
L’article 67 de la Constitution, tout le monde l’a dit, notamment M. Collombat, est très critiquable en ce qu’il confond la personne du chef de l’État et la personne privée. Les procédures civiles, notamment en matière de droit de la famille, les procédures commerciales et administratives concernent évidemment la personne privée.
M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’a rien à voir avec le sujet !
M. Jean-Pierre Michel. Si des problèmes de garde d’enfant surviennent entre le chef de l’État et ses deux ex-épouses, cela ne concerne pas ses fonctions de chef de l’État. L’article 67 est, par conséquent, mauvais.
Quant à l’article 68, qui était une sorte de compensation, il serait inconstitutionnel s’il n’était dans la Constitution ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Car enfin, comment peut-on accepter, dans l’esprit de la Constitution de la Ve République, que la responsabilité politique – car il ne s’agit pas d’un jugement pénal – du Président de la République soit mise en cause par le Parlement constitué en Haute Cour, autrement dit, comme l’a fort justement souligné le doyen Gélard, par le Congrès ? Comment peut-on accepter que le Parlement, sur une question déterminée par un pourcentage de députés et de sénateurs, destitue le chef de l’État, mais que celui-ci puisse faire appel devant le peuple en se portant à nouveau candidat pour être élu au suffrage universel. Au reste, même s’il ne fait pas appel devant le peuple, il pourra, même après avoir été destitué, siéger au Conseil constitutionnel…
Cet article n’a donc aucun sens au regard de l’édifice constitutionnel !
Si l’actuel Président de la République n’avait pas l’intention de l’appliquer, il pouvait très facilement modifier l’article 68 en 2008. Il était parfaitement possible de réfléchir à un autre dispositif. Or il ne l’a pas fait ! On a préféré laisser le temps s’écouler, avant que, en toute fin de mandature, pressé d’agir par la commission des lois du Sénat et par vous-même, monsieur Hyest – il suffit de reprendre vos propos –,…
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne retire rien à ce que j’ai dit !
M. Jean-Pierre Michel. … le Gouvernement dépose dans la précipitation un projet de loi organique, qui méritera certainement d’être revu.
Votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, avait demandé que la présente proposition de loi soit renvoyée en commission et la majorité sénatoriale avait naturellement suivi le Gouvernement, ce qui est au demeurant tout à fait normal – j’ai souvent agi de même. Le texte a donc été renvoyé à la commission des lois. Au bout d’un an, elle a considéré qu’elle avait assez travaillé, assez attendu le projet de loi organique promis, et elle a décidé de présenter un texte, celui que nous examinons en cet instant et qui a d’ailleurs fait l’objet d’ajustements jusqu’à ce matin même.
Mais vous nous dites une fois de plus que le vote de ce texte n’est pas opportun parce que la commission des lois de l’Assemblée nationale va examiner demain le projet de loi organique du Gouvernement ! Au demeurant, nous ne savons pas quand ce projet de loi viendra en séance publique ! Je note d’ailleurs que M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui a fait une courte apparition dans l’hémicycle, est déjà parti. Je le regrette, car s’il était resté, je n’aurais pas manqué de lui demander quand il comptait l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est sans doute la raison pour laquelle il n’a pas souhaité s’attarder… Courage, fuyons ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Ce soir, il est de notre responsabilité de voter un texte qui, après son passage en commission, est devenu assez consensuel.
M. Jean Bizet. Pas tout à fait !
M. Jean-Pierre Michel. Ainsi, le Gouvernement pourra joindre les deux textes. À l’issue des deux lectures, la loi organique pourra être adoptée rapidement, afin d’être applicable au prochain chef de l’État, quel qu’il soit.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous nous opposons à la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Il va de soi, monsieur le président, que la commission souhaite le rejet de cette motion.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je formulerai brièvement deux remarques.
Je dirai d’abord à M. le garde des sceaux que le problème se pose effectivement depuis 1958. Cependant, jadis, c’était un problème juridique, certes excitant, mais purement théorique. C’est devenu un problème pratique à la fin des années 1990, quand les affaires de la mairie de Paris sont arrivées sur le devant de la scène. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Sophie Primas. Et Mitterrand ?
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème pratique s’est-il posé avant cette date ? Non !
M. Alain Fouché. Et comment cela se passait-il à l’époque du Président Mitterrand ?
M. Pierre-Yves Collombat. En outre, jusqu’à l’actuel chef de l’État, je n’ai pas connaissance que des Présidents de la République aient agi en justice dans des affaires privées. Ce n’est plus le cas, ainsi que je l’ai dit tout à l'heure en vous livrant un petit échantillonnage.
Ce n’est donc plus seulement un problème de droit que l’on peut laisser à l’analyse des spécialistes dans les rayons d’une bibliothèque : c’est devenu un véritable problème de morale publique. Nous sommes, par conséquent, obligés d’y apporter une réponse. (Mme Colette Giudicelli et plusieurs autres membres du groupe UMP s’exclament.)
Ensuite, trouvez-vous particulièrement satisfaisante la façon dont se déroulent – ou essayent de se dérouler – les procès intentés à l’ancien Président de la République, sur des faits qui remontent à loin ? La méthode adoptée vous paraît-elle bonne ? À mon sens, elle ne l’est pas !
La discussion de ce soir aura au moins le mérite, si nous parvenons à nous écouter, de poser le problème et de mettre en évidence que la solution votée par le Congrès en 2007 n’est pas bonne !
M. Christophe Béchu. Il n’est pas nécessaire de discuter une proposition de loi organique pour cela !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. Nous avons bien compris l’importance particulière que revêtait ce texte pour la nouvelle majorité sénatoriale. Il est heureux, cependant, que le scrutin public ordinaire soit de droit, car si nous devions procéder aujourd'hui à un vote à main levée, je crois que vous ne seriez plus majoritaires, chers collègues de gauche…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà une remarque qui fait vraiment avancer le débat !
Mme Catherine Troendle. Je m’interroge donc sur le manque de mobilisation dans vos rangs !
Cela étant dit, bien entendu, nous voterons pour la motion défendue par Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand on songe au nombre de fois où, dans le passé, la droite a dû recourir à des scrutins publics pour avoir la majorité !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5 rectifiée, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Je rappelle que la commission demande le rejet de cette motion, tandis que le Gouvernement en souhaite l’adoption.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP et de l’UCR quittent l’hémicycle.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
M. Alain Néri. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé…
Article 1er
Une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour doit être signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée.
Elle est motivée.
Un député ou un sénateur ne peut être signataire de plus d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour au cours du même mandat présidentiel.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
au moins un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle est déposée
par les mots :
un groupe politique de l’assemblée devant laquelle elle est déposée ou par un dixième des membres de celle-ci
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été repoussé en commission des lois, mais je tiens à le défendre malgré tout.
La Constitution reconnaissant explicitement les groupes politiques, il paraît logique de leur conférer le droit de déposer une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour. Je m’en suis expliquée lors de mon intervention dans la discussion générale.
En quoi le fait, pour un groupe politique parlementaire, d’engager une telle procédure relèverait-il ou risquerait-il de relever d’une manœuvre politicienne, alors que ce ne serait pas le cas dès lors que cette procédure serait engagée par une trentaine ou une cinquantaine de parlementaires, sans qu’il soit fait référence à leur appartenance à un groupe ? J’avoue que l’argumentation que l’on nous oppose ne me convainc absolument pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement et je tiens à exposer publiquement les raisons de cette position.
Nous n’avons évidemment aucune prévention à l’égard de la politique. Nous en faisons tous et nous sommes fiers d’en faire. L’acte politique est un acte citoyen et républicain. Il ne s’agit donc pas du tout de porter atteinte à la politique.
Nous sommes en revanche en désaccord avec le fait qu’un groupe politique puisse, en tant que tel, demander la saisine de la Haute Cour, car nous considérons que, si un parlementaire demande la saisine de la Haute Cour, c’est parce qu’il a l’intime conviction qu’il faut procéder à cet acte grave pour le bien de la République. Une telle démarche doit aller au-delà des clivages politiques existant au sein d’une assemblée.
Parmi les parlementaires qui demanderont la saisine, il pourra y avoir des représentants de groupes très divers, de la majorité ou de l’opposition. Il s’agit en effet d’une question morale lourde – les intérêts de la République sont en jeux –, celle de l’incapacité du chef de l’État à exercer ses fonctions en raison de ses manquements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
La Conférence des présidents de l’assemblée concernée se réunit dans un délai de six jours à compter du dépôt sur le bureau de celle-ci de la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour.
Si la proposition de résolution satisfait aux conditions de recevabilité, elle est inscrite de droit à l’ordre du jour de l’assemblée concernée dans un délai qui ne peut excéder quinze jours à compter du dépôt de cette proposition.
La proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l’autre assemblée. Elle est inscrite de droit à son ordre du jour, au plus tard le treizième jour suivant cette transmission. Le vote intervient de droit, au plus tard, le quinzième jour.
Le vote des assemblées sur la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour fait l’objet d’un scrutin public.
Le rejet de la proposition de résolution par l’une des deux assemblées met un terme à la procédure. – (Adopté.)
Article 3
Le président de l’Assemblée nationale préside la Haute Cour.
En cas de saisine de la Haute Cour, le bureau de celle-ci se réunit aussitôt. Il est composé de vingt-deux membres désignés, en leur sein et en nombre égal, par le bureau de l'Assemblée nationale et par celui du Sénat. Son président est celui de la Haute Cour.
Le bureau organise les conditions du débat et du vote, prend toute décision qu’il juge utile à l’application de l’article 68 de la Constitution.
Ses décisions s’appliquent de plein droit et ne sont susceptibles d’aucun recours. – (Adopté.)
Article 4
En cas de saisine de la Haute Cour, il est institué une commission, chargée de recueillir toute information nécessaire à l'accomplissement de sa mission par la Haute Cour. La commission comprend douze membres élus, selon la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement total ou partiel de ces assemblées. Elle élit parmi ses membres son président et désigne un rapporteur.
Elle dispose des mêmes prérogatives que celles reconnues aux commissions d’enquête. Le Président de la République peut être entendu soit à sa demande, soit à la demande de la commission. Dans les deux cas, il peut se faire assister d’un conseil de son choix.
Le rapporteur établit un rapport écrit qu’il soumet à la commission. Ce rapport est transmis à la Haute Cour après son approbation par la commission.
La commission dispose d’un délai de quinze jours à compter de l'adoption de la résolution pour mener à bien ses travaux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le président, trois amendements ont été déposés sur cet article et font l’objet d’une discussion commune. Je demande que, parmi ces amendements, l’amendement n° 6, qui émane de la commission, soit examiné par priorité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
Je suis donc saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1, deuxième phrase
1° Remplacer le mot :
douze
par le mot :
vingt
2° Après les mots :
plus fort reste
Insérer les mots :
, dans le respect du pluralisme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Si j’ai sollicité l’examen en priorité de l’amendement n° 6, qui a été élaboré ce matin en commission à l’issue d’une longue discussion, c’est parce qu’il prend en compte une partie des préoccupations à la fois de M. Collombat et de Mme Borvo, auteurs des deux autres amendements de cette discussion commune.
Mme Borvo souhaitait que les groupes politiques soient représentés au sein de la commission chargée de procéder à l’instruction de la demande de destitution. Nous avons proposé d’inscrire que la composition de la commission se ferait à parité entre l’Assemblée nationale et le Sénat « dans le respect du pluralisme des groupes ». Cette formule est tout à fait claire.
Afin d’atteindre cet objectif, eu égard au fait que nous examinerons bientôt la demande de réduire à dix le nombre de parlementaires nécessaires à la formation d’un groupe, il nous est apparu nécessaire d’augmenter le nombre de membres de la commission et de le porter de douze à vingt. On peut penser que ce nombre permettra, d’une part, le respect du pluralisme des groupes et, d’autre part, celui de la proportionnalité entre les groupes.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
La commission comprend vingt-deux membres. Chaque groupe politique des deux assemblées est représenté par au moins un siège. Les sièges restant sont répartis à la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes en leur sein en veillant au respect d’une représentation égale de l’Assemblée et du Sénat au sein de la commission.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai rien à ajouter, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 1, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
La commission comprend seize membres élus à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, en leur sein et en nombre égal par chaque assemblée après chaque renouvellement total ou partiel de ces assemblées. Lorsque la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat n’a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, les membres de la commission sont élus au troisième tour selon la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Bien sûr, j’apprécie la volonté de synthèse du président et rapporteur de la commission des lois.
Je souhaite néanmoins dire que, compte tenu de la mission de la Haute Cour, il est souhaitable que la composition de la commission soit aussi peu contestable que possible. À cet effet, cet amendement vise à prévoir, pour la désignation des membres de cette commission, un vote à la majorité qualifiée des deux tiers, susceptible de traduire un certain consensus.
Telle était d’ailleurs la conclusion à laquelle mes collègues et moi étions arrivés à l’issue d’une discussion sur des questions de déontologie et de conflits d’intérêts après que nous nous fussions demandé comment faire pour que ceux qui sont appelés à juger soient le plus possible objectifs, le moins possible partisans.
L’avis de Jean-Pierre Sueur sur l’amendement n° 3 de Mme Borvo allait d’ailleurs dans ce sens : le problème n’est pas d’ordre politique au sens banal du terme.
L’amendement n° 1 rectifié vise donc à rechercher, dans un premier temps, un quasi-consensus. Si cela n’est pas possible, il prévoit une élection à la proportionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, les amendements nos 4 et 1 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Les débats de la Haute Cour sont publics.
Seuls peuvent y prendre la parole le Président de la République et son conseil, le Gouvernement et les membres de la Haute Cour. Le Président de la République et son conseil peuvent reprendre la parole en dernier avant la clôture des débats.
Le vote sur la destitution intervient dans un délai d’un mois à compter de l’adoption par les deux assemblées de la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour.
La Haute Cour est dessaisie si elle n'a pas statué dans le délai d'un mois fixé au troisième alinéa de l'article 68 de la Constitution.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
La Haute Cour statue impérativement sur la destitution dans un délai d’un mois à compter de l’adoption par les deux assemblées de la proposition de résolution tendant à sa réunion.
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis très intrigué par le quatrième alinéa de l’article 4, qui prévoit que la Haute Cour est dessaisie si elle n’a pas statué dans le délai d’un mois fixé au troisième alinéa de l’article 68 de la Constitution.
La Haute Cour a une mission et tranche impérativement dans un délai d’un mois. Il n’est tout de même pas bien difficile de voter dans un sens ou dans un autre ! Je ne vois donc pas pourquoi elle serait dessaisie ! J’ai un peu de mal à comprendre le sens de cet article, mais peut-être son auteur va-t-il me l’expliquer…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Il faut tout de même imaginer quelle serait la situation de notre pays dans le cas où se poserait la question de savoir si le chef de l’État doit ou non être destitué… Il me semble que, dans l’intérêt de la République, un tel débat ne devrait pas s’éterniser. C’est pourquoi la Constitution a prévu un délai d’un mois.
Il n’y a pas contradiction, monsieur Collombat, entre l’obligation pour la Haute Cour de statuer, conformément à la Constitution, dans un délai d’un mois et la conséquence que prévoit le texte de la commission des lois en cas de dépassement de ce délai, à savoir le dessaisissement de la Haute Cour.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Lorsque Robert Badinter et moi-même avons déposé ce texte, j’en ai conçu une fierté en tant qu’élu, mais également une fierté démocratique.
En effet, même si je ne suis pas juriste, même si je ne suis pas constitutionnaliste, il m’était apparu, comme d’ailleurs à un certain nombre de parlementaires de droite, qu’il y avait un vide et qu’il convenait d’agir pour rétablir un équilibre dans notre Constitution.
Lorsque j’ai déposé cette proposition de loi organique, je l’ai fait sans esprit partisan – et je crois que, ce soir, tous ceux qui sont présents dans l’hémicycle sont dans les mêmes dispositions. Car cette proposition de loi n’a rien de politique au sens partisan du terme.
Ce soir, ce n’est pas une victoire d’un camp sur l’autre, de la gauche sur la droite. Ce n’est pas une victoire clanique. C’est une victoire de la démocratie, et elle est à l’honneur de la majorité sénatoriale.
Celle-ci a porté ce texte avec, je le crois, une volonté d’ouverture et de respect. Elle a considéré qu’il y avait là une chance de régler cette question avant la fin de la législature, afin que le prochain Président de la République, quel qu’il soit, puisse bénéficier d’un statut juridiquement solide, qui le protège tout en maintenant sa responsabilité.
Je suis également convaincu que cette proposition de loi organique aura servi d’accélérateur à la mise en application de l’article 68 de la Constitution, puisque le projet de loi organique déposé le 22 décembre 2010 à l’Assemblée nationale voit son examen enfin hâté, la commission des lois de l’Assemblée nationale étant appelé à l’examiner ce mercredi matin.
Je souhaite vivement, comme Jean-Pierre Sueur, que soit saisie l’occasion de discuter les deux textes, proposition de loi du Sénat et projet de loi, en même temps.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Bien sûr !
M. François Patriat. Ne pourrions-nous pas, dans un même élan démocratique,…
M. Jean-Pierre Michel. Et républicain !
M. François Patriat. … nous efforcer d’aboutir à un texte qui permettrait de clore ce dossier ? Ce serait à l’honneur de tous et nous aurions fait œuvre utile.
Le doyen Gélard se demandait tout à l’heure ce que nous faisions ici. Eh bien, nous faisons notre travail de parlementaires, et je crois que, ce soir, nous l’avons fait avec honneur et dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 177 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 89 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)